SlideShare uma empresa Scribd logo
1 de 78
Baixar para ler offline
CESEM, 4Ăšme
année
MEMOIRE de fin d’études type « M1 »
Année académique 2015-2016
(Volume 3 : Version Restreinte)
Blanca ZUGAZA ESCRIBANO
Nationalité Espagnole - Cycle F/E
Superviseur : Emmanuelle Rigaud-Lacresse
Les contrefaçons, peuvent-elles se répercuter
positivement sur les marques de mode et
d’accessoires de luxe europĂ©ennes ?
  2	
  
Remerciements
Tout d’abord, j’aimerais remercier le Cesem de m’avoir offert pour la premiùre fois
dans mes annĂ©es d’études la possibilitĂ© de travailler d’une façon si approfondie sur un sujet
entiĂšrement de mon choix et qui m’intĂ©resse profondĂ©ment.
La mode de luxe a toujours Ă©tĂ© ma plus grande passion, et mon mĂ©moire de fin d’études a
reprĂ©sentĂ© pour moi une occasion exceptionnelle d’entrer en contact avec ce monde.
De plus, je suis extrĂȘmement reconnaissante de l’opportunitĂ© que reprĂ©sente le mĂ©moire en ce
qui concerne les contacts pour notre prochaine inclusion dans le monde du travail, Ă  travers les
entretiens Ă  rĂ©aliser auprĂšs de professionnels du secteur concernĂ© par notre sujet d’analyse.
Sur ceci, je tiens à remercier vivement tous les professionnels des marques de luxe que j’ai eu la
chance de rencontrer à travers ce travail et lesquels ont contribué sans exception, non seulement
à enrichir mon mémoire, mais aussi à renforcer ma conviction sur le fait que les connaissances,
les responsabilitĂ©s et l’expĂ©rience qu’on peut acquĂ©rir m’attirent sans doute vers une carriĂšre
dans l’industrie de la mode de luxe.
Je suis Ă©galement trĂšs reconnaissante Ă  toutes les personnes qui, Ă  travers leurs contacts, m’ont
aidé à faire possibles ces rencontres.
Finalement, j’aimerais aussi remercier Emmanuelle Rigaud-Lacresse, qui a encadrĂ© mon
mĂ©moire et qui a Ă©tĂ© toujours disponible pour m’aider Ă  centrer mes idĂ©es. J’ai eu la chance de
pouvoir la choisir comme superviseur et je tenais trĂšs fortement Ă  travailler avec elle, en raison
de son expĂ©rience dans le secteur du luxe et de ses qualitĂ©s d’enseignante desquelles j’ai Ă©tĂ©
témoin pendant ma troisiÚme année.
« Le Cesem n’entend donner aucune approbation ou implication aux
opinions Ă©mises dans le MEMOIRE : ces opinions doivent ĂȘtre considĂ©rĂ©es
comme propres à leur auteur. »
  3	
  
Résumé
La contrefaçon reprĂ©sente dans l’actualitĂ© un des grands dĂ©fis pour les marques de mode
et d’accessoires de luxe europĂ©ennes. Or, ce dĂ©fi constitue aussi le plus grand tabou de cette
industrie : si bien qu’il existent des articles et des ouvrages sur le sujet, la grande majoritĂ©
d’entre eux traite ce sujet de façon critique, exploitant uniquement ses consĂ©quences nĂ©gatives.
Il s’agit aussi d’un sujet pour lequel il n’existe pas beaucoup d’information, n’étant pas facile Ă 
retrouver.
Face à ceci, ce mémoire représente, non seulement une compilation des informations les plus
pertinentes sur le sujet des contrefaçons d’articles de luxe, mais aussi une analyse en profondeur
des contrefaçons en soi, de leur impact négatif, et surtout, des potentielles répercussions
positives que celles-ci peuvent avoir sur les marques de mode et d’accessoires de luxe
européennes.
Cette analyse est enrichie par des entretiens avec des professionnels du secteur, faisant partie de
firmes de luxe parmi les plus puissantes mondialement.
Il s’agit d’un travail de nature controverse, qui a donc pour objectif d’apporter une nouvelle et
diffĂ©rente vision sur les contrefaçons d’articles de luxe, faisant sortir au lecteur des sentiers
battus.
Summary
Counterfeit goods are one of the biggest challenges for European fashion luxury brands
of today. Yet, this challenge also happens to be the biggest taboo in this industry: even though
there are some articles and other publications on this matter, the vast majority among them deal
with this subject in a critical way, essentially exploiting its negative consequences. It’s also a
subject about which there isn’t much information available, being also quite difficult to find.
Given this situation, this thesis represents, not only a compilation of the most relevant
information on counterfeit goods of luxury brands, but it also analyzes in depth the concept of
counterfeit goods, their negative impact and mainly, the potential positive side effects they can
have on European luxury brands.
This analysis is enriched by interviews with professionals of the industry from some of the most
relevant fashion luxury brands in the World.
It’s a controversial work, which aims to bring a new and different perspective on counterfeits,
making the reader think out the box.
  4	
  
Introduction
Les contrefaçons, qualifiĂ©es par l’article L. 716-1 du Code de la PropriĂ©tĂ© Intellectuelle
(CPI) comme « toutes les atteintes portĂ©es au droit du titulaire d’une marque », reprĂ©sentent un
des plus grands sujets d’actualitĂ© en ce qui concerne les marques de mode et d’accessoires de
luxe européennes.
Terriblement perçues par l’ensemble de la communautĂ©, elles sont tenacement poursuivies par
les entreprises privĂ©es et les Etats, ainsi que par bien d’autres institutions europĂ©ennes.
Pourquoi donc ? Quels sont les impacts négatifs de ce phénomÚne lui ayant mérité une telle
rĂ©putation ? Nous allons voir qu’il s’agit essentiellement de rĂ©percussions en termes
Ă©conomiques, mais surtout en termes d’endommagement de l’image de marque des firmes de
luxe, essentielle pour maintenir une image d’exclusivitĂ©, clĂ© du succĂšs dans cette industrie.
Malheureusement pour les victimes de cette pratique, les contrefaçons sont un phénomÚne en
constante croissance depuis un certain nombre d’annĂ©es, et leur Ă©radication ne s’avĂšre point un
scénario réaliste pour les prochaines années.
Majoritairement en provenance de la Chine, les contrefaçons d’articles de luxe circulent de plus
en plus dans le monde, et l’achat de ces produits devient d’avantage frĂ©quent parmi les
consommateurs occidentaux. Pourquoi ? Quels sont les Ă©lĂ©ments Ă  l’origine de cette tendance ?
Au cours de la premiÚre partie du mémoire, nous allons découvrir les facteurs causant cette
situation, ainsi que ses conséquences pour le secteur de la mode et les accessoires de luxe.
Compte tenu de tout ceci, et essentiellement du fait que les enseignes de luxe vont devoir
apprendre à coexister avec les contrefaçons, je me demande, ne serait-il pas possible pour elles
de tirer un bénéfice de ce phénomÚne? Les contrefaçons, ne pourraient-elles pas se répercuter
positivement sur les marques de mode et d’accessoires de luxe europĂ©ennes ?
Afin de répondre à cette question, nous allons premiÚrement clarifier le concept de contrefaçon
ainsi que des Ă©lĂ©ments qui l’entourent dans l’actualitĂ©.
DeuxiÚmement, nous allons analyser les différentes théories existantes sur ce sujet, puis
regarder l’opinion de professionnels appartenant Ă  certaines des marques de luxe europĂ©ennes
les plus influentes Ă  niveau mondial.
Ceci dans le but de contraster, au cours d’une troisiĂšme et derniĂšre partie du mĂ©moire, les
éléments essentiels des deux premiÚres parties afin de trouver une réponse pertinente à la
question.
  5	
  
INDEX
I. Analyse du sujet
















. 8-38
A) Pertinence de la question telle qu’elle est formulĂ©e





.... 8-24
1. Justification du choix du sujet

















. 8-9
2. DĂ©finition de contrefaçon et Ă©lĂ©ments caractĂ©ristiques







. 9-17
a) Définition et caractéristiques















.. 9-12
b) Comment peut-on expliquer leur existence?........................................ 12-16
c) Quels sont les articles les plus contrefaits et pourquoi ?...................... 16-17
3. La contrefaçon ; une pratique en constante augmentation





... 17-24
a) Chiffres clé et origine de cette tendance










... 17-21
a.1) Les chiffres clé                   .. 17-18
a. 2) Les origines de cette Ă©volution












. 18-21
b) Les conséquences de cette évolution pour le secteur de la mode et les
accessoires de luxe


















... 21-24
b.1) Transformation de la clientùle












.. 21-23
b.2) Le besoin d’adaptation des marques des luxe : standardisation vs
différenciation




















.. 23-24
B) Réalité au sein de la communauté des professionnels




.. 25-38
1. L’impact nĂ©gatif des contrefaçons sur les marques de mode et d’accessoires
de luxe























... 25-27
2. Quels sont les mécanismes mis en place pour freiner cette pratique ?.. 27-32
a) LĂ©gislation en vigueur















.. 27-30
b) Les mesures adoptées par les entreprises








. 30-32
3. L’impact positif des contrefaçons sur les marques de mode et d’accessoires
de luxe























... 32-35
4. Comment peuvent les marques de luxe en bénéficier ?........................ 35-38
  6	
  
II. Investigation empirique à travers des contacts directs
 38-65
A) Justification de chaque question posée









.
 38-41
B) Justification des modalités de réponse proposées







.. 41
C) Explication de la dĂ©marche d’identification et de choix des interlocuteurs
finaux























. 41-43
D) Compte rendu des résultats obtenus, contact par contact



.. 43-61
D.1) La contrefaçon, ennemi des marques de luxe








.. 43-57
1. Les marques de luxe, comment définissent-elles les contrefaçons ?........... 43-52
a) Quels sont les Ă©lĂ©ments faisant qu’une marque soit contrefaite ?......... 45-46
b) Quels sont les articles les plus contrefaits et pourquoi ?....................... 46-47
c) Quelles pensez-vous que sont les motivations d’achat?........................ 47-49
d) Selon vous, pourquoi cette pratique est de plus en plus importante ?... 49-52
2. D’aprĂšs les marques elles-mĂȘmes, quel est l’impact des contrefaçons en ce qui
leur concerne ?............................................................................................. 52-54
3. Quelles pratiques et stratĂ©gies mettent-elles en avant Ă  l’égard de la lutte contre
les contrefaçons ?......................................................................................... 54-57
D.2) L’opinion des marques au sujet de la possible rĂ©percussion positive des
contrefaçons..






















.

 57-61
1. Pensent-elles que ceci peut ĂȘtre possible?..... 










..57-59
2. Dans le cas oĂč elles penseraient que cette rĂ©percussion est possible, comment
pourraient-elles en bénéficier?..................................................................... 60-61
E) Commentaire organisé des résultats obtenus








 61-65
  7	
  
III. Critique



















. 65-78
A) Analyse des convergences et divergences entre les éléments clé des deux
premiùres parties


















... 65-70
B) Plus-value professionnelle que le mémoire apporte à la communauté
économique concernée
















.. 71-72
C) Conclusion



















..
.. 72-77
1. Ce que l’ensemble du travail m’a apporté         ...
. 72-74
2. Les résultats de mon analyse













..
.. 74-76
3. Les limites du mémoire
















.... 76-77
D) Bibliographie récapitulative














. 77-78
  8	
  
I. Partie d’analyse du sujet:
A) Pertinence de la question telle qu’elle est formulĂ©e :
1. Justification du choix du sujet :
L’univers de la mode et des accessoires de luxe a toujours Ă©tĂ© ma plus grande passion,
et il s’agit sans doute du secteur dans lequel je veux faire carriùre. Ainsi, je ne peux imaginer un
meilleur choix pour mon mĂ©moire que celui-ci. ConcrĂštement, le type d’entreprise auquel je
vais m’intĂ©resser concerne les marques de mode et d’accessoires de luxe europĂ©ennes, prĂ©sentes
à niveau international et en conséquence, étant concernées par les contrefaçons, centre du sujet
de mon mémoire.
Mon choix de segmentation gĂ©ographique s’explique principalement par deux raisons. La
premiĂšre concerne mes prĂ©fĂ©rences personnelles ; d’une part, les marques de mode et
d’accessoires de luxe les plus emblĂ©matiques et que j’admire le plus sont europĂ©ennes. D’autre
part, il est incontestable que le vieux continent est à l’origine du concept de luxe (en ce qui
concerne concrĂštement la mode et les accessoires), mĂȘme si les USA sont actuellement le
premier pays consommateur d’articles de luxe. J’ai donc dĂ©cidĂ© de me concentrer directement
sur la source de ma passion. La deuxiÚme raison concerne ma volonté de réaliser une analyse du
sujet profonde et exhaustive. Pour ceci, il semble plus logique de choisir uniquement un
segment géographique déterminé.
Par ailleurs, puisque ce travail a une orientation professionnelle, mon objectif est d’étudier une
problĂ©matique actuelle et intĂ©ressante pour les entreprises du secteur. A ceci s’ajoute le dĂ©sir de
réaliser un travail véhiculant une certaine valeur ajoutée pour celles-ci.
Pourquoi donc choisir le thÚme des contrefaçons ? Depuis la création des premiÚres enseignes
de luxe, cette pratique représente une contrainte pour celles-ci, un problÚme à éradiquer
acharnement auquel les firmes originales ont dĂ©clarĂ© la guerre. Par contre, cette guerre s’avĂšre
éternelle ; les contrefaçons sont un fait en constante augmentation, impossible à éradiquer
complÚtement. Je me suis donc posée la question suivante : considérant que, malgré les efforts
des entreprises et la législation en vigueur, cette pratique va continuer à exister, ne pourraient-
elle pas avoir un effet bénéfique pour les marques originales qui en sont victimes?
En outre, puisque la question à répondre est donc : les contrefaçons, peuvent-elles se répercuter
positivement sur les marques de mode et d’accessoires de luxe europĂ©ennes ? il me semble
capital d’expliquer ce que nous pouvons comprendre par cette « rĂ©percussion positive », afin de
complĂ©ter la justification de mon choix de sujet. Tout d’abord, j’aimerais prĂ©ciser qu’il s’agit
d’un sujet assez dĂ©licat, principalement pour deux raisons. PremiĂšrement, l’impact des
  9	
  
contrefaçons est normalement traité dans les articles depuis un point de vue complÚtement
nĂ©gatif. En raison de ceci, le fait d’étudier ce sujet depuis la possibilitĂ© d’un impact positif est
assez délicat et subjectif. DeuxiÚmement, cette analyse doit se baser en partie sur des interviews
à des marques du secteur et, en raison du caractùre illicite des contrefaçons, il s’agit d’un sujet
difficile Ă  aborder avec celles-ci. Prenant en compte tout ceci, j’ai dĂ©cidĂ© de me centrer
essentiellement sur la répercussion de ces phénomÚnes en termes qualitatifs, plutÎt que
quantitatifs. Ainsi, ce travail ne va pas avoir pour objectif de quantifier les gains ou les pertes
des enseignes de luxe à travers les contrefaçons en termes de chiffre d’affaires concrùtement. Il
faut comprendre cette analyse de rĂ©percussion positive en termes de stratĂ©gie, d’image de
marque, de fidélisation de la clientÚle

Finalement en ce qui concerne ceci, il me semble essentiel de préciser que ce mémoire
reprĂ©sente uniquement une analyse d’un fait trĂšs rĂ©pandu Ă  travers une optique diffĂ©rente, peu
habituelle, dont le but est de faire en sorte que le lecteur sorte des sentiers battus. Il ne s’agit en
aucun cas d’une dĂ©fense de pratiques frauduleuses comme le sont les contrefaçons.
2. Définition de contrefaçon et éléments caractéristiques :
a) DĂ©finition :
Avant de chercher Ă  rĂ©pondre Ă  la question Ă©tant l’objet de ce mĂ©moire, il me semble
essentiel de définir les mots clé du sujet.
Tout d’abord et avant de rentrer dans le thĂšme des contrefaçons, je voudrais prĂ©ciser ce que je
comprends par « marques de mode et d’accessoires de luxe europĂ©ennes », puisque tout le
travail d’analyse va concerner uniquement les contrefaçons de ces articles. D’aprùs le
dictionnaire e-marketing, un produit de luxe est un « bien dont le prix est élevé et les quantités
disponibles généralement peu importantes. On lui reconnaßt aussi, le plus souvent, une qualité
artistique. Il ne doit pas ĂȘtre confondu avec le produit haut de gamme ». Par contre, une marque
de luxe ne doit pas seulement l’ĂȘtre, mais aussi ĂȘtre perçue comme tel. Je pense donc qu’il est
crucial de rajouter Ă  cette dĂ©finition l’importance de la perception des consommateurs ; je
considĂšre qu’une marque de luxe doit avoir impĂ©rativement une image auprĂšs des
consommateurs de qualitĂ©, d’inaccessibilitĂ© et de raretĂ©. Ainsi, ce travail va concerner
uniquement les marques dont les articles correspondent à cette définition et qui visent donc une
petite partie des consommateurs faisant partie d’une niche privilĂ©giĂ©e. Quelles sont les
caractéristiques principales de ces enseignes ? Leurs prix appartiennent à la catégorie la plus
  10	
  
Ă©levĂ©e du marchĂ©, puisqu’elles priorisent l’aspect qualitatif Ă  tous les niveaux, caractĂ©risĂ© par
une forte notion d’artisan ou d’art. Ceci fait que ces marques ont un caractùre exclusif et en
consĂ©quence, leur choix de rĂ©seau de distribution est soit sĂ©lectif soit exclusif. De plus, il s’agit
de marques ayant derriĂšre une histoire marquĂ©e ou la figure d’un homme ou une femme
iconique. Finalement, en ce qui concerne la nationalité européenne, nous allons considérer la
provenance originale des marques, la nationalité faisant partie de leur ADN et de leur culture,
mĂȘme si elles ont pu ĂȘtre rachetĂ©es par des Groupes non-europĂ©ens ou si leurs siĂšges ont Ă©tĂ©
délocalisés.
Maintenant que nous savons exactement quel est le type de marque qui va nous intéresser,
revenons au thùme principal de l’analyse : les contrefaçons.
J’ai remarquĂ© qu’il existe souvent une grande confusion entre les concepts de contrefaçon et
d’imitation, lesquels, je tiens Ă  prĂ©ciser, sont trĂšs diffĂ©rents. Lorsqu’on parle d’imitation, on
considĂšre, d’aprĂšs le dictionnaire du e-marketing, une «reproduction totale ou partielle des
caractĂ©ristiques d’un produit, d’un service, d’une idĂ©e, d’une marque ». Par consĂ©quent, une
imitation peut reprĂ©senter par exemple la rĂ©plique en apparence, ou l’utilisation d’une technique
propres Ă  un produit dĂ©jĂ  existant, sous le nom d’une marque autre que l’originelle. A ceci
s’ajoute le fait que « elle peut constituer une contrefaçon lorsqu’elle est illicite ». Il s’agit ici de
la différence essentielle entre une imitation et une contrefaçon ; toute contrefaçon est une
imitation mais toutes les imitations ne sont pas des contrefaçons tant qu’elles n’ont pas un
caractĂšre illĂ©gal. « Alors qu’une imitation de marque est conçue pour ressembler Ă  et amener le
consommateur Ă  penser Ă  la marque d’origine, un produit contrefait est conçu pour ĂȘtre comme
l’original et fournir aux consommateurs une copie moins onĂ©reuse » (Brigitte MĂŒller, Bruno
Kocher et Björn Ivens, 2008).
L’exemple le plus reprĂ©sentatif en ce qui concerne les imitations, sont les versions des articles
de luxe crées par les marques bas de gamme. Celles-ci emmÚnent les créations des grandes
marques au mass market, elles copient les tendances voir mĂȘme le produit Ă  la mode. Par contre,
la qualitĂ© et la durĂ©e de vie attendue de ces copies sont infĂ©rieures, elles ne sont destinĂ©es qu’à
ĂȘtre vendues et dĂ©sirĂ©es par les consommatrices pendant une seule saison, ce qui explique la
différence de prix en comparaison au produit original. Effectivement, le luxe, la haute couture,
est Ă  l’origine de toutes les tendances et elle a des rĂ©percussions Ă  tous les niveaux.
A ceci s’oppose la contrefaçon ; la reproduction totale de ces articles, ce qui inclue le logo, le
nom de la marque du produit original. Logiquement, ceci véhicule la volonté de tromper, de
faire croire qu’il s’agit d’un produit de la marque originale, et attente contre la propriĂ©tĂ©
intellectuelle et la loi.
  11	
  
Plus prĂ©cisĂ©ment, l’article L. 716-1 du Code de la PropriĂ©tĂ© Intellectuelle (CPI) qualifie de
contrefaçon « toutes les atteintes portĂ©es au droit du titulaire d’une marque ». Logiquement,
une marque n’est pas simplement un logo mais un ensemble qui inclue le design, la forme

Une fois que le caractĂšre illicite et illĂ©gal de cette pratique est compris, il faut prĂ©ciser qu’il
existe plusieurs types de contrefaçons, pouvant ĂȘtre classifiĂ©es diffĂ©remment. La classification
principale est contrefaçon subie et contrefaçon dĂ©libĂ©rĂ©e. La premiĂšre reprĂ©sente le cas oĂč le
consommateur est trompé par un vendeur qui lui propose un article faux comme étant
authentique. La deuxiĂšme a lieu dans le cas contraire : lorsque le consommateur est conscient de
la nature fausse de l’article en raison des caractĂ©ristiques du lieu d’achat, du prix
 Dans ce
dernier cas, l’objectif logique du consommateur est de pouvoir accĂ©der aux attributs propres Ă 
l’article sans devoir payer le prix correspondant (prestige, image d’avoir un certain niveau
Ă©conomique
).
En ce qui concerne cette différenciation, nous pouvons donc retenir le fait que la propriété
intellectuelle des marques de luxe n’est pas le seul Ă©lĂ©ment sur lequel les contrefaçons ont un
impact : les consommateurs peuvent ĂȘtre aussi victimes de ce phĂ©nomĂšne, lorsqu’ils croient
acheter un produit original mais achÚtent en réalité une contrefaçon. Par contre, plusieurs
thĂ©ories affirment l’impossibilitĂ© de l’existence d’une contrefaçon subie du fait que le
consommateur qui veut acheter le produit authentique ira sûrement dans les propres boutiques
de l’enseigne de luxe en question. Par consĂ©quent, le consommateur qui achĂšte un article de
luxe quelque part d’autre, peu soupçonner la faussetĂ© de l’article, notamment Ă  travers des
indicateurs comme le prix, l’apparence du point de vente, la qualitĂ© des matĂ©riaux
 Nous
pouvons donc nous demander Ă  quel point les consommateurs peuvent ĂȘtre vraiment des
victimes de ce phénomÚne

Mais, qu’en est-il des consommateurs achetant ce type de biens volontairement et
consciemment ? La législation actuelle prévoit des conséquences pour ceux-ci, que nous
analyserons dans une partie postérieure, consacrée à ce sujet.
Afin de schĂ©matiser cette diffĂ©rence entre imitation et contrefaçon, regardons la Figure nÂș1 dans
les annexes, concernant la classification des différents types de dérivés de produits de luxe.
Malheureusement, nous pouvons voir que l’affaire se complique : la diffĂ©rence entre ces dĂ©rivĂ©s
est de plus en plus difficile Ă  faire. Comment expliquer ceci ? Il y a eu une augmentation
significative du niveau de qualité des produits contrefaits, qui deviennent de plus en plus
difficiles à différencier des produits originaux. De plus, il semblerait que la cible de ces produits
est Ă©galement en changement ; il s’agit actuellement des Ă©tudiants, cible privilĂ©giĂ©e des
contrefaçons.
  12	
  
Les canaux de vente ont aussi changé considérablement au cours des derniÚres années.
Traditionnellement, nous trouvions les articles contrefaits dans les arriĂšre-boutiques de pays
asiatiques ou de l’AmĂ©rique du Sud, sous la forme de sacs et autres articles de maroquinerie
faits en plastique et portant ridiculement des logos Gucci, Louis Vuitton, Chanel
 Dans
l’actualitĂ©, la contrefaçon est devenue une vraie industrie qui non seulement est rĂ©pandue
partout dans le monde mais qui emploie des milliers de personnes. Ceci a comme conséquence
une amélioration de la qualité des produits contrefaits, et donc un rapprochement de plus en plus
important à l’article original. De plus, il ne faut pas oublier que les produits contrefaits sont trùs
souvent vendus parmi des produits originaux ayant Ă©tĂ© volĂ©s. Ironiquement, il s’agit ici du cas
opposé à la contrefaçon subie : le cas du consommateur qui croit acheter une contrefaçon mais
qui est en rĂ©alitĂ© entrain d’acquĂ©rir un article original !
OĂč peuvent les consommateurs trouver ces produits? D’aprĂšs de nombreux articles, la Chine est
le marché de contrefaçons par excellence, numéro un en exportation de ces produits. Elle est
suivie par d’autres pays asiatiques comme la CorĂ©e, le Vietnam, l’Inde et aussi certains pays de
l’AmĂ©rique du Sud.
Par contre, il y a moins de conscience sur le fait que ces pratiques sont en constante expansion
aussi dans les Ă©conomies occidentales

b) Comment peut-on expliquer l’existence de contrefaçons d’articles de
luxe?
Dans la partie précédente, nous avons défini les termes clé su sujet à traiter. Par contre,
avant de rentrer plus dans le détail en ce qui concerne la contrefaçon dans le secteur du luxe, il
faut comprendre la raison de son existence, sa raison d’ĂȘtre.
Tout d’abord, il est important de comprendre pourquoi un tel intĂ©rĂȘt des contrefacteurs pour les
articles de luxe face Ă  d’autre type de produits. C’est une consĂ©quence de l’effet de Veblen
(développé par Thorstein Veblen en 1899), aussi connut sous le nom de « effet de snobisme ».
En quoi ça consiste ? Essentiellement, il s’agit du fait que les biens de luxe ou en gĂ©nĂ©ral ceux
qui vĂ©hiculent une certaine reconnaissance sociale deviennent d’avantage intĂ©ressants aux yeux
des consommateurs potentiels lorsque leur prix augmente. RĂ©ciproquement, ce genre d’articles
perd tout intĂ©rĂȘt pour les consommateurs lorsque son prix diminue. En conclusion, l’effet
Veblen est le fait que la valeur d’un article soit directement liĂ©e Ă  son prix. Les articles de luxe
  13	
  
correspondent logiquement Ă  100% Ă  la dĂ©finition des biens de Veblen, puisqu’ils ont les deux
caractéristiques requises : une élasticité inverse de leur demande par rapport à leur prix et une
Ă©lasticitĂ© de leur demande par rapport au revenu des consommateurs. Ceci explique l’intĂ©rĂȘt des
contrefacteurs envers ce type de biens, lesquels, en raison de leur nature exclusive, sont
extrĂȘmement attractifs pour les consommateurs dont le revenu n’est pas suffisant pour les
acquérir. Il est important de souligner que, en raison de leurs caractéristiques, les articles de
mode et notamment les accessoires sont d’avantage visĂ©s par cette pratique que d’autres articles
comme c’est le cas des parfums de luxe par exemple.
A ceci s’ajoute le fait que, comme c’est le cas de toutes les pratiques commerciales, la raison
principale expliquant leur existence réside dans la réponse à un besoin insatisfait, à une
demande de la part des consommateurs pour laquelle il n’existerait pas suffisamment d’offre. Il
y a donc un groupe important de consommateurs désirant posséder des biens de luxe mais ne
pouvant pas se les permettre. La contrefaçon représente la réponse à cette demande, la
possibilité de combler ce besoin. Logiquement, ce besoin insatisfait est intrinsÚquement lié aux
motivations d’achat d’un nombre important de consommateurs. Mais, ces motivations, quelles
sont- elles ?
Essentiellement, les consommateurs de contrefaçons sont motivés par la possibilité de profiter
de l’image Ă  l’égard de la sociĂ©tĂ© que les articles de luxe vĂ©hiculent, tel un coup de baguette
magique, aux personnes qui les portent. Quels sont les attributs recherchés ? Prestige,
exclusivitĂ©, richesse, ĂȘtre Ă  la mode et pourquoi pas, gĂ©nĂ©rer un sentiment de jalousie chez les
observateurs. De plus, il est important de souligner que les consommateurs de contrefaçons sont
peu sensibles Ă  la qualitĂ© du produit. Ainsi, les contrefaçons semblent ĂȘtre la rĂ©ponse parfaite Ă 
cette demande de fausse opulence. Par contre, le caractĂšre illicite de tels achats est toujours
prĂ©sent dans la tĂȘte des consommateurs, qui justifient souvent leurs acquisitions de faux. Dans
les forums sur Internet concernant ce sujet, nous pouvons trouver des arguments tels que « je
prĂ©fĂšre acheter du faux car c’est bien plus Ă©conomique, je suis Ă  la recherche d’un emploi et je
ne peu pas me permettre la marque originale en ce moment ». Effectivement, il y aura toujours
une raison qui justifie ce genre d’achat et qui fasse oublier Ă  notre conscience l’immoralitĂ© de
celui-ci

