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Analyse personnelle
Le culte de la personnalité sur Facebook
Cours REP2400
Internet et relations publiques
Responsable de l’analyse :
Andrée-Lyne Jacques
Code permanent : JACA11558301
Mardi, 19 octobre 2010
LA DÉCOUVERTE D’UN NOUVEAU MONDE
En septembre 2007, je revenais à Montréal après trois années passées à Washington DC. J’avais
quitté mon emploi à TF1, qui consistait à couvrir l’actualité au Canada, aux États-Unis et en
Amérique du Sud pour étudier l’allemand à Vienne où j’allais vivre avec mon amoureux
Européen, lorsque le mal du pays m’a ramené auprès de ma famille au Québec.
Je me souviens très bien les soirées de retrouvailles en ville avec mes amis, les spectacles pour
redécouvrir les nouveaux groupes musicaux en vogue, les expositions photos du moment ainsi
que les nombreux soupers pour célébrer mon retour au pays. Tous ces événements m’ont tenue
bien occupée pendant au moins deux mois. Ma vie sociale bouillait, mes boîtes de déménagement
étaient encore intactes dans mon petit appartement que j’avais déniché sur Craig’s list. Ensuite,
les gens sont lentement retournés à leur routine, à leurs préoccupations quotidiennes et les
rencontres se sont faites de plus en plus rares.
Après quelques mois, j’avais terminé de lire tous les livres de ma bibliothèque, j’avais visité tous
les musées d’art que j’avais envie de voir et je commençais à trouver le temps long. Ma vie
trépidante entourée de journalistes internationaux me manquait.
Je passais donc la majorité de mon temps dans des petits cafés de quartier à la recherche d’un
emploi en ville. Je cherchais tous les sites de communications existants dans le but de distribuer
mon curriculum au plus grand nombre de personnes et c’est devant mon café au lait que j’ai
découvert Facebook.
2
Je n’étais plus seule. Un monde de possibilité s’ouvrait à moi. Sans quitter ma rue Saint-Denis, je
connectais avec 500 millions (1) d’autres utilisateurs éparpillés dans le monde entier. Je passais
des heures par jour à élaborer mon profil, à chercher mes amis retrouvés, des anciennes
connaissances disparues. Je m’amusais à télécharger les photos de mes nombreux voyages, à
épier les moindres faits et gestes de personnes dont j’avais même oublié l’existence. Je vivais
dans ce monde virtuel où je pouvais tout contrôler des informations que je transmettais pour ne
pas avoir à faire face à ma situation réelle : j’étais sans emploi, sans meuble et en pleine peine
d’amour.
LA MISE EN SCÈNE
En reprenant l’idée du sociologue et linguiste Erwin Goffman (2) qui avance que dans la vie de
tous les jours, nous nous mettons constamment en scène et “théâtralisons” inconsciemment notre
communication verbale et non verbale, Facebook était mon théâtre.
En choisissant ma photo de profil, en exprimant mes pensés en temps réel et en laissant des
commentaires sur les murs de l’ensemble de mon nouveau réseau d’amis, je projetais, comme
tous les utilisateurs de Facebook, la vision que je voulais que les gens aient de moi. Je portais le
masque de l’existence que j’avais envie de vivre, j’exposais mes exploits et me valorisais du
regard cybernétique des autres. Dans cet univers, les gens mettent de l’avant l’image qu’ils
souhaitent avoir pour eux-mêmes ou celle qu’ils croient donner aux autres et non celle des
*********************************************************************************************************************
1 CapMarketer, 17 septembre 2010 : http://bit.ly/bXC7Bm
3
2 Goffman, Erving. The Presentation of Self in Everyday Life. Doubleday: Garden City, New York, 1959.
http://bit.ly/bz8zvt
personnes qui les côtoient à tous les jours. Les échanges sociaux entretenus sur Facebook sont
donc une négociation constante et permanente de leur image. Il est tellement important de se faire
aimer et apprécier, que notre profil devient le prolongement de notre égo et de ce qu’on veut bien
montrer de notre réalité.
Mais où se trouve réellement la réalité ? Jusqu’à quel point vivons nous pour entretenir l’image
que les autres auront de nous dans ce monde virtuel ?
VOICI L’EXEMPLE DE LA CITROUILLE
4
J’ai publié ces photos en 2008, mes amis et moi étions allés cueillir des citrouilles près du Mont
Saint-Hilaire. Si l’on regarde ces images, tout nous porte à croire que nous avions eu une
merveilleuse journée tous ensemble. Il est vrai que la température était idéale, mais à ce jour,
nous nous souvenons tous de cette journée comme ayant été une sortie plutôt banale. Nous étions
tous fatigués et n’avions pas vraiment de sujets de discussion. En essayant de trouver le champ de
citrouilles, nous nous étions perdus en route et il y avait eu de la discorde entre les deux
conducteurs. Pourtant, ces images ont été publiées sur Facebook et les gens qui n’avaient pas pu
se joindre à nous étaient tous jaloux de bon temps que nous avions eu l’air de passer. Personne
n’a osé les contredire, notre acte était trop réussi. Comme quoi, la réalité des fois…
PHOTOS, PHOTOS, DIS-MOI QUI EST LA PLUS BELLE
Je n’ai jamais mis de photo de moi en bikini sur Facebook mais plusieurs personnes le font. J’en
suis venue à la conclusion que ces filles valorisaient le regard des hommes sur elles et voulaient
être perçues comme des êtres sexuels. Leur profil est une extension de leur personnalité
extravagante qui met de l’avant le culte qu’elles ont envers leur corps. À l’autre extrême, il y a
5
les femmes sans visage, celles que l’on découvre à travers celui de leurs enfants et de leur
conjoint. Ces dernières priorisent clairement la famille ou leur relation de couple au point de
définir leur identité par celle de leurs proches. Leurs photos, leurs propos ainsi que les pages
qu’elles consulteront reflèteront le regard qu’elles veulent que les autres aient d’elles dans leur
rôle. Les hommes exposent aussi leurs muscles, leur voiture, leur famille, leurs voyages pour ne
nommer que ceux-là, sur leur profil. Leur image est tout aussi pensée que celle des femmes et en
dit long sur leur personnalité. Les deux sexes contrôlent les pauses qu’ils prennent, le décor qu’ils
utilisent, l’éclairage ainsi que les textes qu’ils récitent. Les rôles sont différents, mais la mise en
scène se ressemble beaucoup.
