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Rapport: Cedric Villani IA
1.
CĂDRIC VILLANI MathĂ©maticien et
dĂ©putĂ© de lâEssonne Composition de la mission Marc Schoenauer Directeur de recherche INRIA ⹠Yann Bonnet SecrĂ©taire gĂ©nĂ©ral du Conseil national du numĂ©rique ⹠Charly Berthet Responsable juridique et institutionnel du Conseil national du numĂ©rique ⹠Anne-Charlotte Cornut Rapporteur au Conseil national du numĂ©rique ⹠François Levin Responsable des affaires Ă©conomiques et sociales du Conseil national du numĂ©rique ⹠Bertrand Rondepierre IngĂ©nieur de lâarmement, Direction gĂ©nĂ©rale de lâarmement.
2.
Mission confiée par le
Premier Ministre Ădouard Philippe Mission parlementaire du 8 septembre 2017 au 8 mars 2018 Avec lâappui de Anne-Lise Meurier, Zineb Ghafoor, Candice Foehrenbach, Stella Biabiany-Rosier, Camille Hartmann, Judith Herzog, Marylou Le Roy, Jan Krewer, Lofred Madzou et Ruben Narzul.
3.
2 CĂ©dric Villani Comme bien
dâautres adolescents fĂ©rus de sciences dans les annĂ©es 80, jâai fait la connaissance de lâintelligence artificielle dans les superbes ouvrages de vulgarisation de Douglas Hofstadter, qui mettait en scĂšne Alan Turing avec une passion contagieuse. Mais comme bien des mathĂ©maticiens dĂ©butant la carriĂšre dans les annĂ©es 90, jâai profondĂ©ment sous-estimĂ© lâimpact de lâintelligence artificielle, qui ne donnait finalement, Ă cette Ă©poque, que peu de rĂ©sultats. Quelle surprise ce fut dâassister, dans les annĂ©es 2010, Ă lâincroyable amĂ©lioration de ses performances... Devenu moi-mĂȘme vulgarisateur, je me suis mis Ă dĂ©velopper le sujet rĂ©guliĂšrement, dans mes confĂ©rences publiques comme dans mes Ă©changes avec le monde de lâentreprise. Et ce fut une surprise non moins grande de voir mes ouvrages de recherche sur le transport optimal citĂ©s dans des articles rĂ©cents sur lâintelligence artificielle : comme un signe quâil mâĂ©tait impossible dâĂ©chapper Ă ce sujet polymorphe ! Du reste, depuis quelques annĂ©es plus personne ne peut y Ă©chapper, tant il est devenu omniprĂ©sent dans les discussions Ă©conomiques et sociales. Aussi ai-je Ă©tĂ© Ă peine surpris quand le Premier ministre me confia une mission dâinformation sur la stratĂ©gie française et europĂ©enne en intelligence artifi- cielle. Le dĂ©fi Ă©tait grand, mais mon enthousiasme considĂ©rable. Pour les orientations de dĂ©part, jâai bĂ©nĂ©ficiĂ© du plein soutien du secrĂ©taire dâĂtat au numĂ©rique, Mounir Mahjoubi, et de lâexpertise de mes collĂšgues spĂ©cialistes dans le domaine, Ă commencer par mon ancien collaborateur Yann Ollivier.
4.
3 Avant-Propos Avec leur aide,
et avec le soutien des institutions dâĂtat, jâai pu mettre en place une Ă©quipe comme on en rĂȘve : sept personnes extrĂȘmement compĂ©- tentes, investies Ă temps plein, aux profils variĂ©s. Cette Ă©tape Ă©tait cruciale, tant on sait combien les ressources humaines sont la premiĂšre condition de succĂšs de tout projet. Pour dĂ©marrer notre rĂ©flexion, nous pouvions nous appuyer sur dâexcellentes sources ; en particulier le rapport France IA, initiĂ© par Axelle Lemaire, le rapport de lâOffice parlementaire dâĂ©valuation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), rendu par mes collĂšgues parlementaires Claude de Ganay et Dominique Gillot, ainsi que les remarquables travaux de la CNIL, sur lâĂ©thique des algorithmes, et du Conseil dâorientation pour lâemploi. France StratĂ©gie a Ă©galement apportĂ© son concours. Les contributions se sont multipliĂ©es, et rapidement la quantitĂ© de matĂ©riaux Ă digĂ©rer est apparue considĂ©rable ! Mais ensemble, nous avons pu collecter et synthĂ©tiser les quantitĂ©s dâinformation fournies par les centaines dâexperts, et par les milliers de citoyens qui ont apportĂ© leur contribution Ă la rĂ©flexion â Ă ce sujet je remercie chaleureusement lâassociation Parlement  Citoyens qui a pu monter une plateforme de consultation en ligne dans des dĂ©lais records ! Lâintelligence artificielle ne peut se penser dans un cadre seulement national ; et cette mission a aussi Ă©tĂ© lâoccasion de visites, aussi brĂšves quâintenses, dans des lieux inspirants Ă lâĂ©tranger : Palo Alto, Beijing, Berlin, Ratisbonne, Londres, ZĂŒrich, Bologne, Lisbonne, Tel-Aviv et HaĂŻfa. La logistique de ces visites a fait intervenir de nombreux acteurs institutionnels efficaces, que je remercie avec gratitude. Inutile de dire que les lieux inspirants français ont aussi Ă©tĂ© au rendez-vous, avec une mention spĂ©ciale pour The Camp, prĂšs dâAix-en-Provence, qui a hĂ©bergĂ© notre mission durant quelques jours. Passionnante par la variĂ©tĂ© de sujets quâelle nous a menĂ©s Ă Ă©tudier, cette mission a aussi Ă©tĂ© lâoccasion de travailler, six mois durant, en collaboration avec tous les acteurs de la sociĂ©tĂ©, depuis les sciences exactes et humaines jusquâaux administrations, en passant par les entrepreneurs, les journalistes et des auteurs de science-fiction talentueux â merci Ă Anne-Caroline Paucot et Olivier Paquet, qui ont gentiment acceptĂ© que nous intĂ©grions quelques- unes de leurs nouvelles au rapport. Ă travers ces confrontations multiples, lâintelligence artificielle sâest affirmĂ©e Ă nos yeux comme un sujet universel, se dĂ©clinant dans dâinfinies variations, qui doit sâaborder de façon systĂ©mique. Nous avons dâailleurs lâintention de complĂ©ter ce rapport â rĂ©digĂ© pour conseiller le gouvernement avec lâaction et lâefficacitĂ© en ligne de mire â par une version plus pĂ©dagogique, susceptible dâintĂ©resser un public aussi large que possible, insistant davantage sur lâhistoire, les attentes et les mystĂšres de ce domaine. Câest dans la synergie, nous en sommes convaincus, que notre nation, et notre continent, pourront se lancer avec confiance et dĂ©termination dans cette rĂ©volution naissante.
5.
4 Sommaire Introduction page 8 SynthĂšse
page 14 Partie 1 â Une politique Ă©conomique articulĂ©e autour de la donnĂ©e pageâŻ24 Renforcer lâĂ©cosystĂšme europĂ©en de la donnĂ©e pageâŻ26 Inciter les acteurs Ă©conomiques Ă la mutualisation de donnĂ©es pageâŻ29 Organiser lâouverture au cas par cas de certaines donnĂ©es dĂ©tenues par des entitĂ©s privĂ©es pageâŻ33 Favoriser sans attendre les pratiques de fouille de texte et de donnĂ©es (TDM) pageâŻ35 Mettre en Ćuvre la portabilitĂ© dans une visĂ©e citoyenne pageâŻ36 RĂ©former le cadre international appli- cable aux transferts de donnĂ©espageâŻ38 Consolider et rendre visible lâĂ©co- systĂšme français de lâIA pageâŻ38 CrĂ©er un guichet unique dâinformation sur lâIA pageâŻ39 CrĂ©er des labels pour augmenter la visibilitĂ© de lâoffre domestique en IA pageâŻ39 Consolider les filiĂšres dâacheteurs pageâŻ40 Faire levier sur la commande publi- que pageâŻ43 Ajuster les seuils dâapplication de la rĂ©glementation aux niveaux euro- pĂ©ens pageâŻ43 Mettre lâachat public au service du soutien Ă la base industrielle euro- pĂ©enne pageâŻ44 Dynamiser lâachat public innovant pageâŻ44 Mettre en place une protection de lâacheteur public pour lâinciter Ă lâin- gĂ©nierie contractuelle pageâŻ45 GĂ©nĂ©raliser lâemploi des exceptions Ă lâordonnance sur les marchĂ©s publics pageâŻ45 Un choix clair : mettre lâaccent sur quatre secteurs stratĂ©giques pageâŻ46 Mener une politique sectorielle autour de grands enjeux pageâŻ48 ExpĂ©rimenter des plateformes sec- torielles pageâŻ53 Mettre en place des bacs Ă sable dâinnovation pageâŻ55 Mettre en Ćuvre une politique de la donnĂ©e adaptĂ©e Ă chaque secteur pageâŻ56 Initier une dynamique industrielle europĂ©enne de lâIA pageâŻ57 DĂ©velopper la robotique europĂ©enne pageâŻ57 Faire du dĂ©veloppement de lâIA pour le transport une prioritĂ© de la future agence dâinnovation de rupturepageâŻ58 Innover dans lâindustrie du composant adaptĂ© Ă lâIA pageâŻ58 AccĂ©lĂ©rer la mise en place dâinfras- tructures europĂ©ennes en IA pageâŻ60 Transformation de lâĂtat, Ătat exem- plaire pageâŻ62 Installer un coordinateur interminis- tĂ©riel pour la mise en Ćuvre de la stratĂ©gie pageâŻ62 CrĂ©er un pĂŽle de compĂ©tences mutualisĂ©es en IA dans lâĂtat pageâŻ63 IntĂ©grer lâIA dans la stratĂ©gie numĂ©- rique de lâĂtat pageâŻ64 Partie 2 â Pour une recherche agile et diffu- sante pageâŻ72 CrĂ©er un rĂ©seau dâInstituts Interdisci- plinaires dâIntelligence Artificielle pageâŻ75 Mailler le territoire et les domaines de recherche pageâŻ76 RĂ©unir chercheurs, Ă©tudiants et entre- prises pageâŻ79 Installer une coordination nationale pageâŻ85 Amorcer le processus par un appel Ă projets pageâŻ86
6.
5 Sommaire Intégrer ce réseau
dans lâespace europĂ©en de la recherche en IApageâŻ87 Des moyens de calcul pour la recherche pageâŻ88 DĂ©velopper un supercalculateur pour les besoins de la recherche pageâŻ89 NĂ©gocier un pass dans un cloud privĂ© pour la recherche pageâŻ89 Rendre plus attractives les carriĂšres dans la recherche publique pageâŻ90 Revaloriser les carriĂšres dâenseignants chercheurs et de chercheurs, en par- ticulier en dĂ©but de carriĂšre pageâŻ90 Augmenter lâattractivitĂ© de la France pour les talents expatriĂ©s ou Ă©tran- gers pageâŻ90 Former plus de spĂ©cialistes de haut niveau en IA pageâŻ90 Fluidifier et amplifier les Ă©changes acadĂ©mie-industrie pageâŻ91 Encourager le travail partagĂ© acadĂ©- mie-industrie pageâŻ91 Prendre en compte les pĂ©riodes de travail dans lâindustrie dans la recons- titution de carriĂšre pageâŻ91 Nommer des chercheurs en IA dans les conseils dâadministration pageâŻ91 RĂ©soudre le problĂšme du partage de la propriĂ©tĂ© intellectuelle pageâŻ92 Encourager la crĂ©ation de startups par les chercheurs pageâŻ92 Encourager par le co-financement la crĂ©ation de chaires industriellespageâŻ92 Partie 3 â Anticiper et maĂźtriser les impacts sur le travail et lâemploi pageâŻ100 Anticiper les impacts sur lâemploi et expĂ©rimenter pageâŻ107 CrĂ©er un lab public de la transforma- tion du travail pageâŻ107 Cibler certains dispositifs sur les emplois Ă plus haut risque dâauto- matisation pageâŻ109 Financer des expĂ©rimentationspageâŻ112 DĂ©velopper la complĂ©mentaritĂ© au sein des organisations et encadrer les conditions de travail pageâŻ112 DĂ©velopper un indice de bonne complĂ©mentaritĂ© Ă destination des entreprises pageâŻ112 IntĂ©grer pleinement la transformation numĂ©rique dans le dialogue social pageâŻ113 Lancer un chantier lĂ©gislatif sur les conditions de travail Ă lâheure de lâautomatisation pageâŻ114 Amorcer une transformation de la formation initiale et continue pour favoriser lâapprentissage de la crĂ©a- tivitĂ© pageâŻ114 Favoriser la crĂ©ativitĂ© et les pĂ©dago- gies innovantes pageâŻ116 CrĂ©er une plateforme de mise en valeur des porteurs de pĂ©dagogies innovantes pageâŻ116 Donner du temps et des moyens aux porteurs dâinnovations pĂ©dagogiques pageâŻ117 ExpĂ©rimenter de nouveaux modes de financement de la formation professionnelle pour tenir compte des transferts de valeur pageâŻ117 Former des talents en IA, Ă tous niveaux pageâŻ119 Multiplier par trois le nombre de per- sonnes formĂ©es en IA pageâŻ119 Renforcer lâĂ©ducation en mathĂ©ma- tiques et en informatique pageâŻ121 Partie 4 â Lâintelligence artificielle au service dâune Ă©conomie plus Ă©cologique pageâŻ122 Inscrire le sujet Ă lâagenda interna- tional pageâŻ125 Favoriser la convergence de la tran- sition Ă©cologique et du dĂ©veloppe- ment de lâIA pageâŻ125 Mettre en place un lieu dĂ©diĂ© Ă la rencontre de la transition Ă©cologique et de lâIA pageâŻ125
7.
