1. 06/07/2009
Crise et recrutement : « Il y a un risque de sacrifier
une à deux générations de jeunes diplômés »
Didier Rousseau, président du cabinet Weave
La crise touche essentiellement les jeunes diplômés,
selon Didier Rousseau, président du cabinet Weave. Il
répond aux questions de l'AEF sur la situation de
l'emploi à la lueur des chiffres de l'Apec qui annonce
une baisse de plus de 50 % des recrutements en
2009. Créé en 2001, Weave est un cabinet de conseil
en stratégie composé de 150 consultants.
AEF : Le recrutement des jeunes diplômés va chuter
de plus de 50 % en 2009, selon l'Apec. Quelles en
sont les raisons ?
Didier Rousseau : La crise est la principale raison,
d'autant qu'elle devrait durer encore au moins
jusqu'au premier semestre 2010. L'emploi des jeunes
reste très souvent une des variables d'ajustement pour les entreprises. Nombre
entreprises ne recrutent plus que des collaborateurs âgés de 30 à 45 ans
efficaces, censés créer de la valeur rapidement afin de répondre au mieux à
leur stratégie de sortie de crise. Elles oublient souvent que dans l'innovation
des services il est impératif de mixer les générations, sous peine de rendre
obsolète son activité rapidement.
AEF : Selon, l'idée couramment admise de faire partir les seniors au profit des
jeunes n'est pas une bonne réponse ?
Didier Rousseau : Le recrutement des jeunes et le licenciement des seniors ne
doivent pas être liés. Plus on licencie des seniors, plus on peut recruter des
jeunes : voilà une idée reçue totalement fausse que notre approche
malthusienne du sujet a renforcé. C'est une erreur de raisonnement. D'un
point de vue macro-économique, multiplier le nombre de seniors en pré-
retraite accroît le coût du travail par l'augmentation des charges inhérente à
cette politique sociale et par conséquence directe freine le recrutement des
jeunes. Nous observons une véritable inter-dépendance positive entre les
deux sujets.
AEF : C'est donc l'absence de vision à long terme dans les entreprises qui
poserait problème ?
2. Didier Rousseau : Reconnaissons que d'un point de vue stratégique, il est très
compliqué de mixer court terme et long terme dans une activité
économique difficile et incertaine. Toutefois, il est nécessaire de maintenir
l'investissement dans le capital humain pour préparer la reprise en recrutant
des jeunes diplômés qui seront opérationnels en sortie de crise. Dans ce
contexte, une des variables d'ajustement pourrait être les salaires qui vont
sans doute évoluer à la baisse.
AEF : Selon vous, le comportement des entreprises pourrait avoir des effets
graves sur des générations de jeunes diplômés ?
Didier Rousseau : Il y a un vrai risque de sacrifier une ou deux générations de
diplômés. Si l'on en croit l'Apec, la véritable reprise des recrutements des
jeunes diplômés ne se fera que d'ici deux à trois ans. Les entreprises
recruteront donc des jeunes sortis dans l'année. Que faire des générations
2009 et 2010, qui auront été chômage ou qui se seront engagées dans des
voies non désirées ? On sait que le premier job est essentiel dans la
construction d'une carrière.
AEF : Les entreprises dépensent beaucoup d'énergie dans leur
communication marque employeur. Est-ce encore essentiel ?
Didier Rousseau : La présence des entreprises dans les écoles reste
importante malgré les recrutements fortement réduits. Il faudra être prêt à
faire face à la reprise.