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Executive Master Communication
Promotion « Pierre Lévy »
2013/2015
Mémoire professionnel
Bernard Gaudin
Octobre 2015
RÉINVENTER
LA COMMUNICATION INTERNE
À L’ÈRE COLLABORATIVE
Mémoire professionnel – Page 1/117
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Sommaire
Remerciements ................................................................................................................................. 4	
Introduction....................................................................................................................................... 6	
1.	 30 ans de transformations : placer la communication interne dans une
perspective historique pour comprendre son évolution....................................................... 10	
1.1	 « Années 80 » : éclosion, paillettes et promesses............................................................... 11	
1.1.1	 L’éclosion de la communication d’entreprise dans un contexte de rupture............... 11	
1.1.2	 L’image de l’entreprise idéalisée à tout prix .............................................................. 13	
1.2	 « Années 90 » : froideur corporate et professionnalisation de la « com’interne » ............... 14	
1.2.1	 La naissance du « corporate ».................................................................................. 14	
1.2.2	 Les communicants internes se regroupent ............................................................... 15	
1.3	 « Années 2000 » : maturité de la fonction communication interne et remise en
cause.................................................................................................................................... 16	
1.3.1	 La maturité des communicants….............................................................................. 16	
1.3.2	 … et la maturité des publics...................................................................................... 18	
1.3.3	 Les discours internes remis en cause....................................................................... 19	
1.4	 « Années 2010 » : bouleversements et transition................................................................ 19	
1.4.1	 Une société en pleine transition ................................................................................ 19	
1.4.2	 Une fonction en pleine transition............................................................................... 22	
2.	 Le triptyque « Collaboratif, Collaborateur, Communicant » : un angle d’analyse
pour mieux comprendre les enjeux de la communication interne....................................... 23	
2.1	 Le collaboratif au cœur des organisations ........................................................................... 23	
2.1.1	 L’émergence de l’ère collaborative et son impact sur l’entreprise............................. 24	
2.1.2	 La force de l’échange social et de la contribution ..................................................... 36	
2.1.3	 De la théorie à la pratique : quand les entreprises adoptent le collaboratif............... 39	
2.2	 Le nouveau visage des collaborateurs................................................................................. 44	
2.2.1	 Un récepteur-consommateur informé et exigeant..................................................... 44	
2.2.2	 Plus qu’un émetteur, un média potentiel................................................................... 48	
2.2.3	 Un mix générationnel inédit....................................................................................... 51
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2.3	 Le communicant interne « multifonctions ».......................................................................... 57	
2.3.1	 Un communicant avant tout… ................................................................................... 58	
2.3.2	 Un « chef d’orchestre » ............................................................................................. 59	
2.3.3	 Un « sociologue »...................................................................................................... 61	
2.3.4	 Un « ministre de la culture d’entreprise ».................................................................. 62	
2.3.5	 Un « responsable des relations internes »................................................................ 65	
2.3.6	 Un « coach du changement » ................................................................................... 68	
3.	 Vers un modèle plus horizontal : nos recommandations pour faire évoluer la
communication interne pour qu’elle s’adapte à ces nouveaux enjeux ............................... 72	
3.1	 Passer d’un projet de communication à un projet d’entreprise ............................................ 73	
3.1.1	 Amener la direction à donner la « direction »............................................................ 73	
3.1.2	 Lever les craintes face une prise de parole plus ouverte.......................................... 74	
3.1.3	 « Embarquer » les autres fonctions transverses....................................................... 77	
3.2	 Préparer un environnement propice aux échanges et à la prise de parole.......................... 79	
3.2.1	 Oublier la langue de bois, promouvoir le parler-vrai pour redonner confiance.......... 79	
3.2.2	 Favoriser la reconnaissance comme moteur des échanges..................................... 82	
3.2.3	 Apprendre le numérique, apprendre du numérique .................................................. 84	
3.3	 Appuyer le dispositif de communication sur un modèle collaboratif..................................... 85	
3.3.1	 « Co-Construire », « Co-Former », « Co-Animer » ................................................... 86	
3.3.2	 Regrouper les moyens de communication sur une plateforme unique ..................... 89	
3.3.3	 Placer les collaborateurs au cœur du dispostif : « the staff is the media » ............... 91	
Conclusion ...................................................................................................................................... 94	
Derniers remerciements................................................................................................................. 97	
Bibliographie................................................................................................................................... 98	
Annexes......................................................................................................................................... 104
Mémoire professionnel – Page 4/11
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Remerciements
Je tiens tout d’abord à exprimer toute ma reconnaissance envers Murielle Porte, directrice de la
Communication Interne et Institutionnelle du groupe Société Générale et Stéphanie Larcheron,
directrice de la Communication de la Direction des Ressources et de l’Innovation, d’avoir fait le
« pari » d’intégrer un ingénieur dans leur équipe, de m’avoir fait confiance et de m’avoir
accompagné dans ce master, expérience hors norme, qui m’a fait grandir tant
professionnellement que personnellement.
Je remercie l’équipe en charge de l’Executive Master Communication de Sciences Po,
Ambroisine Bourbon, Hélène Tinlot, Myriam Zazzaron, Katia Dumoulin, pour leur bienveillance et
leur accompagnement, ainsi que tous les intervenants pour la qualité de cette formation.
J’adresse mes remerciements à ma tutrice Estelle Maione, mais aussi à Jean-Baptiste Perrin,
pour leurs conseils pertinents, structurants, rassurants et leur très grand professionnalisme.
Je tiens à remercier chaleureusement les professionnels et spécialistes1
que j’ai pu interroger
d’avoir pris le temps de partager leurs connaissances, leur expérience et leur vision. Autant
d’échanges passionnants qui ont enrichi ma réflexion et sans lesquels ce mémoire n’aurait pu
aboutir.
Merci à toutes les personnes qui ont répondu au questionnaire ; à mes proches et collègues qui
m’ont apporté leurs idées, leurs suggestions.
Un grand merci à Sophie, Céline et Pauline pour leur relecture efficace et précieuse.
J’ai une pensée toute particulière pour l’ensemble de mes collègues de la promotion « Pierre
Levy » pour l’indescriptible complicité qui nous a uni pendant ces deux années inoubliables.
Je remercie enfin ma famille : mes parents pour leur soutien mais aussi de m’avoir donné l’envie
d’apprendre, de regarder le monde sous un autre angle ; mes enfants, Maïa, Théo et Timothée,
pour leur incroyable patience face au temps passé à la conception de ce mémoire et les
changements d’humeurs que j’ai pu avoir ; Nadine, mon épouse, source infinie de support,
d’encouragement et d’inspiration à qui je dédie ce travail.
1
Liste fournie page suivante
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Professionnels et spécialistes interrogés, en face en face ou par téléphone :
• Frédérique ABELLA, directeur du Digital et de l’Information, Unilens
• François D’ANSELME, responsable des approches collaboratives de la direction de la
Communication, Groupe Atos
• Christine BALAGUE, vice-présidente du Conseil National du Numérique Christine (titulaire
de la Chaire « réseaux sociaux » à l’Institut Mines-Télécom)
• Sarah-Pearl BOKOBZA, directrice de la Communication Interne, Groupe Atos
• Vincent BRULOIS, directeur de l’UFR des Sciences de la Communication, Paris XIII
• Jean-Marie CHARPENTIER, consultant Etudes Communication et Social, vice-président
de l’Afci (Association française de communication interne),
• Jean-Paul CHAPTON, directeur de la Communication Digitale et de l’e-reputation,
Société Générale
• Philippe CHARTON, directeur du projet Services Collaboratifs et Communications
Unifiées d’EDF (ancien directeur adjoint de la Communication d’EDF)
• Stéphanie CRESPIN, responsable de la communication internationale div. Innovation
Marketing et Technologies, Orange
• Bertrand DUPERRIN, responsable du pôle transformation Digitale, Emakina France
• Emmanuel FRIZON DE LAMOTTE, responsable des projets transversaux à la direction de
la communication d’Axa France
• Caroline GUILLAUMIN, directrice de la Communication, Groupe Société Générale
• Aymeril HOANG, directeur de l’Innovation, Groupe Société Générale
• Charles HUFNAGEL, directeur de la Communication, Groupe AREVA
• Claude ISIDORE, responsable de projets de conduite du changement, AGIRC-ARRCO
• Franck LAPINTA, chef de Projet Programme Banque Privée Digitale, Société Générale
• Christophe LACHNITT, fondateur de Croisens (ancien directeur de la Communication de
DCNS et de Microsoft)
• Cécile LEPRINCE, directrice conseil, Publicis Consultant Verbe
• Ziryeb MAROUF, directeur Applicatifs RH Groupe et Réseaux Sociaux, Orange
• Denis MARQUET, directeur de la Communication, Groupe Crédit Agricole
• Edouard MARTEAU d’AUTRY, président d’Axelya
• Marie-Gaëlle MICHELIN, directrice de la Communication Interne, Laboratoires IPSEN
(ancienne directrice de la Communication Interne de Castorama),
• Pierre MILCENT, responsable France des offres collaboratives, IBM
• Olivier MURAT, community manager, Groupe Poult
• Brunot PAILLET, président du cabinet Conseil et Annonceurs Associés (ancien directeur
de la Communication du Gan)
• Philippe PINAULT, fondateur et président de TALK SPIRIT
• Anthony PONCIER, directeur Social Business EMEA, Publicis Consultant
• Murielle PORTE, directrice de la Communication Interne et Institutionnelle, Société
Générale
• Thierry RAYNARD, responsable pôle conseil et intelligence collective, SNCF
• Aurélie RENARD, déléguée générale de l'Association française de communication interne
(Afci)
• Edouard RENCKER, président de Makheia Group
• Nathalie RICARD DEFFONTAINE, directrice de la Communication Interne, Groupe
Numericable-SFR
• Laurent SABBAH, directeur de la Communication Interne, Club Med
• Vincent SCHILTZ responsable de la Communication Financière, Groupe Auchan
• Nadine THOMAS, formatrice en Discipline Positive, membre de l’ADPF (Association de
Discipline Positive France)
Mémoire professionnel – Page 6/117
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Introduction
« Puisque tout est à refaire, puisque tout reste à inventer »2
Dans son livre « Petite Poucette », Michel Serres nous explique à quel point les nouvelles
technologies numériques bouleversent notre conception du temps, de l’espace, du savoir et nos
relations dans la société. Une période de transformation, de transition, que le philosophe
compare à celle de l’invention de l’écriture ou de l’invention de l’impression.
Une « ère numérique » où les individus sont connectés les uns aux autres, faisant voler en éclats
les frontières qui les séparaient, qu’il s’agisse de frontières géographiques, culturelles, sociales
ou hiérarchiques.
Une « ère collaborative » où les individus « consomment », partagent et produisent, en quelques
jours, plus d’informations et de connaissances que l’humanité n’en a jamais produit jusqu’à
présent.
Face à ces « mutations », les entreprises doivent s’adapter, se transformer et repenser leurs
modes de fonctionnement. Nouveaux canaux, nouveaux médias, nouveaux outils mobiles et/ou
collaboratifs : la communication des entreprises se réinvente dans sa relation avec les clients et
le public.
Qu’en est-il de la communication interne ?
Les nouveaux modes de communication « bousculent » les organisations : les collaborateurs,
notamment la nouvelle génération, souhaitent travailler dans un environnement relationnel plus
horizontal que vertical, s’attendent à donner leur avis, à contribuer, à… collaborer davantage.
Par ailleurs, chacun de ces collaborateurs par les outils qu’il a sa disposition, professionnellement
ou personnellement (réseaux sociaux d’entreprise, médias sociaux, smartphones, etc.) est lui
même un formidable vecteur de communication tant interne qu’externe.
D’où notre problématique : comment réinventer la communication interne à l’ère
collaborative ?
2
Serres, Michel. Petite poucette. Editions le Pommier, 2012.
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Pour y répondre, nous allons d’abord placer la communication interne dans une perspective
historique (Partie 1). Nous pourrons ainsi comprendre ses évolutions, partant du constat que
cette fonction a elle-même connu de nombreuses transformations depuis son apparition, au
début des années 80.
Nous nous intéresserons ensuite aux enjeux actuels de la communication interne à travers le
triptyque « Collaboratif, Collaborateur, Communicant » (Partie 2). L’analyse du « Collaboratif » a
pour objectif de mieux appréhender ce que nous avons appelé « l’ère collaborative » et ces
impacts sur les modes de communication, en dehors et au sein de l’entreprise. L‘étude du
« Collaborateur » nous permettra de comprendre ses nouveaux comportements et ses attentes.
Enfin, les recherches autour du « Communicant » viseront, quant à elles, à mieux cerner les
conséquences de ces bouleversements sur son métier.
Fort de ces analyses, nous pourrons alors proposer des préconisations pour passer à un modèle
plus horizontal et répondre aux enjeux actuels auxquels est confrontée la communication interne
(Partie 3).
_________
Méthodologie
A) Définitions
Bien que dans ce mémoire nous aborderons essentiellement la communication interne, il
nous semble important de poser les distinctions que nous ferons entre :
• La communication interne qui regroupe l'ensemble des actions de communication
mis en œuvre au sein d’une entreprise à destination de ses salariés.
• La communication institutionnelle ou communication d’entreprise qui regroupe
l’ensemble des actions de communication qui visent à promouvoir l’image de
l’entreprise vis-à-vis de ses clients et différents partenaires.
• La communication produit qui regroupe l’ensemble des actions de communication
publicitaire destinées à promouvoir un produit ou service.
B) Notre champ d’études
La communication interne, …
Pourquoi avoir choisi la communication interne comme sujet de nos recherches ? Nous
avons constaté que, face au « digital », les efforts pour transformer la communication se sont
principalement concentrés sur l’externe. Certes, de nouveaux canaux de communication
apparaissent dans l’entreprise (réseau social d’entreprise, Intranets collaboratifs, etc.) mais,
Mémoire professionnel – Page 8/117
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sauf exception, « l’écosystème » de communication interne n’est pas repensé. Des
professionnels du secteur nous ont d’ailleurs parlé de la fonction comme « du parent pauvre
des stratégies de communication ». Nous avons donc pensé qu’il serait plus intéressant
d’axer nos recherches sur cette fonction.
Cependant, l’objectif n’est pas d’analyser ses différentes missions (éditorial, évènementiel,
communication managériale, communication de crise, etc.), qui pourraient chacune faire
l’objet d’un mémoire à part entière. Nous avons préféré étudier la communication interne
dans sa globalité, de comprendre les problématiques que la profession rencontre aujourd’hui
et tenter d’y répondre, notamment à travers le « collaboratif ».
… le « collaboratif »…
Nous avions l’intuition que le potentiel des nouveaux modes de communication apportés par
les modèles collaboratifs (qui, à l’extérieur, amènent les individus à se connecter les uns aux
autres, à partager, à produire de l’information, etc.) était, à de rares exceptions près, sous-
exploité en interne. Une intuition qui s’est confirmée tout au long de nos recherches. Comme
nous l’a expliqué, Bruno Paillet, président du cabinet Conseil et Annonceurs
Associés (ancien directeur de la Communication du Gan) : « le rôle de la communication
interne est de considérer les personnes comme la richesse de l’entreprise… Le paradoxe,
c’est qu’on est plus aujourd’hui soucieux de séduire à l’extérieur, que de s’intéresser aux
"troupes", alors que ce sont elles qui sont les fondamentaux de l’entreprise ».
… dans les grandes entreprises.
Nous avons choisi de concentrer notre analyse sur les grandes entreprises pour deux
raisons. Tout d’abord parce que leur mode de fonctionnement le plus souvent « pyramidal »
et cloisonné conduit à des communications encore très « descendantes ». Les changements,
pour amener à des modes de communication plus horizontaux, sont donc plus structurants,
représentant ainsi, à nos yeux, un champ d’études plus intéressant.
C) Notre approche
Une phase exploratoire (juillet 2014 à mai 2015)
Nous avons commencé par une période de recherches exploratoires basées sur :
• des lectures (autour de la sociologie, de « l’ère numérique », de « l’ère collaborative »,
de l’organisation des entreprises, des différences générationnelles et bien évidemment
de la communication globale et interne),
• des rencontres informelles (collègues, connaissances et proches).
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Cette première phase nous a permis de réorienter la première partie du mémoire que nous
avions d’abord axée sur les générations et leur appréhension du « collaboratif ». Bien qu’il
existe effectivement des différences, cela ne nécessitait pas d’y consacrer toute une partie.
Nous avons alors préféré nous concentrer sur l’historique de la communication interne. Nous
avons pu également durant cette phase identifier les personnes que nous souhaitions
rencontrer.
Une phase d’observation et d’approfondissement (mai à août 2015)
Durant cette phase :
• Nous avons continué nos lectures notamment autour des retours d’expériences, des
pratiques du collaboratif, etc.
• Nous avons lancé un questionnaire anonyme à plus de 500 personnes (contacts sur
les réseaux sociaux, proches, connaissances, etc.) pour avoir leur avis, en tant que
collaborateur, sur la communication interne et les approches collaboratives, au sens
large et dans leur entreprise. Nous avons collecté près de 220 réponses (de mai à
mi-juillet) dont environ 160 concernant les grandes entreprises. Les résultats de ce
questionnaire nous ont permis d’illustrer tout au long de ce mémoire la vision des
collaborateurs. (Les questions sont fournies en annexe)
• Nous avons réalisé une trentaine d’entretiens (en face à face ou par téléphone)
avec des professionnels et des spécialistes de la communication, du digital ou des
approches collaboratives. Des personnalités d’horizons variés : grandes entreprises,
agences de communication, associations. Nous avons eu la chance de pouvoir
également rencontrer les auteurs de livres qui nous avaient particulièrement inspiré :
Vincent Brulois & Jean-Marie Charpentier (« Refonder la communication en
entreprise ») et Édouard Rencker (« le nouveau visage de la com’interne »).
D) Nomenclature
Enfin, comme nous citons certaines personnes que nous avons lues mais aussi rencontrées,
nous avons choisi d’avoir une nomenclature différente entre les citations issues d’entretiens
(nous utiliserons Prénom Nom), et celles issues de nos lectures (nous utiliserons alors
P.Nom).
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1. 30 ans de transformations : placer la communication
interne dans une perspective historique
pour comprendre son évolution
Avant de pouvoir aborder les transformations actuelles de la communication interne, il nous est
apparu important de la placer dans une perspective historique, de comprendre son évolution.
Cette évolution peut se résumer à travers quatre grandes phases :
• De la fin des années 70 à la fin des années 80 : l’entreprise vient de connaître une
transformation de l’organisation du travail sans précédent et la fonction communication
apparaît « officiellement » ; en interne, elle explique son fonctionnement et son
organisation, en externe elle façonne son image,
• Les années 90 : dans un contexte de mondialisation de l’économie, la « com’ interne » se
professionnalise et s’outille pour mobiliser les collaborateurs cette fois autour de l’image
de l’entreprise ; les communicants internes se rassemblent avec l’Association Française
de la Communication Interne (Afci),
• Les années 2000 : phase de maturité de la communication interne, mais également de
maturité des collaborateurs qui ne sont plus naïfs face aux messages véhiculés par
l’entreprise ; une entreprise bousculée sur son rôle et sa responsabilité dans la société,
• Et enfin depuis 2010 : la transition numérique bouleverse la société et les usages ; peut-
on encore parler de communication interne avec une porosité interne/externe de plus en
plus forte ? Comme pour toutes les fonctions de l’entreprise, une réflexion en profondeur
est nécessaire sur les rôles et les missions de la « com’interne » pour s’adapter au
changement sociétal.
Doit-on en conclure que la « com’ interne » n’existait pas avant les années 80 ? Comme le
rappelle P.Labasse3
, les premières politiques d’information interne apparaissent au début du XXe
pour accompagner le « paternalisme » grandissant des entreprises. C’est la naissance des
journaux d’entreprise (le Bulletin des Usines Peugeot en 1918). Les premiers communicants
internes sont des « journalistes d’entreprise » qui exercent en toute indépendance. En 1955, une
étude montre que la majorité des sujets traités alors dans ces publications « internes » sont
essentiellement éloignés des activités économiques de l’entreprise : actualités des associations
sportives du personnel, conseils pour la vie quotidienne, etc. L’objectif est de divertir, on est
3
Labasse, Pierre. « Brève histoire de la communication interne » Les cahiers de la communication interne, no
25,
décembre 2009.
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encore loin d’une démarche d’information et de communication sur l’activité de l’entreprise, son
fonctionnement, etc.
La communication d’entreprise n’existe pas à proprement parler, on parle alors de « relations
publiques » le plus souvent confiées à des conseillers ou agences externes. La fonction de
« relations publiques » évolue timidement dans les années 70 vers de la communication.
Notamment à travers la révision, en 1974, du code de l’AFREP (l’Association Française des
Relations Publiques, créée en 1952, qui regroupe les professionnels des relations publiques)
comme le montre J.Walter4
: « dans le code de 1954, le conseiller de relations publiques était
défini comme "un conseiller en opinion"; celui de 1974 le représente comme un professionnel
chargé de définir et mettre en œuvre une politique permanente de communication ». En parallèle
apparaissent les premiers « services Information – Communication » (Saint-Gobain 1970,
Peugeot 1970, L’Oréal 1973, Renault 1973, Air France 1974,...)5
. La véritable éclosion des
services de communication date des années 80.
1.1 « Années 80 » : éclosion, paillettes et promesses
1.1.1 L’éclosion de la communication d’entreprise dans un contexte de rupture
« Pourquoi l’éclosion de la communication d’entreprise a-t-elle lieu dans les années 80 ? »
s’interrogent V.Brulois et J-M.Charpentier dans leur ouvrage passionnant « Refonder la
communication en entreprise »6
. Deux raisons sont évoquées :
• La concurrence économique : les chocs pétroliers des années 70, amènent les
entreprises à se restructurer pour rester compétitives. Les marchés s’internationalisent.
Les monopoles tombent. Il faut se différencier. La communication externe, notamment à
travers la publicité, va façonner l’image des entreprises, valoriser leurs produits.