Par contre, nous pouvons analyser cette affaire depuis un point de vue complÚtement opposé. En
fait, le mĂȘme dĂ©sir de statut Ă  l’origine de l’existence des marques de luxe justifie l’existence
des contrefaçons. Ainsi, prenant compte du fait que les producteurs n’ont pas moyen de
répondre à ce désir de statut et considérant que les consommateurs ne sont jamais trompés, la
contrefaçon reprĂ©senterait un facteur d’efficience du marchĂ©. Il s’agit de la seule option possible
pour répondre à cette demande insatisfaite.
  14	
  
De cette façon, il semblerait que la principale raison d’ĂȘtre des contrefaçons concerne une
opportunité de business en lien avec les motivations des consommateurs, une demande que
les marques originales ne peuvent satisfaire en raison de leur nature. Ceci semble trĂšs
logique ; le luxe ne serait pas du luxe si il était accessible à tout le monde. La seule façon de
répondre à cette demande en ce qui concerne les firmes originales serait de baisser les prix, or,
ceci est absolument irrationnel du fait qu’il n’existerait plus d’exclusivitĂ© puisque la marque
serait accessible à un plus grand nombre de consommateurs. En conséquence, la réputation de
l’enseigne se verrait affectĂ©e, et les consommateurs associeraient cette baisse de prix comme
une baisse de la qualité des produits, ce qui aurait comme conséquence une chute de la
demande, la destruction de l’image de marque et peu à peu, la disparition de l’enseigne. En
grandes lignes, par chance ou par malheur, les marques de luxe n’ont pas l’option de baisser
leurs prix si elles veulent survivre.
Nous pouvons mĂȘme affirmer qu’il existe entre les marques de luxe et ses consommateurs, une
sorte de contrat implicite qui engage le producteur à maintenir un niveau de qualité et
d’exclusivitĂ© concret.
Prenant ceci en compte, il semblerait que les imitations et les contrefaçons ont cassé le marché
des biens de luxe, puisqu’il s’agit d’un marchĂ© parallĂšle qui, par son existence, porte atteinte
contre le concept du luxe en soi, lequel devient apparemment accessible Ă  tout le monde et donc
inexistant par définition. Nous pouvons donc conclure que, comme le dit la théorie de Mason,
« le besoin de consommation ostentatoire des individus qui ont de faibles revenus permet
d’expliquer la prolifĂ©ration des biens contrefaisants qui confĂšrent du statut ».
Par contre, il est Ă©vident que l’impossibilitĂ© des marques de luxe pour rĂ©pondre Ă  cette demande
d’ostentation bon marchĂ© n’est pas la seule explication de l’existence des biens contrefaits. Il ne
faut pas oublier le fait qu’il n’existe pour le marchĂ© des biens contrefaits, aucune
concurrence au niveau du prix de vente. Ceci s’explique par le modùle de Bertrand. D’aprùs
celui-ci, il n’existerai point d’unicitĂ© de prix dans le marchĂ© : chaque vendeur va fixer les prix
qui lui conviennent le plus. Ainsi, entre deux vendeurs qui offrent le mĂȘme bien Ă  des prix
diffĂ©rents, c’est celui qui propose le prix infĂ©rieur qui va capter la plupart (et mĂȘme la totalitĂ©)
de la demande de ce bien. Prenant compte de ceci et suivant une logique purement financiĂšre, il
semble évident que les consommateurs optent pour les contrefaçons au détriment des produits
originaux.
Par dĂ©finition, les falsifications vĂ©hiculent le concept de l’apparence cherchĂ©e par les
consommateurs, avec la seule différence du niveau de qualité des matériaux et du processus de
  15	
  
production utilisés en comparaison avec les articles originaux, ce qui explique une telle
diffĂ©rence de prix entre les deux. La Figure nÂș2 des annexes nous sert d’exemple illustratif en ce
qui concerne cette diffĂ©rence de prix. Cependant, il ne s’agit ici que d’un exemple de prix
pouvant ĂȘtre pratiquĂ©s dans le marchĂ© des contrefaçons, et non pas du prix habituel de ces biens
contrefaits. De plus, comme nous avons vu auparavant, un mĂȘme produit est contrefait Ă 
diffĂ©rents niveaux de qualitĂ©, et le prix est donc extrĂȘmement variable en fonction de ceci. Il ne
faut pas oublier que les consommateurs de ces produits seront prĂȘts Ă  payer un prix ou un autre
selon leur motivation d’achat principale. Dans le cas des biens contrefaits du tableau, nous
pouvons déduire que la qualité sera plutÎt faible, ainsi que sa ressemblance au produit original.
Il est donc probable que la cible de ces produits concrets soit un consommateur prĂȘt Ă  dĂ©penser
une petite somme d’argent en ce genre d’articles, dont le but est tout simplement de possĂ©der
une rĂ©plique de l’anhĂ©lĂ© produit de luxe, et non pas de faire croire Ă  son entourage qu’il s’agit
du bien authentique.
ParallĂšlement, certains articles contrefaits peuvent avoir un prix qui se rapproche plus Ă 
l’original. Ainsi, il serait possible de trouver, par exemple, une contrefaçon d’une montre Rolex
pour un prix de 2000€ ou plus. Logiquement, on peut supposer que dans ce cas la qualitĂ© des
matériaux utilisés et du produit en soi sera bien supérieure à celle du premier exemple, ainsi que
sa ressemblance à l’original. Evidemment, la motivation du consommateur achetant la montre
contrefaite à ce prix est non seulement de la faire passer par l’authentique, mais aussi d’acheter
un produit de qualitĂ© en accord avec le prix payĂ©, mĂȘme si il ne s’agit pas d’une Rolex
authentique. Hormis les classes sociales privilégiées, de nombreux gens portent des
contrefaçons parce qu’ils aiment bien le design, la couleur, la forme, et non pas la marque en
soi. D’ailleurs, et notamment dans les pays europĂ©ens, l’achat de contrefaçons est mĂȘme devenu
une sorte de résistance « anti-marque ».
Ceci nous emmĂšne au troisiĂšme Ă©lĂ©ment expliquant l’existence des contrefaçons. Logiquement,
comme toute activitĂ© illĂ©gale, la contrefaçon vĂ©hicule Ă©normĂ©ment d’argent ; il s’agit d’un
marchĂ© trĂšs profitable. Mais ceci on le savait dĂ©jĂ . L’intĂ©rĂȘt de ce point rĂ©side dans le fait que,
en plus d’ĂȘtre une activitĂ© qui rapporte beaucoup de bĂ©nĂ©fices (en plus des ventes il n’y a pas de
taxes Ă  payer, pas d’investissements Ă  rĂ©aliser
) il s’agit aussi d’une activitĂ© trĂšs difficile Ă 
détecter par les autorités. Ceci est dû essentiellement à deux raisons ; les consommateurs de
contrefaçons ne vont jamais le dénoncer et par ailleurs, les producteurs de ces articles sont
normalement Ă©conomiquement insolvables. En raison de ceci, nous pouvons dire qu’il s’agit
d’une activitĂ© Ă  hauts revenus, avec un risque assez rĂ©duit. Nous pouvons donc comprendre
que cette pratique soit extrĂȘmement attractive pour les contrefacteurs, mais aussi, comme nous
  16	
  
l’avons vu, pour les consommateurs ne pouvant pas se permettre d’acheter les produits
originaux.
Nous retenons donc ces trois raisons d’ĂȘtre des imitations et des contrefaçons : il existe une
demande d’ostentation insatisfaite pour les consommateurs à bas et moyen niveaux de revenu, il
n’y a point de concurrence au niveau du prix de vente et du coĂ»t de production pour les
contrefacteurs et il s’agit d’une activitĂ© trĂšs profitable et relativement peu risquĂ©e. Par contre,
pas tous les articles de luxe ne sont intéressants à contrefaire

c) Quels sont les articles les plus contrefaits et pourquoi ?
Si le dĂ©sir d’ostentation reprĂ©sente une des motivations d’achat principales pour ces
articles, on peut comprendre que l’objectif est de porter quelque chose ayant le logo ou le nom
d’une marque de luxe. La marque doit toujours ĂȘtre visible. Comme nous avons vu, les articles
contrefaits sont souvent achetĂ©s par ce qu’ils signifient plutĂŽt que par ce qu’ils sont rĂ©ellement.
Il semble donc logique que les produits les plus falsifiés soient ceux étant les plus
emblématiques des marques, préférablement exploitant le plus ce logo ou le nom de celle-ci et
donc Ă©tant rapidement identifiables et attribuables Ă  l’enseigne correspondante. Il existent de
nombreuses thĂ©ories sur les articles Ă©tant les plus reproduits, par contre la plupart sont d’accord
sur le fait que les articles nĂ©cessitant d’une faible technologie pour leur production sont souvent
les préférés par les contrefacteurs, en raison de la facilité de reproduction. Logiquement, les
articles de mode et les accessoires s’avùrent une cible parfaite
 L’exemple d’articles
contrefaits le plus habituel est Louis Vuitton et ses sacs « Neverfull» et « Speedy ». Il s’agit
d’articles ayant une importante image de marque et donc Ă©tant hautement identifiables et connus
au monde entier, du fait qu’ils sonts recouverts par le logo de la Maison française et qu’ils sont
facilement copiables.
Ceci nous emmĂšne Ă  conclure que les marques de luxe les plus contrefaites sont les plus
connues Ă  niveau mondial et donc celles Ă©tant hautement reconnaissables par l’ensemble des
consommateurs. Une autre caractéristique commune à ces marques est le fait de produire des
articles facilement falsifiables et exploitant considérablement leur logo ou leur nom dans le
design des produits. Par exemple, la Maison Chanel va ĂȘtre ciblĂ©e par les contrefacteurs
d’avantage que Balenciaga, du fait que les produits de cette derniĂšre ne prĂ©sentent pas de logo
  17	
  
ni de nom de marque, contrairement aux produits Chanel.
3. La contrefaçon ; une pratique en constante augmentation:
a) Chiffres clé et origine de cette tendance :
a.1) Les chiffres clé :
C’était dĂ©jĂ  mentionnĂ© au cours de la partie prĂ©cĂ©dente ; les contrefaçons sont en
constante augmentation. Essentiellement en provenance de la Chine, ces articles sont de plus en
plus répandus partout dans le monde. Quelles sont les causes de cette croissance éclair ? Nous
allons répondre à cette question au cours de la sous-partie suivante. Avant ceci, regardons quels
sont les chiffres clé de cette évolution, afin de la mesurer et de la comprendre entiÚrement en
faisant postérieurement le lien avec ses causes.
La progression annuelle des articles contrefaits est estimĂ©e ĂȘtre de 42%, et d’aprĂšs l’OMC
(Organisation Mondiale du Commerce), 80% des objets saisis proviennent de la Chine
continentale.
Qui achĂšte ces produits et les emmĂšne en Europe ? D’aprĂšs un sondage rĂ©alisĂ© par la CE
(Commission Européenne), 40% des européens achÚtent ou considÚrent acheter des
contrefaçons !
Quels sont les dommages Ă©conomiques causĂ©s par cette pratique en Europe ? Il s’agit
essentiellement des pertes estimées pour les marques originales, mais aussi pour les Etats, du
fait de l’évasion douaniĂšre et Ă  la contribution Ă  la TVA. A ceci il faut ajouter aussi l’estimation
d’emplois perdus en Europe, Ă  cause de cette pratique. Ainsi, d’aprĂšs la derniĂšre Ă©tude rĂ©alisĂ©e
par l’OHMI (Office de l’Harmonisation dans le MarchĂ© IntĂ©rieur) « la vente de vĂȘtements,
chaussures et accessoires contrefaits (hors sacs) coûterait 26 milliards d'euros par an à
l'Europe, dont 3,5 milliards Ă  la France, soit prĂšs de 10 % des ventes totales du secteur en
Europe. Des chiffres qui se traduiraient par 363 000 emplois directs perdus (25 000 en
France), et une perte de contributions sociales et de TVA de plus de 8,1 milliards
d'euros ». Effectivement, il s’agit ici des arguments les plus retrouvĂ©s dans les articles
revendiquant les effets négatifs des contrefaçons.
  18	
  
Mais, les contrefaçons, représentent-elles vraiment un pourcentage si important du commerce
mondial ? In ne faut pas oublier qu’il s’agit ici uniquement d’estimations, puisque les ventes et
achats de ces articles ne sont point déclarés. Apparemment, elles représentent entre 5 et 10% de
celui-ci avec un chiffre d’affaires de prùs de 500 milliards d’euros. En ce qui concerne
concrùtement les falsifications des produits de luxe, il s’agit d’environ 50% en valeur des saisies
douaniĂšres, en France. Les vĂȘtements et accessoires reprĂ©sentent 18 millions des 79 millions
d’articles falsifiĂ©s saisis dans l’UE en moyenne par an.
a.2) Les origines de cette Ă©volution :
La rĂ©volution digitale joue sans doute un rĂŽle essentiel dans l’augmentation de la
commercialisation d’articles contrefaits à niveau mondial.
Les jours dans lesquels il fallait se dĂ©placer au fin fond de l’Asie pour trouver des articles
contrefaits dans des magasins clandestins sont arrivés à leur fin. Internet représente la possibilité
d’accĂ©der Ă  toutes les falsifications imaginables, sans bouger de chez soi ! De plus, il est
essentiel de rajouter que, dans le cas concret de la France, le nombre de foyers ayant une
connexion à Internet a été multiplié par cent au cours des dix derniÚres années. Personne ne peut
s’en passer, Internet fait actuellement partie de notre vie dans tous les aspects

Effectivement, il s’agit de l’accĂšs le plus simple, direct et rapide aux produits falsifiĂ©s, en raison
du dĂ©veloppement du commerce en ligne. Nous pouvons donc nous demander jusqu’à quel
point Internet reprĂ©sente pour les marques de luxe un outil plutĂŽt qu’une grande contrainte

OĂč peut-on trouver ces articles sur le net ? Il existe une infinitĂ© de sites web dĂ©diĂ©s Ă  ceci, ainsi
que des sites de vente d’articles d’occasion entre utilisateurs dans lesquels ce genre d’articles est
constamment Ă©changĂ©. Logiquement, la nature fausse des produits n’est souvent pas indiquĂ©e, et
l’acheteur peut souvent ĂȘtre trompĂ©. Il s’agit ici d’un des cas de contrefaçon subie dans lequel le
consommateur peut vraiment ĂȘtre une victime.
Mais il faut nuancer que ces consommateurs sont conscients de cette possibilité ; ils cherchent
sur Internet des aubaines de produits de luxe, mais savent qu’ils prennent le risque de se
retrouver avec un faux. Si ils pouvaient et / ou voulaient payer le prix original, ces
consommateurs se rendraient sans doute dans la boutique ou sur le site web officiel de la
marque en question. C’est en raison de ceci que la premiĂšre impression donnĂ©e par un site web
est extrĂȘmement importante : le design, les codes de couleur, la prĂ©sentation des articles, les
informations sur les produits
 L’opinion des autres usagers, Ă  travers les commentaires laissĂ©s
sur le site d’achat ou dans des plateformes de chats est aussi un facteur clĂ©. Ce sont ces Ă©lĂ©ments
  19	
  
qui vont inspirer (ou pas) de la confiance aux internautes et vont ĂȘtre ainsi plus ou moins
persuadés de réaliser des achats sur le site en question.
Le lieu d’achat joue donc un rîle essentiel sur l’achat de tels produits. D’ailleurs, il semblerait
que l’intĂ©rĂȘt des consommateurs envers les sites de contrefaçons « officiels » est notablement
infĂ©rieur Ă  celui portĂ© envers les sites de vente aux enchĂšres ou d’autres sites qui pourraient
vendre des articles originaux.
Ceci explique aussi la prolifĂ©ration de sites de vente d’articles de luxe comme c’est le cas de
Net Ă  Porter ou Instantluxe, offrant des produits authentiques (de seconde main parfois) Ă  des
prix sensiblement infĂ©rieurs aux l’originaux.
Internet reprĂ©sente pour un grand nombre d’internautes, la possibilitĂ© de possĂ©der n’importe
quel article à un prix inférieur au réel, à travers les moyens de commerce les plus variés comme
les produits d’occasion, les trocs
 Il y a mĂȘme la possibilitĂ© de marchander avec le vendeur !
Plusieurs thĂ©ories affirment qu’à ceci s’ajoute le fait que le consommateur soit seul face Ă  un
ordinateur. Il semble logique que celui-ci soit poussĂ© d’avantage Ă  rĂ©aliser un achat illicite dans
ce contexte d’intimitĂ©, mais surtout d’anonymat : personne ne sait qui est qui sur Internet,
l’acheteur et le vendeur sont toujours des inconnus.
Par contre, ce genre de sites n’est pas le seul moyen d’achat virtuel de contrefaçons ; les rĂ©seaux
sociaux ont aussi un poids extrĂȘmement important dans cette affaire. Ces derniĂšres annĂ©es, le
trafic d’articles contrefaits a explosĂ© sur les plateformes comme Facebook, Instagram ou mĂȘme
Twitter.
La preuve ? « Sur les 8,8 millions d'articles contrefaits saisis en 2014, 17,5 % provenaient du
fret express (colis rapides) contre moins de 1 % en 2005. Ce qui explique pourquoi les sites d'e-
commerce sont dans le collimateur des groupes du luxe » (Julie PĂȘcheur, 2015).
Un exemple de ceci est le litige qui a eut lieu en mai 2014 entre le groupe Kering (propriétaire
de Gucci, Alexander McQueen, Saint Laurent, Balenciaga
) et Alibaba (leader chinois du
commerce en ligne). Le premier a porté plainte contre le deuxiÚme, en raison de la
commercialisation de contrefaçons de ses marques à travers Taobao, une des plateformes de
vente en ligne du Groupe Alibaba.
Un autre exemple est le litige qui a eu lieu, pour les mĂȘmes raisons, entre Louis Vuitton et
Ebay, aussi en 2014.
Ainsi, il semblerait que les marques de luxe se lancent de plus en plus dans des luttes acharnées
contre les plateformes de ventes en ligne, au nom de la défense de leur propriété intellectuelle.
  20	
  
Par contre, ces marques sont aussi obligĂ©es, en quelque sorte, Ă  ĂȘtre prĂ©sentes dans le monde du
numĂ©rique car, dans le cas contraire, elles s’exposent Ă  une augmentation des ventes de
contrefaçons de leurs produits.
Logiquement, si la vente de contrefaçons via Internet existe toujours et est de plus en plus
importante, c’est parce qu’il est presque impossible de trouver la source des sites web, et donc
de trouver des coupables derriÚre cet endommagement de la propriété intellectuelle et de
l’image de marque des enseignes les plus luxueuses. Ceci explique aussi le nombre de sites
dĂ©diĂ©s Ă  la vente d’articles contrefaits : pour un business illĂ©gal, c’est assez libre de risques,
c’est trĂšs difficile d’ĂȘtre retrouvĂ© par les autoritĂ©s.
Quelle serait la solution Ă  ce problĂšme ? D’aprĂšs ValĂ©rie Sonnier, directrice propriĂ©tĂ©
intellectuelle chez Louis Vuitton, « Le commerce de la contrefaçon n'a pas de frontiÚres, et il se
développe aussi bien dans le monde réel que numérique. Mais pour lutter contre lui, il faut
remonter à la source, et la source, c'est le monde physique ». Ainsi, il semblerait que la seule
façon de stopper cette présence en croissance des contrefaçons sur le net passe obligatoirement
pare la lutte contre ces pratiques dans la rĂ©alité 
Une chose est certaine : « l’activitĂ© des contrefaçons est aujourdÂŽhui devenue une vĂ©ritable
industrie planétaire, phénomÚne accéléré par le changement des modes de distribution et
notamment l’arrivĂ©e d’internet » (Brigitte MĂŒller, Bruno Kocher et Björn Ivens, 2011).
Par contre, cette croissance notable de la commercialisation d’articles contrefaits à niveau
mondial peut aussi se justifier par d’autres Ă©lĂ©ments autres que le dĂ©veloppement d’Internet.
C’est le cas de la crise Ă©conomique mondiale qui a explosĂ© dans l’annĂ©e 2007. Effectivement,
celle-ci est, d’aprĂšs de nombreuses thĂ©ories, Ă  l’origine du changement de comportement des
consommateurs occidentaux. Avant l’arrivĂ©e de cette derniĂšre crise financiĂšre mondiale, les
contrefaçons se trouvaient quasi uniquement dans les pays moins développées, or depuis, nous
pouvons remarquer que les consommateurs des pays développés sont de plus en plus attirés vers
ce genre d’articles. L’explication de ce phĂ©nomĂšne est Ă©vidente ; les pays occidentaux ont Ă©tĂ©
extrĂȘmement touchĂ©s par la crise, et le niveau Ă©conomique, et donc la capacitĂ© d’achat d’articles
de luxe, a diminué considérablement en général.
Sur ceci, il faut souligner que les fortunes n’ont pas disparu à niveau mondial, elles ont juste
changé de mains et de type de pays. AprÚs quelques années depuis le début de cette fameuse
« crise des subprimes », nous pouvons remarquer un changement radical dans la classification
des pays consommant le plus de marques de luxe. Une autre preuve de ceci sont les cibles
prioritaires des marques de mode et d’accessoires de luxe : il ne s’agit plus de conquĂ©rir
  21	
  
l’Europe ou les Etats-Unis, mais d’augmenter sa prĂ©sence et son poids dans des pays Ă 
importance secondaire auparavant. C’est notamment le cas des pays asiatiques comme le Japon.
Mais, la crise actuelle, est-elle seulement Ă©conomique ? Je pense que cette situation est
fortement liĂ©e Ă  une crise de moralitĂ© globale. Nous vivons une pĂ©riode de l’humanitĂ© dans
laquelle tout est liĂ© Ă  l’argent, au succĂšs, oĂč le temps est prĂ©cieux car on en dispose de peu et en
consĂ©quence, oĂč on n’a pas le temps de prendre en compte la dimension morale de nos actions.
Je pense que l’achat de contrefaçons ne se justifie pas uniquement par une impuissance
Ă©conomique de ces acheteurs mais aussi par une mise de cĂŽtĂ© du sentiment de culpabilitĂ©, mĂȘme
si les consommateurs de contrefaçons sont parfaitement conscients du caractÚre illégal de cet
achat. De ce fait, certaines théories affirment que de nombreux consommateurs de contrefaçons
sont aussi des clients des marques de luxe, c’est-‘a-dire qu’ils peuvent avoir les moyens de
s’offrir l’original mais choisissent d’économiser de l’argent en achetant une falsification.
Tristement, il semblerait que le concept de luxe ne rĂ©side plus dans le plaisir d’acheter des
produits Ă  haute qualitĂ© et valeur ajoutĂ©e mais du « qu’en dira-t-on », dans l’importance des
(souvent fausses) apparences

b) Les conséquences de cette évolution pour le secteur de la mode et les
accessoires de luxe :
Nous avons vu que les articles contrefaits suivent actuellement une tendance Ă  la hausse
pour plusieurs raisons. Par contre, d’aprĂšs de nombreuses thĂ©ories et contrairement Ă  ce que
nous pourrions penser, les consĂ©quences de ce phĂ©nomĂšne pour l’industrie du luxe ne
concernent point leur chiffre d’affaires. Certes, nous pouvons parler d’une lĂ©gĂšre baisse de la
croissance du marchĂ© mondial du luxe au cours de l’annĂ©e 2015 (entre 1 et 2%). Par contre, ceci
est dĂ», d’aprĂšs le cabinet Bain & Company, au ralentissement de l’économie chinoise et Ă 
l’effondrement du tourisme dans des pays comme la Russie.
Ainsi, il semblerait que les contrefaçons constituent un marché complétement différent à celui
des produits de luxe, et que leur expansion à niveau mondial a des conséquences de nature
différente.
b.1) Transformation de la clientĂšle :
  22	
  