Les utilisateurs de Facebook n’auront pas une autre personnalité sur Internet que celle qu’ils ont
dans la rue. Elle sera polie et embellie pour être attrayante au public visé mais puisque l’objectif
de ce réseau social est de créer des liens avec nos proches, nos amis, ils ne mentiront pas sur leur
identité. L’authenticité et la transparence sont importantes dans l’image que l’on offre aux autres
et sont largement valorisées sur Facebook. Il est impossible par exemple de s’inscrire sous un
pseudonyme, il faut utiliser son vrai nom, s’inscrire à visage découvert. L’objectif est de se
mettre en lumière pour qui nous sommes, de crier haut et fort ce que nous voulons être comme
étant un fait accompli dans le but de se faire accepter du groupe.
500 MILLIONS DE POSSIBILITÉS D’EXISTER
Mais quel groupe ? Il y a 500 000 nouveaux utilisateurs Facebook par jour, (3) tous aussi
différents les uns des autres. Ils n’ont pas le même âge, la même nationalité, le même parcours ni
même nécessairement des intérêts convergents. La preuve : il y a plus de 900 millions de pages,
6
de groupes et d’évènements actifs en ce moment. La seule chose que toutes ces personnes ont en
commun depuis seulement cinq ans, c’est Facebook.
*********************************************************************************************************************
3 Facebook, Salle de presse 2010 : http://on.fb.me/9smgoQ
Voici un tableau qui donne un bon aperçu de qui sont les 500 millions d’utilisateurs (4) :
7
*********************************************************************************************************************
4 CapMarketer, 17 septembre 2010 : http://bit.ly/bXC7Bm
Sur Facebook, il y a une pression à exister, menée par la peur de manquer quelque chose. Puisque
nos contacts mettent le meilleur de leur journée sur leur profil, nous remettons en doute notre
propre existence. Sur le mur, il y a une présence constante. Mes connaissances ainsi que mes
8
proches pensent et partagent leur quotidien en temps réel donc je me dois de participer à leurs
conversations pour ne pas me faire oublier dans ce flot d’échanges.
L’estime de soi est mise à rude épreuve lorsqu’on se compare aux autres. Contrairement à dans
ma vie réelle, où je côtoie que quelques personnes régulièrement, Facebook me montre la vie de
centaine de personnes avec qui j’ai déjà partagé mon passé mais qui ont des vies bien loin de la
mienne. Avant mon inscription au site, je fréquentais des gens qui me ressemblaient, qui étaient
au même endroit que moi dans la vie. À 27 ans, j’avais choisi d’habiter en ville, de prioriser ma
carrière et mes voyages sur une vie stable avec des enfants. Mes amis ne me faisaient pas sentir
coupable de ne pas avoir les deux puisqu’ils partageaient aussi ces choix. Facebook me montre
quotidiennement ce que je n’ai pas et me pousse à vendre aux autres ce que j’ai. C’est une
manière de légitimer mon parcours. Facebook est un support d’expression et de construction
identitaire où je peux obtenir la validation des autres sur mon existence. Il est une base
d’expérimentation du grand JE.
COMBIEN D’AMIS AS-TU ?
Dans un article écrit par Cameron Marlow, sociologue chez Facebook, pour The Economist, (5)
les usagers du plus grand réseau social au monde entretiendraient de réels échanges avec
*********************************************************************************************************************
5 Cameron Marlow, « Even online, the neocortex is the limit », The Economist, 26 février 2009 :
http://bit.ly/99tBYU
seulement quatre personnes pour les hommes et six pour les femmes. En sachant qu’en 2010, les
utilisateurs Facebook ont en moyenne 130 amis, ça ne fait pas beaucoup de relations stables à
maintenir.
9
En se basant sur l’étude de l’anthropologue Britannique Robin Dunbar, (6) 150 personnes
seraient la limite cognitive théorique du nombre d'amis avec lesquels une personne pourrait
entretenir une relation stable. Passé ce nombre, l’usager ne ferait qu’augmenter son nombre de
contacts personnels mais ne serait capable que de les suivre passivement.
