1. De « La vie à reculons »
à « La vie devant soi »…
’’De Gudule à Romain Gary’’
Amine BENJELLOUN
Pédopsychiatre, Casablanca
2. Vignette :
- Jonathan; 14 ans; frère Oury décédé à
4 ans d’une leucémie (J=6mois)
la mère M abandonne le domicile au
décès de Oury; élevé par sa tante
« maman » et son « tonton »; père décédé
(J=5 ans); un appel de M pour la bar
mitzvha:plus rien ne va…
- Image brouillée du père.
3. « …J’aimerais que tu cesses de fréquenter Thomas
en tant que boy friend.Il n’est pas question de
rompre les ponts avec lui: ce garçon est une
victime, loin de nous l’idée de lui faire grief de son
état.Mais dans la mesure où aucun avenir n’est
possible avec lui, ce n’est pas la peine que tu
t ’attaches… ».
« …Le virus se transmet très facilement. En buvant
au même verre,ou en utilisant les mêmes couverts,
ou en se parlant de très près… » .
« Le secret ! Tu as vu comme ils sont bien gardés les
secrets ? Même les adultes parlent a tord et à
travers.Giraudeau, mes parents lui avaient fait
confiance, et regarde le résultat ! » Gudule…
4. « Sa gorge se serre: il vient de se rendre compte
que tous les regards convergeaient vers lui.
Et ces regards le brûlent.
Ces regards savent.
Hostiles, compatissants, curieux, goguenards,
qu’importe: ils projettent tous le même
message. Comme inscrit au néon dans chacun
de ces regards, le mot SIDA clignote.
Syndrome D’Immunodéficience Acquise. »
5. Paroles d’enfants…
• « La mort, c’est les fantômes. » N, 5
ans;
• « La mort, c’est quand on va au ciel et
grand père nous regarde. ». H, 9 ans.
• « La mort, ça n’existe pas;à la play
station, on ne meurt pas .» M, 10 ans.
• « Laisse moi tranquille .» A, 7 ans.
• « C’est comme dans le Chaperon Rouge
à la fin. » H, 4 ans.
7. Quid du « nom du mort? »
• Comment tuer cette représentation pré-
historique contenu dans un prénom?
• Sinon, inachèvement « traumatique » des
processus de subjectivation et d’inter
subjectivation.
• Les populations qui peuvent avoir
plusieurs noms au cours d’une vie…
8. Et pourtant…
• Responsabilité collégiale famille /enseignant, à
travers:les médias, la vie de famille, la perte d’un
animal, sa propre mort, la religion.
• Comment gérer ses émotions quand l’enfant amène le
sujet et continuer à fonctionner, à travailler, à aimer ?
• Comment conduire un entretien en contexte de
laïcité ?
⇒Fonction de la mémoire et du souvenir
Dé ritualisation ? Pb de société après 1950 en
occident…
Rite: relation pacifiée au mort, renvoyant à notre
propre mort
9. L’ adulte et la mort de l’enfant.
• USA:1 Mars 2005: Cour Suprême : abolition de la
peine de mort pour les mineurs.
• France:30 Nov 2001: Mais avant…
– Livret de famille délivré à une famille pour un aîné bébé mort
né.
– >180 j:inscrit a l’état civil « enfant sans vie ».
– <180 j: comment faire le deuil ’’ d’un produit innomé ’’ ,
’’de débris humains ’’, de ’’ rien’’ …et redevenir parent ?
10. Les deuils de David, 2S 12.
David vit que ses serviteurs chuchotaient entre eux, et David comprit que
l'enfant était mort. David dit alors à ses serviteurs: "L'enfant est-il
mort ? "Ils dirent : "Il est mort." Alors David se leva de terre, se
baigna, se parfuma et changea de vêtements; puis il entra dans la Maison
du Seigneur et se prosterna. Rentré chez lui, il demanda qu'on lui servît
un repas et il mangea. Ses serviteurs lui dirent: "Qu'est-ce que tu fais
là? Quand l'enfant était en vie, tu jeûnais et pleurais à cause de lui, et
maintenant que l'enfant est mort, tu te relèves et tu prends un repas !"