• La contestation des années 68 : avec en arrière-plan, pour les salariés, le rejet du
taylorisme et de son compromis social : accroissement de la productivité contre salaire
élevé. « Gagner plus » ne suffit plus, un besoin pressant de replacer l’humain dans
l’environnement de travail se fait sentir.
Sur ce dernier point il est important de comprendre, qu’au-delà des avancées qu’apportent les
travaux de M.Crozier & E.Friedberg, puis de R.SainSaulieu sur la place et le rôle l’individu au sein
des organisations, une véritable réflexion de rupture s’installe au niveau du patronat français,
dans les années 70. Une réflexion, pour reconsidérer « l’organisation du travail et les rapports
4
Walter, Jacques. Directeur de communication / les avatars d’un mode-èle professionnel. Paris: Editions
L’Harmattan, 1995.
5
Le Moënne, Christian. « Communication “by smiling around” et crise managériale ». Réseaux, no 64, avril 1994.
6
Brulois, Vincent et Jean-Marie Charpentier. Refonder la communication en entreprise. FYP EDITIONS, 2013.
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sociaux au sein de l’entreprise »7
. « Un mouvement réformiste », selon D.Chauvin8
, dont
l’impulsion est donnée par l’ouvrage de F.Bloch Lainé de 1963 « Pour une réforme de
l’entreprise » et qui répond « aux maux chroniques dont pâtissent les entreprises : grèves,
absentéisme, turn-over, faible implication des salariés, etc. » comme le souligne S.Olivesi9
.
Rapports et lois se succèdent alors (comme l’indique, de manière non exhaustive, le schéma ci-
dessous) pour aboutir en 1981 au rapport Auroux dont l’objectif est de faire des travailleurs « des
acteurs du changement et des citoyens à part entière dans l’entreprise ». À la suite de ce dernier,
4 lois seront promulguées en 1982 : les lois Auroux relatives aux libertés des travailleurs dans
l’entreprise, au développement des institutions représentatives du personnel, à la négociation
collective et au règlement des conflits du travail, aux comités d’hygiène, de sécurité et des
conditions de travail.
« Le mouvement réformiste » : du « Rapport Bloch-Lainé » aux « Lois Auroux »
10
Ces réformes qui « étendent et balisent le droit d’expression des salariés »11
, auxquelles
s’ajoutent les nouvelles formes d’organisation (comme les cercles de qualité au début des
années 80) « favorisent l’émergence de la fonction communication interne » selon
D.Chauvin12
, notamment à travers l’apparition de nouvelles thématiques autour du
dialogue, de l’expression et de l’information destinées aux salariés.
7
Olivesi, Stéphane. La Communication au travail. PUG, 2006.
8
Chauvin, Didier. « La fonction « communication interne » en crise ? » Communication et organisation, no. 38
(Décembre 2010)
9
Ibidem
10
Schéma réalisé pour résumer les dates clés que nous avons collectées sur les réformes de l’organisation du travail
11 Olivesi, Stéphane. Ibidem
12 Chauvin, Didier. Ibidem
1963%Ouvrage%de%Bloch3Lainé%(“Pour%une%Réforme%de%l’entreprise”)%
1968%Accords%de%Grenelle%
1972%Rapport%CJD%(L’informaLon%dans%l’entreprise)%
1973%CréaLon%de%l’ANACT%(Agence%NaLonale%pour%l’AmélioraLon%des%
CondiLons%de%Travail)%
1975%Rapport%%Sudreau%(Réforme%de%l’entreprise)%
1977%Loi%sur%le%bilan%social%
1978%Rapport%Couste%(Travail%temporaire)%
1979%Rapport%Lucas%(Temps%parLel)%
1980%Rapport%Giraudet%(Durée%du%travail)%
1973%Loi%sur%le%licenciement%(Cause%réelle%et%sérieuse)%
1981%Rapport%Auroux%sur%le%droit%de%travailleurs%
1979%Réforme%des%prud’hommes%
1982%Lois%Auroux%sur%le%droit%du%travail%
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1.1.2 L’image de l’entreprise idéalisée à tout prix
Les services de communication des années 80 vont alors accompagner les entreprises dans leur
transformation.
D’un point de vue externe, dans un contexte nouveau de concurrence, nous le disions,
l’objectif est de valoriser l’entreprise, ses produits, de les différencier. Tout est misé sur
l’image. C’est l’âge d’or de la publicité, les budgets sont colossaux. Nous ne nous
attarderons pas sur cette partie de « communication produit », mais nous ne pouvons nous
empêcher de donner un exemple qui illustre toute la démesure de certaines campagnes de
l’époque : le spot publicitaire « Citroën Visa GTi »13
confié à l’agence de Jacques Séguéla
(RSCG) et réalisé par Jean Becker en 1985. Une Visa GTi se mesure avec un avion de chasse,
décolle du porte-avion Clémenceau, plonge dans la mer et en ressort sur le pont d’un sous-marin,
sur un générique de Julien Clerc avec des prises de vues en hélicoptère !
D’un point de vue interne, les premières priorités vont être d’expliquer l’entreprise et de
rassurer les salariés. Expliquer le fonctionnement de l’entreprise, ses activités, ses enjeux :
« les plans de com’ sont quasiment structurés sur les différentes fonctions et organisés comme
un organigramme » remarque E.Rencker dans son livre très intéressant « Le nouveau visage de
la com’ interne »14
. Rassurer, car, après les chocs pétroliers, les restructurations pour rester
compétitifs inquiètent les employés. Une certaine démotivation apparaît. Mettre en place une
culture d’entreprise semble être la réponse appropriée, analysent V.Brulois et J-M.Charpentier.
Une culture d’entreprise, d’une part pour valoriser l’image de la compagnie (« On est les
meilleurs ! ») et d’autre part pour engager les collaborateurs (« On fait partie de la même
famille ! »). Là aussi, les moyens sont conséquents ! Les supports évoluent : on passe du bulletin
d’entreprise monochrome à la quadrichromie, voire au journal interne téléphoné. C’est l’apparition
de la vidéo avec des chaînes de télévision internes (E.Rencker donne l’exemple de « Ricard
Vidéo Actualités » : quatre journalistes, une documentaliste, un technicien vidéo, deux
caméramans et quatre secrétaires pour un magazine mensuel de 25 minutes !). C’est l’époque
également des galas somptueux et des soirées dans des lieux exceptionnels, privatisés pour
l’occasion, souvent autour d’un patron charismatique qui « emporte » les foules (Bernard Tapie,
patron emblématique des années 80). Rien n’est assez grand pour valoriser l’image de
l’entreprise en pleine prospérité !
C’est à cette période aussi que les directions du personnel se renomment « direction des
ressources humaines » : « on ne gère plus le personnel, mais des individualités, des talents, des
parcours, des carrières ». 15
Dans cette approche, la communication, tant en externe qu’en
13
http://www.dailymotion.com/video/x3a2qr_pub-tv-citroen-visa-gti_ads
14
Rencker, Edouard. Le Nouveau Visage de La Com’ Interne. Eyrolles. Ressources Humaines, 2007.
15
Rencker, Edouard. Ibidem
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interne, fournit l’image d’une entreprise idéalisée, la promesse d’une entreprise qui « se
pose comme le lieu privilégié de socialisation des individus et de construction du lien
social comme l’institution sociale centrale et principal acteur de l’espace public
démocratique »16
1.2 « Années 90 » : froideur corporate et professionnalisation de la
« com’interne »
1.2.1 La naissance du « corporate »
Dans les années 90, la mondialisation de l’économie sous fond de crises politiques, sociales et
financières (guerre du Golfe en 90, records de chômage en Europe, récession en 92-93, etc.)
replonge les entreprises dans la tourmente.
La rentabilité à tout prix ! Se succèdent alors les restructurations, les plans sociaux ; les
délocalisations s’accélèrent ; le rôle de l’actionnaire est renforcé avec l’apparition de la
gouvernance d’entreprise (« corporate governance »), qui « rappelle aux dirigeants, par de
nouvelles règles du jeu, leur objectif de maximisation de la richesse des actionnaires »17
.
La complexité de cet environnement va obliger les directions de communication à
évoluer : « la créativité ne suffit plus » remarquent V.Brulois & J-M Charpentier, il faut se
professionnaliser. Deux axes vont être privilégiés selon ces deux auteurs : d’un côté une
« cartographie plus fine des publics (financiers, institutionnels, etc.) » afin d’adapter les
messages (on segmente alors les publics externes et internes) ; et de l’autre, une vision globale
de l’entreprise prise comme un tout. Ce sont les débuts de la « communication stratégique », une
manière finalement d’asseoir la légitimité de la fonction.
En externe, la communication financière devient reine : il faut démontrer la rentabilité de
l’entreprise. Cependant, il n’est pas question de publier des informations non vérifiées. De
nouveaux circuits de validation, souvent contraignants, apparaissent. Dans le même temps, il est
à noter que les budgets médias baissent en faveur des hors-médias (on parle d’ailleurs de la
crise de la publicité).
Dans l’entreprise, la « com’interne » s’organise, se professionnalise : des responsables et
des chargés de communication sont nommés. Les nouveaux services de « com’ interne » (en
1992, seuls 13 % de ces services ont plus de deux ans d’ancienneté18
) doivent mobiliser plus que
jamais des salariés qui perçoivent le décalage entre les discours idéalisés des années
précédentes et la réalité du contexte social et économique. Des salariés qui sont la cible
16
Brulois Vincent et Jean-Marie Charpentier. Ibidem
17
Klein, Olivier. “ L’évolution du principe et de la pratique de la gouvernance d’entreprise à travers les différents
âges du capitalisme.” Le Blog Note d’Olivier KLEIN, Septembre 2011.
18
Rencker, Edouard. Ibidem
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prioritaire des actions de communication interne. L’heure est à la pédagogie, on explique le
changement, les contraintes, « on sensibilise le personnel aux enjeux de l’entreprise, on répond
aux besoins d’information, on construit un esprit d’équipe » observe l’étude Inergie de 1991
(« Communication interne : 10 ans, l’âge de raison » ?) que cite D.Chauvin dans son article19
.
Cependant, les messages véhiculés en interne n’échappent pas aux circuits de validation,
la peur de la « gaffe » supprime la moindre aspérité des discours, comme le souligne
E.Rencker. Les communications sont « corporates », descendantes, formatées et froides.
L’auteur parle de la « langue de bois » qui s’initie ainsi dans les messages, sans compter la
« maladie du secret » des dirigeants, avec des résultats parfois désastreux lorsque les salariés
apprennent le rachat de leur société suite à une fuite dans la presse.
1.2.2 Les communicants internes se regroupent
On ne peut pas parler de professionnalisation sans aborder la création de l’Afci.
Face à la diversité des actions des services de communication interne, le flou de leurs missions
et pour répondre à besoin d’institutionnalisation et de professionnalisation, un professeur de
marketing de l’ESCP, Christian Michon, aidé d’un groupe de communicants, crée en 1989
l’Association Française de Communication Interne (l’Afci). Dans un article20
qui retrace l’histoire
de l’association (numéro spécial « Cahier de la communication interne » pour les 20 ans de
l’Afci), L.Hurstel, déléguée générale de l’époque, cite un texte de Christian Michon (nommé
premier président en 1989), texte qu’il nous paraît important de reprendre ici tant il résonne
encore aujourd’hui !
« L’accélération des changements, la dureté de la compétition qui s’internationalise, l’importance
croissante de l’homme au centre des ressources de l’entreprise, conduisent à une recherche plus
performante du management des organisations. La communication d’entreprise est l’une des
composantes de cette recherche. L’entreprise a besoin de communication externe pour s’affiner
et acquérir une image forte et durable, elle a besoin de communication interne pour piloter le
changement, tous ensemble et tous en même temps. La communication interne n’est pas un
simple credo incantatoire ou un outil a la mode, elle n’est pas un instrument de plaisir, mais bien
un levier de stratégie du changement, et c’est pour cela qu’aujourd’hui, elle trouve ses titres de
noblesse et légitime sa fonctionnalité dans l’entreprise, à la croisée des chemins entre les métiers
de la communication et les métiers de la gestion des ressources humaines. Pourtant si la
communication interne prend du corps et crée son territoire, elle n’est pas sans s’interroger sur sa
légitimité, sur sa place dans l’entreprise, sur son existence et son avenir ».
19
Chauvin, Didier. Ibidem
20
Hurstel, Laurence. « L’Afci À 20 Ans ! » Les Cahiers de La Communication Interne, no. 25 (décembre 2009).
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Les premières rencontres sont rapidement organisées sous forme de débats et d’ateliers.
Christian Michon, dans la première lettre d’information en 1991, exprime son souhait de « faire de
la communication interne une science appliquée et une fonction reconnue à sa juste valeur ».
Pour accélérer son développement (l’association ne compte que 20 adhérents en 1992) et mener
à bien ses missions (professionnaliser, échanger, rayonner), l’Afci s’associe avec un cabinet de
conseil en management et communication Inergie. Dès lors les adhésions s’accélèrent.
Aujourd’hui l’Afci regroupe près de 500 membres de plus 400 organisations différentes.
En 1994, l’Afci publie le premier référentiel de la fonction communication interne avec pour
objectif de cadrer la fonction et définir ses missions, ses pratiques. Ce référentiel s’articule
autour de 6 activités : investigation et études, conseils aux managers, information, animation et
coordination, organisation des manifestations, formation à la communication. Ce référentiel sera
adapté en 2005, nous le verrons plus tard, pour répondre aux évolutions des entreprises.
En 1997, est publié le premier numéro des « Cahiers de la communication interne », véritable
vitrine de l’Afci, comme l’indique L.Hurstel.
Enfin en 1999, l’Afci se dote d’un organisme de formation avec les « Universités Afci de la
communication interne » pour développer les compétences des communicants. La profession
s’est définitivement ancrée dans les organisations.
Nous pouvons citer également le travail de l’UJJEF (« Union des Journaux d’Entreprise de
France ») qui va œuvrer dans les années 80-90 à légitimer la place de la communication dans
l’entreprise et le rôle du journal d’entreprise dans cette fonction. Créée en 1947 pour fédérer les
professionnels de la presse d’entreprise, cette organisation va progressivement s’ouvrir à tous les
métiers de la communication d’entreprise. Renommé en 2003 « UJJEF — Communication et
Entreprise », et avec plus de 1 700 adhérents, elle est aujourd’hui la plus importante association
des métiers de la communication institutionnelle en France.
1.3 « Années 2000 » : maturité de la fonction communication interne et
remise en cause
1.3.1 La maturité des communicants…
Comme l’explique E.Rencker, « avec les années 2000 on passe à l’ère de la maturité ». Une
maturité qui se retrouve à tous les niveaux de la « com ‘interne » :
• Au niveau organisationnel : quand elle n’est pas rattachée aux ressources humaines, la
communication interne fait généralement partie désormais de la communication
d’entreprise ou communication institutionnelle, (ou « com’ corporate »), qui réunit toutes
les fonctions en charge de la promotion de l’entreprise (l’institution) que ce soit en externe
ou interne.
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• Au niveau des missions : face aux transformations de l’entreprise (notamment liées aux
Nouvelles Technologies de l’Information et de la communication - NTICs), l’Afci revoit en
2005 son référentiel autour de 5 missions principales comme le montre le schéma de la
page suivante.
Le référentiel Afci d’activités et de compétences du Responsable Communication Interne publié en 2005
• Au niveau des cibles : une cartographie toujours plus fine des parties prenantes permet
d’ajuster les messages. Il est à noter, comme le fait remarquer D.Chauvin, que si la cible
privilégiée de l’interne dans les années 80 était les salariés, ce sont les managers qui
intéressent les communicants dans les années 2000. Avec l’apparition de l’e-mail, l’idée
est de faire des managers des relais de l’information à tous les niveaux de l’organisation.
Un rôle qui aura ses limites, nous le verrons, les managers devenant plus en plus des
« passe-plats », par manque d’accompagnement de la part de la fonction communication.
• Au niveau des sujets : face au questionnement des publics (que nous abordons juste
après), la communication interne doit adapter ses discours. Expliquer les rouages de
l’entreprise ne suffit plus, il faut donner une vision, décrypter le rôle de l’organisation dans
la société, sa responsabilité, répondre aux nouvelles interrogations qu’amène la
Responsabilité Sociale d’Entreprise et ses enjeux de développement durable sur le plan
environnemental, sociétal ou économique. Autant de sujets que la communication interne
doit maîtriser afin de les restituer et les rendre les plus compréhensibles aux salariés.
Missions
et activités
du Responsable
de Communication
nterne
Écoute et comprend
le corps social
Conseille
le management
Élabore et fait
circuler l’information
Développe
la dynamique collective
Manage son équipe
Pilote la fonction
• Assure une fonction d’écoute informelle
• Assure une fonction d’écoute formelle
• Conseille les dirigeants
• Apporte un appui opérationnel aux managers
• Participe à la gestion de crise
• Élabore la politique d’information interne
• Pilote la réalisation du dispositif d’information interne
• Fait vivre et évoluer la culture interne
• Organise le débat
• Crée des événements
• Manage l’équipe de communication interne
• Anime et gère le réseau des communicants
• Négocie et élabore les budgets de communication
interne
• Assure la veille externe sur les pratiques de
communication
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• Enfin au niveau des pratiques : la généralisation de l’usage des NTICs au sein des
entreprises, comme nous le verrons en deuxième partie, donne les moyens à la
« com’interne » de renforcer son dispositif de diffusion. Elle adopte ainsi rapidement un
certain nombre de nouveaux outils qui lui permettent d’adapter les messages (mais aussi
leurs formes) selon les cibles et les objectifs de communication : e-mails d’information,
Intranet, blogs des dirigeants, etc.
1.3.2 … et la maturité des publics
Si les NTICs, notamment grâce à Internet et aux e-mails, permettent aux entreprises de
communiquer plus facilement et plus efficacement, elles fournissent également aux publics
(qu’ils soient externes ou internes) une formidable source d’informations, de partage qui
va désacraliser l’image de l’entreprise idéalisée, « toute-puissante » et amener des
questionnements sur les messages qu’elle transmet.
Ainsi l’actualité de la fin des années 90 et du début des années 2000, ponctuée de scandales
écologiques (Erika en 1999), sanitaires (grippe aviaire en 2001) ou financiers (affaires Enron en
2001 ou WorldCom en 2003, patrons surpayés) dévoile les dérives des entreprises. Des
entreprises et des dirigeants à la recherche d’une rentabilité à tout prix, dans un contexte de
mondialisation et de dérèglementation économique. Des scandales qui auront deux
conséquences majeures :
• l’entreprise doit désormais rendre des comptes : d’abord aux régulateurs et
réglementations mis en place pour endiguer ces dérives, mais aussi aux ONG
(Organisations Non Gouvernementales), aux associations de consommateurs, etc.,
véritables, « contre-pouvoirs » qui s’appuient sur Internet pour mieux s’organiser, informer
et attaquer l’image des organisations peu scrupuleuses. Le concept de Responsabilité
Sociale d’Entreprise (RSE), apparu dans les années 50 et que le sommet de la Terre à
Johannesburg en 2002 remet en avant, amène à revoir la manière dont la performance
des entreprises est mesurée : la performance économique ne suffit plus, il faut aussi
prendre en compte leurs performances sociales et environnementales.
• « L’entreprise n’est plus crue sur parole » : comme le remarquent V.Brulois &
J-M.Charpentier, le décalage entre l’actualité et les messages véhiculés par les
entreprises délégitime le discours de ces dernières. Un décalage encore aggravé, lorsque
« flairant » l’impact de la RSE sur l’opinion publique, certaines organisations se sont
« engagées » dans cette voie, sans aucune conviction sociale, mais avec la seule volonté
de parfaire leur image et d’optimiser leurs profits. Mais les « contre-pouvoirs » qu’ils soient
officiels ou non officiels « veillent », vérifient l’information, la confrontent et surtout
partagent leurs analyses !
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1.3.3 Les discours internes remis en cause
En interne, les salariés ne sont plus naïfs. D’une part, ils ont accès à d’autres sources
d’informations que celles fournies par leur entreprise, ils peuvent vérifier les messages qui
circulent ! La langue de bois n’a plus sa place dans les organisations ! D’autre part, la
« communication » qui était réservée jusque-là aux dirigeants et aux services de « com’interne »
fait partie à présent du quotidien de tous les salariés. Le travail se fait en communiquant, à tous
les niveaux de l’organisation : échanges d’e-mails, réunions, séminaires, etc. Se crée alors une
communication de terrain bien éloignée de l’information formatée et descendante véhiculée par la
« com’ », dont la portée s’essouffle peu à peu. Un essoufflement symptomatique du fossé qui se
creuse entre le discours des dirigeants et les besoins des salariés. V.Brulois & J-M.Charpentier
citent d’ailleurs une enquête TNS–Sofres–Publicis Consultant de 2010 indiquant « que 87 % des
salariés en France se disent convaincus que les intérêts des dirigeants et des salariés ne vont
pas dans le même sens ».21
Des salariés dont le rapport au travail évolue également, avec
l’arrivée de la loi Aubry en 2002 sur la Réduction du Temps de Travail qui selon l’ANACT
(L’Agence Nationale de l’Amélioration des conditions de travail) « conduit au développement de
la flexibilité et à une conciliation des temps entre vie professionnelle et vie privée ».
Au moment même où la communication interne atteint un certain niveau de maturité, les
discours qu’elle véhicule, toujours centrés sur l’image, sont remis en cause par des
salariés qui attendent plus d’adéquation avec la réalité du terrain, plus d’authenticité, plus
d’humanité et plus d’interactions, à l’image finalement de la communication dont ils sont
acteurs au quotidien dans leur travail.
1.4 « Années 2010 » : bouleversements et transition
1.4.1 Une société en pleine transition
Certes, la communication interne réagit : les Intranets deviennent « interactifs » (les
collaborateurs peuvent donner leur avis, « liker », commenter les articles publiés), les réseaux
sociaux s’installent dans les organisations (avec divers niveaux d’adoptions selon les
entreprises). Elle va également faire évoluer son dispositif évènementiel notamment à travers les
initiatives d’engagements solidaires (pour supporter des associations caritatives) auxquelles sont
conviés les salariés, donnant une dimension plus humaine à leurs activités. Mais dans la majorité
des cas, ces approches traduisent simplement l’utilisation de nouveaux canaux de diffusion, le
traitement de nouvelles thématiques qui s’ajoutent à celles existantes.
