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L’enlèvement des épaves
L’ENLEVEMENT DES EPAVES
Sous la direction de Maître C. SCAPEL et du Professeur P. BONASSIES
Adeline JUDE 2007/2008
Les premières images du pétrolier Tricolor en perdition, le 12 décembre 1999 (Sipa)
Centre de Droit Maritime et des transports
Faculté de Droit et de Science Politique d’Aix-Marseille
Directeur : C.SCAPEL
3, avenue Robert Schuman 13628 Aix-en-Provence
1
L’enlèvement des épaves
"Le navire est une personne...
le navire naît créé par l'homme...
sa naissance lui ouvre la vie... le navire a un nom... le navire a un
rang social, et la variété des classes est presque aussi nombreuse que
dans la société des hommes.
il est vaisseau de guerre ou navire de commerce, militaire ou civil ; il
est plus ou moins fonctionnaire (navires postaux) ;
il est marchand ou pêcheur, ou même oisif (yatch)...
parfois, plus modestement, il se loue à d'autres et devient serviteur...
Enfin le navire meurt, il est englouti dans les flots
ou réduit à l'état d'épave et déclaré innavigable."
[Doyen Ripert]
2
L’enlèvement des épaves
SOMMAIRE
SOMMAIRE........................................................................................................ 3
ACRONYMES & ABREVIATIONS................................................................ 4
BIBLIOGRAPHIE.............................................................................................. 6
MANUELS.............................................................................................................................6
REVUES ................................................................................................................................6
DOCUMENTS PROFESSIONNELS..................................................................................7
SITES INTERNET ...............................................................................................................7
Introduction......................................................................................................... 8
Première partie : Instruments juridiques permettant à un Etat côtier tel
que la France d’obtenir l’enlèvement d’une épave maritime....................... 17
Chapitre préliminaire : variation des pouvoirs d’intervention des Etats côtiers sur
une épave en fonction de la zone maritime dans laquelle elle se situe ...........................19
Chapitre 1 : Dans les eaux intérieures et territoriales de la France :
application sa législation nationale, la loi de 1961 relative à la police des épaves.........24
Chapitre 2 : L’apport de la convention de Nairobi, signée en 2007,
aux pouvoirs de l’Etat côtier sur les ZEE ou dans la limite des 200 miles marins des
lignes de base .......................................................................................................................45
Deuxième partie : L’enlèvement des épaves et le problème de la
limitation de responsabilité.............................................................................. 56
Chapitre 1 : Hostilité du droit français au jeu de la limitation de responsabilité
pour les épaves.....................................................................................................................57
Chapitre 2 : Confrontation du droit maritime français aux exigences de la
convention de Londres de 1976 favorable à la limitation................................................64
Conclusion.......................................................................................................... 72
ANNEXES.......................................................................................................... 75
TABLE DES MATIERES.............................................................................. 137
3
L’enlèvement des épaves
ACRONYMES & ABREVIATIONS
AAM Administrateur des Affaires Maritimes
C.E. Conseil d’Etat
CDMO Centre de Droit Maritime et Océanique
CE Communauté Européenne
CEDRE CEntre de Documentation, de Recherches et d’Expérimentation
CITEPA Centre Interprofessionnel Technique d’Etude de la Pollution Atmosphérique
CNUDM
Convention des Nations-Unis sur le Droit de la Mer, également appelée Convention de
Montego Bay (1982)
CO² Dioxyde de carbone
COMAR Commandants Maritimes
CROSS Centres Régionaux opérationnels de Surveillance et de Sauvetage
DDAM Direction Départementale des Affaires Maritimes
DMF Droit Maritime Français
Fasc Fascicule
HNS Hazardous Noxious Substances (substances nocives potentiellement dangereuses)
IFO Intermediate Fuel Oil (produit de viscosité moyenne
IFREMER Institut Français de la Mer
J.Cl.
COM Jurisclasseur de droit commercial
LLMC
Limitation of Liability for Maritime Claims, convention de Londres sur la limitation de
responsabilité en matière de créances maritimes, signée le 19 novembre 1976
MIES Mission Interministérielle de l’Effet de serre
MteqCO² Millions de tonnes équivalent CO²
4
L’enlèvement des épaves
OMI /
IMO Organisation Maritime Internationale / International Maritime Organization
ONU Organisation des Nations-Unis
RGDIP Revue Général de Droit International Public
SFDI Société Française de Droit International
SHOM Service Hydrographique et Océanographique de la Marine
UNESCO
United Nations Educational Scientific and Cultural Organization, Organisation des
Nations-Unis pour l’éducation, la science et la culture
ZEE Zone Economique Exclusive
ZPE Zone de Protection Ecologique
5
L’enlèvement des épaves
BIBLIOGRAPHIE
MANUELS
• BALMOND Louis, Société Française de Droit International, Colloque de Toulon,
le navire en droit international – l’épave du navire, PEDONE, 1992
• BEURIER Jean-Pierre, droits maritimes, DALLOZ, 2006 | 2007
• BONASSIES Pierre & SCAPEL Christian, Traité de droit maritime, LGDJ, 2006
• DAILLIER Patrick & PELLET Alain, droit international public, LGDI, 7° éd.
• GUILLIEN.R & VINCENT.J, lexique des termes juridiques, DALLOZ, 13°éd,
2001
• LUCCHINI Laurent & VOEKEL Michel, droit de la mer, tome 1, PEDONE, 1990
• MARTRAY Joseph, A qui appartient la mer ? EMOM (Edition Maritime d’Outre
Mer), 1977
• REMOND-GOUILLOUD Martine, droit maritime, PEDONE, 1988
• RIPERT, traité de droit maritime, t.III
• RODIERE René, traité général de droit maritime, tome évènement de mer,
DALLOZ, 1972
• RODIERE René & DU PONTAVICE Emmanuel, droit maritime, DALLOZ, 10°
éd, 1986
• ROUSSEAU.C, chronique des faits internationaux, RGDIP, 1972
• VIALARD.C, droit maritime, collection droit fondamental, PUF, 1997
REVUES
• Droit Maritime Français, le mensuel exclusivement dédié au droit des activités
maritimes.
• Bulletin d’étude de la marine (Centre d’Enseignement Supérieur de la Marine).
• Cols bleus, l’hebdomadaire de la marine et la mer.
6
L’enlèvement des épaves
• Le marin, l’hebdomadaire de l’économie maritime.
• Voiles et Voiliers, hors série fortunes de mer, 50 récits vécus, août 2002.
DOCUMENTS PROFESSIONNELS
• de la Direction Départementale des Affaires Maritime du Var : EPAVES
MARITIMES, juin 2005, Support pédagogique destiné aux élèves et stagiaires du
GE-CFDAM (Groupe Ecole – Centre de Formation et de Documentation des
Affaire Maritimes).
• du bureau des évènements de mer de la direction centrale du commissariat de la
marine : cartes maritimes.
SITES INTERNET
• www.titanic-online.com
Photographie de l’épave du Titanic
• http://pageperso-orange.fr/titanic
Citation d’Eva Hart, une survivante du naufrage du Titanic
• www.cedre.fr
Informations sur le naufrage du Tricolor et de l’Erika.
• www.ladepeche.fr 17 décembre 2002
• www.bretagne-environnement.org
Photographies sur les conséquences environnementales de certaines épaves.
• www.mer.developpement-durable.gouv.fr
Information sur l’organisation des Affaires Maritimes
• www.wikipedia.fr
Carte et superficie des Zone Economiques Exclusives de la France
• www.lamyreflex.fr
Accès au Droit Maritime Français, et au Lamy.
7
L’enlèvement des épaves
Introduction
Les transports structurent l’espace, leur présence relie et désenclave, leur absence
isole et pénalise1
. L’Homme se forge continuellement de nouveaux besoins, celui de se
déplacer pour raisons professionnelles ou pour ses loisirs, celui d’obtenir un produit quel
que soit son lieu de fabrication ou de récolte, et celui de consommer à toute époque des
denrées saisonnières. Un transport s’impose dès qu’il y a une activité commerciale, c’est le
vecteur nécessaire à la rencontre de l’offre et de la demande. C’est encore plus vrai
aujourd’hui à l’heure de la mondialisation et de la globalisation des échanges. Mais cette
constatation est intemporelle, il y a une présence constante des transports à toutes les
époques et dans tous les espaces, déjà dans l’antiquité existaient des transports maritimes.
L’activité maritime a été l’instrument de la puissance de nombreux Etats, Phénicie,
Portugal, Espagne, Royaume-Uni… Même dans les contextes les plus difficiles les
transports restent fondamentaux, comme en témoignent les convois maritimes durant le
dernier conflit mondial ou le débarquement des alliés en Normandie en 1944.
Le transport maritime est le vecteur le plus important pour le transport de
marchandises. En 2005 plus de 6 milliards de tonnes ont emprunté la mer, assurant 90% du
trafic mondial. Le transport de personnes par voie maritime, même ayant beaucoup perdu
du fait de l’essor de l’aviation commerciale, subsiste de manière significative dans deux
créneaux importants : les traversées courtes et les croisières, nous pouvons également citer
les voyages d’exploration scientifique et les courses sportives même s’ils ne relèvent pas à
proprement parler du transport. Fait important, le transport maritime est, et restera
probablement encore longtemps le moins polluant par tonne de marchandises transportée.
Selon l’Organisation des Nations-Unis2
(ONU), la flotte mondiale marchande a émis en
2007 1,12 milliard de tonnes de CO², soit 4,5% des émissions globales (hors flottes
militaire, de pêche et de plaisance), soit à titre de comparaison en 2006 l’équivalent des
1
Chercher bouquin d’environ 10 ans sur les transp. Photocopie quelque part…
2
Rapport ONU, publié mi-février 2008 au Royaume-Uni, faisant état d’un calcul affiné, tenant compte de la
quantité et de la qualité de carburants vendus aux cargos dans le monde, du type de moteur et du temps passé
à naviguer.
