2. L'ÉVÉNEMENT
LES
TABLES
PRÉFÉRÉES
DU
FIGARO
ALORS
QUE
LE
GUIDE
MICHELIN
PRÉSENTE
LUNDI
SON
NOUVEAU
MILLÉSIME
DANS
UN
CONTEXTE
INÉDIT,
NOS
CRITIQUES
PROPOSENT
LEUR
PROPRE
PALMARÈS.
STÉPHANE
DURAND-SOUFFLAND
sdurandsouffland@lefigaro.fr
ETEMMANUEL
RUBIN
D
e mémoire gastronomique
et donc michelinesque,
rarement année n’aura été
aussi indigeste. Six mois à
voir les restaurants fermés
pour causede virus, six autres à les vi-
vre dans la fébrilité des contingences
sanitaires. De là, cette question : fallait-
il ou non sortir le guide?
Bien évidemment, sur l’air du spectacle
continue, Bibendum plaidera une ma-
nière mieux qu’une autre d’accompa-
gner la profession. Un guide comme un
symbole, peut-être un espoir, pour sou-
tenir un secteur éprouvé et défendre les
tables en les illustrant. Pourquoi pas! Il
n’en reste pasmoins que ce drôle de cru
risque surtout, une fois encore, une fois
de trop, d’interroger sur cette autre bi-
ble. Sanécessité,sesmanières.
Régulièrement attaqué à propos de son
fonctionnement (et ce, parfois, jusqu’au
prétoire), Michelin pourrait se trouver
bien embarrasséà justifier cette édition
notamment à l’instant d’éclairer le dé-
roulé desenquêtesdecesfameux inspec-
teurs sur les 12derniers mois. Comment
ceux-là ont-ils pu tester (et retester) des
adresses,pour la plupart, aux abonnés
absents? Comment, dans pareilles
conditions, intégrer telle maison, sortir
telle autre? Comment accorder le pré-
cieux macaron, pourquoi le faire sauter?
L’opacité de la méthode, les conditions
d’inspections, la suspicion de passe-
droits, bref la saucière à reproches ne
devrait pas manquer de couler sur la
nappe. Ce lundi, jour de verdict,
Michelin risque d’ailleurs d’offrir au pe-
tit monde de la gastronomie un grand
moment de circonvolution. Habitué à la
langue de bois, il devrait, cette fois,
nous sortir la forêt tout entière.
L’occasion aurait pourtant été belle et
légitime de profiter d’une année si par-
ticulière pour tenter une réforme si né-
cessaire.Peut-être aurait-il été bienve-
nu d’annoncer 2020 en année blanche,
annuler l’édition 2021 et prendre acte
comme rendez-vous pour la saisonpro-
chaine. En profiter des mois durant
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3. pour tout remettre à plat, effacer les
compteurs et les étoiles pour mieux les
réhabiliter, oser la transparence, clari-
fier la grille de lecture, installer enfin le
Michelin d’après. Hors l’économie
substantielle d’une non-parution que ne
bouderait pas, ces derniers temps, la
haute direction de Clermont-Ferrand,
cette décision aurait creusé l’attente,
fermé le clapet des éternels contemp-
teurs, assuréle réel succèsd’une édition
quasi collector et sonné enfin la révolu-
tion du gros livre rouge. Aux vertus du
guide éclairé, Michelin préfère les
conforts confinés de bottin. Une occa-
sion encore manquée au seul souci de
l’opportunisme. Dommage.
Nos
LECLARENCE
(PARIS)
Il y aurait comme l’ombre d’un ma-
lentendu à oublier, cette année encore,
au firmament du palmarès, cet hôtel
particulier, propriété du Domaine Cla-
rence Dillon, vision spectaculaire et
sensible d’un château bordelais posé au
chic des abords champs-élyséens. Si
l’éloge des élégances - et peut-être
même cette superbe que l’on avoue
parfois à la française - trouve encore un
sens, c’est sûrement du côté de ces
beaux murs, soutenus par la cuisine de
Christophe Pelé, moderne modèle d’es-
prit et de raffinement.
DAVID TOUTAIN(PARIS)
Le Normand de la rue Surcouf est au
sommet de sa créativité et déborde
d’idées. Lors de notre dernier passage:
fuseauhuître-framboise et échalote, to-
pinambour, jaune d’œuf et caviar, lotte,
noix, truffe blanche et salsifis, Saint-
Jacques, capucine, coing, cresson, au
dessert une assiette marron-céleri-ci-
tron caviar. Une cuisine percutante et
poétique, inspirée et pas bégueule. Le
service est adorable, la sommellerie,
ouverte au monde et emballante. À no-
ter que les menus à emporter font aussi
l’unanimité.