21
Romagnan, Barbara. Rapport d’enquête de la commission d’enquête sur l’impact sociétal, social, économique et
financier de la réduction progressive du temps de travail. Assemblée nationale, 2014.
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Il manque une réflexion en profondeur sur les changements à apporter pour s’adapter aux
transformations que vit la société depuis la fin de la dernière décennie et que nous avons
abordées dans l’introduction.
Nous voyons dans ces transformations trois grandes tendances qui bouleversent les modèles
existants : la prolifération des communautés et des réseaux, l’abolition des frontières,
l’accélération des pratiques et l’explosion des contenus.
La prolifération des communautés et des réseaux : l’avènement du « Web social », dont parle
N.Vanbremeersch22
, qui « relie directement les internautes » et « qui répond à une logique
d’échange, de partage, de conversation, de rencontre », amène les gens à se connecter, se
regrouper par métiers, intérêts, convictions politiques, cultures, hobbies, etc. Des communautés
qui ne sont pas hermétiques et qui interagissent. « Les nouveaux services (blogs, réseaux
sociaux) replacent l’individu au cœur de l’action, en lui permettant de se mettre en réseau avec
d’autres ». Comme l’écrit D.Serfaty (le fondateur et PDG de Viadéo) dans la préface du livre
« Facebook, Twitter et les autres… »23
: « avec les réseaux sociaux, le Web s’humanise, les
échanges se concrétisent. Des échanges dont la richesse permet désormais à tout à chacun de
partager bien plus que de simples mots, pour échanger des idées, des lectures, des expériences
ou des opinions ». L’entreprise n’échappe pas à ce nouveau mode de fonctionnement : les
communautés se créent à tous les niveaux de l’organisation bouleversant les frontières
comme nous le verrons un peu après. Il est important de noter l’impact de ces communautés sur
l’espace public de J.Habermas dont Thierry Paquot 24
nous donne la définition : « L’espace public
correspond à la publicité d’une conviction privée qui vient alimenter le débat collectif et participer
à l’élaboration d’une opinion publique ». Dès lors, tous ces échanges constituent un
« formidable élargissement de l’espace public » comme le remarque N.Vanbremeersch, voire
un éclatement d’un espace public unique en une multitude d’espaces publics à grandeurs et
géométries variées.
L’abolition des frontières : Internet en connectant les individus a aboli un grand nombre de
frontières qu’elles soient physiques ou culturelles ; frontières géographiques (les individus se
connectent instantanément entre eux, quelle que soit leur localisation), frontières sociales (les
individus échangent, quel que soit leur milieu social), frontières « générationnelles », frontières de
« connaissances » (certaines connaissances réservées auparavant à une certaine élite sont
aujourd’hui accessibles et partagées par tous), etc. Au sein de l’entreprise également les
frontières sautent : frontières « hiérarchiques », « professionnelles (les différents métiers de
l’entreprise sont amenés à échanger entre eux), « organisationnelles » (les échanges se font
22
Vanbremeersch, Nicolas. De La Démocratie Numérique. Médiathèque. Paris: Seuil : Presses de Sciences Po, 2009.
23
Balagué, Christine & David Fayon. Facebook, Twitter et les autres... 2e Revue et complétée. Pearson, 2012.
24
Paquot, Thierry. L’espace public. Nouvelle édition Paris: La Découverte, 2015.
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entre les différents départements d’une entreprise). Enfin, l’entreprise n’est plus un vase clos :
d’une part, les salariés échangent régulièrement avec les différentes parties prenantes (clients,
fournisseurs, associations, etc.), mais surtout ils n’hésitent pas à échanger sur leurs activités
privées dans leur milieu professionnel et vice-versa, créant une véritable porosité « interne-
externe », sur laquelle nous reviendrons. « Le rapport intérieur/extérieur a changé, et c’est
souvent la culture de l’extérieur qui s’impose » précise D.Wolton25
. Une disparition de frontières
entre la sphère privée et la sphère professionnelle qui se fait également ressentir au niveau des
usages liés à la technologie, comme le souligne B.Menard26
: « alors qu’auparavant, et ce fut le
cas pendant plusieurs dizaines d’années, les technologies de l’information dédiées au monde de
l’entreprise tiraient le marché, en terme d’innovations et d’usages, aujourd’hui c’est quasiment
l’inverse : les usages privés, par des utilisateurs disposant d’un niveau élevé de maturité,
bousculent les entreprises ».
L’accélération des pratiques et l’explosion des contenus : comme nous le disions dans
l’introduction, les nouvelles technologies ont modifié notre rapport au temps, tout s’accélère.
« L’humanité produit autant d’informations en deux jours qu’elle ne l’a fait en deux millions
d’années »27
. Les deux schémas qui suivent illustrent ce phénomène. Le premier montre le temps
qu’il a fallu à différents « médias » pour atteindre un niveau d’adoption de masse (50 millions
d’utilisateurs) :
Temps pour atteindre 50 millions d’utilisateurs
28
La comparaison est impressionnante : quand il a fallu 38 ans à la radio pour atteindre ce niveau,
il n’a fallu qu’un mois au jeu Angry Birds (application pour téléphones mobiles) pour y arriver.
25
Wolton, Dominique. « Pourquoi La Communication Des Entreprises Est Devenue Inaudible. » Le Monde Economie,
novembre 2012.
26
Ménard, Bruno. L’entreprise numérique : Quelles stratégies pour 2015 ?Editions Nuvis, 2010.
27
Gabriel, Siméon. « Données Le Vertige. » Libération, décembre 2012.
28
Schéma construit à partir des sources suivantes : http://fr.slideshare.net/ValaAfshar/50-stunning-mobile-
statisticsvalaafshar & http://visual.ly/reaching-50-million-users
Angry&Birds&
Instagram&
Ipod&
Facebook&
Internet&
Télévision&
Radio&Radio&
Télévision&
Internet&
Facebook&
Ipod&
Instagram&
Angry&Birds&
38&ans&
13&ans&
4&ans&
3.5&ans&
6&mois&
1&mois&
3&ans&
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Le deuxième schéma nous indique l’activité « frénétique » que l’on peut observer chaque minute
sur Internet :
Une minute sur Internet
29
1.4.2 Une fonction en pleine transition
Quel modèle doit alors adopter la communication interne ? Face à ces communautés qui
communiquent et interagissent entre elles sans intermédiaires, quel rôle doit-elle jouer ?
Comment, face à la démultiplication des flux, des émetteurs et la rapidité de la circulation de
l’information, la communication interne doit-elle se placer pour assurer un minimum de
cohérence, tout en répondant aux besoins d’authenticité des salariés ?
Enfin, peut-on encore parler de « com’interne » alors que, nous l’avons vu, les frontières « interne-
externe » s’efface progressivement ? V.Brulois & J-M.Charpentier, dans leur ouvrage, parlent de
communication en entreprise pour aborder cette fonction. Non pas que la communication interne
disparaisse (et nous verrons dans les parties suivantes qu’elle doit être plus que jamais « au cœur
des projets de l’entreprise et non plus seulement en appui »30
), mais plutôt dans un souci de
précision de langage et afin de ne pas restreindre ses actions à « l’interne » seulement, car tout
l’enjeu est là : en améliorant la communication au sein de l’entreprise, l’objectif est aussi de
pouvoir véhiculer en externe la véritable identité de l’organisation. Nous utiliserons donc cette
expression également dans la suite de notre document.
29
Schéma construit à partir des sources suivantes : http://www.blogdumoderateur.com/60-secondes-Internet-2014/ &
http://www.directioninformatique.com/wp-content/uploads/2013/03/Intel_WhatHappensInInternetMinute.jpg
30
Brulois Vincent et Jean-Marie Charpentier. Ibidem
4	millions	
de	recherches	
Google	effectuées
347	000
photos	partagées	
sur	WhatsApp
277	000
tweets envoyés
216	000
photos	partagées	sur	
Instagram
8	300
vidéos	Vine	
partagées
3	500
Images	épinglées
sur	Pinterest
72h
de	vidéo	téléchargées	
sur	YouTube
48	000
applications	
téléchargées	sur
l’Apple	store
26	400
nouvelles	revues
postées	sur	Yelp
23	300h
de	connexion
sur	Skype
24,6		millions	
de	contenus	partagés
sur	Facebook
204	millions	
d’e-mails	envoyés
60	
secondes
sur
Internet
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2. Le triptyque « Collaboratif, Collaborateur, Communicant » :
un angle d’analyse pour mieux comprendre
les enjeux de la communication interne
Nous venons de le voir, les impacts des technologies sur la société (notamment à travers la
prolifération des communautés et des réseaux, l’abolition des frontières, l’accélération des
pratiques et l’explosion des contenus) amènent la fonction « communication en entreprise » à
s’interroger sur son rôle. Pour essayer d’appréhender ses nouveaux enjeux, nous avons orienté
nos recherches autour de 3 axes :
• Le collaboratif : pour comprendre ce que nous appelons « l’ère collaborative » et
comment l’avènement des outils collaboratifs, en connectant les individus et en abolissant
les frontières, bouleversent les modèles existants et les modes de communication tant en
dehors qu’au sein de l’organisation,
• Le collaborateur : pour comprendre les nouveaux comportements d’un collaborateur qui
jusqu’à présent avait un rôle passif et qui est aujourd’hui un contributeur à part entière en
attente d’une communication plus authentique, plus humaine, plus interactive,
• Le communicant : pour comprendre les conséquences de ces bouleversements sur son
métier, l’évolution de ses missions face à une multiplicité d’émetteurs et une accélération
du temps.
2.1 Le collaboratif au cœur des organisations
« Pour moi, ce n’est pas l’ère de l’information, c’est l’ère de l’intelligence en réseau. C’est une ère
de grandes promesses, une ère de collaboration »31
explique D.Tapscott, un des spécialistes
mondiaux de l’innovation et de l’économie digitale, auteur avec A.Williams du best-seller
« Wikinomics ».
D.Tapscott résume parfaitement le changement que nous vivons : la collaboration est
aujourd’hui au cœur de nos modes de fonctionnement et bouleverse nos modes de
communication. Nous avons donc pensé qu’il était essentiel de comprendre ces
transformations, leurs impacts sur l’entreprise et les mécanismes sociaux de la collaboration.
Nous terminerons par quelques exemples d’approches collaboratives que nous avons pu
collecter lors des rencontres avec des professionnels de la communication.
31
Tapscott Don : Quatre principes pour un monde ouvert, TEDx, juin 2012.
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2.1.1 L’émergence de l’ère collaborative et son impact sur l’entreprise
De même que nous avons placé la communication interne dans une perspective historique, il
nous est apparu important d’appréhender les grandes étapes qui ont amené à ce que nous
appelons « l’ère collaborative » (l’idée n’est pas d’être exhaustif, mais de mettre en avant les
grandes dates qui ont progressivement changé les usages). Nous verrons ensuite l’impact de ces
changements au sein des organisations.
Nous commençons par une infographie qui résume l’évolution des outils collaboratifs, car depuis
l’apparition du « Web » en 1989, ces outils ont progressivement transformé et façonné les modes
de communication, amenant des nouveaux usages collaboratifs. Nous avons construit cette
infographie sur la base d’informations collectées sur Internet depuis un grand nombre de sources
que nous ne pourrons citer ici. 32
32
Nous proposons néanmoins de visiter le très intéressant site « Blog du modérateur »
(http://www.blogdumoderateur.com) qui publie régulièrement des études et statistiques sur les usages du « Web ».
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des	« billets »	sur	sa	propre	actualité,	celle
d’un	sujet	ou	d’une	profession	en	particulier.
Blogs1999
Le	« web »	devient	« collaboratif »	(on	parle	
de	« web	2.0 »)	avec	notamment	le	lancement	de	
« Wikipédia », projet	d’encyclopédie	universelle	à	
laquelle	tout	internaute	peut	contribuer
Wikipédia 2001
Milliards175 d’e-mails échangés
quotidiennement
dans le monde
de pages vues en2014
sur REDDITun	des	plus	gros	
forums	de	discussions		actuels
Milliards3
de requêtes effectuées
tous les jours
(10 000 en 1998)
de blogs créés tous les
mois toutes plateformes
confondues
Aujourd’hui
Millions410 de visites effectuées
tous les jours
(17 millions d’articles)
Milliardde sites Internet1 Milliardsd’internautes3
Aujourd’hui
Milliards75
Millions3
L’avènement	des	outils	collaboratifs
Aujourd’hui
Le	« web	2.0 »	prend	de	la	vitesse	avec	la	
naissance	des	réseaux	sociaux	et	du	
« microbloging »	qui	bouleversent	complètement	
l’usage	d’Internet.	Chaque	internaute	peut	
devenir	acteur	du	réseau,	partageant
ses	expériences,	ses	humeurs,	ses	goûts,	
son	actualité	et	se	connectant	à	une	multitude
de	communautés.	L’information	circule	
et	se	propage	 à	une	vitesse	inédite.	
Les	réseaux	sociaux 2002
2003 Linkedin Millions380d e m e m b r e s
Aujourd’hui
2004 Facebook d e m e m b r e s
Milliard1,4
Aujourd’hui
2005 YouTube d e m e m b r e s
Milliard1
Aujourd’hui
2006 Twitter d e m e m b r e s
Millions300
La	sortie	 de	l’iPhone révolutionne	l’accès	à	
Internet,	en	permettant	à	chacun	d’être	
connecté	n’importe	où,	n’importe	quand.
Associé	au	« web	2.0 »,	l’Internet	mobile	accélère	
la	transformation	de	la	société	
L’Internet	mobile 2007
Aujourd’hui
Milliard1,2 Smartphonesvendusdans
le monde en2014 (toutes
marques confondues)
Foursquare introduit	la	notion	de	géolocalisation	
dans	les	réseaux	sociaux	et	donne	ainsi	la	
possibilité	à	ses	membres	d’indiquer	où	ils	se	
trouvent	et	de	recommander	des	lieux	de	sortie	
(restaurants,	commerce,	etc.)..
Géolocalisation2009
Aujourd’hui
d ’ a v i s
sur Tripadvisor «la
plusgrande agencede
voyagesdumonde »
Millions125 Visiteurs	/mois
Millions260
Les	applications	mobiles	de	messagerie	
instantanée	connaissent	un	succès	fulgurant
Aujourd’hui
2010 Instagram de photos partagées en 2014
Milliards30
Aujourd’hui
2010 Pinterest d e m e m b r e s
Millions100
Aujourd’hui
2011 Google+ d e m e m b r e s
Millions350
Aujourd’hui
2009Whatsapp
700 millions d’utilisateurs,
envoyés chaque jour
10 milliards de messages
Aujourd’hui
2011Snapchat
100 millions d’utilisateurs,
envoyés chaque jour
2milliards demessages
Aujourd’hui
2011Wechat*
700 millions d’utilisateurs,
envoyés chaque jour
30 milliards demessages
Mémoire professionnel – Page 26/117
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(* Wechat que nous mentionnons dans l’infographie de la page précédente est principalement
utilisé en Chine33
où en plus de la messagerie instantanée, l’application offre des services
d’appels audio/vidéo, de partage de photos, de portefeuilles électroniques, etc.)
Il est intéressant de noter que la majorité de ces outils ou réseaux sociaux est gratuite et
extrêmement facile à utiliser.
L’explosion sur Internet de ces nouvelles pratiques de communication, d’échanges et de
partages bouleverse également les modes de consommation. On parle alors d’économie
de partage ou d’économie collaborative qui comprend deux grandes notions :
• le financement participatif (ou « crowdfunding » en anglais) qui offre la possibilité à
des particuliers de financer des projets (KickStarter, Ulule, KissKissBankBank,
MyMajorCompany. etc.). En 2014, environ 300 plateformes dans le monde ont ainsi
récolté plus de 16 milliards de dons et de prêts. À noter, également le
« crowdspeaking » : au lieu d’investir de l’argent dans un projet, les internautes sont
invités à soutenir un projet sur les réseaux sociaux. Thunderclap, le leader mondial du
secteur compte plus de 3 millions d’internautes qui ont touché près de 3,5 milliards de
personnes à travers le monde depuis la création du site. En 2013, Barack Obama a lancé
une campagne sur Thunderclap pour demander aux Américains d’adresser un message
« antiviolence » au Congrès afin que ce dernier accepte les propositions du Président.
• La consommation collaborative : les internautes achètent, échangent, partagent ou
louent entre eux des biens ou des services. Ebay fut l’un des premiers en 1995 à
proposer aux particuliers de vendre leurs biens sur Internet sous forme d’enchères. En
1999 le site « CouchSurfing » propose à ses membres de dialoguer et demander
l’hospitalité aux autres membres, puis en 2000 Zipcar propose la location de voitures
entre particuliers (le site est maintenant le leader mondial de l’autopartage : une flotte de
véhicules est mise à disposition en libre-service à ses membres). Tous les secteurs sont
aujourd’hui impactés : la location chez l’habitant (ex : Airbnb lancé en 2008, près de
1 million de chambres proposées à l’heure actuelle), le covoiturage (ex : le site français
Blablacar lancé en 2006, 10 millions de membres à ce jour), la location de biens (ex : Zilok
en 2007, « l’Ebay de la location », représente aujourd’hui près de 350 000 objets à la
location), le stockage (ex : le site français Costockage représente 200 000 m3
de stockage
cumulé), etc. Ce phénomène touche aussi les services : Taskrabbit un des pionniers de
« l’emploi à la demande » (ou « jobbing »), lancé en 2008 aux États-Unis, met en relation
33
Il intéressant de noter que la Chine, censurant l’accès à la plupart des réseaux sociaux mondiaux, a développé ses
propres réseaux et applications : Qzone l’équivalent de Facebook (630 millions de membres), Weibo l’équivalent de
Twitter (500 millions de membres), Line l’équivalent de Whatsapp (450 millions d’utilisateurs), etc.
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des personnes en recherche de « petits jobs » avec des particuliers qui ont des offres à
proposer (« Je me propose », site français lancé en 2012, propose 100 000 annonces à
ses 250 000 membres »). Ce sont aussi des plateformes d’échanges de services qui sont
proposées comme en France « Le Bon échange » (qui reprend le principe du site de
petites annonces « Le Bon Coin », mais pour l’échange), « LesTrocsHeures » une
initiative lancée par Castorama pour l’échange d’heures de bricolage, mais aussi des
réseaux d’entraide, etc.
Ce sont ainsi des centaines de sites de finance participative ou de consommation collaborative
qui sont à présent à la disposition des particuliers34
.
Un autre aspect de cette économie collaborative : le « co-working ». Ce sont des lieux de
travail où se réunissent des travailleurs indépendants qui vont pouvoir non seulement partager le
coût des infrastructures (locaux, matériels informatiques, etc.), mais également partager leurs
expériences, leurs compétences, leurs idées, tout en renforçant leur réseau. Véritables espaces
de travail collaboratif, ces nouveaux lieux favorisent la créativité, l’ouverture, etc. Une trentaine
d’espaces de co-working existent aujourd’hui à Paris, dont les plus connus sont « La mutinerie »,
« Numma », « Player », etc. On retrouve également la notion de « Fab’lab », des ateliers de
fabrication (« Fabrication laboratory » en anglais) partagés, ouverts à tous, le plus souvent
équipés de matériels de type « impression 3D ».
Selon une étude du cabinet PricewaterhouseCoopers35
, « Le marché mondial de l’économie
collaborative devrait atteindre près de 335 milliards de dollars d’ici à 2025, contre 15 milliards en
2014 ».
Nous voyons que les transformations de ces 15 dernières années ont profondément changé
le quotidien des individus habitués désormais à partager, à donner leur avis, à contribuer.
Chaque individu a aujourd’hui la possibilité de collaborer à une communauté mondiale, sans
frontières, sans limites, en mutation permanente.
Qu’en est-il dans l’entreprise ?
À la fin des années 1990, l’usage des messageries électroniques se démocratise au sein
des entreprises et accompagne la naissance des grands groupes internationaux de l’époque.
Très vite, « l’e-mail » devient un des outils quotidiens principaux pour échanger des informations
dans l’organisation, connectant les personnes, quels que soient leur pays, leur entité, etc. Il
représente, à cette époque, un des premiers outils facilitant la coopération. Pour la
34
Nous vous invitons à regarder le Blog ConsoCollaborative et notamment sa page. « 100 sites de consommation
collaborative », janvier 2013. http://consocollaborative.com/1704-100-sites-de-consommation-collaborative.html.
35
Communiqué de presse PWC. « Le marché mondial de l’économie collaborative devrait atteindre près de 335
milliards de dollars d’ici à 2025, contre 15 milliards en 2014 », mai 2015
Mémoire professionnel – Page 28/117
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communication en entreprise qui se professionnalise, l’e-mail un outil idéal pour diffuser,
facilement et rapidement des informations à un maximum de personnes. D’autant plus idéal
qu’il est alors plus facile et moins risqué, la communication devenant « corporate », d’envoyer un
e-mail que d’organiser la prise de parole d’un dirigeant qu’on ne maîtrise pas totalement. Les
milliards d’e-mails échangés quotidiennement semblent avoir dénaturé le contenu des échanges
(« mon collègue m’a envoyé un e-mail alors qu’il est dans le bureau d’à côté… »). Une saturation
se fait ressentir par les utilisateurs (« je reçois pas loin de 300 e-mails par jour, je ne sais plus
comment les traiter, si je ne veux pas passer la journée à ça ! »). À noter aussi l’arrivée
quelque temps après, de la messagerie instantanée, qui permet aux collaborateurs
d’échanger en direct des messages texte.
Enfin, la messagerie d’entreprise deviendra mobile avec l’apparition du « BlackBerry » en
1999 (près de 46 millions d’utilisateurs en 2010) puis des smartphones.
