2. AMAWAL
n Tmazi$t tatrart
LEXIQUE DU BERBERE MODERNE
Edition corrigée et augmentée pour le compte du HCA
par Habib Allah MANSOURI
Français / Tamazi$t
HautCommissariatàl’Amazighité,2004
3. Cet ouvrage a été édité dans le cadre
de la collection « Idlisen nne$ « de la
Direction de la Promotion Culturelle
duHautCommissariatàl’Amazighité.
4. 3
INTRODUCTION
« Unconquérantchassel’autre»,c’estparcettephrasede
AbdellahLAROUIqu’onpourraitrésumerl’histoire du Maghreb.
Une histoire tumultueuse dans laquelle les autochtones (i.e. les
Berbères)ontététoujoursmisàl’écart1
.Cettesituations’est
répercutée sur leur langue : exclus des centres des décisions, leur
langue en subira le même sort en devenant la langue de la masse,
maisjamaisdel’Etat2
. Ce qui avec le temps la laissera à la traînée
desautreslanguesens’appauvrissantdeplusenplus.Cequialaissé
CARETTEécriredurantlesannéesquaranteduXIXesièclequ’ilne
s’agitqued’unelanguepauvreetprimitive,incapabledeproduireun
discours intellectuel ou savant en utilisant uniquement un
vocabulaireberbère.Celanepourraitsefairequ’enutilisant des
emprunts (principalement à l’arabe). Cette absence d’une
terminologie spécialisée et savante appartenant au registre lexical
berbèreàlaisserCARETTElaqualifierd’«idiomes simples et
bornésquel’humanitébégayaitdanssonenfance»etqu’onutilise
« qu’auxbesoinsdelaviephysique»3
.
Ce besoin de créer de nouveaux termes ou des néologismes
s’estfaitressentiraveclepassageàl’écrit.Lespremiersàavoirpris
cette initiative sont les militants kabyles du mouvement national
algérien (PPA-MTLD),connussousl’appellation de Berbéro-
nationalistes. Leur production poétique militante regorge de
plusieurs termes crées ou empruntés aux autres parlers berbères.
1
L’ouvragedeGabrielCAMPS«LesBerbèresaumargedel’histoire» est très
révélateur à ce sujet.
2
Ceconstatestégalementvalablepourlessouverainsd’origineberbère.
Cependant, nous avons une exception notable : les Berghwata qui sont, à notre
connaissance, les seuls à avoir utilisé le berbère comme langue de travail dans leur
royaume.
3
CARETTE, E. –Etude sur la Kabylie proprement dite. Tomes IV et V de
l’Explorationscientifiquedel’Algériependantlesannées1840,1841,1842…-
Paris : imprimerie nationale, 1848, p.34.
5. 4
Termesquiéviterontl’usagedel’empruntàl’arabeoulefrançaiset
quienrichirontducoupleregistrelexicalberbère(ils’agiticidu
kabyle).
Ce travail, certes fort limité en ce sens où le nombre de
termes créés –ou empruntés aux autres aires dialectales- n’estpas
trèsimportant,maisilalemérited’avoirouvertunebrèchedansce
domaine. Il faut attendre les années soixante-dix pour voir un travail
importantsurlanéologievoirlejour.Ils’agitdel’Amawal qui a été
réalisé clandestinement durant les années 1972 et 1973 par un groupe
d’intellectuelskabylesconstituésdequatrepersonnes: Mouloud
MAMMERI, Ammar ZENTAR, Amar YAHIAOUI et Mustapha
BENKHEMOU4
. Ce travail a été mené au sein même du CRAPE,
une institution d’étatdirigéeàl’époqueparMAMMERI.
L’Amawal répondait à un besoin urgent. En effet, le début du
passageàl’écriten langueberbère,aprèslesannéessoixante,
dévoila le manque dont souffre notre langue en matière de termes
modernes pouvant véhiculerunsavoirmoderne.Personnen’étaiten
mesure,àl’époque,deproduireuntexteenhistoireouautre
discipline en utilisant uniquement le kabyle courant (ou un autre
parlerberbère).C’estpourrépondreàcebesoinurgentquecegroupe
s’estintéresséàlacréationlexicaleetquiarépondud’unefaçon
massive. En effet , environ 1940 termes étaient crées.
