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Psychologie interculturelle et PsychothĂ©rapie - ĂCOLE DE PSYCHOLOGUES PRATICIENS UNIVERSITĂ CATHOLIQUE DE PARIS 23, rue du Montparnasse 75 006 PARIS MĂMOIRE-THĂSE DE RECHERCHE en vue de lâobtention du DIPLĂME DE PSYCHOLOGUE TITRE : LE SENTIMENT DE SATISFACTION DES NOUVEAUX PĂRES DANS LâEXERCICE DE LEUR PATERNITĂ Comparaison entre deux gĂ©nĂ©rations de pĂšres EffectuĂ© sous la direction du professeur Castelain-Meunier Par : Christophe PĂNICAUT Promotion : 2003 Option : Psychopathologie Date de naissance : 23 mai 1977 Lieu de naissance : Clamart Classification informatique : Famille â Sociologie â Grossesse Jury de soutenance : Mme Castelain-Meunier â M. Bidoire â M. Sos Mention Assez Bien Paris, le 24 septembre.
2.
- GEOPSY.COM -
Psychologie interculturelle et PsychothĂ©rapie - REMERCIEMENTS Je tiens Ă remercier tout particuliĂšrement Madame Castelain-Meunier pour ses conseils Ă©clairĂ©s et son Ă©coute stimulante, ma femme pour ses commentaires et sa patience, mon fils pour mâavoir rendu pĂšre et pour avoir fait naĂźtre en moi lâenvie dâentreprendre cette recherche. 2
3.
- GEOPSY.COM -
Psychologie interculturelle et PsychothĂ©rapie - SOMMAIRE SOMMAIRE........................................................................................... 3 INTRODUCTION.................................................................................. 4 1. ORIGINE DE LA DĂMARCHE...................................................... 5 2. EXPOSĂ DE LA PROBLĂMATIQUE ........................................... 8 3. OBJECTIFS DE RECHERCHE..................................................... 10 PARTIE THĂORIQUE....................................................................... 12 1. LA PATERNITĂ : INSTINCT OU CULTURE ?.......................... 14 2. NOUVELLES FAMILLES ET NOUVEAUX PĂRES ................. 37 3. Ă QUOI SERT UN PĂRE ? APPROCHES SOCIOLOGIQUE ET PSYCHANALYTIQUE .......................................................................... 53 4. CONCLUSION .............................................................................. 79 PARTIE PRATIQUE .......................................................................... 81 1. MĂTHODOLOGIE ........................................................................ 82 2. RĂSULTATS.................................................................................. 96 3. CONCLUSION ............................................................................ 105 BIBLIOGRAPHIE............................................................................. 114 INDEX DâAUTEURS ........................................................................ 120 INDEX THĂMATIQUE.................................................................... 122 TABLE DES MATIĂRES ................................................................. 125 ANNEXES........................................................................................... 129 1. DOCUMENTS COMPLĂMENTAIRES ..................................... 130 3
4.
- GEOPSY.COM -
Psychologie interculturelle et Psychothérapie - INTRODUCTION 4
5.
- GEOPSY.COM -
Psychologie interculturelle et PsychothĂ©rapie - 1. ORIGINE DE LA DĂMARCHE Au cours de ma formation, jâai Ă©tĂ© sensibilisĂ© Ă la psychologie gĂ©nĂ©tique, et, dans ce domaine, Ă lâimportance des relations prĂ©coces des parents avec le nouveau-nĂ©, et mĂȘme avec le fĆtus. Dans de nombreux ouvrages qui mâont Ă©tĂ© recommandĂ©s, la mĂšre y est dĂ©crite Ă la fois comme Ă©tant la figure dâattachement primaire, le premier objet total, dans une fusion exclusive avec le nouveau-nĂ©, etc. Le pĂšre, face Ă cette cohorte dâattributs exclusivement maternels, reste apparemment plus ou moins exclu de cette fusion des premiers temps de la vie du petit dâhomme. Lorsque jâai moi-mĂȘme eu lâoccasion de vivre lâexpĂ©rience de la paternitĂ©, il mâest naturellement venu un grand nombre de questions Ă lâesprit. Jâai constatĂ© trĂšs rapidement quâil existait une rĂ©elle dissymĂ©trie entre le pĂšre et la mĂšre non seulement dans la littĂ©rature, et plus particuliĂšrement la littĂ©rature psychanalytique, mais Ă©galement dans les ouvrages de vulgarisation destinĂ©s aux jeunes parents. De maniĂšre presque univoque, on attribue Ă la mĂšre un rĂŽle quasi omnipotent dans le dĂ©veloppement du jeune enfant alors que ne revient au pĂšre quâun rĂŽle de protection et de sauvegarde de lâintĂ©gritĂ© de la relation mĂšre-enfant, jusquâĂ ce quâil revendique Ă nouveau le privilĂšge de lâintimitĂ© de la mĂšre, et impose Ă lâenfant, Ă cette occasion, la loi de lâinterdit de lâinceste. Afin de prĂ©ciser mon opinion sur le sujet de la paternitĂ©, je me suis documentĂ© Ă travers les Ă©crits de Christine Castelain-Meunier, Jean Le Camus, GeneviĂšve Delaisi de Parseval, Didier Dumas, Guy Corneau, Françoise Hurstel, Jacqueline Kelen, Aldo Naouri⊠Sociologues, psychologues, psychanalystes, pĂ©diatres mais aussi ethnologues, Ă©thologues et historiens mâont apportĂ© des Ă©lĂ©ments de rĂ©ponse tangibles. Ces lectures mâont permis de constater que certaines de mes interrogations Ă©taient fondĂ©es, d'autant plus que les dĂ©bats autour de la paternitĂ© battaient leur plein, notamment entre les sociologues dâun cĂŽtĂ© et les psychanalystes de lâautre. Les thĂšmes dĂ©battus sont variĂ©s, mais leurs conclusions dĂ©terminantes. Ăvolue-t-on vers une meilleure paternitĂ©, plus engagĂ©e et plus concernĂ©e par lâenfant, ou avance-t-on au 5
6.
- GEOPSY.COM -
Psychologie interculturelle et PsychothĂ©rapie - contraire vers un Ă©tat dangereux de dĂ©mission du pĂšre ? LâĂ©volution des pĂšres est-elle Ă lâorigine dâĂ©volutions sociales Ă plus grande Ă©chelle ? Les pathologies propres Ă la paternitĂ© sont peu connues des praticiens : Ă en croire le dictionnaire, la couvade serait encore absente de nos sociĂ©tĂ©s : « Couvade : Ethnol. Coutume rencontrĂ©e dans certaines sociĂ©tĂ©s oĂč, aprĂšs lâaccouchement, câest le pĂšre qui tient le rĂŽle de la mĂšre. » (Dictionnaire Larousse, 1998). Or, comme nous le verrons plus loin, non seulement elle peut survenir aprĂšs la naissance, mais aussi Ă diffĂ©rents moments au cours de la grossesse (v. chapitre 1.4.2. La couvade, p. 25). De plus, la rĂ©fĂ©rence Ă lâethnologie semble exclure la possibilitĂ© de son occurrence dans nos contrĂ©es industrialisĂ©es et renvoyer cette manifestation originale Ă lâautre bout de la planĂšte. Pour gĂ©nĂ©raliser, GeneviĂšve Delaisi de Parseval (1981) affirme que « la paternitĂ© semble bien ĂȘtre, en effet, terra incognita dans le champ dâĂ©tude couvert par les sciences humaines ». En ce qui concerne le domaine de la clinique, dans la quasi-totalitĂ© des Ă©crits de psychanalyse dâil y a Ă peine trente ou quarante ans, le pĂšre est Ă©cartĂ© de la fusion originelle Ă laquelle, Ă condition que la mĂšre lây autorise, il aura accĂšs par la suite. Aussi, comme le soulignent Marie-Christine Lefort et Anne Discour : « Les conditions Ă©conomiques, sociales et culturelles, depuis les annĂ©es trente, ont orientĂ© les Ă©tudes psychologiques de lâenfant jeune vers une focalisation sur la relation mĂšre-enfant (voir Freud sur les principes de lâĂ©tayage, et Bowlby sur le besoin vital dâattachement). Le pĂšre nâest que personnage annexe, primitivement accessoire, qui nâinterviendra quâĂ partir de la phase Ćdipienne dans les thĂ©ories psychanalytiques (Lefort M.-C. et Discour A., La place du pĂšre durant les trois premiers jours aprĂšs la naissance de lâenfant prĂ©maturĂ©, in Marciano, 2003). » Bien entendu, je nâenvisage pas un instant de contester lâensemble de ces thĂ©ories, mĂȘme si dâaucuns plus audacieux, et surtout plus expĂ©rimentĂ©s, sây sont essayĂ©s, donnant au pĂšre une place fondamentale auprĂšs de lâenfant dĂšs les premiers jours, avant sa naissance et mĂȘme avant sa conception (par exemple Dumas, 1999 et 2000 ; Le Camus, 1999 et 2000 ; Corneau, 1989). Les modĂšles de base ne sont certainement pas Ă remettre en cause. 6
7.
- GEOPSY.COM -
Psychologie interculturelle et PsychothĂ©rapie - En revanche, il me semble que le pĂšre est parfois exagĂ©rĂ©ment cantonnĂ© dans son rĂŽle dâautoritĂ©, de protecteur, dâunique reprĂ©sentant de la Loi, de garant de la transmission des valeurs⊠alors que nous constatons que, plus que les mentalitĂ©s, les pratiques elles-mĂȘmes changent, et notamment la relation du pĂšre Ă lâenfant, jeune et moins jeune, ainsi que sa relation Ă la mĂšre. 7
8.