L’entreprise s’équipe également d’outil d’audio et visioconférence permettant d’organiser
des réunions entre collaborateurs de différents sites. Les outils vont évoluer pour permettre aux
utilisateurs d’organiser des réunions « virtuelles » avec d’autres collègues, de se connecter à des
visioconférences depuis leur poste de travail (des « Skype » d’entreprise comme Webex ou plus
récemment Lync).
Ces premiers outils, qu’il s’agissent des messageries (traditionnelles ou instantanées) ou
d’audio/visioconférence, vont progressivement favoriser une communication de terrain, liée à
l’activité quotidienne des collaborateurs, créant ainsi un décalage, nous l’avons dit, avec la
communication descendante de plus en plus « aseptisée ».
Au début des années 2000, les « Wikis » d’entreprise vont apparaître et vont apporter les
premières approches collaboratives à proprement parler au sein des organisations, à
travers une collaboration interne autour de la connaissance et du savoir. À la manière de
Wikipédia, les procédures, les fonctionnements internes sont ainsi décrits et mis à jour sur
ces « Wikis ». Les experts, notamment les informaticiens, aiment également à échanger au sein
de forums de discussions internes autour de problématiques techniques.
À la même époque, les blogs se répandent dans l’organisation, notamment à travers les
blogs de dirigeants, ou les blogs d’experts. Certaines sociétés vont pousser la pratique,
comme IBM avec ses plus de 26 000 blogs internes / externes qui permettent aux experts de la
firme américaine de partager leurs connaissances, aux dirigeants et managers d’exprimer leur
vision, leur questionnement, comme nous expliquait Pierre Milcent, responsable France des
offres collaboratives d’IBM.
Toujours à partir de 2000, les Intranets prolifèrent en entreprise, après leurs premières
apparitions dans les années 1995. Ce sont des sites « Web » internes, inaccessibles depuis
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l’extérieur mis en place pour une entité, un projet, une activité transversale, etc. et permettant de
publier des informations accessibles à une large audience ou des publics plus restreints, de mettre
ces informations à jour en temps réel, etc. Pour la « com’interne », c’est un excellent moyen de
mettre à disposition des collaborateurs toutes les informations concernant l’entreprise, son
organisation et ses métiers, son actualité interne et externe. Néanmoins, le décalage de ces
nouveaux canaux (ventant la « grandeur » des organisations et de leurs réussites) et les scandales
que connaissent les entreprises à cette époque creusent encore plus la distance entre la vision du
terrain et celle des dirigeants. D’autant plus que les collaborateurs ont la possibilité à travers Internet,
nous l’avons vu, de comparer les discours de l’entreprise avec celui des journalistes.
Ce n’est qu’à partir de 2010 que les pratiques du « Web 2.0 », après quelques balbutiements
en entreprise, se démocratisent. Les Intranets se regroupent pour former des « portails », ils
deviennent collaboratifs en s’ouvrant aux commentaires et avis.
En parallèle, les réseaux sociaux d’entreprise sont mis en place, soit pour une partie de
l’organisation, soit de manière transversale. À titre d’exemple, en France, une étude de 2015 montre
que 80 % des sociétés du CAC 40 ont installé un réseau social36
.
Les collaborateurs qui ont répondu à notre questionnaire, confirment que ces solutions sont bien
présentes :
Est-ce que votre entreprise a déjà mis en place :
… des Intranets ou blogs ouverts aux commentaires ? … un réseau social d’entreprise ?
Il est intéressant de noter qu’environ 5 % des personnes interrogées ne savent pas si ces
solutions ont été installées ou non dans leur environnement.
Cependant, bien que ces outils offrent de nouveaux espaces de dialogue et facilitent la
circulation de l’information, les organisations ne sont pas forcément plus collaboratives pour
autant. Si certains modes de fonctionnement évoluent, les outils seuls ne suffisent pas à
changer les comportements au sein de l’entreprise.
36
Crochet Antoine. « 80% des groupes du Cac 40 équipés d’un réseau social d’entreprise », Journal du Net, février
2015. Cependant cette étude est relativiser puisque la notion de réseau social est prise au sens large, incluant des
outils comme « Sharepoint », etc.
77%#
18%#
5%#
Oui Non
Ne sait
pas
75%$
21%$
4%$
Oui Non
Ne sait
pas
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Reproduction interdite sans autorisation préalable
Nous avons trouvé deux causes principales au problème d’évolution de ces comportements.
Premièrement, ces outils ont été introduits dans des organisations pyramidales qui ont des
modes de fonctionnement hiérarchiques depuis des années. Notamment en France, où le
management reste fortement attaché à ce modèle pyramidal. Comme l’explique le sociologue
D.Martin37
« La tradition de l’entreprise française n’est pas d’accepter le collectif, sauf à l’encadrer
et le soumettre à l’autorité hiérarchique. Il faut donc ici accomplir une profonde révolution que les
décennies de taylorisme ont retardée : la reconnaissance des collectifs comme acteurs de
l’innovation et de la transformation des régulations organisationnelles ». Une révolution à la fois
managériale mais également au niveau des salariés et de leur perception de leur rôle sur
l’organisation. Un véritable changement que le communicant doit accompagner, comme
nous l’aborderons plus tard. B.Duperrin constate, en effet, que « les entreprises ont fait perdre à
leurs collaborateurs la conscience de leur impact sur l’activité de l’entreprise » et que
« l’entreprise d’aujourd’hui voit le sens de la collaboration bridée par son business-modèle même
et la conception de son offre ».38
J-F.Noubel, cofondateur d’AOL France et fondateur du
Collective Intelligence Research Institute, va plus loin : « le modèle pyramidal est dépassé : il ne
produit guère de résultats probants sur le plan économique et provoque des tensions, des
blocages et du gâchis sur le plan humain »39
. Du coup, s’il est facile pour un individu, à titre
personnel de partager, de collaborer, d’exprimer ses idées sur Internet, la démarche au
sein de l’entreprise, en tant que collaborateur est loin d’être évidente et naturelle. Nous le
verrons, cela nécessite la mise en place d’un environnement propice aux échanges, basé sur la
bienveillance, la confiance et la reconnaissance. Un environnement promu à la fois par la
communication, les dirigeants, les RH et le management. Par ailleurs, ces organisations
pyramidales, en favorisant les silos, génèrent des modes de fonctionnement diamétralement
opposés aux réseaux sociaux présents sur Internet : dans ces derniers, la pratique par défaut, est
de partager et de choisir spécifiquement ce qui est privé alors que dans l’entreprise, par défaut
tout est privé, et il faut spécifier ce qui est partageable.
Deuxièmement, ces outils, au fil des années, se sont ajoutés les uns aux autres sans
forcément de réflexion globale quant à leur utilisation. Il s’agit plus de nouveaux canaux,
que de nouveaux modes de communication et de collaboration, à proprement parler. « Si on
trouve de nombreux réseaux sociaux d’entreprise, la tentation de les utiliser comme des Intranets
est grande, car la plupart des entreprises rencontrent des difficultés à appréhender ces nouveaux
espaces d’expression » rappellent A.Poncier et S.Faure de Publicis Consultants dans leur livre
37
Dominique Martin. Démocratie industrielle : La participation directe dans les entreprises. PUF, 1994
38
Bertrand Duperrin. « L’entreprise de demain sera collaborative, celle d’aujourd’hui non ». Bloc-Notes de Bertrand
Duperrin, avril 2015.
39
Afci, « Les nouvelles formes de l’intelligence collective (Soirée débat -Synthèse des échanges) », septembre 2014.
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blanc sur la transformation digitale40
. Ainsi, la circulation de l’information reste
principalement descendante, à travers de nombreux canaux. Une multiplicité qui pose
problème aux collaborateurs se retrouvant à face à un nombre croissant de sources
d’informations et qui souhaiteraient d’ailleurs voir converger ces canaux (nous présentons
quelques verbatims en ce sens un peu plus tard, p.48).
Lorsque nous interrogeons les personnes sur les usages qu’elles ont de ces solutions, les
résultats indiquent que ces outils sont pour l’instant plus des outils de consultation que des outils
de contribution.
Quels usages de ces offres avez-vous ?
Nous le disions, les outils ne suffisent pas : « passer en mode collaboratif » nécessite une
véritable « approche collaborative » avec une volonté de redonner la parole aux
collaborateurs. Marie-Gaëlle Michelin nous expliquait quelle avait été la démarche de
Castorama, lorsqu’elle en était directrice de la communication interne : « en introduisant du
collaboratif, notre objectif était de donner la parole aux collaborateurs, de libérer leurs initiatives,
mais surtout de renforcer la confiance en eux ou de la développer, puisque jusqu’alors on ne
faisait jamais appel à eux, à leurs idées ».
Une telle approche peut prendre plusieurs formes.
Dans la majorité des entreprises concernées, ce sont des projets collaboratifs pour
accompagner des changements (notamment des projets liés à la transition numérique et ses
impacts sur les métiers), résoudre des problématiques internes ou externes ; des projets de
débats, rencontres, concours à idées, etc. Sur ce dernier point, nous pouvons noter l’apport de
l’innovation participative dans ces nouveaux modes de collaboration. Présente depuis
longtemps dans les entreprises (les premières « boîtes à idées » sont apparues chez Michelin et
des constructeurs automobiles dans les années 80), l’innovation participative est une méthode de
management qui consiste à solliciter les collaborateurs afin de faire émerger des idées pour
40
Poncier, Anthony et Sébastien Faure. « Transformation digitale : effet de mode ou révolution ? » Publicis
Consultants, juillet 2015.
0
10
20
30
40
50
60
Des intranets ou blogs ouverts aux commentaires Un réseau social d'entreprise (équivalent de Facebook, etc.) Une démarche collabo
Jamais Rarement Souvent Régulièr. Jamais Rarement Souvent Régulièr.
Je contribue Je consulte
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améliorer le fonctionnement de l’organisation. Une méthode qui s’est enrichie des nouvelles
possibilités d’interactions qu’offrent aujourd’hui les solutions que nous avons présentées.
L’innovation participative a pu ainsi « créer les conditions favorables à l’expression des salariés »
et « contribuer à améliorer les rapports entre salariés et la hiérarchie » remarquent L.Garcia et
D.Peganow, auteures du livre « Innovation participative : remettre l’humain au cœur de
l’entreprise »41
.
Dans certains cas, l’approche collaborative peut être globale : l’ensemble des modes de
fonctionnement de l’entreprise est alors repensé. Une telle démarche implique un fort
changement à tous les niveaux de l’organisation.
Nous présenterons quelques exemples de ces approches collaboratives (qu’elles soient globales
ou sous forme de projets) à la fin de cette première partie.
Enfin, n’oublions pas que le collaboratif ne se fait pas uniquement à travers des outils et
des réseaux sociaux. Au contraire, les rencontres « réelles », qu’elles soient formelles
(réunions, séminaires, séances de brainstorming, de créativité, etc.) ou informelles (café,
déjeuner, célébrations, etc.), sont essentielles, car elles favorisent les échanges d’émotions,
via le contact humain, des échanges indispensables à la construction du collectif (nous
reviendrons sur ce point après).
À travers notre questionnaire, nous avons également voulu comprendre le comportement des
collaborateurs face à ces approches :
Est-ce que votre entreprise a déjà mis en place
une démarche collaborative
(débat, innovation participative, etc.) ?
Si votre entreprise a déjà lancé une approche
collaborative avez-vous participé ?
41
Garcia, Muriel et Nadège de Peganow. Innovation participative : Remettre l’humain au coeur de l’entreprises.
Scrineo, 2012.
70%$
20%$
10%$
Oui Non
Ne sait
pas
66%#
34%#
Oui Non
Ne sait
pas
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Pour les deux tiers des personnes ayant participé, nous avons voulu savoir ce qui les motivait :
Si vous avez participé, quelles ont été vos motivations ?
Nous remarquons à quel point le sentiment de pouvoir contribuer à la vie de l’entreprise et
à son évolution est une motivation pour les salariés. Nous verrons que ces approches
collaboratives représentent un véritable levier pour renforcer l’engagement des collaborateurs.
Dans les autres réponses qui nous ont été données, certains ont remonté le challenge de
« gagner un prix » (notamment dans les concours d’innovation), ou d’autres « le besoin de sortir
du quotidien ». Nous avons également remarqué, en analysant les données par tranches d’âge,
une légère différence pour les 19-25 ans pour qui le fait de confronter leurs idées est également
un facteur de motivation.
Pour le tiers de personnes ayant répondu ne pas avoir participé, nous avons voulu comprendre
les freins :
Si vous n’avez pas participé, qu’est-ce qui vous en a empêché ?
Deux points ressortent : le manque de temps et le fait, là aussi, de ne pas être informé. Dans nos
rencontres avec des collaborateurs, nous avons compris que le manque de temps était souvent
lié au fait que ces démarches se rajoutaient à une activité déjà chargée, et qu’aucune indication
n’était donnée pour prioriser ces approches par rapport aux tâches en cours. Par ailleurs,
en analysant les réponses en fonction des tranches d’âge, nous avons pu identifier le besoin des
55-65 d’être mieux formés aux outils utilisés. Enfin, dans les autres freins qui ont été remontés :
le sentiment que « les débats se font dans le vide, sans vraiment de changement après », que
« les idées ne sont pas prises en compte ».
0
10
20
30
40
50
60
70
80
Le plaisir de partager Confronter mes
idées
Rencontrer ou être
en contact avec des
collaborateurs que je
ne connais pas
Le sentiment de
contribuer à la vie de
l'entreprise, à son
évolution
Autre (veuillez
préciser)
0
5
10
15
20
25
30
35
40
45
50
Je n'étais pas informé(e) à
ce moment là de cette
démarche
La peur de confronter mes
idées / l'avis des autres
Le manque de formation
aux outils utilisés
Ce type de démarche ne
m'intéresse pas, je n'en
comprends pas l'utilité
Le manque de temps Autre (veuillez préciser)
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Ce sont d’ailleurs des éléments que nous retrouvons lorsque nous demandons aux personnes
leur avis sur ces pratiques :
De manière générale, que pensez-vous de ces démarches collaboratives ?
Si la majorité considère que le collaboratif est essentiel pour répondre aux transformations que
vivent les entreprises aujourd’hui42
, près de 40 % des collaborateurs sont encore à convaincre,
car au-delà des personnes qui ne se sentent pas concernées et celles qui trouvent que ces
démarches sont « gadgets », la plupart des « autres réponses » expriment leur déception par
rapport aux expériences précédentes : « Utiles, mais rarement suivies d’effets (véritables) »,
« Utile, mais l’utilisation qui en est faite devient inutile », etc.
D’où l’importance d’avoir une démarche collaborative qui ait du sens, expliquée, suivie
dans le temps, avec un accompagnement effectif de l’ensemble des populations
concernées.
Les bénéfices de telles approches sont alors multiples :
• Elles apportent plus d’horizontalité dans l’organisation, nous l’avons vu, par la
transversalité des outils qui abolissent les frontières nationales, hiérarchiques et d’entités.
• Elles renforcent la proximité et les échanges. « Comme les individus s’efforcent a priori
spontanément de trouver un équilibre entre leur travail et leur vie sociale, les solutions de
travail collaboratif bien conduites améliorent la vie de l’organisation et la performance au
travail, en favorisant l’interconnexion des connaissances, des compétences et des
affects » constate I.Comtet.43
42
A noter que pour près de 80% des 19-25 ans et 26-35 ans ces approches sont essentielles à l’entreprise
43
Comtet Isabelle « Les environnements collaboratifs de travail au service de l’intelligence collective économique ? »
Communication & Organisation 42 (février 2012).
62%$
19%$
6%$
13%$
Essentielles aux
nouveaux
modes de
fonctionnement
des entreprises
Utiles, mais je
ne me sens pas
concerné (e)
Inutiles, c'est
une mode un
peu "gadget"
Autre (veuillez
préciser)
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• Elles améliorent la circulation de l’information et l’accès au savoir. Selon une
enquête de McKinsey citée par A.Poncier et S.Faure dans leur livre blanc, « 77 % des
entreprises ont augmenté la rapidité d’accès des collaborateurs au savoir » grâce au
collaboratif.
• Elles favorisent la créativité via l’émergence d’une intelligence collective (« Nous
sommes plus intelligents à plusieurs ! » nous rappelait Christophe Lachnitt, fondateur de
Croisens et ancien directeur de la Communication de DCNS et de Microsoft).
• Elles redonnent du sens, renforcent le sentiment d’appartenance, en plaçant le
collaborateur au cœur de la réflexion et de l’évolution de l’entreprise « Dans un
contexte où près des deux tiers des salariés se disent aujourd’hui en perte de sens dans
leur emploi, ces nouveaux modes de collaboration sont gagnant-gagnant »44
Et au-delà de ces bénéfices, un changement inéluctable de la manière de fonctionner des
entreprises se dessine. B.Duperrin note que « le futur de l’entreprise passe par la collaboration
de nouvelles formes d’organisation où le pouvoir est plus distribué, les compétences et savoirs
plus partagés »45
. Dans tous les secteurs, les organisations réinventent leurs modèles, en
plaçant la collaboration et les échanges au cœur de leurs modes de fonctionnement.
Comme le remarque Frédérique Abella, directeur du Digital et de l’Information chez Unilens :
« les modèles que nous avons actuellement en entreprise ont été construits pour organiser des
métiers "manuels" où le "corps" formait la ressource. Avec un environnement économique basé
sur les services, la ressource, aujourd’hui, c’est le "cerveau". Nos modèles d’organisation ne sont
plus adaptés. Il faut les réinventer ». Les auteurs D.Tapscott, et A.D.Williams, sur le site dédié à
leur livre « Wikinomics »46
, remarquent que « de profonds changements dans la nature de la
technologie, de la démographie et de l’économie mondiale donnent lieu à de nouveaux modèles
de production efficaces, basés sur l’importance de la communauté, de la collaboration et de
l’organisation personnelle plutôt que sur la hiérarchie et le contrôle ».
En effet, nous l’avons vu dans la première partie, notre société est en pleine transition, et dans
cet environnement les changements sont continus. Face à ces changements, la rigidité des
modèles hiérarchiques ne permet pas aux entreprises de s’adapter et de se transformer
rapidement. Les organisations se doivent d’être agiles, et comme le souligne P.Pinault
« l’entreprise agile est celle qui sera capable de mobiliser les bonnes ressources au bon moment
et dans les meilleures conditions pour réaliser une mission […] les outils collaboratifs offrent
aux organisations l’opportunité de répondre à ces problématiques ». 47
44
Pinault, Philippe. « Nouveaux pouvoirs et modes de travail pour l’entreprise collaborative », mars 2013.
45
Dupperin, Bertrand. Ibiddem
46
Don Tapscott, et Anthony D. Williams. « Comment l’intelligence collaborative bouleverse l’économie », octobre 2013.
47
Pinault, Philippe. Ibidem
Mémoire professionnel – Page 36/117
Reproduction interdite sans autorisation préalable
Pourquoi ces approches collaboratives impactent-elles ainsi les entreprises ? Pourquoi
répondent-elles à un besoin croissant des salariés « d’exister » au sein de l’organisation ?
L’échange social et la contribution étant au cœur de la collaboration, il nous est apparu
intéressant d’en comprendre les mécanismes.
2.1.2 La force de l’échange social et de la contribution
Nous nous sommes d’abord intéressé en particulier aux travaux du sociologue français Norbert
Alter à travers son livre passionnant « Donner et prendre : la coopération en entreprise »48
.
Pour N.Alter, la complexité croissante des organisations et du travail ne permet pas au
collaborateur « de détenir à lui seul toutes les connaissances nécessaires à la réalisation de sa
tâche ». Cela génère une « compétence collective » qui demande à chacun de savoir travailler et
échanger avec l’autre. La force d’une organisation dépend ainsi des espaces d’échanges
qu’elle peut offrir à ses collaborateurs.
L’auteur décrit l’échange social à travers 3 étapes :
• Donner : c’est d’abord « un acte volontaire et non obligatoire », qui doit se faire en
toute liberté sans être dicté ni par la hiérarchie ni par les procédures et qui n’a pas de
finalité économique. Il implique, selon N.Alter la « consumation » d’une ressource, c’est-
à-dire la dépense d’un bien que nous avons : du temps, une connaissance, un savoir, etc.
• Recevoir : c’est manifester le fait que nous avons reçu le don ; un regard, un sourire,
quelques mots, etc. autant de moyens de « célébrer » ce don. Deux éléments clés à cette
étape : premièrement, ce geste « inscrit la relation dans la durée et dans la
confiance », constate l’auteur, une sorte de contrat implicite entre la personne qui reçoit
et la personne qui donne. Il y aura un « contre-don », mais pas forcément immédiatement.
Du coup sans cette étape l’échange social n’existe pas en tant que tel, le contrat n’est pas
« signé ». Deuxième élément important du « recevoir » : « le don émeut ». Recevoir le
don montre que nous avons été touchés par ce geste inhabituel, ce que l’auteur appelle
« la manifestation de l’émotion ». Il explique que, les émotions, loin du stéréotype qu’elles
peuvent générer en entreprise, « guident la rationalité ». Pour cela, il s’appuie sur le cas
de Phineas Gage, un contremaître américain, à la fin du XIXème
siècle, qui survit à un
terrible accident : suite à une explosion, une barre de métal traverse son crâne, touche
son cerveau au niveau du cortex préfrontal, lieu de traitement des émotions.
Physiquement indemne, Phineas Gage change cependant totalement de comportement,
devient asocial, délinquant, etc. Les études montreront qu’ayant perdu « sa sensibilité
émotionnelle », « le caractère émotionnel positif ou négatif de ses actions a disparu. Du
48
Alter, Norbert. Donner et prendre : la coopération en entreprise. Paris: LA DECOUVERTE, 2010.
