Présentation de Louis-Philippe Côté Ph. D. (c), doctorat en psychologie, Université du Québec à Montréal (UQAM) et Carl Mörch Ph. D. (c), doctorat en psychologie, Université du Québec à Montréal (UQAM) réalisé au treizième institut d'été du CRISE lors de la journée thématique: représentations médiatique des gestes suicidaires.
Prévention du suicide en ligne et sur les réseaux sociaux, état des lieux et recommandations pratiques
1. Prévention du suicide en ligne et sur
les réseaux sociaux, état des lieux et
recommandations pratiques
Louis-Philippe Côté
Carl Mörch
Institut d’été du CRISE - 2017
2. Introduction
u La présence de contenu
suicidaire sur Internet fait
depuis longtemps l’objet de
grands débats
u Internet amplifie des
discussions autour des
défis de la représentation
du suicide dans les médias.
Ex. « 13 reasons why »
u La prévention du suicide en
ligne est devenu un sujet
incontournable pour tous
les acteurs publics et
numériques
4. Comme professionnels en prévention du suicide, nous
sommes face à une situation paradoxale
Internet contient à la fois de l’information, des sites « pro-
suicide » ou donnant de l’information de façon « neutre ».
Internet peut favoriser des comportements d’intimidation.
MAIS INTERNET OFFRE AUSSI
Des outils de santé publique, des supports de prévention
efficaces et/ou prometteur, des moyens d’obtenir du
soutien
Des défis immenses
5. En conséquence de quoi…
Il est parfois difficile de savoir quel support privilégier, où
placer ses efforts de façon prioritaire, où diriger les
ressources.
6. Pour aujourd’hui
Nous allons d’abord décrire le profil des
personnes à qui s’adressent les services de
prévention du suicide en ligne.
Nous allons ensuite voir différentes stratégies
prometteuses d’utilisation d’Internet pour
prévenir le suicide:
(Bazinet et col., 2014; OMS, 2014)
u Informer à propos du suicide
u Former les acteurs de la prévention du suicide
u Repérer les personnes suicidaires
u Offrir de l’aide
Nous finirons par présenter les pistes d’action
et d’amélioration pour la prévention du suicide.
7. Usage d’Internet et Suicide
u Plusieurs personnes suicidaires utilisent Internet pour
exprimer leurs idéations suicidaires sur des sites
Internet dédiés au suicide et sites généralistes
u Internet peut faciliter le passage à l’acte de
différentes façons, en permettant :
u D’accéder à des informations, discussions et avis sur les
méthodes de suicide les plus efficaces
u D’obtenir les méthodes de suicide
(ex. médicaments, armes,etc.)
u De former des pactes de suicide en ligne
u De diffuser son suicide en ligne (Birbal et al., 2009)
8. Usage d’Internet et Suicide
u Les individus qui utilisent Internet en lien avec leurs
idéations suicidaires ont :
(Aiba et al., 2011; Harris, 2009; Katsumata et al., 2008; Sueki, 2013)
u Des symptômes dépressifs plus sévères
u Plus d’idéations suicidaires et risque plus élevé de passage à
l’acte (Mars et al., 2015)
u Moins de soutien social perçu et moins de comportement de
recherche d’aide (Harris, 2009)
u Passent plus de temps en ligne, développent plus de relations
interpersonnelles en ligne et fréquentent davantage les forums
(Harris et al. 2016)
9. Usage d’Internet et Suicide
u Nous n’avons pas encore trouvé de
liens démontrés de causalité entre
l’utilisation d’Internet et la variation
des idéations suicidaires dans le temps
u Peut dépendre des sites fréquentés
u Individus suicidaires consultent
généralement à la fois des sites pro-
suicide et anti-suicide (Mars et al.,
2015)
11. Informer
Mais question importante : est-ce que ces stratégies de
sensibilisation en ligne (et de promotion de la santé) sont
efficaces ?
Une étude sur les comportements d’aide sur Facebook
auprès de 299 adolescents semble indiquer que oui
(Berger, 2014)
u Exposition à différents types de messages intégrés dans un
questionnaire
u Informations sur “ce qu’il faut faire” si on voit un message
suicidaire sur Facebook
u Histoire d’un cas où un adolescent sauve un ami Facebook
u Mises en situation - message suicidaire d’un ami Facebook
u Questions sur les comportements d’aide qu’ils utiliseraient ?