Comme nous venons de voir dans la sous-partie précédente, il est évident que la
clientÚle des marques de luxe a expérimenté une importante transformation au cours des
derniĂšres annĂ©es. ConcrĂštement, il y a eu une diminution de la capacitĂ© d’achat dans les pays
occidentaux, représentant auparavant la quasi-totalité des ventes pour les enseignes de luxe. Un
effet opposĂ© a eu lieu dans les pays de deuxiĂšme rang pour le luxe, comme c’est le cas de la
Chine, du Japon, de la Russie, de l’Inde et bien d’autres pays orientaux et de l’AmĂ©rique du
Sud, comme nous pouvons le voir sur la Figure nÂș3 dans les annexes.
Logiquement, cette crise a frappĂ© l’économie Ă  niveau mondial, par contre, il s’avĂšre que les
riches des pays en dĂ©veloppement ont vu leur capacitĂ© d’achat augmenter au dĂ©triment des
riches des pays développés en général. En grandes lignes : les occidentaux sont plus en mesure
d’acheter autant d’articles de luxe. Comment ce traduit ceci à notre thùme d’analyse ? Les
occidentaux achùtent de plus en plus de contrefaçons ! Effectivement, il s’agit d’un effet
proportionnellement inverse qui va toujours avoir lieu entre l’achat de produits de luxe et
l’achat de contrefaçons.
Certains justifient cette tendance occidentale en croissance par les habitudes prises par les
consommateurs de ces pays. Accoutumés à posséder des marques de luxe, ils doivent
actuellement acheter des contrefaçons, puisqu’ils ne sont plus en mesure de se permettre les
articles originaux.
Quelle est la consĂ©quence de ce changement pour les marques de mode et d’accessoires de luxe
europĂ©ennes ? Elles se trouvent face Ă  deux types de consommateurs. Le premier, c’est le client
occidental qui a maintenu son niveau Ă©conomique et qui achĂšte ce genre de produits depuis de
nombreuses années. Il est fidÚle à ces marques, possÚde déjà les produits « classiques » et a
maintenant besoin de produits encore plus exclusifs, d’un niveau de luxe supĂ©rieur.
Le deuxiÚme est le client en provenance des pays moins développés, qui a vu son niveau
économique augmenter soudainement dans les derniÚres années et qui a « la fiÚvre du luxe » : il
a une grande soif d’ostentation. Ainsi, il achùte les produits iconiques, classiques des marques
de luxe, qu’il ne pouvait pas acheter auparavant. Normalement, ce genre de consommateur
priorise l’exposition du logo, la renommĂ©e du produit en question face aux autres critĂšres
d’achat. Parfois, le prix Ă©levĂ© va ĂȘtre aussi le dĂ©terminant d’achat ; plus le produit est cher, plus
il va le vouloir. Il s’agit d’une phĂ©nomĂšne caractĂ©risĂ© par un nouveau concept de shopping :
l’achat pour construire une identitĂ© plutĂŽt que pour rĂ©pondre Ă  un besoin rĂ©el.
Par ailleurs, nous sommes entrain d’assister Ă  un changement de mentalitĂ© en ce qui concerne
les jeunes gĂ©nĂ©rations. D’une part, il a une augmentation du culte aux articles de luxe
d’occasion. L’explication de ceci est le fait qu’il s’agit d’articles bien plus rares que ceux
  23	
  
vendus dans les boutiques des marques actuellement ; le vintage est la réponse à la demande de
différenciation des jeunes aisés.
D’autre part, et suivant cette mĂȘme ligne d’envie de diffĂ©renciation de la part des
consommateurs de produits de luxe, nous pouvons constater une forte popularité des articles
artisanaux. Les consommateurs commencent Ă  questionner le niveau d’exclusivitĂ© des marques
de luxe, de plus en plus présentes dans la rue et en conséquence, de plus en plus « banalisées » à
leurs yeux. Ainsi, les articles de mode et d’accessoires de luxe artisanaux reprĂ©sentent la
rĂ©ponse parfaite Ă  cette demande d’unicitĂ© des consommateurs, et sont mĂȘme devenus un
symbole d’appartenance Ă  ce « club d’exclusivitĂ© » parmi les niches privilĂ©giĂ©es.
Face à ceci, comment peuvent les firmes de luxe répondre à la demande de ces deux types de
consommateur ?
b.2) Le besoin d’adaptation des marques des luxe : standardisation vs
différenciation :
Rien n’est Ă©ternel. Tout le monde le sait, et les marques de luxe ne sont pas une
exception. Ainsi, la capacitĂ© d’adaptation reprĂ©sente une qualitĂ© essentielle pour tous les grands
Groupes, notamment dans notre sociĂ©tĂ©, constamment en changement et en Ă©volution, oĂč
adaptation est synonyme de survie.
Ainsi, les enseignes de luxe doivent faire preuve de cette capacité si elles veulent survivre, elles
doivent apprendre Ă  adapter leur offre Ă  toutes les situations possibles.
Prenant compte de la situation actuelle, les marques de mode et d’accessoires de luxe doivent
s’adapter à leur clientùle de deux façons. D’une part, elles doivent continuer à adapter leurs
produits aux cultures et aux goûts des différents pays. Effectivement, il ne faut pas oublier cet
aspect essentiel de la construction d’image de marque de ce genre d’enseignes, qui ont su
modeler leur concept de luxe aux attentes des différentes cultures, ceci à travers des stratégies
comme le développement de départements marketing et design spécifiques à chaque pays, entre
autres. Le focus de cet effort d’adaptation est sans doute la Chine, cible principale dans
l’actualitĂ© de toutes les marques de luxe, en raison de leur croissant pouvoir d’achat mais aussi
de leur soif de luxe et d’ostentation, comme le montre aussi le fait que ce soit le pays par
excellence en production et commercialisation de contrefaçons. Un clair exemple de ces efforts
est le cas de Chanel, qui a lancé à Shanghai en 2009 une collection inspirée dans les tendances
de mode du pays dans les années 1930 et 1940. Un autre exemple est la maison HermÚs, qui a
  24	
  
lancé en 2010 une nouvelle marque de luxe en Chine appelée Shang Xia, qui commercialise des
produits issus de l’artisanat chinois.
D’autre part, elles doivent considĂ©rer l’importance de rĂ©pondre Ă  la demande des deux types de
consommateurs que nous avons défini au cours de la partie précédente. La clé pour réussir ?
Développer aussi deux catégories de produits : différenciés et standardisés. La premiÚre
catĂ©gorie de produits doit logiquement ĂȘtre destinĂ©e au premier consommateur dĂ©crit, Ă  la
recherche d’un niveau d’exclusivitĂ© supĂ©rieur et comme rĂ©ponse aussi Ă  ce dĂ©sir d’unicitĂ© qui
fait que les consommateurs se tournent vers les petits producteurs artisanaux. Cette catégorie
englobe essentiellement les éditions limitées ainsi que les autres collections à prix plus élevés
et/ou avec des matĂ©riaux d’avantage sophistiquĂ©s. Ce genre d’articles permet aux clients les
plus anciens de se différencier des « nouveaux riches » qui vont plutÎt posséder les articles de
collections standard. Ce dernier type de collections constitue donc la deuxiÚme catégorie de
produits que les marques de luxe produisent. Elles sont destinées au deuxiÚme consommateur
type décrit qui est un client assez récent de ces marques et qui cherche à posséder les produits
les plus iconiques des marques de luxe. L’objectif est d’exploiter ainsi la rĂ©cente position
Ă©conomique atteinte.
Afin de diffĂ©rencier clairement ces deux types de catĂ©gories de produits, prenons l’exemple de
Louis Vuitton. Ses sacs les plus iconiques et donc les plus apercevables dans les rues sont le
« Neverfull » et le « Speedy », et le design habituel proposé pour les deux exhibe au maximum
le nom de la marque. Il s’agit ici de deux produits typiquement standard. A ceci s’opposent les
produits diffĂ©renciĂ©s : il peut s’agir de sacs ayant un design complĂ©tement diffĂ©rent comme le
nouveau sac « Kimono » ou bien simplement de designs édition limitée pour les sacs iconiques,
comme c’est le cas de la version « Stephen Sprouse Flowers » du sac « Neverfull » (voir la
Figure nÂș4 dans les annexes). Ce genre d’articles commercialisĂ©s en Ă©dition limitĂ©e va
logiquement ĂȘtre proposĂ© en nombre rĂ©duit et/ou sur une pĂ©riode limitĂ©e. La distribution
sĂ©lective joue aussi un jeu important pour ces articles, ainsi que l’évĂšnementiel.
En conclusion, que ce soit la rareté des marques de luxe dans le secteur de la mode ou celle des
Ă©ditions limitĂ©es Ă  l’intĂ©rieur d’une marque, une chose est certaine : la raretĂ© crĂ©e du dĂ©sir. Il
s’agit ici de l’essence des marques de luxe et de la clĂ© pour leur succĂšs et leur survie.
  25	
  
B) RĂ©alitĂ© de cet intĂ©rĂȘt au sein de la communautĂ© des professionnels :
1. L’impact nĂ©gatif des contrefaçons sur les marques de mode et
d’accessoires de luxe :
Dans la partie prĂ©cĂ©dente de l’analyse, nous avons Ă©tudiĂ© la situation actuelle face Ă 
laquelle se trouvent les marques de mode et d’accessoires de luxe europĂ©ennes, en raison des
changements sociaux et Ă©conomiques que nous sommes entrain de vivre. Apparemment, les
contrefaçons ne semblent pas jouer un rÎle important dans cette affaire et pourtant, elles sont
perçues de façon extrĂȘmement nĂ©gative par les enseignes de luxe, les Etats
 Quelle est la
raison de ceci ? Quel est l’impact nĂ©gatif de cette pratique faisant qu’elle soit persĂ©cutĂ©e Ă  ce
point ?
En lignes gĂ©nĂ©rales, et d’aprĂšs Catherine Viot, AndrĂ© Le Roux et Florence KrĂ©mer (2014), nous
pouvons parler de trois grands types d’impacts nĂ©gatifs des contrefaçons.
PremiĂšrement, elles prĂ©sentent un risque macro-Ă©conomique : il s’agit d’une pratique qui a
comme consĂ©quence l’évasion fiscale, qui ne contribue pas Ă  la TVA. Ceci semble logique,
puisqu’il s’agit d’une activitĂ© illĂ©gale qui ne peut donc pas ĂȘtre dĂ©clarĂ©e. Une autre des
consĂ©quences directes est la perte d’emplois, ainsi que la contribution au dĂ©ficit de la balance
commerciale, en raison des importations et exportations non-déclarées. ConcrÚtement, les
contrefaçons sont souvent importées en Europe en provenance de pays comme la Chine, et les
exportations des biens de luxe sont bien sûr déclarées, ce qui a comme conséquence une balance
commerciale qui ne reflĂšte pas la rĂ©alitĂ© et qui est donc peu fiable. Il s’agit ici des consĂ©quences
directes que ce phénomÚne a pour les Etats, et qui justifient la législation et les autres moyens
mis en place pour lutter contre celui-ci, que nous analyserons postérieurement.
DeuxiÚmement, les contrefaçons présentent des risques pour les entreprises dont les produits
sont contrefaits. Selon certaines théories (comme celle de Green et Smith, 2002), la premiÚre
consĂ©quence pour celles-ci serait une perte de chiffre d’affaires en raison des ventes perdues par
la vente de la version contrefaite de leurs produits. De plus, les entreprises investissent une
partie de leurs fonds dans la lutte contre ce phĂ©nomĂšne, qui aurait pu ĂȘtre investie autrement et
qui se traduit donc par une diminution de leur capacitĂ© d’innovation ainsi que de leur
compétitivité.
TroisiÚmement, les contrefaçons présentent des risques pour la marque en soi : en rendant les
produits plus accessibles en apparence, elles banalisent les marques de luxe et dégradent ainsi
les images de marque. Ceci peut logiquement déboucher dans le rejet de la marque par les
consommateurs des produits originaux, en raison de l’importante perte d’exclusivitĂ© que
véhiculent les articles des marques contrefaites.
  26	
  
Si nous rajoutons à ces trois grands risques le fait que les contrefaçons sont de plus en plus
rĂ©pandues, jusqu’au point d’ĂȘtre devenues une vraie industrie, nous arrivons Ă  un des principaux
problÚmes actuels pour les marques originales : la plupart des contrefaçons produites
actuellement sont aussi bonnes que les produits originaux. D’ailleurs, pour certains produits
contrefaits, mĂȘme la qualitĂ© est similaire au produit rĂ©el !
En quoi ceci est un problùme ? Les contrefacteurs sont entrain d’offrir un produit quasiment
exact Ă  l’original et parfois avec un niveau de qualitĂ© trĂšs similaire, Ă  un prix notablement
inférieur à celui facturé par les marques de luxe. Ainsi, les contrefaçons attirent de plus en plus
de consommateurs et nous pouvons nous demander jusqu’à quel point elles s’adressent
actuellement à un marché différent à celui des marques de luxe. Effectivement, plus la qualité
de la contrefaçon augmente, plus le fait aussi le prix, qui devient parfois assez important et se
rapproche de celui des firmes originales.
De ce fait, nous assistons ici Ă  une grande injustice : les contrefacteurs sont entrain de profiter
de l’image de marque construite par les enseignes de luxe à travers leur travail pendant de
nombreuses années, de leurs innovations, de leurs designs
 Ils réalisent des profits de plus en
plus importants au détriment du travail des grandes marques. A ceci se rajoute le fait que le coût
de production des contrefacteurs est pratiquement inexistant en comparaison avec leur revenu,
puisqu’ils ne rĂ©alisent ni des investissements en R&D, ni en design, ni contribuent Ă  la TVA et
aux autres charges sociales

Par ailleurs, les dĂ©penses des firmes contrefaites en brevets d’exclusivitĂ© et sauvegarde de leur
propriété intellectuelle deviennent inutiles et représentent donc aussi un manque à gagner pour
les marques, qui auraient pu encore une fois investir cet argent ailleurs.
Ainsi, les marques de luxe voient leur image de marque endommagée par la possible distorsion
de la perception des consommateurs de leurs produits, leurs investissements devenir inutiles,
leur ventes diminuer et en consĂ©quence, leur chiffre d’affaires aussi. Les Etats voient leur
financement diminuer, leur balance commerciale faussée, leur niveau de chÎmage augmenter

Tout ceci Ă  cause des contrefacteurs, ce qui justifie le fait qu’ils persĂ©cutent acharnement ce
genre de pratiques.
Afin de mesurer ces dégùts en valeur et illustrer les conséquences mentionnées, reprenons les
chiffres donnĂ©s par l’OHMI (Office de l’Harmonisation dans le MarchĂ© IntĂ©rieur) sur ce sujet :
il semblerait que « la vente de vĂȘtements, chaussures et accessoires contrefaits - hors sacs -
coûterait 26 milliards d'euros par an aux industriels européens, dont 3,5 milliards aux
fabricants français, ce qui représente prÚs de 10 % des ventes totales du secteur en Europe »
(Fabien Piliu, 2015).
  27	
  
Par contre, le nombre de zĂ©ros reprĂ©sentant leur manque Ă  gagner n’est pas la prĂ©occupation
principale des enseignes de luxe. Elles attribuent bien plus d’importance aux consĂ©quences
mentionnées pour leur image de marque.
Sur ceci, nous pouvons faire le lien avec la partie concernant la prolifération des contrefaçons
sur Internet : nous pouvons affirmer qu’il s’agit ici d’une grande prĂ©occupation pour les
marques, puisque c’est sans doute l’origine la plus importante de la circulation des produits
contrefaits et donc de l’endommagement de leur image de marque. Apparemment, les firmes de
luxe estiment que « plus de 90 % des produits de leur marque en circulation sur les sites de
vente aux enchĂšres sont des produits contrefaits » (Brigitte MĂŒller, Bruno Kocher et Björn
Ivens, 2011).
2. Quels sont les mécanismes mis en place pour freiner cette pratique ?
Nous venons de voir que la commercialisation d’articles contrefaits a de nombreuses
conséquences négatives pour les marques ainsi que pour les Etats. Comment font ceux-ci pour
se dĂ©fendre de telles consĂ©quences et pour essayer d’éradiquer cette pratique ?
a) LĂ©gislation en vigueur
Tout d’abord, regardons le contexte lĂ©gislatif en Europe en ce qui concerne les
contrefaçons. Il s’avĂšre que le mĂ©canisme de dĂ©fense le plus puissant pour les Etats sont les
douanes. Elles représentent le filtre par lequel doivent passer tous les articles importés dans les
pays européens et sont donc un moyen excellent pour réduire considérablement le nombre
d’articles contrefaits qui franchissent les frontiùres du vieux continent. C’est en raison de ceci
que la législation en ce qui concerne les contrÎles douaniers est devenue de plus en plus stricte,
en parallùle avec l’augmentation du nombre d’articles contrefaits. Avec ceci, les Etats visent
non seulement à éradiquer cette pratique mais aussi à rééquilibrer les comptes publics, comme
nous avons vu précédemment.
Christophe Cuidard, directeur régional des douanes en France définit la contrefaçon comme
« un flĂ©au pour la santĂ©, pour l’économie et pour la crĂ©ation ». Les rĂ©percussions des
contrefaçons en termes économiques et de création sont plus évidentes mais, pourquoi sont-elles
un fléau pour la santé ? Nous pourrions penser que ceci ne concerne point les contrefaçons
d’articles de mode et d’accessoires de luxe mais, malheureusement la santĂ© est un des dangers
de cette pratique qui prĂ©occupe le plus les Etats. Ceci s’explique par le fait que les contrefaçons,
constituant une activité illégale, ne passent aucun contrÎle sanitaire ou de qualité, ce qui a
  28	
  
comme conséquence une incertitude sur leurs composants, les matériaux et les colorants
utilisés
 Un exemple de produit contrefait dangereux sont les bracelets et autres objets
métalliques, lesquels contiennent souvent des pourcentages importants de cadmium, étant un
matĂ©riel extrĂȘmement prĂ©judiciel pour la santĂ©.
Revenons aux douanes : que font-elles des contrefaçons saisies ? Généralement, elles sont
dĂ©truites. Il semblerait que le nombre d’articles saisis par celles-ci augmente en moyenne de
10% chaque année.
Par contre, les produits importés par le biais des commandes sur les sites Internet étrangers
Ă©chappent au contrĂŽle des douanes : elles ne peuvent intervenir que pour les commandes
réalisées à travers des sites locaux

A ceci se rajoute un élément essentiel : les droits de douane ainsi que la législation concernant la
propriĂ©tĂ© intellectuelle varient entre les pays. Ainsi, il arrive souvent qu’un article soit considĂ©rĂ©
comme étant une contrefaçon dans un pays mais pas dans un autre, ce qui logiquement rend
bien plus compliqué le rÎle des douaniers, notamment lorsque les lois sont différentes entre le
pays d’importation et celui d’exportation. Un exemple est l’interdiction d’intervention de l’UE
pour les marchandises en transit dans les ports ou aĂ©roports, ce qui n’est point respectĂ© en
France. Dans ce cas concret, les douaniers ont mĂȘme le droit de solliciter l’inspection des sacs
des voyageurs qu’ils suspectent ĂȘtre des contrefaçons. Si ils jugent que c’est le cas, ils
confisquent l’article au voyageur en lui donnant comme contrepartie un sac en plastic. Il s’agit
ici du cas isolé de la France, qui a renforcé les mesures de lutte contre les contrefaçons en raison
de l’importance de tels articles dans le pays, mais ce n’est pas le cas dans la plupart des pays
européens.
MalgrĂ© ces diffĂ©rences, il existe un traitĂ© multilatĂ©ral d’ordre international sur ce sujet : l’ACTA
(Anti Counterfeiting Trade Agreement), signĂ© en 2012 par 22 Etats de l’Union EuropĂ©enne.
De plus, il existe un accord essentiel commun a tous les membres de l’OMC (Organisation
Mondiale du Commerce) en relation aux droits de propriĂ©tĂ© intellectuelle : l’accord TRIPS
(1995). Celui-ci concerne l’obligation de tous les Etats membres à respecter certains critùres
minimums pour la défense de la propriété intellectuelle. Le but de cet accord est, non seulement
de stopper la tendance Ă  la hausse du nombre d’articles contrefaits commercialisĂ©s par an mais
aussi d’harmoniser peu Ă  peu les lĂ©gislations des diffĂ©rents pays membres sur ce sujet.
Effectivement, cette harmonisation aurait comme conséquence une réduction considérable de la
circulation de falsifications, notamment en ce qui concerne les pays Ă©mergents.
Sur ceci, je pense qu’il est trĂšs intĂ©ressant de souligner le cas de la Chine, membre de l’OMC
depuis l’annĂ©e 2001. Comme nous l’avons vu dans les parties prĂ©cĂ©dentes, il s’agit du pays
  29	
  
producteur et exportateur de contrefaçons par excellence. La contrefaçon est devenue une
industrie essentielle pour le pays, qui rapporte beaucoup d’argent et qui crĂ©e un nombre
d’emplois trĂšs important. Ceci est possible grĂące Ă  la lĂ©gislation en vigueur, extrĂȘmement peu
stricte sur ce sujet. MĂȘme si certains efforts ont Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©s par le pays pour endurcir leurs lois
concernant cette affaire, ils ne semblent pas avoir été suffisants. Un exemple de ceci est la
campagne de neuf mois qui a eu lieu en Chine en 2011 pour défendre la propriété intellectuelle.
Elle a été fortement critiquée du fait que quelques mois de renforcement des lois en défense de
la propriété intellectuelle ne sont pas suffisants : il devrait y avoir un changement de législation
permanent qui augmente considérablement la responsabilité du pays vis-à-vis des contrefaçons.
Ainsi, en tant que membre de l’OMC le pays s’est engagĂ© Ă  atteindre peu Ă  peu les critĂšres de
respect de la propriété intellectuelle imposés à tous les pays membres, mais, y arrivera-t-il un
jour ?
Revenons au cas de la législation européenne. Quels sont les cas punis par la loi en ce qui
concerne la commercialisation d’articles contrefaits? Comme nous l’avons vu, les lois changent
d’un pays Ă  l’autre. Prenons donc le cas de la France Ă  mode d’exemple reprĂ©sentatif, Ă©tant le
pays européen le plus touché par ce phénomÚne. Le Code de la Propriété Intellectuelle (CPI)
contient plusieurs articles sur ce sujet. « L’article L. 713-2 sanctionne la contrefaçon par
reproduction c’est-à-dire l’usage ou l’apposition d’une marque reproduite lorsqu’elle porte sur
des produits ou des services identiques Ă  ceux dĂ©signĂ©s dans l’enregistrement. Dans ce cas le
titulaire n’a pas à apporter la preuve d’un risque de confusion. L’article L. 713-3 (a)
sanctionne aussi la contrefaçon par reproduction. Cependant pour qu’il y ait atteinte au droit il
faut une identité absolue de signes, une similarité entre produits et services et un risque de
confusion de la part du consommateur. Enfin l’article L. 713-3 (b) sanctionne la contrefaçon
par imitation. Dans ce cas, le contrefacteur doit avoir repris un Ă©lĂ©ment d’une marque
enregistrĂ©e, les produits visĂ©s doivent ĂȘtre identiques ou similaires et il doit rĂ©sulter de ces deux
éléments un risque de confusion » (Philippe Maitre et Muriel Perrino, 2007).
Par ailleurs, les Etats encouragent de plus en plus des associations entre les entités publiques et
privĂ©es pour lutter plus efficacement contre la commercialisation de ces articles Ă  l’intĂ©rieur des
frontiÚres européennes. Ceci concerne principalement les entreprises victimes des contrefaçons,
mais aussi les opérateurs de commerce en ligne. Généralement, ceux-ci ont le droit de réaliser
une dĂ©marche prĂ©ventive de demande d’intervention de la part des douanes Ă  travers leur site
Internet.
Logiquement, en plus de ceci, les marques touchĂ©es par ce trafic mĂšnent aussi des enquĂȘtes et
des attaques de façon individuelle, à travers diverses stratégies que nous allons analyser au
cours de la sous-partie suivante.
  30	
  
Cependant, ce renforcement des contrĂŽles douaniers ne semble pas freiner les contrefacteurs,
qui continuent leurs efforts d’importation en Europe. Pourquoi donc ? L’explication principale
réside dans la difficulté des autorités pour détecter ce type de trafic en raison de sa nature
illĂ©gitime. Paradoxalement, la commercialisation d’articles contrefaits est trĂšs lĂ©gĂšrement punie
par la loi, avec peu ou pas de peines de prison. Ceci fait que les risques pour les contrefacteurs
soient négligeables, face à un business qui rapporte des marges formidables.
Ceci s’applique aussi aux consommateurs de contrefaçons, lesquels, jusqu’à trĂšs rĂ©cemment ne
risquaient rien en achetant ce type de produits. Par contre, la législation est aussi devenue de
plus en plus stricte pour ceux-ci, qui ne sont plus considérés dans tous les cas comme des
victimes de cette pratique. A quoi s’exposent-ils actuellement ? Encore une fois dans le cas de la
France, les consommateurs d’articles contrefaits peuvent ĂȘtre sanctionnĂ©s par le biais de la loi
Longuet (1994). Elle concerne aussi les contrefacteurs et les distributeurs. La conséquence pour
ceux-ci est généralement, en plus de la confiscation des produits, une amende pour une valeur
deux fois supérieure au prix original des articles contrefaits.
Mais il se s’agit ici uniquement des peines qui peuvent ĂȘtre imposĂ©es par les autoritĂ©s
nationales. Les marques victimes de la commercialisation de ces articles peuvent aussi faire
appel à l’imposition de diverses peines, pas seulement aux contrefacteurs et aux distributeurs
mais aussi aux consommateurs. Ces derniers peuvent faire face Ă  un maximum de deux ans de
prison et jusqu’à 150.000 euros d’amende. Dans le cas de la France, pays le plus strict de l’UE
en ce qui concerne la législation au sujet des contrefaçons, la loi Perben II (2004) augmente ces
peines Ă  trois ans de prison et une amende maximale de 300.000 euros.
Il est important de rajouter que de plus en plus de pays européens sont entrain de renforcer les
sanctions pour ce trafic, dans le but de sensibiliser les consommateurs sur les préjudices
Ă©conomiques et sociaux d’une telle pratique. Effectivement, si il existent des contrefacteurs
c’est parce qu’il existent des acheteurs de contrefaçons

b) Les mesures adoptées par les entreprises :
Afin de construire des marques avec une identité précise, les entreprises investissent
d’importantes quantitĂ©s d’argent et de travail pendant des annĂ©es. Or, nous avons vu que ces
investissements sont profitĂ©s par les contrefacteurs, dont les ventes d’articles sont assurĂ©es par
l’image construite par les firmes originales. Ainsi, nous pouvons penser que les ventes de
contrefaçons représentent un manque à gagner pour les enseignes originales, en plus des
préjudices en ce qui concerne les images de marque. De plus, il est important de rajouter que les
contrefaçons constituent une difficulté supplémentaire pour le développement des stratégies
  31	
  
marketing des marques concernĂ©es, comme c’est le cas des marques de luxe. Effectivement,
celles-ci doivent essayer de limiter l’impact de la commercialisation d’articles contrefaits, ce qui
n’est pas une tñche facile.
En raison de ceci, les entreprises victimes de cette injustice sont de plus en plus actives dans
leur effort pour défendre leurs droits de propriété intellectuelle.
Quelles stratégies mettent-elles en place pour ceci ?
Une des stratĂ©gies les plus retrouvĂ©es au sein des marques de luxe est l’existence de
dĂ©partements consacrĂ©s Ă  la dĂ©fense de la propriĂ©tĂ© intellectuelle. C’est le cas de Louis Vuitton
par exemple, ayant une équipe de cinquante personnes environ réparties par le monde qui
travaillent avec les autoritĂ©s locales et bien d’autres spĂ©cialistes pour faire face au problĂšme des
copies. Il est essentiel de souligner que sur cette Ă©quipe de cinquante personnes, environ trente
sont localisĂ©es en Asie, ce qui prouve encore une fois qu’il s’agit du continent oĂč se centralise
cette pratique. D’aprĂšs ValĂ©rie Sonnier, directrice du dĂ©partement en question chez le Groupe, il
n’est pas question de se relĂącher : « que l'on trouve 1 ou 20 000 portefeuilles, il faut saisir. On
n'Ă©radiquera peut-ĂȘtre jamais la contrefaçon, mais il faut compliquer la tĂąche des
contrefacteurs et ne jamais relĂącher la pression. Ça, ça marche. »
Un autre exemple de stratĂ©gie pour faire face Ă  ce trafic concerne l’harmonisation des prix au
niveau mondial. Il se trouve que les diffĂ©rences entre les pays nourrissent l’augmentation des
flux de contrefaçons. La Maison Chanel entre bien d’autres se sert de cette stratĂ©gie, expliquĂ©e
ainsi par Bruno Pavlovsky (prĂ©sident mode de l’enseigne) : « Nous avons une stratĂ©gie
d'harmonisation de nos prix pour réduire les écarts entre les pays. Lorsqu'ils se creusent, des
marchés de revente parallÚle émergent, sur lesquels on retrouve de nombreux produits
contrefaits. »
De cette façon, des marques comme HermĂšs ou Prada adaptent leurs prix et s’efforcent d’ĂȘtre de
plus en plus présentes dans les points de vente les plus importants des pays les plus touchés par
cette pratique, comme c’est le cas de la Chine.
Par contre, le prix n’est pas le seul facteur utile pour cette rĂ©sistance menĂ©e vis-Ă -vis des faux.
La conception mĂȘme du produit reprĂ©sente une arme puissante contre le phĂ©nomĂšne de la
contrefaçon ! « On évite de créer des produits simples. On en a eu dans le passé mais on a
arrĂȘtĂ©, admet Sidney Toledano, le PDG de Christian Dior Couture. Il m'est arrivĂ© de dire non Ă 
un bon modÚle parce que les contrefacteurs allaient se jeter dessus. Nous privilégions les
produits complexes dans leur réalisation, ceux qui nécessitent un savoir-faire, des matiÚres
nouvelles. » (Julie PĂȘcheur, 2015). Ainsi, les dirigeants des grandes Maisons de luxe sont
conscients de l’importance de la complexitĂ© du design et de la conception des articles en
  32	
  
général, pour faire face à cette situation. Logiquement, plus un produit est simple plus il est
facile Ă  copier et donc plus il est attractif pour les contrefacteurs.
Ce type de stratégie concerne aussi la commercialisation en édition limitée, laquelle poursuit,
entre autres, le but de rendre plus difficile la tĂąche aux contrefacteurs.
En plus des stratégies menées au niveau interne des entreprises, les marques de luxe réalisent
souvent des campagnes de sensibilisation Ă  ce phĂ©nomĂšne. Un exemple de marque Ă  l’origine
d’une telle pratique est Dior, qui a rĂ©alisĂ© une campagne destinĂ©e aux jeunes. D’aprĂšs le PDG
de la marque : « on veut les inciter à s'engager pour la défense du patrimoine et de la créativité.
Il faut mettre en avant les valeurs Ă©thiques. L'accĂšs au luxe c'est la connaissance, pas l'accĂšs Ă 
la consommation immédiate ».
Il est de plus en plus habituel de voir des alliances se développer entre les Maisons de luxe. Un
exemple de ceci est le Comité Colbert, crée en 1954 et composé de 81 membres de tailles
différentes.
Par ailleurs, il est intéressant de voir comment certaines marques ont opté pour essayer de
rĂ©pondre Ă  cette demande d’ostentation de la part du mass market, Ă  travers le dĂ©veloppement
de lignes de produits un peu plus Ă©conomiques. Il s’agit logiquement de produits d’une qualitĂ©
légÚrement inférieure à celle des autres articles des marques, mais qui restent des biens de luxe.
Par contre, il s’agit ici d’une stratĂ©gie assez risquĂ©e pour les firmes de luxe, qui pourraient voir
leur capital réputation et leur image de marque endommagés sur le moyen ou le long terme.
C’est en raison de ceci que certaines marques choisissent, plutît que de prendre ce risque, de
créer des marques prémium ou masstige externes à la marque de luxe en question.
Mais, comment estimer quels sont les préjudices conséquence des contrefaçons pour déterminer
la stratégie à mettre en place ? Afin de répondre à cette question, les marques de luxe
investissent de façon plus ou moins importante dans des Ă©tudes d’image afin de comprendre la
perception des consommateurs de la marque ainsi que de mesurer les dommages causés par les
copies.
3. L’impact positif des contrefaçons sur les marques de mode et
d’accessoires de luxe :
  33	
  