- GEOPSY.COM -
Psychologie interculturelle et PsychothĂ©rapie - 2. EXPOSĂ DE LA PROBLĂMATIQUE Il est vrai que la reprĂ©sentation traditionnelle de la famille a Ă©tĂ© battue en brĂšche depuis la fin des annĂ©es 60, soit depuis plus dâune gĂ©nĂ©ration. Effectivement, des configurations familiales avant exceptionnelles ou nĂ©gligĂ©es par les journalistes prennent le devant de la scĂšne mĂ©diatique. La famille est devenue lâobjet de nombreuses rĂ©flexions, dâĂ©tudes dĂ©mographiques et sociologiques. Elle sâest partiellement dĂ©sinstitutionnalisĂ©e et son modĂšle sâest largement diversifiĂ©. Les mĂ©dias, notamment les magazines spĂ©cialisĂ©s affirment que de nombreux points ont Ă©voluĂ©, en particulier sur le plan de la paternitĂ©. La plupart dâentre eux nâont pas de rĂ©el Ă©tayage expĂ©rimental et sâinspire davantage dâobservations courantes, mais tous alimentent lâimage du « nouveau pĂšre ». Nous en citerons quelques-uns, sans prĂ©tendre en dresser une liste exhaustive, tirĂ©s de lectures spĂ©cialisĂ©es, de sites Internet, de magazines ou journaux traitant de la paternitĂ© ou bien dâobservations personnelles : Le pĂšre est plus attentif pendant la grossesse, il sâinstruit et se documente au sujet de cet Ă©vĂ©nement ; Le pĂšre est plus prĂ©sent au domicile, il participe plus aux soins du nourrisson ; Le pĂšre souhaite prendre part Ă lâĂ©ducation de ses enfants de maniĂšre plus concrĂšte, en Ă©tant plus prĂ©sent, en partageant des activitĂ©s avec eux ; LâautoritĂ© est davantage rĂ©partie entre les conjoints ; La relation que le pĂšre dâaujourdâhui souhaite avoir avec ses enfants correspond de moins en moins Ă une relation autoritaire mais davantage Ă une relation de coaching ; La famille concurrence davantage le travail dans les prioritĂ©s du pĂšre. 8
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Psychologie interculturelle et PsychothĂ©rapie - Nous nous sommes interrogĂ©s sur la nature et les modalitĂ©s de la transmission de la paternitĂ©, de la transmission de ses reprĂ©sentations et de lâimage du pĂšre idĂ©al chez les pĂšres eux-mĂȘmes. On constate aujourdâhui que les pĂšres ont sensiblement modifiĂ© leur attitude et leurs comportements en ce qui concerne les enfants, mais Ă©galement en ce qui concerne la mĂšre. La rĂ©alitĂ© de cette Ă©volution a Ă©tĂ© Ă©tudiĂ©e Ă plusieurs reprises dĂ©jĂ 1, aussi nous ne nous y attarderons pas. En revanche, nous allons tenter dâapporter davantage de lumiĂšre sur un autre point. Les pĂšres tentent toujours de se conformer, plus ou moins consciemment, Ă un certain modĂšle de paternitĂ©. Ce modĂšle, cette reprĂ©sentation du pĂšre idĂ©al, est constituĂ©e, pour la majeure partie, de ce que le pĂšre, enfant, a perçu du rĂŽle de son propre pĂšre. Elle est trĂšs certainement nuancĂ©e ou complĂ©tĂ©e par les substituts parentaux qui ont pu intervenir Ă diffĂ©rents moments de la vie du jeune garçon. 1 En particulier : CASTELAIN-MEUNIER, C. (1997). La paternitĂ©. Paris : PUF, coll. Que sais-je ?. â CASTELAIN-MEUNIER, C. (2002). La place des hommes et les mĂ©tamorphoses de la famille. Paris : PUF. â HURSTEL, F. (1996). La dĂ©chirure paternelle. Paris : PUF. â KELEN, J. (1986). Les nouveaux pĂšres. Paris : Flammarion. â MODAK, M. et PALAZZO, C. (2002). Les pĂšres se mettent en quatre ! ResponsabilitĂ©s quotidiennes et modĂšles de paternitĂ©. Lausanne : Cahiers de lâEESP. â SINGLY (de), F. (1993). Sociologie de la famille contemporaine. Paris : Nathan. 9
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Psychologie interculturelle et PsychothĂ©rapie - 3. OBJECTIFS DE RECHERCHE Partant de ces observations et de ces constatations, je me suis posĂ© les questions suivantes : Dans quelle mesure cet idĂ©al a-t-il Ă©voluĂ© depuis la gĂ©nĂ©ration prĂ©cĂ©dente ? Son Ă©volution suit-elle lâĂ©volution manifeste de la paternitĂ© ? Comment a pu varier lâĂ©cart entre la reprĂ©sentation du pĂšre idĂ©al et la perception du pĂšre rĂ©el ? Cet Ă©cart a-t-il Ă©voluĂ© depuis la gĂ©nĂ©ration prĂ©cĂ©dente ? A-t-il Ă©voluĂ© en fonction de la perception de la rĂ©alitĂ© de la paternitĂ© ? Comment se constitue la reprĂ©sentation du pĂšre idĂ©al Ă lâĂ©chelle individuelle ? Quelle est la part de reproduction inconsciente et dâinnovation consciente par rapport aux comportements et Ă lâattitude perçus chez son propre pĂšre ? Comment lâĂ©volution de la reprĂ©sentation sociale du bon pĂšre influence-t-elle les jeunes pĂšres aujourdâhui ? Les pĂšres de la nouvelle gĂ©nĂ©ration innovent-ils davantage par rapport Ă leur pĂšre que ceux-ci nâinnovaient par rapport Ă leur propre pĂšre ? Comment cette Ă©volution de la paternitĂ© est-elle perçue par les pĂšres eux- mĂȘmes ? En sont-ils satisfaits ? Peut-on prĂ©voir une Ă©volution future de la paternitĂ© au regard de ce que nous pouvons constater aujourdâhui ? Suite Ă ces interrogations, jâai choisi dâĂ©tudier un aspect de ce problĂšme qui ne me semble pas avoir Ă©tĂ© traitĂ© jusque lĂ . Quelle est lâĂ©volution du sentiment de satisfaction du pĂšre dans lâexercice de sa paternitĂ© ? Les pĂšres sont-ils satisfaits de lâĂ©volution dont ils sont Ă la fois acteurs et spectateurs ? 10
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Psychologie interculturelle et PsychothĂ©rapie - Pour tenter de rĂ©pondre Ă ces questions, je formulerais lâhypothĂšse que le sentiment de satisfaction personnelle nâa pas rĂ©ellement diminuĂ© avec le changement des modĂšles de paternitĂ© entre la gĂ©nĂ©ration des grands-pĂšres dâaujourdâhui et la gĂ©nĂ©ration de leurs fils devenus pĂšres. Partant du principe que les reprĂ©sentations sont indissociables des pratiques et quâelles interagissent pour Ă©voluer ensemble, il me semble que lâĂ©cart perçu entre le pĂšre rĂ©el et le pĂšre idĂ©al ne sâest ni agrandi ni resserrĂ©, la satisfaction restant donc sensiblement inchangĂ©e. 11
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Psychologie interculturelle et PsychothĂ©rapie - PARTIE THĂORIQUE 12
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Psychologie interculturelle et PsychothĂ©rapie - Avant de mettre Ă lâĂ©preuve lâhypothĂšse de travail que nous avons formulĂ©e, nous avons parcouru un grand nombre de sources traitant de la paternitĂ© sous ses divers aspects. Cette partie en propose une synthĂšse organisĂ©e qui permettra dâinscrire notre recherche dans un contexte actualisĂ© et Ă©clairĂ© par des Ă©crits rĂ©cents. Cette Ă©tude bibliographique a Ă©tĂ© effectuĂ©e avec un Ćil critique et un objectif prĂ©cis : exposer les principales recherches et les thĂ©ories existantes et dĂ©terminer leurs apports et leurs limites. Dans une premiĂšre partie, nous aborderons la paternitĂ© sous un aspect descriptif gĂ©nĂ©ral. Nous tenterons dâapporter les Ă©lĂ©ments de rĂ©flexion nĂ©cessaires pour mieux discerner lâaspect culturel et lâaspect universel de ce statut. Pour cela nous tĂącherons de rĂ©flĂ©chir aux dĂ©finitions de la paternitĂ© et de la masculinitĂ©, puis nous Ă©tudierons la paternitĂ© selon les deux axes temporel et spatial : en remontant dans le temps et en voyageant sur dâautres continents. Nous exposerons ensuite les changements de la famille contemporaine qui ont retenus notre attention soit par leur ampleur soit par leur importance pour le pĂšre, changements qui semblent converger avec lâĂ©mergence dâune nouvelle relation du pĂšre Ă lâenfant. Enfin nous rapporterons les thĂ©ories ou les points de vue marquants au sujet du rĂŽle et de la fonction du pĂšre au sein de la famille, auprĂšs de ses enfants et auprĂšs de leur mĂšre, mais aussi en ce qui concerne la spĂ©cificitĂ© de son rĂŽle par rapport Ă celui de la mĂšre, en montrant que les modĂšles de paternitĂ© ont sensiblement Ă©voluĂ©. 13
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Psychologie interculturelle et PsychothĂ©rapie - 1. LA PATERNITĂ : INSTINCT OU CULTURE ? Le pĂšre nâest pas nĂ©cessairement celui que lâenfant appelle « Papa ». Les spĂ©cialistes ne sâentendent pas toujours sur les limites et les implications de sa dĂ©finition. Pourtant, quoi de plus commun quâun pĂšre ? Nous avons tous intuitivement une idĂ©e de ce quâil est, mais lorsque nous sommes confrontĂ©s Ă lâactualitĂ© de la famille et Ă la complexitĂ© des situations quâelle recouvre, nous commençons Ă douter de son Ă©vidence et de son universalitĂ©. Ceux qui tentent dâapporter de la lumiĂšre sur cette dĂ©finition sont ceux qui lâĂ©tudient ou ceux qui travaillent avec lui : ce sont les sociologues, les psychologues, les psychanalystes, les juristes ou les mĂ©decins. Mais leur vision du pĂšre nâest pas uniforme, loin sâen faut. Qui est le pĂšre ? Quand devient-on pĂšre ? Peut-on avoir plusieurs pĂšres ? Quelle que soit la maniĂšre de formuler la question, les cas qui faisaient figure dâexception aux gĂ©nĂ©rations prĂ©cĂ©dentes sont aujourdâhui lĂ©gion : lâaugmentation du nombre de divorces, la gĂ©nĂ©ralisation du concubinage, la « recomposition » des familles qui en fait souvent des familles monoparentales, la gĂ©nĂ©ralisation des mĂ©thodes contraceptives et les diverses techniques dâassistance mĂ©dicale Ă la procrĂ©ation (AMP)1 â avec la fĂ©condation in vitro et transplantation dâembryon (FIVETE), lâinsĂ©mination artificielle avec le sperme du conjoint (IAC) ou avec celui dâun donneur anonyme (IAD) â se gĂ©nĂ©ralisent dans toutes les couches de la population française. Lâensemble de ces Ă©volutions relativement rĂ©centes nous invite Ă rĂ©flĂ©chir aux limites de la dĂ©finition courante du pĂšre. 1 Anciennement ProcrĂ©ation MĂ©dicalement AssistĂ©e (PMA). 14
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Psychologie interculturelle et PsychothĂ©rapie - 1.1. QUELQUES DEFINITIONS En Ă©tudiant attentivement les dĂ©finitions de diffĂ©rents dictionnaires, nous pouvons y dĂ©celer certaines lacunes au sujet du pĂšre et de la paternitĂ©. En effet, sa position de gĂ©niteur est explicite, la responsabilitĂ© de sa progĂ©niture est plus ambiguĂ«, alors que les cas de paternitĂ© plus complexes, comme celle qui est issue de lâAMP, pourtant envisagĂ©e dans le cadre de la loi, sont pour ainsi dire absentes de ces ouvrages de rĂ©fĂ©rence. Ainsi le dictionnaire Le Robert 1 (1999) nous propose la dĂ©finition suivante : « PĂšre : Homme qui a engendrĂ©, qui a donnĂ© naissance Ă un ou plusieurs enfants [âŠ]. Par analogie, celui qui se comporte comme un pĂšre, est considĂ©rĂ© comme un pĂšre (nourricier, adoptif, spirituel). » Le Petit Larousse IllustrĂ© (1998) reprend, presque dans les mĂȘmes termes cette partie de la dĂ©finition, mais y ajoute Ă©galement : « Homme ayant autoritĂ© reconnue pour Ă©lever un, des enfants au sein de la cellule familiale, quâil les ait ou non engendrĂ©s. Homme qui agit en pĂšre, qui manifeste des sentiments paternels. » Les comportements en question qui permettraient dâĂȘtre inclus dans la dĂ©finition du pĂšre, dâĂȘtre considĂ©rĂ© comme un pĂšre, ne sont pas prĂ©cisĂ©s davantage⊠ce qui ne nous renseigne pas vraiment sur ce quâil peut ĂȘtre, en dehors du gĂ©niteur. Dâautre part, sâil est possible dâĂȘtre pĂšre en se comportant comme un pĂšre, cela souligne une diffĂ©rence entre deux sortes de pĂšre : le « vrai » et celui qui fait comme si. Enfin peut ĂȘtre pĂšre celui qui « agit en pĂšre ». Mais que fait-il exactement ? Sâoccupe-t-il de lâenfant ? LâĂ©duque-t-il ? En ce qui concerne la grossesse et la mise au monde des enfants, aucun terme nâexiste pour dĂ©signer ce quâil se passe du cĂŽtĂ© du pĂšre. Cet aspect nâapparaĂźt quâĂ la dĂ©finition de la maternitĂ© : « [âŠ] Fait de mettre un enfant au monde » (Dictionnaire Larousse, 1998). LâarrivĂ©e des enfants ne constitue apparemment pas un Ă©lĂ©ment dĂ©terminant de la dĂ©finition de la paternitĂ©. 15