Donc selon M. Marlow, même si je peux me vanter d’avoir 350 amis sur Facebook, je ne pourrais
pas communiquer fréquemment (échanges d’idées, de liens, de photos…etc.) avec plus de six
personnes et en suivre 150 de loin sur la page d’accueil. Le nombre de Dunbar expliquerait donc
pourquoi, malgré le fait que j’ai un carnet virtuel d’amis bien rempli, je n’ai envie d’en appeler
que quatre pour mon souper d’anniversaire. Est-ce que l’on perd la notion des vrais amis au profit
de leur nombre sur Internet ? Je ne crois pas. Dans la société, il a toujours été bien vu, pour une
personne sociable, d’avoir un grand nombre de connaissances. Les vrais amis seront toujours les
vrais amis, ceux qui nous connaissent vraiment pour qui nous sommes et qui passent par-dessus
nos petits défauts pour mieux apprécier nos qualités. Ces amis ne valent rien sur Facebook, ils
valent tout dans la vraie vie.
Je dis que nos vrais amis n’ont aucune valeur sur les réseaux sociaux parce que nous n’avons rien
à leur prouver et partageons les mêmes passions donc le transfert d’information peut être
*********************************************************************************************************************
6 Wikipédia, Nombre de Dunbar : http://bit.ly/9OMLYe
redondant. Je ne crois pas que Facebook soit l’endroit où les gens cherchent véritablement à
approfondir leurs relations interpersonnelles. Il est toutefois important de ne pas diminuer
l’apport des connaissances plus éloignées de notre réseau d’amis.
10
Les personnes que nous fréquentons le moins et qui sont le plus loin de notre cercle d’amis
proches nous apprennent beaucoup plus que les autres. Puisqu’ils ont des intérêts éloignés des
nôtres, ils nous amènent à approfondir notre culture personnelle sur de nombreux sujets que nous
n’aurions pas cherchés par nous-mêmes. Ces amis éloignés nous permettent d’être originaux
auprès de nos vrais amis et encore une fois, de nous valoriser avec le nouveau savoir qu’ils nous
ont transmis. À notre tour, nous serons les pourvoyeurs d’informations de quelqu’un d’autre.
C’est pourquoi je dis que ces liens faibles sont aussi les plus productifs. Ils nous permettent d’être
actif sur le mur et d’apporter de nouvelles sources d’informations à notre groupe d’amis
rapprochés. En plus, les relations interpersonnelles nécessaires à la cueillette d’information
rendent publiques nos fréquentations et permettent ainsi d’entretenir notre image au sein de notre
réseau. Il est important et bien vu sur Facebook de montrer son savoir à entretenir des relations
sociales en les rendant visibles et explicites.
TOUS ENSEMBLE
Mais qu’est-ce qu’on partage de si exceptionnel sur Facebook ? Selon le site Mashable, (7) les
« facebookeurs » américains passent plus de temps sur ce réseau social que sur Google, Yahoo,
YouTube, Microsoft, Wikipedia et Amazon tous réunis. La peur de manquer quelque chose et de
*********************************************************************************************************************
7 Ben Parr, « Facebook Is the Web’s Ultimate Timesink [STATS]», Mashable, Mai 2010 :
http://on.mash.to/d6svEp
peaufiner son image est si intense qu’ils passent en moyenne 7 heures par mois, donc un
minimum de 14 minutes par jour, sur le site. Voici les résultats surprenants d’une recherche
effectuée par Nielsen qui confirme ces données :
11
(8)
Et si je me fie aux principaux sujets de discussions en 2009, nous sommes loin des discussions
profondes et émotionnelles qu’on aurait pu croire…
(9)
*********************************************************************************************************************
8 NielsenWire, « Facebook Users Average 7 hrs a Month in January as Digital Universe Expands » 16 février 2010 :
http://bit.ly/ahthFR
9 Lars Backstrom, « Facebook Memology : Top Status Trends of 2009 », Facebook, 21 décembre 2009:
http://on.fb.me/bgmpvB
Lorsque je regarde ces données, je me demande simplement si les utilisateurs sont plus
intelligents qu’ils ne laissent croire ?
12
Ces sujets de conversations sont superficiels, communs et sans aucun doute rassembleurs dans
leur banalité. Tout porte à croire que les gens ne voulaient simplement pas se lancer dans des
débats d’opinion donc ils ont autocensuré leur propos de peur de froisser leur public. Il est vrai
que l’auditoire est varié sur Facebook : amis d’enfance, famille, collègues, patron, famille, belle-
famille…etc. Les propos sur les belles valeurs universelles ont donc plus leur place que les
propos virulents sur les politiciens au pouvoir. Les gens qui lisent nos pensées et commentaires
peuvent être laïcs ou religieux, de droite ou de gauche alors il vaut mieux, sur Facebook comme
dans nos soirées du jour de l’an, éviter certains sujets qui pourraient nous faire perdre des amis ou
un futur emploi. La valeur de la socialisation l’emporte donc sur l’individualisme ce qui fait que
les gens renoncent à leur autonomie de penser au bénéfice du groupe. Les personnes ayant envie
d’avoir des chicanes d’opinions et des discussions enflammées devront aller sur Twiter où ils
auront 140 caractères pour se faire entendre.
Les utilisateurs de Facebook sont trop conscients de leur image pour se laisser aller à des
polémiques qui les feraient sortir du lot. Le conformisme est la voie la plus sûre pour se faire
apprécier de la majorité. Une fois que nous avons éliminé toutes les façons de déplaire, que reste-
t-il ? L’humour, les vidéos drôles, les conversations simples, des pages pour les gens qui aiment
dormir…
PUBLIC OU PRIVÉ ?
