Points-clés
Appuyer le regroupement en association. Le Projet Pavage propose un soutien aux tailleurs de pavés pour la création et l’organisation en association. Ils ne travaillent plus de manière isolée, améliorent leur reconnaissance et leur efficacité.
Renforcer les capacités en gestion administrative et financière. Un renforcement de capacité en gestion administrative et financière est proposé aux tailleurs de pavés pour permettre une professionnalisation de la filière. La régularité des paiements et des livraisons permet aux associations de tailleurs de pavés de développer de nouveaux partenariats.
Vers la taille de pavés de qualité. Les tailleurs de pavés sont encouragés à fournir un produit de qualité. Une compensation financière est attribuée selon la qualité des pavés fournis. Ces mesures de « contrôle qualité » ont amené les associations à fournir des produits de meilleur qualité améliorant du même coup les routes construites.
Améliorer la gestion environnementale des sites. Les tailleurs de pavés exploitent les carrières tout en améliorant les conditions d’hygiène, de sécurité et de travail en général. L’aménagement des carrières permet de limiter les risques d’accident et favorise une gestion durable des sites. Il a aussi permis de développer l’activité de valorisation des déchets de taille pour en extraire du gravier concassé.
La reconnaissance légale des associations. Les associations doivent avoir préalablement des autorisations du Ministère de l’Energie et des Mines et du Ministère de l’Environnement avant l’exploitation en fonction des considérations légales sur les mines, les carrières et l’environnement. Reconnues par les communes, les associations payent des taxes locales et sont mieux acceptées par les riverains.
2. 2
Je suis tailleur de pavés depuis l’an 2000. Je vendais moi-même les pavés taillés à une
entreprise privée qui nous traitait de façon individualisée, nous étions éparpillés dans
des carrières en trous sur les collines. L’exploitation en profondeur rendait difficile
la poursuite de la roche. Nous étions presque des nomades à la recherche des roches
plus superficielles. Les pavés étaient mal ou pas payés. Avec le Projet Pavage, nous
avons commencé à nous organiser en associations et à être mieux et régulièrement
payés, ce qui nous permet de demander des prêts et faire nos projets.
Les formations que j’ai suivies sont très intéressantes, notamment la technique
d’exploitation des carrières et l’organisation administrative et financière. Ceci a
augmenté la production journalière de pavés. J’ai pu diversifier les activités car
j’ai investi aussi dans l’agriculture. Mes conditions de vie se sont ainsi améliorées.
Sur carrière, nous avons des toilettes pour assurer l’hygiène et des médicaments
pour blessés, chose jamais vue. Autour de notre carrière, des activités commerciales
prospèrent, il y a des boutiques et des restaurants. Le jour de paye des pavés,
de petits marchés spontanés se créent.
Elias
42 ans, marié et père de trois enfants, membre de l’association depuis 2010
Professionnalisation de la filière des pavés au Burundi
Une filière à organiser
Les provinces de Bujumbura rural et Bubanza où se situent
les carrières, ont été marquées par les années de crise. Ayant
vécu les affrontements, les habitants de cette région étaient
méfiants des ex-combattants, des démobilisés et des dépla-
cés internes qui ont regagnés la zone. Le climat social et éco-
nomique était difficile.
Au début, les entreprises en charge du pavage de la ville de
Bujumbura ne s’attendaient pas à ce que les tailleurs de pa-
vés s’organisent en associations. Selon les témoignages des
tailleurs de pavés eux-mêmes, ils travaillaient de manière iso-
lée, ce qui empêchait toute forme de suivi de la production, de
l’activité environnementale, des livraisons, des paiements et
de la légalisation sur les exploitations. Cette situation déclen-
chait régulièrement des conflits entre tailleurs de pavés.
De plus, les accidents étaient fréquents. Les tailleurs de pavés
pouvaient perdre la vue à cause des éclats de roche ou se
retrouver emporté par des éboulements dans des carrières
mal exploitées. Aucune attention n’était apportée à la gestion
environnementale des carrières puisque chaque tailleur de
pavés travaillait de manière autonome.