6 Sommaire Mettre en place
une plateforme au service de la mesure de lâimpact environnemental des solutions numĂ©- riques intelligentes pageâŻ127 Penser une IA moins consommatrice dâĂ©nergie pageâŻ127 Agir pour le verdissement de la chaĂźne de valeur des centres de donnĂ©es pageâŻ128 Soutenir les dĂ©marches Ă©cologiques chez les fournisseurs de cloud euro- pĂ©ens pageâŻ128 LibĂ©rer la donnĂ©e Ă©cologiquepageâŻ130 LibĂ©rer la donnĂ©e publique pageâŻ131 LibĂ©rer la donnĂ©e privĂ©e pageâŻ131 Partie 5 â Quelle Ă©thique de lâIA ? pageâŻ138 Ouvrir la boĂźte noire pageâŻ140 DĂ©velopper lâaudit des IA pageâŻ143 DĂ©velopper lâĂ©valuation citoyenne des IA pageâŻ144 Soutenir la recherche sur lâexplica- bilitĂ© pageâŻ145 Penser lâĂ©thique dĂšs la conception pageâŻ146 IntĂ©grer lâĂ©thique dans la formation des ingĂ©nieurs et chercheurs en IA pageâŻ146 Instaurer une Ă©tude dâimpact sur les discriminations (discrimination impact assessment) pageâŻ147 Penser les droits collectifs sur les donnĂ©es pageâŻ148 Rendre lâaction de groupe effective pageâŻ149 Comment garder la main ? pageâŻ149 Police prĂ©dictive pageâŻ150 Les systĂšmes dâarmes lĂ©tales auto- nomes pageâŻ152 Une gouvernance spĂ©cifique de lâĂ©thique en intelligence artificielle pageâŻ155 Partie 6 â Pour une intelligence artificielle inclusive et diverse pageâŻ162 MixitĂ© et diversitĂ©Â : agir pour lâĂ©ga- litĂ© pageâŻ163 Une action forte : un objectif de 40 % dâĂ©tudiantes dans les filiĂšres du numĂ©- rique pageâŻ166 Une action nationale en faveur de la mixitĂ© dans la technologie pageâŻ168 Mettre en place une base de donnĂ©es nationale sur les inĂ©galitĂ©s entre les femmes et les hommes au travail pageâŻ170 Promouvoir la transparence des pro- cessusderecrutementetdepromotion pageâŻ171 RĂ©server des fonds en faveur de la diversitĂ© pageâŻ172 DĂ©velopper la mĂ©diation numĂ©rique et lâinnovation sociale pour que lâIA bĂ©nĂ©ficie Ă tous pageâŻ172 Activer lâaccĂšs aux droits fondamen- taux et aux services publics pageâŻ173 Soutenir les innovations sociales basĂ©es sur lâIA pageâŻ177 Focus sectoriels pageâŻ183 Focus 1 â Transformer lâĂ©ducation pageâŻ184 Enseigner Ă lâheure Ă lâIA pageâŻ185 DĂ©velopper une complĂ©mentaritĂ© capacitante avec lâIA en renforçant la place de la crĂ©ativitĂ© dans lâensei- gnement pageâŻ186 DĂ©velopper la maĂźtrise de lâapprenant sur ses donnĂ©es dâapprentissage en lien avec son Ă©quipe pĂ©dagogique pageâŻ187 Accompagner la transformation des relations sociales dâapprentissage et des mĂ©tiers de lâenseignementpageâŻ188 Transformer les politiques Ă©duca- tives grĂące Ă lâintelligence artificielle pageâŻ189
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7 Sommaire Mobiliser le potentiel
de lâIA pour lutter contre les dĂ©crochages et faci- liter lâorientation pageâŻ189 Soutenir le dĂ©veloppement dâun Ă©co- systĂšme Edtech en phase avec les valeurs de notre systĂšme Ă©ducatif pageâŻ190 Accompagner la transformation des mĂ©tiers au sein du MinistĂšre pageâŻ192 Focus 2 â La santĂ© Ă lâheure de lâIA pageâŻ194 LâIA au service de la mĂ©decinepageâŻ195 Une rĂ©organisation des pratiques mĂ©dicales autour du patient pageâŻ197 Fluidifier les expĂ©rimentations en temps rĂ©el avec les patients et pro- fessionnels de santĂ© pageâŻ199 LâIA au service des politiques de santĂ© pageâŻ199 Mieux anticiper et cibler les politiques de santĂ© pageâŻ199 Assurer une veille de la donnĂ©e de santĂ© pageâŻ200 Mettre en place une plateforme pour le systĂšme de santĂ© adaptĂ©e aux usages liĂ©s Ă lâIA pageâŻ200 RĂ©guler lâinnovation en santĂ© Ă lâheure de lâIA pageâŻ203 Focus 3 â Faire de la France un leader de lâagriculture augmentĂ©e pageâŻ204 Ă court terme : prĂ©server nos capa- citĂ©s stratĂ©giques et soutenir lâinno- vation agricole pageâŻ205 Favoriser le dialogue entre les agri- culteurs et lâindustrie agroalimentaire pour faire Ă©merger de nouveaux modĂšles de valeur pageâŻ205 DĂ©velopper les soutiens Ă la recherche pour le dĂ©veloppement de la robo- tique et des capteurs agricolespageâŻ206 Garantir la couverture rĂ©seau nĂ©ces- saire Ă une agriculture connectĂ©e pageâŻ206 Intensifier les efforts sur la standar- disation et lâinteropĂ©rabilitĂ© pageâŻ207 Outiller les dĂ©marches collectives de nĂ©gociations sur les donnĂ©es des exploitations pageâŻ207 Ă moyen terme : distribuer plus lar- gement les capacitĂ©s dâexploitation des donnĂ©es pageâŻ208 Faire passer Ă lâĂ©chelle les initiatives de mutualisation et les services inno- vants aux exploitations pageâŻ208 DĂ©velopper les capacitĂ©s numĂ©riques des agriculteurs, au service de la sou- verainetĂ© technologique française pageâŻ209 Focus 4 â Une politique dâinnovation de rupture dans le secteur du transport au niveau europĂ©en pageâŻ210 Une coopĂ©ration franco-allemande sur lâinnovation de rupture pageâŻ212 Des plateformes de mutualisation europĂ©ennes autour des mobilitĂ©s pageâŻ212 Des Ă©chĂ©ances ambitieuses pour lâautorisation des vĂ©hicules auto- nomes en Europe pageâŻ214 Une politique de la donnĂ©e offen- sive pageâŻ214 Focus 5 â LâIA au service de la dĂ©fense et de la sĂ©curitĂ© pageâŻ218 La nĂ©cessitĂ© dâune IA rĂ©galienne et ses spĂ©cificitĂ©s pageâŻ220 La mise en place dâun environne- ment propice Ă lâexpĂ©rimentation et au dĂ©veloppement de lâIApageâŻ222 Une gouvernance et un cadre Ă consolider pageâŻ224 Personnes auditionnĂ©es page 226 Contributions reçues page 230 La mission page 232
9.
Introduction
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9 Introduction DĂ©finir lâintelligence artificielle
nâest pas chose facile. Depuis ses origines comme domaine de recherche spĂ©cifique, au milieu du XXe siĂšcle, elle a toujours constituĂ© une frontiĂšre, incessamment repoussĂ©e. Lâintelligence artificielle dĂ©signe en effet moins un champ de recherches bien dĂ©fini quâun programme, fondĂ© autour dâun objectif ambitieux : comprendre comment fonctionne la cognition humaine et la reproduire ; crĂ©er des processus cognitifs comparables Ă ceux de lâĂȘtre humain. Le champ est donc naturellement extrĂȘmement vaste, tant en ce qui concerne les procĂ©dures techniques utilisĂ©es que les disciplines convoquĂ©es : mathĂ©- matiques, informatiques, sciences cognitives⊠Les mĂ©thodes dâIA sont trĂšs nombreuses et diverses (ontologique, apprentissage par renforcement, apprentissage adversarial, rĂ©seaux de neuronesâŠ) et ne sont pas nouvelles : beaucoup dâalgorithmes utilisĂ©s aujourdâhui ont Ă©tĂ© dĂ©veloppĂ©s il y a plusieurs dizaines dâannĂ©es. Depuis la confĂ©rence de Dartmouth de 1956, lâintelligence artificielle sâest dĂ©veloppĂ©e, au grĂ© des pĂ©riodes dâenthousiasme et de dĂ©sillusion qui se sont succĂ©dĂ©es, repoussant toujours un peu plus les limites de ce quâon croyait pouvoir nâĂȘtre fait que par des humains. En poursuivant son projet initial, la recherche en IA a donnĂ© lieu Ă des vrais succĂšs (victoire au jeu dâĂ©checs, au jeu de go, comprĂ©hension du langage naturelâŠ) et a nourri largement lâhistoire des mathĂ©matiques et de lâinformatique : combien de dispositifs que nous considĂ©rons aujourdâhui comme banals Ă©taient Ă lâorigine une avancĂ©e majeure en IA â une application de jeux dâĂ©checs, un programme de traduction en ligneâŠÂ ? Du fait de ses ambitions, qui en font un des programmes scientifiques les plus fascinants de notre Ă©poque, la discipline de lâIA sâest toujours dĂ©veloppĂ©e de concert avec les imaginaires les plus dĂ©lirants, les plus angoissants et les plus fantastiques, qui ont façonnĂ© les rapports quâentretient le grand public avec lâIA mais Ă©galement ceux des chercheurs eux-mĂȘmes avec leur propre discipline. La (science) fiction, les fantasmes et les projections collectives ont accom- pagnĂ© lâessor de lâintelli- gence artificielle et guident parfois ses objectifs de long terme : en tĂ©moignent les productions fictionnelles abondantes sur le sujet, de 2001 lâOdyssĂ©e de lâespace, Ă Her en passant Blade Runner et une grande partie de la littĂ©rature de science-fiction. Finalement, câest probablement cette alliance entre des projections fictionnelles et la recherche scientifique qui constitue lâessence de ce quâon appelle lâIA. Les imaginaires, souvent ethno-centrĂ©s et organisĂ©s autour dâidĂ©ologies politiques sous-jacentes, jouent donc un rĂŽle majeur, bien que souvent nĂ©gligĂ©, dans la direction que prend le dĂ©veloppement de cette discipline. Lâintelligence artificielle est entrĂ©e, depuis quelques annĂ©es, dans une nouvelle Ăšre, qui donne lieu Ă de nombreux espoirs. Câest en particulier dĂ» Ă lâessor de lâapprentissage automatique. Rendues possibles par des algorithmes nouveaux, par la multiplication des jeux de donnĂ©es et le dĂ©cuplement des puissances Lâintelligence artificielle est entrĂ©e, depuis quelques annĂ©es, dans une nouvelle Ăšre, qui donne lieu Ă de nombreux espoirs
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10 Introduction de calcul, les
applications se multiplient : traduction, voiture autonome, dĂ©tection de cancer,⊠Le dĂ©veloppement de lâIA se fait dans un contexte technologique marquĂ© par la « mise en donnĂ©es » du monde (datafication), qui touche lâensemble des domaines et des secteurs, la robotique, la blockchain1, le supercalcul et le stockage massif. Au contact de ces diffĂ©rentes rĂ©alitĂ©s technologiques se jouera sĂ»rement le devenir de lâintelligence artificielle. Ces applications nouvelles nourrissent de nouveaux rĂ©cits et de nouvelles peurs, autour, entre autres, de la toute-puissance de lâintelligence artificielle, du mythe de la SingularitĂ© et du transhumanisme. Depuis quelques annĂ©es, ces reprĂ©sentations sont largement investies par ceux qui la dĂ©veloppent et participent Ă en forger les contours. Le cĆur politique et Ă©conomique de lâintelligence artificielle bat toujours dans la Silicon Valley, qui fait encore office de modĂšle pour tout ce que lâEurope compte dâinnovateurs. Plus quâun lieu, davantage quâun Ă©cosystĂšme particulier, elle est, pour beaucoup dâacteurs publics et privĂ©s, un Ă©tat dâesprit quâil conviendrait de rĂ©pliquer. La domination californienne, qui subsiste dans les discours et dans les tĂȘtes, nourrit lâidĂ©e dâune voie unique, dâun dĂ©terminisme technologique. Si le dĂ©veloppement de lâintelligence artificielle est pensĂ© par des acteurs privĂ©s hors de nos frontiĂšres, la France et lâEurope nâauraient dâautre choix que de prendre le train en marche. Les illustrations sont nombreuses : rien quâen France, lâaccord signĂ© entre Microsoft et lâĂ©ducation nationale sous le prĂ©cĂ©dent quinquennat ou lâutilisation par la DGSI de logiciels fournis par Palantir, une startup liĂ©e Ă la CIA, ne disent finalement pas autre chose. On observe la mĂȘme tentation chez les entreprises europĂ©ennes qui, persuadĂ©es dâavoir dĂ©jĂ perdu la course, cĂšdent bien souvent aux sirĂšnes des gĂ©ants de la discipline, parfois au dĂ©triment de nos pĂ©pites numĂ©riques. Contrairement aux derniĂšres grandes pĂ©riodes dâemballement de la recherche en intelligence artificielle, le sujet a trĂšs largement dĂ©passĂ© la seule sphĂšre scientifique et est sur toutes les lĂšvres. Les investissements dans la recherche et dans lâindustrie atteignent des sommes extraordinaires, notamment en Chine. Les responsables politiques du monde entier lâĂ©voquent dans les discours de politique gĂ©nĂ©rale comme un levier de pouvoir majeur : lâemblĂ©- matique interview Ă Wired de Barack Obama en octobre 2016 montrait que ce dernier avait bien compris lâintĂ©rĂȘt de faire de lâavance amĂ©ricaine en intelligence artificielle un outil redoutable de soft power. Le PrĂ©sident russe Vladimir Poutine a quant Ă lui affirmĂ© que « celui qui deviendra le leader dans ce domaine sera le maĂźtre du monde », comparant lâintelligence artificielle aux technologies nuclĂ©aires. Sâil sâagissait vraisemblablement pour lui de compenser le retard de la Russie en matiĂšre dâintelligence artificielle par un discours musclĂ© sur le sujet, cette affirmation est rĂ©vĂ©latrice de lâimportance gĂ©ostratĂ©gique prise par ces technologies. Dans la mesure oĂč les chaĂźnes de valeur, surtout dans le secteur numĂ©rique, sont dĂ©sormais mondiales, les pays qui seront les leaders dans le domaine de lâintelligence artificielle seront amenĂ©s Ă capter une grande partie de la valeur des systĂšmes quâils transforment, mais Ă©galement Ă contrĂŽler ces mĂȘmes systĂšmes, mettant en cause lâindĂ©pendance des autres pays. Câest que lâintelligence artificielle va dĂ©sormais jouer un rĂŽle bien plus important que celui quâelle jouait jusquâalors. Elle nâest plus seulement un programme 1.âLa blockchain correspond Ă un registre distribuĂ© qui permet dâĂ©viter de recourir Ă un tiers de confiance lors de transactions et qui est notamment au fondement du bitcoin.