MalgrĂ© les effets nĂ©gatifs que peut produire la commercialisation d’articles contrefaits,
tout n’est pas noir ou blanc : ce phĂ©nomĂšne peut aussi avoir un impact positif pour les marques
de mode et d’accessoires de luxe europĂ©ennes.
Cette pratique est souvent dĂ©fendue, comme nous l’avons dĂ©jĂ  mentionnĂ©, par le fait qu’elle
rĂ©pond Ă  une demande qui ne pourrait pas ĂȘtre satisfaite autrement dans le marchĂ© lĂ©gal pour
des raisons Ă©videntes.
D’ailleurs, certaines thĂ©ories vont mĂȘme jusqu’au point d’affirmer que les contrefaçons peuvent
contribuer à l’augmentation (et non pas à la diminution) des revenus de marques de luxe !
Comment expliquer ceci ?
Une chose est certaine : une marque est copiée quand elle a du succÚs. Ainsi, il semble que le
fait qu’une marque soit contrefaite est un signe de rĂ©ussite de celle-ci, une preuve qu’elle a crĂ©e
un produit plus ou moins iconique, qui génÚre du désir chez les consommateurs.
Sur ceci, nous ne pouvons pas nier le fait que les copies d’articles de luxe vĂ©hiculent un certain
niveau de notoriété pour les marques originales, elles augmentent leur présence à niveau
mondial et les font connaütre ainsi à des nouveaux consommateurs. Il s’agit sans doute d’une
publicité involontaire mais qui peut devenir profitable pour les entreprises.
C’est prĂ©cisĂ©ment ceci qui est analysĂ© dans l’analogie de Becker (1991). Elle se base sur
l’explication des files d’attente devant les restaurants cĂ©lĂšbres. Nous pouvons nous demander
pourquoi ces restaurants n’augmentent pas leurs prix afin de diminuer les files d’attentes en
mĂȘme temps qu’augmentant leurs profits. La rĂ©ponse est simple : ceci ne serait pas profitable
tout simplement par ce que les files d’attente donnent au restaurant une notoriĂ©tĂ© extrĂȘmement
positive aux yeux des passants : si les gens font la queue pour y manger, c’est sans doute un bon
restaurant. Nous pouvons appliquer cette mĂȘme thĂ©orie Ă  notre thĂšme d’analyse : les
contrefaçons sont signe de marque à la mode.
Au cours des parties prĂ©cĂ©dentes, nous avons dĂ©jĂ  mentionnĂ© les thĂ©ories d’aprĂšs lesquelles
contrefaçons et articles de luxe s’adressent Ă  des marchĂ©s (et donc Ă  des consommateurs) trĂšs
diffĂ©rents. Comme l’a soulignĂ© l’OCDE (Organisation de CoopĂ©ration et de DĂ©veloppement
Economique) en 1998, « les consommateurs qui achĂštent des faux n’auraient pas achetĂ© le
produit authentique ». Regardons la Figure nÂș5 dans les annexes, prĂ©sentant la comparaison du
chiffre d’affaires de Louis Vuitton avec le nombre de contrefaçons saisies en Europe entre 2000
et 2004. Si nous comparons les tendances des deux courbes, nous pouvons retrouver une
certaine symétrie : il semble que lorsque le nombre de contrefaçons des produits de la marque
augmente, son chiffre d’affaires le fait aussi.
  34	
  
Suivant ces théories, il semble que le marché des contrefaçons ne cannibaliserai point celui des
firmes originales, mais au contraire, lui pourrait ĂȘtre favorable. Dans quelle mesure ? Les
consommateurs de contrefaçons choisissent ces produits comme une alternative aux articles
authentiques du fait qu’ils ne peuvent pas se permettre d’acquĂ©rir ces derniers. Ainsi, si leur
niveau de revenus le permet un jour, ils deviendront trĂšs probablement des clients des enseignes
originales. En conclusion : les contrefaçons pourraient générer des consommateurs potentiels
pour les marques de luxe. Ce phĂ©nomĂšne a Ă©tĂ© prouvĂ© par l’étude de Yoo et Lee rĂ©alisĂ© auprĂšs
d’étudiants corĂ©ens : le fait d’avoir achetĂ© des articles contrefaits fait qu’ils soient sujets
d’avantage à poursuivre l’achat d’articles originaux.
En ce qui concerne les risques pour les consommateurs véhiculés par les articles contrefaits,
comme c’est le cas de la tromperie, Grossman et Shapiro (1988) argumentent leur inexistence
sous prĂ©texte que la contrefaçon est toujours « sans dĂ©ception ». C’est-Ă -dire, qu’il s’agit
toujours d’un achat conscient de la part des consommateurs et comme consĂ©quence, les
contrefacteurs n’ont pas l’intention de les tromper.
Sur ceci, la thĂ©orie de Barnett rajoute que les consommateurs d’articles contrefaits ont souvent
pour but de ressembler aux Ă©lites qu’ils admirent. Ceci est susceptible de renforcer pour ces
Ă©lites un sentiment de statut et d’appartenance Ă  une niche privilĂ©giĂ©e et exclusive, ce qui Ă  son
tour va renforcer leur consentement Ă  payer des sommes de plus en plus importantes pour
maintenir cette appartenance. Autrement dit, les contrefaçons peuvent avoir comme
répercussion une augmentation de la demande et du consentement à payer pour les firmes
originales.
Cette idée se renforce à travers le modÚle de Takeyama, lequel affirme que les falsifications
bĂ©nĂ©ficient aux marques falsifiĂ©es dans la mesure oĂč elles permettent Ă  ces derniĂšres de
pratiquer une discrimination de prix : d’une part, des prix standards pour les consommateurs
classiques et d’autre part, des prix supra-compĂ©titifs en ce qui concerne leurs clients les plus
Ă©litistes. Cette pratique ne serait pas envisageable dans le cas oĂč les contrefaçons n’existeraient
pas, car la totalité des clients des marques de luxe voudraient payer le prix standard,
n’éprouvant pas le besoin d’acquĂ©rir des produits encore plus exclusifs qui leur Ă©loignent
d’avantage des consommateurs d’articles contrefaits.
Par ailleurs, nous avons vu dans la partie précédente que les marques de luxe mettent en place
plusieurs stratĂ©gies pour faire face Ă  l’expansion des contrefaçons. Celles-ci concernent souvent
une augmentation du niveau d’innovation pour produire des articles uniques qui seront
difficilement reproduits, un accroissement de l’importance attribuĂ©e aux campagnes marketing,
  35	
  
du soin de l’image de marque
 Ainsi, les contrefaçons, ne seraient-elles pas un booster
d’efficience pour les entreprises, les poussant Ă  s’amĂ©liorer de façon rĂ©guliĂšre ?
Effectivement, il semble assez logique que les contrefaçons relancent la demande des clients des
marques de luxe, dont le dĂ©sir d’exclusivitĂ© et de diffĂ©renciation augmente avec l’expansion des
contrefaçons. Ainsi, ce type de trafic permet aux enseignes de renouveler plus rapidement leurs
collections, et de répondre ainsi à cette demande de différenciation de leur clientÚle qui se
traduit par une augmentation de leurs revenus. Ceci ne serait point possible sans l’existence des
articles contrefaits. Selon Miuccia Prada « nous laissons les autres nous copier, puis
immédiatement nous passons à autre chose. »
Par ailleurs, il ne faut pas oublier que ces stratĂ©gies de lutte contre l’immoralitĂ© du trafic de
falsifications a une grande répercussion médiatique, ce qui permet aux marques non seulement
de renforcer leur image de marque mais aussi d’augmenter d’avantage leur notoriĂ©tĂ©. D’aprĂšs
l’OCDE (1998) : « la lutte contre la contrefaçon est considĂ©rĂ©e comme une activitĂ© de
promotion de l’image de marque et les entreprises sont de plus en plus nombreuses à prendre
conscience de l’avantage qu’elles ont Ă  faire connaĂźtre les efforts qu’elles dĂ©ploient. »
En addition à ceci, et concernant la législation mise en place par les Etats européens, il
semblerait, d’aprĂšs la thĂ©orie de Yao, que le prix pratiquĂ© par les marques au nom de la dĂ©fense
de leur propriĂ©tĂ© intellectuelle serait infĂ©rieur en absence des contrefaçons. C’est-Ă -dire que, les
Etats imposent aux contrefacteurs une amende du double du prix de l’article original, qui est
postérieurement reversée à la marque en question. En raison de ceci, ces firmes seraient
susceptibles d’augmenter leur prix, ce qui ne serait pas le cas si les contrefaçons n’existaient
pas. En grandes lignes : l’existence des contrefaçons contribue à l’augmentation du revenu des
marques falsifiées.
Suivant cette ligne d’analyse, il est important de rajouter que le fait de saisir et dĂ©truire les
falsifications d’articles de luxe peut accentuer le niveau d’exclusivitĂ© et d’authenticitĂ© perçues
en ce qui concerne les articles originaux.
4. Comment peuvent les marques de luxe en bénéficier ?
Selon la thĂ©orie de Rustiala et Sringman, les marques de mode et d’accessoires de luxe
ont appris à profiter du fait que leurs produits soient rapidement copiés. De quelle façon
peuvent-elle le faire ?
  36	
  
Comme nous le savons, les copies d’articles de luxe sont de plus en plus similaires aux articles
originaux, pas seulement en apparence mais en termes de qualité aussi. Ceci est une des
conséquences du fait que leur niveau de technicité a augmenté au cours de ces derniÚres années,
jusqu’à devenir une vraie industrie pour des pays comme la Chine. D’ailleurs, malgrĂ© le
caractĂšre illicite de ce type de trafic, il s’agit ici de la preuve que le dĂ©veloppement des
contrefaçons est un levier d’acquisition de savoir-faire et de nouvelles compĂ©tences pour les
Ă©conomies Ă©mergentes. Ainsi, nous assistons au dĂ©veloppement d’un phĂ©nomĂšne assez
paradoxal : les contrefaçons deviennent parfois une version améliorée des articles originaux.
Ceci s’applique à plusieurs dimensions du produit comme c’est le cas de son design, sa forme,
les couleurs et les tailles disponibles
 Sachant ceci, ne serait-il pas intéressant pour les
marques de luxe de bénéficier de ces idées pour leurs propres créations ?
En plus de ceci, il se trouve que les firmes de luxe s’inspirent aussi des crĂ©ations de leur
concurrence. Il s’agit d’un contrat implicite entre-elles : il est assez courant que pour la
collection de chaque saison, une des Maisons crée le produit hit du moment, alors que les autres
peuvent ne pas avoir mis dans le mille. Dans ce cas, la marque Ă©tant Ă  l’origine de la crĂ©ation en
question va laisser les autres copier ce produit dans une certaine mesure, sachant qu’il est
probable que lors de la saison suivante ce sera Ă  elle de s’inspirer des crĂ©ations d’une autre
Maison. Un exemple de ceci sont les chaussures « Sling » crées cette année par la Maison
Chanel pour la collection Printemps/Eté 2016 (voir la Figure 6 dans les annexes). Ce type de
chaussure d’inspiration vintage a Ă©tĂ© reproduit par la totalitĂ© des autres firmes de luxe, ainsi que
par les marques bas de gamme. A l’heure actuelle, il est peu probable que nous ne voyons pas
ces chaussures dans n’importe quel Ă©tablissement de mode et/ou d’accessoires !
Mais ce phĂ©nomĂšne « d’inspiration », de plus en plus rĂ©pandu en consĂ©quence de la
« normalisation » des copies en raison de l’expansion des contrefaçons, ne s’arrĂȘte pas ici. En
plus de s’inspirer les unes des autres, les firmes de luxe semblent ĂȘtre de plus en plus attirĂ©es
par d’autres sources d’inspiration allant des vĂȘtements traditionnels de certaines cultures, aux
tendances vintage ou mĂȘme aux robes des princesses Disney (voir la Figure 7 dans les
annexes) !
Prenant ceci en compte, nous pouvons nous demander oĂč est la limite pour les marques de luxe
entre bĂ©nĂ©ficier des rĂ©percussions de l’expansion des contrefaçons et frĂŽler l’illĂ©galitĂ© Ă  leur
tour. Effectivement, la ligne sĂ©parant inspiration de copie est extrĂȘmement fine, et elle est donc
trĂšs facile Ă  franchir mĂȘme involontairement. C’est le cas de l’enseigne française Isabel Marant.
La firme a Ă©tĂ© accusĂ©e en 2015 d’avoir copiĂ© les designs des vĂȘtements traditionnels de la
communauté indigÚne Mixe originaire de Oaxaca (Sud du Mexique) pour sa collection
  37	
  
Printemps/Eté 2015 (voir la Figure 8 dans les annexes). Ceci a entraßné pour la marque un long
procĂšs juridique qui n’a pas encore touchĂ© Ă  sa fin.
Il semble que les marques de mode et d’accessoires de luxe Ă©tant copiĂ©es peuvent ĂȘtre prises Ă 
leur propre piĂšge
 Certes, elles peuvent bĂ©nĂ©ficier de certaines rĂ©percussions des contrefaçons,
mais elles doivent toujours le faire de façon trÚs prudente.
Mais, pourquoi pas jouer au jeu des contrefacteurs, pourquoi pas donner au grand public un peu
de cette ostentation de laquelle ils rĂȘvent ? Il s’agit d’une question que les marques de luxe se
sont dĂ©jĂ  posĂ©es et Ă  laquelle elles ont trouvĂ© la rĂ©ponse : non seulement c’est une bonne idĂ©e
mais en plus il y a moyen qu’elle rapporte des revenus assez importants sans point dĂ©tĂ©riorer
leur image de marque. Ceci semble sĂ»rement impossible, mais il s’agit des collaborations des
marques de luxe avec les marques bas de gamme. De nos jours, cette pratique est d’ailleurs
devenue une mode, qui franchit les frontiĂšres du prĂȘt-Ă -porter et atteint mĂȘme le secteur des
boissons rafraichissantes, avec les collaborations de designers comme Karl Lagerfeld avec
Coca-Cola. En ce qui concerne la mode et les accessoires de luxe, le suĂ©dois H&M s’est
prononcé roi du phénomÚne, présentant chaque année une collection à prix abordables en
collaboration avec les Maisons de mode les plus prestigieuses de l’envergure de Versace, Marni,
Jimmy Choo ou, derniÚrement, Balmain. Effectivement, ces collaborations représentent sans
aucun doute une stratégie gagnant-gagnant pour les deux parties : H&M augmente ses ventes,
fidélise ses clients et augmente considérablement sa notoriété par le biais des répercussions
mĂ©diatiques et l’enseigne de luxe en question augmente aussi sa notoriĂ©tĂ© tout en maintenant
une image d’exclusivitĂ© et faisant rĂȘver le grand public, puisque celui-ci peut Ă  peine frĂŽler du
doit les créations de ces enseignes.
A ceci se rajoute le fait que ces pratiques représentent aussi une injection de fonds rapide et
importante pour les petites marques de luxe en croissance, comme c’est notamment le cas de
Balmain. Le gĂ©ant suĂ©dois arrive Ă  payer autour d’un million de dollars aux crĂ©ateurs de ces
collections conjointes, en addition de la publicité que celles-ci véhiculent.
Bien entendu, mĂȘme si les deux niveaux de gamme se confondent pour la crĂ©ation d’une
collection, luxe et bas de gamme restent deux mondes différents, avec des clients et des produits
différents. Les articles de telles collections sont des hybrides, à mi-chemin entre les deux
mondes : les designs du luxe avec la qualité du bas de gamme. Voici la combinaison parfaite
pour susciter du désir chez les consommateurs du grand public,
D’aprĂšs Olivier Rousteig, directeur crĂ©atif de Balmain, l’objectif de telles collaborations est
« que tout le monde sache qu'il est le bienvenu dans le monde Balmain. Balmain est une marque
de luxe, d'opulence et d'exclusivité que peu de gens peuvent s'offrir. Mais je crois que la mode
devrait aussi ĂȘtre ouverte Ă  tous ». Sur ceci, Emmanuel Diemoz, PDG de la marque, rajoute que
ZUGAZA_Blanca_VersionRestreinte
ZUGAZA_Blanca_VersionRestreinte
ZUGAZA_Blanca_VersionRestreinte
ZUGAZA_Blanca_VersionRestreinte
ZUGAZA_Blanca_VersionRestreinte
ZUGAZA_Blanca_VersionRestreinte
ZUGAZA_Blanca_VersionRestreinte
ZUGAZA_Blanca_VersionRestreinte
ZUGAZA_Blanca_VersionRestreinte
ZUGAZA_Blanca_VersionRestreinte
ZUGAZA_Blanca_VersionRestreinte
ZUGAZA_Blanca_VersionRestreinte
ZUGAZA_Blanca_VersionRestreinte
ZUGAZA_Blanca_VersionRestreinte
ZUGAZA_Blanca_VersionRestreinte
ZUGAZA_Blanca_VersionRestreinte
ZUGAZA_Blanca_VersionRestreinte
ZUGAZA_Blanca_VersionRestreinte
ZUGAZA_Blanca_VersionRestreinte
ZUGAZA_Blanca_VersionRestreinte
ZUGAZA_Blanca_VersionRestreinte
ZUGAZA_Blanca_VersionRestreinte
ZUGAZA_Blanca_VersionRestreinte
ZUGAZA_Blanca_VersionRestreinte
ZUGAZA_Blanca_VersionRestreinte
ZUGAZA_Blanca_VersionRestreinte
ZUGAZA_Blanca_VersionRestreinte
ZUGAZA_Blanca_VersionRestreinte
ZUGAZA_Blanca_VersionRestreinte
ZUGAZA_Blanca_VersionRestreinte
ZUGAZA_Blanca_VersionRestreinte
ZUGAZA_Blanca_VersionRestreinte
ZUGAZA_Blanca_VersionRestreinte
ZUGAZA_Blanca_VersionRestreinte
ZUGAZA_Blanca_VersionRestreinte
ZUGAZA_Blanca_VersionRestreinte
ZUGAZA_Blanca_VersionRestreinte
ZUGAZA_Blanca_VersionRestreinte
ZUGAZA_Blanca_VersionRestreinte
ZUGAZA_Blanca_VersionRestreinte
ZUGAZA_Blanca_VersionRestreinte

Mais conteĂșdo relacionado

Semelhante a ZUGAZA_Blanca_VersionRestreinte

Musique Numerique
Musique NumeriqueMusique Numerique
Musique Numeriqueguestb0f9d9c5
 
BLSTK Replay n°31 > La revue luxe et digitale du 10.01 au 16.01
BLSTK Replay n°31 > La revue luxe et digitale du 10.01 au 16.01BLSTK Replay n°31 > La revue luxe et digitale du 10.01 au 16.01
BLSTK Replay n°31 > La revue luxe et digitale du 10.01 au 16.01Balistik Art
 
Impact de l'intelligence artificielle sur le marketing
Impact de l'intelligence artificielle sur le marketingImpact de l'intelligence artificielle sur le marketing
Impact de l'intelligence artificielle sur le marketingRomain Bouilloud
 
BLSTK Replay #8 : Semaine du 31.05 au 06.06
BLSTK Replay #8 : Semaine du 31.05 au 06.06BLSTK Replay #8 : Semaine du 31.05 au 06.06
BLSTK Replay #8 : Semaine du 31.05 au 06.06Balistik Art
 
Le planning stratégique et les mutations du capitalisme
Le planning stratégique et les mutations du capitalismeLe planning stratégique et les mutations du capitalisme
Le planning stratégique et les mutations du capitalismeMartin HĂ©loĂŻse
 
BLSTK Replay n°280 la revue luxe et digitale 14.03 au 20.03.19
BLSTK Replay n°280 la revue luxe et digitale 14.03 au 20.03.19BLSTK Replay n°280 la revue luxe et digitale 14.03 au 20.03.19
BLSTK Replay n°280 la revue luxe et digitale 14.03 au 20.03.19Balistik Art
 
Vitalis Elodie - MĂ©moire: « Track id, anyone ? Entre quĂȘte commune, communion...
Vitalis Elodie - MĂ©moire: « Track id, anyone ? Entre quĂȘte commune, communion...Vitalis Elodie - MĂ©moire: « Track id, anyone ? Entre quĂȘte commune, communion...
Vitalis Elodie - MĂ©moire: « Track id, anyone ? Entre quĂȘte commune, communion...Elodie Vitalis
 
Mémoire Master 2 Face à la démocratisation du luxe, comment conserver le pres...
Mémoire Master 2 Face à la démocratisation du luxe, comment conserver le pres...Mémoire Master 2 Face à la démocratisation du luxe, comment conserver le pres...
Mémoire Master 2 Face à la démocratisation du luxe, comment conserver le pres...Marion Maistre
 
Intervention Club Luxe ESSEC the roxane company - 30/09/2010
Intervention Club Luxe ESSEC   the roxane company - 30/09/2010Intervention Club Luxe ESSEC   the roxane company - 30/09/2010
Intervention Club Luxe ESSEC the roxane company - 30/09/2010The Roxane Company
 
Mémoire moi 2010 e réputation benjamin vever
Mémoire moi 2010  e réputation  benjamin veverMémoire moi 2010  e réputation  benjamin vever
Mémoire moi 2010 e réputation benjamin veverMaster MOI
 
Bpifrance Le Lab - Les industries de la French Touch
Bpifrance Le Lab - Les industries de la French TouchBpifrance Le Lab - Les industries de la French Touch
Bpifrance Le Lab - Les industries de la French TouchBpifrance
 
Bpifrance Le Lab: Comment le numérique transforme les industries de la French...
Bpifrance Le Lab: Comment le numérique transforme les industries de la French...Bpifrance Le Lab: Comment le numérique transforme les industries de la French...
Bpifrance Le Lab: Comment le numérique transforme les industries de la French...Bpifrance
 
La Mode Ă  l'heure du Digital - Cyril Couvreur
La Mode Ă  l'heure du Digital - Cyril CouvreurLa Mode Ă  l'heure du Digital - Cyril Couvreur
La Mode Ă  l'heure du Digital - Cyril CouvreurIntervalles // HAVAS EVENT
 
Comment les artistes musiciens ce sont ils saisis du web ?
Comment les artistes musiciens ce sont ils saisis du web ?Comment les artistes musiciens ce sont ils saisis du web ?
Comment les artistes musiciens ce sont ils saisis du web ?yop88240
 
PROFESSIONAL THESIS MBA Overview & Intro Only
PROFESSIONAL THESIS MBA Overview & Intro OnlyPROFESSIONAL THESIS MBA Overview & Intro Only
PROFESSIONAL THESIS MBA Overview & Intro OnlyMarie-Emilie Orard
 
BLSTK Replay n°42 > La revue luxe et digitale du 04.04 au 10.04
BLSTK Replay n°42 > La revue luxe et digitale du 04.04 au 10.04BLSTK Replay n°42 > La revue luxe et digitale du 04.04 au 10.04
BLSTK Replay n°42 > La revue luxe et digitale du 04.04 au 10.04Balistik Art
 
Memoire Carine Currit Iscom
Memoire Carine Currit IscomMemoire Carine Currit Iscom
Memoire Carine Currit IscomCarine Currit
 
Les marques dans le secteur culturel
Les marques dans le secteur culturelLes marques dans le secteur culturel
Les marques dans le secteur culturelEdouard27
 
Les perturbateurs endocriniens dans les cosmétiques
Les perturbateurs endocriniens dans les cosmétiquesLes perturbateurs endocriniens dans les cosmétiques
Les perturbateurs endocriniens dans les cosmétiquesEvaBalcou
 
Dossier de prod grp 29
Dossier de prod grp 29Dossier de prod grp 29
Dossier de prod grp 29EvaBalcou
 

Semelhante a ZUGAZA_Blanca_VersionRestreinte (20)

Musique Numerique
Musique NumeriqueMusique Numerique
Musique Numerique
 
BLSTK Replay n°31 > La revue luxe et digitale du 10.01 au 16.01
BLSTK Replay n°31 > La revue luxe et digitale du 10.01 au 16.01BLSTK Replay n°31 > La revue luxe et digitale du 10.01 au 16.01
BLSTK Replay n°31 > La revue luxe et digitale du 10.01 au 16.01
 
Impact de l'intelligence artificielle sur le marketing
Impact de l'intelligence artificielle sur le marketingImpact de l'intelligence artificielle sur le marketing
Impact de l'intelligence artificielle sur le marketing
 
BLSTK Replay #8 : Semaine du 31.05 au 06.06
BLSTK Replay #8 : Semaine du 31.05 au 06.06BLSTK Replay #8 : Semaine du 31.05 au 06.06
BLSTK Replay #8 : Semaine du 31.05 au 06.06
 
Le planning stratégique et les mutations du capitalisme
Le planning stratégique et les mutations du capitalismeLe planning stratégique et les mutations du capitalisme
Le planning stratégique et les mutations du capitalisme
 
BLSTK Replay n°280 la revue luxe et digitale 14.03 au 20.03.19
BLSTK Replay n°280 la revue luxe et digitale 14.03 au 20.03.19BLSTK Replay n°280 la revue luxe et digitale 14.03 au 20.03.19
BLSTK Replay n°280 la revue luxe et digitale 14.03 au 20.03.19
 
Vitalis Elodie - MĂ©moire: « Track id, anyone ? Entre quĂȘte commune, communion...
Vitalis Elodie - MĂ©moire: « Track id, anyone ? Entre quĂȘte commune, communion...Vitalis Elodie - MĂ©moire: « Track id, anyone ? Entre quĂȘte commune, communion...
Vitalis Elodie - MĂ©moire: « Track id, anyone ? Entre quĂȘte commune, communion...
 