8
L’enlèvement des épaves
émissions totales de deux pays comme la France3
. C’est un argument capital pour son
développement.
La mer n’apparaît donc pas comme une frontière entre les Hommes, mais comme
un trait d’union entre les nations. La terre, planète bleue, est recouverte à 70% d’eau.
Chercher à utiliser cet espace c’est se donner une chance de se développer
économiquement, l’ignorer c’est se condamner. Les transports maritimes vont de plus en
plus se développer, en témoigne le gigantisme des nouveaux navires.
Tout au long de l’histoire, la mer n’a cessé de fasciner l’Homme, habitant de la terre ferme.
Elle est un mystère qui se conjugue souvent avec souffrances, dangers et catastrophes.
L’expédition maritime a toujours été accompagnée de mille périls. « Elément qui donne la
vie et dispense la mort… l’océan a la nature sans scrupule d’un féroce autocrate4
dépravé
par une perpétuelle adulation5
». La mer, milieu hostile, est synonyme de danger, le risque
est le compagnon de l’homme de mer. L’épave est le symbole le plus évident de ce
risque, sanctionné par la perte du navire, parfois la mort du marin. L’épave du
navire est une disqualification du navire et une victoire de la mer sur l’homme6
.
L’Organisation des Nations-Unis pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO)
estime à plus de 3 millions7
le nombre d’épaves englouties avec leur cargaison à travers le
monde. Le Service Hydrographique et Océanographique de la Marine (SHOM) a recensé
pas moins de 4 125 épaves (bateaux, avions…) et 1 312 obstructions diverses (amas de
chaînes, blocs de bétons…) le long des côtes françaises. La situation ne fait qu’empirer.
Chaque jour de nouvelles épaves sont découvertes. Les conteneurs tombés à la mer sont
également un danger majeur pour la navigation. Selon les experts, 10 000 « boites »
tombent chaque année des ponts des navires, à proximité des routes maritimes les plus
fréquentées.
Avant de poursuivre, il convient de se demander ce qu’est une épave et ce qui fait
qu’elle soit considérée comme maritime. Est-ce un bien abandonné, ou un bien perdu ?
Est-ce que seules les épaves perdues en mer constituent des épaves maritimes ? (Section 1
de l’introduction)
3
541 MteqCO² ont été émises au total en France en 2006, selon l’inventaire CITEPA fait pour MIES.
4
Souverain dont la puissance n’est soumise à aucun contrôle.
5
J.Conrad cité in L.Lucchini et M. Voelckel, droit de la mer, T.1, Paris, Pédone, 1990, p. IV.
6
L.Balmond, le navire en droit international, Paris, Pédone, 1992, p 69.
7
Lamy environnement, l’eau. Partie 5, titre 4, étude 543 gestion des épaves.
9
L’enlèvement des épaves
Il convient également de s’attarder sur la perception que l’on a des épaves maritimes. Sont-
elles une source d’enrichissement ou une source de danger ? Nous verrons que le droit a
évolué dans ce domaine. De la protection de l’intérêt particulier des propriétaires d’épave,
le centre de gravité du droit a basculé en faveur de la protection de l’intérêt général du fait
de la dangerosité des épaves (Section 2 de l’introduction).
Section 1 - Qu’est ce qu’une épave maritime et comment la distinguer des autres
épaves ?
Les épaves sont des biens perdus. Elles ne doivent pas être confondues avec les
RES DERELICTAE qui sont des choses abandonnées, et non pas seulement égarées. Ici le
propriétaire renonce volontairement à son droit de propriété, animé de l’intention de laisser
le premier venu se les approprier. Elles ne sont pas plus des RES NULLIUS, c'est-à-dire
des biens sans maîtres. Dans le cas d’une épave, le propriétaire a perdu la possession
de son bien, mais en conserve la propriété8
.
Il existe des épaves terrestres, aériennes, spatiales, fluviales et maritimes. C’est
cette dernière catégorie qui nous intéresse. La distinction est fondée sur le lieu de
découverte. Elle peut sembler évidente, mais il faut se méfier des évidences, même si la
différence entre épaves terrestres et épaves maritimes est claire - les épaves terrestres étant
celles trouvées sur la terre ferme - la frontière entre épaves fluviales et épaves maritimes
est plus floue et nécessite un approfondissement.
Les épaves se distinguent donc entre elles selon le lieu de leur découverte. Ainsi,
toute épave qui n’est ni maritime, ni fluviale, est terrestre. C’est pour cela que cette
catégorie comprend les épaves aériennes et spatiales trouvées sur terre. Celles tombées
dans une rivière suivront le régime des épaves fluviales. Et celles tombées en mer suivront
le régime des épaves maritimes. Le raisonnement est logique, une épave n’est jamais
retrouvée en l’air !
8
JurisClasseur Civil Code, fascicule unique : modes divers d’acquérir la propriété, biens sans maître. Cote
02,2004.
10
L’enlèvement des épaves
Si la distinction entre épaves maritimes et épaves terrestres est relativement
simple, en revanche la différence entre épaves maritimes et épaves fluviales est plus
difficile. Elles se distinguent par la nature physique de l’environnement dans lequel elles
sont trouvées. Il faut donc pour les différencier, distinguer la mer du fleuve. Cette
distinction résulte de textes réglementaires (avis comité consultatif de la Marine 31 juin
1908, Instr. Administrateur de l’Etablissement des Invalides 22 août 1908). Sont des
épaves fluviales les objets trouvés sans maître, présents dans le domaine public fluvial.
Celui-ci comprend les cours d’eau navigables ou flottables, les rivières canalisées, les
canaux de navigation, étangs ou réservoirs d’alimentation et autres dépendances, les ports
publics situés sur des voies navigables et leur dépendance, les ouvrages publics construits
dans le lit ou sur les bords des voies navigables ou flottables. Si les épaves d’origine
maritime découvertes dans les fleuves sont ainsi des épaves fluviales, il faut faire une
exception pour les épaves de navire. La force d’attraction du droit maritime est telle
qu’elle régit les épaves de navires trouvées hors de la mer, sur les fleuves ou canaux.
Ainsi, le navire même échappé du milieu maritime et devenu épave, reste régi par le
droit maritime. Nous verrons la définition exacte d’une épave maritime dans la première
partie de notre étude.
Section 2 - Changement de paradigme9
autour de l’épave maritime : de la protection
des intérêts particuliers à la protection de l’intérêt général
La majorité des épaves maritimes a une origine accidentelle liée le plus souvent à
un défaut d’entretien de la part des propriétaires de navires ou à de mauvaises conditions
météorologiques (ex. le vent violent entraînant le naufrage du Tricolor). Parfois, c’est en
raison du lieu géographique dans lequel évoluent les navires (ex. le Titanic naviguant au
milieu d’Icebergs). Les épaves peuvent être créées volontairement pour en faire
notamment des frayères10
à poissons, mais cela reste anecdotique. En tout état de cause, il
semble que l’époque des naufrageurs soit révolue. Ils guidaient les navires sur des récifs
ou des hauts fonds afin de les piller11
. Cette funeste pratique a conduit le législateur à
9
Paradigme : désigne une modélisation qualitative des choses
10
Endroit où les poissons viennent frayer, c'est-à-dire pondre ou mettre la laitance
11
M.REMOND-GOUILLOUD, droit maritime, Pédone 1988, no 47, p 39.
11
L’enlèvement des épaves
définir très tôt et précisément les conditions d’appropriation des épaves maritimes
(conditions fixées par le décret n°1547 du 26 décembre 1961 pris en application de la loi
n°1262 du 24 novembre 1961).
Quand une épave est découverte, des intérêts opposés sont en jeu. D’un côté
l’intérêt particulier de chacune des personnes se déclarant avoir des droits sur elle, il
s’agit ici du quatuor : inventeur, propriétaire, sauveteur et administration. Le droit, pendant
longtemps s’est essentiellement focalisé sur ce problème de redistribution des richesses
des épaves (A). Et de l’autre côté l’intérêt général pour lequel l’épave est plus une source
de danger qu’une source d’enrichissement (B). Le droit a évolué en prenant en compte
cette nouvelle caractéristique. On observe dans l’évolution du droit des épaves un véritable
changement de paradigme. Le centre de gravité de l’intérêt pour les épaves s’est
déplacé du particulier au général (C).
A) L’épave : un objet de convoitise car source d’enrichissement
Pendant longtemps le droit des épaves est resté concentré sur le problème de leur
appropriation ou sur les intérêts patrimoniaux en conflit12
. La raison principale est que les
épaves apparaissaient aux yeux des populations littorales comme « un don de Dieu13
»
qu’il fallait partager en respectant tous les acteurs intéressés par elles : le propriétaire,
l’inventeur, le sauveteur, et l’administration. Il est vrai qu’à l’époque certains navires
transportaient d’immenses richesses, et coulaient chargés d’or et de pierres précieuses.
Aujourd'hui, il y a encore de temps en temps de formidables découvertes. Nous pouvons
citer l’exemple de l’épave du navire Central America14
qui contenait une cargaison de plus
d’une tonne d’or. Cette découverte a conduit à un terrible combat judiciaire opposant
l’inventeur, les universitaires à l’origine du projet de recherche, des assureurs, et même…
un couvent de moines bénédictins revendiquant des droits sur cette manne céleste.
Malheureusement les découvertes sensationnelles sont de plus en plus rares, et bien
souvent les épaves apparaissent plus comme une source de danger, de dette ou de
responsabilité pour leur propriétaire, que comme une source d’enrichissement pécuniaire.
Néanmoins il reste que l’enrichissement peut être recherché ailleurs, sans doute la
12
M.NDENDE, les épaves et la limitation de responsabilité, DMF – 2002, p 1049
13
M.REMOND-GOUILLOUD, droit maritime, Pédone 1988, no 47, p 39.