12.
11 Introduction Donner un sens,
câest-Ă -dire donner un cap, une signification et des explications. VoilĂ lâobjectif de ce rapport de recherche confinĂ© aux laboratoires ou Ă une application prĂ©cise. Elle va devenir une des clĂ©s du monde Ă venir. En effet nous sommes dans un monde numĂ©rique, de plus en plus, de part en part. Un monde de donnĂ©es. Ces donnĂ©es qui sont au cĆur du fonctionnement des intelligences artificielles actuelles. Dans ce monde-lĂ , qui est dĂ©sormais le nĂŽtre, ces technologies reprĂ©sentent beaucoup plus quâun programme de recherche : elles dĂ©ter- minent notre capacitĂ© Ă organiser les connaissances, Ă leur donner un sens, Ă augmenter nos facultĂ©s de prise de dĂ©cision et de contrĂŽle des systĂšmes. Et notamment Ă tirer de la valeur des donnĂ©es. Lâintelligence artificielle est donc une des clĂ©s du pouvoir de demain dans un monde numĂ©rique. VoilĂ pourquoi il est dâintĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral que nous nous saisissions collectivement de cette question. Et que la France et lâEurope puissent faire entendre leur voix. Il est nĂ©cessaire de tout faire pour rester indĂ©pendants. Or la concurrence est rude : les Ătats-Unis et la Chine sont Ă la pointe de ces technologies et leurs investissements dĂ©passent largement ceux consentis en Europe. Le Canada, le Royaume-Uni et, tout particuliĂšrement, IsraĂ«l, tiennent Ă©galement une place essentielle dans cet Ă©cosystĂšme naissant. Parce quâĂ bien des Ă©gards, la France et lâEurope peuvent dĂ©jĂ faire figure de « colonies numĂ©riques »2, il est nĂ©cessaire de ne cĂ©der Ă aucune forme de dĂ©terminisme, en proposant une rĂ©ponse coordonnĂ©e au niveau europĂ©en. Câest pourquoi le rĂŽle de lâĂtat doit ĂȘtre rĂ©affirmĂ©Â : le jeu du marchĂ© seul montre ses limites pour assurer une vĂ©ritable politique dâindĂ©pendance. De plus les rĂšgles qui rĂ©gissent les Ă©changes internationaux et lâouverture des marchĂ©s intĂ©rieurs ne servent pas toujours les intĂ©rĂȘts Ă©conomiques des Ătats europĂ©ens â qui lâappliquent trop souvent Ă sens unique. Plus que jamais, lâĂtat doit donner un sens au dĂ©veloppement de lâintelligence artificielle. Donner un sens, câest-Ă -dire donner un cap, une signification et des explications. VoilĂ lâobjectif de ce rapport. Donner un sens, câest tout dâabord donner un cap. Câest lâobjectif de la structu- ration proposĂ©e pour la politique industrielle : quatre secteurs prioritaires sont dĂ©finis, la santĂ©, lâĂ©cologie, les transports-mobilitĂ©s et la dĂ©fense-sĂ©curitĂ©. Ces secteurs prĂ©sentent plusieurs caractĂ©ristiques : ils sont au service de lâintĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral et des grands dĂ©fis de notre Ă©poque, ils peuvent constituer un avantage comparatif de la France et de lâEurope et ils ont besoin dâune interven- tion de lâĂtat pour se structurer. Le dĂ©veloppement de ces secteurs se fera via des concours dâinnovation spĂ©cifiques et prĂ©cis, qui fixeront les objectifs prioritaires, mais Ă©galement grĂące une politique offensive de la donnĂ©e. Les donnĂ©es, au cĆur du dĂ©veloppement de lâIA, bĂ©nĂ©ficient aujourdâhui souvent Ă une poignĂ©e de trĂšs grands acteurs, qui tendent Ă enfermer les capacitĂ©s dâinnovation dans les limites de leurs entreprises toujours plus puissantes. Ce nâest quâau prix dâune plus grande circulation de ces donnĂ©es, pour en faire bĂ©nĂ©ficier les pouvoirs publics, mais aussi les acteurs Ă©conomiques les plus petits, quâil sera possible de rĂ©Ă©quilibrer les rapports de forces. 2. Cette expression, traduite de lâanglais « cybercolonization », est issue dâun rapport dâinformation de Catherine MORIN- DESAILLY fait au nom de la commission des affaires europĂ©ennes en 2013 (« LâUnion europĂ©enne, colonie du monde numĂ©rique ? »).
13.
12 Introduction La France tient
une place dĂ©cisive dans la recherche en IA : des chercheurs français ont participĂ© Ă fonder lâIA moderne et lâĂ©cole mathĂ©matique et infor- matique française rayonne dans le monde entier. NĂ©anmoins lâhĂ©morragie est toujours plus importante : chaque semaine des chercheurs sont recrutĂ©s par les entreprises privĂ©es et souvent Ă©trangĂšres et quittent les laboratoires publics. Il faut donc redonner Ă la recherche publique les moyens de ses ambitions, au cĆur dâun dispositif allant de la formation au transfert et Ă lâinnovation. Enfin le dĂ©veloppement Ă©conomique du secteur de lâintelligence artificielle doit mettre en son cĆur la prĂ©occupation Ă©cologique. En tant que secteur, comme Ă©voquĂ© plus haut, câest essentiel : les innovations en IA pourront servir Ă optimiser les consommations dâĂ©nergie et le recyclage et Ă mieux comprendre les effets de lâactivitĂ© humaine sur lâenvironnement. Mais il sâagit Ă©galement de veiller Ă ce que lâintelligence artificielle que nous dĂ©veloppons soit la plus Ă©conome en Ă©nergie et en ressources. Donner un sens, câest Ă©galement donner une signification. Lâintelligence artificielle est loin dâĂȘtre une fin en soi et son dĂ©veloppement doit prendre en compte plusieurs aspects. Tout dâabord la nĂ©cessitĂ© de penser les modes de complĂ©mentaritĂ© entre lâhumain et les systĂšmes intelligents. Que ce soit au niveau individuel ou collectif, cette complĂ©mentaritĂ© peut prendre plusieurs formes et peut ĂȘtre aliĂ©nante comme libĂ©ratrice. Au cĆur du dĂ©veloppement de lâIA doit rĂ©sider la nĂ©cessitĂ© de mettre en Ćuvre une complĂ©mentaritĂ© qui soit capacitante, en ce quâelle permet de dĂ©sautomatiser les tĂąches humaines. Pour favoriser la transition des tĂąches et des mĂ©tiers dans ce sens, des expĂ©rimentations devront ĂȘtre mises en place sur lâensemble des territoires, notamment Ă destination des populations les plus touchĂ©es par lâautomatisation. Dans un monde marquĂ© par les inĂ©galitĂ©s, lâintelligence artificielle ne doit pas conduire Ă renforcer les phĂ©nomĂšnes dâexclusion et la concentration de la valeur. En matiĂšre dâIA, la politique dâinclusion doit ainsi revĂȘtir un double objectif : sâassurer que le dĂ©veloppement de ces technologies ne contribue pas Ă accroĂźtre les inĂ©galitĂ©s sociales et Ă©conomiques ; et sâappuyer sur lâIA pour effectivement les rĂ©duire. PlutĂŽt que de fragiliser nos trajectoires indivi- duelles et nos systĂšmes de solidaritĂ©s, lâIA doit prioritairement nous aider Ă activer nos droits fondamentaux, augmenter le lien social et renforcer les solidaritĂ©s. La mixitĂ© doit ĂȘtre Ă©galement au cĆur des prioritĂ©s : la situation est alarmante dans les filiĂšres numĂ©riques, tant les femmes sont peu reprĂ©- sentĂ©es. Les algorithmes peuvent en outre reproduire des biais sexistes. Enfin une sociĂ©tĂ© algorithmique ne doit pas ĂȘtre une sociĂ©tĂ© de boĂźtes noires : lâintelligence artificielle va ĂȘtre amenĂ©e Ă jouer un rĂŽle essentiel dans des domaines aussi variĂ©s que cruciaux (santĂ©, banque, logement,âŠ) et le risque de reproduire des discriminations existantes ou dâen produire de nouvelles est important. Ă ce risque sâen ajoute un autre : la normalisation diffuse des comportements que pourrait introduire le dĂ©veloppement gĂ©nĂ©ralisĂ© dâalgorithmes dâintelligence artificielle. Il doit ĂȘtre possible dâouvrir les boĂźtes noires, mais Ă©galement de rĂ©flĂ©chir en amont aux enjeux Ă©thiques que les algorithmes dâintelligence artificielle peuvent soulever.
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13 Introduction Donner un sens
câest enfin expliquer : expliquer ces technologies Ă lâopinion pour la dĂ©mystifier â le rĂŽle des mĂ©dias est de ce point de vue primordial â, mais aussi expliquer lâintelligence artificielle en elle-mĂȘme en dĂ©veloppant les recherches sur lâexplicabilitĂ©. Les spĂ©cialistes de lâIA eux-mĂȘmes affirment souvent que des progrĂšs importants peuvent ĂȘtre faits sur ce sujet. Câest de maniĂšre plus gĂ©nĂ©rale une rĂ©flexion collective qui doit ĂȘtre menĂ©e sur ces technologies : la constante accĂ©lĂ©ration des rythmes de dĂ©ploiement ne doit pas empĂȘcher une discussion politique sur les objectifs que nous poursuivons et leur bien-fondĂ©. Le cĆur du document aborde successivement diffĂ©rentes facettes de lâIA : politique Ă©conomique, recherche, emploi, Ă©thique, cohĂ©sion sociale. Lâensemble forme un tout et passe en revue des actions qui ne font sens que quand elles sont prises ensemble. On trouvera dâailleurs de nombreuses passerelles entre ces parties. LâIA touche tous les secteurs (y compris ceux oĂč on ne lâattend pas forcĂ©ment, comme le sport ou la culture) mais il ne nous a pas semblĂ© souhaitable, sauf Ă produire un document indigeste, de les passer tous en revue ; cependant nous avons ressenti le besoin de rĂ©diger cinq annexes insistant sur des domaines dâintĂ©rĂȘt particulier : Ă©ducation, santĂ©, agriculture, transport, dĂ©fense et sĂ©curitĂ©.
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14 SynthĂšse Partie 1 â Une politique Ă©conomique articulĂ©e autour
de la donnĂ©e Les mastodontes actuels de lâintel- ligence artificielle (Ătats-Unis et Chine) et les pays Ă©mergents de la discipline (IsraĂ«l, Canada et Royaume- Uni notamment) se dĂ©veloppent ou se sont dĂ©veloppĂ©s sur des modĂšles parfois radicalement diffĂ©rents. Ce nâest pas forcĂ©ment grĂące Ă un « Google europĂ©en » que la France et lâEurope pourront se faire une place sur la scĂšne mondiale de lâIA. Elles doivent pour cela inventer un modĂšle spĂ©cifique. Un Ă©cosystĂšme europĂ©en de la donnĂ©e Les donnĂ©es sont gĂ©nĂ©ralement le point de dĂ©part de toute stratĂ©- gie en IA, car de leur disponibilitĂ© dĂ©pendent de nombreux usages et applications. Or les donnĂ©es bĂ©nĂ©fi- cient aujourdâhui majoritairement Ă une poignĂ©e de trĂšs grands acteurs. Ce nâest quâau prix dâun plus grand accĂšs et dâune meilleure circulation de ces donnĂ©es, pour en faire bĂ©nĂ©- ficier les pouvoirs publics, mais aussi les acteurs Ă©conomiques plus petits et la recherche publique, quâil sera possible de rĂ©Ă©quilibrer les rapports de forces. La puissance publique doit pour cela amorcer de nouveaux modes de production, de collaboration et de gouvernance sur les donnĂ©es, par la constitution de « communs de la donnĂ©e »1. Cela devra passer par une incitation des acteurs Ă©conomiques au partage et Ă la mutualisation de leurs donnĂ©es, lâĂtat pouvant ici jouer un rĂŽle de tiers de confiance. Dans certains cas, la puissance publique pourrait imposer lâouverture sâagis- sant de certaines donnĂ©es dâintĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral. Au niveau europĂ©en, plu- sieurs rĂ©formes en cours doivent permettre un meilleur accĂšs et une plus grande circulation des donnĂ©es. La rĂ©vision prochaine de la directive sur la rĂ©utilisation des informations du secteur public doit ĂȘtre lâoccasion dâaccĂ©lĂ©rer le mouvement dâouver- ture des donnĂ©es publiques et de prĂ©ciser les modalitĂ©s dâun accĂšs Ă des donnĂ©es privĂ©es pour des motifs dâintĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral. La rĂ©forme actuelle du droit dâauteur devrait â enfin ! â permettre dâautoriser les pratiques de fouille de texte et de donnĂ©es (text and data mining) dans un objectif de compĂ©titivitĂ© de notre recherche publique. Cette politique de la donnĂ©e doit sâarticuler avec un objectif de souve- rainetĂ©Â : la France et lâEurope doivent conserver une position ferme sâagis- sant du transfert de donnĂ©es hors de lâUnion europĂ©enne. La stratĂ©gie en IA devra en outre capitaliser sur les hauts standards de protection issus de la nouvelle lĂ©gislation europĂ©enne sur les donnĂ©es. Le nouveau droit Ă la portabilitĂ©2 des individus sur leurs donnĂ©es personnelles pourrait ainsi sâinscrire dans une logique citoyenne, pour permettre Ă lâĂtat et aux collec- tivitĂ©s territoriales de rĂ©cupĂ©rer ces donnĂ©es pour dĂ©velopper des appli- cations en IA Ă des fins de politique publique. Renforcer la visibilitĂ© de ceux qui font lâIA La France dispose de tous les atouts pour exister pleinement sur la scĂšne internationale. NĂ©anmoins nos entre- prises et nos rĂ©seaux acadĂ©miques souffrent dâun vĂ©ritable manque de visibilitĂ©. Câest Ă la fois vrai Ă lâĂ©tran- ger et sur le marchĂ© domestique : les grandes entreprises prĂ©fĂšrent parfois cĂ©der aux sirĂšnes des gĂ©ants mondiaux de la discipline plutĂŽt que 1.â Les communs, ou biens communs, dĂ©signent une ressource dont lâusage et la gouvernance sont dĂ©finis par une communautĂ©. 2.â La capacitĂ© pour les utilisateurs de rĂ©cupĂ©rer leurs donnĂ©es, pour leurs propres usages ou pour les transfĂ©rer vers un autre service.