Ilestàsignalerquecetteentreprises’estfaiteavecdes
moyensdérisoirescequiexpliqueleslimitesdel’œuvre.Nousne
voulons pas dire par « limites » que l’Amawal est inutilisable. Il
reste et malgré toutes les critiques émises par les producteurs en
langue berbère la référence en matière de néologismes berbères.
Cependant, sa relative ancienneté et la réalisation de plusieurs
travaux très intéressant dans ce domaine laisse apparaître ce
documentcommeporteurdebeaucoupdelacunes.Acelas’ajoutent
4
A ce sujet, lire la thèse de ACHAB Ramdane.- La néologie lexicale du Berbère.
Approche critique et propositions-. Dirigé par CHAKER, Salem, Inalco, novembre
1994.
6. 5
leserreursdefrappequi,unefoisl’ouvragediffusé5
, se sont
incrustéesdanslalangueetsontmêmeutiliséesdansl’enseignement.
Atitred’exemple,nousciteronslemotstyle (a$anib). En réalité, il
s’agitdestylo.Ilsetrouvequ’àl’universitédeTizi-Ouzou style
littéraire est traduit par a$anib aseklan (stylo littéraire ?!!). Nous
pouvons aisément constater les dégâts que pourrait faire une simple
erreur de frappe.
ACHAB, dans un article6
paru dans Etudes et Documents
Berbères, a recensé les erreurs de frappe, ainsi que la non-
concordancedeséquivalentsdanslesdeuxpartiesdel’Amawal.
C’estàpartir de ce travail que nous avons commencé notre entreprise
en apportant les corrections nécessaires.
Concernant l’ajout des nouveaux néologismes, nous
utiliserons les travaux réalisés par BOUAMARA K. et RABHI A. -
département de langue et culture amazighes de Bejaia- , Kamal
NAIT-ZERRAD, Hend SAADI et la commission des enseignants de
Tamazight de Tizi-Ouzou. Nous ne voulons en aucun cas inclure
dans ce travail les néologismes produit par des non-universitaires.
Celanerelèveaucunementd’uneformedeségrégation, mais nous
partonsduprincipequel’usagedesnéologismesdevraitêtreprisau
sérieux.Etàdéfautd’uncadreacadémique,lestatutd’universitaire
ou la notoriété intellectuelle constituera à nos yeux une garantie.
L’Amawalest pris ici comme le document de base auquel
nous avons greffé tous les néologismes créés en donnant à chaque
terme ajouté un numéro que nous avons mis entre crochets [ ] ;
chaque numéro renvoie à un auteur (cf. bibliographie). Comme le
lecteur pourrait le constater, nous nous sommes contentés de faire un
travail de compilateur, en ce sens où nous avons volontairement omis
d’intervenirpersonnellementsurlalangue,laissantcettetâche,qu’il
5
Lapremièrediffusiondel’Amawal remonte à 1974 à Alger, une diffusion fort
limitée. Ilfautattendre1980pourqu’unenouvelleéditionvoitlejourgrâceàla
coopérative Imedyazen àParis.PourcequiestdesadiffusionenAlgérie,ellen’a
eulieuqu’en1990grâceàuneinitiatived’uneassociationculturelleàBejaia.
6
ACHAB (Ramdane) .- « Problèmes de néologie berbère. Remarque sur
l’Amawal»-. In : Etudes et Documents Berbères, n° 8, Paris : La Boite à
documents/Centre de recherche berbère (Inalco), 1991, Pp. 97-111.
7. 6
faudrait prendre au sérieux, à des personnes plus compétentes que
nous.
Le travailquenousproposonsicin’estpasunefinensoi,il
doitfairel’objetd’unerévisionetd’uneaugmentationpériodique.
L’avenirdenotrelangueendépend.
La raison qui nous a poussé à entreprendre un tel travail est
d’ordrepratique,étantenseignantde berbère, nous avons voulu
réunir en un seul volume tous –ou plutôt la majorité- des termes
créés, ce qui facilitera le travail de mes collègues et aux producteurs
ennotrelanguequin’ontpasentrelesmainslesdifférentstravaux
réalisés dans le domaine
Contrairement aux deux éditions parus de l’Amawal
(Imedyazen : Paris ; Aéar : Bejaia ), nous ne livrons dans cette
édition que la partie Français/Tamazi$t.
Habib-Allah MANSOURI
Tizi-Ouzou, le 09 mai 2002