14
Cette épave fut découverte au large de la Caroline du Sud.
12
L’enlèvement des épaves
richesse des épaves peut parfois résider dans leur caractère
archéologique, historique ou culturel. D’ailleurs, la très célèbre
épave du Titanic15
, ainsi que la découverte de la gourmette de
Saint-Exupéry ont suscité une vive passion à travers le monde.
Une survivante du Titanic, Eva Hart, a déclaré en 1994 :
« toute cette immense tragédie me la fait considérer comme
une sorte de tombe différente, le navire est son propre mémorial »16
. Le Titanic quitta le
port de Southampton et fonça à plus de vingt nœuds vers sa tragique destinée. Plus de
1 500 personnes trouvèrent la mort17
dans cette catastrophe. Cela nous rappelle que les
épaves ont une histoire liée à celle des hommes et qu’elles méritent que l’on s’y intéresse.
Aujourd'hui les découvertes d’épaves pleines de richesses restent sporadiques, et
même s’il faut les traiter avec intérêt, elles sont trop souvent dangereuses et nécessitent
d’être retirées.
B) L’épave : un objet dérangeant car source de danger
Comme nous l’avons indiqué, les épaves sont de plus en plus une source de danger.
Leur nombre toujours croissant est sans aucun doute responsable de la méfiance que l’on a
aujourd'hui envers celles que l’on nomme parfois si tragiquement « tristes ordures18
».
A titre de preuve, le fichier « épaves » du SHOM indiquait en 1992 la présence en France
de 4039 épaves. A la même époque, l’Hydrographic Department recensait 14000 épaves
dans les eaux des îles Britanniques19
. Sur les 4039 épaves recensées par le SHOM, 1255
ont un brassage inférieur à 30 mètres, or le tirant d’eau maximal des navires marchands
peut être aujourd'hui de plus de 30 mètres. On comprend mieux l’inquiétude justifiée que
suscite les épaves. La Manche qui reçoit le trafic le plus dense au monde compterait, à elle
seule, pas mois de 3500 épaves. À cela nous pouvons ajouter le problème des navires
abandonnés qui constituent un phénomène inquiétant. Ces chiffres doivent être analysés de
manière à prendre en considération l’intensification des transports par voie maritime. Ce
phénomène risque à moyen terme d’augmenter le nombre d’épaves. En effet, plus il y a de
navires en mer, plus il y a de risques de voir le nombre d’épaves augmenter. Parallèlement
15
Source photographique du Titanic : copyright RMS Titanic, Inc. http://www.titanic-online.com
16
http://pagesperso-orange.fr/titanic/page10.htm
17
VOILES ET VOILIERS, hors-série fortunes de mer 50 récits vécus, août 2002.
18
Expression empruntée à M.REMOND-GOUILLOUD
19
L.BALMOND, l’épave du navire, colloque SFDI sur le « navire en droit international », Toulon 1991, Ed.
Pédone 1992. p 69
13
L’enlèvement des épaves
on constate une tendance à l’accroissement de la conteneurisation. Les conteneurs perdus
en mer sont des épaves et constituent un danger supplémentaire pour la navigation
maritime. Un conteneur qui tombe à l’eau ne coule pas systématiquement à pic, il peut
rester entre deux eaux avant de couler, parfois il ne coule pas du tout.
Recensement non exhaustif des dangers que font courir les épaves :
a) un risque pour les tiers : les autres navires ou usagers de la mer et les
sauveteurs
Ces épaves ou bâtiments en détresse, devenus obstacles imprévisibles, sont d’abord
un risque pour la sécurité de la navigation en augmentant le nombre de collisions ou
en gênant considérablement les voies de circulation. La crainte est le sur-accident.
L’épave du Pacanas coulé en 1971 dans le Pas-de-Calais a provoqué le naufrage de 3
navires et la disparition de 37 hommes 20
. Une autre illustration de ces dangers en
ANNEXE 1 : L’aventure du Tricolor21
devenu épave dans l’un des détroits les plus
fréquentés au monde.
Elles sont également une menace pour la sécurité des activités maritimes, en
particulier pour les activités de pêche. Les épaves deviennent des pièges redoutables pour
les chaluts.
Quand elles sont constituées de produits HNS22
(Hazardous Noxious Substances)
ou si elles sont des engins de guerre (mines, obus), les dangers d’explosion et d’incendie
sont très importants.
Enfin, une épave est aussi un danger pour le sauveteur qui mû par l’appât du gain
ou l’altruisme des gens de mer se met parfois en danger pour la sauver.
b) un risque pour l’environnement
20
N.MOSTERT, les supertankers, Paris, 1975, p 86, et C.ROUSSEAU, chronique des faits internationaux,
RGDIP, 1972, p 530.
21
CEDRE - Centre de Documentation, de Recherche et d’Expérimentations sur les pollutions accidentelles
des Eaux - http://www.cedre.fr
22
substances nocives et potentiellement dangereuses (HNS est le signe anglais)
14
L’enlèvement des épaves
Les épaves sont un danger pour l’environnement. Elles présentent un risque de
pollution. On se souvient de l’Olympic Bravery, échoué en 1976 dans les eaux françaises,
qui s’étant brisé avait perdu 1200 tonnes de brut23
.
La terrible marée noire provoquée par le naufrage du pétrolier Erika le 11 décembre 1999,
restera également présente dans toutes les mémoires. En ANNEXE 2 une présentation de
cette catastrophe.
C) De la sauvegarde des intérêts particuliers à celle de l’intérêt général
Le droit des épaves est une bonne illustration de l’imprégnation historique du droit
maritime24
. En effet ce régime a survécu aux bouleversements juridiques de la révolution
française. Il a fallu attendre la loi du 24 novembre 1961 relative à la police des épaves
maritimes, et son décret d’application du 24 décembre 1961 relatif au régime des épaves
maritimes pour voir évoluer les règles de l’ordonnance de la marine de 1681. Comme
nous l’avons vu précédemment le droit s’inquiétait surtout de la protection des
propriétaires contre les appétits féroces des riverains. Mais subitement le droit adopte une
nouvelle posture après trois siècles de stabilité. On s’est aperçu que le navire « a cessé
d’être une manne céleste pour les riverains et, est de plus en plus fréquemment, devenu un
véritable cadeau empoisonné25
». L’intérêt privé passe au second plan, et l’intérêt de la
collectivité devient prioritaire. On passe de la protection du propriétaire à celle des
riverains contre les dangers de l’épave et celle de la collectivité contre les carences du
propriétaire.
Ainsi la préoccupation majeure des juristes et des autorités maritimes n’est plus
l’attribution de la propriété de l’épave, mais la neutralisation des dangers qu’elle
peut présenter. Bien entendu les deux problèmes peuvent se présenter dans une même
espèce26
. Mais on peut combiner aisément les solutions destinées à rendre inoffensive
l’épave, et régler le sort de sa valeur. Le droit des épaves a désormais pour objectif : la
protection des intérêts de tous.
23
http://www.bretagne-environnement.org
24
A.VIALARD, DROIT MARITIME, collection droit fondamental, Presse Universitaire de France, édition
1997, p244.
25
Expression emprunté à VIALARD
26
v. J.-Cl. COM., du Pontavice, fasc. 1140, n° 48.
15
L’enlèvement des épaves
Les épaves maritimes constituent donc un danger qu’il faut neutraliser. Cette
neutralisation passe notamment par l’enlèvement de ces épaves devenues des obstacles
imprévisibles pour la navigation, et des risques pour l’environnement. C’est aux Etats
côtiers, en tant qu’autorités protectrices de l’intérêt général, de tout mettre en œuvre pour
supprimer ces dangers. La France étant un Etat côtier, est concernée par cette
problématique. Elle sera donc au centre de notre analyse, nous examinerons plus
particulièrement sa situation.
Dans ce cadre, il convient d’étudier les instruments juridiques mis à la disposition de la
France pour obtenir l’enlèvement d’une épave maritime (première partie). Cet
enlèvement entraine souvent des frais considérables. Nous verrons que ces frais sont à la
charge du propriétaire, mais parfois l’Etat doit financer lui même l’enlèvement. La
question qui se pose alors est de savoir si les responsables peuvent lui opposer la
constitution d’un fonds de limitation (deuxième partie).
16
L’enlèvement des épaves
PREMIÈRE PARTIE :
INSTRUMENTS JURIDIQUES PERMETTANT À
UN ETAT CÔTIER TEL QUE LA FRANCE
D’OBTENIR L’ENLÈVEMENT D’UNE ÉPAVE
MARITIME
Rechercher les fondements juridiques permettant à la France d’intervenir sur une
épave maritime, c’est s’enfoncer dans le problème de l’appropriation des espaces par les
Etats. Ils sont confrontés à deux ambitions antagonistes. D’un côté, ils veulent des espaces
étendus de souveraineté, et de l’autre, ne pas souffrir de la souveraineté des autres.
L’adage « la liberté des uns, s’arrête là où commence celle des autres » peut être
transformé en la souveraineté des uns s’arrête là où commence celle des autres. C’est pour
cela que la mer, en tant qu’espace intéressant les Etats, se retrouve compartimentée, et les
possibilités d’action des Etats varient en fonction de la zone maritime dont il s’agit. Ainsi,
leur pouvoir d’intervention sur les épaves maritimes est différent selon l’espace maritime
dans lequel se trouve l’épave (chapitre préliminaire). De cette manière, la France, ayant
souveraineté sur sa mer territoriale, tout comme sur ses eaux intérieures, pourra appliquer
sa législation nationale, c'est-à-dire sa loi de police des épaves de 1961 (chapitre 1). Il est
plus difficile de déterminer ses pouvoirs sur les autres espaces maritimes, mais la
convention de Nairobi signée en 2007 est un instrument important pour l’enlèvement des
épaves situées dans les Zones Economiques Exclusives (ZEE) (chapitre 2). Le cas de
l’épave en haute mer ne sera pas évoqué ici car, en raison du régime juridique de cet
espace, les compétences de l’Etat en haute mer ne peuvent s’exercer que sur les navires
17
L’enlèvement des épaves
battant son pavillon. Nous nous bornerons à rappeler que la convention de Bruxelles de 29
novembre 1969 complétée par un protocole de 1973 reconnait aux Etats menacés de façon
grave et imminente un droit d’intervention en haute mer à l’égard des navires battant
pavillon tiers.
