Présentation de Brian Mishara, professeur de psychologie et directeur du CRISE, UQAM
Dans le cadre du 15e Institut d'été du CRISE, "Suicide, santé mentale et milieu de travail"
Jour 3: postvention et retour au travail
Phénomène nouveau? Population difficile d’atteinte? Contexte étranger? Différ...
L'impact du suicide d'un travailleur sur ses collègues
1. L’impact du suicide d’un
travailleur sur ses collègues
Institut d’été, CRISE, le 24 mai 2019
Brian L. Mishara, Ph.D.
Directeur, Centre de recherche et d’intervention sur
le suicide, enjeux éthiques et pratiques de fin de vie
Professeur, Département de psychologie
Université du Québec à Montréal, Montréal, Québec, CANADA
www.crise.ca mishara.brian@uqam.ca
et François Chagnon, Marc Daigle, Michel Tousignant, Brian
Greenfield, Angelo Soares, Melissa Henry, Alain Lesage, Danielle St.
Laurent, Marie Alderson, Louise Pouliot et Sylvaine Raymond
2. Contexte: le travail et le suicide
Le milieu de travail – risques et bénéfices
Source potentiel de satisfaction, de soutien
social et d’intégration social – facteurs de
protection de suicide
Source potentiel du stress, conflits,
harcèlement, discrimination et
marginalisation – facteurs de risque de
suicide
3. Le suicide des travailleurs
Décès par suicide:
2016 : N=1 046 (803 hommes; 243 femmes)
(Lévesque, Pelletier et Perron, 2018)
Selon études rétrospectives :
39% d’hommes et 19% de femmes avaient
un emploi au moment de leur décès
(St-Laurent et Tennina, 2000)
Donc :
359 suicides des travailleurs par année (313 hommes
et 46 femmes) et plus de 2000 personnes endeuillées
ou qui ont subi les conséquence d’un décès par suicide
4. Contexte: le travail et le suicide
Il existe peu de données empiriques sur
l’impact d’un suicide au milieu de travail
Ces données peuvent identifier les
besoins des milieux de travail,
et identifier les facteurs à considérer pour
diminuer l’impact du suicide
5. Contexte: Recherches
antérieures sur effets d’un suicide
au milieu de travail
Responsabilités légales des employeurs
à l’égard du suicide (en France) Chaudet,
2013; Tessier, 2011
Coûts pour l’entreprise (i.e.
absentéisme, < productivité, perte
d’employés) Kinder & Copper, 2009
Stress Post Traumatique DSPT Clarner et
al., 2014
6. Notre recherche sur
l’impact du suicide : Objectifs
Décrire l’impact du suicide auprès des
collègues et sur le milieu de travail
Cerner les éléments pouvant en
influencer l’impact
Identifier les variables et actions qui
peuvent limiter ou faciliter la mise en
place des interventions
Développer un modèle théorique du
problème (dans l’avenir)
7. Méthodologie : Étape 1
Identification des cas potentiels
Identifier les décès par suicide des
travailleurs et, pour un groupe témoin, des
travailleurs décédés par accident de la route,
18 à 65 ans, résident des régions de
Montréal, Estrie, Laval et Montérégie
Consultation de 771 rapports d’enquête du
coroner des décès par suicide et 188
rapports de décès par accident de la route
Identification de 343 cas potentiels de
décès par suicide et 62 décès suite à un
accident de la route
8. Méthodologie : Étape 2 Identification et
contacts avec personnes endeuillées
Lettres envoyées par coroner à 353 membres de la
famille demandant s’ils acceptent de participer
311 ont été rejoints par lettre
208 (67%) nous ont contactés et ont accepté de
participer à une entrevue téléphonique avec l’équipe
de recherche (taux > que ce qui est généralement
observé dans enquêtes téléphoniques auprès
d’adultes (50%))
Au téléphone, nous avons demandé des informations
concernant le lieu de travail
9. Méthodologie : Étape 3 Identification
des milieux de travail et des travailleurs
Identification de 186 employeurs ayant vécu un décès d’un
travailleur par suicide ou accident de la route
Lettres d’invitation envoyées aux milieux de travail, les
invitant à participer à la recherche (une lettre à la direction
des ressources humaines et une lettre aux représentants
syndicaux)
63 des milieux de travail ont accepté de collaborer
Les milieux ont identifié les employés qui faisaient partie
de la même équipe de travail ou même département de la
personne décédée ou sont considérés comme collègue
Distribution d’un questionnaire anonyme et une enveloppe
de retour pré-timbrée aux employés identifiés
10. Raisons donnés pour les refus de
participer des milieux de travail
(Pas exhaustive)
Nous avons une politique éthique qui nous
empêche d’identifier nos employés
Pas une bonne idée de parler du décès
Peur d’impact négatif de la recherche
On n’a pas le temps de le faire
On reçoit trop de demandes
C’est dans le passé – il faut le laisser là
C’est trop bouleversant de penser à
collaborer, ça me fait penser à ….