La filière des pavés faisait face à trois défis principaux :
Améliorer la gestion technique et environnementale des car-
rières de pavés ; Renforcer les capacités de gestion organisa-
tionnelle et financière des associations de tailleurs de pavés ;
Faciliter la diffusion et appuyer l’application de la légalisation
sur les carrières de pavés1
.
Face à ces enjeux, il s’agissait d’élaborer une stratégie d’inter-
vention pour professionnaliser la filière des pavés. Ce projet
avait pour but de produire des pavés de qualité, mais il visait
aussi à fournir aux tailleurs de pavés un environnement stable et
respectueux des textes législatifs et réglementaires relatifs aux
exploitations minières et aux carrières en vigueur au Burundi2
.
Qui exploitent les carrières ?
Les carrières de pavés se situent dans les communes d’Isale, de
Mubimbi, Kabezi et Rugazi, dans un rayon de 20 kilomètres autour
de la ville de Bujumbura. A ce jour, prêt de 500 tailleurs (2014)
“
”
1 | Soit des exploitations gérées en conformité avec la loi en vigueur
sur les mines et carrières au Burundi.
2 | Ordonnance ministérielle N°760/540/770/1757 du 26 décembre 2013,
fixant la contribution annuelle pour la réhabilitation des sites d’exploitations
artisanales des substances minérales. Graphique 1 : Niveau d'éducation des tailleurs de pavés.
Cycle primaire : 71 %
Cycle secondaire : 3 %
Sachant lire hors système
scolaire : 13 %
Illetrés : 13 %
3. Graphique 2 : La composition des associations.
3
de pavés sont appuyé par le Projet Pavage et plus d'une centaine
de femmes sont chargées de transporter les pavés des carrières
vers les lieux de chargement. Elles s’occupent aussi des aména-
gements liés à la sécurité et à l’accessibilité dans les carrières.
Les personnes qui travaillent dans ces carrières ont un niveau
faible d’éducation. Certains sont d’anciens combattants. Pour
beaucoup, la taille de pavés est complétée par une autre activité
comme l’agriculture, l’élevage ou le commerce.
Renforcement des capacités des associations
de tailleurs de pavés
Afin de les sensibiliser à l’intérêt de s’organiser en associa-
tions, des réunions avec les tailleurs de pavés éparpillés dans
différentes régions ont donc été lancées. Puis des statuts
agréés au niveau des autorités compétentes du pays ont été
préparés pour donner naissance aux associations de tailleurs
de pavés. Quinze associations ont noué un partenariat avec
le projet, avec pour conditions préalables d’avoir été recon-
nues par les autorités compétentes et de faire preuve d’un
bon fonctionnement.
Constatant le manque de savoir-faire des tailleurs de pavés
dans l’exploitation des carrières et la mauvaise gestion admi-
nistrative et financière des associations, le Projet Pavage a
apporté un appui dans ces domaines, au moyen de forma-
tions et d’un encadrement sur le terrain. De plus, malgré les
vérifications administratives préconisées pour l’exploitation
des carrières et la constitution en association, des carrières
étaient encore exploitées illégalement. Pour inciter les tailleurs
de pavés à se constituer en association, le Projet Pavage tra-
vaille avec aucun tailleur de pavés individuel mais uniquement
avec des associations regroupant ces trailleurs.
La composition des associations
Pour garantir la professionnalisation des exploitations, les
associations doivent absolument se doter d’un responsable
permanent, spécialisé en techniques d’exploitation des car-
rières. Un chargé du suivi administratif et financier surveille la
production, le respect des statuts, la gestion des salaires et
des comptes, etc. Cela empêche les vols et prévient certains
conflits. A chaque carrière correspond une association.
Je suis content d’avoir été formé et intégré par mes voisins dans la taille des pavés
dès mon retour dans la communauté. Grâce au travail de taille des pavés, je suis
à l’aise car je parviens à prendre en charge ma famille. […] Mes conditions de vie
sont de loin meilleures que celles de mes anciens amis de lutte qui ont abandonné
la taille des pavés et qui sont en train de déambuler dans les rues de la capitale. […]
Je nourris facilement ma famille, je paie le matériel, les soins de santé et les frais
scolaires des enfants. Je suis maintenant un acteur de développement au même
titre que les autres et j’ai prouvé qu’un démobilisé n’est pas un danger pour
la communauté.