12. Informer
Résultats de l’étude
u Le type d’exposition influence les stratégies d’aide
mentionnées par les adolescents
u Les messages basés sur les “role models” sont
pertinents
u 1/3 des participants a déjà été exposé à un message
suicidaire d’un ami Facebook
13. Former
Autre utilisation, les TIC peuvent servir à former en prévention du
suicide.
u Exemple 1 : formation brève en ligne pour professionnels scolaires
(Scott et al. 2016)
u 197 professionnels
u Formation de 2 heures en groupe VS formation individuelle en ligne
u Professionnels qui ont bénéficié de la formation en ligne ont
obtenu de meilleurs résultats sur l’augmentation des connaissances
u Exemple 2 : formation sentinelle en ligne pour professionnels scolaires
(intensive = 8 modules) (Ghoncheh et al.2015)
u 190 professionnels
u Intervention en ligne VS liste d’attente
u Augmentation des connaissances et de la confiance en soi
u Effets se maintiennent 3 mois suivant la formation
14. Les TIC sont aussi utilisées de façons très variées pour mieux repérer
les personnes suicidaires en ligne (et leur offrir des services).
Exemple : en utilisant les Google Adwords (Sueki et Ito, 2015)
Pendant 6 mois, adwords sur des mots-clés liés au suicide
Résultat : 139 contacts - 10.1% ont utilisé les références
Repérer
15. Repérer
Exemple : expérience de dépistage
sur deux campus universitaire
(Hass et col., 2008)
u 1,162 étudiants (8%) ont complété
le questionnaire en ligne
u 981 (84%) présentaient un risque
modéré ou élevé
u 190 (19%) se sont présentés pour
une évaluation en personne
u 132 (14%) sont entrés en traitement
u Étudiants ayant dialogué en ligne
avec intervenant = 3 X plus d’entrée
en traitement
Invitation à completer un
questionnaire en ligne
Identification de personnes
à risque
Possibilité de dialogue en
ligne avec un intervenant
Contact en personne avec
l’intervenant pour
évaluation
Entrée en traitement
16. Repérer
u Dernier exemple : utiliser les mégadonnées « Big Data »
et l’Intelligence Artificielle (option envisagée de façon
désormais récurrente)
u C’est la collecte des grands volumes de données de façon
routinière et l’analyse à large échelle
u A partir de sources variées, combinées (parfois en temps
réel) : publiques, médicales, des réseaux sociaux, etc.
u Avantages nombreux : coût, accéder à des profils qu’on ne
pouvait pas atteindre, intervenir plus vite
u Défis : éthiques, vie privée, pertinence, justification
morale
17. Offrir de l’aide
Les acteurs publics
De nombreux acteurs publics ont :
u Développé des services en lignes
en ligne (chat, SMS)
Exemple : 113Online aux Pays-Bas
u Développé des campagnes de
prévention du suicide avec des
supports de prévention en ligne.
Exemple : le travail de l’AQPS au
Québec
u Ou essayé de limiter la présence
de contenu suicidaire sur Internet
en bloquant ou censurant les sites
pro-suicide. Exemple : les lois de
restriction des sites pro-suicide
(Mishara, Weisstub, 2013)
18. Offrir de l’aide
Exemple de 113 Online aux Pays-Bas :
u Psychoéducation
u Modules d’auto-évaluation
u Cours de « self-help » en ligne
u Forum modéré par intervenants
u Interventions de crise par
téléphone et clavardage
u 8 séances de psychothérapies
brèves en ligne par clavardage et
courriels
19.
20. Texto et clavardage
Avantages
u Population cible différente
u Plus d’adolescentes et de jeunes femmes
u N’utilisent pas les lignes d’intervention téléphoniques
u Profil psychosocial plus complexe
u Problématiques plus sévères
u Anonymat
u Conversation privée lorsque l’on ne veut pas se faire entendre
u Pour certains, moyen d’expression plus facile
21. Texto et clavardage
Défis
u Temps requis pour le déploiement de l’intervention
u Évaluation de l’état émotionnel de l’appellant
u Contrôle de la conversation par l’appellant
u Évaluation du risque suicidaire et élaboration d’un plan
d’action plus difficile à completer
u Risques de l’approche orientée sur les solutions au
clavardage
Trop d’emphase sur “ce qui va bien” plutôt que “ce qui va mal” =
escamoter l’exploration du problème et invalidant pour l’appelant
22. Offrir de l’aide
Les acteurs numériques
Les grandes sociétés (comme le GAFA :
Google, Apple, Facebook, Amazon) ont
progressivement pris conscience de
l’importance de collaborer pour mieux
prévenir le suicide
u Les moteurs de recherche ont
développé des stratégies
d’optimisation de filtrage du contenu
u Les réseaux sociaux ont des moyens de
reporter le contenu par les usagers
u Ces acteurs ont développé des
collaborations étroites avec des
associations
26. Réseaux socionumériques
et suicide
Quels sont les avantages ?
Les réseaux socionumériques peuvent être utiles pour
prévenir le suicide
(Daine et col., 2013; Robinson et col., 2015)
u Parce qu’ils permettent d’atteindre beaucoup de
personnes (parfois difficiles à atteindre) cf. les deux
milliards d’utilisateurs de Facebook (Lee, 2017)
u En raison du caractère visible de certaines expressions
d’idéations suicidaires postées en ligne, qui
permettraient d’intervenir et potentiellement prévenir
le suicide
27. Réseaux socionumériques
et suicide
u La dimension d’acceptabilité. Des réseaux, sous
certaines conditions, peuvent offrir un moyen anonyme,
accessible et sans jugement d’exprimer et partager des
expériences avec d’autres
u Pour les personnes suicidaires
u Pour les endeuillés (« survivors »)
u Parce qu’ils sont globalement structurés autour de
codes éthiques de conduite éthique, et ont des services
de modération supervisés
28. Réseaux socionumériques
et suicide
Quels sont les enjeux et défis?