11. Questionnaire pour travailleurs
Questions sur l’impact du décès d’un travailleur (QIDTE 2)
7 questions sur leurs comportements suicidaires (de
l’Enquête santé Québec)
Questions sur le degré d’attachement et des liens avec la
personne décédée
L’échelle des provisions sociales (soutien perçu) (EPS)
Utilisation des services en santé mentale avant et après le
décès
Connaissance des circonstances du décès
Perception de facteurs associés au décès liés à
l’environnement au travail
Données sociodémographiques
12. Résultats
42% des personnes décédées par
suicide entre 18 et 65 ans étaient
travailleurs non autonomes et:
avaient un emploi à temps plein, ou étaient
en arrêt du travail depuis < 6 mois, ou ont
été mis à pied depuis <6 mois
13. Résultats
La majorité (67%) des membres de la famille des
personnes décédées ont accepté de collaborer à la
recherche
La majorité (66%) des milieux de travail ont refusé
de collaborer à la recherche
Les membres de la famille aiment souvent contribuer
à en connaître plus sur l’impact du suicide et à mieux
comprendre comment diminuer l’impact
Les milieux, souvent, au lieu de vouloir comprendre
et diminuer l’impact, préfèrent ne pas discuter du
sujet ou de permettre leurs employés à exprimer
leurs réactions, même quand on garantit l’anonymat
des entreprises et des employés
15. Résultats
Presque tout le monde connaît la cause du
décès (seulement 1,2% dans le cas du
suicide et 1 personne dans le cas des
accidents ne connaissait pas la vraie cause)
16. Résultats
La majorité disent ne pas avoir eu des
symptômes nocifs à leur vie (73% suicide; 67%
accident) ou nocifs à leur capacité de travailler
(77% suicide, 88% accident)
Cependant, 27% suite à un décès par suicide ont
eu des manifestations qui ont nui « à votre vie »
(et 33% suite aux accidents)
24%, suite aux suicides (12% suite aux
accidents), ont vécu des manifestations qui ont
nui « à votre capacité de travailler »
17. Résultats
22% des travailleurs ont pensé
sérieusement au suicide suite au décès
par suicide (7% après décès par
accidents)
62% des personnes qui ont pensé
sérieusement au suicide ont prévu le
moyen pour se suicider (=indicateur de
risque accru)
58% ont confié à quelqu’un qu’ils
avaient songé à se suicider
18. Résultats
Après un décès par suicide, 20% ont dit
qu’ils ont fait une tentative de suicide
Oui !!!
Après un décès par accident de la
route, aucun des participants n’a dit
qu’ils ont fait une tentative de suicide
19. Résultats
Détresse psychologique :
Moyens comparables pour deux groupes
Suicide moyen 23,1; Accident moyen 23,6
MAIS, c’est au dessus de la moyenne de 9
de la population générale
20. Résultats
Dans le cas des accidents de la route,
peu (16%) pensent que le travail a joué
un rôle dans le décès
Dans le cas des suicides, 49% pensent
que le travail a joué un rôle dans le
décès de leur collègue
Ceux qui pensent que le travail a joué
un rôle, significativement plus souvent
disent que leurs symptômes ont nui à
leur capacité de travailler après le décès
21. Résultats
Dans le cas de décès par accident,
personne n’avait indiqué que la
personne décédée a vécu du
harcèlement
Dans le cas du suicide, 19% ont dit que
la personne décédée vivait du
harcèlement au travail
22. Résultats
29% des employés ont reçu de l’aide
suite au décès par suicide
13% des employés qui n’ont pas reçu
de l’aide aurait aimé en recevoir
44% des employés ont reçu de l’aide
suite au décès par accident
23. Résultats
30% des répondants suite au décès par
suicide ont dit que ce n’était pas le
premier suicide dans ce milieu de travail
24. Conclusions
On peut faire ce genre de recherche.