13
Il ne faut pas oublier que tout ce que nous mettons sur Facebook est du domaine privé ouvert au
public donc qu’il faut être vigilant sur le contenu qu’on y divulgue. Nous nous sommes tellement
approprié la plateforme qu’elle est devenue une confidente que nous ne remettons pas en doute.
Elle fait partie intégrante de notre quotidien et nous nous sentons trahis juste à l’idée que cette
amie intime puisse vendre nos informations personnelles à de grandes compagnies.
Facebook pose un problème d’éthique important pour plusieurs puisque les informations privées
que les gens y déposent se retrouvent maintenant disponibles au grand public, menaçant par le
fait même leur droit fondamental à la vie privée. « La loi canadienne pour la protection des
renseignements personnels dans le secteur privé interdit ce type de collecte de renseignements
personnels. », explique Mme Hayden, porte-parole de la commissaire à la vie privée du Canada, à
La Presse, « Elle s’appliquerait à toute application qui recueille ces renseignements auprès des
Canadiens dans le contexte d’une activité commerciale. » (10) Mais qui nous dit que Facebook
est commercial ? Nous ne savons pas où s’en vont nos données. Les utilisateurs sont tellement
occupés à se faire valoir auprès de leurs amis qu’ils laissent tomber leurs gardes et s’oublient
dans cet univers du JE parfait, qu’ils pensent privé. Mais avec 500 millions d’utilisateurs, nous
sommes loin du souper à la chandelle avec l’être cher.
Le site ReadWriteWeb France, (11) mentionnait la recherche d’un étudiant du Massachusetts-
Amherst Legal Studies, Chris Peterson, qui défend le point de vue que la compréhension de la vie
*********************************************************************************************************************
10 Alain McKnna, « Concilier milliards et confidentialité », La Presse, 19 octobre 2010
11 Marshall Kirkpatrick, « Facebook a tort, la vie privée n’a pas dit son dernier mot », ReadWriteWeb France, 13
janvier 2010 : http://bit.ly/9ezgZe
privée, dans le monde contemporain, se base plus sur l’intégrité du contexte que sur le secret
absolu. Ce dernier avance que pour comprendre le concept de la vie privée en 2010, il faut surtout
14
se référer au contexte dans lequel l’information a été publiée et comment elle sera diffusée par la
suite. Si des usagers prennent un verre de trop en public, leurs actions ne sont pas un secret
absolu parce qu’elles ont lieu dans un endroit public. Par contre, ils ont le droit que ces images,
de leur vie privée, ne soient pas partagées à leurs collègues de travail puisque le contexte n’est
clairement pas approprié à la diffusion de cette information. Facebook contreviendrait donc à
cette règle puisque tous les gens peuvent voir la même photo, sans dissociation du contexte.
Je comprends très bien ce point de vue, mais je ne le partage pas. Nous choisissons qui sont nos
amis et à qui nous allons imposer des limitations d’informations. Nous sommes roi et maître du
contenu de notre page de profil ainsi que des commentaires que nous mettons sur la page
d’accueil. Nous savons très bien que les données ainsi que les images que nous déposons sur
Facebook seront vues par des centaines de personnes puisque c’est exactement l’objectif de les
publier alors comment s’offusquer lorsque la mission est accomplie ? Je ne comprends pas très
bien où se cache la notion du « privé » dans tout ça. Nous parlons d’un site web qui se trouve
gratuitement hébergé sur Internet non pas de votre journal intime caché sous votre oreiller !
Bien entendu, il y a les photos désobligeantes que les autres publient sans notre consentement. Je
pourrais faire la morale aux utilisateurs lésés ici en leur conseillant soit de changer d’amis, parce
que clairement, il y a un problème, soit de ne pas se retrouver dans des situations où des photos
que leurs parents n’approuveraient pas sont prises d’eux, mais ça, ça serait de l’insertion dans la
vie privée… alors je dis seulement qu’ils ont encore la possibilité d’enlever le tag d’eux qu’il y a
sur cette image et si c’est vraiment une photo calomnieuse de la reporter à l’administrateur de
Facebook. Les quelques heures qu’elle circulera leur feront peut-être penser à suivre mes conseils
ci haut la prochaine fois.
15
LES RÈGLES DE L’ART
Les règles de Facebook sont claires lorsque l’on ouvre un compte. Si nous les acceptons pour
pouvoir bénéficier de tous les avantages du réseau, nous ne devrions pas être surpris que pour se
payer, le site doit partager, au plus offrant, des statistiques sur ses utilisateurs. (et non leurs
données personnelles !) C’est difficile de comprendre comment, lorsque quelqu’un cri très fort et
très longtemps, il est surpris d’être entendu. Les compagnies utiliseront les statistiques compilées
sur Facebook pour mieux répondre à nos besoins de consommateurs. Nos communications
personnelles valent la peine d’être écouté par les plus grandes compagnies internationales, n’est-
ce pas encore une bonne raison de se gonfler d’orgueil ?
