2. Du puits …
En 1983, lors du congrès de l’IFLA de Munich, Denis Varloot, alors
directeur de la DBMIST, que les plus anciens d’entre nous ont bien connu, avait
prononcé le discours d’ouverture du congrès, en filant la métaphore géniale et
prémonitoire de l’information comme flux, que les usagers allaient tirer au puits et
que bientôt ils obtiendraient en tournant le robinet.
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3. …au robinet…
Le non moins génial directeur de la bibliothèque nationale du Sénégal
lui avait répondu, le lendemain, en lui rappelant que si le robinet était
indéniablement un progrès, il ne résolvait qu’une partie du problème. Ce que les gens
venaient chercher au puits, c’était l’eau, mais c’était aussi le lien social et la solidarité.
Les orateurs et les auditeurs, heureux de cette lumineuse passe
d’arme, en avait conclu qu’il devait y avoir et un puits et un robinet…
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4. De l’inondation…
Depuis 1983, l’eau a coulé sous les ponts, si j’ose dire, et surtout, elle a
coulé du robinet sans que jamais on le ferme. L’inondation attendue s’est donc
produite, nous obligeant à vivre dans un monde de plus en plus aquatique, à faire
évoluer nos poumons vers une forme mixte y associant des branchies, comme dans le
film « Waterworld »…
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5. … à Waterworld
Le flux d’information qui dans un premier temps nous a submergés,
menaçant de nous noyer, est devenu le liquide dans lequel nous évoluons, qui nous
traverse. Face à la diffusion de l’information et du savoir, nous sommes désormais…
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7. Depuis que les bibliothèques existent, elles désignent une collection, des services, du
personnel, des utilisateurs et surtout un LIEU physique. La bibliothèque, depuis
Alexandrie et même avant n’a que deux localisations, un bâtiment ou un cerveau.
Et quelle meilleure illustration, pour cette persistance du passé dans notre vie que
cette représentation de la Bibliothèque d’Alexandrie extraite de « Second Life » ?
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8. Ce lieu n’est pas sur le point de disparaître. Si l’on a pu constater, au cours de ces
dernières années une baisse des emprunts particulièrement dans les bibliothèque de
lecture publique, on a vu en parallèle augmenter la fréquentation de celles-ci, surtout
lorsqu’elles sont rénovées, accueillantes et adaptées à la demande des nouveaux
publics : vous en apprendrez plus sur ce point en écoutant l’ébouriffante présentation
d’Eppo Van Nispen, directeur de la BM de Delft.
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9. On connaît cependant ses limites : les murs. Tous ne viennent pas à la bibliothèque,
même ceux qui le voudraient (localisation, horaires, disponibilité…) ; la bibliothèque
hors-les-murs que les plus actifs des professionnels mettent en œuvre rencontre en
fait ces mêmes contraintes : offre limitée, heures de travail du personnel,
impossibilité d’être partout à la fois.
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12. L’Informatique : au cœur de la deuxième bibliothèque, on trouve le « logiciel d’entreprise »
c’est-à-dire le SIGB, colonne vertébrale du fonctionnement de l’établissement, qui a permis la
dématérialisation des tâches professionnelles et l’OPAC, qui en est la première manifestation
publique.
La numérisation : Comme on a dématérialisé les procédures, on dématérialise désormais les
collections dignes d’intérêt et l’on produit directement des collections contemporaines
(ressources électroniques en ligne) qui viennent apporter toute sa cohérence au réceptacle
informatique puisqu’il n’y a plus solution de continuité entre le back office professionnel et le
contenu des étagères.
A ce sujet, l’article récent de Livres-Hebdo sur l’offre numérique des éditeurs américains
laisse entrevoir ce que sera notre avenir proche ; d’autant que l’annonce de l’interopérabilité
des plateformes d’E-diffusion en France a levé l’un des obstacles principaux au
développement de l’offre numérique.
L’automatisation : un pas majeur a été franchi il y a quelques années grâce à la puce sans
contact (technologie RFID) qui a permis la virtualisation de la circulation et l’autonomisation
de l’usager
L’Internet : la centralité du réseau comme mode de civilisation , mettant en relation
utilisateurs et contenus, utilisateurs entre eux, bibliothèques entre elles, pour créer des
réseaux imbriqués, labiles, mouvants, est au cœur du succès de la deuxième bibliothèque
Le web 2.0 : l’interactivité qui constitue le cœur du web 2.0 a permis de franchir un pas
supplémentaire, ajoutant aux fonctions de recherche publique tous les services de la
bibliothèque et même plus : inscriptions, circulation des documents virtuels grâce au prêt
chronodégradable, conseils, échanges de points de vue, demandes de renseignement, clubs
de lecture…
Les outils nomades : grâce à eux la bibliothèque est vraiment globale : non seulement on
accède à tous ses services, toujours et partout, mais c’est elle qui accède à vous.