18
L’enlèvement des épaves
Chapitre préliminaire :
variation des pouvoirs d’intervention des Etats côtiers
sur une épave en fonction de la zone maritime
dans laquelle elle se situe
A l’heure actuelle il n’existe pas de statut international de l’épave maritime. Il faut
entendre par là qu’aucune convention internationale n’offre un panel de solutions pour
l’ensemble des épaves susceptibles d’être rencontrées en mer (Section 1). Ainsi, il n’existe
pas UNE épave maritime, mais des épaves maritimes. On ne peut raisonner de manière
abstraite face à une épave, il faut au contraire l’analyser concrètement, réfléchir au cas par
cas. L’épave va se situer dans une zone particulière, et présenter un risque particulier
(pour la navigation, ou pour l’environnement). L’épave apparait donc comme un « objet de
droit situé » dans une mer compartimentée (Section 2), et les instruments juridiques
permettant à un Etat côtier tel que la France d’obtenir l’enlèvement d’une épave varieront
en fonction de la zone maritime dans laquelle l’épave se situe.
Section 1 - l’absence de statut international de l’épave maritime
Le régime juridique des épaves maritimes traduit une lente érosion du droit de
propriété. Cette évolution est rythmée par les sinistres consécutifs aux épaves. L’intérêt
général devient la priorité, sans nier pour autant le propriétaire. Mais qu’il s’agisse de
supprimer les dangers que représente une épave, ou de la protéger, on assiste à une
19
L’enlèvement des épaves
intervention accrue de la puissance publique. Ces tendances ne sont pas propres au droit
français. C’est un mouvement législatif assez général, reposant sur une définition de
l’épave proche de celle admise en droit français. Cette convergence aurait pu conduire à
l’élaboration d’un statut international de l’épave du navire : il n’en a rien été27
. Le
droit international, comme nous le prouve la toute récente convention de Nairobi signée en
2007 se limite à des situations particulières, et ne règle pas l’ensemble des problèmes
générés par tous les types d’épaves maritimes et dans toutes les zones maritimes.
Cela ne veut pas dire que le droit international se désintéresse du problème.
L’épave du navire est évoquée ou mentionnée dans un certain nombre de conventions
internationales spécialisées.
Nous pouvons citer à titre d’exemple la convention sur la prévention de la pollution des
mers résultant de l’immersion des déchets, Londres, 29 décembre 1972 ; le Traité de paix
de Lausanne28
mettant fin aux hostilités entre la Turquie et les Alliés, du 24 juillet 1923. Il
peut y avoir également des accords mentionnant plus ou moins directement l’épave d’un
navire. Mais ces textes spécialisés n’offrent pas de cadre général à l’étude des épaves, ils
règlent pour la plupart des rapports de droit privé.
Si l’on observe les conventions générales portant sur le droit de la mer, celle de Genève de
1958 et celle de Montégo Bay de 1982, ou Conférence des Nations Unies sur le Droit de la
Mer (CNUDM), on constate que l’épave y est ignorée comme si la fortune de mer avait
voulu être conjurée. Néanmoins, la CNUDM n’est pas restée sans effet sur les épaves.
Elles prennent place dans des espaces maritimes strictement encadrés.
Section 2 - l’épave : un « objet de droit situé 29
» dans une mer
compartimentée par la CNUDM
Les caractéristiques des transports internationaux et des communications, les
besoins de recherches scientifiques, les nécessités militaires ont, de tout temps, conduit les
27
L.BALMOND dans le navire en droit international, ed. Pédone 1992, colloque de la société française pour
le droit international, p71
28
Ce traité demande aux Hautes parties contractantes de faire respecter et entretenir les cimetières, sépultures,
ossuaires… des soldats et marins tombés sur le champs de bataille, il concerne partiellement les épaves de
navire. Le champs de bataille pour un marin ne pouvant être logiquement que la mer.
29
Expression empruntée à L.BALMOND, le navire en droit international, ed. Pédone 1992, colloque de la
société française pour le droit international, p72.
20
L’enlèvement des épaves
Etats à revendiquer l’accès libre à des zones étendues de l’espace maritime. De ce fait,
certains espaces maritimes échappent à toute appropriation nationale et font l’objet d’une
règlementation avant tout internationale.
Ainsi, les navires circulant en mer, changent en permanence d’espace, quittant les
eaux territoriales de leur Etat, pour aller dans celles d’un autre, en passant par la haute mer.
L’évènement transformant le navire en épave peut survenir à tout moment et dans
n’importe quelle zone. La mer étant ainsi compartimentée, un Etat ne peut pas agir de la
même manière et en toutes circonstances face à une épave. En effet, l’épave est un
« objet de droit situé » et la réponse juridique d’un Etat dépend du régime applicable à
l’espace dans lequel se trouve l’épave30
. Cette réponse juridique s’inscrit dans la
problématique contemporaine de l’évolution des pouvoirs de l’Etat côtier en mer.
Présentation succincte des principaux31
espaces maritimes dans lesquels une épave
peut être retrouvée, et pouvoirs des Etats correspondants32
:
- les eaux intérieures (parfois appelées
mer nationale ou territoire maritime) : ce sont
celles baignant les côtes de l’Etat et situées « en
deçà » de la ligne de base de la mer territoriale
(article 8, §1, de la CNUDM). Elles comprennent
les ports, les rades, les havres, les échancrures des
côtes très découpées33
et les baies historiques,
ainsi que le sol et sous sol de ces zones.
Ces eaux sont soumises à la souveraineté de l’Etat,
la compétence de l’Etat se veut exclusive.
- La mer territoriale : elle est constituée
de la zone maritime adjacente aux eaux
30
C.DE CET BERTIN, l’Etat et l’épave : droit français et projet de convention internationale, in bulletin
d’étude de la marine n°36, janvier 2007, p71 et s.
31
ce n’est pas une liste exhaustive de tous les espaces maritimes. L’objet de cette étude n’est pas de faire du
droit de la mer. les détroits, les eaux archipélagiques et le plateau continental sont sous souveraineté de l’Etat
côtier concernant la police des épaves. Concernant la « zone », une épave retrouvée au fond peut
difficilement être retirée compte tenu des moyens techniques actuels.
32
P.DAILLIER et A.PELLET, droit international public, 7° édition, LGDI, p 1139 et s.
33
fjords, rias
21
L’enlèvement des épaves
intérieures sur laquelle s’étend la souveraineté de l’Etat, sa largeur ne dépasse pas 12
milles marins mesurés à partir des lignes de base. L’Etat côtier peut y exercer des
compétences exclusives tant d’un point de vue économique, que d’un point de vue de
police, notamment police des épaves. Le principe de souveraineté de l’Etat côtier sur sa
mer territoriale doit tout de même laisser un droit de passage inoffensif34
aux navires
étrangers. Il doit être continu et rapide.
- La zone contiguë : dans cette portion de mer adjacente à la mer territoriale, l’Etat
riverain conserve certains pouvoirs exclusifs mais limités. C’est une zone de transition
dont la fonction est d’atténuer le contraste entre le régime de la mer territoriale et celui de
la haute mer. Elle fait au maximum 24 miles marins de largeur à partir des lignes de base.
Elle ne relève pas de la souveraineté territoriale de l’Etat côtier qui n’y exerce pas sa
juridiction, ni même des droits souverains. L’Etat dispose seulement de compétences
rigoureusement fonctionnelles de prévention ou de répression des infractions commises
dans les espaces placés sous sa souveraineté.
- La Zone Economique Exclusive : elle n’autorise pas les Etats à y exercer leur
souveraineté, elle leur confère des droits souverains en matière économique. Elle peut
s’étendre jusqu’à 200 milles des lignes de base, soit 188 milles pour les Etats qui ont établi
une mer territoriale.
- La haute mer : c’est une sorte de RES COMMUNIS imparfaite dont tout le
monde peut jouir sans se l’approprier. La règle de base est celle de la liberté. La
compétence de l’Etat sur les navires battant son pavillon est à la fois plénière et exclusive :
il peut, seul, recourir à la contrainte pour faire respecter tant les règles pertinentes du droit
international que sa propre réglementation. Mais ce principe ne revêt toutefois un caractère
absolu que pour les navires d’Etat affecté à des fins non commerciales. S’agissant des
navires marchands, la compétence de l’Etat du pavillon se heurte parfois à celle d’autres
Etats. Les possibilités d’intervention des Etats vis-à-vis des navires marchands sont
diversifiées. On peut citer l’approche, la reconnaissance et l’enquête de pavillon, le
déroutement, la saisie et l’immobilisation, et la destruction si le navire constitue un
danger grave et imminent pour l’environnement marin, comme ce fut le cas pour
34
Droit de passage inoffensif : « le fait de naviguer dans la mer territoriale aux fins de la traverser sans
entrer dans les eaux intérieure » (art 18 §1 convention de Montego Bay).
22
L’enlèvement des épaves
l’épave du Torrey Canyon bombardée par l’aviation britannique en 1967. C’est la
gravité des dommages subis par les Etats riverains des grands axes de circulation maritime
qui ont imposé l’adoption d’un certain nombre de conventions. Ces démarches accentuent
les pouvoirs de police des Etats côtiers dans la haute mer. c’est la convention de Bruxelles
de 29 novembre 1969 complétée par un protocole de 1973 qui reconnaissent aux Etats
menacés de façon grave et imminente un droit d’intervention en haute mer à l’égard des
navires battant pavillon tiers (ex. destruction).