Notre pièce de théâtre commune vient de se trouver de bons commanditaires. Le spectacle est
donc encore loin d’être terminé, il est seulement dommage que nous passions autant de temps à
se vouer au culte de notre personnalité sur Facebook. Au fond, nous sommes tous tellement
occupés à perfectionner notre jeu d’acteur que nous n’écoutons que brièvement les autres nous
donner la réplique et ne pensons que très peu aux personnes assises dans la salle.
16

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  • 2. LA DÉCOUVERTE D’UN NOUVEAU MONDE En septembre 2007, je revenais à Montréal après trois années passées à Washington DC. J’avais quitté mon emploi à TF1, qui consistait à couvrir l’actualité au Canada, aux États-Unis et en Amérique du Sud pour étudier l’allemand à Vienne où j’allais vivre avec mon amoureux Européen, lorsque le mal du pays m’a ramené auprès de ma famille au Québec. Je me souviens très bien les soirées de retrouvailles en ville avec mes amis, les spectacles pour redécouvrir les nouveaux groupes musicaux en vogue, les expositions photos du moment ainsi que les nombreux soupers pour célébrer mon retour au pays. Tous ces événements m’ont tenue bien occupée pendant au moins deux mois. Ma vie sociale bouillait, mes boîtes de déménagement étaient encore intactes dans mon petit appartement que j’avais déniché sur Craig’s list. Ensuite, les gens sont lentement retournés à leur routine, à leurs préoccupations quotidiennes et les rencontres se sont faites de plus en plus rares. Après quelques mois, j’avais terminé de lire tous les livres de ma bibliothèque, j’avais visité tous les musées d’art que j’avais envie de voir et je commençais à trouver le temps long. Ma vie trépidante entourée de journalistes internationaux me manquait. Je passais donc la majorité de mon temps dans des petits cafés de quartier à la recherche d’un emploi en ville. Je cherchais tous les sites de communications existants dans le but de distribuer mon curriculum au plus grand nombre de personnes et c’est devant mon café au lait que j’ai découvert Facebook. 2
  • 3. Je n’étais plus seule. Un monde de possibilité s’ouvrait à moi. Sans quitter ma rue Saint-Denis, je connectais avec 500 millions (1) d’autres utilisateurs éparpillés dans le monde entier. Je passais des heures par jour à élaborer mon profil, à chercher mes amis retrouvés, des anciennes connaissances disparues. Je m’amusais à télécharger les photos de mes nombreux voyages, à épier les moindres faits et gestes de personnes dont j’avais même oublié l’existence. Je vivais dans ce monde virtuel où je pouvais tout contrôler des informations que je transmettais pour ne pas avoir à faire face à ma situation réelle : j’étais sans emploi, sans meuble et en pleine peine d’amour. LA MISE EN SCÈNE En reprenant l’idée du sociologue et linguiste Erwin Goffman (2) qui avance que dans la vie de tous les jours, nous nous mettons constamment en scène et “théâtralisons” inconsciemment notre communication verbale et non verbale, Facebook était mon théâtre. En choisissant ma photo de profil, en exprimant mes pensés en temps réel et en laissant des commentaires sur les murs de l’ensemble de mon nouveau réseau d’amis, je projetais, comme tous les utilisateurs de Facebook, la vision que je voulais que les gens aient de moi. Je portais le masque de l’existence que j’avais envie de vivre, j’exposais mes exploits et me valorisais du regard cybernétique des autres. Dans cet univers, les gens mettent de l’avant l’image qu’ils souhaitent avoir pour eux-mêmes ou celle qu’ils croient donner aux autres et non celle des ********************************************************************************************************************* 1 CapMarketer, 17 septembre 2010 : http://bit.ly/bXC7Bm 3
  • 4. 2 Goffman, Erving. The Presentation of Self in Everyday Life. Doubleday: Garden City, New York, 1959. http://bit.ly/bz8zvt personnes qui les côtoient à tous les jours. Les échanges sociaux entretenus sur Facebook sont donc une négociation constante et permanente de leur image. Il est tellement important de se faire aimer et apprécier, que notre profil devient le prolongement de notre égo et de ce qu’on veut bien montrer de notre réalité. Mais où se trouve réellement la réalité ? Jusqu’à quel point vivons nous pour entretenir l’image que les autres auront de nous dans ce monde virtuel ? VOICI L’EXEMPLE DE LA CITROUILLE 4
  • 5. J’ai publié ces photos en 2008, mes amis et moi étions allés cueillir des citrouilles près du Mont Saint-Hilaire. Si l’on regarde ces images, tout nous porte à croire que nous avions eu une merveilleuse journée tous ensemble. Il est vrai que la température était idéale, mais à ce jour, nous nous souvenons tous de cette journée comme ayant été une sortie plutôt banale. Nous étions tous fatigués et n’avions pas vraiment de sujets de discussion. En essayant de trouver le champ de citrouilles, nous nous étions perdus en route et il y avait eu de la discorde entre les deux conducteurs. Pourtant, ces images ont été publiées sur Facebook et les gens qui n’avaient pas pu se joindre à nous étaient tous jaloux de bon temps que nous avions eu l’air de passer. Personne n’a osé les contredire, notre acte était trop réussi. Comme quoi, la réalité des fois… PHOTOS, PHOTOS, DIS-MOI QUI EST LA PLUS BELLE Je n’ai jamais mis de photo de moi en bikini sur Facebook mais plusieurs personnes le font. J’en suis venue à la conclusion que ces filles valorisaient le regard des hommes sur elles et voulaient être perçues comme des êtres sexuels. Leur profil est une extension de leur personnalité extravagante qui met de l’avant le culte qu’elles ont envers leur corps. À l’autre extrême, il y a 5