Thérence
35 ans, un démobilisé de l’ancien mouvement rebelle du Front National de Libération
“
”
Président
Encadreur permanent de carrières
Tailleur de pavé Tailleur de pavéTailleur de pavé Tailleur de pavé
porteur porteur porteur porteurporteur porteur porteur porteurporteur porteur porteur porteur
Représente la structure à l’extérieur
(recherche de marchés, convoi, lien avec
le Projet pavage, …)
Chargé du suivi administratif
(salaires, commandes…)
6. 6
Professionnalisation de la filière des pavés au Burundi
Formation en gestion administrative
et financière
L’objectif de la formation en gestion administrative et finan-
cière était de renforcer le fonctionnement interne des asso-
ciations, et en particulier d’en améliorer le leadership. Comme
les associations disposaient déjà des textes réglementaires
(statuts et règlement d’ordre intérieur), la formation visait à ex-
pliquer le bien-fondé de leur application et les responsabilités
correspondantes. Le comité exécutif de chaque association a
aussi reçu une formation en encodage des opérations, en pro-
cédures de concertation et en rédaction de procès-verbaux,
ainsi qu’en notions élémentaires de comptabilité et d’outils de
gestion interne (journal, carnets de reçus, registres de stocks,
fiches de présence et de production journalière, listes de sa-
laires, facturiers, etc.).
Auparavant, les présidents d’associations avaient tendance à
emporter tous les documents et décidaient de tout. Mainte-
nant, les associations ont ouvert des bureaux à proximité des
sites d’exploitation. Il y a donc un endroit où tout est coor-
donné et archivé par un agent permanent, qui est payé sur
le revenu de l’association (10 FBU par pavé vendu). Grâce à
ces nouveaux bureaux, les informations circulent désormais
mieux entre le Projet Pavage, les tailleurs de pavés et leur pré-
sident, qui est souvent en déplacement (réunions au bureau
du Projet Pavage, convoi des pavés, recherche des fonds et
divers marchés).
Des évaluations en gestion administrative et financière et
en techniques d’exploitation des carrières menées par le
Projet Pavage assisté de consultants professionnels dans
le domaine ont montré que les associations ont considéra-
blement amélioré leur système de gestion. En conséquence,
d’autres acteurs du développement ont effectué des dé-
marches pour entrer en partenariat avec certaines de ces
associations.
Points forts et points faibles des associations
des tailleurs de pavés
Grâce à ce savoir-faire, les associations ont pu tripler leur produc-
tion. Elles produisent et livrent désormais plus de 130 000 pavés
par mois. Quant aux accidents, il n’y en a pratiquement plus.
Les associations sont maintenant capables de rédiger des
rapports et des comptes rendus. Ceci a permis aux tailleurs
de pavés de disposer d’archives et d’informations à jour.
D’autres partenariats sont désormais envisagés. D’un point
de vue financier, les associations sont devenues des clients
incontournables des institutions bancaires de Bujumbura.
C’est la régularité des livraisons et des paiements et la bonne
gestion qui ont créé ce rapport de confiance.
Cela dit, les associations ont encore des points faibles. Il faut
par exemple noter leur manque de confiance en elles. Les
membres des comités ont encore souvent tendance à consul-
ter le personnel du Projet Pavage quand il s’agit de prendre
des décisions internes. De plus, les nouveaux adhérents qui
n’ont pas encore reçu de formation ignorent parfois les orien-
tations données par le président ou le personnel du Projet
Pavage, ce qui cause souvent la baisse des performances et
peut amener des conflits.
La formation administrative et financière
a été utile pour bien préciser sur chaque
ligne qui a produit combien et la
somme qui lui est due. Cela a amélioré
le leadership au sein de l’association
et a réduit les conflits d’intérêts.
Déo, 28 ans, tailleur de pavés et encadreur de
carrière à Kabezi (Province de Bujumbura)
“
”
4 | Les chiffres présentés dans le tableau proviennent du diagnostic de la structure des tailleurs de pavés réalisés en début de projet et des moyennes
calculées en fonction des rapports présentés par les associations.
Tableau 2 : Comparaison entre tailleurs privés et tailleurs organisés.