L’ANNEXE 3 vous propose un schéma simplifié des zones de juridiction de l’Etat côtier
d’après la CNUDM.
Comme nous venons de le voir, les possibilités d’intervention de la France, et donc
ses pouvoirs pour obtenir l’enlèvement d’une épave ne sont pas les mêmes selon que
l’épave soit dans sa mer territoriale ou dans sa ZEE.
Nous devons maintenant chercher quels sont les instruments juridiques qui
permettent à la France d’obtenir l’enlèvement d’une épave maritime. Commençons par le
cas d’une épave se situant dans sa mer territoriale (chapitre 1). Nous verrons ensuite le cas
d’une épave se situant dans une de ses nombreuses ZZE (chapitre 2).
Nous rappelons que nous traiterons uniquement de ces zones maritimes, à savoir
eaux intérieure, mer territoriale et ZEE. Compte tenu du droit actuel, elles apparaissent
comme étant les zones sur lesquelles les Etats côtiers ont le plus de pouvoirs, notamment
concernant l’enlèvement des épaves.
23
L’enlèvement des épaves
Chapitre 1 :
Dans les eaux intérieures et territoriales de la France :
application sa législation nationale,
la loi de 1961 relative à la police des épaves
Les eaux intérieures et la mer territoriale sont une prolongation du territoire
terrestre d’un Etat ayant une façade maritime. C’est la raison pour laquelle il peut faire
appliquer sa législation nationale.
La France applique donc sa loi de police des épaves sur ces deux zones maritimes. Nous
devons à la fois étudier le cadre juridique et le champ d’application de ce régime (Section
1), puis s’attarder longuement sur la procédure menant in fine à l’enlèvement de l’épave
(Section 2).
Section 1 – le cadre juridique et le champ d’application de la loi française
de police des épaves
Sous-Section 1 - cadre juridique français
Les épaves maritimes sont soumises à un régime spécifique différent de celui des
autres épaves (terrestres ou fluviales).
Il est inscrit en droit français dans :
24
L’enlèvement des épaves
- la loi n° 61 – 1262 du 24 novembre 1961 relative à la police des épaves modifiée
par :
o la loi n° 80 – 532 du 15 juillet 1980
o la loi n°82 – 990 du 23 novembre 1982
o la loi n°92 – 1336 du 16 décembre 1992 art 287 en vigueur le 1er
mars
1994
- le décret d’application n°61 – 1547 du 26 décembre 1961 modifié par
o le décret n°78 – 847 du 3 août 1978
o le décret n°85 – 632 du 21 juin 1985
- l’arrêté du 4 janvier 1965 relatif aux épaves maritimes, modifié par
o l’arrêté du 9 janvier 1987
Ces textes ont été modifiés à plusieurs reprises afin de les adapter à l’évolution dont nous
avons parlé dans l’introduction.
Les textes de 1961 sont complétés par la loi n°85 – 662 du 3 juillet 1985 relatives aux
mesures concernant les navires et engins flottants abandonnés et son décret d’application
n° 87-830 du 6 octobre 1987. Par ailleurs les biens culturels maritimes font l’objet d’un
régime particulier prévu par la loi n° 89 – 874 du 1er
décembre 1989 et le décret n° 91 –
1226 du 5 décembre 1991.
Vous trouverez en ANNEXE 4 la loi n°61-1262 du 24 novembre 1961 relative à la
police des épaves maritimes, et en ANNEXE 5 le décret n°61-1547 du 26 décembre 1961
fixant le régime des épaves maritimes.
Pour savoir à quel moment on peut appliquer les règles de droit français sur la
police des épaves, on regarde les grands principes de la répartition des compétences des
Etats en droit de la mer. Il apparait alors une compétence générale de l’Etat côtier sur ses
eaux intérieures et mer territoriale, un droit de contrôle sur la zone contiguë, une
compétence finalisée et partielle pour la ZEE et le plateau continental, et enfin une
compétence seulement indirecte pour ce qui est de la haute mer.Mais d’autres éléments
sont à prendre en compte aujourd'hui. D’une part la convention sur l’assistance du 28 avril
1989, ratifié par la France le 20 décembre 2001, et entrée en vigueur en droit français le 20
décembre 2002. D’autre part la convention de Nairobi adoptée le 18 mai 2007.
25
L’enlèvement des épaves
Sous-Section 2 - le champ d’application de la loi française de police des épaves
Il s’agit du champ d’application matériel (A) et géographique (B).
A- Champ d’application matériel : une épave maritime
L’article 1er
du décret du 26 décembre 1961 définit ainsi les épaves maritimes :
« Sous réserve des conventions internationales en vigueur, constituent des épaves
maritimes soumises à l'application du présent décret :
1. Les engins flottants et les navires en état de non-flottabilité et qui sont abandonnés
par leur équipage, qui n'en assure plus la garde ou la surveillance, ainsi que leurs
approvisionnements et leurs cargaisons.
2. Les aéronefs abandonnés en état d'innavigabilité ;
3. Les embarcations, machines, agrès, ancres chaînes, engins de pêche abandonnés et
les débris des navires et des aéronefs ;
4. Les marchandises jetées ou tombées à la mer ;
5. Généralement tous objets, à l'exception des biens culturels maritimes, dont le
propriétaire a perdu la possession, qui sont soit échoués sur le rivage dépendant
du domaine public maritime, soit trouvés flottants ou tirés du fond de la mer dans
les eaux territoriales ou trouvés flottants ou tirés du fond en haute mer et ramenés
dans les eaux territoriales ou sur le domaine public maritime.
Ne sont pas considérés comme épaves au sens du présent décret les navires, engins
flottants, aéronefs, marchandises et objets volontairement abandonnés ou jetés en mer ou
sur le rivage en vue de les soustraire à l'action de la douane ».
Cette énumération appelle quelques commentaires. D’une part le navire n’est une
épave qu’à la double condition d’être à la fois en état de non flottabilité et abandonné
par l’équipage (A). Ces deux conditions sont cumulatives. Mais les épaves ne sont pas
systématiquement d’anciens navires. Nous allons voir que presque tout ce qui est en mer
est susceptible de devenir une épave (B), mais qu’il existe tout de même des cas
particuliers (C) et des cas exclus (D).
a. Epave de navire : non flottabilité et abandon par l’équipage
26
L’enlèvement des épaves
En 1978, une modification du décret de 1961 a remplacé le terme d’innavigabilité,
par le terme non flottabilité. Est-ce plus restrictif 35
? Ce n’était pas la volonté du
législateur. Il a voulu donner au contraire une plus grande marge de manœuvre à
l’administration chargée des épaves. Ainsi, la définition de la non flottabilité ne limite plus
le caractère d’épave au navire dont la stabilité serait définitivement compromise dans des
conditions irréversibles. Il faut y voir la préoccupation d’étendre la législation des épaves
aux cas des navires échoués sur le littoral qui peuvent ne se trouver qu’en situation
d’innavigabilité provisoire qui cessera dans l’hypothèse d’un déséchouement. Par exemple,
plusieurs évènements de ce genre s’étaient produits sur la côte landaise entre le mois de
décembre 1976 et le mois de juin 1977. Sept navires étrangers s’étaient échoués à la côte,
l’inertie des armateurs lointains, et le contenu des textes en vigueur avaient laissé à
l’époque l’administration sans moyens d’agir.
En revanche, nous retiendrons que le législateur maintient le critère d’innavigabilité pour
les aéronefs, s’agissant d’aptitude à la navigation aérienne dans laquelle la notion de
flottabilité n’intervient pas.
Concernant l’abandon par l’équipage, la précédente rédaction du texte prévoyait la
perte du contrôle du navire par le propriétaire. Ainsi un navire abandonné en pleine mer
par son équipage n’était pas forcément abandonné par son armateur. La recherche de ses
intentions pouvait entrainer des délais importants rendant le navire dangereux et limitait
les initiatives urgentes pour la sécurité de la navigation et pour la protection de
l’environnement. C’est pour cela que le décret modificatif du 3 août 1978 reconnait la
qualité d’épave au navire « abandonné par l’équipage qui n’en assure plus la garde ou la
surveillance ».
b. Les autres choses susceptibles de devenir épave maritime36
- les embarcations :
Contrairement au cas des navires, il suffit que les embarcations soient abandonnées,
c'est-à-dire qu’elles aient échappé au contrôle de leur propriétaire légitime pour être
classées épaves, sans qu’il soit nécessaire de soulever la notion de non flottabilité. Il
35
Sur la controverse v. J.-Cl. COM., du Pontavice, fasc. 1140, n° 48.
36
EPAVES MARITIMES, juin 2005, Support pédagogique destiné aux élèves et stagiaires du GE-CFDAM
(Groupe Ecole – Centre de Formation et de Documentation des Affaire Maritimes).
27
L’enlèvement des épaves
demeure tout de même un problème, comment distinguer une embarcation d’un navire ?
C’est semble-t-il affaire d’appréciation et de bon sens, en s’appuyant notamment sur le
critère de taille.
- machines, agrès (abandonnés)
Ce sont les parties arrachées par la mer à ce qui fut un navire, après dislocation au
cours d’un naufrage ou d’un échouement, l’état de bris étant certain.
- ancres et chaînes (abandonnées)
Sous l’empire de l’ancienne règlementation, les ancres retirées du fond de la mer en
tant qu’épaves faisaient l’objet de dispositions particulières : l’inventeur devenait
propriétaire lorsqu’elles n’avaient pas été réclamées dans un délai de 2 mois. Dans la
pratique il en était de même pour les chaînes même si elles n’étaient pas nommément
désignées par l’ordonnance de 1681. Il convient aujourd’hui de rejeter toute demande
présentées en ce sens et de traiter désormais ancres et chaînes comme des épaves
ordinaires.