  • 6. les femmes sans visage, celles que l’on découvre à travers celui de leurs enfants et de leur conjoint. Ces dernières priorisent clairement la famille ou leur relation de couple au point de définir leur identité par celle de leurs proches. Leurs photos, leurs propos ainsi que les pages qu’elles consulteront reflèteront le regard qu’elles veulent que les autres aient d’elles dans leur rôle. Les hommes exposent aussi leurs muscles, leur voiture, leur famille, leurs voyages pour ne nommer que ceux-là, sur leur profil. Leur image est tout aussi pensée que celle des femmes et en dit long sur leur personnalité. Les deux sexes contrôlent les pauses qu’ils prennent, le décor qu’ils utilisent, l’éclairage ainsi que les textes qu’ils récitent. Les rôles sont différents, mais la mise en scène se ressemble beaucoup. Les utilisateurs de Facebook n’auront pas une autre personnalité sur Internet que celle qu’ils ont dans la rue. Elle sera polie et embellie pour être attrayante au public visé mais puisque l’objectif de ce réseau social est de créer des liens avec nos proches, nos amis, ils ne mentiront pas sur leur identité. L’authenticité et la transparence sont importantes dans l’image que l’on offre aux autres et sont largement valorisées sur Facebook. Il est impossible par exemple de s’inscrire sous un pseudonyme, il faut utiliser son vrai nom, s’inscrire à visage découvert. L’objectif est de se mettre en lumière pour qui nous sommes, de crier haut et fort ce que nous voulons être comme étant un fait accompli dans le but de se faire accepter du groupe. 500 MILLIONS DE POSSIBILITÉS D’EXISTER Mais quel groupe ? Il y a 500 000 nouveaux utilisateurs Facebook par jour, (3) tous aussi différents les uns des autres. Ils n’ont pas le même âge, la même nationalité, le même parcours ni même nécessairement des intérêts convergents. La preuve : il y a plus de 900 millions de pages, 6
  • 7. de groupes et d’évènements actifs en ce moment. La seule chose que toutes ces personnes ont en commun depuis seulement cinq ans, c’est Facebook. ********************************************************************************************************************* 3 Facebook, Salle de presse 2010 : http://on.fb.me/9smgoQ Voici un tableau qui donne un bon aperçu de qui sont les 500 millions d’utilisateurs (4) : 7
  • 8. ********************************************************************************************************************* 4 CapMarketer, 17 septembre 2010 : http://bit.ly/bXC7Bm Sur Facebook, il y a une pression à exister, menée par la peur de manquer quelque chose. Puisque nos contacts mettent le meilleur de leur journée sur leur profil, nous remettons en doute notre propre existence. Sur le mur, il y a une présence constante. Mes connaissances ainsi que mes 8
  • 9. proches pensent et partagent leur quotidien en temps réel donc je me dois de participer à leurs conversations pour ne pas me faire oublier dans ce flot d’échanges. L’estime de soi est mise à rude épreuve lorsqu’on se compare aux autres. Contrairement à dans ma vie réelle, où je côtoie que quelques personnes régulièrement, Facebook me montre la vie de centaine de personnes avec qui j’ai déjà partagé mon passé mais qui ont des vies bien loin de la mienne. Avant mon inscription au site, je fréquentais des gens qui me ressemblaient, qui étaient au même endroit que moi dans la vie. À 27 ans, j’avais choisi d’habiter en ville, de prioriser ma carrière et mes voyages sur une vie stable avec des enfants. Mes amis ne me faisaient pas sentir coupable de ne pas avoir les deux puisqu’ils partageaient aussi ces choix. Facebook me montre quotidiennement ce que je n’ai pas et me pousse à vendre aux autres ce que j’ai. C’est une manière de légitimer mon parcours. Facebook est un support d’expression et de construction identitaire où je peux obtenir la validation des autres sur mon existence. Il est une base d’expérimentation du grand JE. COMBIEN D’AMIS AS-TU ? Dans un article écrit par Cameron Marlow, sociologue chez Facebook, pour The Economist, (5) les usagers du plus grand réseau social au monde entretiendraient de réels échanges avec ********************************************************************************************************************* 5 Cameron Marlow, « Even online, the neocortex is the limit », The Economist, 26 février 2009 : http://bit.ly/99tBYU seulement quatre personnes pour les hommes et six pour les femmes. En sachant qu’en 2010, les utilisateurs Facebook ont en moyenne 130 amis, ça ne fait pas beaucoup de relations stables à maintenir. 9