Mémoire Master 2 Face à la démocratisation du luxe, comment conserver le pres...
Mémoire Master 2 Face à la démocratisation du luxe, comment conserver le pres...Mémoire Master 2 Face à la démocratisation du luxe, comment conserver le pres...
Mémoire Master 2 Face à la démocratisation du luxe, comment conserver le pres...
 
Intervention Club Luxe ESSEC the roxane company - 30/09/2010
Intervention Club Luxe ESSEC   the roxane company - 30/09/2010Intervention Club Luxe ESSEC   the roxane company - 30/09/2010
Intervention Club Luxe ESSEC the roxane company - 30/09/2010
 
Mémoire moi 2010 e réputation benjamin vever
Mémoire moi 2010  e réputation  benjamin veverMémoire moi 2010  e réputation  benjamin vever
Mémoire moi 2010 e réputation benjamin vever
 
Bpifrance Le Lab - Les industries de la French Touch
Bpifrance Le Lab - Les industries de la French TouchBpifrance Le Lab - Les industries de la French Touch
Bpifrance Le Lab - Les industries de la French Touch
 
Bpifrance Le Lab: Comment le numérique transforme les industries de la French...
Bpifrance Le Lab: Comment le numérique transforme les industries de la French...Bpifrance Le Lab: Comment le numérique transforme les industries de la French...
Bpifrance Le Lab: Comment le numérique transforme les industries de la French...
 
La Mode Ă  l'heure du Digital - Cyril Couvreur
La Mode Ă  l'heure du Digital - Cyril CouvreurLa Mode Ă  l'heure du Digital - Cyril Couvreur
La Mode Ă  l'heure du Digital - Cyril Couvreur
 
Comment les artistes musiciens ce sont ils saisis du web ?
Comment les artistes musiciens ce sont ils saisis du web ?Comment les artistes musiciens ce sont ils saisis du web ?
Comment les artistes musiciens ce sont ils saisis du web ?
 
PROFESSIONAL THESIS MBA Overview & Intro Only
PROFESSIONAL THESIS MBA Overview & Intro OnlyPROFESSIONAL THESIS MBA Overview & Intro Only
PROFESSIONAL THESIS MBA Overview & Intro Only
 
BLSTK Replay n°42 > La revue luxe et digitale du 04.04 au 10.04
BLSTK Replay n°42 > La revue luxe et digitale du 04.04 au 10.04BLSTK Replay n°42 > La revue luxe et digitale du 04.04 au 10.04
BLSTK Replay n°42 > La revue luxe et digitale du 04.04 au 10.04
 
Memoire Carine Currit Iscom
Memoire Carine Currit IscomMemoire Carine Currit Iscom
Memoire Carine Currit Iscom
 
Les marques dans le secteur culturel
Les marques dans le secteur culturelLes marques dans le secteur culturel
Les marques dans le secteur culturel
 
Les perturbateurs endocriniens dans les cosmétiques
Les perturbateurs endocriniens dans les cosmétiquesLes perturbateurs endocriniens dans les cosmétiques
Les perturbateurs endocriniens dans les cosmétiques
 
Dossier de prod grp 29
Dossier de prod grp 29Dossier de prod grp 29
Dossier de prod grp 29
 

ZUGAZA_Blanca_VersionRestreinte

  • 1. CESEM, 4Ăšme annĂ©e MEMOIRE de fin d’études type « M1 » AnnĂ©e acadĂ©mique 2015-2016 (Volume 3 : Version Restreinte) Blanca ZUGAZA ESCRIBANO NationalitĂ© Espagnole - Cycle F/E Superviseur : Emmanuelle Rigaud-Lacresse Les contrefaçons, peuvent-elles se rĂ©percuter positivement sur les marques de mode et d’accessoires de luxe europĂ©ennes ?
  • 2.   2   Remerciements Tout d’abord, j’aimerais remercier le Cesem de m’avoir offert pour la premiĂšre fois dans mes annĂ©es d’études la possibilitĂ© de travailler d’une façon si approfondie sur un sujet entiĂšrement de mon choix et qui m’intĂ©resse profondĂ©ment. La mode de luxe a toujours Ă©tĂ© ma plus grande passion, et mon mĂ©moire de fin d’études a reprĂ©sentĂ© pour moi une occasion exceptionnelle d’entrer en contact avec ce monde. De plus, je suis extrĂȘmement reconnaissante de l’opportunitĂ© que reprĂ©sente le mĂ©moire en ce qui concerne les contacts pour notre prochaine inclusion dans le monde du travail, Ă  travers les entretiens Ă  rĂ©aliser auprĂšs de professionnels du secteur concernĂ© par notre sujet d’analyse. Sur ceci, je tiens Ă  remercier vivement tous les professionnels des marques de luxe que j’ai eu la chance de rencontrer Ă  travers ce travail et lesquels ont contribuĂ© sans exception, non seulement Ă  enrichir mon mĂ©moire, mais aussi Ă  renforcer ma conviction sur le fait que les connaissances, les responsabilitĂ©s et l’expĂ©rience qu’on peut acquĂ©rir m’attirent sans doute vers une carriĂšre dans l’industrie de la mode de luxe. Je suis Ă©galement trĂšs reconnaissante Ă  toutes les personnes qui, Ă  travers leurs contacts, m’ont aidĂ© Ă  faire possibles ces rencontres. Finalement, j’aimerais aussi remercier Emmanuelle Rigaud-Lacresse, qui a encadrĂ© mon mĂ©moire et qui a Ă©tĂ© toujours disponible pour m’aider Ă  centrer mes idĂ©es. J’ai eu la chance de pouvoir la choisir comme superviseur et je tenais trĂšs fortement Ă  travailler avec elle, en raison de son expĂ©rience dans le secteur du luxe et de ses qualitĂ©s d’enseignante desquelles j’ai Ă©tĂ© tĂ©moin pendant ma troisiĂšme annĂ©e. « Le Cesem n’entend donner aucune approbation ou implication aux opinions Ă©mises dans le MEMOIRE : ces opinions doivent ĂȘtre considĂ©rĂ©es comme propres Ă  leur auteur. »
  • 3.   3   RĂ©sumĂ© La contrefaçon reprĂ©sente dans l’actualitĂ© un des grands dĂ©fis pour les marques de mode et d’accessoires de luxe europĂ©ennes. Or, ce dĂ©fi constitue aussi le plus grand tabou de cette industrie : si bien qu’il existent des articles et des ouvrages sur le sujet, la grande majoritĂ© d’entre eux traite ce sujet de façon critique, exploitant uniquement ses consĂ©quences nĂ©gatives. Il s’agit aussi d’un sujet pour lequel il n’existe pas beaucoup d’information, n’étant pas facile Ă  retrouver. Face Ă  ceci, ce mĂ©moire reprĂ©sente, non seulement une compilation des informations les plus pertinentes sur le sujet des contrefaçons d’articles de luxe, mais aussi une analyse en profondeur des contrefaçons en soi, de leur impact nĂ©gatif, et surtout, des potentielles rĂ©percussions positives que celles-ci peuvent avoir sur les marques de mode et d’accessoires de luxe europĂ©ennes. Cette analyse est enrichie par des entretiens avec des professionnels du secteur, faisant partie de firmes de luxe parmi les plus puissantes mondialement. Il s’agit d’un travail de nature controverse, qui a donc pour objectif d’apporter une nouvelle et diffĂ©rente vision sur les contrefaçons d’articles de luxe, faisant sortir au lecteur des sentiers battus. Summary Counterfeit goods are one of the biggest challenges for European fashion luxury brands of today. Yet, this challenge also happens to be the biggest taboo in this industry: even though there are some articles and other publications on this matter, the vast majority among them deal with this subject in a critical way, essentially exploiting its negative consequences. It’s also a subject about which there isn’t much information available, being also quite difficult to find. Given this situation, this thesis represents, not only a compilation of the most relevant information on counterfeit goods of luxury brands, but it also analyzes in depth the concept of counterfeit goods, their negative impact and mainly, the potential positive side effects they can have on European luxury brands. This analysis is enriched by interviews with professionals of the industry from some of the most relevant fashion luxury brands in the World. It’s a controversial work, which aims to bring a new and different perspective on counterfeits, making the reader think out the box.
  • 4.   4   Introduction Les contrefaçons, qualifiĂ©es par l’article L. 716-1 du Code de la PropriĂ©tĂ© Intellectuelle (CPI) comme « toutes les atteintes portĂ©es au droit du titulaire d’une marque », reprĂ©sentent un des plus grands sujets d’actualitĂ© en ce qui concerne les marques de mode et d’accessoires de luxe europĂ©ennes. Terriblement perçues par l’ensemble de la communautĂ©, elles sont tenacement poursuivies par les entreprises privĂ©es et les Etats, ainsi que par bien d’autres institutions europĂ©ennes. Pourquoi donc ? Quels sont les impacts nĂ©gatifs de ce phĂ©nomĂšne lui ayant mĂ©ritĂ© une telle rĂ©putation ? Nous allons voir qu’il s’agit essentiellement de rĂ©percussions en termes Ă©conomiques, mais surtout en termes d’endommagement de l’image de marque des firmes de luxe, essentielle pour maintenir une image d’exclusivitĂ©, clĂ© du succĂšs dans cette industrie. Malheureusement pour les victimes de cette pratique, les contrefaçons sont un phĂ©nomĂšne en constante croissance depuis un certain nombre d’annĂ©es, et leur Ă©radication ne s’avĂšre point un scĂ©nario rĂ©aliste pour les prochaines annĂ©es. Majoritairement en provenance de la Chine, les contrefaçons d’articles de luxe circulent de plus en plus dans le monde, et l’achat de ces produits devient d’avantage frĂ©quent parmi les consommateurs occidentaux. Pourquoi ? Quels sont les Ă©lĂ©ments Ă  l’origine de cette tendance ? Au cours de la premiĂšre partie du mĂ©moire, nous allons dĂ©couvrir les facteurs causant cette situation, ainsi que ses consĂ©quences pour le secteur de la mode et les accessoires de luxe. Compte tenu de tout ceci, et essentiellement du fait que les enseignes de luxe vont devoir apprendre Ă  coexister avec les contrefaçons, je me demande, ne serait-il pas possible pour elles de tirer un bĂ©nĂ©fice de ce phĂ©nomĂšne? Les contrefaçons, ne pourraient-elles pas se rĂ©percuter positivement sur les marques de mode et d’accessoires de luxe europĂ©ennes ? Afin de rĂ©pondre Ă  cette question, nous allons premiĂšrement clarifier le concept de contrefaçon ainsi que des Ă©lĂ©ments qui l’entourent dans l’actualitĂ©. DeuxiĂšmement, nous allons analyser les diffĂ©rentes thĂ©ories existantes sur ce sujet, puis regarder l’opinion de professionnels appartenant Ă  certaines des marques de luxe europĂ©ennes les plus influentes Ă  niveau mondial. Ceci dans le but de contraster, au cours d’une troisiĂšme et derniĂšre partie du mĂ©moire, les Ă©lĂ©ments essentiels des deux premiĂšres parties afin de trouver une rĂ©ponse pertinente Ă  la question.
  • 5.   5   INDEX I. Analyse du sujet
















. 8-38 A) Pertinence de la question telle qu’elle est formulĂ©e





.... 8-24 1. Justification du choix du sujet

















. 8-9 2. DĂ©finition de contrefaçon et Ă©lĂ©ments caractĂ©ristiques







. 9-17 a) DĂ©finition et caractĂ©ristiques















.. 9-12 b) Comment peut-on expliquer leur existence?........................................ 12-16 c) Quels sont les articles les plus contrefaits et pourquoi ?...................... 16-17 3. La contrefaçon ; une pratique en constante augmentation





... 17-24 a) Chiffres clĂ© et origine de cette tendance










... 17-21 a.1) Les chiffres clé                   .. 17-18 a. 2) Les origines de cette Ă©volution












. 18-21 b) Les consĂ©quences de cette Ă©volution pour le secteur de la mode et les accessoires de luxe


















... 21-24 b.1) Transformation de la clientĂšle












.. 21-23 b.2) Le besoin d’adaptation des marques des luxe : standardisation vs diffĂ©renciation




















.. 23-24 B) RĂ©alitĂ© au sein de la communautĂ© des professionnels




.. 25-38 1. L’impact nĂ©gatif des contrefaçons sur les marques de mode et d’accessoires de luxe























... 25-27 2. Quels sont les mĂ©canismes mis en place pour freiner cette pratique ?.. 27-32 a) LĂ©gislation en vigueur















.. 27-30 b) Les mesures adoptĂ©es par les entreprises








. 30-32 3. L’impact positif des contrefaçons sur les marques de mode et d’accessoires de luxe























... 32-35 4. Comment peuvent les marques de luxe en bĂ©nĂ©ficier ?........................ 35-38
  • 6.   6   II. Investigation empirique Ă  travers des contacts directs
 38-65 A) Justification de chaque question posĂ©e









.
 38-41 B) Justification des modalitĂ©s de rĂ©ponse proposĂ©es







.. 41 C) Explication de la dĂ©marche d’identification et de choix des interlocuteurs finaux























. 41-43 D) Compte rendu des rĂ©sultats obtenus, contact par contact



.. 43-61 D.1) La contrefaçon, ennemi des marques de luxe








.. 43-57 1. Les marques de luxe, comment dĂ©finissent-elles les contrefaçons ?........... 43-52 a) Quels sont les Ă©lĂ©ments faisant qu’une marque soit contrefaite ?......... 45-46 b) Quels sont les articles les plus contrefaits et pourquoi ?....................... 46-47 c) Quelles pensez-vous que sont les motivations d’achat?........................ 47-49 d) Selon vous, pourquoi cette pratique est de plus en plus importante ?... 49-52 2. D’aprĂšs les marques elles-mĂȘmes, quel est l’impact des contrefaçons en ce qui leur concerne ?............................................................................................. 52-54 3. Quelles pratiques et stratĂ©gies mettent-elles en avant Ă  l’égard de la lutte contre les contrefaçons ?......................................................................................... 54-57 D.2) L’opinion des marques au sujet de la possible rĂ©percussion positive des contrefaçons..






















.

 57-61 1. Pensent-elles que ceci peut ĂȘtre possible?..... 










..57-59 2. Dans le cas oĂč elles penseraient que cette rĂ©percussion est possible, comment pourraient-elles en bĂ©nĂ©ficier?..................................................................... 60-61 E) Commentaire organisĂ© des rĂ©sultats obtenus








 61-65
  • 7.   7   III. Critique



















. 65-78 A) Analyse des convergences et divergences entre les Ă©lĂ©ments clĂ© des deux premiĂšres parties


















... 65-70 B) Plus-value professionnelle que le mĂ©moire apporte Ă  la communautĂ© Ă©conomique concernĂ©e
















.. 71-72 C) Conclusion



















..
.. 72-77 1. Ce que l’ensemble du travail m’a apporté         ...
. 72-74 2. Les rĂ©sultats de mon analyse