- engins de pêche (abandonnés) :
Le texte précise bien que sont épaves les engins de pêche « abandonnés », ce qui
écarte, en principe, les engins marqués qui ne cessent d’appartenir à leur propriétaire
légitime, même si celui-ci en a perdu momentanément le contrôle.
- débris de navire et d’aéronef
Sont des épaves tous les débris de navire et d’aéronef, autres que ceux indiqués
précédemment. Cette précision permet de comprendre que le navire déjà abandonné et en
état de non flottabilité lorsqu’il subsiste entier, ne cesse d’engendrer lui-même des épaves
en toutes ses parties dispersées après dislocation et bris, sans la moindre exception.
- Les marchandises jetées ou tombées à la mer
Ce sont sûrement des marchandises transportées à bord d’un navire et séparées de
celui-ci :
o soit parce qu’elles ont été jetées volontairement à la mer, mais c’est
relativement rare aujourd'hui, autrefois c’était plus fréquent notamment
28
L’enlèvement des épaves
quand il fallait alléger un navire échoué, le redresser après ripage de la
cargaison, ou pour toute autre cause mettant en jeu sa sécurité.
o soi parce qu’elles y sont tombées, par exemple les conteneurs, les pontées
enlevées par une grosse vague…
Il semblerait que le fait d’être transportables par voie de mer, rendent transformables en
épaves maritimes tous produits, matériaux ou matériels. Le mot « marchandises » recouvre
un domaine très vaste.
- Les conteneurs
La notion d’épaves couvrent largement toutes les choses perdues en mer, qu’il
s’agisse d’engins nautiques, de marchandises ou de conteneurs37
.
- Tous objets
L’article 1er
termine son énumération par « … et généralement tous objets… ». Ces
objets sont susceptibles d’être des épaves sous réserve qu’ils soient :
o sans propriétaire connu, au moins momentanément
o trouvés dans les eaux territoriales
Cette dernière précision est importante, elle impose, en vue de la définition d’une épave,
une condition de lieu de découverte, dont on doit penser qu’elle s’applique à l’ensemble
des biens énumérés précédemment.
c. les cas particuliers38
- les biens appartenant à l’Etat
Quand ils sont trouvés dans les conditions prévues par le décret, les biens
appartenant à l’Etat sont bien des épaves maritimes, et la règle générale leur est applicable
mais sous réserve des particularités spécifiées à l’article 20 du décret.
Ainsi l’Etat peut interdire le sauvetage de biens lui appartenant et devenus épaves
maritimes, et il fixe lui-même la rémunération due au sauveteur, et il peut même parfois
décider qu’il n’y a pas lieu à indemnisation.
37
JP. BEURIER, DROIT MARITIME, 2006-2007, p233.
38
EPAVES MARITIMES, juin 2005, Support pédagogique destiné aux élèves et stagiaires du GE-CFDAM
(Groupe Ecole – Centre de Formation et de Documentation des Affaire Maritimes).
29
L’enlèvement des épaves
- les biens culturels maritimes
Ils recouvrent : les gisements, les épaves, les vestiges, et tout bien présentant un
intérêt préhistorique, archéologique ou historique. Leur intérêt sur le plan archéologique ou
historique est reconnu par le ministre chargé de la culture après avis du Conseil supérieur
de la recherche archéologique.
Ils bénéficient d’un régime spécial. La loi du 1er
décembre 1989 tient compte des nouvelles
techniques de recherche et d’exploration sous les mers, en modifiant la loi du 27 septembre
1941 qui règlemente les fouilles archéologiques. Le terme artistique est supprimé.
Afin de protéger ce patrimoine, le champ de protection est étendu à la zone contiguë, c'est-
à-dire jusqu’à 24 milles des lignes de base à partir desquelles est mesurée la largeur de la
mer territoriale39
.
- Les herbes marines
C’est une règlementation spécifique qui les concerne, ainsi que celles détachées du
fond et trouvées sur le rivage dénommées « goémon épave ». La législation commune sur
les épaves ne s’applique pas.
- Les marques scientifiques
Le marquage des espèces (pour connaitre leur migration et le niveau des stocks),
ainsi que le marquage des courants (pour permettre une appréciation des courants de
surface et de fond) contiennent des indications relatives à l’adresse à laquelle elles doivent
être expédiées. Ces marques doivent être transmises à l’IFREMER.
- Les bouteilles contenant des messages
Ce sont des épaves, elles doivent donc être traitées comme telles. Sauf
circonstances exceptionnelles, leur valeur est nulle, il n’y a pas lieu de leur faire
application des mesures prévues pour la gestion des épaves. Néanmoins il faut tenir
compte du message qu’elles contiennent pour leur donner une destination. C’est le plus
souvent sans intérêt. Les originaux doivent être transmis au Ministère.
d. Les cas exclus40
39
Article 33 de la convention des nations unis sur le droit de la mer du 10 décembre 1982.
40
EPAVES MARITIMES, juin 2005, Support pédagogique destiné aux élèves et stagiaires du GE-CFDAM
(Groupe Ecole – Centre de Formation et de Documentation des Affaire Maritimes).
30
L’enlèvement des épaves
Ne sont pas considérées comme épaves :
- les cadavres
Dans le cadre de l’ancienne législation, les cadavres trouvés en mer ou sur le rivage
maritime étaient expressément prévus. Cela permettait de les classer au nombre des épaves
maritimes, cela conduisait à la compétence de l’administration maritime. Aujourd'hui
aucune disposition de la réglementation de 1961 – 1965 n’y fait plus allusion.
L’administration maritime n’étant plus compétente c’est à l’autorité municipale du lieu de
débarquement qu’il appartient de prendre les mesure nécessaires (identification ou
tentative d’identification, visite médicale, inhumation) dans les mêmes conditions que
celles prévues concernant les cadavres découverts sur la voie publique.
Cependant les effets trouvés sur les cadavres (bijoux et valeurs) sont des épaves maritimes.
Dans la pratique il semble plus simple de laisser les autorités municipales s’en occuper.
Dans le cas vraiment exceptionnel ou le sauveteur d’un cadavre réclamerait rémunération
il serait fait application du décret de 1961.
- les câbles télégraphiques
Ils sont rarement abandonnés au sens juridique du terme. Un câble est posé sur le
fond, en bon état ou non, en un lieu connu de son propriétaire qui attend une occasion pour
le relever ou le réparer. Il est recommandé de ne pas le relever, ni de tenter de le récupérer,
mais plutôt de le repérer soigneusement et d’aviser les autorités compétentes. Bien souvent
se sont les chalutiers qui crochent les câbles, en pareil cas, au non des règles de protection
des câbles sous-marins, ils doivent abandonner sur place leur trait de pêche sans tenter de
le récupérer.
- les « choses du crû de la mer »
La loi du 24 novembre 1961 et le décret du 26 décembre 1961 qui ont abrogé les
titre IX du livre IV de l’ordonnance d’août 1681, ont laissé toutefois subsister l’article 29 :
« les choses du crû de la mer, comme ambre, corail, poissons à lard et autre semblables
qui n’auront appartenu à personne, demeureront aussi entièrement à ceux qui les auront
tirées du flot de la mer, ou pêchées sur les flots, et s’ils les ont trouvées sur les grèves, ils
n’en auront que le tiers, et les deux autres seront partagés entre nous, ou ceux à qui nous
auront donné notre droit et l’amiral ».
31
L’enlèvement des épaves
Les choses du crû de la mer quand elles sont tirées du fond ou pêchées à la surface ne sont
pas considérées comme des épaves, et cela depuis fort longtemps. N’appartenant à
personne, elles appartiennent à celui qui les trouve et qui prend la peine de les capturer ou
de les récupérer. Quand lesdites choses sont trouvées échouées sur le rivage, la règle est la
même (d’une part à cause du silence du décret de 1961 à leur propos, d’autre part à cause
du maintien de l’art 29 de l’ordonnance de 1681).
- marchandises ou objets abandonnés volontairement
Les marchandises et objets volontairement abandonnés ou jetés à la mer ou sur le
rivage en vue de les soustraire à l’action de la douane ne sont pas considérés comme
épaves. On peut notamment penser à la drogue transportée sur des go-fast41
, que les
trafiquants s’empressent de jeter par-dessus bord lorsqu’ils sont poursuivis.
B- Champs d’application géographique : dans les eaux intérieures et la mer
territoriale
Il ne fait aucun doute que les dispositions citées plus haut s’appliquent à toutes les
épaves, même étrangères. En effet, ce sont des dispositions de police sanctionnées par la
loi pénale. Un Etat, dans le respect du droit de la mer, est fondé à les appliquer dans ses
eaux intérieures et dans sa mer territoriale. L’ANNEXE 6 vous montre le tracé des lignes
de bases délimitant les eaux intérieures et la mer territoriale de la France (métropole).
Les dispositions sur le relèvement des épaves concernent ainsi tout le monde, y
compris le propriétaire étranger d’une épave de navire se trouvant dans les eaux
territoriales françaises. De la même manière, un navire étranger qui découvre une épave
dans ces eaux a l’obligation de prévenir l’administration française.
Une difficulté se présente pour les navires en passage inoffensif dans la mer
territoriale. L’obligation de notifier la découverte d’une épave pourrait aller à l’encontre du
droit de passage inoffensif cher au droit de la mer. mais la loi n°96 – 151 du 26 février
1996 modifiant la loi n°83 – 581 du 5 juillet 1983 impose au capitaine d’un navire étranger
de notifier aux affaires maritimes tout évènement de mer entrainant la perte ou risque de
perte de marchandises dangereuses, susceptible de constituer un danger pour la sécurité de
la navigation ou la préservation de l’environnement.