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Psychologie interculturelle et PsychothĂ©rapie - Poursuivons la rĂ©flexion. Au verbe « engendrer », nous trouvons la dĂ©finition suivante : « Se dit de lâhomme qui produit un enfant (v. procrĂ©er) ». Le verbe « produire » trouve ici une signification particuliĂšre. Mais il apparaĂźt assez clairement que la dĂ©finition du pĂšre est ici rĂ©duite Ă sa seule fonction de gĂ©niteur, au « fournisseur de petite graine ». Le mot maternage nâa son Ă©quivalent en Anglais que vers 1940 et nâest apparu quâen 1953 en Français. Il est dĂ©fini ainsi dans le Dictionnaire de psychologie : « Lâensemble des comportements par lesquels la mĂšre ou la personne qui en tient lieu apporte ou tente dâapporter au nourrisson les soins maternels et, plus gĂ©nĂ©ralement, tout ce qui est indispensable Ă sa survie et Ă son dĂ©veloppement physique et psychique : amour, stimulations, maintien, maniement, bain de paroles, etc. (Doron et Parot, 1998). » On peut entendre par ces lignes que dâautres personnes que la mĂšre peuvent assurer le maternage auprĂšs de lâenfant. Cependant, il nâest pas prĂ©cisĂ© ici qui peut « tenir lieu » de mĂšre, dâoĂč lâon peut dĂ©duire que la personne dispensatrice de maternage importe peu pour qualifier celui-ci. De plus, il ne sâagit que de « comportements ». En aucun cas, par consĂ©quent, le maternage ne pourrait ĂȘtre prodiguĂ© par une personne interposĂ©e, par une reprĂ©sentation ou par une image intrapsychique mais uniquement par celui ou celle qui est aux cĂŽtĂ©s de lâenfant. Plus loin dans le mĂȘme dictionnaire, Ă la dĂ©finition de maternel (Doron et Parot, 1998), on peut lire : « Ensemble de soins assurĂ©s par la mĂšre Ă sa progĂ©niture. [âŠ] la femelle [âŠ] assure la plus lourde part du fardeau parental. [âŠ] le comportement maternel dans lâespĂšce humaine sâinscrit dans la continuitĂ© des formes et des fonctions quâon lui connaĂźt chez les animaux, particuliĂšrement chez lez mammifĂšres et, plus directement, modulĂ© par les diverses traditions culturelles. » 16
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Psychologie interculturelle et PsychothĂ©rapie - Il est reconnu que la mĂšre est nettement plus impliquĂ©e que le pĂšre pour sâoccuper de ses petits. Parce que la dĂ©finition intĂšgre nos origines animales, ce « comportement maternel » possĂšde une composante instinctuelle. Toutefois, cette composante est « modulĂ©e » par la culture. On voit ici toute la difficultĂ© de statuer sur cette notion abstraite, Ă la fois indispensable Ă tous les mammifĂšres afin dâassurer une descendance aux adultes, mais Ă©galement spĂ©cifique Ă lâespĂšce humaine en raison de la complexitĂ© des processus psychiques en jeu. Les soins ne sont pas Ă©numĂ©rĂ©s mais ils nous paraissent plus familiers que les comportements du pĂšre Ă©voquĂ©s ci-dessus. Le cas oĂč la mĂšre disparaĂźt et oĂč le pĂšre, ou un autre adulte, assume seul la responsabilitĂ© de sa progĂ©niture nâest pas Ă©voquĂ©. On peut nĂ©anmoins supposer que si celui-ci prodigue ces soins Ă ses enfants, on dira de son comportement quâil est « maternel ». Alors quâon peut se demander quand les comportements dâune mĂšre assumant seule la responsabilitĂ© de ses enfants pourraient ĂȘtre qualifiĂ©s de « paternels », Ă compter quâils puissent lâĂȘtre. La dimension symbolique de la paternitĂ© est explicite dans la dĂ©finition suivante, Ă©galement tirĂ©e du Dictionnaire de psychologie, (Doron et Parot, 1998) : « PaternitĂ© : Dans une structure de parentĂ©, la place du pĂšre ne recouvre pas sa fonction de gĂ©niteur, elle est marquĂ©e symboliquement par sa reconnaissance en tant que dĂ©tenteur de la puissance phallique, transmetteur du nom, en position de mĂ©diation et de sĂ©paration du couple mĂšre/enfant. La relation pĂšre/enfant sâinstaure sous le signe de lâaltĂ©ritĂ©. Pour J. Lacan, le pĂšre est le reprĂ©sentant de la loi. » De nombreux auteurs font la diffĂ©rence entre diverses paternitĂ©s, tantĂŽt complĂ©mentaires, tantĂŽt en contradiction ou en conflit les unes avec les autres. Tout dâabord, et le plus souvent citĂ©, câest le pĂšre biologique, le gĂ©niteur, celui qui transmet son gĂ©nome. Le pĂšre lĂ©gal est celui qui donne son nom Ă sa descendance, qui inscrit ses enfants dans une gĂ©nĂ©alogie, une lignĂ©e. Cette paternitĂ© est garantie par le mariage dans les 17
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Psychologie interculturelle et PsychothĂ©rapie - sociĂ©tĂ©s patrilinĂ©aires. Le pĂšre Ă©ducatif ou affectif est celui qui sâattache aux enfants, assure leur Ă©ducation, les inscrit dans la sociĂ©tĂ©. Le pĂšre symbolique, cher Ă la psychanalyse, est celui qui dit « Non », câest le sĂ©parateur, le reprĂ©sentant de la Loi. Cependant, tous les auteurs ne sâaccordent pas parfaitement sur ces catĂ©gories et nous proposons celles-ci hors de toute affinitĂ© thĂ©orique particuliĂšre. Notons sur ce point que « la paternitĂ© biologique ne coĂŻncide pas obligatoirement avec la paternitĂ© sociale ou Ă©ducative » (Delaisi de Parseval, 1981). 1.2. LâHOMME ET LE MASCULIN LâĂ©tude des dĂ©finitions du pĂšre et de la paternitĂ© est Ă croiser avec celles de la masculinitĂ© et de la virilitĂ©. Le pĂšre peut-il sâoccuper de ses enfants sans se fĂ©miniser ? Dispenser des soins de maternage force-t-il Ă perdre ou Ă mettre de cĂŽtĂ© sa virilitĂ© ? Ne pourrait-on pas envisager un rapport aux enfants, et particuliĂšrement aux nourrissons, hors de tout aspect fĂ©minin ? Et quâest-ce quâun comportement fĂ©minin sâil peut ĂȘtre rĂ©alisĂ© par la majoritĂ© des hommes ? La virilitĂ© se prĂ©sente « comme un ensemble de comportements, dâinterdits, de non- dits, de valeurs, dâattitudes, de discours stĂ©rĂ©otypiques, etc., qui sâarticulent en de vĂ©ritables systĂšmes idĂ©ologiques, centrĂ©s sur le courage et la force » (Dejours, Ch. Le masculin entre sexualitĂ© et sociĂ©tĂ©, in Welzer-Lang, 2000). Le terme viril nâa a priori ni connotation positive, ni nĂ©gative. Le seul antonyme proposĂ© par le Dictionnaire Robert est « effĂ©minĂ© », qui est connotĂ© pĂ©jorativement, et ne sâadresse dâailleurs quâaux hommes ! De plus, les attributs virils sont lâactivitĂ©, lâĂ©nergie, le courage, la fermetĂ©, la rĂ©solution (Dictionnaire Larousse, 1998 ; Dictionnaire Robert, 1999), alors que les qualitĂ©s associĂ©es au caractĂšre effĂ©minĂ© sont la mollesse, lâabsence dâĂ©nergie ou de virilitĂ© (Dictionnaire Robert, 1999). Cette dichotomie stĂ©rĂ©otypĂ©e propre Ă la pensĂ©e occidentale attribue Ă lâhomme lâactivitĂ© et Ă la femme la mollesse⊠Nulle part dans ces dictionnaires il nâest fait mention dâune Ă©ventuelle composante masculine chez la femme, et, rĂ©ciproquement, dâune composante fĂ©minine chez lâhomme. 18
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Psychologie interculturelle et PsychothĂ©rapie - Au contraire, la sĂ©paration semble assez hermĂ©tique. Une telle conception est pourtant prĂ©sente dans la philosophie taoĂŻste, trĂšs rĂ©pandue en Asie, comme on peut le constater par la reprĂ©sentation devenue relativement populaire du yin et du yang. Cette image symbolise en rĂ©alitĂ© la prĂ©sence et lâintrication des contraires en toute chose. Le masculin, yang, est Ă©galement synonyme dâactivitĂ©, de mouvement centrifuge alors que le fĂ©minin, yin, est synonyme de passivitĂ© et de mouvement centripĂšte. NĂ©anmoins, ces caractĂšres sont prĂ©sents en chacun de nous. En revanche, nous pouvons frĂ©quemment entendre parler dâune probable fĂ©minisation de lâhomme en gĂ©nĂ©ral, et du pĂšre en particulier. Cette tendance est jugĂ©e alternativement, et bien souvent sans arguments solides, soit comme un net progrĂšs sur le plan de la paternitĂ©, donc pour famille et le dĂ©veloppement des enfants, soit comme redoutablement pathogĂšne et Ă lâorigine de bien des maux de la sociĂ©tĂ© contemporaine, tels que la violence et la dĂ©linquance juvĂ©niles, mais aussi la dĂ©responsabilisation des jeunes professionnels, la crise de lâengagement, etc. En ce qui concerne le dĂ©veloppement de lâenfant, une assez large majoritĂ© dâauteurs prĂ©conise la prĂ©sence physique de deux parents hĂ©tĂ©rosexuels auprĂšs des enfants. « Un enfant, en grandissant, a besoin dâun modĂšle de conduite fĂ©minine et dâun modĂšle de conduite masculine (Dodson, 2002) ». Il est difficile, nous lâavons vu prĂ©cĂ©demment, de dĂ©finir prĂ©cisĂ©ment et rationnellement le masculin et le fĂ©minin au-delĂ de la simple diffĂ©rence physique et « en lâabsence de dĂ©finition culturelle de la diffĂ©rence entre le masculin et le fĂ©minin » (Castelain-Meunier, 1997). De maniĂšre parfois confuse, on attribue Ă lâhomme une part fĂ©minine dans son attitude ou son comportement. Yvonne Knibiehler (1987) affirme dâailleurs, au sujet de cette part fĂ©minine cachĂ©e en lâhomme, quâelle « sâexprime dĂ©sormais davantage » mais que « les enfants ne semblent pas en souffrir ». Un accouchement qui se dĂ©roule dans des conditions eutociques est un Ă©vĂ©nement intense physiquement et psychiquement, proposant des conditions favorables Ă lâexpression et Ă la libĂ©ration de sentiments et dâĂ©motions positives (v. chapitre 2.2. Lâaccouchement, p. 39). Ces manifestations ostensibles de la sensibilitĂ© du pĂšre Ă©taient jusquâalors rĂ©frĂ©nĂ©es parce qu'indĂ©centes pour un homme alors quâelles peuvent ĂȘtre aujourdâhui revendiquĂ©es comme une valeur ajoutĂ©e Ă la virilitĂ©. 19
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Psychologie interculturelle et PsychothĂ©rapie - Un certain excĂšs de fĂ©minisation a cependant Ă©tĂ© observĂ© pendant un temps par le personnel des maternitĂ©s : « Les Ă©quipes de pĂ©rinatalitĂ© se montrent plus attentives aux Ă©mois du pĂšre en Ă©vitant cet excĂšs de fĂ©minisation qui est venu un temps contrebalancer lâimage de lâhomme fort et tout-puissant, pour parvenir semble-t-il Ă une position mĂ©diane (Marciano, 2003). » Les hommes Ă notre Ă©poque ont dĂ©sormais le droit de sâexprimer en utilisant un registre plus Ă©motionnel, plus affectif. Mais malgrĂ© cet indĂ©niable progrĂšs, les sages- femmes et les obstĂ©triciens sont-ils aussi Ă lâaise avec un homme qui pleure quâavec une femme qui pleure ? LâĂ©galitĂ© parfaite sur ce plan nâest Ă©videmment pas encore atteinte. Le sera-t-elle un jour ? Cela est-il souhaitable ? Au sujet des enfants, Yvonne Knibiehler (1987) se demande en premier lieu si câest bien « en tant que mĂąle que le pĂšre est utile Ă lâenfant » ou bien si ce ne serait pas uniquement « en tant quâĂȘtre humain diffĂ©rent de la mĂšre ». Nonobstant cette incertitude, lâenfant, lui, ne semble pas trop sâen soucier ni trop en souffrir, et « il sait que son pĂšre est un homme et sa mĂšre une femme⊠». MĂȘme si cela semble Ă©vident Ă nos yeux, nous ne savons pas ici sur quoi repose cette affirmation et si elle est â ou si elle pourrait ĂȘtre â confirmĂ©e par une quelconque Ă©tude expĂ©rimentale. Certains cliniciens affirment que la virilitĂ© du pĂšre est davantage un obstacle dans lâexercice de sa paternitĂ©, un frein qui lâempĂȘcherait dâen profiter pleinement : « Le pĂšre peut, comme la mĂšre, Ă©tablir une vĂ©ritable relation symbiotique avec son bĂ©bĂ©, Ă condition de savoir mettre en sommeil sa masculinitĂ© traditionnelle. « Nous savons aussi quâĂ la naissance de son enfant les premiĂšres relations quâil a eues avec sa mĂšre sont rĂ©activĂ©es. La qualitĂ© de son intimitĂ© avec son bĂ©bĂ© sera dâautant meilleure quâil se laissera dĂ©passer par sa fĂ©minitĂ© primaire (Lefort M.-C. et Discour A., op. cit., in Marciano, 2003). » 20