..
.. 74-76 3. Les limites du mĂ©moire
















.... 76-77 D) Bibliographie rĂ©capitulative














. 77-78
  • 8.   8   I. Partie d’analyse du sujet: A) Pertinence de la question telle qu’elle est formulĂ©e : 1. Justification du choix du sujet : L’univers de la mode et des accessoires de luxe a toujours Ă©tĂ© ma plus grande passion, et il s’agit sans doute du secteur dans lequel je veux faire carriĂšre. Ainsi, je ne peux imaginer un meilleur choix pour mon mĂ©moire que celui-ci. ConcrĂštement, le type d’entreprise auquel je vais m’intĂ©resser concerne les marques de mode et d’accessoires de luxe europĂ©ennes, prĂ©sentes Ă  niveau international et en consĂ©quence, Ă©tant concernĂ©es par les contrefaçons, centre du sujet de mon mĂ©moire. Mon choix de segmentation gĂ©ographique s’explique principalement par deux raisons. La premiĂšre concerne mes prĂ©fĂ©rences personnelles ; d’une part, les marques de mode et d’accessoires de luxe les plus emblĂ©matiques et que j’admire le plus sont europĂ©ennes. D’autre part, il est incontestable que le vieux continent est Ă  l’origine du concept de luxe (en ce qui concerne concrĂštement la mode et les accessoires), mĂȘme si les USA sont actuellement le premier pays consommateur d’articles de luxe. J’ai donc dĂ©cidĂ© de me concentrer directement sur la source de ma passion. La deuxiĂšme raison concerne ma volontĂ© de rĂ©aliser une analyse du sujet profonde et exhaustive. Pour ceci, il semble plus logique de choisir uniquement un segment gĂ©ographique dĂ©terminĂ©. Par ailleurs, puisque ce travail a une orientation professionnelle, mon objectif est d’étudier une problĂ©matique actuelle et intĂ©ressante pour les entreprises du secteur. A ceci s’ajoute le dĂ©sir de rĂ©aliser un travail vĂ©hiculant une certaine valeur ajoutĂ©e pour celles-ci. Pourquoi donc choisir le thĂšme des contrefaçons ? Depuis la crĂ©ation des premiĂšres enseignes de luxe, cette pratique reprĂ©sente une contrainte pour celles-ci, un problĂšme Ă  Ă©radiquer acharnement auquel les firmes originales ont dĂ©clarĂ© la guerre. Par contre, cette guerre s’avĂšre Ă©ternelle ; les contrefaçons sont un fait en constante augmentation, impossible Ă  Ă©radiquer complĂštement. Je me suis donc posĂ©e la question suivante : considĂ©rant que, malgrĂ© les efforts des entreprises et la lĂ©gislation en vigueur, cette pratique va continuer Ă  exister, ne pourraient- elle pas avoir un effet bĂ©nĂ©fique pour les marques originales qui en sont victimes? En outre, puisque la question Ă  rĂ©pondre est donc : les contrefaçons, peuvent-elles se rĂ©percuter positivement sur les marques de mode et d’accessoires de luxe europĂ©ennes ? il me semble capital d’expliquer ce que nous pouvons comprendre par cette « rĂ©percussion positive », afin de complĂ©ter la justification de mon choix de sujet. Tout d’abord, j’aimerais prĂ©ciser qu’il s’agit d’un sujet assez dĂ©licat, principalement pour deux raisons. PremiĂšrement, l’impact des
  • 9.   9   contrefaçons est normalement traitĂ© dans les articles depuis un point de vue complĂštement nĂ©gatif. En raison de ceci, le fait d’étudier ce sujet depuis la possibilitĂ© d’un impact positif est assez dĂ©licat et subjectif. DeuxiĂšmement, cette analyse doit se baser en partie sur des interviews Ă  des marques du secteur et, en raison du caractĂšre illicite des contrefaçons, il s’agit d’un sujet difficile Ă  aborder avec celles-ci. Prenant en compte tout ceci, j’ai dĂ©cidĂ© de me centrer essentiellement sur la rĂ©percussion de ces phĂ©nomĂšnes en termes qualitatifs, plutĂŽt que quantitatifs. Ainsi, ce travail ne va pas avoir pour objectif de quantifier les gains ou les pertes des enseignes de luxe Ă  travers les contrefaçons en termes de chiffre d’affaires concrĂštement. Il faut comprendre cette analyse de rĂ©percussion positive en termes de stratĂ©gie, d’image de marque, de fidĂ©lisation de la clientĂšle
 Finalement en ce qui concerne ceci, il me semble essentiel de prĂ©ciser que ce mĂ©moire reprĂ©sente uniquement une analyse d’un fait trĂšs rĂ©pandu Ă  travers une optique diffĂ©rente, peu habituelle, dont le but est de faire en sorte que le lecteur sorte des sentiers battus. Il ne s’agit en aucun cas d’une dĂ©fense de pratiques frauduleuses comme le sont les contrefaçons. 2. DĂ©finition de contrefaçon et Ă©lĂ©ments caractĂ©ristiques : a) DĂ©finition : Avant de chercher Ă  rĂ©pondre Ă  la question Ă©tant l’objet de ce mĂ©moire, il me semble essentiel de dĂ©finir les mots clĂ© du sujet. Tout d’abord et avant de rentrer dans le thĂšme des contrefaçons, je voudrais prĂ©ciser ce que je comprends par « marques de mode et d’accessoires de luxe europĂ©ennes », puisque tout le travail d’analyse va concerner uniquement les contrefaçons de ces articles. D’aprĂšs le dictionnaire e-marketing, un produit de luxe est un « bien dont le prix est Ă©levĂ© et les quantitĂ©s disponibles gĂ©nĂ©ralement peu importantes. On lui reconnaĂźt aussi, le plus souvent, une qualitĂ© artistique. Il ne doit pas ĂȘtre confondu avec le produit haut de gamme ». Par contre, une marque de luxe ne doit pas seulement l’ĂȘtre, mais aussi ĂȘtre perçue comme tel. Je pense donc qu’il est crucial de rajouter Ă  cette dĂ©finition l’importance de la perception des consommateurs ; je considĂšre qu’une marque de luxe doit avoir impĂ©rativement une image auprĂšs des consommateurs de qualitĂ©, d’inaccessibilitĂ© et de raretĂ©. Ainsi, ce travail va concerner uniquement les marques dont les articles correspondent Ă  cette dĂ©finition et qui visent donc une petite partie des consommateurs faisant partie d’une niche privilĂ©giĂ©e. Quelles sont les caractĂ©ristiques principales de ces enseignes ? Leurs prix appartiennent Ă  la catĂ©gorie la plus
  • 10.   10   Ă©levĂ©e du marchĂ©, puisqu’elles priorisent l’aspect qualitatif Ă  tous les niveaux, caractĂ©risĂ© par une forte notion d’artisan ou d’art. Ceci fait que ces marques ont un caractĂšre exclusif et en consĂ©quence, leur choix de rĂ©seau de distribution est soit sĂ©lectif soit exclusif. De plus, il s’agit de marques ayant derriĂšre une histoire marquĂ©e ou la figure d’un homme ou une femme iconique. Finalement, en ce qui concerne la nationalitĂ© europĂ©enne, nous allons considĂ©rer la provenance originale des marques, la nationalitĂ© faisant partie de leur ADN et de leur culture, mĂȘme si elles ont pu ĂȘtre rachetĂ©es par des Groupes non-europĂ©ens ou si leurs siĂšges ont Ă©tĂ© dĂ©localisĂ©s. Maintenant que nous savons exactement quel est le type de marque qui va nous intĂ©resser, revenons au thĂšme principal de l’analyse : les contrefaçons. J’ai remarquĂ© qu’il existe souvent une grande confusion entre les concepts de contrefaçon et d’imitation, lesquels, je tiens Ă  prĂ©ciser, sont trĂšs diffĂ©rents. Lorsqu’on parle d’imitation, on considĂšre, d’aprĂšs le dictionnaire du e-marketing, une «reproduction totale ou partielle des caractĂ©ristiques d’un produit, d’un service, d’une idĂ©e, d’une marque ». Par consĂ©quent, une imitation peut reprĂ©senter par exemple la rĂ©plique en apparence, ou l’utilisation d’une technique propres Ă  un produit dĂ©jĂ  existant, sous le nom d’une marque autre que l’originelle. A ceci s’ajoute le fait que « elle peut constituer une contrefaçon lorsqu’elle est illicite ». Il s’agit ici de la diffĂ©rence essentielle entre une imitation et une contrefaçon ; toute contrefaçon est une imitation mais toutes les imitations ne sont pas des contrefaçons tant qu’elles n’ont pas un caractĂšre illĂ©gal. « Alors qu’une imitation de marque est conçue pour ressembler Ă  et amener le consommateur Ă  penser Ă  la marque d’origine, un produit contrefait est conçu pour ĂȘtre comme l’original et fournir aux consommateurs une copie moins onĂ©reuse » (Brigitte MĂŒller, Bruno Kocher et Björn Ivens, 2008). L’exemple le plus reprĂ©sentatif en ce qui concerne les imitations, sont les versions des articles de luxe crĂ©es par les marques bas de gamme. Celles-ci emmĂšnent les crĂ©ations des grandes marques au mass market, elles copient les tendances voir mĂȘme le produit Ă  la mode. Par contre, la qualitĂ© et la durĂ©e de vie attendue de ces copies sont infĂ©rieures, elles ne sont destinĂ©es qu’à ĂȘtre vendues et dĂ©sirĂ©es par les consommatrices pendant une seule saison, ce qui explique la diffĂ©rence de prix en comparaison au produit original. Effectivement, le luxe, la haute couture, est Ă  l’origine de toutes les tendances et elle a des rĂ©percussions Ă  tous les niveaux. A ceci s’oppose la contrefaçon ; la reproduction totale de ces articles, ce qui inclue le logo, le nom de la marque du produit original. Logiquement, ceci vĂ©hicule la volontĂ© de tromper, de faire croire qu’il s’agit d’un produit de la marque originale, et attente contre la propriĂ©tĂ© intellectuelle et la loi.
  • 11.   11   Plus prĂ©cisĂ©ment, l’article L. 716-1 du Code de la PropriĂ©tĂ© Intellectuelle (CPI) qualifie de contrefaçon « toutes les atteintes portĂ©es au droit du titulaire d’une marque ». Logiquement, une marque n’est pas simplement un logo mais un ensemble qui inclue le design, la forme
 Une fois que le caractĂšre illicite et illĂ©gal de cette pratique est compris, il faut prĂ©ciser qu’il existe plusieurs types de contrefaçons, pouvant ĂȘtre classifiĂ©es diffĂ©remment. La classification principale est contrefaçon subie et contrefaçon dĂ©libĂ©rĂ©e. La premiĂšre reprĂ©sente le cas oĂč le consommateur est trompĂ© par un vendeur qui lui propose un article faux comme Ă©tant authentique. La deuxiĂšme a lieu dans le cas contraire : lorsque le consommateur est conscient de la nature fausse de l’article en raison des caractĂ©ristiques du lieu d’achat, du prix
 Dans ce dernier cas, l’objectif logique du consommateur est de pouvoir accĂ©der aux attributs propres Ă  l’article sans devoir payer le prix correspondant (prestige, image d’avoir un certain niveau Ă©conomique
). En ce qui concerne cette diffĂ©renciation, nous pouvons donc retenir le fait que la propriĂ©tĂ© intellectuelle des marques de luxe n’est pas le seul Ă©lĂ©ment sur lequel les contrefaçons ont un impact : les consommateurs peuvent ĂȘtre aussi victimes de ce phĂ©nomĂšne, lorsqu’ils croient acheter un produit original mais achĂštent en rĂ©alitĂ© une contrefaçon. Par contre, plusieurs thĂ©ories affirment l’impossibilitĂ© de l’existence d’une contrefaçon subie du fait que le consommateur qui veut acheter le produit authentique ira sĂ»rement dans les propres boutiques de l’enseigne de luxe en question. Par consĂ©quent, le consommateur qui achĂšte un article de luxe quelque part d’autre, peu soupçonner la faussetĂ© de l’article, notamment Ă  travers des indicateurs comme le prix, l’apparence du point de vente, la qualitĂ© des matĂ©riaux
 Nous pouvons donc nous demander Ă  quel point les consommateurs peuvent ĂȘtre vraiment des victimes de ce phĂ©nomĂšne
 Mais, qu’en est-il des consommateurs achetant ce type de biens volontairement et consciemment ? La lĂ©gislation actuelle prĂ©voit des consĂ©quences pour ceux-ci, que nous analyserons dans une partie postĂ©rieure, consacrĂ©e Ă  ce sujet. Afin de schĂ©matiser cette diffĂ©rence entre imitation et contrefaçon, regardons la Figure nÂș1 dans les annexes, concernant la classification des diffĂ©rents types de dĂ©rivĂ©s de produits de luxe. Malheureusement, nous pouvons voir que l’affaire se complique : la diffĂ©rence entre ces dĂ©rivĂ©s est de plus en plus difficile Ă  faire. Comment expliquer ceci ? Il y a eu une augmentation significative du niveau de qualitĂ© des produits contrefaits, qui deviennent de plus en plus difficiles Ă  diffĂ©rencier des produits originaux. De plus, il semblerait que la cible de ces produits est Ă©galement en changement ; il s’agit actuellement des Ă©tudiants, cible privilĂ©giĂ©e des contrefaçons.
  • 12.   12   Les canaux de vente ont aussi changĂ© considĂ©rablement au cours des derniĂšres annĂ©es. Traditionnellement, nous trouvions les articles contrefaits dans les arriĂšre-boutiques de pays asiatiques ou de l’AmĂ©rique du Sud, sous la forme de sacs et autres articles de maroquinerie faits en plastique et portant ridiculement des logos Gucci, Louis Vuitton, Chanel
 Dans l’actualitĂ©, la contrefaçon est devenue une vraie industrie qui non seulement est rĂ©pandue partout dans le monde mais qui emploie des milliers de personnes. Ceci a comme consĂ©quence une amĂ©lioration de la qualitĂ© des produits contrefaits, et donc un rapprochement de plus en plus important Ă  l’article original. De plus, il ne faut pas oublier que les produits contrefaits sont trĂšs souvent vendus parmi des produits originaux ayant Ă©tĂ© volĂ©s. Ironiquement, il s’agit ici du cas opposĂ© Ă  la contrefaçon subie : le cas du consommateur qui croit acheter une contrefaçon mais qui est en rĂ©alitĂ© entrain d’acquĂ©rir un article original ! OĂč peuvent les consommateurs trouver ces produits? D’aprĂšs de nombreux articles, la Chine est le marchĂ© de contrefaçons par excellence, numĂ©ro un en exportation de ces produits. Elle est suivie par d’autres pays asiatiques comme la CorĂ©e, le Vietnam, l’Inde et aussi certains pays de l’AmĂ©rique du Sud. Par contre, il y a moins de conscience sur le fait que ces pratiques sont en constante expansion aussi dans les Ă©conomies occidentales
 b) Comment peut-on expliquer l’existence de contrefaçons d’articles de luxe? Dans la partie prĂ©cĂ©dente, nous avons dĂ©fini les termes clĂ© su sujet Ă  traiter. Par contre, avant de rentrer plus dans le dĂ©tail en ce qui concerne la contrefaçon dans le secteur du luxe, il faut comprendre la raison de son existence, sa raison d’ĂȘtre. Tout d’abord, il est important de comprendre pourquoi un tel intĂ©rĂȘt des contrefacteurs pour les articles de luxe face Ă  d’autre type de produits. C’est une consĂ©quence de l’effet de Veblen (dĂ©veloppĂ© par Thorstein Veblen en 1899), aussi connut sous le nom de « effet de snobisme ». En quoi ça consiste ? Essentiellement, il s’agit du fait que les biens de luxe ou en gĂ©nĂ©ral ceux qui vĂ©hiculent une certaine reconnaissance sociale deviennent d’avantage intĂ©ressants aux yeux des consommateurs potentiels lorsque leur prix augmente. RĂ©ciproquement, ce genre d’articles perd tout intĂ©rĂȘt pour les consommateurs lorsque son prix diminue. En conclusion, l’effet Veblen est le fait que la valeur d’un article soit directement liĂ©e Ă  son prix. Les articles de luxe
  • 13.   13   correspondent logiquement Ă  100% Ă  la dĂ©finition des biens de Veblen, puisqu’ils ont les deux caractĂ©ristiques requises : une Ă©lasticitĂ© inverse de leur demande par rapport Ă  leur prix et une Ă©lasticitĂ© de leur demande par rapport au revenu des consommateurs. Ceci explique l’intĂ©rĂȘt des contrefacteurs envers ce type de biens, lesquels, en raison de leur nature exclusive, sont extrĂȘmement attractifs pour les consommateurs dont le revenu n’est pas suffisant pour les acquĂ©rir. Il est important de souligner que, en raison de leurs caractĂ©ristiques, les articles de mode et notamment les accessoires sont d’avantage visĂ©s par cette pratique que d’autres articles comme c’est le cas des parfums de luxe par exemple. A ceci s’ajoute le fait que, comme c’est le cas de toutes les pratiques commerciales, la raison principale expliquant leur existence rĂ©side dans la rĂ©ponse Ă  un besoin insatisfait, Ă  une demande de la part des consommateurs pour laquelle il n’existerait pas suffisamment d’offre. Il y a donc un groupe important de consommateurs dĂ©sirant possĂ©der des biens de luxe mais ne pouvant pas se les permettre. La contrefaçon reprĂ©sente la rĂ©ponse Ă  cette demande, la possibilitĂ© de combler ce besoin. Logiquement, ce besoin insatisfait est intrinsĂšquement liĂ© aux motivations d’achat d’un nombre important de consommateurs. Mais, ces motivations, quelles sont- elles ? Essentiellement, les consommateurs de contrefaçons sont motivĂ©s par la possibilitĂ© de profiter de l’image Ă  l’égard de la sociĂ©tĂ© que les articles de luxe vĂ©hiculent, tel un coup de baguette magique, aux personnes qui les portent. Quels sont les attributs recherchĂ©s ? Prestige, exclusivitĂ©, richesse, ĂȘtre Ă  la mode et pourquoi pas, gĂ©nĂ©rer un sentiment de jalousie chez les observateurs. De plus, il est important de souligner que les consommateurs de contrefaçons sont peu sensibles Ă  la qualitĂ© du produit. Ainsi, les contrefaçons semblent ĂȘtre la rĂ©ponse parfaite Ă  cette demande de fausse opulence. Par contre, le caractĂšre illicite de tels achats est toujours prĂ©sent dans la tĂȘte des consommateurs, qui justifient souvent leurs acquisitions de faux. Dans les forums sur Internet concernant ce sujet, nous pouvons trouver des arguments tels que « je prĂ©fĂšre acheter du faux car c’est bien plus Ă©conomique, je suis Ă  la recherche d’un emploi et je ne peu pas me permettre la marque originale en ce moment ». Effectivement, il y aura toujours une raison qui justifie ce genre d’achat et qui fasse oublier Ă  notre conscience l’immoralitĂ© de celui-ci
 Par contre, nous pouvons analyser cette affaire depuis un point de vue complĂštement opposĂ©. En fait, le mĂȘme dĂ©sir de statut Ă  l’origine de l’existence des marques de luxe justifie l’existence des contrefaçons. Ainsi, prenant compte du fait que les producteurs n’ont pas moyen de rĂ©pondre Ă  ce dĂ©sir de statut et considĂ©rant que les consommateurs ne sont jamais trompĂ©s, la contrefaçon reprĂ©senterait un facteur d’efficience du marchĂ©. Il s’agit de la seule option possible pour rĂ©pondre Ă  cette demande insatisfaite.
  • 14.   14   De cette façon, il semblerait que la principale raison d’ĂȘtre des contrefaçons concerne une opportunitĂ© de business en lien avec les motivations des consommateurs, une demande que les marques originales ne peuvent satisfaire en raison de leur nature. Ceci semble trĂšs logique ; le luxe ne serait pas du luxe si il Ă©tait accessible Ă  tout le monde. La seule façon de rĂ©pondre Ă  cette demande en ce qui concerne les firmes originales serait de baisser les prix, or, ceci est absolument irrationnel du fait qu’il n’existerait plus d’exclusivitĂ© puisque la marque serait accessible Ă  un plus grand nombre de consommateurs. En consĂ©quence, la rĂ©putation de l’enseigne se verrait affectĂ©e, et les consommateurs associeraient cette baisse de prix comme une baisse de la qualitĂ© des produits, ce qui aurait comme consĂ©quence une chute de la demande, la destruction de l’image de marque et peu Ă  peu, la disparition de l’enseigne. En grandes lignes, par chance ou par malheur, les marques de luxe n’ont pas l’option de baisser leurs prix si elles veulent survivre. Nous pouvons mĂȘme affirmer qu’il existe entre les marques de luxe et ses consommateurs, une sorte de contrat implicite qui engage le producteur Ă  maintenir un niveau de qualitĂ© et d’exclusivitĂ© concret. Prenant ceci en compte, il semblerait que les imitations et les contrefaçons ont cassĂ© le marchĂ© des biens de luxe, puisqu’il s’agit d’un marchĂ© parallĂšle qui, par son existence, porte atteinte contre le concept du luxe en soi, lequel devient apparemment accessible Ă  tout le monde et donc inexistant par dĂ©finition. Nous pouvons donc conclure que, comme le dit la thĂ©orie de Mason, « le besoin de consommation ostentatoire des individus qui ont de faibles revenus permet d’expliquer la prolifĂ©ration des biens contrefaisants qui confĂšrent du statut ». Par contre, il est Ă©vident que l’impossibilitĂ© des marques de luxe pour rĂ©pondre Ă  cette demande d’ostentation bon marchĂ© n’est pas la seule explication de l’existence des biens contrefaits. Il ne faut pas oublier le fait qu’il n’existe pour le marchĂ© des biens contrefaits, aucune concurrence au niveau du prix de vente. Ceci s’explique par le modĂšle de Bertrand. D’aprĂšs celui-ci, il n’existerai point d’unicitĂ© de prix dans le marchĂ© : chaque vendeur va fixer les prix qui lui conviennent le plus. Ainsi, entre deux vendeurs qui offrent le mĂȘme bien Ă  des prix diffĂ©rents, c’est celui qui propose le prix infĂ©rieur qui va capter la plupart (et mĂȘme la totalitĂ©) de la demande de ce bien. Prenant compte de ceci et suivant une logique purement financiĂšre, il semble Ă©vident que les consommateurs optent pour les contrefaçons au dĂ©triment des produits originaux. Par dĂ©finition, les falsifications vĂ©hiculent le concept de l’apparence cherchĂ©e par les consommateurs, avec la seule diffĂ©rence du niveau de qualitĂ© des matĂ©riaux et du processus de
  • 15.   15   production utilisĂ©s en comparaison avec les articles originaux, ce qui explique une telle diffĂ©rence de prix entre les deux. La Figure nÂș2 des annexes nous sert d’exemple illustratif en ce qui concerne cette diffĂ©rence de prix. Cependant, il ne s’agit ici que d’un exemple de prix pouvant ĂȘtre pratiquĂ©s dans le marchĂ© des contrefaçons, et non pas du prix habituel de ces biens contrefaits. De plus, comme nous avons vu auparavant, un mĂȘme produit est contrefait Ă  diffĂ©rents niveaux de qualitĂ©, et le prix est donc extrĂȘmement variable en fonction de ceci. Il ne faut pas oublier que les consommateurs de ces produits seront prĂȘts Ă  payer un prix ou un autre selon leur motivation d’achat principale. Dans le cas des biens contrefaits du tableau, nous pouvons dĂ©duire que la qualitĂ© sera plutĂŽt faible, ainsi que sa ressemblance au produit original. Il est donc probable que la cible de ces produits concrets soit un consommateur prĂȘt Ă  dĂ©penser une petite somme d’argent en ce genre d’articles, dont le but est tout simplement de possĂ©der une rĂ©plique de l’anhĂ©lĂ© produit de luxe, et non pas de faire croire Ă  son entourage qu’il s’agit du bien authentique. ParallĂšlement, certains articles contrefaits peuvent avoir un prix qui se rapproche plus Ă  l’original. Ainsi, il serait possible de trouver, par exemple, une contrefaçon d’une montre Rolex pour un prix de 2000€ ou plus. Logiquement, on peut supposer que dans ce cas la qualitĂ© des matĂ©riaux utilisĂ©s et du produit en soi sera bien supĂ©rieure Ă  celle du premier exemple, ainsi que sa ressemblance Ă  l’original. Evidemment, la motivation du consommateur achetant la montre contrefaite Ă  ce prix est non seulement de la faire passer par l’authentique, mais aussi d’acheter un produit de qualitĂ© en accord avec le prix payĂ©, mĂȘme si il ne s’agit pas d’une Rolex authentique. Hormis les classes sociales privilĂ©giĂ©es, de nombreux gens portent des contrefaçons parce qu’ils aiment bien le design, la couleur, la forme, et non pas la marque en soi. D’ailleurs, et notamment dans les pays europĂ©ens, l’achat de contrefaçons est mĂȘme devenu une sorte de rĂ©sistance « anti-marque ». Ceci nous emmĂšne au troisiĂšme Ă©lĂ©ment expliquant l’existence des contrefaçons. Logiquement, comme toute activitĂ© illĂ©gale, la contrefaçon vĂ©hicule Ă©normĂ©ment d’argent ; il s’agit d’un marchĂ© trĂšs profitable. Mais ceci on le savait dĂ©jĂ . L’intĂ©rĂȘt de ce point rĂ©side dans le fait que, en plus d’ĂȘtre une activitĂ© qui rapporte beaucoup de bĂ©nĂ©fices (en plus des ventes il n’y a pas de taxes Ă  payer, pas d’investissements Ă  rĂ©aliser
) il s’agit aussi d’une activitĂ© trĂšs difficile Ă  dĂ©tecter par les autoritĂ©s. Ceci est dĂ» essentiellement Ă  deux raisons ; les consommateurs de contrefaçons ne vont jamais le dĂ©noncer et par ailleurs, les producteurs de ces articles sont normalement Ă©conomiquement insolvables. En raison de ceci, nous pouvons dire qu’il s’agit d’une activitĂ© Ă  hauts revenus, avec un risque assez rĂ©duit. Nous pouvons donc comprendre que cette pratique soit extrĂȘmement attractive pour les contrefacteurs, mais aussi, comme nous
  • 16.   16   l’avons vu, pour les consommateurs ne pouvant pas se permettre d’acheter les produits originaux. Nous retenons donc ces trois raisons d’ĂȘtre des imitations et des contrefaçons : il existe une demande d’ostentation insatisfaite pour les consommateurs Ă  bas et moyen niveaux de revenu, il n’y a point de concurrence au niveau du prix de vente et du coĂ»t de production pour les contrefacteurs et il s’agit d’une activitĂ© trĂšs profitable et relativement peu risquĂ©e. Par contre, pas tous les articles de luxe ne sont intĂ©ressants Ă  contrefaire
 c) Quels sont les articles les plus contrefaits et pourquoi ? Si le dĂ©sir d’ostentation reprĂ©sente une des motivations d’achat principales pour ces articles, on peut comprendre que l’objectif est de porter quelque chose ayant le logo ou le nom d’une marque de luxe. La marque doit toujours ĂȘtre visible. Comme nous avons vu, les articles contrefaits sont souvent achetĂ©s par ce qu’ils signifient plutĂŽt que par ce qu’ils sont rĂ©ellement. Il semble donc logique que les produits les plus falsifiĂ©s soient ceux Ă©tant les plus emblĂ©matiques des marques, prĂ©fĂ©rablement exploitant le plus ce logo ou le nom de celle-ci et donc Ă©tant rapidement identifiables et attribuables Ă  l’enseigne correspondante. Il existent de nombreuses thĂ©ories sur les articles Ă©tant les plus reproduits, par contre la plupart sont d’accord sur le fait que les articles nĂ©cessitant d’une faible technologie pour leur production sont souvent les prĂ©fĂ©rĂ©s par les contrefacteurs, en raison de la facilitĂ© de reproduction. Logiquement, les articles de mode et les accessoires s’avĂšrent une cible parfaite
 L’exemple d’articles contrefaits le plus habituel est Louis Vuitton et ses sacs « Neverfull» et « Speedy ». Il s’agit d’articles ayant une importante image de marque et donc Ă©tant hautement identifiables et connus au monde entier, du fait qu’ils sonts recouverts par le logo de la Maison française et qu’ils sont facilement copiables. Ceci nous emmĂšne Ă  conclure que les marques de luxe les plus contrefaites sont les plus connues Ă  niveau mondial et donc celles Ă©tant hautement reconnaissables par l’ensemble des consommateurs. Une autre caractĂ©ristique commune Ă  ces marques est le fait de produire des articles facilement falsifiables et exploitant considĂ©rablement leur logo ou leur nom dans le design des produits. Par exemple, la Maison Chanel va ĂȘtre ciblĂ©e par les contrefacteurs d’avantage que Balenciaga, du fait que les produits de cette derniĂšre ne prĂ©sentent pas de logo
  • 17.   17   ni de nom de marque, contrairement aux produits Chanel. 3. La contrefaçon ; une pratique en constante augmentation: a) Chiffres clĂ© et origine de cette tendance : a.1) Les chiffres clĂ© : C’était dĂ©jĂ  mentionnĂ© au cours de la partie prĂ©cĂ©dente ; les contrefaçons sont en constante augmentation. Essentiellement en provenance de la Chine, ces articles sont de plus en plus rĂ©pandus partout dans le monde. Quelles sont les causes de cette croissance Ă©clair ? Nous allons rĂ©pondre Ă  cette question au cours de la sous-partie suivante. Avant ceci, regardons quels sont les chiffres clĂ© de cette Ă©volution, afin de la mesurer et de la comprendre entiĂšrement en faisant postĂ©rieurement le lien avec ses causes. La progression annuelle des articles contrefaits est estimĂ©e ĂȘtre de 42%, et d’aprĂšs l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce), 80% des objets saisis proviennent de la Chine continentale. Qui achĂšte ces produits et les emmĂšne en Europe ? D’aprĂšs un sondage rĂ©alisĂ© par la CE (Commission EuropĂ©enne), 40% des europĂ©ens achĂštent ou considĂšrent acheter des contrefaçons ! Quels sont les dommages Ă©conomiques causĂ©s par cette pratique en Europe ? Il s’agit essentiellement des pertes estimĂ©es pour les marques originales, mais aussi pour les Etats, du fait de l’évasion douaniĂšre et Ă  la contribution Ă  la TVA. A ceci il faut ajouter aussi l’estimation d’emplois perdus en Europe, Ă  cause de cette pratique. Ainsi, d’aprĂšs la derniĂšre Ă©tude rĂ©alisĂ©e par l’OHMI (Office de l’Harmonisation dans le MarchĂ© IntĂ©rieur) « la vente de vĂȘtements, chaussures et accessoires contrefaits (hors sacs) coĂ»terait 26 milliards d'euros par an Ă  l'Europe, dont 3,5 milliards Ă  la France, soit prĂšs de 10 % des ventes totales du secteur en Europe. Des chiffres qui se traduiraient par 363 000 emplois directs perdus (25 000 en France), et une perte de contributions sociales et de TVA de plus de 8,1 milliards d'euros ». Effectivement, il s’agit ici des arguments les plus retrouvĂ©s dans les articles revendiquant les effets nĂ©gatifs des contrefaçons.