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Réinventer la communication interne à l'ère collaborative

  • 1. Executive Master Communication Promotion « Pierre Lévy » 2013/2015 Mémoire professionnel Bernard Gaudin Octobre 2015 RÉINVENTER LA COMMUNICATION INTERNE À L’ÈRE COLLABORATIVE
  • 2. Mémoire professionnel – Page 1/117 Reproduction interdite sans autorisation préalable
  • 3. Mémoire professionnel – Page 2/117 Reproduction interdite sans autorisation préalable Sommaire Remerciements ................................................................................................................................. 4 Introduction....................................................................................................................................... 6 1. 30 ans de transformations : placer la communication interne dans une perspective historique pour comprendre son évolution....................................................... 10 1.1 « Années 80 » : éclosion, paillettes et promesses............................................................... 11 1.1.1 L’éclosion de la communication d’entreprise dans un contexte de rupture............... 11 1.1.2 L’image de l’entreprise idéalisée à tout prix .............................................................. 13 1.2 « Années 90 » : froideur corporate et professionnalisation de la « com’interne » ............... 14 1.2.1 La naissance du « corporate ».................................................................................. 14 1.2.2 Les communicants internes se regroupent ............................................................... 15 1.3 « Années 2000 » : maturité de la fonction communication interne et remise en cause.................................................................................................................................... 16 1.3.1 La maturité des communicants….............................................................................. 16 1.3.2 … et la maturité des publics...................................................................................... 18 1.3.3 Les discours internes remis en cause....................................................................... 19 1.4 « Années 2010 » : bouleversements et transition................................................................ 19 1.4.1 Une société en pleine transition ................................................................................ 19 1.4.2 Une fonction en pleine transition............................................................................... 22 2. Le triptyque « Collaboratif, Collaborateur, Communicant » : un angle d’analyse pour mieux comprendre les enjeux de la communication interne....................................... 23 2.1 Le collaboratif au cœur des organisations ........................................................................... 23 2.1.1 L’émergence de l’ère collaborative et son impact sur l’entreprise............................. 24 2.1.2 La force de l’échange social et de la contribution ..................................................... 36 2.1.3 De la théorie à la pratique : quand les entreprises adoptent le collaboratif............... 39 2.2 Le nouveau visage des collaborateurs................................................................................. 44 2.2.1 Un récepteur-consommateur informé et exigeant..................................................... 44 2.2.2 Plus qu’un émetteur, un média potentiel................................................................... 48 2.2.3 Un mix générationnel inédit....................................................................................... 51
  • 4. Mémoire professionnel – Page 3/117 Reproduction interdite sans autorisation préalable 2.3 Le communicant interne « multifonctions ».......................................................................... 57 2.3.1 Un communicant avant tout… ................................................................................... 58 2.3.2 Un « chef d’orchestre » ............................................................................................. 59 2.3.3 Un « sociologue »...................................................................................................... 61 2.3.4 Un « ministre de la culture d’entreprise ».................................................................. 62 2.3.5 Un « responsable des relations internes »................................................................ 65 2.3.6 Un « coach du changement » ................................................................................... 68 3. Vers un modèle plus horizontal : nos recommandations pour faire évoluer la communication interne pour qu’elle s’adapte à ces nouveaux enjeux ............................... 72 3.1 Passer d’un projet de communication à un projet d’entreprise ............................................ 73 3.1.1 Amener la direction à donner la « direction »............................................................ 73 3.1.2 Lever les craintes face une prise de parole plus ouverte.......................................... 74 3.1.3 « Embarquer » les autres fonctions transverses....................................................... 77 3.2 Préparer un environnement propice aux échanges et à la prise de parole.......................... 79 3.2.1 Oublier la langue de bois, promouvoir le parler-vrai pour redonner confiance.......... 79 3.2.2 Favoriser la reconnaissance comme moteur des échanges..................................... 82 3.2.3 Apprendre le numérique, apprendre du numérique .................................................. 84 3.3 Appuyer le dispositif de communication sur un modèle collaboratif..................................... 85 3.3.1 « Co-Construire », « Co-Former », « Co-Animer » ................................................... 86 3.3.2 Regrouper les moyens de communication sur une plateforme unique ..................... 89 3.3.3 Placer les collaborateurs au cœur du dispostif : « the staff is the media » ............... 91 Conclusion ...................................................................................................................................... 94 Derniers remerciements................................................................................................................. 97 Bibliographie................................................................................................................................... 98 Annexes......................................................................................................................................... 104
  • 5. Mémoire professionnel – Page 4/11 Reproduction interdite sans autorisation préalable Remerciements Je tiens tout d’abord à exprimer toute ma reconnaissance envers Murielle Porte, directrice de la Communication Interne et Institutionnelle du groupe Société Générale et Stéphanie Larcheron, directrice de la Communication de la Direction des Ressources et de l’Innovation, d’avoir fait le « pari » d’intégrer un ingénieur dans leur équipe, de m’avoir fait confiance et de m’avoir accompagné dans ce master, expérience hors norme, qui m’a fait grandir tant professionnellement que personnellement. Je remercie l’équipe en charge de l’Executive Master Communication de Sciences Po, Ambroisine Bourbon, Hélène Tinlot, Myriam Zazzaron, Katia Dumoulin, pour leur bienveillance et leur accompagnement, ainsi que tous les intervenants pour la qualité de cette formation. J’adresse mes remerciements à ma tutrice Estelle Maione, mais aussi à Jean-Baptiste Perrin, pour leurs conseils pertinents, structurants, rassurants et leur très grand professionnalisme. Je tiens à remercier chaleureusement les professionnels et spécialistes1 que j’ai pu interroger d’avoir pris le temps de partager leurs connaissances, leur expérience et leur vision. Autant d’échanges passionnants qui ont enrichi ma réflexion et sans lesquels ce mémoire n’aurait pu aboutir. Merci à toutes les personnes qui ont répondu au questionnaire ; à mes proches et collègues qui m’ont apporté leurs idées, leurs suggestions. Un grand merci à Sophie, Céline et Pauline pour leur relecture efficace et précieuse. J’ai une pensée toute particulière pour l’ensemble de mes collègues de la promotion « Pierre Levy » pour l’indescriptible complicité qui nous a uni pendant ces deux années inoubliables. Je remercie enfin ma famille : mes parents pour leur soutien mais aussi de m’avoir donné l’envie d’apprendre, de regarder le monde sous un autre angle ; mes enfants, Maïa, Théo et Timothée, pour leur incroyable patience face au temps passé à la conception de ce mémoire et les changements d’humeurs que j’ai pu avoir ; Nadine, mon épouse, source infinie de support, d’encouragement et d’inspiration à qui je dédie ce travail. 1 Liste fournie page suivante
  • 6. Mémoire professionnel – Page 5/117 Reproduction interdite sans autorisation préalable Professionnels et spécialistes interrogés, en face en face ou par téléphone : • Frédérique ABELLA, directeur du Digital et de l’Information, Unilens • François D’ANSELME, responsable des approches collaboratives de la direction de la Communication, Groupe Atos • Christine BALAGUE, vice-présidente du Conseil National du Numérique Christine (titulaire de la Chaire « réseaux sociaux » à l’Institut Mines-Télécom) • Sarah-Pearl BOKOBZA, directrice de la Communication Interne, Groupe Atos • Vincent BRULOIS, directeur de l’UFR des Sciences de la Communication, Paris XIII • Jean-Marie CHARPENTIER, consultant Etudes Communication et Social, vice-président de l’Afci (Association française de communication interne), • Jean-Paul CHAPTON, directeur de la Communication Digitale et de l’e-reputation, Société Générale • Philippe CHARTON, directeur du projet Services Collaboratifs et Communications Unifiées d’EDF (ancien directeur adjoint de la Communication d’EDF) • Stéphanie CRESPIN, responsable de la communication internationale div. Innovation Marketing et Technologies, Orange • Bertrand DUPERRIN, responsable du pôle transformation Digitale, Emakina France • Emmanuel FRIZON DE LAMOTTE, responsable des projets transversaux à la direction de la communication d’Axa France • Caroline GUILLAUMIN, directrice de la Communication, Groupe Société Générale • Aymeril HOANG, directeur de l’Innovation, Groupe Société Générale • Charles HUFNAGEL, directeur de la Communication, Groupe AREVA • Claude ISIDORE, responsable de projets de conduite du changement, AGIRC-ARRCO • Franck LAPINTA, chef de Projet Programme Banque Privée Digitale, Société Générale • Christophe LACHNITT, fondateur de Croisens (ancien directeur de la Communication de DCNS et de Microsoft) • Cécile LEPRINCE, directrice conseil, Publicis Consultant Verbe • Ziryeb MAROUF, directeur Applicatifs RH Groupe et Réseaux Sociaux, Orange • Denis MARQUET, directeur de la Communication, Groupe Crédit Agricole • Edouard MARTEAU d’AUTRY, président d’Axelya • Marie-Gaëlle MICHELIN, directrice de la Communication Interne, Laboratoires IPSEN (ancienne directrice de la Communication Interne de Castorama), • Pierre MILCENT, responsable France des offres collaboratives, IBM • Olivier MURAT, community manager, Groupe Poult • Brunot PAILLET, président du cabinet Conseil et Annonceurs Associés (ancien directeur de la Communication du Gan) • Philippe PINAULT, fondateur et président de TALK SPIRIT • Anthony PONCIER, directeur Social Business EMEA, Publicis Consultant • Murielle PORTE, directrice de la Communication Interne et Institutionnelle, Société Générale • Thierry RAYNARD, responsable pôle conseil et intelligence collective, SNCF • Aurélie RENARD, déléguée générale de l'Association française de communication interne (Afci) • Edouard RENCKER, président de Makheia Group • Nathalie RICARD DEFFONTAINE, directrice de la Communication Interne, Groupe Numericable-SFR • Laurent SABBAH, directeur de la Communication Interne, Club Med • Vincent SCHILTZ responsable de la Communication Financière, Groupe Auchan • Nadine THOMAS, formatrice en Discipline Positive, membre de l’ADPF (Association de Discipline Positive France)
  • 7. Mémoire professionnel – Page 6/117 Reproduction interdite sans autorisation préalable Introduction « Puisque tout est à refaire, puisque tout reste à inventer »2 Dans son livre « Petite Poucette », Michel Serres nous explique à quel point les nouvelles technologies numériques bouleversent notre conception du temps, de l’espace, du savoir et nos relations dans la société. Une période de transformation, de transition, que le philosophe compare à celle de l’invention de l’écriture ou de l’invention de l’impression. Une « ère numérique » où les individus sont connectés les uns aux autres, faisant voler en éclats les frontières qui les séparaient, qu’il s’agisse de frontières géographiques, culturelles, sociales ou hiérarchiques. Une « ère collaborative » où les individus « consomment », partagent et produisent, en quelques jours, plus d’informations et de connaissances que l’humanité n’en a jamais produit jusqu’à présent. Face à ces « mutations », les entreprises doivent s’adapter, se transformer et repenser leurs modes de fonctionnement. Nouveaux canaux, nouveaux médias, nouveaux outils mobiles et/ou collaboratifs : la communication des entreprises se réinvente dans sa relation avec les clients et le public. Qu’en est-il de la communication interne ? Les nouveaux modes de communication « bousculent » les organisations : les collaborateurs, notamment la nouvelle génération, souhaitent travailler dans un environnement relationnel plus horizontal que vertical, s’attendent à donner leur avis, à contribuer, à… collaborer davantage. Par ailleurs, chacun de ces collaborateurs par les outils qu’il a sa disposition, professionnellement ou personnellement (réseaux sociaux d’entreprise, médias sociaux, smartphones, etc.) est lui même un formidable vecteur de communication tant interne qu’externe. D’où notre problématique : comment réinventer la communication interne à l’ère collaborative ? 2 Serres, Michel. Petite poucette. Editions le Pommier, 2012.
  • 8. Mémoire professionnel – Page 7/117 Reproduction interdite sans autorisation préalable Pour y répondre, nous allons d’abord placer la communication interne dans une perspective historique (Partie 1). Nous pourrons ainsi comprendre ses évolutions, partant du constat que cette fonction a elle-même connu de nombreuses transformations depuis son apparition, au début des années 80. Nous nous intéresserons ensuite aux enjeux actuels de la communication interne à travers le triptyque « Collaboratif, Collaborateur, Communicant » (Partie 2). L’analyse du « Collaboratif » a pour objectif de mieux appréhender ce que nous avons appelé « l’ère collaborative » et ces impacts sur les modes de communication, en dehors et au sein de l’entreprise. L‘étude du « Collaborateur » nous permettra de comprendre ses nouveaux comportements et ses attentes. Enfin, les recherches autour du « Communicant » viseront, quant à elles, à mieux cerner les conséquences de ces bouleversements sur son métier. Fort de ces analyses, nous pourrons alors proposer des préconisations pour passer à un modèle plus horizontal et répondre aux enjeux actuels auxquels est confrontée la communication interne (Partie 3). _________ Méthodologie A) Définitions Bien que dans ce mémoire nous aborderons essentiellement la communication interne, il nous semble important de poser les distinctions que nous ferons entre : • La communication interne qui regroupe l'ensemble des actions de communication mis en œuvre au sein d’une entreprise à destination de ses salariés. • La communication institutionnelle ou communication d’entreprise qui regroupe l’ensemble des actions de communication qui visent à promouvoir l’image de l’entreprise vis-à-vis de ses clients et différents partenaires. • La communication produit qui regroupe l’ensemble des actions de communication publicitaire destinées à promouvoir un produit ou service. B) Notre champ d’études La communication interne, … Pourquoi avoir choisi la communication interne comme sujet de nos recherches ? Nous avons constaté que, face au « digital », les efforts pour transformer la communication se sont principalement concentrés sur l’externe. Certes, de nouveaux canaux de communication apparaissent dans l’entreprise (réseau social d’entreprise, Intranets collaboratifs, etc.) mais,
  • 9. Mémoire professionnel – Page 8/117 Reproduction interdite sans autorisation préalable sauf exception, « l’écosystème » de communication interne n’est pas repensé. Des professionnels du secteur nous ont d’ailleurs parlé de la fonction comme « du parent pauvre des stratégies de communication ». Nous avons donc pensé qu’il serait plus intéressant d’axer nos recherches sur cette fonction. Cependant, l’objectif n’est pas d’analyser ses différentes missions (éditorial, évènementiel, communication managériale, communication de crise, etc.), qui pourraient chacune faire l’objet d’un mémoire à part entière. Nous avons préféré étudier la communication interne dans sa globalité, de comprendre les problématiques que la profession rencontre aujourd’hui et tenter d’y répondre, notamment à travers le « collaboratif ». … le « collaboratif »… Nous avions l’intuition que le potentiel des nouveaux modes de communication apportés par les modèles collaboratifs (qui, à l’extérieur, amènent les individus à se connecter les uns aux autres, à partager, à produire de l’information, etc.) était, à de rares exceptions près, sous- exploité en interne. Une intuition qui s’est confirmée tout au long de nos recherches. Comme nous l’a expliqué, Bruno Paillet, président du cabinet Conseil et Annonceurs Associés (ancien directeur de la Communication du Gan) : « le rôle de la communication interne est de considérer les personnes comme la richesse de l’entreprise… Le paradoxe, c’est qu’on est plus aujourd’hui soucieux de séduire à l’extérieur, que de s’intéresser aux "troupes", alors que ce sont elles qui sont les fondamentaux de l’entreprise ». … dans les grandes entreprises. Nous avons choisi de concentrer notre analyse sur les grandes entreprises pour deux raisons. Tout d’abord parce que leur mode de fonctionnement le plus souvent « pyramidal » et cloisonné conduit à des communications encore très « descendantes ». Les changements, pour amener à des modes de communication plus horizontaux, sont donc plus structurants, représentant ainsi, à nos yeux, un champ d’études plus intéressant. C) Notre approche Une phase exploratoire (juillet 2014 à mai 2015) Nous avons commencé par une période de recherches exploratoires basées sur : • des lectures (autour de la sociologie, de « l’ère numérique », de « l’ère collaborative », de l’organisation des entreprises, des différences générationnelles et bien évidemment de la communication globale et interne), • des rencontres informelles (collègues, connaissances et proches).
  • 10. Mémoire professionnel – Page 9/117 Reproduction interdite sans autorisation préalable Cette première phase nous a permis de réorienter la première partie du mémoire que nous avions d’abord axée sur les générations et leur appréhension du « collaboratif ». Bien qu’il existe effectivement des différences, cela ne nécessitait pas d’y consacrer toute une partie. Nous avons alors préféré nous concentrer sur l’historique de la communication interne. Nous avons pu également durant cette phase identifier les personnes que nous souhaitions rencontrer. Une phase d’observation et d’approfondissement (mai à août 2015) Durant cette phase : • Nous avons continué nos lectures notamment autour des retours d’expériences, des pratiques du collaboratif, etc. • Nous avons lancé un questionnaire anonyme à plus de 500 personnes (contacts sur les réseaux sociaux, proches, connaissances, etc.) pour avoir leur avis, en tant que collaborateur, sur la communication interne et les approches collaboratives, au sens large et dans leur entreprise. Nous avons collecté près de 220 réponses (de mai à mi-juillet) dont environ 160 concernant les grandes entreprises. Les résultats de ce questionnaire nous ont permis d’illustrer tout au long de ce mémoire la vision des collaborateurs. (Les questions sont fournies en annexe) • Nous avons réalisé une trentaine d’entretiens (en face à face ou par téléphone) avec des professionnels et des spécialistes de la communication, du digital ou des approches collaboratives. Des personnalités d’horizons variés : grandes entreprises, agences de communication, associations. Nous avons eu la chance de pouvoir également rencontrer les auteurs de livres qui nous avaient particulièrement inspiré : Vincent Brulois & Jean-Marie Charpentier (« Refonder la communication en entreprise ») et Édouard Rencker (« le nouveau visage de la com’interne »). D) Nomenclature Enfin, comme nous citons certaines personnes que nous avons lues mais aussi rencontrées, nous avons choisi d’avoir une nomenclature différente entre les citations issues d’entretiens (nous utiliserons Prénom Nom), et celles issues de nos lectures (nous utiliserons alors P.Nom).
  • 11. Mémoire professionnel – Page 10/117 Reproduction interdite sans autorisation préalable 1. 30 ans de transformations : placer la communication interne dans une perspective historique pour comprendre son évolution Avant de pouvoir aborder les transformations actuelles de la communication interne, il nous est apparu important de la placer dans une perspective historique, de comprendre son évolution. Cette évolution peut se résumer à travers quatre grandes phases : • De la fin des années 70 à la fin des années 80 : l’entreprise vient de connaître une transformation de l’organisation du travail sans précédent et la fonction communication apparaît « officiellement » ; en interne, elle explique son fonctionnement et son organisation, en externe elle façonne son image, • Les années 90 : dans un contexte de mondialisation de l’économie, la « com’ interne » se professionnalise et s’outille pour mobiliser les collaborateurs cette fois autour de l’image de l’entreprise ; les communicants internes se rassemblent avec l’Association Française de la Communication Interne (Afci), • Les années 2000 : phase de maturité de la communication interne, mais également de maturité des collaborateurs qui ne sont plus naïfs face aux messages véhiculés par l’entreprise ; une entreprise bousculée sur son rôle et sa responsabilité dans la société, • Et enfin depuis 2010 : la transition numérique bouleverse la société et les usages ; peut- on encore parler de communication interne avec une porosité interne/externe de plus en plus forte ? Comme pour toutes les fonctions de l’entreprise, une réflexion en profondeur est nécessaire sur les rôles et les missions de la « com’interne » pour s’adapter au changement sociétal. Doit-on en conclure que la « com’ interne » n’existait pas avant les années 80 ? Comme le rappelle P.Labasse3 , les premières politiques d’information interne apparaissent au début du XXe pour accompagner le « paternalisme » grandissant des entreprises. C’est la naissance des journaux d’entreprise (le Bulletin des Usines Peugeot en 1918). Les premiers communicants internes sont des « journalistes d’entreprise » qui exercent en toute indépendance. En 1955, une étude montre que la majorité des sujets traités alors dans ces publications « internes » sont essentiellement éloignés des activités économiques de l’entreprise : actualités des associations sportives du personnel, conseils pour la vie quotidienne, etc. L’objectif est de divertir, on est 3 Labasse, Pierre. « Brève histoire de la communication interne » Les cahiers de la communication interne, no 25, décembre 2009.
  • 12. Mémoire professionnel – Page 11/117 Reproduction interdite sans autorisation préalable encore loin d’une démarche d’information et de communication sur l’activité de l’entreprise, son fonctionnement, etc. La communication d’entreprise n’existe pas à proprement parler, on parle alors de « relations publiques » le plus souvent confiées à des conseillers ou agences externes. La fonction de « relations publiques » évolue timidement dans les années 70 vers de la communication. Notamment à travers la révision, en 1974, du code de l’AFREP (l’Association Française des Relations Publiques, créée en 1952, qui regroupe les professionnels des relations publiques) comme le montre J.Walter4 : « dans le code de 1954, le conseiller de relations publiques était défini comme "un conseiller en opinion"; celui de 1974 le représente comme un professionnel chargé de définir et mettre en œuvre une politique permanente de communication ». En parallèle apparaissent les premiers « services Information – Communication » (Saint-Gobain 1970, Peugeot 1970, L’Oréal 1973, Renault 1973, Air France 1974,...)5 . La véritable éclosion des services de communication date des années 80. 1.1 « Années 80 » : éclosion, paillettes et promesses 1.1.1 L’éclosion de la communication d’entreprise dans un contexte de rupture « Pourquoi l’éclosion de la communication d’entreprise a-t-elle lieu dans les années 80 ? » s’interrogent V.Brulois et J-M.Charpentier dans leur ouvrage passionnant « Refonder la communication en entreprise »6 . Deux raisons sont évoquées : • La concurrence économique : les chocs pétroliers des années 70, amènent les entreprises à se restructurer pour rester compétitives. Les marchés s’internationalisent. Les monopoles tombent. Il faut se différencier. La communication externe, notamment à travers la publicité, va façonner l’image des entreprises, valoriser leurs produits. • La contestation des années 68 : avec en arrière-plan, pour les salariés, le rejet du taylorisme et de son compromis social : accroissement de la productivité contre salaire élevé. « Gagner plus » ne suffit plus, un besoin pressant de replacer l’humain dans l’environnement de travail se fait sentir. Sur ce dernier point il est important de comprendre, qu’au-delà des avancées qu’apportent les travaux de M.Crozier & E.Friedberg, puis de R.SainSaulieu sur la place et le rôle l’individu au sein des organisations, une véritable réflexion de rupture s’installe au niveau du patronat français, dans les années 70. Une réflexion, pour reconsidérer « l’organisation du travail et les rapports 4 Walter, Jacques. Directeur de communication / les avatars d’un mode-èle professionnel. Paris: Editions L’Harmattan, 1995. 5 Le Moënne, Christian. « Communication “by smiling around” et crise managériale ». Réseaux, no 64, avril 1994. 6 Brulois, Vincent et Jean-Marie Charpentier. Refonder la communication en entreprise. FYP EDITIONS, 2013.