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Psychologie interculturelle et PsychothĂ©rapie - Dans le mĂȘme ordre dâidĂ©e, Fitzhugh Dodson (2002) soutient que « beaucoup de pĂšres sâĂ©cartent des jeunes enfants parce que, au fond dâeux-mĂȘmes, ils pensent quâil nâest pas viril de tenir un bĂ©bĂ© dans ses bras. » Dans ces conditions, nous constatons que les auteurs font effectivement Ă©tat dâune part masculine et dâune part fĂ©minine en lâhomme, et que ce serait la part fĂ©minine qui lui permettrait dâaccĂ©der Ă son enfant lorsque câest encore un nourrisson. De maniĂšre aussi consensuelle que tacite, le rapport au nouveau-nĂ© est ici placĂ© sous le signe de la fĂ©minitĂ© et reste sous lâhĂ©gĂ©monie maternelle. Dâune part, nous tenons Ă signaler que ces affirmations ne semblent guĂšre Ă©tayĂ©es par des observations objectives et que leur validitĂ© est par consĂ©quent contestable. Dâautre part, GeneviĂšve Delaisi de Parseval (1981) souligne quâ« il ne nous semble pas quâĂȘtre homme ou ĂȘtre femme, appartenir au sexe masculin ou au sexe fĂ©minin, diffĂ©rencie profondĂ©ment lâexpĂ©rience du devenir-pĂšre de celle du devenir-mĂšre ». 1.3. ASPECTS PHYLOGENETIQUES : DE LA CELLULE A LâHOMME 1.3.1. La transmission des gĂšnes DâaprĂšs ce que nous dit la biologie aujourdâhui, la perpĂ©tuation de la vie sur Terre ne sâest effectuĂ©e que grĂące Ă la transmission, dâune gĂ©nĂ©ration Ă une autre, des gĂšnes inscrits sur les molĂ©cules dâADN par le truchement de la reproduction. Ce groupe de molĂ©cules est effectivement indispensable Ă la bonne structuration des cellules de lâorganisme issu de la reproduction. Nous en connaissons lâimportance et nous savons que certaines espĂšces vĂ©gĂ©tales ou animales ont mis au point des stratĂ©gies particuliĂšrement astucieuses, complexes et coĂ»teuses en Ă©nergie pour sâassurer une fidĂšle transmission desdites molĂ©cules. Elles constituent le patrimoine de lâespĂšce, la trace de toutes les adaptations quâelle a su mettre en place pour rĂ©pondre aux alĂ©as plus ou moins menaçants de lâenvironnement. 21
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Psychologie interculturelle et PsychothĂ©rapie - Le psychanalyste Bernard This affirme que lorsque la fĂ©condation a eu lieu, « lâindividu porteur des gĂšnes peut disparaĂźtre ; il a transmis le "germen" que son corps vĂ©hiculait. En tant que "gĂ©niteur", il nâest plus nĂ©cessaire, sa tĂąche est accomplie. » (This, 1980). Cela est vrai pour les organismes qui ne nĂ©cessitent pas dâĂ©ducation, ni mĂȘme dâĂ©levage. Il en est ainsi des protozoaires, des bactĂ©ries, etc., mais cela sâapplique assez peu aux mammifĂšres, et encore moins Ă lâhomme. Cette remarque ne tient pas compte de lâĂ©volution possible de lâorganisme issu de la reproduction ni du dĂ©sir spĂ©cifique Ă lâĂȘtre humain de transmettre sa culture et ses biens. 1.3.2. Les mammifĂšres Les mammifĂšres doivent leur nom au fait que la femelle porte des mamelles, c'est-Ă - dire que tous les petits mammifĂšres sont entiĂšrement dĂ©pendants de leur mĂšre pendant le temps de lâallaitement. Le mĂąle sâoccupe gĂ©nĂ©ralement dâassurer la protection de la femelle contre dâĂ©ventuels prĂ©dateurs ainsi que de lui rapporter de la nourriture. Bernard This fait Ă©galement remarquer que le mĂąle intervient le plus souvent dans un second temps auprĂšs des petits et de leur prise en charge. Il peut notamment sâen occuper lorsque lâallaitement est terminĂ©, ou bien encore pendant celui-ci, en dehors des tĂ©tĂ©es. « Pour la plupart des zoologues, tout se passe en effet comme si lâinstinct paternel nâexistait pas, ne pouvait pas, ne devait pas exister â alors que la conduite de beaucoup dâanimaux prouverait plutĂŽt le contraire, notamment chez les Primates (This, 1980). » LâĂ©tude des gorilles rĂ©vĂšle lâimportance du mĂąle auprĂšs des petits. Bernard This rapporte les conclusions dâune observation rĂ©alisĂ©e sur des gorilles en captivitĂ©. Les femelles Ă©levĂ©es en captivitĂ© sans mĂąle semblent ne plus savoir sâoccuper convenablement de leurs petits : elles les frappent, les nourrissent de maniĂšre inappropriĂ©e, etc. Lorsquâon introduit un mĂąle Ă leurs cĂŽtĂ©s, elles se montrent alors 22
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Psychologie interculturelle et PsychothĂ©rapie - davantage capables dâĂ©lever les petits (This, 1980). Dâautre part, il note que « le "paternage" est une activitĂ© importante de la vie des gorilles », notamment par le jeu. Pour Didier Dumas (1999), ce qui « diffĂ©rencie la sexualitĂ© de lâhomme de celle des autres mammifĂšres est dâĂȘtre langagiĂšre » et cette diffĂ©rence est capitale. La nier peut ĂȘtre pathogĂšne. Lâenfant est autant le produit de lâacte sexuel quâun objet de dĂ©sir, un « projet ». Il insiste sur cet aspect nodal de la conception de lâenfant en affirmant quâ« un enfant nâest pas seulement le produit des deux cellules qui se sont rencontrĂ©es dans le corps de sa mĂšre » mais quâ« il est tout dâabord celui des paroles, des dĂ©sirs et des fantasmes qui ont permis Ă ces deux cellules de se rencontrer » (Dumas, 1999). Un autre point de vue nous est apportĂ© par GeneviĂšve Delaisi de Parseval (1981) qui cite Th. Benedek : « Au regard de la procrĂ©ation, lâhomme et la femme, le pĂšre et la mĂšre, ont un fonctionnement identique ». Ceci nous montre Ă quel point les thĂ©ories divergent en ce qui concerne la spĂ©cificitĂ© de la reproduction humaine par rapport Ă la reproduction animale, dâautant plus que ses thĂ©ories sont Ă©chafaudĂ©es le plus souvent sur des observations cliniques et non sur des mesures objectives issues dâun protocole expĂ©rimental. En observant les mammifĂšres, nous apercevons quelques attitudes parentales proches de celles que nous constatons chez les humains. Mais gardons-nous de tout anthropomorphisme, et nâoublions pas que la famille telle que nous la connaissons nâa rien dâuniversel. Au contraire, « la famille humaine est par essence artificielle » (Delaisi de Parseval, 1981). 1.4. LâAPPROCHE ANTHROPOLOGIQUE : LES PERES DâAILLEURS AprĂšs avoir Ă©tudiĂ© lâaspect animal de la paternitĂ©, nous maintenant poursuivre selon un autre axe : quid de la paternitĂ© chez les peuples non industrialisĂ©s ? Comment se comportent les pĂšres sur les autres continents ? Comme nous le prĂ©cise Françoise 23
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Psychologie interculturelle et PsychothĂ©rapie - Hurstel (1996), « chez nous, il y a un pĂšre. Et quand il y en a plusieurs on se demande [âŠ] quel est le vrai ». 1.4.1. Dâautres modĂšles de paternitĂ© La paternitĂ©, telle quâelle est dĂ©crite dans les dĂ©finitions que nous avons citĂ©es (v. chapitre 1.1. Quelques dĂ©finitions, p. 15), est propre Ă notre civilisation occidentale. Nous pensons pouvoir dĂ©gager des lois universelles Ă son sujet, certains vont jusquâĂ parler dâinstinct de paternitĂ©, alors que le pĂšre se comporte de façon tout Ă fait originale dans certains peuples. Il existe en effet de multiples façons pour le pĂšre dâĂȘtre en relation avec ses enfants, avec la mĂšre de ceux-ci, avec ses propres parents, avec la sociĂ©tĂ© en gĂ©nĂ©ral. Dans Totem et tabou (1965), Freud relĂšve cet exemple : « un homme appelle pĂšre non seulement celui qui lâa engendrĂ©, mais aussi tout homme qui, dâaprĂšs les coutumes de la tribu, aurait pu Ă©pouser sa mĂšre et devenir son pĂšre. » « Dans dâautres sociĂ©tĂ©s, câest le pĂšre lĂ©gal qui Ă©duque et aime les enfants dâune femme avec laquelle il vit, mĂȘme sâil sait quâil nâa pas participĂ© Ă la procrĂ©ation. » (Delaisi de Parseval, 1981). Il existe des sociĂ©tĂ©s matrilinĂ©aires oĂč la filiation se fait par la mĂšre et non par le pĂšre. On imagine mal Ă quel point une simple diffĂ©rence dâĂ©tat civil peut modifier lâorganisation de la famille tout entiĂšre, et par consĂ©quent, celle de la sociĂ©tĂ©. Parfois, les filiations peuvent ĂȘtre croisĂ©es : les filles sont Ă©duquĂ©es par le pĂšre, alors que les fils sont Ă©duquĂ©s par la mĂšre, lâĂ©ducation inscrivant lâenfant dans une lignĂ©e spĂ©cifique. Les gĂ©nĂ©rations se suivent donc de maniĂšre exclusivement hĂ©tĂ©rosexuelle. Sigmund Freud (1965) nous fait remarquer quâil « est Ă©tonnant que mĂȘme ces problĂšmes relatifs Ă la vie psychique des peuples puissent ĂȘtre rĂ©solus, en partant dâun seul point concret ; celui de lâattitude Ă lâĂ©gard du pĂšre ». Effectivement, dans toutes les sociĂ©tĂ©s et Ă toutes les Ă©poques, le rapport au pĂšre est absolument dĂ©terminent pour comprendre lâorganisation sociale et « la vie psychique » du peuple. Freud observe que cette attitude est en rĂ©alitĂ© articulĂ©e autour de lâinterdit de lâinceste, interdit dâoĂč a dĂ©coulĂ© une autre rĂšgle : lâexogamie. Câest ce que formule Christine Castelain-Meunier dans La paternitĂ© (1997) : « DĂ©finir et identifier le lien paternel autour de lâinterdit de lâinceste a permis dâorganiser la reproduction de lâespĂšce. » 24
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Psychologie interculturelle et PsychothĂ©rapie - Il existe cependant des sociĂ©tĂ©s qui tiennent compte du besoin de paternitĂ© de ceux qui ne peuvent pas avoir dâenfants du fait de leur Ăąge, de leur situation sociale ou familiale, « ce qui montre une fois de plus que la paternitĂ© ne rime pas forcĂ©ment ni avec couple, ni avec fertilitĂ©, ni avec jeunesse, composantes pratiquement considĂ©rĂ©es, dans nos sociĂ©tĂ©s, comme des conditions sine qua non de son existence » (Delaisi de Parseval, 1981). 1.4.2. La couvade Rappelons la dĂ©finition de la couvade, telle que nous la trouvons depuis trĂšs peu de temps dans nos dictionnaires : « Couvade : Ethnol. Coutume rencontrĂ©e dans certaines sociĂ©tĂ©s oĂč, aprĂšs lâaccouchement, câest le pĂšre qui tient le rĂŽle de la mĂšre. » (Dictionnaire Larousse, 1998). Avec plus de prĂ©cision, GeneviĂšve Delaisi de Parseval (1981) apporte la diffĂ©rence suivante : la couvade dite « rituelle » est un « ensemble de comportements prescrits (obligations et interdits) du pĂšre, associĂ©s Ă la naissance dâun enfant » alors que la couvade dite « psychosomatique » est lâensemble des « phĂ©nomĂšnes psychosomatiques associĂ©s Ă la paternitĂ© ». On a observĂ© en effet que le pĂšre, dans certains peuples, occupait une place privilĂ©giĂ©e autour de la grossesse et aprĂšs lâaccouchement. Il lui arrive alors dâimiter les douleurs de la parturiente, de sâallonger et de recevoir les dolĂ©ances des autres membres du village. Les troubles relatifs Ă la grossesse de la conjointe sont de plus en plus frĂ©quemment rapportĂ©s par les cliniciens qui ont lâoccasion de recevoir des futurs pĂšres. Ils sont de plusieurs ordres, certains imitant ostensiblement la dĂ©formation du corps de la mĂšre, dâautres, plus discrets ou plus symboliques : troubles digestifs, douleurs abdominales, problĂšmes de transit, lombalgie, troubles dentaires, prise de poids sont les plus courants. On rapporte Ă©galement des cas de dĂ©compensation psychotique ou dâĂ©pisodes psychotiques aigus contemporains de la paternitĂ©. Ă propos de ce type de couvade, Françoise Hurstel (1996) affirme quâelles sont « une maniĂšre de rĂ©aliser imaginairement la deuxiĂšme partie du chemin qui mĂšne de lâannonce de la paternitĂ©, Ă lâĂ©laboration dâĂȘtre pĂšre », alors que pour Jacqueline Kelen (1986), il sâagirait dâun « dĂ©sir de parturition », « plus ou moins refoulĂ© Ă lâĂąge adulte ». Le sens de ces manifestations se situeraient entre une sympathie pour la mĂšre et un dĂ©sir 25
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Psychologie interculturelle et PsychothĂ©rapie - de lâimiter, voire de la remplacer complĂštement, c'est-Ă -dire de lâĂ©liminer. Le pĂšre, nâayant « toujours pas le droit de montrer sa sensibilitĂ©, ses Ă©motions » (Kelen, 1986), en est rĂ©duit Ă cette somatisation plus ou moins histrionique. Au sein des peuples pratiquant la couvade rituelle, le sens des symptĂŽmes nâest cachĂ© pour personne, pas mĂȘme pour le pĂšre (ou le futur pĂšre) qui semble parfois tout Ă fait conscient de la façon dont il imite la mĂšre. En revanche, dans notre sociĂ©tĂ©, « les pĂšres en "couvade" nâont en gĂ©nĂ©ral aucune idĂ©e du motif possible de leurs symptĂŽmes, gommant (consciemment) tout lien avec la grossesse de leur Ă©pouse », ce qui ne serait que la consĂ©quence dâun « dĂ©ni de la paternitĂ© dans la culture occidentale contemporaine » (Delaisi de Parseval, 1981). Pour Didier Dumas (1999), cette situation est plus prĂ©occupante encore : « Notre sociĂ©tĂ© semble ignorer que devenir pĂšre est un acte mental impliquant obligatoirement lâhomme dans son statut affectif et pensant. Les peuples pratiquant la couvade considĂšrent au contraire que la paternitĂ© est un Ă©tat qui ne peut ĂȘtre affrontĂ© sans prĂ©paration ni prĂ©cautions. » Le pĂšre nâest pas accompagnĂ© pour vivre cette importante transition, il nâexiste aucun rituel dâintĂ©gration, aucun certificat de paternité⊠Câest justement pour combler ce vide que le livret de paternitĂ© est remis depuis peu aux nouveaux pĂšres. 1.5. LâAPPROCHE HISTORIQUE : LES PERES DâAUTREFOIS Avant de pouvoir relever et apprĂ©cier les spĂ©cificitĂ©s des pĂšres dâaujourdâhui, ainsi que les Ă©ventuels changements dans leurs pratiques ou dans les reprĂ©sentations, un bref parcours de lâhistoire de la paternitĂ©, de lâAntiquitĂ© Ă nos jours, nous permettra de les situer plus prĂ©cisĂ©ment par rapport Ă nos ancĂȘtres. Effectivement, il est nĂ©cessaire de comparer les pĂšres contemporains avec leurs lointains parents afin de mieux estimer le chemin parcouru de ce quâils Ă©taient Ă ce quâils sont devenus. Comment a Ă©voluĂ© la relation entre Ă©poux ? Et la relation du pĂšre Ă ses enfants ? Quâen est-il du rapport du pĂšre Ă la communautĂ© ou Ă la sociĂ©tĂ© ? Quelle Ă©tait lâĂ©tendue 26