LA GRENOUILLÈRE
(LA
MADELAINE-SOUS-MONTREUIL)
On ne présente plus l’envoûtant jardin
d’Alexandre Gauthier, planqué dans les
terres du Pas-de-Calais. Sa cuisine est
en parfait accord avec ce cadre boule-
versant. Gauthier offre aux produits
qu’il ouvrage une nouvelle vie : cuis-
sons, assaisonnements, associations,
science inégalée du dressage, font de
chacune de ses assiettes un éblouisse-
ment. Le chef - quadragénaire, il est
déjà un modèle pour toute une généra-
tion - ne cherche pasle consensus,mais
sa maison est l’une des plus accueillan-
tesqui soit.
AM (MARSEILLE)
À Marseille, ville solaire et portuaire,
Alexandre Mazzia livre une cuisine fol-
lement inventive, épicée, fumée,
grillée, savante, lumineuse. L’ancien
basketteur ose, dans son petit (par la
taille) restaurant du quartier du Prado,
les saveurs hardies, ne lésinant pas sur
le piment - cette harissa à la framboise !
- et les sensations fortes. Mazzia : l’un
deschefs les plus stimulants du paysage
gastronomique français.
Et toujours : JeanSulpice à l’Auberge du
Père-Bise (Talloires), Alexandre
Couillon à La Marine (Noirmoutier-en-
l’Île), Serge Vieira (Chaudes-Aigues),
Olivier Nasti au Chambard (Kaysers-
berg), Jérome Banctel au Gabriel de La
Réserve(Paris).
Nos
ÄPONEM(VAILHAN)
Amélie Darvas et GabyBenicio ont fui
le Paris bobo pour ouvrir, en 2018, un
restaurant de rêve, au fin fond de l’Hé-
rault. Inspirée par la grandiose sauvage-
rie du paysage,la première, jeune tren-
tenaire, invente sa cuisine à grands
coups de fulgurances qui vous laissent
pantois. La seconde fait en sorte que
vous oubliiez vos tracas dès lors que
vous vous attablez, et sort de la cave des
flacons merveilleux. Il faut aller s’aban-
donner à Vailhan : on en repart avec le
sourire d’un enfant le matin de Noël.
AUX TERRASSES
(TOURNUS)
Jean-Michel Carrette, qui a repris la
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4. maison familiale avec son épouse
Amandine, est un chef à maturité : il est
temps pour lui de cueillir d’autres
étoiles. À Tournus, vibrionnant, il en-
voie des assiettes étourdissantes. Sur-
prise garantie à chaque service. Du san-
dre ikejime en pochouse (matelote de
poissons de rivière populaire en Bour-
gogne-Franche-Comté), au pigeon na-
vet-cassis en passant par l’anguille,
boudin noir et curry vert, il sait tout fai-
re. Cavepleine de pépites, évidemment.
LEMEURICE-ALAIN
DUCASSE
(PARIS)…
…est aussi Le Meurice-Amaury Bou-
hours. Le trentenaire filiforme et hum-
ble a pris la suite de Jocelyn Herland,
parti au Taillevent. Il mérite amplement
de conserver les 2 étoiles. Sesassiettes
sont vives, soutenuespar une technique
irréprochable (oh la la!, la cuisson im-
peccable de la queue de homard !), et le
feu d’artifice commence dès les amuse-
bouches pour ne s’achever que sur les
mignardises - desserts signés Cédric
Grolet. Bouhours s’amuse en cuisinant
dans un palace: cela vaut le coup d’aller
y cassersatirelire.
LOUROC(ANTIBES)
Éric Frechon (3-étoiles au Bristol)
s’est vu confier les cuisines du mythi-
que palace d’Antibes, l’Hôtel du Cap-
Eden-Roc. D’emblée, il fait très fort.
Un dîner en juillet nous a convaincus :
rouget, turbot, artichauts violets… la
Riviera comestible est traitée avec les
égards dus à son rang. Cadre époustou-
flant, vue sur la mer et sesîles. Ce co-
quin de Frechon mériterait même une
étoile de plus pour la carte du gril.
Nos
SOURCES
(LORIENT)
Nicolas Le Tirrand, ex-bras droit de
Yannick Alléno, a ouvert, avec son frè-
re, un restaurant à Lorient. Il met sa
technique en airain à la disposition
d’une cuisine plus abordable (de tout
point de vue), très tournée vers la mer,
débordante de gaîté et de saveurs. Ser-
vice plein d’allant, cave pleine d’esprit.
Carton plein pour le Breton comblé par
son retour au bercail.