  • 13. Mémoire professionnel – Page 12/117 Reproduction interdite sans autorisation préalable sociaux au sein de l’entreprise »7 . « Un mouvement réformiste », selon D.Chauvin8 , dont l’impulsion est donnée par l’ouvrage de F.Bloch Lainé de 1963 « Pour une réforme de l’entreprise » et qui répond « aux maux chroniques dont pâtissent les entreprises : grèves, absentéisme, turn-over, faible implication des salariés, etc. » comme le souligne S.Olivesi9 . Rapports et lois se succèdent alors (comme l’indique, de manière non exhaustive, le schéma ci- dessous) pour aboutir en 1981 au rapport Auroux dont l’objectif est de faire des travailleurs « des acteurs du changement et des citoyens à part entière dans l’entreprise ». À la suite de ce dernier, 4 lois seront promulguées en 1982 : les lois Auroux relatives aux libertés des travailleurs dans l’entreprise, au développement des institutions représentatives du personnel, à la négociation collective et au règlement des conflits du travail, aux comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail. « Le mouvement réformiste » : du « Rapport Bloch-Lainé » aux « Lois Auroux » 10 Ces réformes qui « étendent et balisent le droit d’expression des salariés »11 , auxquelles s’ajoutent les nouvelles formes d’organisation (comme les cercles de qualité au début des années 80) « favorisent l’émergence de la fonction communication interne » selon D.Chauvin12 , notamment à travers l’apparition de nouvelles thématiques autour du dialogue, de l’expression et de l’information destinées aux salariés. 7 Olivesi, Stéphane. La Communication au travail. PUG, 2006. 8 Chauvin, Didier. « La fonction « communication interne » en crise ? » Communication et organisation, no. 38 (Décembre 2010) 9 Ibidem 10 Schéma réalisé pour résumer les dates clés que nous avons collectées sur les réformes de l’organisation du travail 11 Olivesi, Stéphane. Ibidem 12 Chauvin, Didier. Ibidem 1963%Ouvrage%de%Bloch3Lainé%(“Pour%une%Réforme%de%l’entreprise”)% 1968%Accords%de%Grenelle% 1972%Rapport%CJD%(L’informaLon%dans%l’entreprise)% 1973%CréaLon%de%l’ANACT%(Agence%NaLonale%pour%l’AmélioraLon%des% CondiLons%de%Travail)% 1975%Rapport%%Sudreau%(Réforme%de%l’entreprise)% 1977%Loi%sur%le%bilan%social% 1978%Rapport%Couste%(Travail%temporaire)% 1979%Rapport%Lucas%(Temps%parLel)% 1980%Rapport%Giraudet%(Durée%du%travail)% 1973%Loi%sur%le%licenciement%(Cause%réelle%et%sérieuse)% 1981%Rapport%Auroux%sur%le%droit%de%travailleurs% 1979%Réforme%des%prud’hommes% 1982%Lois%Auroux%sur%le%droit%du%travail%
  • 14. Mémoire professionnel – Page 13/117 Reproduction interdite sans autorisation préalable 1.1.2 L’image de l’entreprise idéalisée à tout prix Les services de communication des années 80 vont alors accompagner les entreprises dans leur transformation. D’un point de vue externe, dans un contexte nouveau de concurrence, nous le disions, l’objectif est de valoriser l’entreprise, ses produits, de les différencier. Tout est misé sur l’image. C’est l’âge d’or de la publicité, les budgets sont colossaux. Nous ne nous attarderons pas sur cette partie de « communication produit », mais nous ne pouvons nous empêcher de donner un exemple qui illustre toute la démesure de certaines campagnes de l’époque : le spot publicitaire « Citroën Visa GTi »13 confié à l’agence de Jacques Séguéla (RSCG) et réalisé par Jean Becker en 1985. Une Visa GTi se mesure avec un avion de chasse, décolle du porte-avion Clémenceau, plonge dans la mer et en ressort sur le pont d’un sous-marin, sur un générique de Julien Clerc avec des prises de vues en hélicoptère ! D’un point de vue interne, les premières priorités vont être d’expliquer l’entreprise et de rassurer les salariés. Expliquer le fonctionnement de l’entreprise, ses activités, ses enjeux : « les plans de com’ sont quasiment structurés sur les différentes fonctions et organisés comme un organigramme » remarque E.Rencker dans son livre très intéressant « Le nouveau visage de la com’ interne »14 . Rassurer, car, après les chocs pétroliers, les restructurations pour rester compétitifs inquiètent les employés. Une certaine démotivation apparaît. Mettre en place une culture d’entreprise semble être la réponse appropriée, analysent V.Brulois et J-M.Charpentier. Une culture d’entreprise, d’une part pour valoriser l’image de la compagnie (« On est les meilleurs ! ») et d’autre part pour engager les collaborateurs (« On fait partie de la même famille ! »). Là aussi, les moyens sont conséquents ! Les supports évoluent : on passe du bulletin d’entreprise monochrome à la quadrichromie, voire au journal interne téléphoné. C’est l’apparition de la vidéo avec des chaînes de télévision internes (E.Rencker donne l’exemple de « Ricard Vidéo Actualités » : quatre journalistes, une documentaliste, un technicien vidéo, deux caméramans et quatre secrétaires pour un magazine mensuel de 25 minutes !). C’est l’époque également des galas somptueux et des soirées dans des lieux exceptionnels, privatisés pour l’occasion, souvent autour d’un patron charismatique qui « emporte » les foules (Bernard Tapie, patron emblématique des années 80). Rien n’est assez grand pour valoriser l’image de l’entreprise en pleine prospérité ! C’est à cette période aussi que les directions du personnel se renomment « direction des ressources humaines » : « on ne gère plus le personnel, mais des individualités, des talents, des parcours, des carrières ». 15 Dans cette approche, la communication, tant en externe qu’en 13 http://www.dailymotion.com/video/x3a2qr_pub-tv-citroen-visa-gti_ads 14 Rencker, Edouard. Le Nouveau Visage de La Com’ Interne. Eyrolles. Ressources Humaines, 2007. 15 Rencker, Edouard. Ibidem
  • 15. Mémoire professionnel – Page 14/117 Reproduction interdite sans autorisation préalable interne, fournit l’image d’une entreprise idéalisée, la promesse d’une entreprise qui « se pose comme le lieu privilégié de socialisation des individus et de construction du lien social comme l’institution sociale centrale et principal acteur de l’espace public démocratique »16 1.2 « Années 90 » : froideur corporate et professionnalisation de la « com’interne » 1.2.1 La naissance du « corporate » Dans les années 90, la mondialisation de l’économie sous fond de crises politiques, sociales et financières (guerre du Golfe en 90, records de chômage en Europe, récession en 92-93, etc.) replonge les entreprises dans la tourmente. La rentabilité à tout prix ! Se succèdent alors les restructurations, les plans sociaux ; les délocalisations s’accélèrent ; le rôle de l’actionnaire est renforcé avec l’apparition de la gouvernance d’entreprise (« corporate governance »), qui « rappelle aux dirigeants, par de nouvelles règles du jeu, leur objectif de maximisation de la richesse des actionnaires »17 . La complexité de cet environnement va obliger les directions de communication à évoluer : « la créativité ne suffit plus » remarquent V.Brulois & J-M Charpentier, il faut se professionnaliser. Deux axes vont être privilégiés selon ces deux auteurs : d’un côté une « cartographie plus fine des publics (financiers, institutionnels, etc.) » afin d’adapter les messages (on segmente alors les publics externes et internes) ; et de l’autre, une vision globale de l’entreprise prise comme un tout. Ce sont les débuts de la « communication stratégique », une manière finalement d’asseoir la légitimité de la fonction. En externe, la communication financière devient reine : il faut démontrer la rentabilité de l’entreprise. Cependant, il n’est pas question de publier des informations non vérifiées. De nouveaux circuits de validation, souvent contraignants, apparaissent. Dans le même temps, il est à noter que les budgets médias baissent en faveur des hors-médias (on parle d’ailleurs de la crise de la publicité). Dans l’entreprise, la « com’interne » s’organise, se professionnalise : des responsables et des chargés de communication sont nommés. Les nouveaux services de « com’ interne » (en 1992, seuls 13 % de ces services ont plus de deux ans d’ancienneté18 ) doivent mobiliser plus que jamais des salariés qui perçoivent le décalage entre les discours idéalisés des années précédentes et la réalité du contexte social et économique. Des salariés qui sont la cible 16 Brulois Vincent et Jean-Marie Charpentier. Ibidem 17 Klein, Olivier. “ L’évolution du principe et de la pratique de la gouvernance d’entreprise à travers les différents âges du capitalisme.” Le Blog Note d’Olivier KLEIN, Septembre 2011. 18 Rencker, Edouard. Ibidem
  • 16. Mémoire professionnel – Page 15/117 Reproduction interdite sans autorisation préalable prioritaire des actions de communication interne. L’heure est à la pédagogie, on explique le changement, les contraintes, « on sensibilise le personnel aux enjeux de l’entreprise, on répond aux besoins d’information, on construit un esprit d’équipe » observe l’étude Inergie de 1991 (« Communication interne : 10 ans, l’âge de raison » ?) que cite D.Chauvin dans son article19 . Cependant, les messages véhiculés en interne n’échappent pas aux circuits de validation, la peur de la « gaffe » supprime la moindre aspérité des discours, comme le souligne E.Rencker. Les communications sont « corporates », descendantes, formatées et froides. L’auteur parle de la « langue de bois » qui s’initie ainsi dans les messages, sans compter la « maladie du secret » des dirigeants, avec des résultats parfois désastreux lorsque les salariés apprennent le rachat de leur société suite à une fuite dans la presse. 1.2.2 Les communicants internes se regroupent On ne peut pas parler de professionnalisation sans aborder la création de l’Afci. Face à la diversité des actions des services de communication interne, le flou de leurs missions et pour répondre à besoin d’institutionnalisation et de professionnalisation, un professeur de marketing de l’ESCP, Christian Michon, aidé d’un groupe de communicants, crée en 1989 l’Association Française de Communication Interne (l’Afci). Dans un article20 qui retrace l’histoire de l’association (numéro spécial « Cahier de la communication interne » pour les 20 ans de l’Afci), L.Hurstel, déléguée générale de l’époque, cite un texte de Christian Michon (nommé premier président en 1989), texte qu’il nous paraît important de reprendre ici tant il résonne encore aujourd’hui ! « L’accélération des changements, la dureté de la compétition qui s’internationalise, l’importance croissante de l’homme au centre des ressources de l’entreprise, conduisent à une recherche plus performante du management des organisations. La communication d’entreprise est l’une des composantes de cette recherche. L’entreprise a besoin de communication externe pour s’affiner et acquérir une image forte et durable, elle a besoin de communication interne pour piloter le changement, tous ensemble et tous en même temps. La communication interne n’est pas un simple credo incantatoire ou un outil a la mode, elle n’est pas un instrument de plaisir, mais bien un levier de stratégie du changement, et c’est pour cela qu’aujourd’hui, elle trouve ses titres de noblesse et légitime sa fonctionnalité dans l’entreprise, à la croisée des chemins entre les métiers de la communication et les métiers de la gestion des ressources humaines. Pourtant si la communication interne prend du corps et crée son territoire, elle n’est pas sans s’interroger sur sa légitimité, sur sa place dans l’entreprise, sur son existence et son avenir ». 19 Chauvin, Didier. Ibidem 20 Hurstel, Laurence. « L’Afci À 20 Ans ! » Les Cahiers de La Communication Interne, no. 25 (décembre 2009).
  • 17. Mémoire professionnel – Page 16/117 Reproduction interdite sans autorisation préalable Les premières rencontres sont rapidement organisées sous forme de débats et d’ateliers. Christian Michon, dans la première lettre d’information en 1991, exprime son souhait de « faire de la communication interne une science appliquée et une fonction reconnue à sa juste valeur ». Pour accélérer son développement (l’association ne compte que 20 adhérents en 1992) et mener à bien ses missions (professionnaliser, échanger, rayonner), l’Afci s’associe avec un cabinet de conseil en management et communication Inergie. Dès lors les adhésions s’accélèrent. Aujourd’hui l’Afci regroupe près de 500 membres de plus 400 organisations différentes. En 1994, l’Afci publie le premier référentiel de la fonction communication interne avec pour objectif de cadrer la fonction et définir ses missions, ses pratiques. Ce référentiel s’articule autour de 6 activités : investigation et études, conseils aux managers, information, animation et coordination, organisation des manifestations, formation à la communication. Ce référentiel sera adapté en 2005, nous le verrons plus tard, pour répondre aux évolutions des entreprises. En 1997, est publié le premier numéro des « Cahiers de la communication interne », véritable vitrine de l’Afci, comme l’indique L.Hurstel. Enfin en 1999, l’Afci se dote d’un organisme de formation avec les « Universités Afci de la communication interne » pour développer les compétences des communicants. La profession s’est définitivement ancrée dans les organisations. Nous pouvons citer également le travail de l’UJJEF (« Union des Journaux d’Entreprise de France ») qui va œuvrer dans les années 80-90 à légitimer la place de la communication dans l’entreprise et le rôle du journal d’entreprise dans cette fonction. Créée en 1947 pour fédérer les professionnels de la presse d’entreprise, cette organisation va progressivement s’ouvrir à tous les métiers de la communication d’entreprise. Renommé en 2003 « UJJEF — Communication et Entreprise », et avec plus de 1 700 adhérents, elle est aujourd’hui la plus importante association des métiers de la communication institutionnelle en France. 1.3 « Années 2000 » : maturité de la fonction communication interne et remise en cause 1.3.1 La maturité des communicants… Comme l’explique E.Rencker, « avec les années 2000 on passe à l’ère de la maturité ». Une maturité qui se retrouve à tous les niveaux de la « com ‘interne » : • Au niveau organisationnel : quand elle n’est pas rattachée aux ressources humaines, la communication interne fait généralement partie désormais de la communication d’entreprise ou communication institutionnelle, (ou « com’ corporate »), qui réunit toutes les fonctions en charge de la promotion de l’entreprise (l’institution) que ce soit en externe ou interne.
  • 18. Mémoire professionnel – Page 17/117 Reproduction interdite sans autorisation préalable • Au niveau des missions : face aux transformations de l’entreprise (notamment liées aux Nouvelles Technologies de l’Information et de la communication - NTICs), l’Afci revoit en 2005 son référentiel autour de 5 missions principales comme le montre le schéma de la page suivante. Le référentiel Afci d’activités et de compétences du Responsable Communication Interne publié en 2005 • Au niveau des cibles : une cartographie toujours plus fine des parties prenantes permet d’ajuster les messages. Il est à noter, comme le fait remarquer D.Chauvin, que si la cible privilégiée de l’interne dans les années 80 était les salariés, ce sont les managers qui intéressent les communicants dans les années 2000. Avec l’apparition de l’e-mail, l’idée est de faire des managers des relais de l’information à tous les niveaux de l’organisation. Un rôle qui aura ses limites, nous le verrons, les managers devenant plus en plus des « passe-plats », par manque d’accompagnement de la part de la fonction communication. • Au niveau des sujets : face au questionnement des publics (que nous abordons juste après), la communication interne doit adapter ses discours. Expliquer les rouages de l’entreprise ne suffit plus, il faut donner une vision, décrypter le rôle de l’organisation dans la société, sa responsabilité, répondre aux nouvelles interrogations qu’amène la Responsabilité Sociale d’Entreprise et ses enjeux de développement durable sur le plan environnemental, sociétal ou économique. Autant de sujets que la communication interne doit maîtriser afin de les restituer et les rendre les plus compréhensibles aux salariés. Missions et activités du Responsable de Communication nterne Écoute et comprend le corps social Conseille le management Élabore et fait circuler l’information Développe la dynamique collective Manage son équipe Pilote la fonction • Assure une fonction d’écoute informelle • Assure une fonction d’écoute formelle • Conseille les dirigeants • Apporte un appui opérationnel aux managers • Participe à la gestion de crise • Élabore la politique d’information interne • Pilote la réalisation du dispositif d’information interne • Fait vivre et évoluer la culture interne • Organise le débat • Crée des événements • Manage l’équipe de communication interne • Anime et gère le réseau des communicants • Négocie et élabore les budgets de communication interne • Assure la veille externe sur les pratiques de communication
  • 19. Mémoire professionnel – Page 18/117 Reproduction interdite sans autorisation préalable • Enfin au niveau des pratiques : la généralisation de l’usage des NTICs au sein des entreprises, comme nous le verrons en deuxième partie, donne les moyens à la « com’interne » de renforcer son dispositif de diffusion. Elle adopte ainsi rapidement un certain nombre de nouveaux outils qui lui permettent d’adapter les messages (mais aussi leurs formes) selon les cibles et les objectifs de communication : e-mails d’information, Intranet, blogs des dirigeants, etc. 1.3.2 … et la maturité des publics Si les NTICs, notamment grâce à Internet et aux e-mails, permettent aux entreprises de communiquer plus facilement et plus efficacement, elles fournissent également aux publics (qu’ils soient externes ou internes) une formidable source d’informations, de partage qui va désacraliser l’image de l’entreprise idéalisée, « toute-puissante » et amener des questionnements sur les messages qu’elle transmet. Ainsi l’actualité de la fin des années 90 et du début des années 2000, ponctuée de scandales écologiques (Erika en 1999), sanitaires (grippe aviaire en 2001) ou financiers (affaires Enron en 2001 ou WorldCom en 2003, patrons surpayés) dévoile les dérives des entreprises. Des entreprises et des dirigeants à la recherche d’une rentabilité à tout prix, dans un contexte de mondialisation et de dérèglementation économique. Des scandales qui auront deux conséquences majeures : • l’entreprise doit désormais rendre des comptes : d’abord aux régulateurs et réglementations mis en place pour endiguer ces dérives, mais aussi aux ONG (Organisations Non Gouvernementales), aux associations de consommateurs, etc., véritables, « contre-pouvoirs » qui s’appuient sur Internet pour mieux s’organiser, informer et attaquer l’image des organisations peu scrupuleuses. Le concept de Responsabilité Sociale d’Entreprise (RSE), apparu dans les années 50 et que le sommet de la Terre à Johannesburg en 2002 remet en avant, amène à revoir la manière dont la performance des entreprises est mesurée : la performance économique ne suffit plus, il faut aussi prendre en compte leurs performances sociales et environnementales. • « L’entreprise n’est plus crue sur parole » : comme le remarquent V.Brulois & J-M.Charpentier, le décalage entre l’actualité et les messages véhiculés par les entreprises délégitime le discours de ces dernières. Un décalage encore aggravé, lorsque « flairant » l’impact de la RSE sur l’opinion publique, certaines organisations se sont « engagées » dans cette voie, sans aucune conviction sociale, mais avec la seule volonté de parfaire leur image et d’optimiser leurs profits. Mais les « contre-pouvoirs » qu’ils soient officiels ou non officiels « veillent », vérifient l’information, la confrontent et surtout partagent leurs analyses !
  • 20. Mémoire professionnel – Page 19/117 Reproduction interdite sans autorisation préalable 1.3.3 Les discours internes remis en cause En interne, les salariés ne sont plus naïfs. D’une part, ils ont accès à d’autres sources d’informations que celles fournies par leur entreprise, ils peuvent vérifier les messages qui circulent ! La langue de bois n’a plus sa place dans les organisations ! D’autre part, la « communication » qui était réservée jusque-là aux dirigeants et aux services de « com’interne » fait partie à présent du quotidien de tous les salariés. Le travail se fait en communiquant, à tous les niveaux de l’organisation : échanges d’e-mails, réunions, séminaires, etc. Se crée alors une communication de terrain bien éloignée de l’information formatée et descendante véhiculée par la « com’ », dont la portée s’essouffle peu à peu. Un essoufflement symptomatique du fossé qui se creuse entre le discours des dirigeants et les besoins des salariés. V.Brulois & J-M.Charpentier citent d’ailleurs une enquête TNS–Sofres–Publicis Consultant de 2010 indiquant « que 87 % des salariés en France se disent convaincus que les intérêts des dirigeants et des salariés ne vont pas dans le même sens ».21 Des salariés dont le rapport au travail évolue également, avec l’arrivée de la loi Aubry en 2002 sur la Réduction du Temps de Travail qui selon l’ANACT (L’Agence Nationale de l’Amélioration des conditions de travail) « conduit au développement de la flexibilité et à une conciliation des temps entre vie professionnelle et vie privée ». Au moment même où la communication interne atteint un certain niveau de maturité, les discours qu’elle véhicule, toujours centrés sur l’image, sont remis en cause par des salariés qui attendent plus d’adéquation avec la réalité du terrain, plus d’authenticité, plus d’humanité et plus d’interactions, à l’image finalement de la communication dont ils sont acteurs au quotidien dans leur travail. 1.4 « Années 2010 » : bouleversements et transition 1.4.1 Une société en pleine transition Certes, la communication interne réagit : les Intranets deviennent « interactifs » (les collaborateurs peuvent donner leur avis, « liker », commenter les articles publiés), les réseaux sociaux s’installent dans les organisations (avec divers niveaux d’adoptions selon les entreprises). Elle va également faire évoluer son dispositif évènementiel notamment à travers les initiatives d’engagements solidaires (pour supporter des associations caritatives) auxquelles sont conviés les salariés, donnant une dimension plus humaine à leurs activités. Mais dans la majorité des cas, ces approches traduisent simplement l’utilisation de nouveaux canaux de diffusion, le traitement de nouvelles thématiques qui s’ajoutent à celles existantes. 21 Romagnan, Barbara. Rapport d’enquête de la commission d’enquête sur l’impact sociétal, social, économique et financier de la réduction progressive du temps de travail. Assemblée nationale, 2014.