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Psychologie interculturelle et PsychothĂ©rapie - de son autoritĂ© ? Au cours de cette partie, nous nous intĂ©resserons en particulier Ă lâimage du bon pĂšre, au pĂšre idĂ©al tel quâil pouvait ĂȘtre perçu aux diffĂ©rentes Ă©poques de lâhistoire. Il est important de noter que les informations que nous pouvons recueillir aujourdâhui au sujet des pĂšres de lâantiquitĂ© ne concernent que ceux appartenant Ă une classe relativement aisĂ©e, voire les familles exclusivement nobles. Sur les familles plus pauvres et parfois sur la famille moyenne, il ne nous reste que trĂšs peu dâĂ©lĂ©ments tangibles. Il nây a jamais eu un modĂšle unique de paternitĂ©, il a toujours variĂ© en fonction de la classe sociale mais Ă©galement en fonction de multiples facteurs. Comme le souligne Castelain-Meunier (1997) : « Il y a toujours eu [âŠ] une pluralitĂ© de pĂšres ». Nous verrons nĂ©anmoins que cette diversitĂ© a Ă©voluĂ© Ă travers les Ăąges, en fonction de la richesse Ă©conomique, de la politique, du droit de la famille et plus rĂ©cemment, des avancĂ©es en matiĂšre dâassistance mĂ©dicale Ă la procrĂ©ation. 1.5.1. Le pĂšre Ă lâantiquitĂ© Le pater familias est le chef de famille. Câest lui la seule et unique autoritĂ© de la famille. Il dĂ©cide de tout, sans lâintervention de lâĂtat. Il sâoccupe de lâĂ©ducation de ses fils, lorsquâils ont dĂ©jĂ un certain Ăąge. Câest lui qui est responsable de « transmettre le savoir au fils » (Castelain-Meunier, 1997). Le culte des anciens ne survit que parce que le pĂšre se charge de le rĂ©vĂ©ler Ă sa descendance. Ce sont Ă©galement les pĂšres qui arrangent les mariages des leurs enfants. Ces derniers nâont pas le droit de contester ses dĂ©cisions, et son autoritĂ© est soutenue par la collectivitĂ© comme garante de lâordre et de la perpĂ©tuation des valeurs constitutives du groupe. Il peut dĂ©cider Ă tout moment, et sans avoir Ă argumenter plus avant, de dĂ©shĂ©riter un de ses enfants, de le faire emprisonner, voire de le tuer. « Le Pater est celui qui donne la vie et la mort. » (Mulliez, J. in Delumeau et Roche, 2000). Cette toute-puissance que rien ne semble rĂ©ellement entraver, la potestas (du latin, puissance) nâest transmise au fils quâĂ la mort du pĂšre. Ainsi, si ce dernier, sâil est grand-pĂšre, a autoritĂ© sur son fils mariĂ©, la femme et les enfants de son fils. Ce nâest que 27
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Psychologie interculturelle et PsychothĂ©rapie - lorsquâil meurt que le fils peut (enfin !) profiter de ce pouvoir et assumer cette responsabilitĂ©. En revanche, Ă cette Ă©poque, « la paternitĂ© biologique importe peu, seule la volontĂ© de reconnaissance de lâenfant par le pĂšre compte » (Castelain-Meunier, 1997). Autrement dit, « [les] Romains ne voulaient croire quâĂ une paternitĂ© adoptive » (Delaisi de Parseval, 1981). En effet, la paternitĂ© ne pouvant ĂȘtre prouvĂ©e de façon formelle et ne reposant que sur la fidĂ©litĂ© de la femme, les enfants nĂ©s dâun autre pĂšre peuvent ĂȘtre adoptĂ©s par le pĂšre comme les siens propres, de mĂȘme que les enfants quâil a conçus peuvent ĂȘtre adoptĂ©s par une autre famille. Dans toutes ces dĂ©cisions, le pĂšre ne tient aucun compte de la parole de la mĂšre. Ainsi, seule la volontĂ© de lâhomme fait le pĂšre, et celui-ci est seul Ă dĂ©cider. Les liens unissant lâenfant Ă la mĂšre ne semblent guĂšre reconnus comme primordiaux et ne sont par consĂ©quent pas pris en compte. 1.5.2. Le pĂšre au Moyen-Ăge Au Moyen Ăge, la sociĂ©tĂ© est quasi exclusivement communautaire. Le bien-ĂȘtre de lâindividu cĂšde la prioritĂ© Ă lâĂ©quilibre du groupe et la pĂ©rennisation de ses valeurs. Dâautre part, hormis quelques riches familles Ă lâabri du besoin, la vie est en permanence menacĂ©e par les guerres ou les famines. Une grande partie de la population vit dans une telle prĂ©caritĂ© que la survie du groupe, notamment par la protection des enfants, devient la seule fin souhaitĂ©e par chacun. Dâun point de vue Ă©conomique, la famille constitue une unitĂ© de production (Hurstel, 1996). Le pĂšre reste, et de loin, le seul rĂ©fĂ©rent juridique de la famille. Il doit rĂ©pondre de ses enfants, mais aussi de sa femme. En revanche, la potestas a Ă©tĂ© sĂ©rieusement entamĂ©e : « le pĂšre nâa plus Ă cette Ă©poque-lĂ , comme au temps des Romains, le droit de vie et de mort sur ses enfants » (Castelain-Meunier, 1997). DĂšs lors, le pĂšre est limitĂ© dans lâexercice de son autoritĂ©. En lâoccurrence, ce nâest pas encore le psychologue ou lâassistante sociale qui interviennent auprĂšs des familles, mais câest « le juge ecclĂ©siastique [qui] sâintroduit peu Ă peu dans la vie privĂ©e. » (Castelain-Meunier, 1997). La religion confirme donc au pĂšre sa position de chef de famille incontestable en 28
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Psychologie interculturelle et PsychothĂ©rapie - faisant de la famille le modĂšle unique, et en mĂȘme temps restreint son pouvoir en contrĂŽlant ses abus. Pour Françoise Hurstel (1996), on assiste alors à « la lente mainmise de lâĂglise catholique sur les pratiques matrimoniales ». En consĂ©quence, « le pĂšre est devenu "celui que le mariage dĂ©signe" ». Ainsi, lâĂglise est lâinstitution qui cautionne les valeurs de la famille, qui lĂ©gitime la filiation par lâintermĂ©diaire du mariage. En outre, les Ă©poux ne sâunissent par le mariage religieux pas tant par amour, que pour fonder un foyer, avoir des enfants Ă qui transmettre les biens et le savoir hĂ©ritĂ©s des ancĂȘtres. Le fait que le mariage soit nĂ©cessairement fĂ©cond a pour consĂ©quence quâil « ne peut se concevoir sans enfant. » (Castelain-Meunier, 1997). La paternitĂ© est garantie uniquement par la virginitĂ© de la femme au moment du mariage. La domination de lâhomme sur la femme nâest pas rĂ©ellement remise en cause, dâautant plus que « la complĂ©mentaritĂ© biologique interprĂ©tĂ©e dans le sens de la subordination de la femme Ă lâhomme est sublimĂ©e dans lâacte dâengendrement » (Castelain-Meunier, 2002). Lâhomme, pour ĂȘtre un bon pĂšre de famille, est alors nĂ©cessairement courageux, pour pouvoir assurer la protection des siens ; instruit, pour enseigner Ă ses enfants le sens des valeurs quâil leur transmet ; pieux et respectueux des rĂšgles dictĂ©es par le clergĂ© : « la gĂ©nĂ©rositĂ© le caractĂ©rise dans son amour dâautrui, ainsi que sa certitude de faire le bien », il « contrĂŽle ses Ă©motions et il doit ĂȘtre doux » (Castelain-Meunier, 1997). LâidĂ©al du pĂšre autoritaire et distant est progressivement supplantĂ© par lâimage dâun pĂšre plus proche et plus soucieux de la bonne croissance de sa progĂ©niture. Cependant, le pĂšre de cette Ă©poque ne sâintĂ©resse rĂ©ellement Ă son enfant quâĂ partir de lâĂąge de raison, c'est-Ă -dire sept ans. 1.5.3. Le pĂšre Ă lâĂ©poque moderne De nombreux changements vont Ă©branler lâautoritĂ© paternelle. Sans disparaĂźtre totalement pour autant, elle en sera nĂ©anmoins sĂ©rieusement limitĂ©e. « Pourtant, le pouvoir du pĂšre, comparativement Ă celui de la femme, nâen demeure pas moins trĂšs fort dâun point de vue institutionnel, juridique, social et culturel » (Castelain-Meunier, 2002). Le public se sĂ©pare de plus en plus du privĂ©, on diffĂ©rencie la production de la reproduction. LâĂ©ducation des fils est sous la responsabilitĂ© du pĂšre, tandis que la mĂšre 29
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Psychologie interculturelle et PsychothĂ©rapie - sâoccupe de celle des filles. Les fils reçoivent lâenseignement des « valeurs de la sociĂ©tĂ© industrielle » alors que les filles hĂ©ritent de la mĂšre « son infĂ©rioritĂ© » et « son savoir- faire mĂ©nager » (Castelain-Meunier, 2002). Le pĂšre est alors dĂ©crit selon des « caractĂ©ristiques de force, sĂ©vĂ©ritĂ©, richesse et culture⊠» (Hurstel, 1996). Le pĂšre idĂ©al fait davantage figure dâexemple pour lâenfant devenant adulte que la mĂšre idĂ©ale. JusquâĂ la fin du XIXe siĂšcle, la question de la fĂ©minisation de lâhomme sâoccupant de ses enfants ne se pose pas. Avant la RĂ©volution, le pĂšre connaĂźt lâ« Ăąge dâor » de la paternitĂ©, pendant lequel son pouvoir rappelle ceux du pater familias. Mais cette fois-ci, son autoritĂ© paraĂźt excessive, inquiĂ©tante, contestable. LâEncyclopĂ©die de 1755 rapporte que lorsque lâĂ©ducation de lâenfant est finie, lâautoritĂ© du pĂšre sâarrĂȘte, ce qui fait Ă©galement de lâautoritĂ© un moyen dâĂ©ducation au profit des enfants Le pĂšre est Ă©coutĂ© pour ses conseils et respectĂ©, mais ses fils et lui deviennent Ă©gaux en droit. De plus, les fils bĂ©nĂ©ficient de la libertĂ© de lâadministration de leurs biens dans le but de favoriser le dĂ©veloppement Ă©conomique. Les hommes et les femmes sont considĂ©rĂ©s trĂšs diffĂ©remment par les textes de loi. En ce qui concerne lâadultĂšre, par exemple, un important dĂ©sĂ©quilibre au sujet de la peine encourue les sĂ©pare : lâhomme fautif devra sâacquitter dâune simple amende, alors que la femme risquera la maison de correction. « Corollairement, le droit des enfants, celui des femmes, Ă©pouses et mĂšres sont constituĂ©s exclusivement de devoirs et dâobligations » ; la femme « est entiĂšrement "assujettie", dans le mariage, au mari » (Hurstel, 1996). En revanche, cette Ă©poque connaĂźt la disparition de lâexhĂ©rĂ©dation et la fin du droit dâaĂźnesse, ce qui impose une rĂ©partition plus homogĂšne parmi les diffĂ©rents hĂ©ritiers, et ce, quelle que soit leur position dans la fratrie. Françoise Hurstel (1996) fait remarquer Ă propos de Guyot (1780) que celui-ci trouve « normal que le pĂšre ait un droit de "correction paternelle" ». Rappelons que, mĂȘme si la vie du fils nâest plus lĂ©galement entre les mains du pĂšre, ce droit de correction peut toutefois correspondre Ă un emprisonnement. Dans la mĂȘme lignĂ©e, le projet Jacqueminot du Code civil en 1804, propose un retour en arriĂšre et remet en avant la nĂ©cessitĂ© du pĂšre Ă disposer dâune totale autoritĂ© afin de mieux diriger les membres de sa famille. En contrepartie, le pĂšre est tenu de pourvoir aux besoins de la famille. DĂšs lors, lorsque ceux-ci ne sont pas satisfaits, le pĂšre peut ĂȘtre jugĂ© et puni. Avec lâindustrialisation, le modĂšle de paternitĂ© Ă©volue vers des idĂ©aux de rĂ©ussite professionnelle, dâascension sociale, dâambition concernant lâinfluence ou le pouvoir. 30