  • 18.   18   Mais, les contrefaçons, reprĂ©sentent-elles vraiment un pourcentage si important du commerce mondial ? In ne faut pas oublier qu’il s’agit ici uniquement d’estimations, puisque les ventes et achats de ces articles ne sont point dĂ©clarĂ©s. Apparemment, elles reprĂ©sentent entre 5 et 10% de celui-ci avec un chiffre d’affaires de prĂšs de 500 milliards d’euros. En ce qui concerne concrĂštement les falsifications des produits de luxe, il s’agit d’environ 50% en valeur des saisies douaniĂšres, en France. Les vĂȘtements et accessoires reprĂ©sentent 18 millions des 79 millions d’articles falsifiĂ©s saisis dans l’UE en moyenne par an. a.2) Les origines de cette Ă©volution : La rĂ©volution digitale joue sans doute un rĂŽle essentiel dans l’augmentation de la commercialisation d’articles contrefaits Ă  niveau mondial. Les jours dans lesquels il fallait se dĂ©placer au fin fond de l’Asie pour trouver des articles contrefaits dans des magasins clandestins sont arrivĂ©s Ă  leur fin. Internet reprĂ©sente la possibilitĂ© d’accĂ©der Ă  toutes les falsifications imaginables, sans bouger de chez soi ! De plus, il est essentiel de rajouter que, dans le cas concret de la France, le nombre de foyers ayant une connexion Ă  Internet a Ă©tĂ© multipliĂ© par cent au cours des dix derniĂšres annĂ©es. Personne ne peut s’en passer, Internet fait actuellement partie de notre vie dans tous les aspects
 Effectivement, il s’agit de l’accĂšs le plus simple, direct et rapide aux produits falsifiĂ©s, en raison du dĂ©veloppement du commerce en ligne. Nous pouvons donc nous demander jusqu’à quel point Internet reprĂ©sente pour les marques de luxe un outil plutĂŽt qu’une grande contrainte
 OĂč peut-on trouver ces articles sur le net ? Il existe une infinitĂ© de sites web dĂ©diĂ©s Ă  ceci, ainsi que des sites de vente d’articles d’occasion entre utilisateurs dans lesquels ce genre d’articles est constamment Ă©changĂ©. Logiquement, la nature fausse des produits n’est souvent pas indiquĂ©e, et l’acheteur peut souvent ĂȘtre trompĂ©. Il s’agit ici d’un des cas de contrefaçon subie dans lequel le consommateur peut vraiment ĂȘtre une victime. Mais il faut nuancer que ces consommateurs sont conscients de cette possibilitĂ© ; ils cherchent sur Internet des aubaines de produits de luxe, mais savent qu’ils prennent le risque de se retrouver avec un faux. Si ils pouvaient et / ou voulaient payer le prix original, ces consommateurs se rendraient sans doute dans la boutique ou sur le site web officiel de la marque en question. C’est en raison de ceci que la premiĂšre impression donnĂ©e par un site web est extrĂȘmement importante : le design, les codes de couleur, la prĂ©sentation des articles, les informations sur les produits
 L’opinion des autres usagers, Ă  travers les commentaires laissĂ©s sur le site d’achat ou dans des plateformes de chats est aussi un facteur clĂ©. Ce sont ces Ă©lĂ©ments
  • 19.   19   qui vont inspirer (ou pas) de la confiance aux internautes et vont ĂȘtre ainsi plus ou moins persuadĂ©s de rĂ©aliser des achats sur le site en question. Le lieu d’achat joue donc un rĂŽle essentiel sur l’achat de tels produits. D’ailleurs, il semblerait que l’intĂ©rĂȘt des consommateurs envers les sites de contrefaçons « officiels » est notablement infĂ©rieur Ă  celui portĂ© envers les sites de vente aux enchĂšres ou d’autres sites qui pourraient vendre des articles originaux. Ceci explique aussi la prolifĂ©ration de sites de vente d’articles de luxe comme c’est le cas de Net Ă  Porter ou Instantluxe, offrant des produits authentiques (de seconde main parfois) Ă  des prix sensiblement infĂ©rieurs aux l’originaux. Internet reprĂ©sente pour un grand nombre d’internautes, la possibilitĂ© de possĂ©der n’importe quel article Ă  un prix infĂ©rieur au rĂ©el, Ă  travers les moyens de commerce les plus variĂ©s comme les produits d’occasion, les trocs
 Il y a mĂȘme la possibilitĂ© de marchander avec le vendeur ! Plusieurs thĂ©ories affirment qu’à ceci s’ajoute le fait que le consommateur soit seul face Ă  un ordinateur. Il semble logique que celui-ci soit poussĂ© d’avantage Ă  rĂ©aliser un achat illicite dans ce contexte d’intimitĂ©, mais surtout d’anonymat : personne ne sait qui est qui sur Internet, l’acheteur et le vendeur sont toujours des inconnus. Par contre, ce genre de sites n’est pas le seul moyen d’achat virtuel de contrefaçons ; les rĂ©seaux sociaux ont aussi un poids extrĂȘmement important dans cette affaire. Ces derniĂšres annĂ©es, le trafic d’articles contrefaits a explosĂ© sur les plateformes comme Facebook, Instagram ou mĂȘme Twitter. La preuve ? « Sur les 8,8 millions d'articles contrefaits saisis en 2014, 17,5 % provenaient du fret express (colis rapides) contre moins de 1 % en 2005. Ce qui explique pourquoi les sites d'e- commerce sont dans le collimateur des groupes du luxe » (Julie PĂȘcheur, 2015). Un exemple de ceci est le litige qui a eut lieu en mai 2014 entre le groupe Kering (propriĂ©taire de Gucci, Alexander McQueen, Saint Laurent, Balenciaga
) et Alibaba (leader chinois du commerce en ligne). Le premier a portĂ© plainte contre le deuxiĂšme, en raison de la commercialisation de contrefaçons de ses marques Ă  travers Taobao, une des plateformes de vente en ligne du Groupe Alibaba. Un autre exemple est le litige qui a eu lieu, pour les mĂȘmes raisons, entre Louis Vuitton et Ebay, aussi en 2014. Ainsi, il semblerait que les marques de luxe se lancent de plus en plus dans des luttes acharnĂ©es contre les plateformes de ventes en ligne, au nom de la dĂ©fense de leur propriĂ©tĂ© intellectuelle.
  • 20.   20   Par contre, ces marques sont aussi obligĂ©es, en quelque sorte, Ă  ĂȘtre prĂ©sentes dans le monde du numĂ©rique car, dans le cas contraire, elles s’exposent Ă  une augmentation des ventes de contrefaçons de leurs produits. Logiquement, si la vente de contrefaçons via Internet existe toujours et est de plus en plus importante, c’est parce qu’il est presque impossible de trouver la source des sites web, et donc de trouver des coupables derriĂšre cet endommagement de la propriĂ©tĂ© intellectuelle et de l’image de marque des enseignes les plus luxueuses. Ceci explique aussi le nombre de sites dĂ©diĂ©s Ă  la vente d’articles contrefaits : pour un business illĂ©gal, c’est assez libre de risques, c’est trĂšs difficile d’ĂȘtre retrouvĂ© par les autoritĂ©s. Quelle serait la solution Ă  ce problĂšme ? D’aprĂšs ValĂ©rie Sonnier, directrice propriĂ©tĂ© intellectuelle chez Louis Vuitton, « Le commerce de la contrefaçon n'a pas de frontiĂšres, et il se dĂ©veloppe aussi bien dans le monde rĂ©el que numĂ©rique. Mais pour lutter contre lui, il faut remonter Ă  la source, et la source, c'est le monde physique ». Ainsi, il semblerait que la seule façon de stopper cette prĂ©sence en croissance des contrefaçons sur le net passe obligatoirement pare la lutte contre ces pratiques dans la rĂ©alité  Une chose est certaine : « l’activitĂ© des contrefaçons est aujourdÂŽhui devenue une vĂ©ritable industrie planĂ©taire, phĂ©nomĂšne accĂ©lĂ©rĂ© par le changement des modes de distribution et notamment l’arrivĂ©e d’internet » (Brigitte MĂŒller, Bruno Kocher et Björn Ivens, 2011). Par contre, cette croissance notable de la commercialisation d’articles contrefaits Ă  niveau mondial peut aussi se justifier par d’autres Ă©lĂ©ments autres que le dĂ©veloppement d’Internet. C’est le cas de la crise Ă©conomique mondiale qui a explosĂ© dans l’annĂ©e 2007. Effectivement, celle-ci est, d’aprĂšs de nombreuses thĂ©ories, Ă  l’origine du changement de comportement des consommateurs occidentaux. Avant l’arrivĂ©e de cette derniĂšre crise financiĂšre mondiale, les contrefaçons se trouvaient quasi uniquement dans les pays moins dĂ©veloppĂ©es, or depuis, nous pouvons remarquer que les consommateurs des pays dĂ©veloppĂ©s sont de plus en plus attirĂ©s vers ce genre d’articles. L’explication de ce phĂ©nomĂšne est Ă©vidente ; les pays occidentaux ont Ă©tĂ© extrĂȘmement touchĂ©s par la crise, et le niveau Ă©conomique, et donc la capacitĂ© d’achat d’articles de luxe, a diminuĂ© considĂ©rablement en gĂ©nĂ©ral. Sur ceci, il faut souligner que les fortunes n’ont pas disparu Ă  niveau mondial, elles ont juste changĂ© de mains et de type de pays. AprĂšs quelques annĂ©es depuis le dĂ©but de cette fameuse « crise des subprimes », nous pouvons remarquer un changement radical dans la classification des pays consommant le plus de marques de luxe. Une autre preuve de ceci sont les cibles prioritaires des marques de mode et d’accessoires de luxe : il ne s’agit plus de conquĂ©rir
  • 21.   21   l’Europe ou les Etats-Unis, mais d’augmenter sa prĂ©sence et son poids dans des pays Ă  importance secondaire auparavant. C’est notamment le cas des pays asiatiques comme le Japon. Mais, la crise actuelle, est-elle seulement Ă©conomique ? Je pense que cette situation est fortement liĂ©e Ă  une crise de moralitĂ© globale. Nous vivons une pĂ©riode de l’humanitĂ© dans laquelle tout est liĂ© Ă  l’argent, au succĂšs, oĂč le temps est prĂ©cieux car on en dispose de peu et en consĂ©quence, oĂč on n’a pas le temps de prendre en compte la dimension morale de nos actions. Je pense que l’achat de contrefaçons ne se justifie pas uniquement par une impuissance Ă©conomique de ces acheteurs mais aussi par une mise de cĂŽtĂ© du sentiment de culpabilitĂ©, mĂȘme si les consommateurs de contrefaçons sont parfaitement conscients du caractĂšre illĂ©gal de cet achat. De ce fait, certaines thĂ©ories affirment que de nombreux consommateurs de contrefaçons sont aussi des clients des marques de luxe, c’est-‘a-dire qu’ils peuvent avoir les moyens de s’offrir l’original mais choisissent d’économiser de l’argent en achetant une falsification. Tristement, il semblerait que le concept de luxe ne rĂ©side plus dans le plaisir d’acheter des produits Ă  haute qualitĂ© et valeur ajoutĂ©e mais du « qu’en dira-t-on », dans l’importance des (souvent fausses) apparences
 b) Les consĂ©quences de cette Ă©volution pour le secteur de la mode et les accessoires de luxe : Nous avons vu que les articles contrefaits suivent actuellement une tendance Ă  la hausse pour plusieurs raisons. Par contre, d’aprĂšs de nombreuses thĂ©ories et contrairement Ă  ce que nous pourrions penser, les consĂ©quences de ce phĂ©nomĂšne pour l’industrie du luxe ne concernent point leur chiffre d’affaires. Certes, nous pouvons parler d’une lĂ©gĂšre baisse de la croissance du marchĂ© mondial du luxe au cours de l’annĂ©e 2015 (entre 1 et 2%). Par contre, ceci est dĂ», d’aprĂšs le cabinet Bain & Company, au ralentissement de l’économie chinoise et Ă  l’effondrement du tourisme dans des pays comme la Russie. Ainsi, il semblerait que les contrefaçons constituent un marchĂ© complĂ©tement diffĂ©rent Ă  celui des produits de luxe, et que leur expansion Ă  niveau mondial a des consĂ©quences de nature diffĂ©rente. b.1) Transformation de la clientĂšle :
  • 22.   22   Comme nous venons de voir dans la sous-partie prĂ©cĂ©dente, il est Ă©vident que la clientĂšle des marques de luxe a expĂ©rimentĂ© une importante transformation au cours des derniĂšres annĂ©es. ConcrĂštement, il y a eu une diminution de la capacitĂ© d’achat dans les pays occidentaux, reprĂ©sentant auparavant la quasi-totalitĂ© des ventes pour les enseignes de luxe. Un effet opposĂ© a eu lieu dans les pays de deuxiĂšme rang pour le luxe, comme c’est le cas de la Chine, du Japon, de la Russie, de l’Inde et bien d’autres pays orientaux et de l’AmĂ©rique du Sud, comme nous pouvons le voir sur la Figure nÂș3 dans les annexes. Logiquement, cette crise a frappĂ© l’économie Ă  niveau mondial, par contre, il s’avĂšre que les riches des pays en dĂ©veloppement ont vu leur capacitĂ© d’achat augmenter au dĂ©triment des riches des pays dĂ©veloppĂ©s en gĂ©nĂ©ral. En grandes lignes : les occidentaux sont plus en mesure d’acheter autant d’articles de luxe. Comment ce traduit ceci Ă  notre thĂšme d’analyse ? Les occidentaux achĂštent de plus en plus de contrefaçons ! Effectivement, il s’agit d’un effet proportionnellement inverse qui va toujours avoir lieu entre l’achat de produits de luxe et l’achat de contrefaçons. Certains justifient cette tendance occidentale en croissance par les habitudes prises par les consommateurs de ces pays. AccoutumĂ©s Ă  possĂ©der des marques de luxe, ils doivent actuellement acheter des contrefaçons, puisqu’ils ne sont plus en mesure de se permettre les articles originaux. Quelle est la consĂ©quence de ce changement pour les marques de mode et d’accessoires de luxe europĂ©ennes ? Elles se trouvent face Ă  deux types de consommateurs. Le premier, c’est le client occidental qui a maintenu son niveau Ă©conomique et qui achĂšte ce genre de produits depuis de nombreuses annĂ©es. Il est fidĂšle Ă  ces marques, possĂšde dĂ©jĂ  les produits « classiques » et a maintenant besoin de produits encore plus exclusifs, d’un niveau de luxe supĂ©rieur. Le deuxiĂšme est le client en provenance des pays moins dĂ©veloppĂ©s, qui a vu son niveau Ă©conomique augmenter soudainement dans les derniĂšres annĂ©es et qui a « la fiĂšvre du luxe » : il a une grande soif d’ostentation. Ainsi, il achĂšte les produits iconiques, classiques des marques de luxe, qu’il ne pouvait pas acheter auparavant. Normalement, ce genre de consommateur priorise l’exposition du logo, la renommĂ©e du produit en question face aux autres critĂšres d’achat. Parfois, le prix Ă©levĂ© va ĂȘtre aussi le dĂ©terminant d’achat ; plus le produit est cher, plus il va le vouloir. Il s’agit d’une phĂ©nomĂšne caractĂ©risĂ© par un nouveau concept de shopping : l’achat pour construire une identitĂ© plutĂŽt que pour rĂ©pondre Ă  un besoin rĂ©el. Par ailleurs, nous sommes entrain d’assister Ă  un changement de mentalitĂ© en ce qui concerne les jeunes gĂ©nĂ©rations. D’une part, il a une augmentation du culte aux articles de luxe d’occasion. L’explication de ceci est le fait qu’il s’agit d’articles bien plus rares que ceux
  • 23.   23   vendus dans les boutiques des marques actuellement ; le vintage est la rĂ©ponse Ă  la demande de diffĂ©renciation des jeunes aisĂ©s. D’autre part, et suivant cette mĂȘme ligne d’envie de diffĂ©renciation de la part des consommateurs de produits de luxe, nous pouvons constater une forte popularitĂ© des articles artisanaux. Les consommateurs commencent Ă  questionner le niveau d’exclusivitĂ© des marques de luxe, de plus en plus prĂ©sentes dans la rue et en consĂ©quence, de plus en plus « banalisĂ©es » Ă  leurs yeux. Ainsi, les articles de mode et d’accessoires de luxe artisanaux reprĂ©sentent la rĂ©ponse parfaite Ă  cette demande d’unicitĂ© des consommateurs, et sont mĂȘme devenus un symbole d’appartenance Ă  ce « club d’exclusivitĂ© » parmi les niches privilĂ©giĂ©es. Face Ă  ceci, comment peuvent les firmes de luxe rĂ©pondre Ă  la demande de ces deux types de consommateur ? b.2) Le besoin d’adaptation des marques des luxe : standardisation vs diffĂ©renciation : Rien n’est Ă©ternel. Tout le monde le sait, et les marques de luxe ne sont pas une exception. Ainsi, la capacitĂ© d’adaptation reprĂ©sente une qualitĂ© essentielle pour tous les grands Groupes, notamment dans notre sociĂ©tĂ©, constamment en changement et en Ă©volution, oĂč adaptation est synonyme de survie. Ainsi, les enseignes de luxe doivent faire preuve de cette capacitĂ© si elles veulent survivre, elles doivent apprendre Ă  adapter leur offre Ă  toutes les situations possibles. Prenant compte de la situation actuelle, les marques de mode et d’accessoires de luxe doivent s’adapter Ă  leur clientĂšle de deux façons. D’une part, elles doivent continuer Ă  adapter leurs produits aux cultures et aux goĂ»ts des diffĂ©rents pays. Effectivement, il ne faut pas oublier cet aspect essentiel de la construction d’image de marque de ce genre d’enseignes, qui ont su modeler leur concept de luxe aux attentes des diffĂ©rentes cultures, ceci Ă  travers des stratĂ©gies comme le dĂ©veloppement de dĂ©partements marketing et design spĂ©cifiques Ă  chaque pays, entre autres. Le focus de cet effort d’adaptation est sans doute la Chine, cible principale dans l’actualitĂ© de toutes les marques de luxe, en raison de leur croissant pouvoir d’achat mais aussi de leur soif de luxe et d’ostentation, comme le montre aussi le fait que ce soit le pays par excellence en production et commercialisation de contrefaçons. Un clair exemple de ces efforts est le cas de Chanel, qui a lancĂ© Ă  Shanghai en 2009 une collection inspirĂ©e dans les tendances de mode du pays dans les annĂ©es 1930 et 1940. Un autre exemple est la maison HermĂšs, qui a
  • 24.   24   lancĂ© en 2010 une nouvelle marque de luxe en Chine appelĂ©e Shang Xia, qui commercialise des produits issus de l’artisanat chinois. D’autre part, elles doivent considĂ©rer l’importance de rĂ©pondre Ă  la demande des deux types de consommateurs que nous avons dĂ©fini au cours de la partie prĂ©cĂ©dente. La clĂ© pour rĂ©ussir ? DĂ©velopper aussi deux catĂ©gories de produits : diffĂ©renciĂ©s et standardisĂ©s. La premiĂšre catĂ©gorie de produits doit logiquement ĂȘtre destinĂ©e au premier consommateur dĂ©crit, Ă  la recherche d’un niveau d’exclusivitĂ© supĂ©rieur et comme rĂ©ponse aussi Ă  ce dĂ©sir d’unicitĂ© qui fait que les consommateurs se tournent vers les petits producteurs artisanaux. Cette catĂ©gorie englobe essentiellement les Ă©ditions limitĂ©es ainsi que les autres collections Ă  prix plus Ă©levĂ©s et/ou avec des matĂ©riaux d’avantage sophistiquĂ©s. Ce genre d’articles permet aux clients les plus anciens de se diffĂ©rencier des « nouveaux riches » qui vont plutĂŽt possĂ©der les articles de collections standard. Ce dernier type de collections constitue donc la deuxiĂšme catĂ©gorie de produits que les marques de luxe produisent. Elles sont destinĂ©es au deuxiĂšme consommateur type dĂ©crit qui est un client assez rĂ©cent de ces marques et qui cherche Ă  possĂ©der les produits les plus iconiques des marques de luxe. L’objectif est d’exploiter ainsi la rĂ©cente position Ă©conomique atteinte. Afin de diffĂ©rencier clairement ces deux types de catĂ©gories de produits, prenons l’exemple de Louis Vuitton. Ses sacs les plus iconiques et donc les plus apercevables dans les rues sont le « Neverfull » et le « Speedy », et le design habituel proposĂ© pour les deux exhibe au maximum le nom de la marque. Il s’agit ici de deux produits typiquement standard. A ceci s’opposent les produits diffĂ©renciĂ©s : il peut s’agir de sacs ayant un design complĂ©tement diffĂ©rent comme le nouveau sac « Kimono » ou bien simplement de designs Ă©dition limitĂ©e pour les sacs iconiques, comme c’est le cas de la version « Stephen Sprouse Flowers » du sac « Neverfull » (voir la Figure nÂș4 dans les annexes). Ce genre d’articles commercialisĂ©s en Ă©dition limitĂ©e va logiquement ĂȘtre proposĂ© en nombre rĂ©duit et/ou sur une pĂ©riode limitĂ©e. La distribution sĂ©lective joue aussi un jeu important pour ces articles, ainsi que l’évĂšnementiel. En conclusion, que ce soit la raretĂ© des marques de luxe dans le secteur de la mode ou celle des Ă©ditions limitĂ©es Ă  l’intĂ©rieur d’une marque, une chose est certaine : la raretĂ© crĂ©e du dĂ©sir. Il s’agit ici de l’essence des marques de luxe et de la clĂ© pour leur succĂšs et leur survie.
  • 25.   25   B) RĂ©alitĂ© de cet intĂ©rĂȘt au sein de la communautĂ© des professionnels : 1. L’impact nĂ©gatif des contrefaçons sur les marques de mode et d’accessoires de luxe : Dans la partie prĂ©cĂ©dente de l’analyse, nous avons Ă©tudiĂ© la situation actuelle face Ă  laquelle se trouvent les marques de mode et d’accessoires de luxe europĂ©ennes, en raison des changements sociaux et Ă©conomiques que nous sommes entrain de vivre. Apparemment, les contrefaçons ne semblent pas jouer un rĂŽle important dans cette affaire et pourtant, elles sont perçues de façon extrĂȘmement nĂ©gative par les enseignes de luxe, les Etats
 Quelle est la raison de ceci ? Quel est l’impact nĂ©gatif de cette pratique faisant qu’elle soit persĂ©cutĂ©e Ă  ce point ? En lignes gĂ©nĂ©rales, et d’aprĂšs Catherine Viot, AndrĂ© Le Roux et Florence KrĂ©mer (2014), nous pouvons parler de trois grands types d’impacts nĂ©gatifs des contrefaçons. PremiĂšrement, elles prĂ©sentent un risque macro-Ă©conomique : il s’agit d’une pratique qui a comme consĂ©quence l’évasion fiscale, qui ne contribue pas Ă  la TVA. Ceci semble logique, puisqu’il s’agit d’une activitĂ© illĂ©gale qui ne peut donc pas ĂȘtre dĂ©clarĂ©e. Une autre des consĂ©quences directes est la perte d’emplois, ainsi que la contribution au dĂ©ficit de la balance commerciale, en raison des importations et exportations non-dĂ©clarĂ©es. ConcrĂštement, les contrefaçons sont souvent importĂ©es en Europe en provenance de pays comme la Chine, et les exportations des biens de luxe sont bien sĂ»r dĂ©clarĂ©es, ce qui a comme consĂ©quence une balance commerciale qui ne reflĂšte pas la rĂ©alitĂ© et qui est donc peu fiable. Il s’agit ici des consĂ©quences directes que ce phĂ©nomĂšne a pour les Etats, et qui justifient la lĂ©gislation et les autres moyens mis en place pour lutter contre celui-ci, que nous analyserons postĂ©rieurement. DeuxiĂšmement, les contrefaçons prĂ©sentent des risques pour les entreprises dont les produits sont contrefaits. Selon certaines thĂ©ories (comme celle de Green et Smith, 2002), la premiĂšre consĂ©quence pour celles-ci serait une perte de chiffre d’affaires en raison des ventes perdues par la vente de la version contrefaite de leurs produits. De plus, les entreprises investissent une partie de leurs fonds dans la lutte contre ce phĂ©nomĂšne, qui aurait pu ĂȘtre investie autrement et qui se traduit donc par une diminution de leur capacitĂ© d’innovation ainsi que de leur compĂ©titivitĂ©. TroisiĂšmement, les contrefaçons prĂ©sentent des risques pour la marque en soi : en rendant les produits plus accessibles en apparence, elles banalisent les marques de luxe et dĂ©gradent ainsi les images de marque. Ceci peut logiquement dĂ©boucher dans le rejet de la marque par les consommateurs des produits originaux, en raison de l’importante perte d’exclusivitĂ© que vĂ©hiculent les articles des marques contrefaites.
  • 26.   26   Si nous rajoutons Ă  ces trois grands risques le fait que les contrefaçons sont de plus en plus rĂ©pandues, jusqu’au point d’ĂȘtre devenues une vraie industrie, nous arrivons Ă  un des principaux problĂšmes actuels pour les marques originales : la plupart des contrefaçons produites actuellement sont aussi bonnes que les produits originaux. D’ailleurs, pour certains produits contrefaits, mĂȘme la qualitĂ© est similaire au produit rĂ©el ! En quoi ceci est un problĂšme ? Les contrefacteurs sont entrain d’offrir un produit quasiment exact Ă  l’original et parfois avec un niveau de qualitĂ© trĂšs similaire, Ă  un prix notablement infĂ©rieur Ă  celui facturĂ© par les marques de luxe. Ainsi, les contrefaçons attirent de plus en plus de consommateurs et nous pouvons nous demander jusqu’à quel point elles s’adressent actuellement Ă  un marchĂ© diffĂ©rent Ă  celui des marques de luxe. Effectivement, plus la qualitĂ© de la contrefaçon augmente, plus le fait aussi le prix, qui devient parfois assez important et se rapproche de celui des firmes originales. De ce fait, nous assistons ici Ă  une grande injustice : les contrefacteurs sont entrain de profiter de l’image de marque construite par les enseignes de luxe Ă  travers leur travail pendant de nombreuses annĂ©es, de leurs innovations, de leurs designs
 Ils rĂ©alisent des profits de plus en plus importants au dĂ©triment du travail des grandes marques. A ceci se rajoute le fait que le coĂ»t de production des contrefacteurs est pratiquement inexistant en comparaison avec leur revenu, puisqu’ils ne rĂ©alisent ni des investissements en R&D, ni en design, ni contribuent Ă  la TVA et aux autres charges sociales
 Par ailleurs, les dĂ©penses des firmes contrefaites en brevets d’exclusivitĂ© et sauvegarde de leur propriĂ©tĂ© intellectuelle deviennent inutiles et reprĂ©sentent donc aussi un manque Ă  gagner pour les marques, qui auraient pu encore une fois investir cet argent ailleurs. Ainsi, les marques de luxe voient leur image de marque endommagĂ©e par la possible distorsion de la perception des consommateurs de leurs produits, leurs investissements devenir inutiles, leur ventes diminuer et en consĂ©quence, leur chiffre d’affaires aussi. Les Etats voient leur financement diminuer, leur balance commerciale faussĂ©e, leur niveau de chĂŽmage augmenter
 Tout ceci Ă  cause des contrefacteurs, ce qui justifie le fait qu’ils persĂ©cutent acharnement ce genre de pratiques. Afin de mesurer ces dĂ©gĂąts en valeur et illustrer les consĂ©quences mentionnĂ©es, reprenons les chiffres donnĂ©s par l’OHMI (Office de l’Harmonisation dans le MarchĂ© IntĂ©rieur) sur ce sujet : il semblerait que « la vente de vĂȘtements, chaussures et accessoires contrefaits - hors sacs - coĂ»terait 26 milliards d'euros par an aux industriels europĂ©ens, dont 3,5 milliards aux fabricants français, ce qui reprĂ©sente prĂšs de 10 % des ventes totales du secteur en Europe » (Fabien Piliu, 2015).
  • 27.   27   Par contre, le nombre de zĂ©ros reprĂ©sentant leur manque Ă  gagner n’est pas la prĂ©occupation principale des enseignes de luxe. Elles attribuent bien plus d’importance aux consĂ©quences mentionnĂ©es pour leur image de marque. Sur ceci, nous pouvons faire le lien avec la partie concernant la prolifĂ©ration des contrefaçons sur Internet : nous pouvons affirmer qu’il s’agit ici d’une grande prĂ©occupation pour les marques, puisque c’est sans doute l’origine la plus importante de la circulation des produits contrefaits et donc de l’endommagement de leur image de marque. Apparemment, les firmes de luxe estiment que « plus de 90 % des produits de leur marque en circulation sur les sites de vente aux enchĂšres sont des produits contrefaits » (Brigitte MĂŒller, Bruno Kocher et Björn Ivens, 2011). 2. Quels sont les mĂ©canismes mis en place pour freiner cette pratique ? Nous venons de voir que la commercialisation d’articles contrefaits a de nombreuses consĂ©quences nĂ©gatives pour les marques ainsi que pour les Etats. Comment font ceux-ci pour se dĂ©fendre de telles consĂ©quences et pour essayer d’éradiquer cette pratique ? a) LĂ©gislation en vigueur Tout d’abord, regardons le contexte lĂ©gislatif en Europe en ce qui concerne les contrefaçons. Il s’avĂšre que le mĂ©canisme de dĂ©fense le plus puissant pour les Etats sont les douanes. Elles reprĂ©sentent le filtre par lequel doivent passer tous les articles importĂ©s dans les pays europĂ©ens et sont donc un moyen excellent pour rĂ©duire considĂ©rablement le nombre d’articles contrefaits qui franchissent les frontiĂšres du vieux continent. C’est en raison de ceci que la lĂ©gislation en ce qui concerne les contrĂŽles douaniers est devenue de plus en plus stricte, en parallĂšle avec l’augmentation du nombre d’articles contrefaits. Avec ceci, les Etats visent non seulement Ă  Ă©radiquer cette pratique mais aussi Ă  rĂ©Ă©quilibrer les comptes publics, comme nous avons vu prĂ©cĂ©demment. Christophe Cuidard, directeur rĂ©gional des douanes en France dĂ©finit la contrefaçon comme « un flĂ©au pour la santĂ©, pour l’économie et pour la crĂ©ation ». Les rĂ©percussions des contrefaçons en termes Ă©conomiques et de crĂ©ation sont plus Ă©videntes mais, pourquoi sont-elles un flĂ©au pour la santĂ© ? Nous pourrions penser que ceci ne concerne point les contrefaçons d’articles de mode et d’accessoires de luxe mais, malheureusement la santĂ© est un des dangers de cette pratique qui prĂ©occupe le plus les Etats. Ceci s’explique par le fait que les contrefaçons, constituant une activitĂ© illĂ©gale, ne passent aucun contrĂŽle sanitaire ou de qualitĂ©, ce qui a
  • 28.   28   comme consĂ©quence une incertitude sur leurs composants, les matĂ©riaux et les colorants utilisĂ©s
 Un exemple de produit contrefait dangereux sont les bracelets et autres objets mĂ©talliques, lesquels contiennent souvent des pourcentages importants de cadmium, Ă©tant un matĂ©riel extrĂȘmement prĂ©judiciel pour la santĂ©. Revenons aux douanes : que font-elles des contrefaçons saisies ? GĂ©nĂ©ralement, elles sont dĂ©truites. Il semblerait que le nombre d’articles saisis par celles-ci augmente en moyenne de 10% chaque annĂ©e. Par contre, les produits importĂ©s par le biais des commandes sur les sites Internet Ă©trangers Ă©chappent au contrĂŽle des douanes : elles ne peuvent intervenir que pour les commandes rĂ©alisĂ©es Ă  travers des sites locaux