Les réseaux sociaux : Comme dans le cas des outils nomades, la présence de la bibliothèque
sur les réseaux sociaux la propulse là où le public passe.
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13. La deuxième bibliothèque n’existerait pas sans l’évolution des publics.
L’épistémologie des techniques démontre que les technologies précèdent les
usages comme l’illustre cette photographie... On l’a vu par exemple pour le
cédérom comme pour l’Internet. Dans le cas qui nous intéresse, chacune des
technologies citées plus tôt a trouvé sa place dans la mécanique du
fonctionnement amélioré des bibliothèques.
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14. Ce n’est pourtant que l’émergence de publics protéiformes, symbolisés par
ceux que les sociologues ont surnommés « Génération Y », « Génération
Internet » Génération C » qui a permis à ces technologies de coaguler en une
offre radicalement nouvelle, cohérente et universelle, la deuxième
bibliothèque.
La génération Y, constituée des classes d’âge nées entre les années 75 et 90, se
caractérise par
• La désaffection pour la « valeur travail » au profit de l’épanouissement
personnel,
• le grand individualisme de ses membres,
• leur usage « naturel » de l’Internet et des NTIC,
• des formes de convivialité relâchées et mouvantes,
• une dépolitisation radicale,
• mais un intérêt certain pour les causes humanitaires et les comportements
écologiques.
La génération Y est aussi reconnue pour la propension de ceux qui la
constituent à exiger une satisfaction immédiate de leurs aspirations.
Ces modifications comportementales très profondes traduisent, selon certains,
une véritable évolution neurobiologique, qui n’est pas étrangère à la nécessité
de repenser les institutions sociales dont les bibliothèques.
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15. Il ne s’agit plus de fournir des accès à des catalogues, des documents ou des informations,
mais bien d’offrir en ligne à tous les nouveaux usagers et aux autres, les moyens d’une vie
autonome, individuelle ou collective, dans une deuxième bibliothèque, aussi importante que
la première. Le site prometteur présenté ici illustre bien ces possibilités, sinon qu’il n’offre
pas encore l’accès au texte lui-même et à son emprunt virtuel.
Comme lorsque l’on vient à la bibliothèque, on peut bien sûr s’inscrire, consulter des
catalogues, demander des renseignements, parcourir les rayonnages, se voir suggéré des
lectures, emprunter des documents (numériques), réserver des documents (physiques ou
numériques), payer forfaits et indemnités de retard, se former grâce à des tutoriels,
bénéficier de l’aide scolaire, écouter une histoire, participer à un club de lecture, se
renseigner sur les événements culturels locaux et acheter des billets, etc.
Mais on peut aussi profiter de l’ensemble des outils offerts par le web collaboratif et les
outils nomades : groupes de discussion, commentaires de l’usager sur les documents qu’il a
empruntés, adhésion aux réseaux sociaux créés par la bibliothèque sur Facebook, Myspace
ou autre. Cette deuxième bibliothèque a l’avantage considérable d’être ouverte 24 heures
sur 24 et 7 jours sur 7 et d’être accessible à partir de tout type d’appareils connectés au
réseau.
Queens, Rotterdam, Singapour proposent aujourd’hui des millions de documents écrits
sonores ou audiovisuels à distance et sur mobiles. Le service de Singapour est ainsi promu :”
We are mobile. The library in your pocket New mobile portal with library services for people
on the move”.
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16. Ces éléments illustrent bien le fait qu’il n’y a pas de deuxième bibliothèque sans la
première, que les politiques de développement de l’une et de l’autre sont totalement
entremêlées. En fait, il y a une seule bibliothèque.
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20. Des formations et des qualifications nouvelles doivent être imaginées :
-Médiateurs numériques,
-Animateurs
-Médiateurs de connaissances
-Déjà, des bibliothèques ont renoncé aux banques de renseignement pour les
remplacer par des bibliothécaires équipés d’IPAD connectés au système et
déambulant dans la bibliothèque ou répondant directement aux demandes en
provenance de la deuxième bibliothèque.
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