41
Petite embarcation très rapide que les trafiquants utilisent notamment pour traverser la Méditerranée à
toute vitesse. Source : Marine Nationale
32
L’enlèvement des épaves
De plus, une directive communautaire n°2002/59/CE du parlement européen et du conseil
du 27 juin 2002 prévoit que les Etats membres devront prendre toutes mesures appropriées
pour que tout navire, battant pavillon communautaire ou pavillon tiers et navigant dans
leur zone de recherche et de sauvetage signale immédiatement au centre côtier compétent
(ex. CROSS pour la France) tout incident ou accident portant atteinte à la sécurité du
navire ou compromettant la sécurité de la navigation voir la simple présence observée par
lui d’un colis dérivant. Cette règle s’applique sûrement au navire en simple passage. Cela
justifie aujourd'hui une application extensive des règles du décret du 26 décembre 1961.
Il y a moins de difficulté concernant le navire en passage inoffensif qui devient une
épave. Le navire sort ainsi du simple passage inoffensif, et est pleinement soumis aux
dispositions de la loi et du décret de 1961.
Section 2 – procédure française menant à l’enlèvement de l’épave
C’est à partir de la découverte et la déclaration d’une épave maritime (sous-Section
1) que la procédure française débute, pour aboutir au final à son enlèvement s’il s’avère
nécessaire (sous-Section 2).
Sous-Section 1 – découverte et déclaration de l’épave par l’inventeur, et conservation
par les affaires maritimes
A) Découverte de l’épave et déclaration aux affaires maritimes42
a) Découverte
Toutes les personnes circulant en mer ont un jour ou l’autre la possibilité de
découvrir une épave en mer. Comme nous l’avons vu, presque tout ce qui est en mer est
susceptible de devenir une épave. Le découvreur s’appelle l’inventeur.
42
EPAVES MARITIMES, juin 2005, Support pédagogique destiné aux élèves et stagiaires du GE-CFDAM
(Groupe Ecole – Centre de Formation et de Documentation des Affaire Maritimes).
33
L’enlèvement des épaves
C’est à partir de la découverte d’une épave que tout commence, pour aboutir in fine à son
enlèvement s’il s’avère nécessaire.
b) mise en sûreté de l’épave par l’inventeur/sauveteur
L’inventeur d’une épave est tenu, dans la mesure du possible de mettre l’épave en
sûreté et notamment de la placer hors des atteintes de la mer. Cet acte va faire de lui le
sauveteur de l’épave.
La mise en sûreté qu’évoque le décret de 1961 doit s’entendre :
- s’agissant des épaves trouvées sur la grève, de leur déplacement hors des atteintes de la
mer, les mesures de mise en sûreté définitives étant de la compétence de l’administration.
Un arrêté de 1965 dans son article 1 limite la mise en sûreté à un déplacement « dans un
lieu aussi proche que possible du lieu de la découverte ».
- S’agissant des épaves trouvées en mer, la mise en sûreté consiste surtout, dans la mesure
où l’opération apparait possible, à les ramener au port.
Cette obligation disparait quand l’inventeur se trouve face à des dangers dus tant à
l’épave elle même qu’à son contenu. Dans le cas où celle-ci est identifiée comme
dangereuse ou ne peut être identifiée du tout, l’inventeur doit s’abstenir de toute
manipulation. C’est à l’administration des affaires maritimes de se charger de toutes
les opérations nécessaires à son identification et ensuite à son enlèvement.
c) Doit-on parler de sauvetage ou d’assistance ?
L’assistance en droit maritime français est une aide apportée à un navire ou à un
engin flottant assimilé au navire, s’il se trouve en danger. Le sauvetage quant à lui se
définit comme une aide donnée à un engin flottant, en état de non flottabilité que le
propriétaire a manifestement abandonné.
Contrairement à certains pays européens comme le Royaume-Uni, le Danemark ou
les Pays-Bas, le législateur français crée une différence entre le phénomène de l’assistance
maritime, et celui du sauvetage.
En effet, l’assistance a été prévue pour la première fois dans l’ordonnance de 1681, pour
remplacer le pillage, dont nous avons parlé précédemment, par la solidarité des gens de
mer qui est aujourd'hui un pilier de la navigation maritime. N’oublions pas que la mer est
un milieu hostile à l’homme, et ces dispositions sont inspirées par la solidarité qui doit
34
L’enlèvement des épaves
exister face aux périls de la mer. Cette obligation d’assistance a été légalisée par la loi du
10 mars 1891.
La convention de Bruxelles de 1910 ratifiée par la France en 1913 n’opère aucune
différence entre assistance et sauvetage. Elle a été influencée par le droit anglo-saxon qui
ne distingue pas le navire « avant sinistre » du navire « sinistré ». La loi du 29 avril
1916 introduit le mécanisme de la convention mais n’éteint pas la distinction et les
controverses doctrinales43
.
Cette différence a été remise en cause par l’application de la convention de Londres de
1989, alors que le droit antérieur distinguait nettement entre l’assistance aux navires et le
sauvetage des épaves, cette convention inclut dans son domaine « tout acte entrepris pour
assister un navire ou tout autre bien en danger dans les eaux navigables ou dans
n’importe quelles eaux ». Ainsi, quand une personne récupère un conteneur tombé à l’eau,
cette action devient non plus un sauvetage d’épave, mais un fait d’assistance soumis à la
convention de 1989.
Aujourd'hui, même si la distinction entre assistance et sauvetage ne se justifie
plus tellement en raison des influences du droit anglais sur les règles maritimes, existe
toujours le principe de l’obligation d’assister un engin et son équipage en détresse
alors que cette obligation disparait si l’engin est abandonné et innavigable et devient
une épave.
d) déclaration à l’administrateur44
des affaires maritimes ou à son représentant
L’inventeur de l’épave doit immédiatement ou au plus tard dans les 48 heures
de la découverte en faire la déclaration à l’administrateur des affaires
maritimes ou à son représentant. Si l’épave a été trouvée en mer, ce
délai court depuis l’arrivée au premier port.
Toute épave susceptible de présenter un danger pour la navigation doit
43
RIPERT, traité de droit maritime, t.III, p124.
44
Les administrateurs des affaires maritimes (AAM), officiers de la marine nationale, sont des cadres de
direction dont les fonctions sont extrêmement variées puisqu’elles peuvent les amener à exercer à l’étranger
en tant que conseil ou expert. Leurs domaines de compétence sont larges et concernent notamment :
l’application de la politique économique du département ministériel chargé de la mer ; les interventions
économiques de l’Union européenne et de l’État quant aux pêches maritimes, la conchyliculture et
l’aquaculture ; l’association aux opérations d’aménagement du littoral et de la protection de la qualité des
eaux ; l’application des réglementations internationales et nationales tendant à assurer la sécurité de la
navigation maritime. http://www.mer.developpement-durable.gouv.fr
35
L’enlèvement des épaves
être immédiatement signalée à l’autorité qualifiée pour la transmission de
l’information nautique : DDAM ou CROSS 45
. Ils assureront le transfert de
l’information. La même procédure doit s’appliquer pour signaler la disparition du danger
quand l’épave a été déplacée, enlevée ou détruite.
Dans le cas d’une épave dangereuse ou dont le contenu ne peut être identifié, cette
déclaration doit être faite immédiatement soit à l’administration des affaires maritimes,
soit à toute autre autorité locale, à charge ensuite pour elle de prévenir le directeur
départemental des affaires maritimes.
Quand il s’agit d’une épave d’aéronef, la déclaration aux affaires maritimes, se double
d’une déclaration auprès des autorités municipales en application de l’article R.1421 du
code de l’aviation civile.
La déclaration est écrite ou verbale, quand elle est verbale il est établi un procès-
verbal signé du déclarant. Quand l’épave est ramenée par un navire, sa découverte est
mentionnée au journal de bord, ainsi qu’au manifeste douanier.
En cas de dépôt d’une épave dans un port étranger par un navire français, quel que
soit le lieu de la découverte, aucune déclaration n’est demandée par les autorités françaises
dès lors que les formalités prévues par la loi locale ont été accomplies.
La déclaration de découverte d’un bien culturel maritime doit être effectuée dans le même
délai.
Cette obligation est sanctionnée pénalement, le détournement d’épave étant puni
comme le vol et le recel.
e) rémunération du sauveteur
Le sauveteur d’une épave a droit à une indemnité calculée en tenant compte :
45
centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage (CROSS)
Dépendant des directeurs régionaux des affaires maritimes et placés sous l’autorité opérationnelle des préfets
maritimes, armés par des personnels militaires des affaires maritimes et de la marine nationale, les CROSS
constituent l’ossature du dispositif de surveillance maritime français. A leur mission initiale qui était
d’assurer la direction et la coordination des moyens des différentes administrations en matière de recherche
et de sauvetage en mer, se sont ajoutées la surveillance de la navigation maritime, des pollutions marines, la
police des pêches maritimes, la diffusion de renseignements de sécurité maritime et de réception puis
transmission des alertes ou d’informations liées à la sûreté des navires .
Il existe cinq centres principaux et un centre secondaire répartis sur le littoral métropolitain ainsi que deux
centres principaux en outre-mer aux Antilles et à La Réunion.
La création de deux autres centres dans le Pacifique, un en Polynésie française, à Papeete, et un Nouvelle
Calédonie, à Nouméa, est programmée. http://www.mer.developpement-durable.gouv.fr
Photographie provenant du même site.
36
L’enlèvement des épaves
- des frais exposés y compris la rémunération du travail accompli
- de l’habileté déployée, du risque couru et de l’importance du matériel de sauvetage
utilisé
- de la valeur en l’état de l’épave
Ce droit à rémunération se prescrit par 2 ans à compter du jour marquant la fin des
opérations de sauvetage. Cette rémunération est assorti d’un privilège sur l’épave sauvée
tout comme les frais engagés par un service public.