  • 10. En se basant sur l’étude de l’anthropologue Britannique Robin Dunbar, (6) 150 personnes seraient la limite cognitive théorique du nombre d'amis avec lesquels une personne pourrait entretenir une relation stable. Passé ce nombre, l’usager ne ferait qu’augmenter son nombre de contacts personnels mais ne serait capable que de les suivre passivement. Donc selon M. Marlow, même si je peux me vanter d’avoir 350 amis sur Facebook, je ne pourrais pas communiquer fréquemment (échanges d’idées, de liens, de photos…etc.) avec plus de six personnes et en suivre 150 de loin sur la page d’accueil. Le nombre de Dunbar expliquerait donc pourquoi, malgré le fait que j’ai un carnet virtuel d’amis bien rempli, je n’ai envie d’en appeler que quatre pour mon souper d’anniversaire. Est-ce que l’on perd la notion des vrais amis au profit de leur nombre sur Internet ? Je ne crois pas. Dans la société, il a toujours été bien vu, pour une personne sociable, d’avoir un grand nombre de connaissances. Les vrais amis seront toujours les vrais amis, ceux qui nous connaissent vraiment pour qui nous sommes et qui passent par-dessus nos petits défauts pour mieux apprécier nos qualités. Ces amis ne valent rien sur Facebook, ils valent tout dans la vraie vie. Je dis que nos vrais amis n’ont aucune valeur sur les réseaux sociaux parce que nous n’avons rien à leur prouver et partageons les mêmes passions donc le transfert d’information peut être ********************************************************************************************************************* 6 Wikipédia, Nombre de Dunbar : http://bit.ly/9OMLYe redondant. Je ne crois pas que Facebook soit l’endroit où les gens cherchent véritablement à approfondir leurs relations interpersonnelles. Il est toutefois important de ne pas diminuer l’apport des connaissances plus éloignées de notre réseau d’amis. 10
  • 11. Les personnes que nous fréquentons le moins et qui sont le plus loin de notre cercle d’amis proches nous apprennent beaucoup plus que les autres. Puisqu’ils ont des intérêts éloignés des nôtres, ils nous amènent à approfondir notre culture personnelle sur de nombreux sujets que nous n’aurions pas cherchés par nous-mêmes. Ces amis éloignés nous permettent d’être originaux auprès de nos vrais amis et encore une fois, de nous valoriser avec le nouveau savoir qu’ils nous ont transmis. À notre tour, nous serons les pourvoyeurs d’informations de quelqu’un d’autre. C’est pourquoi je dis que ces liens faibles sont aussi les plus productifs. Ils nous permettent d’être actif sur le mur et d’apporter de nouvelles sources d’informations à notre groupe d’amis rapprochés. En plus, les relations interpersonnelles nécessaires à la cueillette d’information rendent publiques nos fréquentations et permettent ainsi d’entretenir notre image au sein de notre réseau. Il est important et bien vu sur Facebook de montrer son savoir à entretenir des relations sociales en les rendant visibles et explicites. TOUS ENSEMBLE Mais qu’est-ce qu’on partage de si exceptionnel sur Facebook ? Selon le site Mashable, (7) les « facebookeurs » américains passent plus de temps sur ce réseau social que sur Google, Yahoo, YouTube, Microsoft, Wikipedia et Amazon tous réunis. La peur de manquer quelque chose et de ********************************************************************************************************************* 7 Ben Parr, « Facebook Is the Web’s Ultimate Timesink [STATS]», Mashable, Mai 2010 : http://on.mash.to/d6svEp peaufiner son image est si intense qu’ils passent en moyenne 7 heures par mois, donc un minimum de 14 minutes par jour, sur le site. Voici les résultats surprenants d’une recherche effectuée par Nielsen qui confirme ces données : 11
  • 12. (8) Et si je me fie aux principaux sujets de discussions en 2009, nous sommes loin des discussions profondes et émotionnelles qu’on aurait pu croire… (9) ********************************************************************************************************************* 8 NielsenWire, « Facebook Users Average 7 hrs a Month in January as Digital Universe Expands » 16 février 2010 : http://bit.ly/ahthFR 9 Lars Backstrom, « Facebook Memology : Top Status Trends of 2009 », Facebook, 21 décembre 2009: http://on.fb.me/bgmpvB Lorsque je regarde ces données, je me demande simplement si les utilisateurs sont plus intelligents qu’ils ne laissent croire ? 12
  • 13. Ces sujets de conversations sont superficiels, communs et sans aucun doute rassembleurs dans leur banalité. Tout porte à croire que les gens ne voulaient simplement pas se lancer dans des débats d’opinion donc ils ont autocensuré leur propos de peur de froisser leur public. Il est vrai que l’auditoire est varié sur Facebook : amis d’enfance, famille, collègues, patron, famille, belle- famille…etc. Les propos sur les belles valeurs universelles ont donc plus leur place que les propos virulents sur les politiciens au pouvoir. Les gens qui lisent nos pensées et commentaires peuvent être laïcs ou religieux, de droite ou de gauche alors il vaut mieux, sur Facebook comme dans nos soirées du jour de l’an, éviter certains sujets qui pourraient nous faire perdre des amis ou un futur emploi. La valeur de la socialisation l’emporte donc sur l’individualisme ce qui fait que les gens renoncent à leur autonomie de penser au bénéfice du groupe. Les personnes ayant envie d’avoir des chicanes d’opinions et des discussions enflammées devront aller sur Twiter où ils auront 140 caractères pour se faire entendre. Les utilisateurs de Facebook sont trop conscients de leur image pour se laisser aller à des polémiques qui les feraient sortir du lot. Le conformisme est la voie la plus sûre pour se faire apprécier de la majorité. Une fois que nous avons éliminé toutes les façons de déplaire, que reste- t-il ? L’humour, les vidéos drôles, les conversations simples, des pages pour les gens qui aiment dormir… PUBLIC OU PRIVÉ ? 13