L’AUBERGEDU VERTMONT
(BOESCHEPE)
Michelin a retiré son étoile à Florent La-
deyn au moment où sacuisine en valait
deux. Il serait juste que l’épatant jeune
chef des Flandres récupère son dû, à
défaut de décrocher le doublé dès cette
année. Ladeyn (qui officie aussià Lille),
c’est une philosophie, un style et, déjà,
une école. Accueil et service tout en
douceur, prix serrés, cuisine en mouve-
ment perpétuel. Avec ses quelques
chambres, un des lieux les plus agréa-
bles de France, au cœur d’une région
qui gagnetellement à être découverte.
EMPREINTE(LAMBERSART)
À côté de l’hippodrome de Lille,
Ismail Guerre-Genton envoie des as-
siettes qui cravachent. Sa compagne,
Ines, assure le finish en salle. Produits
locaux, cuissons parfaites, vaisselle et
dressage magnifiques, ambiance du
tonnerre : une maison qui vibre.
PÉTRELLE(PARIS)
Durant cette parenthèse désenchan-
tée de l’automne dernier, Lucie et
Lucas, elle aux fourneaux, lui en salle,
selançaient avec cette belle audace qui
fortifie la passion et emporte les
convictions. La salle ose faire décor,
l’intime semble y croiser les couverts
et, ce soir précis, les girolles de Lozère
rôties, jaune d’œuf confit, brioche,
voile de guanciale, jus de volaille, le pi-
geon de Mesquer, ragoût de pois chiche
noir et salsa verde et les profiteroles
gonflées de chantilly café installaient
mieux qu’un appétit, un climat !
CONTRASTE
OUSUBSTANCE(PARIS)
Sansy voir une quelconque causeà ef-
fet (quoique), Stéphane Manigold, très
visible pour défendre la restauration
durant cette crise Covid, pourrait voir
récompensée l’une de sesjeunes adres-
ses(voire les deux) et, à travers elles, le
frais talents de chefs bien dans leur
époque (Kevin de Porre et Erwan Le-
dru chez Contraste, Matthias Marc
chez Substance), assumant une certai-
ne idée de la maison bourgeoise
contemporaine, mélange de saison et
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5. d’inspiration, disposée avec souplesse
autour de cavesvindicatives.
MI KWABO
OUMOSUKE(PARIS)
Michelin cultivera-t-il enfin les lois de
la célérité en accompagnant la montée
en puissance de la nouvelle cuisine
africaine ? À l’appel, deux tables aussi
investies qu’incarnées : la première
sous la houlette du très affûté Elis
Bond, (et le souvenir d’une étonnante
saucedja servie avec des moules au vin
blanc) et la seconde, cornaquée par
Mory Sacko, ex-Top Chef, personnalité
démonstrative et délicieusement dé-
routante à arbitrer, dans l’assiette,
matières africaines, manières nippones
et vice-versa.
LUNE(VAYRES)
On avait connu Pierre Rigothier, Pa-
risien habile à décrocher l’étoile pour
quelques maisons de valeur (Burgun-
dy, La ScèneThélème). Le voici désor-
mais loin de la capitale mais dans ses
murs, belle bâtisse d’un village d’entre
Bordeaux et Saint-Émilion, où ce jeune
chef trouve à partager une cuisine de
campagne d’aujourd’hui, frontale sans
être rustaude, intègre dans ses pro-
duits, complice à tourner le terroir sans
bêtement le détourner (risotto aux cè-
pes du Médoc, huître du Bassin, fram-
boise, raifort, tagette).
L’AUBERGEDU BOISPRIN
(CHAMONIX)
Janusde chef à Megève, le triple étoilé
Emmanuel Renaut s’est offert une peti-
te infidélité à sa station fétiche pour
réenchanter ce charme d’hôtel cha-
moniard et l’auberge qui l’accompa-
gne. Laquelle, au pied du Mont-Blanc,
semble ravie de l’aubaine, décontrac-
tée des cimes et bien dans sa bistrotte
inventive et locavore.
Et aussi : Rustique (Lyon), Christian Qui
(Marseille) et, à Paris, Éclipses (7e),
Origines (8e), la Table de Colette (5e),
le Racines des Prés (6e), Ochre (Rueil-
Malmaison), Shabour (1er) et Maison
(11
e).
L’annéeque
nous venons
de traverser a été
particulièrement
difficile pour
la restauration.
Il est de notre
responsabilité
de continuer
à la promouvoir.
Le Guide2021
sera l’occasion
de mettre
en lumière
la combativité,
le courage
et le talent
de nos cheffes
et chefs,de valoriser
leurs producteurs
de proximité
et d’encourager
tous les gourmets
à réinscrire dès que
possible les bonnes
tables dans
leur quotidien
GWENDAL
POULLENNEC
DIRECTEUR
INTERNATIONAL
DESGUIDES
MICHELIN
12
heures
lundi18janvier
Lancement
duGuide
Michelin
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