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15 Le rapport
en 10 pages de faire confiance Ă nos pĂ©pites nationales, soit parce quâelles en ignorent lâexistence, soit par excĂšs de prudence. Notre mission propose ainsi de fĂ©dĂ©rer les acteurs français de lâintelligence artificielle autour dâune marque forte, qui pourrait prendre la forme de labels et de prix « dâinnovation de terrain » visant Ă rĂ©compenser les solutions dâIA les plus innovantes et Ă sĂ©curiser de potentiels acheteurs. Cet effort doit sâaccompagner dâune structuration de la demande en IA. Cela pourrait passer par la crĂ©ation dâun guichet unique dâinformation visant Ă aider les potentiels acheteurs dâIA Ă mieux formaliser leurs besoins et Ă identifier les acteurs permettant dây rĂ©pondre. Un choix clair : mettre lâaccent sur quatre secteurs stratĂ©giques Pour renforcer lâĂ©cosystĂšme fran- çais et europĂ©en de lâintelligence artificielle, il nous faut tirer parti des avantages comparatifs et des niches dâexcellence de notre Ă©conomie. De ce point de vue, notre mission recommande dâĂ©viter les logiques de saupoudrage et de concentrer lâeffort sur quatre secteurs priori- taires : santĂ©, environnement, trans- ports-mobilitĂ©s et dĂ©fense-sĂ©curitĂ©. Tous reprĂ©sentent un dĂ©fi majeur du point de vue de lâintĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral, tous requiĂšrent une impulsion importante de lâĂtat et tous sont susceptibles de cristalliser lâintĂ©rĂȘt et lâimplication continue des acteurs publics et privĂ©s. Pour chacun de ces secteurs, la stra- tĂ©gie industrielle doit permettre de mobiliser et de structurer les Ă©cosys- tĂšmes autour de grands enjeux et dĂ©fis sectoriels. Il nâest pas question ici de dĂ©velopper de lâIA pour elle- mĂȘme, comme une fin en soi, mais justement de canaliser cette Ă©nergie pour le dĂ©veloppement dâapplica- tions, dâusages qui contribuent Ă amĂ©- liorer notre performance Ă©conomique ainsi que le bien commun : dĂ©tection prĂ©coce des pathologies, mĂ©decine des 4P3, disparition des dĂ©serts mĂ©di- caux, mobilitĂ© urbaine Ă zĂ©ro Ă©mis- sion... Ces enjeux et dĂ©fis affichĂ©s de politique industrielle, propres Ă chaque secteur, dĂ©passent le sujet de lâIA, mais pourraient contribuer Ă donner un terrain favorable Ă son dĂ©veloppement. Le deuxiĂšme pilier de cette stratĂ©gie consiste Ă mettre en place des pla- teformes sectorielles de mutualisa- tion. Celles-ci devront offrir un accĂšs diffĂ©renciĂ© et sĂ©curisĂ© aux acteurs de ces diffĂ©rents Ă©cosystĂšmes (chercheurs, entreprises, puissance publique) Ă des donnĂ©es pertinentes pour le dĂ©veloppement dâIA, Ă des ressources logicielles ainsi quâĂ des infrastructures de calcul dâampleur significative. Dans un continuum public-privĂ©, ces plateformes devront permettre Ă ces diffĂ©rents acteurs de dĂ©velopper de nouvelles fonction- nalitĂ©s adaptĂ©es aux spĂ©cificitĂ©s de chaque secteur. Enfin, il est essentiel de fluidifier les parcours dâinnovation en IA avec la mise en place de « bacs Ă sable dâin- novation », qui se dĂ©clinent sur trois aspects : un allĂšgement, temporaire, de certaines contraintes rĂ©glemen- taires pour laisser le champ libre Ă lâinnovation ; un accompagnement des acteurs dans la prise en compte de leurs obligations ; des moyens dâexpĂ©rimentation en situation rĂ©elle. Transformation de lâĂtat, Ătat exemplaire LâĂtat doit ĂȘtre un puissant moteur de ces transformations. La puissance publique doit se donner les moyens 3.âMĂ©decine personnalisĂ©e, prĂ©ventive, prĂ©dictive, participative.
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16 SynthÚse matériels et humains
dâintĂ©grer lâIA Ă la conduite de ses politiques publiques, Ă la fois dans une pers- pective de modernisation et par souci dâexemplaritĂ©. Cette transformation va inĂ©vitable- ment prendre du temps et la maturitĂ© des diffĂ©rents ministĂšres et adminis- trations sur lâIA est trĂšs inĂ©gale. Câest pourquoi il est nĂ©cessaire dâinstaller un coordinateur interministĂ©riel dĂ©diĂ© Ă la mise en Ćuvre de cette stratĂ©gie. Celui-ci pourra sâappuyer sur un pĂŽle mutualisĂ© de compĂ©tences, constituĂ© dâune trentaine dâagents et chargĂ© de conduire des missions de conseil auprĂšs des administrations. La commande publique doit ĂȘtre repensĂ©e. ĂvaluĂ©e Ă prĂšs de 70 mil- liards dâeuros annuels pour lâĂtat, les Ă©tablissements publics et les col- lectivitĂ©s, elle reste insuffisamment orientĂ©e vers lâinnovation, pour des raisons Ă la fois opĂ©rationnelles, juri- diques et culturelles. Notre mission recommande plusieurs mesures qui visent Ă mettre lâachat public au service du soutien aux industries europĂ©ennes et Ă dynamiser lâachat public innovant. Partie 2 â Pour une recherche agile et diffusante La recherche française est au premier plan mondial pour ce qui concerne ses chercheurs en mathĂ©matiques et en intelligence artificielle, mais elle a du mal Ă transformer ses avan- cĂ©es scientifiques en applications industrielles et Ă©conomiques. Elle pĂątit dâune « fuite des cerveaux » vers les gĂ©ants amĂ©ricains. Lâoffre de formation se situe par ailleurs bien en deçà des besoins en matiĂšre dâIA et science des donnĂ©es. FĂ©dĂ©rer les acteurs de la recherche autour dâInstituts Interdisciplinaires dâIntelligence Artificielle Il faut renforcer la place mondiale de notre recherche en IA en crĂ©ant, Ă lâintĂ©rieur dâune sĂ©lection dâĂ©ta- blissements publics dâenseigne- ment et recherche, des Instituts Interdisciplinaires dâIntelligence Artificielle (3IA) autonomes et coor- donnĂ©s, rĂ©unissant chercheurs, ingĂ©- nieurs et Ă©tudiants. Ils ont vocation Ă ĂȘtre rĂ©partis gĂ©ographiquement sur lâensemble du territoire national, diversifiĂ©s thĂ©matiquement sur les domaines de lâIA et mettant un accent fort sur lâinterdisciplinaritĂ©, notam- ment, mais pas uniquement, vis-Ă -vis des sciences humaines et sociales. Il faudra tout dâabord rĂ©ussir Ă attirer des scientifiques français et Ă©trangers. Ces instituts devront procurer un envi- ronnement de travail suffisamment attractif pour rĂ©sister Ă la pression compĂ©titive des gĂ©ants du numĂ©- rique, câest pourquoi ils devront ĂȘtre conçus comme des « zones franches de lâIA » : allĂšgement drastique des formalitĂ©s administratives du quoti- dien, complĂ©ments de salaire consĂ©- quents, aides pour lâamĂ©lioration de la qualitĂ© de vie. Ces instituts pourront offrir des postes Ă temps plein et des statuts intermĂ©diaires dâaffiliĂ©s, pour les chercheurs qui restent dans les Ă©tablissements fondateurs. Il faudra Ă©galement attirer des parte- naires privĂ©s (grands groupes, PME, startups) porteurs de solutions en IA fondamentalement nouvelles, en leur permettant de former leurs ingĂ©nieurs, de recruter des ingĂ©nieurs de haut niveau, de rĂ©aliser ou consolider des avancĂ©es technologiques. Plusieurs modes de participation pourront ĂȘtre dĂ©finis, selon des contrats-cadres adaptĂ©s permettant de dĂ©marrer
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17 Le rapport
en 10 pages dâĂ©ventuelles collaborations spĂ©ci- fiques de maniĂšre simple et rapide. Ces instituts devront effectivement contribuer Ă lâaugmentation subs- tantielle dâoffres de formations en IA attractives et diversifiĂ©es. La prĂ©sence dâenseignants de rĂ©puta- tion internationale, entourĂ©s dâune Ă©quipe du mĂȘme niveau ; la possibi- litĂ© de cĂŽtoyer, via des stages ou des concours dâinnovation, des industriels et des acteurs Ă©conomiques de tout premier plan ; des offres de forma- tions pluridisciplinaires avec doubles diplĂŽmes, et des facilitĂ©s financiĂšres comme des bourses de master et de doctorat devraient permettre dâaug- menter significativement le nombre dâĂ©tudiants venant se former Ă lâIA autour de ces instituts. Il est enfin nĂ©cessaire de penser une coordination nationale du rĂ©seau des 3IA, sur les plans scientifique et administratif, qui soit efficace et trans- parente. Au niveau scientifique, cela passe notamment par la coordination des sĂ©minaires, le partage des res- sources de formation, la coordination des stages et la consolidation de leurs rĂ©sultats. Au niveau administratif, il sâagira de dĂ©terminer les allĂšgements consentis Ă tous les 3IA, garantissant que chacun dâentre eux puisse en bĂ©nĂ©ficier, sans pour autant alourdir les procĂ©dures et sans empiĂ©ter sur lâautonomie de chacun. Des moyens de calcul pour la recherche Les instituts de recherche en IA doivent pouvoir disposer dâoutils de calcul qui leur permettent de rivaliser avec les moyens quasi-illimitĂ©s des grands acteurs privĂ©s. Câest pour- quoi notre mission propose la mise en place dâun supercalculateur conçu spĂ©cifiquement pour les applications dâIA, dĂ©diĂ© aux chercheurs et Ă leurs partenaires Ă©conomiques dans le cadre de projets communs. Ce supercalculateur, sâil est essentiel, devrait ĂȘtre complĂ©tĂ© par un forfait dâaccĂšs Ă un cloud privĂ©, dĂ©veloppĂ© Ă un niveau europĂ©en et adaptĂ© aux spĂ©cificitĂ©s de lâIA (en temps de calcul et en espace de stockage). Rendre plus attractives les carriĂšres dans la recherche publique MĂȘme sâil est illusoire de penser rivali- ser financiĂšrement avec les offres des GAFAM, lâĂ©cart est actuellement si important quâil tend Ă dĂ©courager les jeunes diplĂŽmĂ©s, y compris ceux qui sont le plus attachĂ©s Ă la recherche publique et au bien commun. Un doublement des salaires en dĂ©but de carriĂšre est un point de dĂ©part minimal indispensable, sous peine de voir se tarir dĂ©finitivement le flux de jeunes prĂȘts Ă sâinvestir dans lâensei- gnement supĂ©rieur et la recherche acadĂ©mique. Il est par ailleurs nĂ©ces- saire de renforcer lâattractivitĂ© de la France pour les talents expatriĂ©s ou Ă©trangers, notamment avec des inci- tations financiĂšres. Partie 3 â Anticiper les impacts sur le travail, lâemploi et expĂ©rimenter Le monde du travail est Ă lâaube de grandes transformations et nây est encore que peu prĂ©parĂ©. Les incerti- tudes sur les consĂ©quences du dĂ©ve- loppement combinĂ© de lâintelligence artificielle, de lâautomatisation et de la robotique sont trĂšs importantes, notamment concernant les emplois dĂ©truits et crĂ©Ă©s. NĂ©anmoins, il
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18 SynthĂšse apparaĂźt de plus