  • 14. Il ne faut pas oublier que tout ce que nous mettons sur Facebook est du domaine privé ouvert au public donc qu’il faut être vigilant sur le contenu qu’on y divulgue. Nous nous sommes tellement approprié la plateforme qu’elle est devenue une confidente que nous ne remettons pas en doute. Elle fait partie intégrante de notre quotidien et nous nous sentons trahis juste à l’idée que cette amie intime puisse vendre nos informations personnelles à de grandes compagnies. Facebook pose un problème d’éthique important pour plusieurs puisque les informations privées que les gens y déposent se retrouvent maintenant disponibles au grand public, menaçant par le fait même leur droit fondamental à la vie privée. « La loi canadienne pour la protection des renseignements personnels dans le secteur privé interdit ce type de collecte de renseignements personnels. », explique Mme Hayden, porte-parole de la commissaire à la vie privée du Canada, à La Presse, « Elle s’appliquerait à toute application qui recueille ces renseignements auprès des Canadiens dans le contexte d’une activité commerciale. » (10) Mais qui nous dit que Facebook est commercial ? Nous ne savons pas où s’en vont nos données. Les utilisateurs sont tellement occupés à se faire valoir auprès de leurs amis qu’ils laissent tomber leurs gardes et s’oublient dans cet univers du JE parfait, qu’ils pensent privé. Mais avec 500 millions d’utilisateurs, nous sommes loin du souper à la chandelle avec l’être cher. Le site ReadWriteWeb France, (11) mentionnait la recherche d’un étudiant du Massachusetts- Amherst Legal Studies, Chris Peterson, qui défend le point de vue que la compréhension de la vie ********************************************************************************************************************* 10 Alain McKnna, « Concilier milliards et confidentialité », La Presse, 19 octobre 2010 11 Marshall Kirkpatrick, « Facebook a tort, la vie privée n’a pas dit son dernier mot », ReadWriteWeb France, 13 janvier 2010 : http://bit.ly/9ezgZe privée, dans le monde contemporain, se base plus sur l’intégrité du contexte que sur le secret absolu. Ce dernier avance que pour comprendre le concept de la vie privée en 2010, il faut surtout 14
  • 15. se référer au contexte dans lequel l’information a été publiée et comment elle sera diffusée par la suite. Si des usagers prennent un verre de trop en public, leurs actions ne sont pas un secret absolu parce qu’elles ont lieu dans un endroit public. Par contre, ils ont le droit que ces images, de leur vie privée, ne soient pas partagées à leurs collègues de travail puisque le contexte n’est clairement pas approprié à la diffusion de cette information. Facebook contreviendrait donc à cette règle puisque tous les gens peuvent voir la même photo, sans dissociation du contexte. Je comprends très bien ce point de vue, mais je ne le partage pas. Nous choisissons qui sont nos amis et à qui nous allons imposer des limitations d’informations. Nous sommes roi et maître du contenu de notre page de profil ainsi que des commentaires que nous mettons sur la page d’accueil. Nous savons très bien que les données ainsi que les images que nous déposons sur Facebook seront vues par des centaines de personnes puisque c’est exactement l’objectif de les publier alors comment s’offusquer lorsque la mission est accomplie ? Je ne comprends pas très bien où se cache la notion du « privé » dans tout ça. Nous parlons d’un site web qui se trouve gratuitement hébergé sur Internet non pas de votre journal intime caché sous votre oreiller ! Bien entendu, il y a les photos désobligeantes que les autres publient sans notre consentement. Je pourrais faire la morale aux utilisateurs lésés ici en leur conseillant soit de changer d’amis, parce que clairement, il y a un problème, soit de ne pas se retrouver dans des situations où des photos que leurs parents n’approuveraient pas sont prises d’eux, mais ça, ça serait de l’insertion dans la vie privée… alors je dis seulement qu’ils ont encore la possibilité d’enlever le tag d’eux qu’il y a sur cette image et si c’est vraiment une photo calomnieuse de la reporter à l’administrateur de Facebook. Les quelques heures qu’elle circulera leur feront peut-être penser à suivre mes conseils ci haut la prochaine fois. 15
  • 16. LES RÈGLES DE L’ART Les règles de Facebook sont claires lorsque l’on ouvre un compte. Si nous les acceptons pour pouvoir bénéficier de tous les avantages du réseau, nous ne devrions pas être surpris que pour se payer, le site doit partager, au plus offrant, des statistiques sur ses utilisateurs. (et non leurs données personnelles !) C’est difficile de comprendre comment, lorsque quelqu’un cri très fort et très longtemps, il est surpris d’être entendu. Les compagnies utiliseront les statistiques compilées sur Facebook pour mieux répondre à nos besoins de consommateurs. Nos communications personnelles valent la peine d’être écouté par les plus grandes compagnies internationales, n’est- ce pas encore une bonne raison de se gonfler d’orgueil ? Notre pièce de théâtre commune vient de se trouver de bons commanditaires. Le spectacle est donc encore loin d’être terminé, il est seulement dommage que nous passions autant de temps à se vouer au culte de notre personnalité sur Facebook. Au fond, nous sommes tous tellement occupés à perfectionner notre jeu d’acteur que nous n’écoutons que brièvement les autres nous donner la réplique et ne pensons que très peu aux personnes assises dans la salle. 16