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Psychologie interculturelle et PsychothĂ©rapie - 1.5.4. Le pĂšre Ă lâĂ©poque contemporaine AprĂšs la RĂ©volution, un grand pan de lâinstitutionnalisation du mariage tombe : le mariage religieux nâest plus obligatoire, ce qui est le premier grand mouvement dans la tendance Ă la sĂ©cularisation de la famille. Sur un autre versant, le dĂ©bat fait rage pour connaĂźtre le fondement du mariage. Est- il naturel ou bien est-ce un simple contrat social ? Ce dĂ©bat est crucial pour le statut de la paternitĂ©. En effet, si le mariage est naturel, la paternitĂ© lâest Ă©galement, et le divorce est impossible. Dans le cas contraire, le divorce est envisageable. Bonaparte prend le parti de faire du mariage un contrat civil en 1791. Par la suite, le divorce sera supprimĂ© en 1816, puis de nouveau autorisĂ© en 1884 (ThĂ©ry, 1994). Toujours dans le mĂȘme mouvement de diminution de lâautoritĂ© du pĂšre sur ses enfants, le 28 aoĂ»t 1792, une nouvelle loi postule que « les majeurs ne seront plus soumis Ă la puissance paternelle, elle ne sâĂ©tendra que sur la personne des mineurs » (Castelain-Meunier, 1997). On assiste ainsi Ă une « prise de distance par rapport Ă la morale religieuse » et Ă un mouvement de plus en plus dĂ©terminĂ© « vers la sociĂ©tĂ© civile laĂŻque » (Castelain-Meunier, 1997). Les institutions publiques sâimmiscent progressivement au sein du foyer dans un but de prophylaxie Ă©ducative. On entend alors parler de « lâintĂ©rĂȘt de lâenfant ». Par consĂ©quent, le 30 octobre 1935, on assiste Ă lâabolition de la « correction paternelle ». En 1945, les femmes acquiĂšrent leur premier droit civique, le droit de vote. Elles obtiennent ainsi la reconnaissance de leur identitĂ©, distincte de celle de leur famille ou de leur mari. Par la suite, « les mĂšres deviennent les interlocutrices privilĂ©giĂ©es de lâĂtat, pour la question des enfants » (Castelain-Meunier, 1997). Dans le prolongement de la loi de 1889 sur la dĂ©chĂ©ance des pĂšres indignes, les deux psychiatres Luccioni et Sutter (1957) Ă©voquent pour la premiĂšre fois la « carence paternelle » et la « carence dâautoritĂ© ». Pour y remĂ©dier, ils proposent de « rĂ©intĂ©grer le pĂšre Ă sa place ». Mais lâĂ©vĂ©nement majeur est, pour beaucoup, lâarrivĂ©e de la pilule contraceptive dans les foyers. Cette importance dĂ©terminante est soulignĂ©e par GeneviĂšve Delaisi de Parseval (1981) : la « rĂ©volution contraceptive » a eu pour consĂ©quence de « rĂ©investir le pĂšre ». Il faisait des enfants « Ă sa femme », il les fait maintenant « avec sa 31
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Psychologie interculturelle et PsychothĂ©rapie - compagne ». Ce nouveau contrĂŽle des naissances bouleverse la conception de la famille : les enfants ne sont plus le fruit du hasard, de la fatalitĂ© mais bien plutĂŽt choisis, attendus et dĂ©sirĂ©s. Cette situation permet au pĂšre de sâimpliquer dans le projet de lâagrandissement de la famille. Autour de la deuxiĂšme guerre mondiale, un bon pĂšre est « un chef, assumant lâautoritĂ© sur femme et enfants, cultivĂ©, gĂ©nĂ©reux, jusquâĂ lâabnĂ©gation, ayant un sens moral et religieux » (Hurstel, 1996). On constate que le pĂšre est encore, et ce depuis lâAntiquitĂ©, le responsable de la transmission des valeurs, de la pratique de la religion ou du culte, et, bien entendu, le dĂ©tenteur de lâautoritĂ©. Ă ce sujet, Françoise Hurstel (1996) constate quâun demi-siĂšcle plus tard, ce modĂšle de pĂšre tout-puissant sâĂ©croule. Le modĂšle unique de paternitĂ© disparaĂźt pour laisser place Ă une multitude de modĂšles diffĂ©rents. Le modĂšle de la mĂšre, lui, ne semble pas fondamentalement Ă©branlĂ© en comparaison de ce quâil Ă©tait au siĂšcle prĂ©cĂ©dent. « La paternitĂ© Ă©tait, il y a encore une trentaine dâannĂ©es, vĂ©cue et perçue en France comme une unitĂ© fonctionnelle insĂ©cable et placĂ©e sous lâĂ©gide dâune institution stable, le mariage. Elle ne cesse de se morceler sous nos yeux en ses constituants les plus intimes » (Hurstel, 1996). Alors que depuis des siĂšcles la sociĂ©tĂ© est centrĂ©e sur lâintĂ©rĂȘt de la communautĂ©, sur la survie de la culture, des valeurs et des traditions du groupe, lâindividu se dĂ©marque de plus en plus, revendique une place indĂ©pendante de celle des diffĂ©rents groupes auxquels il appartient et, en particulier, indĂ©pendante de la famille. Pour François de Singly (1993), câest lâĂ©mergence du souci de « chacun pour soi ». La famille a alors un nouvel objectif, une nouvelle mission : elle consiste à « produire de lâidentitaire » (Castelain-Meunier, 1997). Dans les annĂ©es 60, le mouvement fĂ©ministe critique sĂ©vĂšrement le modĂšle de la femme au foyer (Singly, 1993). Les mĂšres sont idĂ©alisĂ©es sur le plan du savoir-faire avec les enfants. Lâinstinct maternel suffit Ă faire de la mĂšre la seule personne capable de penser lâenfant, de connaĂźtre ses besoins et ses limites. On en vient Ă poser explicitement la question de la nature du rĂŽle du pĂšre (Hurstel, 1996). La disparition de la puissance paternelle sâaccompagne du partage de lâautoritĂ© entre les deux parents dĂšs 1970. Cette loi est dĂ©terminante dans lâĂ©volution de la paternitĂ© en France. DĂšs lors, le rapport entre les conjoints est Ă©quilibrĂ© et lâintĂ©rĂȘt de lâenfant est placĂ© directement sous la responsabilitĂ© des parents. Les membres de la famille contemporaine communiquent selon un « type de relations oĂč le respect de la parole de 32
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Psychologie interculturelle et PsychothĂ©rapie - lâautre prime sur lâexercice dâun pouvoir » (Hurstel, 1996). Le paterfamilias laisse sa place Ă deux partenaires engagĂ©s auprĂšs de lâenfant. Le phĂ©nomĂšne de la « dĂ©valorisation de la dĂ©pendance intergĂ©nĂ©rationnelle » (Singly, 1993) est peut-ĂȘtre Ă lâorigine dâune « diffĂ©renciation importante en lâespace de deux gĂ©nĂ©rations » (Hurstel, 1996). Le pĂšre est perçu comme sâefforçant de concilier famille et travail ainsi que de crĂ©er de nouvelles relations avec ses enfants. Ces relations plus sensuelles sont initiĂ©es par la possibilitĂ© pour le pĂšre dâavoir accĂšs Ă de nouvelles perceptions du bĂ©bĂ© : lâhaptonomie et lâĂ©chographie (et plus tard, lâĂ©chographie 3-D). Le sentiment de paternitĂ© sâexprime aujourdâhui davantage en terme de responsabilitĂ©, dâengagement, de partage du quotidien, de fiertĂ©. Ces changements nous amĂšnent Ă penser que la paternitĂ© nâest ni universelle, ni immuable. « Ces mises en cause mettent au jour le fait que la paternitĂ©, comme la maternitĂ© dâailleurs, ne sont pas des Ă©tats naturellement donnĂ©s aux hommes et aux femmes, et par-lĂ , immuables, mais des statuts, des rĂŽles, des comportements qui Ă©voluent au grĂ© des transformations de la sociĂ©tĂ© (Modak et Palazzo, 2002). » En effet, le pĂšre nâa pas toujours eu le mĂȘme rĂŽle familial ni le mĂȘme statut social. Son autoritĂ© a Ă©tĂ© considĂ©rablement restreinte au cours des siĂšcles et en mĂȘme temps sâest dĂ©veloppĂ© chez lui le sentiment quâil Ă©tait responsable du bien-ĂȘtre et du devenir de lâenfant. 1.5.5. Lâavenir des pĂšres Il y a plus de vingt ans maintenant, GeneviĂšve Delaisi de Parseval (1981) faisait des prĂ©dictions sur les pratiques des pĂšres : 33
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Psychologie interculturelle et PsychothĂ©rapie - « Entre le pĂšre dâil y a vingt ans qui, "dans les grandes circonstances", changeait son bĂ©bĂ© ou donnait le "biberon de minuit", et le pĂšre de lâan deux mille (petit garçon de cinq ans maintenant) qui, institutionnellement, « couvera », il y a loin⊠Pas tant que ça, cependant : lâidĂ©ologie de la spĂ©cialisation sexuelle aura changĂ©, câest tout. » Il serait audacieux de tracer, mĂȘme dans ses grandes lignes, le portrait du pĂšre du prochain siĂšcle. LâĂ©volution quâil a suivie depuis plusieurs siĂšcles, et plus particuliĂšrement au cours de deux gĂ©nĂ©rations, nous fait comprendre que la paternitĂ© est influencĂ©e par un trĂšs grand nombre de variables : un instinct probablement hĂ©ritĂ© des animaux, notamment des primates ; un cadre politique et juridique dĂ©limitant les droits et des devoirs par lâintermĂ©diaire desquels elle peut sâexprimer ; un contexte Ă©conomique conditionnant la charge de travail et la prĂ©sence du pĂšre Ă la maison, mais aussi la quantitĂ© et la qualitĂ© des activitĂ©s de loisirs partagĂ©es avec les enfants ; des reprĂ©sentations sociales qui Ă©voluent en fonction des pratiques mais Ă©galement en fonction des images vĂ©hiculĂ©es par les mĂ©dias ; des progrĂšs de lâaide mĂ©dicale Ă la procrĂ©ation qui mettent Ă la disposition des couples stĂ©riles ou porteurs de maladies graves toute une palette de techniques permettant malgrĂ© tout dâavoir des enfants. En revanche, nous pouvons nous interroger sur la question du devenir du pĂšre Ă la prochaine gĂ©nĂ©ration. Yvonne Knibiehler (1987) laisse apercevoir un avenir sombre pour lâautonomie de la famille, entre « utopie » et « totalitarisme », oĂč lâĂtat prendrait intĂ©gralement en charge lâĂ©levage des enfants afin de rĂ©soudre les difficultĂ©s Ă©ducatives des parents dĂ©passĂ©s par leur tĂąche. Ne faudrait-il pas, dans cette perspective interventionniste de lâĂtat, envisager dâĂ©ventuelles formations qui seraient proposĂ©es aux futurs parents, ou mĂȘme imposĂ©es dans certains cas (parents sortis de prison, anciens toxicomanes, âŠ) ? On risque incontestablement dâaller vers une certaine prophylaxie Ă©ducative (« le totalitarisme ») mais cela permettrait, en revanche, de favoriser lâaccĂšs aux progrĂšs 34
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Psychologie interculturelle et PsychothĂ©rapie - rĂ©cents de la pĂ©dagogie et de proposer dâautres modĂšles aux parents que les modĂšles de ceux qui les ont Ă©duquĂ©s (« lâutopie »). Jean Le Camus (2000) note Ă ce sujet quâil faudrait Ă lâavenir « expliquer lâimportance du trio familial Ă tous les Ăąges de la vie », « appliquer une politique familiale qui favorise un meilleur partage » et « inventer une politique Ă©conomique et sociale qui favorise lâexercice de la coparentalitĂ© ». Il souligne lâabsence de continuitĂ© dans la prise en charge des enfants par le pĂšre, donc une responsabilitĂ© partielle, la vraie responsable restant la mĂšre. En ce qui concerne la mĂšre, il faudrait quâelle aussi ait du temps pour jouer avec les enfants. En se tournant vers lâavenir, il affirme avec vĂ©hĂ©mence quâune page doit rĂ©solument ĂȘtre tournĂ©e. « Ă lâaube du XXIe siĂšcle, il ne paraĂźt plus possible de soutenir que la fonction du pĂšre nâest lĂ©gitimĂ©e que par le bon vouloir de la mĂšre, que cette fonction peut ĂȘtre indiffĂ©remment remplie par un homme ou par une femme, quâelle nâa de prise quâĂ partir de lâĂąge de 18 mois ou Ă partir du moment oĂč lâenfant est entrĂ© dans le stade Ćdipien, quâelle se rĂ©duit Ă lâintroduction et Ă la mise en application de la Loi â autant dâaffirmations convenues quâon rĂ©pĂšte Ă longueur dâouvrage, sans mĂȘme se donner la peine de les soumettre Ă lâĂ©preuve de lâexpĂ©rience clinique (Le Camus, 2000). » En constatant les consĂ©quences dramatiques du silence ou du manque de communication de la part du pĂšre, Guy Corneau (1989) signale que « la tĂąche des nouveaux hommes est de briser les gĂ©nĂ©rations de silence masculin ». Quoi quâil en soit, la tendance actuelle laisse pressentir que les enfants dâaujourdâhui devenus pĂšres seront encore plus prĂ©sents, la rĂ©duction progressive du temps de travail le leur permettant. Les mĂšres seront probablement de plus en plus dĂ©lestĂ©es de leurs charges domestiques. Si les lois sur lâĂ©galitĂ© des salaires permettent aux femmes dâobtenir des revenus supĂ©rieurs Ă ceux de leurs conjoints, la dĂ©cision de rester au foyer pour Ă©lever les enfants sera moins univoque. Il semble nĂ©anmoins improbable quâun Ă©quilibre soit atteint sur ce point en si peu de temps, si tant est quâil soit atteint un jour. 35