  • 21. Mémoire professionnel – Page 20/117 Reproduction interdite sans autorisation préalable Il manque une réflexion en profondeur sur les changements à apporter pour s’adapter aux transformations que vit la société depuis la fin de la dernière décennie et que nous avons abordées dans l’introduction. Nous voyons dans ces transformations trois grandes tendances qui bouleversent les modèles existants : la prolifération des communautés et des réseaux, l’abolition des frontières, l’accélération des pratiques et l’explosion des contenus. La prolifération des communautés et des réseaux : l’avènement du « Web social », dont parle N.Vanbremeersch22 , qui « relie directement les internautes » et « qui répond à une logique d’échange, de partage, de conversation, de rencontre », amène les gens à se connecter, se regrouper par métiers, intérêts, convictions politiques, cultures, hobbies, etc. Des communautés qui ne sont pas hermétiques et qui interagissent. « Les nouveaux services (blogs, réseaux sociaux) replacent l’individu au cœur de l’action, en lui permettant de se mettre en réseau avec d’autres ». Comme l’écrit D.Serfaty (le fondateur et PDG de Viadéo) dans la préface du livre « Facebook, Twitter et les autres… »23 : « avec les réseaux sociaux, le Web s’humanise, les échanges se concrétisent. Des échanges dont la richesse permet désormais à tout à chacun de partager bien plus que de simples mots, pour échanger des idées, des lectures, des expériences ou des opinions ». L’entreprise n’échappe pas à ce nouveau mode de fonctionnement : les communautés se créent à tous les niveaux de l’organisation bouleversant les frontières comme nous le verrons un peu après. Il est important de noter l’impact de ces communautés sur l’espace public de J.Habermas dont Thierry Paquot 24 nous donne la définition : « L’espace public correspond à la publicité d’une conviction privée qui vient alimenter le débat collectif et participer à l’élaboration d’une opinion publique ». Dès lors, tous ces échanges constituent un « formidable élargissement de l’espace public » comme le remarque N.Vanbremeersch, voire un éclatement d’un espace public unique en une multitude d’espaces publics à grandeurs et géométries variées. L’abolition des frontières : Internet en connectant les individus a aboli un grand nombre de frontières qu’elles soient physiques ou culturelles ; frontières géographiques (les individus se connectent instantanément entre eux, quelle que soit leur localisation), frontières sociales (les individus échangent, quel que soit leur milieu social), frontières « générationnelles », frontières de « connaissances » (certaines connaissances réservées auparavant à une certaine élite sont aujourd’hui accessibles et partagées par tous), etc. Au sein de l’entreprise également les frontières sautent : frontières « hiérarchiques », « professionnelles (les différents métiers de l’entreprise sont amenés à échanger entre eux), « organisationnelles » (les échanges se font 22 Vanbremeersch, Nicolas. De La Démocratie Numérique. Médiathèque. Paris: Seuil : Presses de Sciences Po, 2009. 23 Balagué, Christine & David Fayon. Facebook, Twitter et les autres... 2e Revue et complétée. Pearson, 2012. 24 Paquot, Thierry. L’espace public. Nouvelle édition Paris: La Découverte, 2015.
  • 22. Mémoire professionnel – Page 21/117 Reproduction interdite sans autorisation préalable entre les différents départements d’une entreprise). Enfin, l’entreprise n’est plus un vase clos : d’une part, les salariés échangent régulièrement avec les différentes parties prenantes (clients, fournisseurs, associations, etc.), mais surtout ils n’hésitent pas à échanger sur leurs activités privées dans leur milieu professionnel et vice-versa, créant une véritable porosité « interne- externe », sur laquelle nous reviendrons. « Le rapport intérieur/extérieur a changé, et c’est souvent la culture de l’extérieur qui s’impose » précise D.Wolton25 . Une disparition de frontières entre la sphère privée et la sphère professionnelle qui se fait également ressentir au niveau des usages liés à la technologie, comme le souligne B.Menard26 : « alors qu’auparavant, et ce fut le cas pendant plusieurs dizaines d’années, les technologies de l’information dédiées au monde de l’entreprise tiraient le marché, en terme d’innovations et d’usages, aujourd’hui c’est quasiment l’inverse : les usages privés, par des utilisateurs disposant d’un niveau élevé de maturité, bousculent les entreprises ». L’accélération des pratiques et l’explosion des contenus : comme nous le disions dans l’introduction, les nouvelles technologies ont modifié notre rapport au temps, tout s’accélère. « L’humanité produit autant d’informations en deux jours qu’elle ne l’a fait en deux millions d’années »27 . Les deux schémas qui suivent illustrent ce phénomène. Le premier montre le temps qu’il a fallu à différents « médias » pour atteindre un niveau d’adoption de masse (50 millions d’utilisateurs) : Temps pour atteindre 50 millions d’utilisateurs 28 La comparaison est impressionnante : quand il a fallu 38 ans à la radio pour atteindre ce niveau, il n’a fallu qu’un mois au jeu Angry Birds (application pour téléphones mobiles) pour y arriver. 25 Wolton, Dominique. « Pourquoi La Communication Des Entreprises Est Devenue Inaudible. » Le Monde Economie, novembre 2012. 26 Ménard, Bruno. L’entreprise numérique : Quelles stratégies pour 2015 ?Editions Nuvis, 2010. 27 Gabriel, Siméon. « Données Le Vertige. » Libération, décembre 2012. 28 Schéma construit à partir des sources suivantes : http://fr.slideshare.net/ValaAfshar/50-stunning-mobile- statisticsvalaafshar & http://visual.ly/reaching-50-million-users Angry&Birds& Instagram& Ipod& Facebook& Internet& Télévision& Radio&Radio& Télévision& Internet& Facebook& Ipod& Instagram& Angry&Birds& 38&ans& 13&ans& 4&ans& 3.5&ans& 6&mois& 1&mois& 3&ans&
  • 23. Mémoire professionnel – Page 22/117 Reproduction interdite sans autorisation préalable Le deuxième schéma nous indique l’activité « frénétique » que l’on peut observer chaque minute sur Internet : Une minute sur Internet 29 1.4.2 Une fonction en pleine transition Quel modèle doit alors adopter la communication interne ? Face à ces communautés qui communiquent et interagissent entre elles sans intermédiaires, quel rôle doit-elle jouer ? Comment, face à la démultiplication des flux, des émetteurs et la rapidité de la circulation de l’information, la communication interne doit-elle se placer pour assurer un minimum de cohérence, tout en répondant aux besoins d’authenticité des salariés ? Enfin, peut-on encore parler de « com’interne » alors que, nous l’avons vu, les frontières « interne- externe » s’efface progressivement ? V.Brulois & J-M.Charpentier, dans leur ouvrage, parlent de communication en entreprise pour aborder cette fonction. Non pas que la communication interne disparaisse (et nous verrons dans les parties suivantes qu’elle doit être plus que jamais « au cœur des projets de l’entreprise et non plus seulement en appui »30 ), mais plutôt dans un souci de précision de langage et afin de ne pas restreindre ses actions à « l’interne » seulement, car tout l’enjeu est là : en améliorant la communication au sein de l’entreprise, l’objectif est aussi de pouvoir véhiculer en externe la véritable identité de l’organisation. Nous utiliserons donc cette expression également dans la suite de notre document. 29 Schéma construit à partir des sources suivantes : http://www.blogdumoderateur.com/60-secondes-Internet-2014/ & http://www.directioninformatique.com/wp-content/uploads/2013/03/Intel_WhatHappensInInternetMinute.jpg 30 Brulois Vincent et Jean-Marie Charpentier. Ibidem 4 millions de recherches Google effectuées 347 000 photos partagées sur WhatsApp 277 000 tweets envoyés 216 000 photos partagées sur Instagram 8 300 vidéos Vine partagées 3 500 Images épinglées sur Pinterest 72h de vidéo téléchargées sur YouTube 48 000 applications téléchargées sur l’Apple store 26 400 nouvelles revues postées sur Yelp 23 300h de connexion sur Skype 24,6 millions de contenus partagés sur Facebook 204 millions d’e-mails envoyés 60 secondes sur Internet
  • 24. Mémoire professionnel – Page 23/117 Reproduction interdite sans autorisation préalable 2. Le triptyque « Collaboratif, Collaborateur, Communicant » : un angle d’analyse pour mieux comprendre les enjeux de la communication interne Nous venons de le voir, les impacts des technologies sur la société (notamment à travers la prolifération des communautés et des réseaux, l’abolition des frontières, l’accélération des pratiques et l’explosion des contenus) amènent la fonction « communication en entreprise » à s’interroger sur son rôle. Pour essayer d’appréhender ses nouveaux enjeux, nous avons orienté nos recherches autour de 3 axes : • Le collaboratif : pour comprendre ce que nous appelons « l’ère collaborative » et comment l’avènement des outils collaboratifs, en connectant les individus et en abolissant les frontières, bouleversent les modèles existants et les modes de communication tant en dehors qu’au sein de l’organisation, • Le collaborateur : pour comprendre les nouveaux comportements d’un collaborateur qui jusqu’à présent avait un rôle passif et qui est aujourd’hui un contributeur à part entière en attente d’une communication plus authentique, plus humaine, plus interactive, • Le communicant : pour comprendre les conséquences de ces bouleversements sur son métier, l’évolution de ses missions face à une multiplicité d’émetteurs et une accélération du temps. 2.1 Le collaboratif au cœur des organisations « Pour moi, ce n’est pas l’ère de l’information, c’est l’ère de l’intelligence en réseau. C’est une ère de grandes promesses, une ère de collaboration »31 explique D.Tapscott, un des spécialistes mondiaux de l’innovation et de l’économie digitale, auteur avec A.Williams du best-seller « Wikinomics ». D.Tapscott résume parfaitement le changement que nous vivons : la collaboration est aujourd’hui au cœur de nos modes de fonctionnement et bouleverse nos modes de communication. Nous avons donc pensé qu’il était essentiel de comprendre ces transformations, leurs impacts sur l’entreprise et les mécanismes sociaux de la collaboration. Nous terminerons par quelques exemples d’approches collaboratives que nous avons pu collecter lors des rencontres avec des professionnels de la communication. 31 Tapscott Don : Quatre principes pour un monde ouvert, TEDx, juin 2012.
  • 25. Mémoire professionnel – Page 24/117 Reproduction interdite sans autorisation préalable 2.1.1 L’émergence de l’ère collaborative et son impact sur l’entreprise De même que nous avons placé la communication interne dans une perspective historique, il nous est apparu important d’appréhender les grandes étapes qui ont amené à ce que nous appelons « l’ère collaborative » (l’idée n’est pas d’être exhaustif, mais de mettre en avant les grandes dates qui ont progressivement changé les usages). Nous verrons ensuite l’impact de ces changements au sein des organisations. Nous commençons par une infographie qui résume l’évolution des outils collaboratifs, car depuis l’apparition du « Web » en 1989, ces outils ont progressivement transformé et façonné les modes de communication, amenant des nouveaux usages collaboratifs. Nous avons construit cette infographie sur la base d’informations collectées sur Internet depuis un grand nombre de sources que nous ne pourrons citer ici. 32 32 Nous proposons néanmoins de visiter le très intéressant site « Blog du modérateur » (http://www.blogdumoderateur.com) qui publie régulièrement des études et statistiques sur les usages du « Web ».
  • 26. Mémoire professionnel – Page 25/117 Reproduction interdite sans autorisation préalable Premières plateformes grand public. Précurseur des réseaux sociaux, les forums sont de véritables espaces de dialogue et d’entraide, où les messages sont affichés par ordre chronologique. Le « World Wide Web » apparaît avec un système de navigation basé sur « des pages webs » et des liens hypertextes. Naissance du « Web » 1989 Aujourd’hui Premières services de messageries grand public. L’e-mail modifie profondément les échanges entre les individus en abolissant les frontières et en les connectant immédiatement. Apparition des premières messageries instantanées grand public (échange de messages texte en direct avec ses contacts ) . Forums de discussions1994 Aujourd’hui Messageries électroniques 1996 Très vite, il devient le moteur de référence. En indexant le contenu de plus de 30 000 milliards de pages, Google révolutionne l’accès à l’information et à la connaissance. . Lancement de Google1998 Aujourd’hui Premières plateformes grand public. Réservés jusqu’alors aux informaticiens, les blogs se multiplient. Un blog est site sur lequel l’auteur va publier régulièrement des « billets » sur sa propre actualité, celle d’un sujet ou d’une profession en particulier. Blogs1999 Le « web » devient « collaboratif » (on parle de « web 2.0 ») avec notamment le lancement de « Wikipédia », projet d’encyclopédie universelle à laquelle tout internaute peut contribuer Wikipédia 2001 Milliards175 d’e-mails échangés quotidiennement dans le monde de pages vues en2014 sur REDDITun des plus gros forums de discussions actuels Milliards3 de requêtes effectuées tous les jours (10 000 en 1998) de blogs créés tous les mois toutes plateformes confondues Aujourd’hui Millions410 de visites effectuées tous les jours (17 millions d’articles) Milliardde sites Internet1 Milliardsd’internautes3 Aujourd’hui Milliards75 Millions3 L’avènement des outils collaboratifs Aujourd’hui Le « web 2.0 » prend de la vitesse avec la naissance des réseaux sociaux et du « microbloging » qui bouleversent complètement l’usage d’Internet. Chaque internaute peut devenir acteur du réseau, partageant ses expériences, ses humeurs, ses goûts, son actualité et se connectant à une multitude de communautés. L’information circule et se propage à une vitesse inédite. Les réseaux sociaux 2002 2003 Linkedin Millions380d e m e m b r e s Aujourd’hui 2004 Facebook d e m e m b r e s Milliard1,4 Aujourd’hui 2005 YouTube d e m e m b r e s Milliard1 Aujourd’hui 2006 Twitter d e m e m b r e s Millions300 La sortie de l’iPhone révolutionne l’accès à Internet, en permettant à chacun d’être connecté n’importe où, n’importe quand. Associé au « web 2.0 », l’Internet mobile accélère la transformation de la société L’Internet mobile 2007 Aujourd’hui Milliard1,2 Smartphonesvendusdans le monde en2014 (toutes marques confondues) Foursquare introduit la notion de géolocalisation dans les réseaux sociaux et donne ainsi la possibilité à ses membres d’indiquer où ils se trouvent et de recommander des lieux de sortie (restaurants, commerce, etc.).. Géolocalisation2009 Aujourd’hui d ’ a v i s sur Tripadvisor «la plusgrande agencede voyagesdumonde » Millions125 Visiteurs /mois Millions260 Les applications mobiles de messagerie instantanée connaissent un succès fulgurant Aujourd’hui 2010 Instagram de photos partagées en 2014 Milliards30 Aujourd’hui 2010 Pinterest d e m e m b r e s Millions100 Aujourd’hui 2011 Google+ d e m e m b r e s Millions350 Aujourd’hui 2009Whatsapp 700 millions d’utilisateurs, envoyés chaque jour 10 milliards de messages Aujourd’hui 2011Snapchat 100 millions d’utilisateurs, envoyés chaque jour 2milliards demessages Aujourd’hui 2011Wechat* 700 millions d’utilisateurs, envoyés chaque jour 30 milliards demessages
  • 27. Mémoire professionnel – Page 26/117 Reproduction interdite sans autorisation préalable (* Wechat que nous mentionnons dans l’infographie de la page précédente est principalement utilisé en Chine33 où en plus de la messagerie instantanée, l’application offre des services d’appels audio/vidéo, de partage de photos, de portefeuilles électroniques, etc.) Il est intéressant de noter que la majorité de ces outils ou réseaux sociaux est gratuite et extrêmement facile à utiliser. L’explosion sur Internet de ces nouvelles pratiques de communication, d’échanges et de partages bouleverse également les modes de consommation. On parle alors d’économie de partage ou d’économie collaborative qui comprend deux grandes notions : • le financement participatif (ou « crowdfunding » en anglais) qui offre la possibilité à des particuliers de financer des projets (KickStarter, Ulule, KissKissBankBank, MyMajorCompany. etc.). En 2014, environ 300 plateformes dans le monde ont ainsi récolté plus de 16 milliards de dons et de prêts. À noter, également le « crowdspeaking » : au lieu d’investir de l’argent dans un projet, les internautes sont invités à soutenir un projet sur les réseaux sociaux. Thunderclap, le leader mondial du secteur compte plus de 3 millions d’internautes qui ont touché près de 3,5 milliards de personnes à travers le monde depuis la création du site. En 2013, Barack Obama a lancé une campagne sur Thunderclap pour demander aux Américains d’adresser un message « antiviolence » au Congrès afin que ce dernier accepte les propositions du Président. • La consommation collaborative : les internautes achètent, échangent, partagent ou louent entre eux des biens ou des services. Ebay fut l’un des premiers en 1995 à proposer aux particuliers de vendre leurs biens sur Internet sous forme d’enchères. En 1999 le site « CouchSurfing » propose à ses membres de dialoguer et demander l’hospitalité aux autres membres, puis en 2000 Zipcar propose la location de voitures entre particuliers (le site est maintenant le leader mondial de l’autopartage : une flotte de véhicules est mise à disposition en libre-service à ses membres). Tous les secteurs sont aujourd’hui impactés : la location chez l’habitant (ex : Airbnb lancé en 2008, près de 1 million de chambres proposées à l’heure actuelle), le covoiturage (ex : le site français Blablacar lancé en 2006, 10 millions de membres à ce jour), la location de biens (ex : Zilok en 2007, « l’Ebay de la location », représente aujourd’hui près de 350 000 objets à la location), le stockage (ex : le site français Costockage représente 200 000 m3 de stockage cumulé), etc. Ce phénomène touche aussi les services : Taskrabbit un des pionniers de « l’emploi à la demande » (ou « jobbing »), lancé en 2008 aux États-Unis, met en relation 33 Il intéressant de noter que la Chine, censurant l’accès à la plupart des réseaux sociaux mondiaux, a développé ses propres réseaux et applications : Qzone l’équivalent de Facebook (630 millions de membres), Weibo l’équivalent de Twitter (500 millions de membres), Line l’équivalent de Whatsapp (450 millions d’utilisateurs), etc.