en plus certaine- ment que la majoritĂ© des mĂ©tiers et des organisations vont ĂȘtre trĂšs lar- gement transformĂ©s. Nous entrons donc dans une pĂ©riode de transition technologique importante : lâhistoire nous enseigne que les prĂ©cĂ©dentes transitions ne se sont pas faites sans encombre et que les processus de rĂ©ajustement politiques ont parfois Ă©tĂ© violents, souvent au dĂ©triment des populations dĂ©jĂ les plus fragiles. Il est donc nĂ©cessaire de prendre le problĂšme Ă bras le corps et dâagir rĂ©solument, sans cĂ©der Ă la panique ni au fatalisme. Cela passe dâabord par une rĂ©flexion sur les modes de complĂ©mentaritĂ© entre lâhumain et lâintelligence arti- ficielle : si lâon part du principe que, pour la plupart des mĂ©tiers, les indi- vidus seront amenĂ©s Ă travailler en collaboration avec une machine, il est nĂ©cessaire de dĂ©finir une complĂ©men- taritĂ© qui ne soit pas aliĂ©nante, mais au contraire permette de dĂ©velopper les capacitĂ©s proprement humaines (crĂ©ativitĂ©, dextĂ©ritĂ© manuelle, capa- citĂ© de rĂ©solution de problĂšmesâŠ). Cela pourra sâarticuler de plusieurs maniĂšres. Tout dâabord au travers dâune transformation du dialogue social afin dâintĂ©grer pleinement les enjeux numĂ©riques et dĂ©velopper un indice de bonne complĂ©mentaritĂ©. De maniĂšre plus globale, un chan- tier lĂ©gislatif relatif aux conditions de travail Ă lâheure de lâautomatisation pourrait ĂȘtre lancĂ© afin de prendre en compte les nouveaux risques. Enfin, une transformation de la formation ini- tiale et continue devra ĂȘtre amorcĂ©e afin de favoriser les pĂ©dagogies expĂ©rimentales, Ă mĂȘme de dĂ©ve- lopper les compĂ©tences crĂ©atives qui deviennent de plus en plus cruciales. CrĂ©er un lab public de la transformation du travail Câest la premiĂšre nĂ©cessitĂ©Â : sâassurer que la capacitĂ© dâanticipation soit pĂ©renne, continue et surtout articu- lĂ©e avec des politiques publiques. La parution des Ă©tudes sur lâavenir du travail occasionne des dĂ©bats col- lectifs passionnants, mais souvent sans vĂ©ritable incidence, tandis que les politiques publiques ne sont modifiĂ©es quâĂ la marge et peinent Ă prendre vĂ©ritablement en compte les rĂ©sultats de ces exercices pros- pectifs. Les transformations peuvent ĂȘtre extrĂȘmement rapides et les cir- cuits des politiques publiques sont tout aussi complexes et difficiles Ă manĆuvrer. La formation profession- nelle, Ă elle toute seule par exemple, reprĂ©sente 32 milliards dâeuros par an, avec une multitude de canaux de financement et une myriade dâacteurs diffĂ©rents. Il est donc nĂ©cessaire de constituer un espace ou les capacitĂ©s prospec- tives, de prĂ©visions macro-Ă©cono- miques et dâanalyse des mutations des usages puissent ĂȘtre mises en lien avec des capacitĂ©s dâexpĂ©ri- mentation concrĂštes et articulĂ©es avec des actions Ă destination de certaines catĂ©gories de travailleurs. Une structure pĂ©renne pourrait donc ĂȘtre installĂ©e, qui aurait un rĂŽle de « tĂȘte chercheuse » Ă lâintĂ©rieur des politiques publiques de lâemploi et de la formation professionnelle. Elle aura un double rĂŽle : anticiper et expĂ©rimenter. La dĂ©marche expĂ©rimentale pourra servir Ă amorcer des logiques diffĂ©- rentes de celles qui sont actuellement en vigueur dans la formation profes- sionnelle. Les dispositifs actuels sont largement « à la main » des salariĂ©s, dans une logique de responsabilisa- tion individuelle. Au vu du caractĂšre potentiellement trĂšs rapide, voire exponentiel de ces transformations, il semble difficile, pour les dispositifs gĂ©nĂ©raux existants, de rĂ©pondre Ă lâensemble des situations et de per- mettre Ă la fois la prise en compte des besoins de lâensemble de la
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19 Le rapport
en 10 pages population et la nĂ©cessitĂ© dâagir de maniĂšre ciblĂ©e et urgente. De plus, face Ă la transformation de leur emploi, les individus ne sont pas Ă©gaux dans la capacitĂ© de sâadap- ter et de construire des parcours professionnels. Ă cet Ă©gard, des expĂ©rimentations pourraient ĂȘtre menĂ©es afin de construire des dispositifs qui ciblent certaines populations dâindividus, dont les emplois sont considĂ©rĂ©s comme Ă©tant le plus Ă risque dâauto- matisation et pour lesquelles il sera complexe dâamorcer seules leur transition professionnelle. Il sâagit donc de rompre, en partie, avec la seule logique de responsabilisation de lâindividu concernant sa propre transition professionnelle. ExpĂ©rimenter de nouveaux modes de financement de la formation professionnelle pour tenir compte des transferts de valeur Le financement de la formation pro- fessionnelle est fondĂ© sur la masse salariale. Or, le dĂ©veloppement de lâIA renforce la mutation des chaĂźnes de valeur et entraĂźne une dĂ©corrĂ©la- tion entre les acteurs qui financent la formation professionnelle et ceux qui captent la valeur ajoutĂ©e. Ainsi des acteurs ayant une trĂšs faible masse salariale peuvent ĂȘtre Ă lâorigine dâune grande partie de la valeur ajoutĂ©e dâune chaĂźne de valeur globale quâils contribuent Ă trĂšs largement modi- fier par exemple en dĂ©veloppant un logiciel pour les voitures autonomes. Pour autant, Ă lâheure actuelle, ils ne participent pas au financement de la transition professionnelle des indivi- dus employĂ©s par dâautres acteurs de la chaĂźne de valeur. Il est donc proposĂ© dâinstaurer un dialogue social autour du partage de la valeur ajoutĂ©e au niveau de la chaĂźne de valeur entiĂšre. Ce type de nĂ©gociation ne correspond pas aux structurations habituelles du dialogue social qui fonctionne trĂšs largement Ă un niveau national et surtout suivant une structuration verticale, par branche. Des expĂ©rimentations pourraient ĂȘtre organisĂ©es par lâOrga- nisation internationale du travail, ou encore les comitĂ©s de dialogue social sectoriel, autour de produits et de chaĂźnes de valeur particuliĂšrement symptomatiques des phĂ©nomĂšnes de captation de valeur. Former des talents en IA, aÌ tous niveaux Un objectif clair doit ĂȘtre fixĂ©Â : Ă horizon trois ans, multiplier par trois le nombre de personnes formĂ©es en intelligence artificielle en France, Ă la fois en faisant en sorte que lâoffre de formation existante sâoriente vers lâIA, mais Ă©galement en crĂ©ant de nouveaux cursus et de nouvelles for- mations Ă lâIA (doubles cursus droit-IA par exemple, modules gĂ©nĂ©rauxâŠ). Lâensemble des niveaux (bac +2, bac +3, master, doctorat) doit faire lâobjet dâattention. Partie 4 â Lâintelligence artificielle au service dâune Ă©conomie plus Ă©cologique Donner un sens Ă lâintelligence arti- ficielle, câest Ă©galement penser sa soutenabilitĂ©, notamment Ă©cologique. Cela ne se rĂ©sume pas Ă lister les usages de lâIA qui pourront aider Ă la transition Ă©cologique. Il sâagit de penser une IA nativement Ă©cologique et de lâutiliser pour mieux penser lâimpact de lâhumain sur son envi- ronnement. Il y a urgence : dâici 2040, les besoins en espace de stockage au niveau mondial, fondamentalement corrĂ©lĂ©s au dĂ©veloppement du numĂ©- rique et de lâIA, risquent dâexcĂ©der la production disponible globale de silicium.
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20 SynthĂšse La France et
lâEurope peuvent devenir le fer-de-lance de cette transition Ă©cologique intelligente, dâabord en inscrivant le sujet Ă lâagenda inter- national. Premier chantier : penser les impacts de lâIA sur la rĂ©alisa- tion des objectifs de lâONU sur le dĂ©veloppement durable (ODD) â en quoi celle-ci en met certains sous contrainte, comment elle peut Ă lâinverse permettre dâen accĂ©lĂ©rer dâautres. LâIA doit sâintĂ©grer aux ini- tiatives Ă©mergentes dans le cadre de lâAccord climat et du Pacte mondial pour lâenvironnement. Les acteurs des transitions numĂ©- rique et Ă©cologique doivent se fĂ©dĂ©rer. Pour cela, il est nĂ©cessaire de crĂ©er un lieu dĂ©diĂ© Ă cette ren- contre entre la recherche en IA et la recherche portant sur lâoptimisa- tion des ressources Ă©nergĂ©tiques. Il sâagira de porter des projets Ă la croisĂ©e des sciences du vivant et de lâĂ©cologie, la recherche sur le climat et la mĂ©tĂ©o. Le consommateur doit ĂȘtre acteur dans le verdissement de ces tech- nologies. Notre mission propose ainsi la mise en place dâune plate- forme dĂ©diĂ©e Ă la mesure de lâim- pact environnemental des solutions numĂ©riques intelligentes. Cette pla- teforme devra sâaccompagner dâun outil simple permettant Ă tout citoyen de prendre conscience de ces enjeux et de comparer lâimpact environne- mental de ces diffĂ©rents produits et services, logiciels et matĂ©riels. Penser une IA plus verte Nous devons penser lâinnovation de rupture dans le domaine du semi-conducteur, lâune des briques matĂ©rielles de lâIA. Ă ce titre les tech- nologies neuromorphiques4 peuvent permettre des Ă©conomies dâĂ©nergie considĂ©rables â et la France est dĂ©jĂ trĂšs avancĂ©e dans le domaine. Par ailleurs, les pouvoirs publics doivent agir pour le verdissement de la chaĂźne de valeur et accompa- gner lâindustrie du cloud europĂ©en dans le sens de sa transition Ă©co- logique. Certains acteurs sont dĂ©jĂ exemplaires en matiĂšre dâoptimisa- tion de lâutilisation de lâĂ©nergie. Il est important de diffuser ces bonnes pratiques Ă lâensemble du secteur. Un label pourrait ĂȘtre mis en place afin de valoriser les solutions les plus exemplaires. Enfin, le verdissement de la chaĂźne de valeur de lâIA passera nĂ©cessairement par des architectures matĂ©rielles et logicielles ouvertes (open hardware et open software) qui, en plus dâĂȘtre un facteur de confiance, peuvent permettre des Ă©conomies dâĂ©nergie significatives et qui peuvent inspi- rer les initiatives en cours au niveau europĂ©en. LibĂ©rer la donnĂ©e Ă©cologique Le dĂ©veloppement dâune IA verte nâest possible quâĂ condition de libĂ©rer la donnĂ©e Ă©cologique. Pour dĂ©velopper des solutions dâIA au service de la transition Ă©cologique, il est ainsi primordial de mettre Ă la disposition de tous, chercheurs et entreprises europĂ©ennes, et rapide- ment, Ă horizon 2019, les donnĂ©es publiques disponibles : mĂ©tĂ©oro- logiques, agricoles, de transports, dâĂ©nergie, de biodiversitĂ©, de climat, de dĂ©chets, cadastrales, de diagnostic de performance Ă©nergĂ©tique⊠Pour les jeux de donnĂ©es les plus sensibles, lâouverture pourrait se faire dans un pĂ©rimĂštre prĂ©cis, par exemple dans le cadre de dĂ©fis sectoriels. Il est Ă©ga- lement essentiel de libĂ©rer la donnĂ©e privĂ©e, lorsque cela est nĂ©cessaire. 4.â On appelle puces neuromorphiques les puces dont le fonctionnement sâinspire du cerveau humain.