Tailleurs de pavés reliés
à un commissionnaire / acheteur
Tailleurs de pavés constitués
en association
Quantité moyenne
de pavés produit
(par mois, 22 jours
ouvrables) 4
Par carrière 40 000 pavés par commissionnaire 130 000 par associations
Par tailleur de pavés
440 pavés par tailleur soit 20 pavés par jours
en moyenne (avant l'arrivée du Projet)
990 pavés par tailleur soit 45 pavés par jour
en moyenne (2014)
Points positifs + Gestion autonome
+ Régularité des livraisons
+ Paiement réguliers des tailleurs de pavés
et de la main-d’œuvre
+ Nouveaux partenariats
+ Bonne gestion des carrières
(respect de l’environnement et réduction
des accidents)
+ Diminution des risques d’insécurité
liés aux vols
Points négatifs
- Problème de contrôle
- Problème de suivi environnemental
- Manque de régularité dans l’entrée
de revenus
- Difficultés à résoudre les problèmes
internes
- Baisses de la performance en cas
de problèmes internes
8. Perspectives d’avenir
Les ministères sectoriels en charge de l’environnement et des
carrières ont légiféré pour interdire l’exploitation peu écolo-
gique du gravier de rivières. L’utilisation des dérivés de la taille
des pavés à la place de ce gravier peut être valorisée et pour-
rait encourager la transformation des déchets de pavés par
les associations. Cette nouvelle activité peut être une nouvelle
source d’emplois en milieu rural, tout en améliorant la gestion
environnementale des carrières.
L’expérience du Projet Pavage montre que la professionna-
lisation de la filière des pavés est une nécessité qui permet
de diminuer les risques environnementaux et sociaux. La pré-
servation de l’environnement doit s’accompagner d’un cadre
légal et des moyens pour imposer ces mesures. Des études
préalables à l’exploitation sont nécessaires pour analyser et
définir les réserves à exploiter sur le long terme. L’analyse doit
porter sur les possibilités d’amortir et de réduire l’impact des
exploitations grâce à des techniques adaptées. La réduction
de l’impact écologique permettra de faciliter la réhabilitation
après la fermeture des carrières.
Du point de vue financier, l’activité de production de pavés a
pu gagner en crédibilité. En effet, la régularité des livraisons
des pavés par les associations et la régularité des paiements
des livraisons par le Projet Pavage ont montré la stabilité de
l’activité et le professionnalisme de la filière. Malgré la réti-
cence des institutions de microfinance au début du projet, ces
associations sont des clients privilégiés, qui méritent de béné-
ficier d’avances sur recettes.
Enfin, la filière des pavés est devenue pour les communautés
rurales une profession reconnue. C’est une source de revenus
et de fierté, un outil de développement et de renforcement de la
paix. Les populations du monde rural ont des talents qu’il faut
valoriser et renforcer. À voir la technicité de leur maîtrise des
déchets de taille et leur disponibilité à collaborer, il est clair que
les associations des tailleurs de pavés manquaient en 2009
d’un partenaire à même de les accompagner à moyen terme.
Le Projet Pavage vient concrétiser cela en introduisant des
techniques adaptées et en octroyant aux associations un
cadre légal et organisationnel à la production des pavés tout
en se souciant de la protection de l’écosystème immédiat des
carrières. Les perspectives de trouver de nouveaux parte-
naires sont importantes grâce à la professionnalisation de la
filière. Le développement d’un plan d’aménagement de rues
pavées à Bujumbura est une opportunité pour écouler leurs
stocks. Les associations de tailleurs de pavés sont capables
de répondre à ses nouveaux enjeux.
La CTB, l’agence belge de
développement, appuie et encadre
des programmes de développement
pour le compte de l’État belge
et d’autres donneurs d'ordre.
Ont participé et contribué
à cette publication
Chanoine Olivier,
Dubois Pierre-Yves,
Habonimana Yvonne,
Hocq Stéphanie,
Mateso Faustin,
Nibashikire Cariton,
Niyonizigiye Bonaventure,
Nkurunziza Fabrice.
Ont apporté un appui technique
et de relecture
Baltissen Gérard (KIT),
Rerolle Antoine.
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