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Psychologie interculturelle et PsychothĂ©rapie - 1.6. CONCLUSION Nous avons abordĂ© les difficultĂ©s de poser clairement les limites dâune dĂ©finition du pĂšre et de la paternitĂ©. Il rĂšgne Ă©galement un certain flou autour des dĂ©finitions du masculin et du fĂ©minin, dĂšs lors que ces attributs ne sont pas rĂ©servĂ©s respectivement aux hommes ou aux femmes. LâĂ©volution familiale et lâAMP ont contribuĂ© Ă une remise en question de ces dĂ©finitions. Il est apparu quâil existait un profond dĂ©sĂ©quilibre entre le maternel et le paternel, jusque dans des ouvrages de rĂ©fĂ©rences et mĂȘme en dehors des aspects physiques pĂ©rinatals. Les observations de primates ont montrĂ© que le pĂšre avait un rĂŽle bien plus important que de simplement fournir la moitiĂ© du gĂ©nome Ă la mĂšre. Il prend frĂ©quemment en charge les petits Ă partir dâun certain Ăąge et soutient la mĂšre. Avec lâapproche anthropologique, la paternitĂ© sâest prĂ©sentĂ©e dâune maniĂšre originale et nous a fait relativiser les composantes dâun Ă©ventuel instinct paternel. Le pĂšre Ă©tait dotĂ© dâune autoritĂ© quasi illimitĂ©e sur sa descendance, mais il a Ă©tĂ© progressivement limitĂ© dans son exercice. LâĂtat intervient de plus en plus au sein de la famille, tentant dâempĂȘcher le pĂšre de nuire Ă lâintĂ©rĂȘt de lâenfant. Aujourdâhui lâautoritĂ© paternelle a Ă©tĂ© remplacĂ©e par la responsabilitĂ© parentale, par un ensemble de devoirs des parents Ă lâĂ©gard de lâenfant. Fort de tous ces Ă©lĂ©ments, le pĂšre est loin de perdre de son importance pour la famille et pour ses enfants mais il apparaĂźt en partie conditionnĂ© par le contexte culturel et social, dĂ©terminĂ© par le lieu et lâĂ©poque. Le modĂšle dominant est fluctuant et la paternitĂ©, comme la famille, ne reçoit pas de dĂ©finition unique qui puisse prĂ©tendre Ă lâuniversalitĂ©. 36
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Psychologie interculturelle et PsychothĂ©rapie - 2. NOUVELLES FAMILLES ET NOUVEAUX PĂRES Maintenant que nous avons montrĂ© lâaspect culturel de la paternitĂ©, nous allons prĂ©ciser son environnement aujourdâhui. Les bases de la famille sont Ă©branlĂ©es, mais certaines pratiques sont Ă©galement en mutation : nous nous intĂ©resserons en particulier Ă la participation du pĂšre Ă lâaccouchement, Ă la nouvelle relation qui semble sâĂ©tablir entre le pĂšre et son bĂ©bĂ© et aux consĂ©quences Ă©ventuelles de la perte de pouvoir des pĂšres. 2.1. LA FAMILLE DU XXIE SIECLE Comme nous lâavons vu au cours du chapitre prĂ©cĂ©dent, « la famille nâest plus centrĂ©e sur le pĂšre » mais la sociĂ©tĂ© reste à « domination masculine » (Castelain- Meunier, 2002). Le cadre juridique de la famille a considĂ©rablement Ă©voluĂ© avec les diverses Ă©volutions sociales et Ă©conomiques, mais aussi technologiques et politiques. Nous traiterons Ă part (bien quâils puissent ĂȘtre liĂ©s) deux des Ă©lĂ©ments qui ont particuliĂšrement influencĂ© cette Ă©volution : le mouvement des femmes de 1970 et la fin du modĂšle dominant de la famille. 2.1.1. Le mouvement des femmes En 1970, ce mouvement social a radicalement modifiĂ© la perception de la place de la femme dans la sociĂ©tĂ©. Force est de constater que lâĂ©quilibre en terme de rĂ©munĂ©ration nâest toujours pas atteint aujourdâhui. Cependant, lâaugmentation du temps de travail des femmes a eu une consĂ©quence directe : la rĂ©duction du temps de prĂ©sence des femmes au foyer ! Par consĂ©quent, lorsque ledit foyer inclut un ou plusieurs enfants, ces derniers seront confiĂ©s Ă un adulte ou Ă une institution extĂ©rieurs au foyer. Le mode de garde qui reste le plus « familial » consiste Ă faire garder les enfants par leurs grands-parents. Mais pour un trĂšs grand nombre dâenfants dont les deux parents 37
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Psychologie interculturelle et PsychothĂ©rapie - travaillent, câest une nourrice ou une assistante maternelle Ă domicile, la crĂšche, la halte-garderie, etc. qui les accueillera. La diversitĂ© des modes de garde et la pĂ©nurie de personnel ou dâinfrastructures pour accueillir les « clients » toujours plus nombreux atteste de maniĂšre flagrante de la disparition progressive du modĂšle dominant de la femme au foyer. Jean Le Camus (2000) fait remarquer Ă ce sujet que « le taux de fĂ©minisation des mĂ©tiers de la petite enfance est de lâordre de 98 ou 99% » et que « lorsque lâenfant nâest pas Ă©levĂ© au domicile par sa mĂšre, il est confiĂ© presque toujours Ă des personnes de sexe fĂ©minin ». Les Ă©tudes rĂ©alisĂ©es auprĂšs des familles relĂšvent toutes le phĂ©nomĂšne de la « double journĂ©e » de la femme, dans des proportions plus ou moins grandes. « Les femmes travaillent mais les mĂšres sont encore celles qui sâoccupent des enfants (Hurstel, 1996) ». Et ce sont encore elles qui passent le plus de temps aux tĂąches domestiques. Pour Jean Le Camus (2000) et Christine Castelain-Meunier (1997), la famille est aujourdâhui un lieu de construction identitaire oĂč lâon privilĂ©gie le dĂ©veloppement individuel de chacun des membres qui la constitue. En effet, les parents sont toujours plus soucieux de lâĂ©panouissement des leurs enfants leur proposent pour cela des activitĂ©s sĂ©lectionnĂ©es. 2.1.2. Les nouveaux modĂšles familiaux Lâaugmentation du travail des femmes a eu de trĂšs nombreuses consĂ©quences. En vingt ans Ă peine, « la proportion des femmes en Ăąge de travailler et qui se trouvent effectivement sur le marchĂ© du travail nâa cessĂ© dâaugmenter » (Le Camus, 2000). Elle est passĂ©e de 30 % en 1960 Ă 41,7 % en 1980, pour atteindre prĂšs de 50 % aujourdâhui. En revanche, « le temps partiel touche plus les femmes que les hommes (29,5 % des actives contre 5,3 % des actifs en 1998) » (Le Camus, 2000). Dâautre part, elles sont largement minoritaires dans les postes de direction en ne reprĂ©sentant que « 30 % des cadres et 10 % des dirigeants » (Le Camus, 2000). Les enfants doivent par consĂ©quent ĂȘtre gardĂ©s soit au domicile, soit Ă lâextĂ©rieur : 15 % dâentre eux sont gardĂ©s au domicile par une assistante maternelle agrĂ©Ă©e. 38
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Psychologie interculturelle et PsychothĂ©rapie - PrĂ©cisons que les enfants de moins de 6 ans « sont gardĂ©s par la mĂšre dans la moitiĂ© des cas » (Le Camus, 2000). Un aspect intĂ©ressant est la corrĂ©lation observĂ©e entre le travail des femmes et le nombre dâenfants. Effectivement, « entre 25 et 49 ans, neuf femmes sur dix nâayant pas dâenfant Ă charge travaillent » alors que cette proportion diminue à « deux sur trois » quand elles ont deux enfants, et « une sur deux parmi celles qui ont trois enfants » (Le Camus, 2000). En ce qui concerne la rĂ©partition des tĂąches mĂ©nagĂšres, lâĂ©valuation sâeffectue toujours par questionnaire et non par observation en situation rĂ©elle. De ce fait, un phĂ©nomĂšne important de dĂ©sirabilitĂ© sociale biaise tous les rĂ©sultats obtenus. On peut toutefois constater que « la prĂ©sence des pĂšres auprĂšs des enfants a nettement augmentĂ© depuis les annĂ©es 1960, et mĂȘme depuis les annĂ©es 1980 » (Le Camus, 2000). Mais un point qui nous semble plus grave est que, aprĂšs une Ă©ventuelle sĂ©paration des parents, « sur lâensemble des enfants vivant avec leur mĂšre, 30 % ne voient plus du tout leur pĂšre » (Villeneuve-Gokalp, 1999, citĂ©e par Le Camus, 2000) et « en 1994, plus des pĂšres ne voient plus du tout leurs enfants aprĂšs une sĂ©paration » (ThĂ©ry, 1998). NĂ©anmoins, le modĂšle familial dominant est encore celui que nous connaissons puisque « la trĂšs grande majoritĂ© des enfants vivent avec leurs deux parents », soit 83 % des enfants mineurs (Villeneuve-Gokalp, 1998, citĂ©e par ThĂ©ry, 1998). Le taux de divortialitĂ© est passĂ© de 22,5 % en 1960 Ă 38,3 % en 1996 (ThĂ©ry, 1998). Cette importante augmentation a des rĂ©percussions sur lâorganisation de la famille et sur le devenir des membres qui la composent. François de Singly (1993) se pose alors la question suivante : « Est-ce lâabsence du pĂšre ou la chute sociale qui provoque dâĂ©ventuels dommages ? » 2.2. LâACCOUCHEMENT Le vocabulaire relatif Ă cette expĂ©rience ne concerne que la mĂšre. Comme le fait remarquer Dider Dumas (1999), « il nâexiste, en français, aucun terme pour nommer lâĂ©tat de celui qui attend un enfant ». Cet Ă©tat de fait est certainement Ă mettre en rapport 39
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Psychologie interculturelle et PsychothĂ©rapie - avec lâabsence de prise en compte des phĂ©nomĂšnes de couvade par la plupart des cliniciens et par lâensemble de nos dictionnaires (v. chapitre 1.4.2. La couvade, p. 25). Lâaccouchement est vĂ©cu de maniĂšre trĂšs diffĂ©rente en fonction de la culture du peuple en gĂ©nĂ©ral et de celle de la famille en particulier. Il peut notamment ĂȘtre prĂ©sentĂ©, selon les cultures, « tantĂŽt comme un moment exclusivement maternel, tantĂŽt comme exclusivement paternel (le pĂšre ayant alors le rĂŽle symbolique le plus important), tantĂŽt enfin comme exclusivement social » (Delaisi de Parseval, 1981). 2.2.1. LâĂ©volution de lâaccouchement 2.2.1.1. Lâaccouchement au cours de lâhistoire LâexpĂ©rience de lâaccouchement nâa pas toujours Ă©tĂ© ce quâelle est aujourdâhui. Non seulement les pĂšres mais tous les hommes en gĂ©nĂ©ral y Ă©taient interdits, Ă lâexception du mĂ©decin qui Ă©tait rĂ©quisitionnĂ© en cas dâurgence pour la mĂšre ou pour lâenfant. « Lâaccouchement fut, pendant des siĂšcles, lâaffaire des femmes (This, 1980). » Les hommes Ă©taient ainsi totalement exclus de la venue au monde de leur progĂ©niture, Ă lâexception de la naissance des enfants de la reine, pour lesquels la certitude de la lignĂ©e devait ĂȘtre cautionnĂ©e par la prĂ©sence de tĂ©moins oculaires. Certains pĂšres commencent alors Ă imiter cette atteinte Ă la pudeur de la mĂšre, raisonnant autour du risque dâĂȘtre trompĂ© dans la lignĂ©e. Au XVIe siĂšcle, certains hommes commencent Ă sâintĂ©resser scientifiquement Ă la naissance. Il ne sâagit au dĂ©but que de mĂ©decins ou de chirurgiens, arguant que le progrĂšs de la science mĂ©ritait que cet interdit sĂ©culaire fĂ»t transgressĂ© (Kelen, 1986). Il nâa pas fallu attendre Freud et la psychanalyse pour comprendre la forte connotation sexuelle de lâaccouchement. Câest dâailleurs tout Ă fait conscient de la situation dĂ©licate dans laquelle se trouve lâaccoucheur que « Mauriceau, Ă la fin du XVIIe siĂšcle, recommande au mĂ©decin qui pratique lâaccouchement dâavoir lâair plutĂŽt sale et nĂ©gligĂ©, peu avenant, afin de na pas provoquer la jalousie du mari⊠» (Kelen, 1986). 40
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Psychologie interculturelle et PsychothĂ©rapie - Les arguments pour Ă©loigner les pĂšres de cette scĂšne ont Ă©voluĂ© au cours des siĂšcles, mais sont toujours restĂ©s virulents. Ce nâest que rĂ©cemment que les pĂšres, dans un mouvement compensatoire excessif de la part des Ă©quipes mĂ©dicales, ont Ă©tĂ© parfois contraints Ă y assister. Certains se sont alors retrouvĂ©s Ă une place Ă laquelle rien ne les y avait prĂ©parĂ©s et qui les dĂ©bordait affectivement. Par la suite, les mĂ©decins sâaccaparent ce domaine Ă tel point que la mĂšre qui voudrait se passer de lui fait figure dâirresponsable. Cette mĂ©dicalisation a eu Ă©galement un autre effet : « lâaccoucheur a souvent Ă©cartĂ© le pĂšre, traitĂ© comme un "gĂȘneur" » (This, 1980). 2.2.1.2. Lâaccouchement aujourdâhui En France, les femmes accouchent maintenant presque systĂ©matiquement Ă lâhĂŽpital. Lâargument majeur est le risque de complications ou dâinfection. « Câest donc seulement depuis une vingtaine dâannĂ©es quâon en est venu Ă concevoir la prĂ©sence du pĂšre comme non dangereuse [âŠ], puis comme bĂ©nĂ©fique. (Le Camus, 2000) ». Les cours de prĂ©paration Ă lâaccouchement proposĂ©s quasi systĂ©matiquement par les maternitĂ©s des hĂŽpitaux et des cliniques, en Ă©voquant avec exhaustivitĂ© les dangers de lâaccouchement, en ont fait un Ă©vĂ©nement particuliĂšrement anxiogĂšne face auquel tous les moyens doivent impĂ©rativement ĂȘtre mis en Ćuvre. Le pĂšre a fait partie de ces moyens, tantĂŽt favorable, donc forcĂ© dâassister Ă lâaccouchement, tantĂŽt dĂ©favorable, donc banni de la salle de travail, pour atteindre aujourdâhui une position plus Ă©quilibrĂ©e et laissant davantage la libertĂ© au pĂšre⊠et Ă la mĂšre. Sur un plan plus technique, on observe Ă©galement que « les femmes soutenues par leur compagnon [feraient] moins usage dâanalgĂ©siques et [vivraient] lâaccouchement comme une expĂ©rience plus "positive" que les femmes sans compagnon » (Le Camus, 2000). Les pĂšres, de leur cĂŽtĂ©, manifestent un intĂ©rĂȘt grandissant pour la grossesse et pour lâaccouchement. Ils se documentent, sâinvestissent davantage dans les diverses dĂ©marches mĂ©dicales (Ă©chographies, visites mĂ©dicales, prĂ©paration Ă lâaccouchementâŠ). 41