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en 10 pages Partie 5 â Quelle Ă©thique de lâIA ? Les progrĂšs rĂ©cents de lâIA dans de nombreux domaines (voitures auto- nomes, reconnaissance dâimages, assistants virtuels) et son influence croissante sur nos vies renforcent sa place dans le dĂ©bat public. Ce dĂ©bat a notamment pris la forme dâune large rĂ©flexion sur les enjeux Ă©thiques liĂ©s au dĂ©veloppement des technologies dâintelligence artificielle et plus lar- gement des algorithmes. Loin des considĂ©rations spĂ©culatives sur les menaces existentielles de lâIA pour lâhumanitĂ©, les rĂ©flexions tendent Ă se cristalliser autour des algorithmes du « quotidien », qui peuvent dâores et dĂ©jĂ avoir des consĂ©quences impor- tantes sur nos vies. Si nous souhaitons faire Ă©merger des technologies dâIA conformes Ă nos valeurs et normes sociales, il faut agir dĂšs Ă prĂ©sent en mobili- sant la communautĂ© scientifique, les pouvoirs publics, les industriels, les entrepreneurs et les organisations de la sociĂ©tĂ© civile. Notre mission a cherchĂ©, humblement, Ă proposer quelques pistes permettant de poser les bases dâun cadre Ă©thique pour le dĂ©veloppement de lâIA et Ă faire vivre ce dĂ©bat dans la sociĂ©tĂ©. Ouvrir les boĂźtes noires Une grande partie des considĂ©ra- tions Ă©thiques soulevĂ©es tiennent Ă lâopacitĂ© de ces technologies : lâIA donne aujourdâhui des rĂ©sultats spectaculaires, pour des raisons que les chercheurs ont parfois du mal Ă expliquer. Câest le fameux problĂšme de la boĂźte noire : des systĂšmes algo- rithmiques dont il est possible dâob- server les donnĂ©es dâentrĂ©e (input), les donnĂ©es de sortie (output), mais dont on comprend mal le fonction- nement interne. Dans un contexte oĂč lâIA est susceptible de reproduire des biais et des discriminations, et Ă mesure de son irruption dans nos vies sociales et Ă©conomiques, ĂȘtre en mesure « dâouvrir les boĂźtes noires » tient de lâenjeu dĂ©mocratique. LâexplicabilitĂ© des algorithmes dâap- prentissage automatique est un sujet si pressant quâil constitue aujourdâhui un champ de recherche spĂ©cifique, qui doit ĂȘtre soutenu par la puissance publique. Trois axes en particulier semblent mĂ©riter une attention par- ticuliĂšre : la production de modĂšles plus explicables bien sĂ»r, mais aussi la production dâinterfaces utilisateurs plus intelligibles et la comprĂ©hen- sion des mĂ©canismes cognitifs Ă lâĆuvre pour produire une explication satisfaisante. Au-delĂ de la transparence, il est nĂ©cessaire dâaccroĂźtre lâauditabilitĂ© des systĂšmes dâIA. Cela pourrait passer par la constitution dâun corps dâexperts publics assermentĂ©s, en mesure de procĂ©der Ă des audits dâalgorithmes, des bases de donnĂ©es et de procĂ©der Ă des tests par tout moyen requis. Ces experts pourraient ĂȘtre saisis Ă lâoccasion dâun conten- tieux judiciaire, dans le cadre dâune enquĂȘte diligentĂ©e par une autoritĂ© administrative indĂ©pendante ou suite Ă une demande du DĂ©fenseur des droits. Penser lâĂ©thique dĂšs la conception Les chercheurs, ingĂ©nieurs et entrepre- neurs qui contribuent Ă la conception, au dĂ©veloppement et Ă la commer- cialisation de systĂšmes dâIA sont amenĂ©s Ă jouer un rĂŽle dĂ©cisif dans la sociĂ©tĂ© numĂ©rique de demain. Il est essentiel quâils agissent de maniĂšre responsable, en prenant en considĂ©- ration les impacts socio-Ă©conomiques de leurs activitĂ©s. Pour sâen assurer,
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de les sensibiliser, dĂšs le dĂ©but de leur formation, aux enjeux Ă©thiques liĂ©s au dĂ©veloppe- ment des technologies numĂ©riques. Aujourdâhui cet enseignement est quasiment absent des cursus des Ă©coles dâingĂ©nieurs ou des parcours informatiques des universitĂ©s, alors mĂȘme que le volume et la complexitĂ© des problĂ©matiques Ă©thiques auxquels ces futurs diplĂŽmĂ©s seront confrontĂ©s ne cessent de croĂźtre. Au-delĂ de la formation des ingĂ©- nieurs, les considĂ©rations Ă©thiques doivent irriguer le dĂ©veloppement mĂȘme des algorithmes dâintelligence artificielle. Sur le modĂšle de lâĂ©tude dâimpact sur les risques en matiĂšre de vie privĂ©e (privacy impact assess- ment), rendu obligatoire pour cer- tains traitements de donnĂ©es par le rĂšglement gĂ©nĂ©ral sur la protection des donnĂ©es (RGPD), il pourrait ĂȘtre instituĂ© une Ă©tude dâimpact sur les risques de discrimination (discrimi- nation impact assessment). Lâobjectif est simple : obliger les dĂ©veloppeurs dâIA Ă se poser les bonnes questions, au bon moment. Plus gĂ©nĂ©ralement, lâutilisation crois- sante de lâIA dans certains domaines sensibles comme la police, la banque, lâassurance, la justice ou lâarmĂ©e (avec la question des armes autonomes) appelle un vĂ©ritable dĂ©bat de sociĂ©tĂ© et une rĂ©flexion sur la question de la responsabilitĂ© humaine. Nous devons Ă©galement nous interroger sur la place de lâautomatisation dans les dĂ©cisions humaines : existent-ils des domaines oĂč le jugement humain, aussi faillible soit-il, ne devrait pas Ă ĂȘtre remplacĂ© par une machine ? CrĂ©er un comitĂ© dâĂ©thique de lâIA Notre mission recommande la crĂ©a- tion dâun comitĂ© dâĂ©thique des technologies numĂ©riques et de lâIA ouvert sur la sociĂ©tĂ©. Cet organe serait chargĂ© dâorganiser le dĂ©bat public, de façon lisible, construite et encadrĂ©e par la loi. Il devra parvenir Ă articuler des logiques de temps court, celui des enjeux Ă©conomiques et industriels, en bonne interaction avec les comitĂ©s sectoriels, tout en parvenant Ă sâen extraire pour penser le temps long. Les avis de ce comitĂ©, Ă©laborĂ©s en toute indĂ©pendance, pourraient Ă©clairer les choix technologiques des chercheurs, des acteurs Ă©conomiques, industriels et de lâĂtat. Ses recom- mandations pourront servir de rĂ©fĂ©- rence pour la rĂ©solution de dilemmes Ă©thiques (par exemple sur le vĂ©hicule autonome) et donc servir de standard pour les dĂ©veloppements en IA. Partie 6 â Pour une IA inclusive et diverse Lâintelligence artificielle ne peut pas ĂȘtre une nouvelle machine Ă exclure. Câest une exigence dĂ©mocratique dans un contexte oĂč ces technologies sont en passe de devenir une des clĂ©s du monde Ă venir. Elle ouvre de for- midables opportunitĂ©s de crĂ©ation de valeur et de dĂ©veloppement de nos sociĂ©tĂ©s et des individus. Ces oppor- tunitĂ©s doivent bĂ©nĂ©ficier Ă tous. MixitĂ© et diversitĂ©Â : agir pour lâĂ©galitĂ© En dĂ©pit dâune fĂ©minisation lente, mais progressive des filiĂšres scien- tifiques et techniques, le numĂ©rique fait figure dâexception : la paritĂ© entre les hommes et les femmes est loin dây ĂȘtre acquise. Ă mesure que le numĂ©- rique et, demain, lâintelligence artifi- cielle deviennent omniprĂ©sents dans nos vies, ce manque de diversitĂ© peut conduire les algorithmes Ă reproduire
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en 10 pages des biais cognitifs â souvent incons- cients â dans la conception des pro- grammes, lâanalyse des donnĂ©es et lâinterprĂ©tation des rĂ©sultats. Lâun des grands dĂ©fis de lâIA consiste donc Ă parvenir Ă une meilleure reprĂ©senta- tivitĂ© de nos sociĂ©tĂ©s. Si lâĂ©ducation Ă lâĂ©galitĂ© et au numĂ©- rique est une condition prĂ©alable et essentielle, la mixitĂ© pourrait ĂȘtre atteinte avec une politique incita- tive visant Ă atteindre un seuil de 40 % dâĂ©tudiantes dans les filiĂšres du numĂ©rique (classes prĂ©paratoires et filiĂšres des grandes Ă©coles et des universitĂ©s) dâici 2020. Lâensemble des actions en faveur de la diversitĂ© dans les entreprises du numĂ©rique pourraient par ailleurs ĂȘtre portĂ©es par une action natio- nale en faveur de la mixitĂ© et de la diversitĂ© dans la technologie avec lâalimentation, notamment, dâune base de donnĂ©es nationale permet- tant dâobjectiver les inĂ©galitĂ©s entre les femmes et les hommes au travail et de fonds dĂ©diĂ©s Ă soutenir la diver- sitĂ© dans lâIA. DĂ©velopper la mĂ©diation numĂ©rique et lâinnovation sociale pour que lâIA bĂ©nĂ©ficie Ă tous Face Ă lâampleur des transformations Ă venir par lâIA, il est de notre res- ponsabilitĂ© collective de sâassurer que personne ne soit mis de cĂŽtĂ©. Pour que chacun puisse vĂ©ritablement bĂ©nĂ©ficier des avancĂ©es de lâIA, nos procĂ©dures dâaccĂšs aux droits doivent Ă©voluer, et nos capacitĂ©s de mĂ©diation considĂ©rablement se renforcer. Notre mission propose donc de mettre en place un systĂšme automatisĂ© dâaide Ă la gestion des dĂ©marches administra- tives qui vise Ă amĂ©liorer la connais- sance pour le grand public des rĂšgles administratives et de leur application Ă une situation personnelle. En com- plĂ©ment, de nouvelles capacitĂ©s de mĂ©diation doivent ĂȘtre dĂ©ployĂ©es pour accompagner les des personnes qui en ont besoin, en lien avec les rĂ©seaux du prendre soin prĂ©sents sur le territoire. Enfin, il est important que la puissance publique soutienne le dĂ©veloppement dâinitiatives basĂ©es sur lâIA dans les champs sociaux. Ă lâheure actuelle, les capacitĂ©s dâinnovation par lâIA restent trĂšs concentrĂ©es au sein dâun petit nombre dâentreprises. Ă lâexcep- tion de la santĂ©, les champs sociaux reçoivent une part minoritaire des investissements privĂ©s. Cette struc- turation de lâĂ©cosystĂšme dâinnova- tion en IA a des consĂ©quences sur la vitesse des progrĂšs rĂ©alisĂ©s dans les champs sociaux. Afin de redistri- buer ces capacitĂ©s dâinnovation, la puissance publique pourrait lancer des programmes spĂ©cifiques pour accompagner lâinnovation dâIA en matiĂšre sociale, et outiller les acteurs sociaux afin quâils puissent bĂ©nĂ©ficier des avancĂ©es liĂ©es Ă lâIA.
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Partie 1Â â Une
politique économique articulée autour de la donnée
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25 Partie 1 â Une
politique Ă©conomique articulĂ©e autour de la donnĂ©e La course Ă lâintelligence artificielle sâest intensifiĂ©e sur la scĂšne mondiale au cours des derniĂšres annĂ©es. En juillet 2017, la Chine a dĂ©voilĂ© sa feuille de route1 pour crĂ©er une industrie dâune valeur de 150 milliards de dollars pour son Ă©conomie dâici 2030. Une façon de rĂ©pondre Ă son principal rival, les Ătats-Unis, qui investissent massivement dans lâIA depuis plusieurs annĂ©es2. Face Ă ce duopole, quel espace pour la France et lâEurope ? Celles-ci disposent dâatouts considĂ©rables pour peser sur la scĂšne mondiale. Sâagissant de la France, elle peut notamment sâappuyer sur lâexcellence de sa recherche et de sa formation, un vivier de startups spĂ©cialisĂ©es, des bases de donnĂ©es trĂšs importantes et un tissu industriel dâenvergure mondiale. LâEurope peut quant Ă elle mettre en avant un marchĂ© de prĂšs de 500 millions de consommateurs, une recherche de pointe, des leaders Ă©conomiques mondiaux et une puissance financiĂšre, qui mĂȘme si elle est naturellement fragmentĂ©e, nâa rien Ă envier aux gĂ©ants de la discipline. Elle est Ă©galement organisĂ©e autour dâun systĂšme de valeurs communes et dâun cadre juridique en voie dâharmonisation. De ce point de vue, câest lâĂ©chelle pertinente pour espĂ©rer rivaliser avec les champions actuels. Il est important de rappeler que les mastodontes actuels de lâintel- ligence artificielle â Ătats-Unis et Chine â et les pays Ă©mergents de la discipline â IsraĂ«l, Canada et Royaume-Uni notamment â se dĂ©veloppent ou se sont dĂ©veloppĂ©s sur des modĂšles parfois radicalement diffĂ©rents. Ce nâest pas forcĂ©ment grĂące Ă un « Google europĂ©en » que la France et lâEurope pourront se faire une place sur la scĂšne mondiale. Dans cette optique, notre mission propose une stratĂ©gie qui repose sur trois piliers. Dâabord, une politique offensive visant Ă favoriser lâaccĂšs aux donnĂ©es, la circulation de celles-ci et leur partage. Les donnĂ©es sont la matiĂšre premiĂšre de lâIA contemporaine et dâelles dĂ©pend lâĂ©mergence de nombreux usages et applications. Il est tout dâabord urgent dâaccĂ©lĂ©rer et dâĂ©toffer la politique dâouverture des donnĂ©es publiques (open data), en particulier sâagissant des donnĂ©es critiques pour les applications en IA. La dĂ©marche dâopen data fait lâobjet dâune politique volontariste depuis plusieurs annĂ©es, notamment sous lâimpulsion de la loi pour une RĂ©publique numĂ©rique3 : cet effort, important, doit ĂȘtre soutenu. La puissance publique doit par ailleurs amorcer de nouveaux modes de production, de collaboration et de gouvernance sur les donnĂ©es, par la constitution de « communs de la donnĂ©e »4. Il lui revient ainsi dâinciter les acteurs Ă©conomiques au partage et Ă la mutualisation de donnĂ©es voire, dans certains cas, dâen imposer lâouverture. La politique de la donnĂ©e doit enfin sâarticuler avec un objectif de souverainetĂ© et capitaliser sur les standards de protection europĂ©ens pour faire de la France et lâEurope les championnes dâune IA Ă©thique et soutenable. LâUnion europĂ©enne sâest engagĂ©e depuis 1.âDocument disponible Ă lâadresse suivante : http://www. miit.gov.cn/n1146295/ n1652858/n1652930/ n3757016/c5960820/ content.html 2.â Pour donner un ordre de grandeur, les gĂ©ants amĂ©ricains du numĂ©rique reprĂ©sentent 2â200 milliards de dollars de valorisation quand lâensemble du CAC40 ne pĂšse que 1â500 milliards dollars⊠3.â Loi 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une RĂ©publique numĂ©rique. 4.â Les communs, ou biens communs, dĂ©signent une ressource dont lâusage et la gouvernance sont communs Ă tous. Dâabord, une politique offensive visant Ă favoriser lâaccĂšs aux donnĂ©es, la circulation de celles-ci et leur partage. Les donnĂ©es sont la matiĂšre premiĂšre de lâIA contemporaine et dâelles dĂ©pend lâĂ©mergence de nombreux usages et applications