De nombreux défis (Robinson et col., 2015)
u Le soutien des pairs peut être davantage recherché que
l’aide professionnelle
u Il existe un risque de marginalisation
u Il existe un risque d’intimidation, de victimisation
u Certains réseaux expose du contenu suicidaire (cf.
l’affaire des « Facebook Files »)
29. Réseaux socionumériques
et suicide
Quels sont les enjeux et défis?
u Ils peuvent contribuer à une normalisation du suicide
comme option possible pour résoudre des problèmes
vécus par des personnes suicidaires
u La difficulté de contrôler le comportement des usagers
et d’évaluer leur état émotionnel réel
u Le risque de contagion suicidaire
30. Réseaux socionumériques
et suicide
D’autres défauts et défis?
Difficile respect de la vie privée
u Le consentement éclairé des utilisateurs étudiés n’est
pas toujours rencontré:
u Exemple 1: dans une étude sur le risque suicidaire pour les
personnes LGBT sur MySpace (Silenzio, 2009)
u Exemple 2: dans une étude faite Facebook sur les
changements émotionnels (Verma, 2014)
31. Que peut-on améliorer?
u Il reste des efforts à faire au niveau institutionnel
(Westerlund, 2012)
u Discours « monologique » des acteurs publics sur la prévention du
suicide : donner de l’information unidirectionnelle n’est pas
suffisant. Parce que pendant ce temps des acteurs privés et
individus parlent librement d’un sujet autrefois tabou
u Conséquence : il existe autant de discours constructif que
potentiellement destructeur
u Proposition, créer des sites de prévention qui (Westerlund, 2012)
u Prennent d’avantage en compte la perspective de l’usager et sont
moins centrés sur l’information
u Sont plus orientés sur créer des interactions bi-directionnelles
32. Que peut-on améliorer?
u Plus d’évaluation ! Chercheurs, gouvernements et sociétés
privées développent des initiatives dans tous les sens
u Mais peu sont évaluées de façon systématique (et parfois
rigoureuse)
u Nous avons besoin de plus d’information empirique sur ce qui
fonctionne ou pas
u Développer une ligne canadienne (bientôt !). Cela nous
permettra:
u D’avoir un portrait d’ensemble au niveau fédéral
u De pouvoir analyser en temps réel, à l’échelle nationale les
tendances suicidaires et d’adapter nos services de façon
adéquate
33. Que peut-on améliorer?
u Recommandations de l’OMS qui s’appliquent à la
prévention du suicide sur Internet (OMS, 2014)
u Améliorer la qualité des données collectées.
u Augmenter la surveillance sanitaire. Au Québec, des
initiatives se développent pour utiliser les bases de
données publiques.
u Avec une mise en garde de l’OMS : « garantir que le système
de suivi est utilisé pour aider à élaborer et évaluer des
activites de prévention du suicide. »
u Risque d’excès
u Développer des initiatives adaptées aux communautés :
penser au public cible de nos interventions
34. Que peut-on améliorer?
u Anticiper : aller là où la prévention du suicide n’est pas
u On sait qu’Internet donne accès facilement à des sites
« susceptibles de donner une image erronée du suicide »
(OMS, 2014)
u On observe aujourd’hui de nouvelles façons d’accéder à
de l’information pro ou « anti » suicide, dont les
Darknets (réseaux fermés, accessibles par des logiciels
gratuits dont TOR)
u Encore non traités en prévention du suicide (Biddle et
col., 2016)
35. Recommandations pratiques
u Pour le travail des cliniciens
(Westerlund, 2012) :
u Poser des questions de façon routinière sur
la fréquentation de sites internet pro-
suicide
u Avoir des ressources internet à portée de
mains pour les patients
u Utiliser des moyens modernes en lien
avec les usages des patients
u Engager des conversations sur des
plateformes liées à la santé
u Proposer des applications comme Psy
Assistance de Réal Labelle et Antoine
Bibaud de Serres
36. Quelques ressources
u Des ressources et guides de bonnes pratiques sont accessibles
en ligne :
u Prevent The Attempt
http://preventtheattempt.com/
u Lifeline Online Postvention Manual
http://www.sprc.org/sites/default/files/migrate/library/LifelineO
nlinePostventionManual.pdf
u Le programme SUPREME, soutenu par l’Union Européenne
http://www.supreme-project.org/
u Rappel : du matériel de prévention est accessible en ligne
u AQPS
http://www.aqps.info/commande.html