 A ceci se rajoute un Ă©lĂ©ment essentiel : les droits de douane ainsi que la lĂ©gislation concernant la propriĂ©tĂ© intellectuelle varient entre les pays. Ainsi, il arrive souvent qu’un article soit considĂ©rĂ© comme Ă©tant une contrefaçon dans un pays mais pas dans un autre, ce qui logiquement rend bien plus compliquĂ© le rĂŽle des douaniers, notamment lorsque les lois sont diffĂ©rentes entre le pays d’importation et celui d’exportation. Un exemple est l’interdiction d’intervention de l’UE pour les marchandises en transit dans les ports ou aĂ©roports, ce qui n’est point respectĂ© en France. Dans ce cas concret, les douaniers ont mĂȘme le droit de solliciter l’inspection des sacs des voyageurs qu’ils suspectent ĂȘtre des contrefaçons. Si ils jugent que c’est le cas, ils confisquent l’article au voyageur en lui donnant comme contrepartie un sac en plastic. Il s’agit ici du cas isolĂ© de la France, qui a renforcĂ© les mesures de lutte contre les contrefaçons en raison de l’importance de tels articles dans le pays, mais ce n’est pas le cas dans la plupart des pays europĂ©ens. MalgrĂ© ces diffĂ©rences, il existe un traitĂ© multilatĂ©ral d’ordre international sur ce sujet : l’ACTA (Anti Counterfeiting Trade Agreement), signĂ© en 2012 par 22 Etats de l’Union EuropĂ©enne. De plus, il existe un accord essentiel commun a tous les membres de l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce) en relation aux droits de propriĂ©tĂ© intellectuelle : l’accord TRIPS (1995). Celui-ci concerne l’obligation de tous les Etats membres Ă  respecter certains critĂšres minimums pour la dĂ©fense de la propriĂ©tĂ© intellectuelle. Le but de cet accord est, non seulement de stopper la tendance Ă  la hausse du nombre d’articles contrefaits commercialisĂ©s par an mais aussi d’harmoniser peu Ă  peu les lĂ©gislations des diffĂ©rents pays membres sur ce sujet. Effectivement, cette harmonisation aurait comme consĂ©quence une rĂ©duction considĂ©rable de la circulation de falsifications, notamment en ce qui concerne les pays Ă©mergents. Sur ceci, je pense qu’il est trĂšs intĂ©ressant de souligner le cas de la Chine, membre de l’OMC depuis l’annĂ©e 2001. Comme nous l’avons vu dans les parties prĂ©cĂ©dentes, il s’agit du pays
  • 29.   29   producteur et exportateur de contrefaçons par excellence. La contrefaçon est devenue une industrie essentielle pour le pays, qui rapporte beaucoup d’argent et qui crĂ©e un nombre d’emplois trĂšs important. Ceci est possible grĂące Ă  la lĂ©gislation en vigueur, extrĂȘmement peu stricte sur ce sujet. MĂȘme si certains efforts ont Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©s par le pays pour endurcir leurs lois concernant cette affaire, ils ne semblent pas avoir Ă©tĂ© suffisants. Un exemple de ceci est la campagne de neuf mois qui a eu lieu en Chine en 2011 pour dĂ©fendre la propriĂ©tĂ© intellectuelle. Elle a Ă©tĂ© fortement critiquĂ©e du fait que quelques mois de renforcement des lois en dĂ©fense de la propriĂ©tĂ© intellectuelle ne sont pas suffisants : il devrait y avoir un changement de lĂ©gislation permanent qui augmente considĂ©rablement la responsabilitĂ© du pays vis-Ă -vis des contrefaçons. Ainsi, en tant que membre de l’OMC le pays s’est engagĂ© Ă  atteindre peu Ă  peu les critĂšres de respect de la propriĂ©tĂ© intellectuelle imposĂ©s Ă  tous les pays membres, mais, y arrivera-t-il un jour ? Revenons au cas de la lĂ©gislation europĂ©enne. Quels sont les cas punis par la loi en ce qui concerne la commercialisation d’articles contrefaits? Comme nous l’avons vu, les lois changent d’un pays Ă  l’autre. Prenons donc le cas de la France Ă  mode d’exemple reprĂ©sentatif, Ă©tant le pays europĂ©en le plus touchĂ© par ce phĂ©nomĂšne. Le Code de la PropriĂ©tĂ© Intellectuelle (CPI) contient plusieurs articles sur ce sujet. « L’article L. 713-2 sanctionne la contrefaçon par reproduction c’est-Ă -dire l’usage ou l’apposition d’une marque reproduite lorsqu’elle porte sur des produits ou des services identiques Ă  ceux dĂ©signĂ©s dans l’enregistrement. Dans ce cas le titulaire n’a pas Ă  apporter la preuve d’un risque de confusion. L’article L. 713-3 (a) sanctionne aussi la contrefaçon par reproduction. Cependant pour qu’il y ait atteinte au droit il faut une identitĂ© absolue de signes, une similaritĂ© entre produits et services et un risque de confusion de la part du consommateur. Enfin l’article L. 713-3 (b) sanctionne la contrefaçon par imitation. Dans ce cas, le contrefacteur doit avoir repris un Ă©lĂ©ment d’une marque enregistrĂ©e, les produits visĂ©s doivent ĂȘtre identiques ou similaires et il doit rĂ©sulter de ces deux Ă©lĂ©ments un risque de confusion » (Philippe Maitre et Muriel Perrino, 2007). Par ailleurs, les Etats encouragent de plus en plus des associations entre les entitĂ©s publiques et privĂ©es pour lutter plus efficacement contre la commercialisation de ces articles Ă  l’intĂ©rieur des frontiĂšres europĂ©ennes. Ceci concerne principalement les entreprises victimes des contrefaçons, mais aussi les opĂ©rateurs de commerce en ligne. GĂ©nĂ©ralement, ceux-ci ont le droit de rĂ©aliser une dĂ©marche prĂ©ventive de demande d’intervention de la part des douanes Ă  travers leur site Internet. Logiquement, en plus de ceci, les marques touchĂ©es par ce trafic mĂšnent aussi des enquĂȘtes et des attaques de façon individuelle, Ă  travers diverses stratĂ©gies que nous allons analyser au cours de la sous-partie suivante.
  • 30.   30   Cependant, ce renforcement des contrĂŽles douaniers ne semble pas freiner les contrefacteurs, qui continuent leurs efforts d’importation en Europe. Pourquoi donc ? L’explication principale rĂ©side dans la difficultĂ© des autoritĂ©s pour dĂ©tecter ce type de trafic en raison de sa nature illĂ©gitime. Paradoxalement, la commercialisation d’articles contrefaits est trĂšs lĂ©gĂšrement punie par la loi, avec peu ou pas de peines de prison. Ceci fait que les risques pour les contrefacteurs soient nĂ©gligeables, face Ă  un business qui rapporte des marges formidables. Ceci s’applique aussi aux consommateurs de contrefaçons, lesquels, jusqu’à trĂšs rĂ©cemment ne risquaient rien en achetant ce type de produits. Par contre, la lĂ©gislation est aussi devenue de plus en plus stricte pour ceux-ci, qui ne sont plus considĂ©rĂ©s dans tous les cas comme des victimes de cette pratique. A quoi s’exposent-ils actuellement ? Encore une fois dans le cas de la France, les consommateurs d’articles contrefaits peuvent ĂȘtre sanctionnĂ©s par le biais de la loi Longuet (1994). Elle concerne aussi les contrefacteurs et les distributeurs. La consĂ©quence pour ceux-ci est gĂ©nĂ©ralement, en plus de la confiscation des produits, une amende pour une valeur deux fois supĂ©rieure au prix original des articles contrefaits. Mais il se s’agit ici uniquement des peines qui peuvent ĂȘtre imposĂ©es par les autoritĂ©s nationales. Les marques victimes de la commercialisation de ces articles peuvent aussi faire appel Ă  l’imposition de diverses peines, pas seulement aux contrefacteurs et aux distributeurs mais aussi aux consommateurs. Ces derniers peuvent faire face Ă  un maximum de deux ans de prison et jusqu’à 150.000 euros d’amende. Dans le cas de la France, pays le plus strict de l’UE en ce qui concerne la lĂ©gislation au sujet des contrefaçons, la loi Perben II (2004) augmente ces peines Ă  trois ans de prison et une amende maximale de 300.000 euros. Il est important de rajouter que de plus en plus de pays europĂ©ens sont entrain de renforcer les sanctions pour ce trafic, dans le but de sensibiliser les consommateurs sur les prĂ©judices Ă©conomiques et sociaux d’une telle pratique. Effectivement, si il existent des contrefacteurs c’est parce qu’il existent des acheteurs de contrefaçons
 b) Les mesures adoptĂ©es par les entreprises : Afin de construire des marques avec une identitĂ© prĂ©cise, les entreprises investissent d’importantes quantitĂ©s d’argent et de travail pendant des annĂ©es. Or, nous avons vu que ces investissements sont profitĂ©s par les contrefacteurs, dont les ventes d’articles sont assurĂ©es par l’image construite par les firmes originales. Ainsi, nous pouvons penser que les ventes de contrefaçons reprĂ©sentent un manque Ă  gagner pour les enseignes originales, en plus des prĂ©judices en ce qui concerne les images de marque. De plus, il est important de rajouter que les contrefaçons constituent une difficultĂ© supplĂ©mentaire pour le dĂ©veloppement des stratĂ©gies
  • 31.   31   marketing des marques concernĂ©es, comme c’est le cas des marques de luxe. Effectivement, celles-ci doivent essayer de limiter l’impact de la commercialisation d’articles contrefaits, ce qui n’est pas une tĂąche facile. En raison de ceci, les entreprises victimes de cette injustice sont de plus en plus actives dans leur effort pour dĂ©fendre leurs droits de propriĂ©tĂ© intellectuelle. Quelles stratĂ©gies mettent-elles en place pour ceci ? Une des stratĂ©gies les plus retrouvĂ©es au sein des marques de luxe est l’existence de dĂ©partements consacrĂ©s Ă  la dĂ©fense de la propriĂ©tĂ© intellectuelle. C’est le cas de Louis Vuitton par exemple, ayant une Ă©quipe de cinquante personnes environ rĂ©parties par le monde qui travaillent avec les autoritĂ©s locales et bien d’autres spĂ©cialistes pour faire face au problĂšme des copies. Il est essentiel de souligner que sur cette Ă©quipe de cinquante personnes, environ trente sont localisĂ©es en Asie, ce qui prouve encore une fois qu’il s’agit du continent oĂč se centralise cette pratique. D’aprĂšs ValĂ©rie Sonnier, directrice du dĂ©partement en question chez le Groupe, il n’est pas question de se relĂącher : « que l'on trouve 1 ou 20 000 portefeuilles, il faut saisir. On n'Ă©radiquera peut-ĂȘtre jamais la contrefaçon, mais il faut compliquer la tĂąche des contrefacteurs et ne jamais relĂącher la pression. Ça, ça marche. » Un autre exemple de stratĂ©gie pour faire face Ă  ce trafic concerne l’harmonisation des prix au niveau mondial. Il se trouve que les diffĂ©rences entre les pays nourrissent l’augmentation des flux de contrefaçons. La Maison Chanel entre bien d’autres se sert de cette stratĂ©gie, expliquĂ©e ainsi par Bruno Pavlovsky (prĂ©sident mode de l’enseigne) : « Nous avons une stratĂ©gie d'harmonisation de nos prix pour rĂ©duire les Ă©carts entre les pays. Lorsqu'ils se creusent, des marchĂ©s de revente parallĂšle Ă©mergent, sur lesquels on retrouve de nombreux produits contrefaits. » De cette façon, des marques comme HermĂšs ou Prada adaptent leurs prix et s’efforcent d’ĂȘtre de plus en plus prĂ©sentes dans les points de vente les plus importants des pays les plus touchĂ©s par cette pratique, comme c’est le cas de la Chine. Par contre, le prix n’est pas le seul facteur utile pour cette rĂ©sistance menĂ©e vis-Ă -vis des faux. La conception mĂȘme du produit reprĂ©sente une arme puissante contre le phĂ©nomĂšne de la contrefaçon ! « On Ă©vite de crĂ©er des produits simples. On en a eu dans le passĂ© mais on a arrĂȘtĂ©, admet Sidney Toledano, le PDG de Christian Dior Couture. Il m'est arrivĂ© de dire non Ă  un bon modĂšle parce que les contrefacteurs allaient se jeter dessus. Nous privilĂ©gions les produits complexes dans leur rĂ©alisation, ceux qui nĂ©cessitent un savoir-faire, des matiĂšres nouvelles. » (Julie PĂȘcheur, 2015). Ainsi, les dirigeants des grandes Maisons de luxe sont conscients de l’importance de la complexitĂ© du design et de la conception des articles en
  • 32.   32   gĂ©nĂ©ral, pour faire face Ă  cette situation. Logiquement, plus un produit est simple plus il est facile Ă  copier et donc plus il est attractif pour les contrefacteurs. Ce type de stratĂ©gie concerne aussi la commercialisation en Ă©dition limitĂ©e, laquelle poursuit, entre autres, le but de rendre plus difficile la tĂąche aux contrefacteurs. En plus des stratĂ©gies menĂ©es au niveau interne des entreprises, les marques de luxe rĂ©alisent souvent des campagnes de sensibilisation Ă  ce phĂ©nomĂšne. Un exemple de marque Ă  l’origine d’une telle pratique est Dior, qui a rĂ©alisĂ© une campagne destinĂ©e aux jeunes. D’aprĂšs le PDG de la marque : « on veut les inciter Ă  s'engager pour la dĂ©fense du patrimoine et de la crĂ©ativitĂ©. Il faut mettre en avant les valeurs Ă©thiques. L'accĂšs au luxe c'est la connaissance, pas l'accĂšs Ă  la consommation immĂ©diate ». Il est de plus en plus habituel de voir des alliances se dĂ©velopper entre les Maisons de luxe. Un exemple de ceci est le ComitĂ© Colbert, crĂ©e en 1954 et composĂ© de 81 membres de tailles diffĂ©rentes. Par ailleurs, il est intĂ©ressant de voir comment certaines marques ont optĂ© pour essayer de rĂ©pondre Ă  cette demande d’ostentation de la part du mass market, Ă  travers le dĂ©veloppement de lignes de produits un peu plus Ă©conomiques. Il s’agit logiquement de produits d’une qualitĂ© lĂ©gĂšrement infĂ©rieure Ă  celle des autres articles des marques, mais qui restent des biens de luxe. Par contre, il s’agit ici d’une stratĂ©gie assez risquĂ©e pour les firmes de luxe, qui pourraient voir leur capital rĂ©putation et leur image de marque endommagĂ©s sur le moyen ou le long terme. C’est en raison de ceci que certaines marques choisissent, plutĂŽt que de prendre ce risque, de crĂ©er des marques prĂ©mium ou masstige externes Ă  la marque de luxe en question. Mais, comment estimer quels sont les prĂ©judices consĂ©quence des contrefaçons pour dĂ©terminer la stratĂ©gie Ă  mettre en place ? Afin de rĂ©pondre Ă  cette question, les marques de luxe investissent de façon plus ou moins importante dans des Ă©tudes d’image afin de comprendre la perception des consommateurs de la marque ainsi que de mesurer les dommages causĂ©s par les copies. 3. L’impact positif des contrefaçons sur les marques de mode et d’accessoires de luxe :
  • 33.   33   MalgrĂ© les effets nĂ©gatifs que peut produire la commercialisation d’articles contrefaits, tout n’est pas noir ou blanc : ce phĂ©nomĂšne peut aussi avoir un impact positif pour les marques de mode et d’accessoires de luxe europĂ©ennes. Cette pratique est souvent dĂ©fendue, comme nous l’avons dĂ©jĂ  mentionnĂ©, par le fait qu’elle rĂ©pond Ă  une demande qui ne pourrait pas ĂȘtre satisfaite autrement dans le marchĂ© lĂ©gal pour des raisons Ă©videntes. D’ailleurs, certaines thĂ©ories vont mĂȘme jusqu’au point d’affirmer que les contrefaçons peuvent contribuer Ă  l’augmentation (et non pas Ă  la diminution) des revenus de marques de luxe ! Comment expliquer ceci ? Une chose est certaine : une marque est copiĂ©e quand elle a du succĂšs. Ainsi, il semble que le fait qu’une marque soit contrefaite est un signe de rĂ©ussite de celle-ci, une preuve qu’elle a crĂ©e un produit plus ou moins iconique, qui gĂ©nĂšre du dĂ©sir chez les consommateurs. Sur ceci, nous ne pouvons pas nier le fait que les copies d’articles de luxe vĂ©hiculent un certain niveau de notoriĂ©tĂ© pour les marques originales, elles augmentent leur prĂ©sence Ă  niveau mondial et les font connaĂźtre ainsi Ă  des nouveaux consommateurs. Il s’agit sans doute d’une publicitĂ© involontaire mais qui peut devenir profitable pour les entreprises. C’est prĂ©cisĂ©ment ceci qui est analysĂ© dans l’analogie de Becker (1991). Elle se base sur l’explication des files d’attente devant les restaurants cĂ©lĂšbres. Nous pouvons nous demander pourquoi ces restaurants n’augmentent pas leurs prix afin de diminuer les files d’attentes en mĂȘme temps qu’augmentant leurs profits. La rĂ©ponse est simple : ceci ne serait pas profitable tout simplement par ce que les files d’attente donnent au restaurant une notoriĂ©tĂ© extrĂȘmement positive aux yeux des passants : si les gens font la queue pour y manger, c’est sans doute un bon restaurant. Nous pouvons appliquer cette mĂȘme thĂ©orie Ă  notre thĂšme d’analyse : les contrefaçons sont signe de marque Ă  la mode. Au cours des parties prĂ©cĂ©dentes, nous avons dĂ©jĂ  mentionnĂ© les thĂ©ories d’aprĂšs lesquelles contrefaçons et articles de luxe s’adressent Ă  des marchĂ©s (et donc Ă  des consommateurs) trĂšs diffĂ©rents. Comme l’a soulignĂ© l’OCDE (Organisation de CoopĂ©ration et de DĂ©veloppement Economique) en 1998, « les consommateurs qui achĂštent des faux n’auraient pas achetĂ© le produit authentique ». Regardons la Figure nÂș5 dans les annexes, prĂ©sentant la comparaison du chiffre d’affaires de Louis Vuitton avec le nombre de contrefaçons saisies en Europe entre 2000 et 2004. Si nous comparons les tendances des deux courbes, nous pouvons retrouver une certaine symĂ©trie : il semble que lorsque le nombre de contrefaçons des produits de la marque augmente, son chiffre d’affaires le fait aussi.
  • 34.   34   Suivant ces thĂ©ories, il semble que le marchĂ© des contrefaçons ne cannibaliserai point celui des firmes originales, mais au contraire, lui pourrait ĂȘtre favorable. Dans quelle mesure ? Les consommateurs de contrefaçons choisissent ces produits comme une alternative aux articles authentiques du fait qu’ils ne peuvent pas se permettre d’acquĂ©rir ces derniers. Ainsi, si leur niveau de revenus le permet un jour, ils deviendront trĂšs probablement des clients des enseignes originales. En conclusion : les contrefaçons pourraient gĂ©nĂ©rer des consommateurs potentiels pour les marques de luxe. Ce phĂ©nomĂšne a Ă©tĂ© prouvĂ© par l’étude de Yoo et Lee rĂ©alisĂ© auprĂšs d’étudiants corĂ©ens : le fait d’avoir achetĂ© des articles contrefaits fait qu’ils soient sujets d’avantage Ă  poursuivre l’achat d’articles originaux. En ce qui concerne les risques pour les consommateurs vĂ©hiculĂ©s par les articles contrefaits, comme c’est le cas de la tromperie, Grossman et Shapiro (1988) argumentent leur inexistence sous prĂ©texte que la contrefaçon est toujours « sans dĂ©ception ». C’est-Ă -dire, qu’il s’agit toujours d’un achat conscient de la part des consommateurs et comme consĂ©quence, les contrefacteurs n’ont pas l’intention de les tromper. Sur ceci, la thĂ©orie de Barnett rajoute que les consommateurs d’articles contrefaits ont souvent pour but de ressembler aux Ă©lites qu’ils admirent. Ceci est susceptible de renforcer pour ces Ă©lites un sentiment de statut et d’appartenance Ă  une niche privilĂ©giĂ©e et exclusive, ce qui Ă  son tour va renforcer leur consentement Ă  payer des sommes de plus en plus importantes pour maintenir cette appartenance. Autrement dit, les contrefaçons peuvent avoir comme rĂ©percussion une augmentation de la demande et du consentement Ă  payer pour les firmes originales. Cette idĂ©e se renforce Ă  travers le modĂšle de Takeyama, lequel affirme que les falsifications bĂ©nĂ©ficient aux marques falsifiĂ©es dans la mesure oĂč elles permettent Ă  ces derniĂšres de pratiquer une discrimination de prix : d’une part, des prix standards pour les consommateurs classiques et d’autre part, des prix supra-compĂ©titifs en ce qui concerne leurs clients les plus Ă©litistes. Cette pratique ne serait pas envisageable dans le cas oĂč les contrefaçons n’existeraient pas, car la totalitĂ© des clients des marques de luxe voudraient payer le prix standard, n’éprouvant pas le besoin d’acquĂ©rir des produits encore plus exclusifs qui leur Ă©loignent d’avantage des consommateurs d’articles contrefaits. Par ailleurs, nous avons vu dans la partie prĂ©cĂ©dente que les marques de luxe mettent en place plusieurs stratĂ©gies pour faire face Ă  l’expansion des contrefaçons. Celles-ci concernent souvent une augmentation du niveau d’innovation pour produire des articles uniques qui seront difficilement reproduits, un accroissement de l’importance attribuĂ©e aux campagnes marketing,
  • 35.   35   du soin de l’image de marque
 Ainsi, les contrefaçons, ne seraient-elles pas un booster d’efficience pour les entreprises, les poussant Ă  s’amĂ©liorer de façon rĂ©guliĂšre ? Effectivement, il semble assez logique que les contrefaçons relancent la demande des clients des marques de luxe, dont le dĂ©sir d’exclusivitĂ© et de diffĂ©renciation augmente avec l’expansion des contrefaçons. Ainsi, ce type de trafic permet aux enseignes de renouveler plus rapidement leurs collections, et de rĂ©pondre ainsi Ă  cette demande de diffĂ©renciation de leur clientĂšle qui se traduit par une augmentation de leurs revenus. Ceci ne serait point possible sans l’existence des articles contrefaits. Selon Miuccia Prada « nous laissons les autres nous copier, puis immĂ©diatement nous passons Ă  autre chose. » Par ailleurs, il ne faut pas oublier que ces stratĂ©gies de lutte contre l’immoralitĂ© du trafic de falsifications a une grande rĂ©percussion mĂ©diatique, ce qui permet aux marques non seulement de renforcer leur image de marque mais aussi d’augmenter d’avantage leur notoriĂ©tĂ©. D’aprĂšs l’OCDE (1998) : « la lutte contre la contrefaçon est considĂ©rĂ©e comme une activitĂ© de promotion de l’image de marque et les entreprises sont de plus en plus nombreuses Ă  prendre conscience de l’avantage qu’elles ont Ă  faire connaĂźtre les efforts qu’elles dĂ©ploient. » En addition Ă  ceci, et concernant la lĂ©gislation mise en place par les Etats europĂ©ens, il semblerait, d’aprĂšs la thĂ©orie de Yao, que le prix pratiquĂ© par les marques au nom de la dĂ©fense de leur propriĂ©tĂ© intellectuelle serait infĂ©rieur en absence des contrefaçons. C’est-Ă -dire que, les Etats imposent aux contrefacteurs une amende du double du prix de l’article original, qui est postĂ©rieurement reversĂ©e Ă  la marque en question. En raison de ceci, ces firmes seraient susceptibles d’augmenter leur prix, ce qui ne serait pas le cas si les contrefaçons n’existaient pas. En grandes lignes : l’existence des contrefaçons contribue Ă  l’augmentation du revenu des marques falsifiĂ©es. Suivant cette ligne d’analyse, il est important de rajouter que le fait de saisir et dĂ©truire les falsifications d’articles de luxe peut accentuer le niveau d’exclusivitĂ© et d’authenticitĂ© perçues en ce qui concerne les articles originaux. 4. Comment peuvent les marques de luxe en bĂ©nĂ©ficier ? Selon la thĂ©orie de Rustiala et Sringman, les marques de mode et d’accessoires de luxe ont appris Ă  profiter du fait que leurs produits soient rapidement copiĂ©s. De quelle façon peuvent-elle le faire ?
  • 36.   36   Comme nous le savons, les copies d’articles de luxe sont de plus en plus similaires aux articles originaux, pas seulement en apparence mais en termes de qualitĂ© aussi. Ceci est une des consĂ©quences du fait que leur niveau de technicitĂ© a augmentĂ© au cours de ces derniĂšres annĂ©es, jusqu’à devenir une vraie industrie pour des pays comme la Chine. D’ailleurs, malgrĂ© le caractĂšre illicite de ce type de trafic, il s’agit ici de la preuve que le dĂ©veloppement des contrefaçons est un levier d’acquisition de savoir-faire et de nouvelles compĂ©tences pour les Ă©conomies Ă©mergentes. Ainsi, nous assistons au dĂ©veloppement d’un phĂ©nomĂšne assez paradoxal : les contrefaçons deviennent parfois une version amĂ©liorĂ©e des articles originaux. Ceci s’applique Ă  plusieurs dimensions du produit comme c’est le cas de son design, sa forme, les couleurs et les tailles disponibles
 Sachant ceci, ne serait-il pas intĂ©ressant pour les marques de luxe de bĂ©nĂ©ficier de ces idĂ©es pour leurs propres crĂ©ations ? En plus de ceci, il se trouve que les firmes de luxe s’inspirent aussi des crĂ©ations de leur concurrence. Il s’agit d’un contrat implicite entre-elles : il est assez courant que pour la collection de chaque saison, une des Maisons crĂ©e le produit hit du moment, alors que les autres peuvent ne pas avoir mis dans le mille. Dans ce cas, la marque Ă©tant Ă  l’origine de la crĂ©ation en question va laisser les autres copier ce produit dans une certaine mesure, sachant qu’il est probable que lors de la saison suivante ce sera Ă  elle de s’inspirer des crĂ©ations d’une autre Maison. Un exemple de ceci sont les chaussures « Sling » crĂ©es cette annĂ©e par la Maison Chanel pour la collection Printemps/EtĂ© 2016 (voir la Figure 6 dans les annexes). Ce type de chaussure d’inspiration vintage a Ă©tĂ© reproduit par la totalitĂ© des autres firmes de luxe, ainsi que par les marques bas de gamme. A l’heure actuelle, il est peu probable que nous ne voyons pas ces chaussures dans n’importe quel Ă©tablissement de mode et/ou d’accessoires ! Mais ce phĂ©nomĂšne « d’inspiration », de plus en plus rĂ©pandu en consĂ©quence de la « normalisation » des copies en raison de l’expansion des contrefaçons, ne s’arrĂȘte pas ici. En plus de s’inspirer les unes des autres, les firmes de luxe semblent ĂȘtre de plus en plus attirĂ©es par d’autres sources d’inspiration allant des vĂȘtements traditionnels de certaines cultures, aux tendances vintage ou mĂȘme aux robes des princesses Disney (voir la Figure 7 dans les annexes) ! Prenant ceci en compte, nous pouvons nous demander oĂč est la limite pour les marques de luxe entre bĂ©nĂ©ficier des rĂ©percussions de l’expansion des contrefaçons et frĂŽler l’illĂ©galitĂ© Ă  leur tour. Effectivement, la ligne sĂ©parant inspiration de copie est extrĂȘmement fine, et elle est donc trĂšs facile Ă  franchir mĂȘme involontairement. C’est le cas de l’enseigne française Isabel Marant. La firme a Ă©tĂ© accusĂ©e en 2015 d’avoir copiĂ© les designs des vĂȘtements traditionnels de la communautĂ© indigĂšne Mixe originaire de Oaxaca (Sud du Mexique) pour sa collection
  • 37.   37   Printemps/EtĂ© 2015 (voir la Figure 8 dans les annexes). Ceci a entraĂźnĂ© pour la marque un long procĂšs juridique qui n’a pas encore touchĂ© Ă  sa fin. Il semble que les marques de mode et d’accessoires de luxe Ă©tant copiĂ©es peuvent ĂȘtre prises Ă  leur propre piĂšge
 Certes, elles peuvent bĂ©nĂ©ficier de certaines rĂ©percussions des contrefaçons, mais elles doivent toujours le faire de façon trĂšs prudente. Mais, pourquoi pas jouer au jeu des contrefacteurs, pourquoi pas donner au grand public un peu de cette ostentation de laquelle ils rĂȘvent ? Il s’agit d’une question que les marques de luxe se sont dĂ©jĂ  posĂ©es et Ă  laquelle elles ont trouvĂ© la rĂ©ponse : non seulement c’est une bonne idĂ©e mais en plus il y a moyen qu’elle rapporte des revenus assez importants sans point dĂ©tĂ©riorer leur image de marque. Ceci semble sĂ»rement impossible, mais il s’agit des collaborations des marques de luxe avec les marques bas de gamme. De nos jours, cette pratique est d’ailleurs devenue une mode, qui franchit les frontiĂšres du prĂȘt-Ă -porter et atteint mĂȘme le secteur des boissons rafraichissantes, avec les collaborations de designers comme Karl Lagerfeld avec Coca-Cola. En ce qui concerne la mode et les accessoires de luxe, le suĂ©dois H&M s’est prononcĂ© roi du phĂ©nomĂšne, prĂ©sentant chaque annĂ©e une collection Ă  prix abordables en collaboration avec les Maisons de mode les plus prestigieuses de l’envergure de Versace, Marni, Jimmy Choo ou, derniĂšrement, Balmain. Effectivement, ces collaborations reprĂ©sentent sans aucun doute une stratĂ©gie gagnant-gagnant pour les deux parties : H&M augmente ses ventes, fidĂ©lise ses clients et augmente considĂ©rablement sa notoriĂ©tĂ© par le biais des rĂ©percussions mĂ©diatiques et l’enseigne de luxe en question augmente aussi sa notoriĂ©tĂ© tout en maintenant une image d’exclusivitĂ© et faisant rĂȘver le grand public, puisque celui-ci peut Ă  peine frĂŽler du doit les crĂ©ations de ces enseignes. A ceci se rajoute le fait que ces pratiques reprĂ©sentent aussi une injection de fonds rapide et importante pour les petites marques de luxe en croissance, comme c’est notamment le cas de Balmain. Le gĂ©ant suĂ©dois arrive Ă  payer autour d’un million de dollars aux crĂ©ateurs de ces collections conjointes, en addition de la publicitĂ© que celles-ci vĂ©hiculent. Bien entendu, mĂȘme si les deux niveaux de gamme se confondent pour la crĂ©ation d’une collection, luxe et bas de gamme restent deux mondes diffĂ©rents, avec des clients et des produits diffĂ©rents. Les articles de telles collections sont des hybrides, Ă  mi-chemin entre les deux mondes : les designs du luxe avec la qualitĂ© du bas de gamme. Voici la combinaison parfaite pour susciter du dĂ©sir chez les consommateurs du grand public, D’aprĂšs Olivier Rousteig, directeur crĂ©atif de Balmain, l’objectif de telles collaborations est « que tout le monde sache qu'il est le bienvenu dans le monde Balmain. Balmain est une marque de luxe, d'opulence et d'exclusivitĂ© que peu de gens peuvent s'offrir. Mais je crois que la mode devrait aussi ĂȘtre ouverte Ă  tous ». Sur ceci, Emmanuel Diemoz, PDG de la marque, rajoute que