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Ă©conomique articulĂ©e autour de la donnĂ©e quelques annĂ©es dans une politique ambitieuse de consolidation du marchĂ© europĂ©en (Digital Single Market, dans laquelle les propositions suivantes ont vocation Ă sâinscrire. Il sâagit ensuite de concentrer les efforts de la politique industrielle dans quatre domaines prioritaires pour le dĂ©veloppement de lâIA : santĂ©, transports- mobilitĂ©s, environnement, dĂ©fense-sĂ©curitĂ©. Les mesures proposĂ©es visent notamment Ă articuler le soutien Ă lâinnovation autour de grands enjeux de notre Ă©poque, Ă fĂ©dĂ©rer les diffĂ©rents Ă©cosystĂšmes autour de plateformes de mutualisation sectorielles et Ă mettre en place des espaces dâexpĂ©rimentations. Le rĂŽle de lâĂtat consiste ici Ă poser les briques Ă©lĂ©men- taires de lâinnovation, Ă donner les moyens, les ressources aux acteurs pour innover, sans pour autant piloter ce mouvement. Enfin, il est question dâamorcer une mutation profonde de lâĂtat, qui doit ĂȘtre un moteur de ces transformations. La puissance publique doit se donner les moyens matĂ©riels et humains dâintĂ©grer lâIA Ă la conduite de ses politiques publiques, autant dans une perspective de modernisation que dâexemplaritĂ©. Cela suppose dâavancer sur plusieurs plans, qui vont de la commande publique Ă la politique de lâĂtat en matiĂšre de ressources humaines et de compĂ©tences ; mais aussi de son approche mĂȘme de lâinnovation. Cette partie est la plus longue. Non pas quâelle soit plus importante que les autres â tous les axes doivent ĂȘtre traitĂ©s avec la mĂȘme attention ! â mais parce que les recommandations quâelle contient, notamment sur la donnĂ©e, ont vocation Ă irriguer les autres. Renforcer lâĂ©cosystĂšme europĂ©en de la donnĂ©e Les techniques dâapprentissage automatique (machine learning) marquent une rupture avec lâalgorithmie classique. Notamment en ce quâelles marquent le passage progressif dâune logique de programmation Ă une logique dâappren- tissage. Câest ce qui a conduit le magazine Wired Ă prophĂ©tiser en juin 2016 « la fin du code » : Ă lâavenir, nous ne programmerons plus les ordinateurs, nous les entraĂźnerons. On peut comparer le fonctionnement dâun algorithme de machine learning au dĂ©veloppement cognitif de lâenfant : celui-ci apprend en observant le monde, en analysant la maniĂšre dont les individus interagissent, en reproduisant les rĂšgles sans pour autant quâon lui expose explicitement. SchĂ©matiquement, la mĂȘme chose se produit en matiĂšre dâapprentissage automatique : les algorithmes sont dĂ©sormais entraĂźnĂ©s Ă apprendre seuls sans programmation explicite. PlutĂŽt que de programmer une voiture pour quâelle se conduise toute seule, les constructeurs vont par exemple lui proposer une quantitĂ© innombrable de scĂ©narios de conduite pour lui permettre de rĂ©agir Ă nâimporte quelle situation, parmi les plus improbables5. Cette base dâapprentissage, câest prĂ©cisĂ©ment la donnĂ©e. Soyons clairs : lâapprentissage par donnĂ©es nâest pas la seule mĂ©thode menant Ă lâintelligence artificielle (loin sâen faut) mais câest aujourdâhui la mĂ©thode la plus utilisĂ©e, celle qui se dĂ©veloppe le plus vite et celle qui fait lâobjet de la compĂ©tition internationale la plus vive. 5.â « Sur notre terrain de test en Californie, des personnes se jettent Ă plat ventre quand la voiture arrive et font lâescargot » Chris Urmson, directeur de la division Google Car (https://www. lesechos.fr/ 14/03/2016/lesechos. fr/021765692246_ comment-la-google- car-utilise-le---deep- learning--.htm) Le point de dĂ©part de toute stratĂ©gie en intelligence artificielle tient ainsi en la constitution de larges corpus de donnĂ©es
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europĂ©en de la donnĂ©e Le point de dĂ©part de nombreuses de stratĂ©gies en intelligence artificielle tient ainsi en la constitution de larges corpus de donnĂ©es. De nombreux usages et applications dĂ©pendent directement de la disponibilitĂ© des donnĂ©es : câest par exemple la raison pour laquelle le traitement automatique de la langue française est moins dĂ©veloppĂ© que le traitement de la langue anglaise. Câest Ă©galement pour cette raison que les traductions du français Ă lâanglais fonctionnent beaucoup mieux que les traductions du français vers le thaĂŻ, les corpus de textes franco-thaĂŻlandais Ă©tant beaucoup plus rares. Si la donnĂ©e brute est nĂ©cessaire, elle dĂ©cuple sa valeur lorsquâelle est struc- turĂ©e et annotĂ©e6 de sorte quâelle vĂ©hicule des informations valorisables par les techniques dâIA. Lâenrichissement et lâannotation des jeux de donnĂ©es sont particuliĂšrement importants pour le machine learning (apprentissage automatique), mais il sâagit lĂ dâune opĂ©ration pĂ©nible, trĂšs consommatrice en temps, en ressources humaines et financiĂšres. Câest pourquoi dans de nombreux domaines, les moyens du crowdsourcing (externalisation distribuĂ©e Ă grande Ă©chelle) sont mis en Ćuvre pour collecter et surtout annoter ces informations (notamment au travers de plateformes de microtĂąches, comme Amazon Mechanical Turk). Les applications gĂ©nĂ©riques de lâIA sâappuient gĂ©nĂ©ralement sur des corpus de domaine public (par exemple, les textes multilingues issus des organisations internationales sont utilisĂ©s pour amĂ©liorer les outils de traduction automatique), mais pour ce qui est des domaines industriels, le travail de collecte et dâannotation, pour fastidieux quâil soit, est un enjeu stratĂ©gique. La donnĂ©e constitue un avantage compĂ©titif majeur dans la concurrence mondiale pour lâIA et de ce point de vue, il est indĂ©niable que les gĂ©ants du numĂ©rique partent avec un avantage considĂ©rable. Pour autant le volume des donnĂ©es ne fait pas tout : des jeux de donnĂ©es moins importants (small data) peuvent permettre dâobtenir des performances importantes sâils sont couplĂ©s Ă des modĂšles pertinents. LâaccĂšs Ă la donnĂ©e reste nĂ©anmoins une condition essentielle de lâĂ©mergence dâune industrie française et europĂ©enne de lâIA. Dans un monde de plus en plus automatisĂ©, câest de cet accĂšs que dĂ©pendent la vitalitĂ© et la perfor- mance de notre recherche et de lâaction publique, mais aussi notre capacitĂ© collective Ă dĂ©terminer la trajectoire de lâintelligence artificielle, Ă dessiner les contours de notre sociĂ©tĂ© automatisĂ©e. Or sur lâIA, la situation actuelle est caractĂ©risĂ©e par une asymĂ©trie critique entre les acteurs de premier plan â les GAFAM7 (Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft, auxquels il faut rajouter IBM pour lâIA) dâun cĂŽtĂ©, les BATX (Baidu, Alibaba, Tencent et Xiaomi) â qui ont fait de la collecte et de la valorisation des donnĂ©es la raison de leur prĂ©Ă©minence ; et les autres â entreprises et administrations â dont la survie Ă terme est menacĂ©e. Cette premiĂšre asymĂ©trie en emporte une seconde, critique, entre lâEurope et les Ătats-Unis. Pour sâen convaincre, il suffit de sâintĂ©resser aux flux de donnĂ©es entre ces grands espaces gĂ©ographiques : rien quâen France, prĂšs de 80 % des visites vers les 25 sites les plus populaires sur un mois sont captĂ©s par les grandes plateformes amĂ©ricaines8. De ce point de vue, lâEurope fait figure dâexception : tant la Russie que la Chine, pour ne citer quâelles, parviennent Ă capter lâessentiel des donnĂ©es de leurs utilisateurs. 6.âLâannotation fait rĂ©fĂ©rence Ă lâadjonction dâune mention Ă une donnĂ©e qui en qualifie le contenu. 7.â Lâacronyme varie selon quâon y inclut Microsoft et IBM, mais il continue de dĂ©signer un nombre trĂšs restreint dâentreprises. 8.â Ătude de la Chaire Castex de CyberstratĂ©gie : http://www. cyberstrategie. org/?q=fr/ flux-donnees
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28 Partie 1 â Une politique
Ă©conomique articulĂ©e autour de la donnĂ©e Cela rĂ©sulte en grande partie de la politique volontariste de ces gouverne- ments de favoriser lâĂ©mergence de leurs propres champions du numĂ©rique9. Une politique de la donnĂ©e adaptĂ©e aux besoins de lâintelligence artifi- cielle doit donc sâarticuler avec un objectif de souverainetĂ©, dâautonomie stratĂ©gique pour la France et lâUnion europĂ©enne. Disons-le dâemblĂ©e : les Ă©quilibres sont fragiles et cet objectif demande de lâambition. Câest pourtant la condition dâun dĂ©veloppement de lâintelligence artificielle qui ne conduise pas Ă faire de la France et de lâEurope une « colonie numĂ©rique » des gĂ©ants chinois ou amĂ©ricains. De la mĂȘme façon, le dĂ©veloppement de lâintelligence artificielle peut sâopĂ©rer sans renier nos traditions juridiques et politiques de protection forte des individus. Câest dâailleurs lâune des positions fortes de notre mission que de considĂ©rer ces standards Ă©levĂ©s comme des opportu- nitĂ©s stratĂ©giques, voire comme des Ă©lĂ©ments diffĂ©renciants, dans la course mondiale Ă lâintelligence artificielle. Le dĂ©bat actuel sur lâintelligence artificielle coĂŻncide avec lâentrĂ©e en vigueur prochaine du rĂšglement gĂ©nĂ©ral sur la protection des donnĂ©es (RGPD). SaluĂ© des uns, honni des autres â dans les deux cas pour une multitude de raisons â, le RGPD nâen reste pas moins lâune des lĂ©gislations europĂ©ennes les plus ambitieuses de ces derniĂšres dĂ©cennies. Câest Ă©galement lâun des rares exemples oĂč le Parlement europĂ©en a pu jouer un rĂŽle de premier plan, en particulier grĂące Ă lâimpulsion de Jan Philipp Albrecht, eurodĂ©putĂ© allemand. Ă bien des Ă©gards, ce texte constitue une petite rĂ©volution juridique. Non pas tant en raison de son contenu (en France et ailleurs, les algorithmes et traitements de donnĂ©es sont rĂ©gulĂ©s depuis une quarantaine dâannĂ©es) que pour le signal adressĂ© aux acteurs publics et privĂ©s, ainsi quâau reste du monde : lâEurope a fait le choix dâun standard Ă©levĂ© de protection des donnĂ©es, auquel devront se plier toutes les entreprises souhaitant traiter les donnĂ©es des EuropĂ©ens (principe dâextraterritorialitĂ© du RGPD) au risque de sâexposer Ă des amendes records (2 Ă 4 % du chiffre dâaffaires mondial). Le RGPD est en outre un instrument puissant de consolidation de lâĂ©cosys- tĂšme numĂ©rique europĂ©en. Si ces dispositions avaient existĂ© il y a 20 ans, il est probable que Facebook, Amazon ou Google nâauraient pas pĂ©nĂ©trĂ© le marchĂ© europĂ©en aussi facilement et que la concurrence aurait pu dĂ©marrer sur des bases plus saines. Le dĂ©lai nĂ©cessaire pour quâils sâadaptent Ă la rĂ©gle- mentation aurait pu permettre aux entreprises europĂ©ennes de dĂ©velopper des services compĂ©titifs. Lâintelligence artificielle dans le contexte du RGPD Le RGPD vient rĂ©guler lâutilisation des donnĂ©es Ă caractĂšre personnel, câest- Ă -dire toute information relative Ă une personne physique identifiĂ©e ou qui peut ĂȘtre identifiĂ©e, directement ou indirectement. Naturellement, le RGPD intĂ©resse lâIA Ă plusieurs titres : Dâabord, car il vient encadrer les conditions de collecte et de conservation des donnĂ©es Ă caractĂšre personnel (et uniquement celles-ci), qui peuvent ĂȘtre utilisĂ©es par lâintelligence artificielle ; ainsi que lâexercice de leurs droits par les personnes (droit Ă lâinformation, droit dâopposition, droit dâaccĂšs, droit de rectification) ; 9.â Mise en Ćuvre dâune politique commerciale agressive, utilisation systĂ©matique du levier de la commande publique, investissements et soutien direct continusâŠ
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europĂ©en de la donnĂ©e Le RGPD vient par ailleurs affirmer un droit Ă la portabilitĂ© des individus sur leurs donnĂ©es : son article 20 prĂ©voit que « les personnes concernĂ©es ont le droit de recevoir les donnĂ©es Ă caractĂšre personnel les concernant quâelles ont fournies Ă un responsable du traitement ». Le RGPD prĂ©voit Ă©galement le droit pour les personnes dâobtenir, auprĂšs de celui qui en est responsable, des informations sur la logique de fonction- nement de lâalgorithme (article 15.1 du RGPD). ; Ensuite, car il interdit quâune machine puisse prendre seule, câest-Ă -dire sans supervision humaine, des dĂ©cisions emportant des consĂ©quences graves pour les personnes, en matiĂšre dâoctroi de crĂ©dit, par exemple (article 22 du RGPD). Cette disposition, historiquement inspirĂ©e du droit français, insiste sur la nĂ©cessitĂ© de garder une responsabilitĂ© humaine ; Enfin, le RGPD est dâapplication extraterritoriale, ce qui signifie quâil peut sâappliquer Ă toute entreprise dĂšs lors quâun rĂ©sident europĂ©en est direc- tement visĂ© par un traitement de donnĂ©es. Inciter les acteurs Ă©conomiques Ă la mutualisation de donnĂ©es En matiĂšre numĂ©rique, lâinnovation repose bien souvent sur des logiques dâouverture et lâIA ne fait pas exception. Par nature, la donnĂ©e elle-mĂȘme est propice Ă lâouverture, au partage du fait de son caractĂšre non rival et son faible coĂ»t de production. Les donnĂ©es en tant que telles ont souvent peu de valeur, mais en gagnent quand elles sont contextualisĂ©es, croisĂ©es avec dâautres. Il est frĂ©quent que celui qui collecte la donnĂ©e ne soit pas le seul Ă pouvoir en tirer un bĂ©nĂ©fice, ou le mieux placĂ© pour lâexploiter. DâoĂč lâintĂ©rĂȘt de favoriser leur circulation pour maximiser lâutilitĂ© Ă©conomique et sociale des donnĂ©es. Les gĂ©ants du Net lâont bien compris : outre leurs remarquables sens et instinct pour la communication, quâest-ce qui constitue la force de ces grandes plateformes, sinon leur capacitĂ© Ă capitaliser sur lâouverture pour constituer autour dâelles de vĂ©ritables Ă©cosystĂšmes dont elles occupent le centre (voir encadrĂ©) ? LâAPIsation de lâĂ©conomie Si les donnĂ©es sont le carburant de lâĂ©conomie numĂ©rique, les API (appli- cation programming interface) en sont le moteur. Les API correspondent Ă des interfaces mises Ă disposition par les plateformes pour permettre Ă des acteurs tiers dâinnover Ă partir de leurs ressources. Câest une API de Facebook qui lui a permis de rĂ©pandre le bouton like sur le web et de dominer le marchĂ© de la recommandation. De la mĂȘme façon, les milliers de dĂ©veloppeurs qui utilisent les API de Netflix sont Ă lâorigine de son succĂšs. Selon son dirigeant, avoir ces dĂ©veloppeurs en interne lui aurait coĂ»tĂ© prĂšs dâun milliard de dollars par an. La domination des plateformes sâexplique largement par cette capacitĂ© Ă agrĂ©ger des Ă©cosystĂšmes autour dâelles et Ă en occuper le centre. Le cĆur de ces Ă©cosystĂšmes, ce sont prĂ©cisĂ©ment les API. Câest en partant de ce constat quâun nombre croissant de rĂ©flexions tendent Ă qualifier les donnĂ©es de nouvelles infrastructures. Câest le cas, par exemple, dâun rapport de lâOCDE de 2015 portant sur lâinnovation et le big data10. Cette 10.â OCDE, Data-Driven Innovation : big data for Growth and Well-Being (2015).