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Psychologie interculturelle et PsychothĂ©rapie - « On peut dire dans lâensemble et de façon objective que les diffĂ©rentes Ă©quipes des maternitĂ©s ont notĂ© combien les pĂšres sont ostensiblement plus prĂ©sents aux diffĂ©rentes Ă©tapes de la grossesse. Leur participation Ă lâaccouchement est plus assidue et plus frĂ©quente, leur implication plus importante. (Audier L., Blancho A., Callamand P., Malavialle L. et PĂ©rez F. La place des pĂšres en maternitĂ© : Ă propos dâune enquĂȘte : quelques rĂ©flexions, in Marciano, 2003). » Les contraintes professionnelles sont frĂ©quemment citĂ©es comme argument pour ne pas avoir davantage soutenu ou accompagnĂ© la future parturiente. Certains en sont sincĂšrement contrariĂ©s ou frustrĂ©s. Dâautre, en revanche, y trouvent peut-ĂȘtre tout simplement un prĂ©texte pour ne pas assister Ă ce qui ne les concerne pas ou ce qui les effraie. La dĂ©cision dâassister Ă lâaccouchement vient en gĂ©nĂ©ral spontanĂ©ment aux jeunes pĂšres. Cette dĂ©cision est rarement contestĂ©e par la conjointe, dĂ©sireuse de partager lâintensitĂ© attendue de cet Ă©vĂ©nement avec le pĂšre. Face Ă ces changements, Jacqueline Kelen (1986) laisse entendre que cette apparente rĂ©volution « ne serait en fait quâun phĂ©nomĂšne artificiel et culturel et signerait [âŠ] le retour du patriarcat et de certains schĂ©mas conventionnels visant Ă conforter lâordre social, moral et familial, et Ă assurer la prĂ©dominance masculine en tout ». Au contraire, la prĂ©sence des pĂšres Ă lâaccouchement est, pour Edwige Antier, pĂ©diatre, un « progrĂšs considĂ©rable » (Antier, 2001). Elle suggĂšre la possibilitĂ© pour le pĂšre de passer la nuit auprĂšs de son bĂ©bĂ© et de sa conjointe. Elle regrette mĂȘme le manque de reconnaissance de lâutilitĂ© du pĂšre de la part du personnel des maternitĂ©s. Sa prĂ©sence est parfois simplement nĂ©gligĂ©e, mais il arrive quâelle soit contestĂ©e. 2.2.2. Une Ă©tape dans la paternitĂ© Dâun cĂŽtĂ©, le pĂšre sâen trouve le plus souvent rĂ©duit Ă tenir passivement la main de sa conjointe, dâoĂč peut naĂźtre un sentiment dâinutilitĂ© ou de mise Ă lâĂ©cart. De lâautre, on constate que les pĂšres laissent de plus en plus percevoir leurs Ă©motions et dĂ©crivent cet 42
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Psychologie interculturelle et PsychothĂ©rapie - instant comme un Ă©merveillement, une grande joie, une expĂ©rience unique quâils ne rateraient, semble-t-il, pour rien au monde. PrĂ©cisons cependant que « la naissance du pĂšre prĂ©cĂšde la naissance de lâenfant et [que] la paternalisation est un processus de rĂ©organisation identitaire » (Le Camus, 2000). Cette rĂ©organisation est appelĂ©e « rĂ©ciprocitĂ© identificatoire » par Didier Dumas (2000). Il affirme Ă©galement que câest grĂące Ă elle « que nous comprenons lâenfant, en retrouvant celui que nous Ă©tions Ă son Ăąge ». La curiositĂ© et le soutien de la mĂšre sont les Ă©lĂ©ments le plus souvent invoquĂ©s en terme de motivation des pĂšres pour assister Ă lâaccouchement. Mais de la curiositĂ© au voyeurisme, il nây a parfois quâun pas, que le refoulement empĂȘche de franchir consciemment (Kelen, 1986). MalgrĂ© cette forte motivation, une certaine frustration peut naĂźtre de lâimpuissance du pĂšre face aux souffrances de la mĂšre. Dâune maniĂšre gĂ©nĂ©rale, on constate que « le pĂšre prend la place qui lui est laissĂ©e par sa compagne ou son Ă©pouse » (Audier L. et al., in Marciano, 2003). Pour nombre dâauteurs, cet Ă©vĂ©nement marque une Ă©tape dĂ©terminante dans lâexpĂ©rience nouvelle de la paternitĂ©. Jean Le Camus (2000) souligne ainsi lâinfluence de la prĂ©sence du pĂšre Ă lâaccouchement : « le devenir-pĂšre a plus de chances de sâopĂ©rer dans des conditions favorables sâil est lâexpression dâun travail psychologique commence dĂšs le dĂ©but » (Le Camus, 2000). On constate que ce que Jacqueline Kelen (1986) appelle le « sentiment de paternitĂ© » est souvent plus progressif que le sentiment que peut Ă©prouver la mĂšre pour sa progĂ©niture. Il ne bĂ©nĂ©ficie pas de tous les aspects physiques de la grossesse, de la naissance ou de lâallaitement. Aussi la paternitĂ© est-elle davantage mentalisĂ©e que la maternitĂ©, ce quâEdwige Antier (2001) rĂ©sume ainsi : « Le sentiment paternel est rĂ©flĂ©chi, conscient, Ă lâinverse de lâinstinct maternel ». Pour cette raison, « les Ă©chographistes et les gynĂ©cologues sont de plus en plus nombreux Ă admettre que le compagnon de la mĂšre (gĂ©niteur ou non) doit si possible ĂȘtre prĂ©sent » (Le Camus, 2000). Leur participation leur permet de se faire une idĂ©e plus concrĂšte de ce que la mĂšre peut vivre et dâactiver lâĂ©laboration psychique autour du futur enfant. 43
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Psychologie interculturelle et PsychothĂ©rapie - Cette Ă©laboration psychique peut nĂ©anmoins passer par des phases oĂč vont dominer des manifestations affectives qui le dĂ©passent. Tout dâabord surprises, les Ă©quipes mĂ©dicales des maternitĂ©s finissent maintenant par accepter « plus volontiers dans les salles dâaccouchement lâexpression de ces Ă©motions » (Audier L. et al., in Marciano, 2003). Pour le pĂšre, lâaccouchement est Ă©galement un creuset propice Ă la rĂ©activation de nombreux conflits : « conflits vis-Ă -vis de lâĂ©pouse-mĂšre (ou future mĂšre), « conflits vis-Ă -vis de lâenfant Ă naĂźtre ou nĂ©, « conflits vis-Ă -vis des parents du pĂšre, « conflits vis-Ă -vis de lâaccoucheur, « reviviscence de conflits vis-Ă -vis de soi-mĂȘme » (Delaisi de Parseval, 1981). Ces affects plus ou moins extĂ©riorisĂ©s peuvent avoir un aspect trĂšs positif pour le nouveau pĂšre car ils « donnent Ă leur rapport avec lâenfant et la mĂšre lâhumanitĂ© indispensable pour rĂ©ussir lâaccĂšs Ă la parentalitĂ© » (Audier L. et al., in Marciano, 2003). Ă ce moment-lĂ , le pĂšre, par un mĂ©canisme dâidentification inconscient, rĂ©gresse partiellement Ă un stade trĂšs archaĂŻque, plus prĂ©cisĂ©ment celui du nouveau-nĂ©. Ă ce sujet, Didier Dumas (1999) explique que « le bĂ©bĂ© nous attendrit et nous touche, car il rĂ©actualise lâĂ©poque oĂč nous Ă©tions aussi fragiles et dĂ©munis que lui, et nous le comprenons en retrouvant lâenfant que nous avons Ă©tĂ© ». Ainsi, câest grĂące Ă cette identification prĂ©coce que le pĂšre et le bĂ©bĂ© pourront se comprendre et communiquer. 2.3. LE PERE ET LE NOUVEAU-NE 2.3.1. La rĂ©partition des tĂąches domestiques et parentales Ces modifications importantes de la famille ont indĂ©niablement eu des rĂ©percussions sur la rĂ©partition entre conjoints des tĂąches domestiques. Les Ă©tudes Ă ce sujet semblent 44
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Psychologie interculturelle et PsychothĂ©rapie - montrer quâaujourdâhui lâĂ©volution nâest pas aussi consĂ©quente que les efforts rĂ©alisĂ©s pour tendre vers la paritĂ© pourraient le laisser penser. « Au dĂ©but du XIXe siĂšcle encore, les tĂąches du pĂšre et de la mĂšre Ă©taient nettement dĂ©finies (Kelen, 1986) ». Dans ce contexte, lâĂ©ducation des enfants Ă©tait trĂšs diffĂ©renciĂ©e en fonction du sexe de lâenfant. En revanche, aujourdâhui, lâincidence de la variable sexe (des parents et des enfants) est moins accentuĂ©e quâĂ lâĂ©poque, oĂč les rĂŽles parentaux Ă©taient bien plus diffĂ©renciĂ©s (Le Camus, 2000). Cette inĂ©galitĂ© dans la rĂ©partition des tĂąches se traduit principalement par un temps passĂ© aux activitĂ©s domestiques encore nettement plus important pour les femmes que pour les hommes. Une Ă©tude de lâINSEE, citĂ©e par Edwige Antier (2001) rapporte que « 80% des tĂąches domestiques sont assumĂ©es par des femmes ». RapportĂ©e en heures, cette rĂ©partition du travail domestique correspondrait en 2001 Ă 2 h 21 pour les hommes et 4 h 20 pour les femmes, alors quâen 1986 ces valeurs Ă©taient de 2 h 11 pour les hommes, et 4 h 40 pour les femmes. DâoĂč lâon peut dâores et dĂ©jĂ dĂ©duire quâaujourdâhui les femmes effectuent 80% du travail domestique en seulement 65% du temps total allouĂ© par le couple Ă ces tĂąches. Ces rĂ©sultats ne sont cohĂ©rents que si lâon considĂšre que les femmes travaillent sensiblement plus vite que les hommes. Dâautre part, lâactivitĂ© professionnelle des femmes augmentant encore, elles sont de plus en plus confrontĂ©es Ă ce que lâon appelle la « double journĂ©e » qui consiste Ă un temps de travail professionnel suivi dâun temps de travail domestique, alors que lâhomme, lui, ne cumule pas ces deux temps et ne se consacre activement quâĂ son activitĂ© professionnelle. AprĂšs la naissance et la fin du congĂ© de maternitĂ©, ce sont beaucoup plus souvent les femmes qui rĂ©duisent leur temps de travail, recherchant des temps partiels, ou sâarrĂȘtant tout simplement pour se consacrer aux enfants et Ă la maison. Selon un rapport du CNRS citĂ© par Edwige Antier (2001), lâhomme consacrerait 12 h 41 par semaine Ă ses enfants, contre 25 h 37 pour la femme, soit un peu plus de double. Il existe Ă©galement un dĂ©calage qualitatif entre les pĂšres et les mĂšres en ce qui concerne le type de tĂąches assumĂ©es : 45
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Psychologie interculturelle et PsychothĂ©rapie - « Les activitĂ©s qui sont socialement valorisĂ©es (certains soins, les jeux avec lâenfant) deviennent progressivement lâapanage des pĂšres, sous prĂ©texte dâĂ©galitĂ©, alors que les activitĂ©s socialement dĂ©valorisĂ©es (les activitĂ©s de services indispensables, tels les repas, le nettoyage) restent le devoir des mĂšres (Modak et Palazzo, 2002). » Les pĂšres semblent avoir davantage le choix des tĂąches quâils accomplissent, celles quâils ne rĂ©alisent pas, par prĂ©fĂ©rence ou bien par manque de temps, Ă©tant prises en charge par la mĂšre. Jacqueline Kelen (1986) dĂ©nonce fermement cette attitude des pĂšres pour qui, dâaprĂšs elle, « le bĂ©bĂ© serait un nouveau jouet, ou un gadget » et qui ne sâen occupe que quand cela lui « fait plaisir ». Au contraire, Edwige Antier (2001) propose le partage des tĂąches suivant : « pendant les premiers mois du bĂ©bĂ©, le pĂšre dĂ©gage la mĂšre du travail domestique pour lui permettre de se concentrer sur les besoins du bĂ©bĂ© » puis il « lui consacre des moments libĂ©rant la mĂšre des demandes permanentes de lâenfant ». Pour Ă©tayer ses propos, elle cite un sondage CSA paru dans un numĂ©ro du magazine Famili en 2000 qui a estimĂ© que 92% des pĂšres interrogĂ©s changeaient les couches. Enfin, Donald Winnicott (1979) explique ce dĂ©sĂ©quilibre par un « sens naturel des responsabilitĂ©s » chez les mĂšres, une implication « particuliĂšre » Ă lâĂ©gard de lâenfant. Il arrive d'ailleurs parfois que le pĂšre soit « incapable de tirer du plaisir du rĂŽle quâil doit jouer et incapable de partager avec la mĂšre la grande responsabilitĂ© quâun bĂ©bĂ© reprĂ©sente toujours pour quelquâun ». De fait, il sâexclut alors rapidement de la dyade mĂšre-enfant. 2.3.2. Les compĂ©tences paternelles La naissance dâun enfant, et en particulier celle du premier, est la source de nombreux conflits inconscients pour le pĂšre (v. chapitre 2.2.2. Une Ă©tape dans la paternitĂ©, p. 42). Elle est Ă©galement Ă lâorigine de nombreuses angoisses qui ont le plus souvent lâenfant comme objet, le pĂšre ne se sentant pas toujours Ă la hauteur de la tĂąche qui lâattend. Donald Winnicott (1979) doute « quâune mĂšre croie rĂ©ellement et tout Ă fait Ă son enfant dĂšs le dĂ©but » et « cela vaut aussi pour le pĂšre car il souffre autant que la mĂšre de douter de sa capacitĂ© Ă crĂ©er un enfant sain et normal ». Il remarque aussi 46