Il dit : "Quand l'enfant était encore en vie, je jeûnais et je pleurais,
car je me disais: "Qui sait ? Peut-être que le Seigneur aura pitié de moi
et que l'enfant vivra." Mais maintenant, il est mort. Pourquoi
jeûnerais-je ? Est-ce que je puis encore le faire revenir? C'est moi qui
m'en vais vers lui, mais lui, il ne reviendra pas vers moi." David consola
Bethsabée, sa femme et coucha avec elle et enfanta un enfant qu’il appela
Salomon et Yahweh l’aima...
11. Les deuils de David, 2 S 19
Le roi dit au Nubien : "Tout va-t-il bien pour le jeune Absalom ?" Le
Nubien répondit : " Qu'ils aient le sort de ce jeune homme, les ennemis de
mon seigneur le roi et tous les adversaires qui veulent ton malheur !"
Alors le roi frémit, il monta dans la chambre au-dessus de la porte et il
se mit à pleurer. Il disait en marchant : "Mon fils Absalom, mon fils, mon
fils Absalom, que ne suis-je mort moi-même à ta place! Absalom mon fils,
mon fils !" On prévint Joab : "Voici, lui dit-on, que le roi pleure et se
lamente sur Absalom." La victoire, ce jour-là, se changea en deuil pour
tout le peuple, car le peuple avait entendu dire, en ce jour-là : "Le roi
est très affecté à cause de son fils." Le peuple, ce jour-là, rentra
furtivement dans la ville, comme le ferait un peuple honteux d'avoir fui
au combat. Le roi, lui, s'était voilé le visage. Le roi criait à pleine
voix : " Mon fils Absalom, Absalom, mon fils, mon fils !"...
12. L’idée de mort:
• Savoir la mort n’est que le « savoir d’un NON
SAVOIR ».
• Freud: ’’Notre inconscient ne croit pas a la possibilité
de sa propre mort et se considère comme immortel, c-a-
d les couches les plus profondes de notre ame, celles qui
se composent d’instincts ne connaissent en général rien
de négatif, ignorent la négation, et par conséquent la
mort à laquelle nous ne pouvons attribuer qu’un
contenu négatif. ’’ Deuil & Mélancolie.
• Thérèse d’Avila: ’’ Vivre toute sa vie, aimer tout son
amour, mourir toute sa mort’’
13. L’idée de mort chez l’enfant:
• Très jeune: pas de mort, que l’absence
• < 5 ans: absence temporaire et réversibilité
• 5 & 10 ans: élaboration progressive du concept: ce qui bouge, ce
se nourrit…
– 8 ans: aspect irrévocable de la mort, lié au vivant et
indépendant de la volonté » de l’enfant.
– Notion de décomposition liée à la mort +++ cognitivement
difficile.
– // acquisition de notions de sexualité.
– Si rencontre avec la mort: maturation accélérée.
– Le fantôme: un être encore un peu vivant?objet transitionnel ?
– Le squelette: déni de la décomposition ?
14. L’ enfant et sa propre mort:
• Processus similaire que chez l’adulte mais sans les
processus de maturation…
– Déni et refus , isolation,avec colère vis à vis des
parents et des soignants, responsable de sa mauvaise
santé ; jalousie.
– Pensée magique parfois.
– Dépression: W= préparation à la perte des objets
d’amours et réparation narcissique.
– « L’après moi ? »:les objets, le ’’testament’’
– De « L’honneur de vivre » au « poids de vivre »…
(R Debré)
15. « Je pensais qu’elle pourrait vivre encore des années et
je ne voulais pas lui faire ça, mais je n’avais pas le
courage de l’avorter moi même.Elle n’avait pas bonne
mine même dans l’obscurité et j’ai allumé toutes les
bougies que pouvais. J’ai pris son maquillage et je lui
en ai mis sur les lèvres comme elle aimait…Je l’aimai
même sans respirer. Je me suis mis a cote d’elle avec
mon parapluie Arthur et j’ai essayé de me sentir mal
pour mourir tout à fait…Je l’ai encore embrassée une
ou deux fois mais ça sert à rien…J’avais peur de laisser
Mme Rosa seule, elle pouvait se réveiller et croire
qu’elle était morte … »
Romain Gary, La vie devant soi…
Notas do Editor
Ca c’est toute mon ambivalence et toute ma culture