Les familles et les travailleurs
participent. Mais, souvent les
employeurs ne veulent pas qu’on fasse
des recherches sur le sujet chez eux.
Nous devons faire plus de recherche sur
l’impact des décès par suicide
25. Conclusions
Puisque pour 24% des travailleurs, ils
ont des manifestations suite à un décès
par suicide qui ont nui à leur capacité
de travailler, il serait rentable pour les
employeurs de les aider davantage.
Parler de l’argent perdu peut motiver
les employeurs de fournir plus d’aide.
Il serait utile de faire des recherches
pour quantifier l’impact financier d’un
décès par suicide
26. Conclusions
Notre étude n’a pas un échantillon aléatoire
de travailleurs. Nous ne savons pas si les
travailleurs des milieux de travail qui ont
refusé de participer à la recherche ont plus
ou moins de réactions négatives (mais on
peut émettre des hypothèses dans les deux
sens)
Nous ne savons pas si les travailleurs qui
n’ont pas répondu aux questionnaires sont
différents des répondants, et comment
27. Conclusions
Il faut faire des recherches pour mieux
comprendre pourquoi un si haut
nombre de travailleurs, suite à un décès
par suicide, ont pensé sérieusement au
suicide et ont conçu comment le faire.
58% ont confié à quelqu’un qu’ils
avaient songé à se suicider
20% ont dit avoir fait une tentative
Il s’agit des groupes a risque qui ont
besoin d’interventions préventives.
28. Conclusions
Le niveau de détresse est très élevé
suite à un décès d’un travailleur, autant
suite aux décès par accident de la route
que suite aux décès par suicide
29. Conclusions
La moitié des personnes pensent que le
milieu de travail a contribué au décès par
suicide, et 19% ont dit que la personne
décédé à été harcelée au travail
Il faut étudier davantage les caractéristiques
du milieu de travail associés au risque
suicidaire et plus particulièrement, le rôle du
harcèlement
Les interventions préventives doivent inclure
des actions pour réduire le harcèlement
30. Conclusions
Il faut faire des recherches pour
comprendre pourquoi moins de
personnes reçoivent de l’aide suite à un
décès par suicide, en comparaison avec
les décès par accident de la route.
13% veulent avoir de l’aide suite au
suicide, mais ce n’était pas offert ou
disponible.
Il faut augmenter l’aide disponible et la
rendre plus accessible
31. Conclusions
Il faut valider le nombre d’entreprises
rapporté par les répondants aux
questionnaires qui ont dit que ce n’était
pas le premier suicide dans leur milieu
de travail.
Est-ce que certains milieux de travail
sont plus « suicidogènes » ? Pourquoi ?
32. Conclusions
Cette recherche suggère qu’il faut offrir plus
d’aide aux travailleurs suite à un décès par
suicide et que ce serait rentable pour les
entreprises de le faire, à cause de l’effet sur
le travail des personnes affectées par le
décès par suicide.
Nous avons besoin de plus de recherches sur
l’impact du suicide sur les autres travailleurs
dans un milieu de travail et les meilleures
façons de prévenir les effets négatifs
33. L’impact du suicide d’un
travailleur sur ses collègues et
le climat de travail
Institut d’été, CRISE, 24 mai 2019
Brian L. Mishara, Ph.D.
Directeur, Centre de recherche et d’intervention sur
le suicide, enjeux éthiques et pratiques de fin de vie
Professeur, Département de psychologie
Université du Québec à Montréal, Montréal, Québec, CANADA
www.crise.ca mishara.brian@uqam.ca
Et François Chagnon, Marc Daigle, Michel Tousignant, Brian
Greenfield, Angelo Soares, Melissa Henry, Alain Lesage, Danielle St.
Laurent, Marie Alderson, Louise Pouliot et Sylvaine Raymond