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30 Partie 1 â Une politique
Ă©conomique articulĂ©e autour de la donnĂ©e idĂ©e justifie selon lâorganisation de mener des politiques dâouverture des donnĂ©es publiques plus ambitieuses, de promouvoir le partage de donnĂ©es entre acteurs, mais aussi de rĂ©viser le cadre des interventions lĂ©gislatives dans les situations de monopoles. Pour beaucoup dâacteurs Ă©conomiques nĂ©anmoins, trop souvent la fermeture reste la rĂšgle et lâouverture, lâexception (voir encadrĂ©). Pour beaucoup dâacteurs privĂ©s, les chiffres montrent que lâouverture reste lâexception Une Ă©tude de 2017 financĂ©e par lâUnion europĂ©enne Ă©tablissait quâenviron 90 % des entreprises interrogĂ©es affirmaient ne pas partager leurs donnĂ©es avec dâautres entreprises (Hofheinz Osimo, 2017). MĂȘme Ă lâintĂ©rieur des organisations, les silos de donnĂ©es constituent des barriĂšres Ă la rĂ©utilisation des donnĂ©es dâun service Ă lâautre. DĂšs 2012, un sondage menĂ© par lâEco- nomist Intelligence Unit Ă©tait parvenu Ă une conclusion similaire : 60 % des entreprises affirmaient que les silos organisationnels constituaient le frein principal Ă lâutilisation des donnĂ©es pour le big data. Il nâen demeure pas moins que ce mouvement dâouverture constitue une lame de fond de lâĂ©conomie numĂ©rique. Dans le secteur privĂ©, de nombreuses initiatives spontanĂ©es de mise en circulation des donnĂ©es voient le jour, Ă des degrĂ©s divers dâouverture. Cela peut ĂȘtre des Ă©changes entre entreprises dans le cadre de partenariats bilatĂ©raux, par exemple entre donneurs dâordres et sous-traitants au sein dâune mĂȘme verticale. Il peut sâagir dâouvertures ponctuelles de jeux de donnĂ©es par une entreprise, souvent dans le cadre dâune dĂ©marche visant Ă stimuler la crĂ©ativitĂ© autour des usages possibles sur ses donnĂ©es (par exemple des hackathons). Comme on lâa vu, une entreprise peut encore choisir dâouvrir certains jeux de donnĂ©es au travers dâune API, de maniĂšre gratuite ou payante, afin de gĂ©nĂ©rer de nouveaux usages et, in fine, de la valeur pour cette entreprise. Lâouverture peut Ă©galement servir Ă des projets dâenseignement ou de formation (cela se fait notamment au Canada, trĂšs peu en France). Enfin, certaines plateformes mettent en Ćuvre un principe dâouverture maximale de leurs donnĂ©es, dans une logique de crowdsourcing (ex. : OpenStreetMap). La sociĂ©tĂ© Uber sâest rĂ©cemment lancĂ©e dans une vaste entreprise dâouver- ture et de valorisation de ses donnĂ©es auprĂšs des municipalitĂ©s. Comme Waze avant lui, le gĂ©ant amĂ©ri- cain, dont les chauffeurs VTC parcourent prĂšs dâun milliard de kilomĂštres dans le monde chaque mois, est assis sur lâune des bases de donnĂ©es les plus importantes et prĂ©cise sur le trafic urbain mondial. Bien davantage que nombre dâagences spĂ©cialisĂ©es ou de services municipaux. Si Uber conservait jusquâici la main sur ses donnĂ©es pour optimiser son service, aujourdâhui, elle en livre une partie en open data Ă travers Uber Movement, une initiative qui concerne depuis octobre 2017 la ville de Paris : ces donnĂ©es permettent de dresser un Ă©tat des lieux trĂšs fin et dynamique de la fluiditĂ© de la circulation en Ăle-de-France. De nouvelles La puissance publique doit donc porter un autre modĂšle de production et de gouvernance des donnĂ©es, qui met lâaccent sur la rĂ©ciprocitĂ©, la collaboration et le partage
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31 Renforcer lâĂ©cosystĂšme
europĂ©en de la donnĂ©e donnĂ©es pourraient Ă©galement faire lâobjet dâune ouverture volontaire : par exemple la vitesse enregistrĂ©e sur les grands axes de circulation ou encore la localisation de croisements oĂč les chauffeurs sont amenĂ©s Ă freiner brusquement. Dans le mĂȘme souci de sĂ©duire les collectivitĂ©s territoriales, la plateforme de location de logements entre particuliers Airbnb a Ă©galement lancĂ© un portail DataVille pour donner accĂšs Ă certaines statistiques sur lâutilisation de son service. Si ces initiatives sont Ă©videmment stratĂ©giques pour les entreprises considĂ©rĂ©es â en termes dâimage, bien sĂ»r, mais aussi car elles conservent la main sur les donnĂ©es mises Ă disposition â, elles nâen sont pas moins rĂ©vĂ©latrices du mouvement Ă lâĆuvre. Lâouverture et le partage de donnĂ©es provenant du secteur privĂ© peuvent ainsi contribuer Ă alimenter la masse de donnĂ©es disponibles et ainsi contribuer au dĂ©veloppement de lâintelligence artificielle. Le premier acte de la « bataille de lâIA » portait sur les donnĂ©es Ă caractĂšre personnel. Cette bataille a Ă©tĂ© remportĂ©e par les grandes plateformes. Le second acte va porter sur les donnĂ©es sectorielles : câest sur celles-ci que la France et lâEurope peuvent se diffĂ©rencier. Lâobjectif est dâabord stratĂ©gique pour les acteurs français et europĂ©ens, car câest un moyen pour les entreprises dâun mĂȘme secteur de rivaliser avec les gĂ©ants mondiaux de la discipline. Le partage de donnĂ©es doit Ă©galement ĂȘtre encouragĂ© dans un souci, pour certains cas, de sĂ©curitĂ© des solutions dâintelligence artificielle. Dans lâexemple de la voiture autonome, chaque constructeur dĂ©veloppe aujourdâhui de son cĂŽtĂ© ses propres modĂšles dâapprentissage. Pour assurer la fiabilitĂ© de leurs prototypes et atteindre un niveau de risque acceptable, ces derniers sont tenus dâenvisager un maximum de possibilitĂ©s : il faut par exemple collecter des donnĂ©es de roulage toute lâannĂ©e pour se confronter aux variations des conditions climatiques. Par ailleurs, les rĂ©fĂ©rentiels de scĂ©narios ne sont valables que pour une rĂ©gion donnĂ©e : les routes et les comportements de conduite diffĂšrent selon que lâon se trouve Ă Paris, Ă Mumbai, Ă New York ou Ă Hong Kong. Lâensemble de ces variables rend impossible lâanticipation de tous les scĂ©narios par un seul constructeur, fut-il le plus avancĂ©. Ainsi si les gĂ©ants amĂ©ricains ont pu prendre une avance relative en la matiĂšre, ils sont encore loin dâun niveau de fiabilitĂ© acceptable11. Partager ses donnĂ©es, ses rĂ©fĂ©rentiels de scĂ©narios de conduite autonome (au moins pour partie) revient donc Ă sâassurer quâen cas de litige, le plan de validation du vĂ©hicule concernĂ© Ă©tait Ă lâĂ©tat de lâart et non propre Ă un constructeur. La puissance publique doit donc porter un autre modĂšle de production et de gouvernance des donnĂ©es, qui met lâaccent sur la rĂ©ciprocitĂ©, la collabo- ration et le partage pour favoriser le partage de donnĂ©es entre les acteurs dâun mĂȘme secteur. Plusieurs pays conduisent ainsi des politiques incitatives au partage de donnĂ©es privĂ©es. Câest le cas au Royaume-Uni, oĂč lâOpen Data Institute12 promeut depuis plusieurs annĂ©es cette ouverture volontaire des donnĂ©es privĂ©es afin de favoriser le dĂ©veloppement Ă©conomique : lâODI met par exemple en avant le cas de lâentreprise Thomson Reuters, qui dĂ©veloppe une plateforme collaborative pour mettre Ă disposition ses donnĂ©es, accessibles et rĂ©utilisables par tous. Cette approche vise Ă amĂ©liorer sa relation client, mais aussi la qualitĂ© de ses donnĂ©es, de ses produits et services13. Aux Ătats-Unis, le Bureau of Transportation Statistics (BTS) opĂšre un programme sur la mise en commun de certains jeux de 11.â Le consensus de fiabilitĂ© pour la voiture autonome est fixĂ© Ă 10-8/heure, câest-Ă -dire que la probabilitĂ© dâoccurrence dâune dĂ©faillance grave doit ĂȘtre infĂ©rieure Ă 0,00000001 pour une heure donnĂ©e. Ce taux est 10 fois infĂ©rieur Ă la moyenne europĂ©enne de rĂ©gulation des produits dĂ©fectueux. 12.â CrĂ©Ă© en 2012 avec le soutien du Conseil de la stratĂ©gie technologique du gouvernement (Technology Strategy Board) qui le finance Ă hauteur de 10 millions de livres sur cinq ans. 13.â https://theodi. org/open-data- means-business
33.
32 Partie 1 â Une politique
Ă©conomique articulĂ©e autour de la donnĂ©e donnĂ©es des compagnies aĂ©riennes sur la frĂ©quentation des lignes de vol domestiques. Les donnĂ©es ainsi rĂ©cupĂ©rĂ©es sont agrĂ©gĂ©es puis traitĂ©es statistiquement, avant dâĂȘtre mises Ă disposition par le BTS, contribuant Ă la propre stratĂ©gie des transporteurs. Lâincitation de la puissance publique au partage et Ă la mise en commun peut sâappuyer sur des initiatives privĂ©es ou Ă dĂ©faut, favoriser leur Ă©mergence. Dans de nombreux secteurs, ces initiatives existent : elles mĂ©riteraient dâĂȘtre soutenues et valorisĂ©es (voir encadrĂ©). Sâagissant des secteurs que la mission estime prioritaires pour le dĂ©veloppe- ment de lâIA (voir les propositions plus loin), ces dispositifs de mutualisation de donnĂ©es pourraient ĂȘtre intĂ©grĂ©s aux plateformes sectorielles dont la crĂ©ation est recommandĂ©e. En matiĂšre de partage de donnĂ©es, de nombreuses initiatives mĂ©riteraient dâĂȘtre valorisĂ©es FondĂ©e en 2015, la startup française Dawex ambitionne de lancer une bourse de la donnĂ©e en centralisant les Ă©changes entre acteurs Ă©conomiques. Contrairement aux courtiers en donnĂ©es (data brokers) qui achĂštent, mettent en forme et revendent les donnĂ©es, Dawex accompagne les entreprises dans la contractualisation de leurs Ă©changes en donnĂ©es (contrat de licence, durĂ©e, territoire, usages, capacitĂ© Ă sous-licencier, etc.) et sâassure quâils respectent les rĂ©glementations en vigueur (notamment le RGPD) en fonction du territoire de production et dâexploitation des donnĂ©es. La startup permet Ă©galement aux acteurs Ă©conomiques de partager des donnĂ©es avec des entreprises partenaires, de façon privĂ©e. Lâentreprise est laurĂ©ate du Concours dâinnovation numĂ©rique et a intĂ©grĂ© le Hub Bpifrance, aprĂšs notamment un financement par la Caisse des DĂ©pĂŽts. Il faut Ă©galement mentionner lâapparition de nouveaux services se proposant dâagrĂ©ger les donnĂ©es publiques et privĂ©es : en matiĂšre de transports et de mobilitĂ©, par exemple, lâentreprise française Transdev a rĂ©cemment annoncĂ© le lancement dâune plateforme qui ambitionne de devenir le « WikipĂ©dia » mondial de la donnĂ©e ouverte : Catalogue (www.catalogue.global). Lâentreprise sâemploie ainsi Ă collecter et rassembler ces donnĂ©es, Ă les nettoyer et les mettre dans un format ouvert. Lâobjectif est dâabaisser les barriĂšres Ă la crĂ©ation de services innovants â notamment pour lâIA â en matiĂšre de transports et de mobilitĂ©. En matiĂšre de transports toujours, La Fabrique des MobilitĂ©s semble ĂȘtre lâune des initiatives les plus abouties. Il sâagit du premier accĂ©lĂ©rateur europĂ©en dĂ©diĂ© Ă lâĂ©cosystĂšme de la mobilitĂ©. La Fabrique met en relation tous les acteurs, les projets, capitalise les retours dâexpĂ©riences et les erreurs, pour faire Ă©merger une culture commune de lâinnovation. Elle sâadresse Ă des startups, des projets industriels et des territoires qui dĂ©veloppent de nouvelles solutions de mobilitĂ©s. La Fabrique leur donne un accĂšs privilĂ©giĂ© Ă des ressources en donnĂ©es tout en veillant Ă garantir un principe de rĂ©ciprocitĂ©Â : pour rĂ©cupĂ©rer les donnĂ©es mises en commun, il faut contribuer Ă lâaugmen- tation de ce commun. Cette logique vertueuse conduit au dĂ©veloppement
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