  • 28. Mémoire professionnel – Page 27/117 Reproduction interdite sans autorisation préalable des personnes en recherche de « petits jobs » avec des particuliers qui ont des offres à proposer (« Je me propose », site français lancé en 2012, propose 100 000 annonces à ses 250 000 membres »). Ce sont aussi des plateformes d’échanges de services qui sont proposées comme en France « Le Bon échange » (qui reprend le principe du site de petites annonces « Le Bon Coin », mais pour l’échange), « LesTrocsHeures » une initiative lancée par Castorama pour l’échange d’heures de bricolage, mais aussi des réseaux d’entraide, etc. Ce sont ainsi des centaines de sites de finance participative ou de consommation collaborative qui sont à présent à la disposition des particuliers34 . Un autre aspect de cette économie collaborative : le « co-working ». Ce sont des lieux de travail où se réunissent des travailleurs indépendants qui vont pouvoir non seulement partager le coût des infrastructures (locaux, matériels informatiques, etc.), mais également partager leurs expériences, leurs compétences, leurs idées, tout en renforçant leur réseau. Véritables espaces de travail collaboratif, ces nouveaux lieux favorisent la créativité, l’ouverture, etc. Une trentaine d’espaces de co-working existent aujourd’hui à Paris, dont les plus connus sont « La mutinerie », « Numma », « Player », etc. On retrouve également la notion de « Fab’lab », des ateliers de fabrication (« Fabrication laboratory » en anglais) partagés, ouverts à tous, le plus souvent équipés de matériels de type « impression 3D ». Selon une étude du cabinet PricewaterhouseCoopers35 , « Le marché mondial de l’économie collaborative devrait atteindre près de 335 milliards de dollars d’ici à 2025, contre 15 milliards en 2014 ». Nous voyons que les transformations de ces 15 dernières années ont profondément changé le quotidien des individus habitués désormais à partager, à donner leur avis, à contribuer. Chaque individu a aujourd’hui la possibilité de collaborer à une communauté mondiale, sans frontières, sans limites, en mutation permanente. Qu’en est-il dans l’entreprise ? À la fin des années 1990, l’usage des messageries électroniques se démocratise au sein des entreprises et accompagne la naissance des grands groupes internationaux de l’époque. Très vite, « l’e-mail » devient un des outils quotidiens principaux pour échanger des informations dans l’organisation, connectant les personnes, quels que soient leur pays, leur entité, etc. Il représente, à cette époque, un des premiers outils facilitant la coopération. Pour la 34 Nous vous invitons à regarder le Blog ConsoCollaborative et notamment sa page. « 100 sites de consommation collaborative », janvier 2013. http://consocollaborative.com/1704-100-sites-de-consommation-collaborative.html. 35 Communiqué de presse PWC. « Le marché mondial de l’économie collaborative devrait atteindre près de 335 milliards de dollars d’ici à 2025, contre 15 milliards en 2014 », mai 2015
  • 29. Mémoire professionnel – Page 28/117 Reproduction interdite sans autorisation préalable communication en entreprise qui se professionnalise, l’e-mail un outil idéal pour diffuser, facilement et rapidement des informations à un maximum de personnes. D’autant plus idéal qu’il est alors plus facile et moins risqué, la communication devenant « corporate », d’envoyer un e-mail que d’organiser la prise de parole d’un dirigeant qu’on ne maîtrise pas totalement. Les milliards d’e-mails échangés quotidiennement semblent avoir dénaturé le contenu des échanges (« mon collègue m’a envoyé un e-mail alors qu’il est dans le bureau d’à côté… »). Une saturation se fait ressentir par les utilisateurs (« je reçois pas loin de 300 e-mails par jour, je ne sais plus comment les traiter, si je ne veux pas passer la journée à ça ! »). À noter aussi l’arrivée quelque temps après, de la messagerie instantanée, qui permet aux collaborateurs d’échanger en direct des messages texte. Enfin, la messagerie d’entreprise deviendra mobile avec l’apparition du « BlackBerry » en 1999 (près de 46 millions d’utilisateurs en 2010) puis des smartphones. L’entreprise s’équipe également d’outil d’audio et visioconférence permettant d’organiser des réunions entre collaborateurs de différents sites. Les outils vont évoluer pour permettre aux utilisateurs d’organiser des réunions « virtuelles » avec d’autres collègues, de se connecter à des visioconférences depuis leur poste de travail (des « Skype » d’entreprise comme Webex ou plus récemment Lync). Ces premiers outils, qu’il s’agissent des messageries (traditionnelles ou instantanées) ou d’audio/visioconférence, vont progressivement favoriser une communication de terrain, liée à l’activité quotidienne des collaborateurs, créant ainsi un décalage, nous l’avons dit, avec la communication descendante de plus en plus « aseptisée ». Au début des années 2000, les « Wikis » d’entreprise vont apparaître et vont apporter les premières approches collaboratives à proprement parler au sein des organisations, à travers une collaboration interne autour de la connaissance et du savoir. À la manière de Wikipédia, les procédures, les fonctionnements internes sont ainsi décrits et mis à jour sur ces « Wikis ». Les experts, notamment les informaticiens, aiment également à échanger au sein de forums de discussions internes autour de problématiques techniques. À la même époque, les blogs se répandent dans l’organisation, notamment à travers les blogs de dirigeants, ou les blogs d’experts. Certaines sociétés vont pousser la pratique, comme IBM avec ses plus de 26 000 blogs internes / externes qui permettent aux experts de la firme américaine de partager leurs connaissances, aux dirigeants et managers d’exprimer leur vision, leur questionnement, comme nous expliquait Pierre Milcent, responsable France des offres collaboratives d’IBM. Toujours à partir de 2000, les Intranets prolifèrent en entreprise, après leurs premières apparitions dans les années 1995. Ce sont des sites « Web » internes, inaccessibles depuis
  • 30. Mémoire professionnel – Page 29/117 Reproduction interdite sans autorisation préalable l’extérieur mis en place pour une entité, un projet, une activité transversale, etc. et permettant de publier des informations accessibles à une large audience ou des publics plus restreints, de mettre ces informations à jour en temps réel, etc. Pour la « com’interne », c’est un excellent moyen de mettre à disposition des collaborateurs toutes les informations concernant l’entreprise, son organisation et ses métiers, son actualité interne et externe. Néanmoins, le décalage de ces nouveaux canaux (ventant la « grandeur » des organisations et de leurs réussites) et les scandales que connaissent les entreprises à cette époque creusent encore plus la distance entre la vision du terrain et celle des dirigeants. D’autant plus que les collaborateurs ont la possibilité à travers Internet, nous l’avons vu, de comparer les discours de l’entreprise avec celui des journalistes. Ce n’est qu’à partir de 2010 que les pratiques du « Web 2.0 », après quelques balbutiements en entreprise, se démocratisent. Les Intranets se regroupent pour former des « portails », ils deviennent collaboratifs en s’ouvrant aux commentaires et avis. En parallèle, les réseaux sociaux d’entreprise sont mis en place, soit pour une partie de l’organisation, soit de manière transversale. À titre d’exemple, en France, une étude de 2015 montre que 80 % des sociétés du CAC 40 ont installé un réseau social36 . Les collaborateurs qui ont répondu à notre questionnaire, confirment que ces solutions sont bien présentes : Est-ce que votre entreprise a déjà mis en place : … des Intranets ou blogs ouverts aux commentaires ? … un réseau social d’entreprise ? Il est intéressant de noter qu’environ 5 % des personnes interrogées ne savent pas si ces solutions ont été installées ou non dans leur environnement. Cependant, bien que ces outils offrent de nouveaux espaces de dialogue et facilitent la circulation de l’information, les organisations ne sont pas forcément plus collaboratives pour autant. Si certains modes de fonctionnement évoluent, les outils seuls ne suffisent pas à changer les comportements au sein de l’entreprise. 36 Crochet Antoine. « 80% des groupes du Cac 40 équipés d’un réseau social d’entreprise », Journal du Net, février 2015. Cependant cette étude est relativiser puisque la notion de réseau social est prise au sens large, incluant des outils comme « Sharepoint », etc. 77%# 18%# 5%# Oui Non Ne sait pas 75%$ 21%$ 4%$ Oui Non Ne sait pas
  • 31. Mémoire professionnel – Page 30/117 Reproduction interdite sans autorisation préalable Nous avons trouvé deux causes principales au problème d’évolution de ces comportements. Premièrement, ces outils ont été introduits dans des organisations pyramidales qui ont des modes de fonctionnement hiérarchiques depuis des années. Notamment en France, où le management reste fortement attaché à ce modèle pyramidal. Comme l’explique le sociologue D.Martin37 « La tradition de l’entreprise française n’est pas d’accepter le collectif, sauf à l’encadrer et le soumettre à l’autorité hiérarchique. Il faut donc ici accomplir une profonde révolution que les décennies de taylorisme ont retardée : la reconnaissance des collectifs comme acteurs de l’innovation et de la transformation des régulations organisationnelles ». Une révolution à la fois managériale mais également au niveau des salariés et de leur perception de leur rôle sur l’organisation. Un véritable changement que le communicant doit accompagner, comme nous l’aborderons plus tard. B.Duperrin constate, en effet, que « les entreprises ont fait perdre à leurs collaborateurs la conscience de leur impact sur l’activité de l’entreprise » et que « l’entreprise d’aujourd’hui voit le sens de la collaboration bridée par son business-modèle même et la conception de son offre ».38 J-F.Noubel, cofondateur d’AOL France et fondateur du Collective Intelligence Research Institute, va plus loin : « le modèle pyramidal est dépassé : il ne produit guère de résultats probants sur le plan économique et provoque des tensions, des blocages et du gâchis sur le plan humain »39 . Du coup, s’il est facile pour un individu, à titre personnel de partager, de collaborer, d’exprimer ses idées sur Internet, la démarche au sein de l’entreprise, en tant que collaborateur est loin d’être évidente et naturelle. Nous le verrons, cela nécessite la mise en place d’un environnement propice aux échanges, basé sur la bienveillance, la confiance et la reconnaissance. Un environnement promu à la fois par la communication, les dirigeants, les RH et le management. Par ailleurs, ces organisations pyramidales, en favorisant les silos, génèrent des modes de fonctionnement diamétralement opposés aux réseaux sociaux présents sur Internet : dans ces derniers, la pratique par défaut, est de partager et de choisir spécifiquement ce qui est privé alors que dans l’entreprise, par défaut tout est privé, et il faut spécifier ce qui est partageable. Deuxièmement, ces outils, au fil des années, se sont ajoutés les uns aux autres sans forcément de réflexion globale quant à leur utilisation. Il s’agit plus de nouveaux canaux, que de nouveaux modes de communication et de collaboration, à proprement parler. « Si on trouve de nombreux réseaux sociaux d’entreprise, la tentation de les utiliser comme des Intranets est grande, car la plupart des entreprises rencontrent des difficultés à appréhender ces nouveaux espaces d’expression » rappellent A.Poncier et S.Faure de Publicis Consultants dans leur livre 37 Dominique Martin. Démocratie industrielle : La participation directe dans les entreprises. PUF, 1994 38 Bertrand Duperrin. « L’entreprise de demain sera collaborative, celle d’aujourd’hui non ». Bloc-Notes de Bertrand Duperrin, avril 2015. 39 Afci, « Les nouvelles formes de l’intelligence collective (Soirée débat -Synthèse des échanges) », septembre 2014.
  • 32. Mémoire professionnel – Page 31/117 Reproduction interdite sans autorisation préalable blanc sur la transformation digitale40 . Ainsi, la circulation de l’information reste principalement descendante, à travers de nombreux canaux. Une multiplicité qui pose problème aux collaborateurs se retrouvant à face à un nombre croissant de sources d’informations et qui souhaiteraient d’ailleurs voir converger ces canaux (nous présentons quelques verbatims en ce sens un peu plus tard, p.48). Lorsque nous interrogeons les personnes sur les usages qu’elles ont de ces solutions, les résultats indiquent que ces outils sont pour l’instant plus des outils de consultation que des outils de contribution. Quels usages de ces offres avez-vous ? Nous le disions, les outils ne suffisent pas : « passer en mode collaboratif » nécessite une véritable « approche collaborative » avec une volonté de redonner la parole aux collaborateurs. Marie-Gaëlle Michelin nous expliquait quelle avait été la démarche de Castorama, lorsqu’elle en était directrice de la communication interne : « en introduisant du collaboratif, notre objectif était de donner la parole aux collaborateurs, de libérer leurs initiatives, mais surtout de renforcer la confiance en eux ou de la développer, puisque jusqu’alors on ne faisait jamais appel à eux, à leurs idées ». Une telle approche peut prendre plusieurs formes. Dans la majorité des entreprises concernées, ce sont des projets collaboratifs pour accompagner des changements (notamment des projets liés à la transition numérique et ses impacts sur les métiers), résoudre des problématiques internes ou externes ; des projets de débats, rencontres, concours à idées, etc. Sur ce dernier point, nous pouvons noter l’apport de l’innovation participative dans ces nouveaux modes de collaboration. Présente depuis longtemps dans les entreprises (les premières « boîtes à idées » sont apparues chez Michelin et des constructeurs automobiles dans les années 80), l’innovation participative est une méthode de management qui consiste à solliciter les collaborateurs afin de faire émerger des idées pour 40 Poncier, Anthony et Sébastien Faure. « Transformation digitale : effet de mode ou révolution ? » Publicis Consultants, juillet 2015. 0 10 20 30 40 50 60 Des intranets ou blogs ouverts aux commentaires Un réseau social d'entreprise (équivalent de Facebook, etc.) Une démarche collabo Jamais Rarement Souvent Régulièr. Jamais Rarement Souvent Régulièr. Je contribue Je consulte
  • 33. Mémoire professionnel – Page 32/117 Reproduction interdite sans autorisation préalable améliorer le fonctionnement de l’organisation. Une méthode qui s’est enrichie des nouvelles possibilités d’interactions qu’offrent aujourd’hui les solutions que nous avons présentées. L’innovation participative a pu ainsi « créer les conditions favorables à l’expression des salariés » et « contribuer à améliorer les rapports entre salariés et la hiérarchie » remarquent L.Garcia et D.Peganow, auteures du livre « Innovation participative : remettre l’humain au cœur de l’entreprise »41 . Dans certains cas, l’approche collaborative peut être globale : l’ensemble des modes de fonctionnement de l’entreprise est alors repensé. Une telle démarche implique un fort changement à tous les niveaux de l’organisation. Nous présenterons quelques exemples de ces approches collaboratives (qu’elles soient globales ou sous forme de projets) à la fin de cette première partie. Enfin, n’oublions pas que le collaboratif ne se fait pas uniquement à travers des outils et des réseaux sociaux. Au contraire, les rencontres « réelles », qu’elles soient formelles (réunions, séminaires, séances de brainstorming, de créativité, etc.) ou informelles (café, déjeuner, célébrations, etc.), sont essentielles, car elles favorisent les échanges d’émotions, via le contact humain, des échanges indispensables à la construction du collectif (nous reviendrons sur ce point après). À travers notre questionnaire, nous avons également voulu comprendre le comportement des collaborateurs face à ces approches : Est-ce que votre entreprise a déjà mis en place une démarche collaborative (débat, innovation participative, etc.) ? Si votre entreprise a déjà lancé une approche collaborative avez-vous participé ? 41 Garcia, Muriel et Nadège de Peganow. Innovation participative : Remettre l’humain au coeur de l’entreprises. Scrineo, 2012. 70%$ 20%$ 10%$ Oui Non Ne sait pas 66%# 34%# Oui Non Ne sait pas
  • 34. Mémoire professionnel – Page 33/117 Reproduction interdite sans autorisation préalable Pour les deux tiers des personnes ayant participé, nous avons voulu savoir ce qui les motivait : Si vous avez participé, quelles ont été vos motivations ? Nous remarquons à quel point le sentiment de pouvoir contribuer à la vie de l’entreprise et à son évolution est une motivation pour les salariés. Nous verrons que ces approches collaboratives représentent un véritable levier pour renforcer l’engagement des collaborateurs. Dans les autres réponses qui nous ont été données, certains ont remonté le challenge de « gagner un prix » (notamment dans les concours d’innovation), ou d’autres « le besoin de sortir du quotidien ». Nous avons également remarqué, en analysant les données par tranches d’âge, une légère différence pour les 19-25 ans pour qui le fait de confronter leurs idées est également un facteur de motivation. Pour le tiers de personnes ayant répondu ne pas avoir participé, nous avons voulu comprendre les freins : Si vous n’avez pas participé, qu’est-ce qui vous en a empêché ? Deux points ressortent : le manque de temps et le fait, là aussi, de ne pas être informé. Dans nos rencontres avec des collaborateurs, nous avons compris que le manque de temps était souvent lié au fait que ces démarches se rajoutaient à une activité déjà chargée, et qu’aucune indication n’était donnée pour prioriser ces approches par rapport aux tâches en cours. Par ailleurs, en analysant les réponses en fonction des tranches d’âge, nous avons pu identifier le besoin des 55-65 d’être mieux formés aux outils utilisés. Enfin, dans les autres freins qui ont été remontés : le sentiment que « les débats se font dans le vide, sans vraiment de changement après », que « les idées ne sont pas prises en compte ». 0 10 20 30 40 50 60 70 80 Le plaisir de partager Confronter mes idées Rencontrer ou être en contact avec des collaborateurs que je ne connais pas Le sentiment de contribuer à la vie de l'entreprise, à son évolution Autre (veuillez préciser) 0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 Je n'étais pas informé(e) à ce moment là de cette démarche La peur de confronter mes idées / l'avis des autres Le manque de formation aux outils utilisés Ce type de démarche ne m'intéresse pas, je n'en comprends pas l'utilité Le manque de temps Autre (veuillez préciser)
  • 35. Mémoire professionnel – Page 34/117 Reproduction interdite sans autorisation préalable Ce sont d’ailleurs des éléments que nous retrouvons lorsque nous demandons aux personnes leur avis sur ces pratiques : De manière générale, que pensez-vous de ces démarches collaboratives ? Si la majorité considère que le collaboratif est essentiel pour répondre aux transformations que vivent les entreprises aujourd’hui42 , près de 40 % des collaborateurs sont encore à convaincre, car au-delà des personnes qui ne se sentent pas concernées et celles qui trouvent que ces démarches sont « gadgets », la plupart des « autres réponses » expriment leur déception par rapport aux expériences précédentes : « Utiles, mais rarement suivies d’effets (véritables) », « Utile, mais l’utilisation qui en est faite devient inutile », etc. D’où l’importance d’avoir une démarche collaborative qui ait du sens, expliquée, suivie dans le temps, avec un accompagnement effectif de l’ensemble des populations concernées. Les bénéfices de telles approches sont alors multiples : • Elles apportent plus d’horizontalité dans l’organisation, nous l’avons vu, par la transversalité des outils qui abolissent les frontières nationales, hiérarchiques et d’entités. • Elles renforcent la proximité et les échanges. « Comme les individus s’efforcent a priori spontanément de trouver un équilibre entre leur travail et leur vie sociale, les solutions de travail collaboratif bien conduites améliorent la vie de l’organisation et la performance au travail, en favorisant l’interconnexion des connaissances, des compétences et des affects » constate I.Comtet.43 42 A noter que pour près de 80% des 19-25 ans et 26-35 ans ces approches sont essentielles à l’entreprise 43 Comtet Isabelle « Les environnements collaboratifs de travail au service de l’intelligence collective économique ? » Communication & Organisation 42 (février 2012). 62%$ 19%$ 6%$ 13%$ Essentielles aux nouveaux modes de fonctionnement des entreprises Utiles, mais je ne me sens pas concerné (e) Inutiles, c'est une mode un peu "gadget" Autre (veuillez préciser)
  • 36. Mémoire professionnel – Page 35/117 Reproduction interdite sans autorisation préalable • Elles améliorent la circulation de l’information et l’accès au savoir. Selon une enquête de McKinsey citée par A.Poncier et S.Faure dans leur livre blanc, « 77 % des entreprises ont augmenté la rapidité d’accès des collaborateurs au savoir » grâce au collaboratif. • Elles favorisent la créativité via l’émergence d’une intelligence collective (« Nous sommes plus intelligents à plusieurs ! » nous rappelait Christophe Lachnitt, fondateur de Croisens et ancien directeur de la Communication de DCNS et de Microsoft). • Elles redonnent du sens, renforcent le sentiment d’appartenance, en plaçant le collaborateur au cœur de la réflexion et de l’évolution de l’entreprise « Dans un contexte où près des deux tiers des salariés se disent aujourd’hui en perte de sens dans leur emploi, ces nouveaux modes de collaboration sont gagnant-gagnant »44 Et au-delà de ces bénéfices, un changement inéluctable de la manière de fonctionner des entreprises se dessine. B.Duperrin note que « le futur de l’entreprise passe par la collaboration de nouvelles formes d’organisation où le pouvoir est plus distribué, les compétences et savoirs plus partagés »45 . Dans tous les secteurs, les organisations réinventent leurs modèles, en plaçant la collaboration et les échanges au cœur de leurs modes de fonctionnement. Comme le remarque Frédérique Abella, directeur du Digital et de l’Information chez Unilens : « les modèles que nous avons actuellement en entreprise ont été construits pour organiser des métiers "manuels" où le "corps" formait la ressource. Avec un environnement économique basé sur les services, la ressource, aujourd’hui, c’est le "cerveau". Nos modèles d’organisation ne sont plus adaptés. Il faut les réinventer ». Les auteurs D.Tapscott, et A.D.Williams, sur le site dédié à leur livre « Wikinomics »46 , remarquent que « de profonds changements dans la nature de la technologie, de la démographie et de l’économie mondiale donnent lieu à de nouveaux modèles de production efficaces, basés sur l’importance de la communauté, de la collaboration et de l’organisation personnelle plutôt que sur la hiérarchie et le contrôle ». En effet, nous l’avons vu dans la première partie, notre société est en pleine transition, et dans cet environnement les changements sont continus. Face à ces changements, la rigidité des modèles hiérarchiques ne permet pas aux entreprises de s’adapter et de se transformer rapidement. Les organisations se doivent d’être agiles, et comme le souligne P.Pinault « l’entreprise agile est celle qui sera capable de mobiliser les bonnes ressources au bon moment et dans les meilleures conditions pour réaliser une mission […] les outils collaboratifs offrent aux organisations l’opportunité de répondre à ces problématiques ». 47 44 Pinault, Philippe. « Nouveaux pouvoirs et modes de travail pour l’entreprise collaborative », mars 2013. 45 Dupperin, Bertrand. Ibiddem 46 Don Tapscott, et Anthony D. Williams. « Comment l’intelligence collaborative bouleverse l’économie », octobre 2013. 47 Pinault, Philippe. Ibidem
  • 37. Mémoire professionnel – Page 36/117 Reproduction interdite sans autorisation préalable Pourquoi ces approches collaboratives impactent-elles ainsi les entreprises ? Pourquoi répondent-elles à un besoin croissant des salariés « d’exister » au sein de l’organisation ? L’échange social et la contribution étant au cœur de la collaboration, il nous est apparu intéressant d’en comprendre les mécanismes. 2.1.2 La force de l’échange social et de la contribution Nous nous sommes d’abord intéressé en particulier aux travaux du sociologue français Norbert Alter à travers son livre passionnant « Donner et prendre : la coopération en entreprise »48 . Pour N.Alter, la complexité croissante des organisations et du travail ne permet pas au collaborateur « de détenir à lui seul toutes les connaissances nécessaires à la réalisation de sa tâche ». Cela génère une « compétence collective » qui demande à chacun de savoir travailler et échanger avec l’autre. La force d’une organisation dépend ainsi des espaces d’échanges qu’elle peut offrir à ses collaborateurs. L’auteur décrit l’échange social à travers 3 étapes : • Donner : c’est d’abord « un acte volontaire et non obligatoire », qui doit se faire en toute liberté sans être dicté ni par la hiérarchie ni par les procédures et qui n’a pas de finalité économique. Il implique, selon N.Alter la « consumation » d’une ressource, c’est- à-dire la dépense d’un bien que nous avons : du temps, une connaissance, un savoir, etc. • Recevoir : c’est manifester le fait que nous avons reçu le don ; un regard, un sourire, quelques mots, etc. autant de moyens de « célébrer » ce don. Deux éléments clés à cette étape : premièrement, ce geste « inscrit la relation dans la durée et dans la confiance », constate l’auteur, une sorte de contrat implicite entre la personne qui reçoit et la personne qui donne. Il y aura un « contre-don », mais pas forcément immédiatement. Du coup sans cette étape l’échange social n’existe pas en tant que tel, le contrat n’est pas « signé ». Deuxième élément important du « recevoir » : « le don émeut ». Recevoir le don montre que nous avons été touchés par ce geste inhabituel, ce que l’auteur appelle « la manifestation de l’émotion ». Il explique que, les émotions, loin du stéréotype qu’elles peuvent générer en entreprise, « guident la rationalité ». Pour cela, il s’appuie sur le cas de Phineas Gage, un contremaître américain, à la fin du XIXème siècle, qui survit à un terrible accident : suite à une explosion, une barre de métal traverse son crâne, touche son cerveau au niveau du cortex préfrontal, lieu de traitement des émotions. Physiquement indemne, Phineas Gage change cependant totalement de comportement, devient asocial, délinquant, etc. Les études montreront qu’ayant perdu « sa sensibilité émotionnelle », « le caractère émotionnel positif ou négatif de ses actions a disparu. Du 48 Alter, Norbert. Donner et prendre : la coopération en entreprise. Paris: LA DECOUVERTE, 2010.