B) Protection et sauvetage de l’épave par les affaire maritimes, puis restitution
Nous l’avons noté dès la partie préliminaire, nous avons assisté à un changement de
paradigme. Aujourd'hui les textes se soucient davantage des dangers que pourraient causer
les épaves et donc de l’intérêt général. Il
reste néanmoins que le droit de
propriété, et les intérêts particuliers du
propriétaire ne sont pas oubliés.
L’administration doit tout faire pour que
l’objet retourne à son propriétaire. Pour
cela elle doit prendre toutes les mesures
utiles pour la sauvegarde et la conservation des objets devenus épaves.
Comme nous l’avons vu l’inventeur d’une épave en fait la déclaration et est tenu de
prendre les premières mesures de mise en sûreté. Ensuite ce sont les affaires maritimes qui
prennent le relais. D’après l’article 3 du décret de 1961, les épaves sont placées sous la
protection et la sauvegarde de l’administrateur des affaires maritimes, qui prend toutes les
mesures utiles pour le sauvetage et veille à la conservation des objets sauvés. Parfois il est
plus pratique de demander au sauveteur d’être le gardien de ce qu’il a trouvé. Mais
pour éviter de mauvaises surprises le même article dégage l’administration de toute
responsabilité : ces objets demeurent aux risques des propriétaires, leur détérioration,
altération ou déperdition ne peut donner lieu à des dommages et intérêts, quelle que soit la
cause du dommage.
Les pouvoirs de l’AAM :
37
L’enlèvement des épaves
Ce sont donc essentiellement des pouvoirs de protection des épaves. Il peut requérir46
toute personne physique ou morale capable de participer au sauvetage, ainsi que tous
les moyens de sauvetage et magasins. Il peut par exemple demander l’assistance des
autorités locales ou de la force armée pour prévenir le pillage, et demander les services des
personnes capables d’assurer le gardiennage…
Il peut même donner l’ordre d’occuper ou de traverser des propriétés privées. Cette
réquisition doit se faire par écrit. On doit estimer que ces réquisitions devront se référer
aux textes réglementaires qui les autorisent : décret du 26 décembre 1961, article 3, et
l’arrêté du 4 février 1965 article 5. Elles devront préciser :
- L’identité des prestataires
- Les moyens mis à la disposition de l’administration
- Et tous les éléments qui permettront ultérieurement de
fixer le montant des indemnités de réquisition.
L’AAM doit fait preuve de prudence, et ne pas user de son
droit de réquisition avec excès. Les frais engagés ne doivent
pas dépasser la valeur de l’épave.
L’objectif est de restituer l’épave à son propriétaire. Le fait
pour un objet quelconque de répondre à la définition d’épave maritime ne modifie en rien
les droits de propriété légitimes.
Cependant le propriétaire est tenu de revendiquer ses droits. C'est-à-dire de faire
connaitre à l’AAM chargé de la gestion de l’épave qu’il entend reprendre possession de
son bien, les droits des tiers étant réservés.
La revendication doit être exprimée par écrit, et contenir justification des droits du
réclamant. Elle est produite dans un délai de 3 mois à partir :
- de la publication des avis de recherche lancés par l’administration dans le cas où le
propriétaire n’est pas identifié
- de la notification qui lui en est faite s’il est connu, directement le cas échéant,
indirectement par la voie du consulat s’il est étranger.
L’acte de revendication contient une déclaration du propriétaire précisant ses
intentions quant au sort de l’épave. A noter que le délai de 3 mois peut être réduit en
cas d’urgence (épave dangereuse, ou denrées périssables).
46
R.REZENTHEL, le régime des épaves maritimes, DMF2007, n°679 navire transport maritime gens de mer.
38
L’enlèvement des épaves
Si ces formalités sont satisfaites et qu’il n’est soulevé aucune contestation sur les sommes
à payer par le propriétaire, l’épave lui est remise avec un procès-verbal de restitution.
Ainsi, les droits du propriétaire sont garantis sous réserve qu’il revendique son bien. Soit il
récupère son épave déjà « sauvée » par le sauveteur (inventeur ou affaires maritimes), soit
il doit procéder lui même au sauvetage. Il dispose alors 3 mois pour le faire, délai qui peut
être réduit en cas d’épave dangereuse. Le propriétaire a l’obligation de supprimer ce
caractère dangereux. Nous allons voir maintenant que dans le cas d’une épave dangereuse,
l’administration a des pouvoirs importants (Section 2).
Sous-Section 2 – pouvoirs de l’administration française pour faire procéder à
l’enlèvement de l’épave
Le décret du 3 aout 1978 introduit la protection de l’intérêt général, qui avait été
ignorée lors de la rédaction de la loi de 1961. Cette notion a été à nouveau affirmée à la
suite de l’intervention de la loi du 23 novembre 1982.
Le décret avait confié cette protection à l’AAM, mais depuis cette date sont intervenues la
décentralisation et la déconcentration. Tout naturellement, le décret du 21 juin 1985 a tenu
compte de cette évolution et par la même, l’AAM a été déchargé de ce rôle de protecteur
de l’intérêt général au profit de l’autorité chargée de cette protection.
Une épave menace l’intérêt général quand elle présente un danger, aussi afin de
supprimer le caractère dangereux, l’article 6 du décret du 26 décembre 1961 modifié
précise quelle sera l’autorité compétente qui devra prendre les mesures nécessaires.
La première de ces mesures sera la mise en demeure faite au propriétaire de supprimer le
caractère dangereux de l’épave, c’est une obligation pour lui (A). La deuxième, dans le cas
où le propriétaire est inconnu ou refuse d’agir, consiste pour l’autorité compétente à
procéder d’office à la suppression de ce caractère dangereux (B).
A) l’enlèvement : une obligation du propriétaire
La police des épaves impose tant au propriétaire d’une épave qu’à celui qui la
découvre des obligations précises. Le propriétaire a l’obligation de procéder à
l’enlèvement de toute épave présentant un caractère dangereux pour la navigation ou
pour l’environnement. En cas de carence, l’administration peut le mettre en demeure.
39
L’enlèvement des épaves
a) quelle est l’autorité compétente pour procéder à la mise en demeure ?47
Le propriétaire de l'épave dangereuse est dans l'obligation de procéder à sa
récupération, son enlèvement ou sa destruction. Il est mis en demeure, selon l'article 3
du décret du 6 octobre 1987, d'après la localisation de l'épave par :
- le préfet maritime
o dans les ports militaires, avec délégation aux COMAR (commandants
maritimes)
o dans le cadre de son autorité de police administrative générale en mer à
partir de la laisse de basse mer. Il délègue souvent cette compétence aux
AAM.
- le président du conseil général pour les ports départementaux.
- le directeur du port autonome.
- le préfet du département pour les ports non autonomes relevant de la compétence
de l'État.
- le maire, pour les ports communaux.
S'il existe un doute sur la limite de partage des compétences entre l'une de ces autorités et
le préfet maritime, l'autorité présumée compétente et le préfet interviennent conjointement :
c'est le cas dans les chenaux d'accès.
L'autorité compétente pour adresser la mise en demeure doit adapter sa forme en fonction
de son destinataire : il s'agit de distinguer selon que le propriétaire de l'épave est connu ou
non.
b) la forme de la mise en demeure48
adressée au propriétaire connu
Les mises en demeure varient en fonction de la nationalité du propriétaire :
- si le propriétaire est français : la mise en demeure fait l'objet d'une notification,
47
EPAVES MARITIMES, juin 2005, Support pédagogique destiné aux élèves et stagiaires du GE-CFDAM.
Pour toute diffusion externe à l’administration l’autorisation doit être demandée par écrit au directeur du GE-
CFDAM.
48
Charlotte LALLEMENT, LES EPAVES DANGEREUSES DE NAVIRES DANS LES PORTS
MARITIMES, Doctorante au C.D.M.O.
40
L’enlèvement des épaves
- si le propriétaire est étranger : la notification est adressée au consul de l'Etat dont il est
ressortissant,
- si le propriétaire est étranger et de nationalité différente de celle de l'Etat
d'immatriculation du navire : la notification est adressée au consul de l'Etat dont le navire
bat le pavillon.
Quand le propriétaire est inconnu : La mise en demeure relève de l’appréciation
souveraine de l’autorité qui doit y procéder. Lorsque l’épave constitue un danger grave
et imminent pour la navigation, la pêche ou l'environnement, l’Administration intervient
en cas de carence du propriétaire inconnu ou ne pouvant être avisé en temps utile. Dans ce
cas la mise en demeure n'est pas nécessaire mais quand elle a lieu, elle est faite par voie
d’affiches ou d’insertions dans la presse.
- Si le navire devenu épave est étranger, la notification est faite au consul de l'Etat
d’immatriculation. Lorsque la notification est impossible, la mise en demeure est faite
uniquement par voie d’affiches ou d’insertions dans la presse.
c) contenu et effets de la mise en demeure
D’après l’article 8 du décret de 1985, la mise en demeure accorde un délai au
propriétaire pour l'accomplissement des opérations indispensables. Les textes ne
donnent aucune indication sur le délai de mise en demeure, il peut être très variable en
fonction des circonstances : d’une heure à plusieurs semaines. Le juge ne sanctionnera que
l’erreur manifeste d’appréciation49
, en cas de délai trop court.
La mise en demeure est considérée restée sans effet lorsque les travaux de relèvement
ou de démolition n’ont pas été commencés ou achevés dans les délais.
La déchéance des droits du propriétaire de l’épave peut être prononcée par décision
du Ministre chargé de la Marine Marchande, à l’expiration du délai que celui-ci aura fixé
au propriétaire pour exécuter les mesures prescrites.
Si le propriétaire n'accomplit pas les opérations nécessaires passé ce délai, l’autorité
compétente peut intervenir pour les faire effectuer (article 8 alinéa 2 du décret de 1985).
49
l’erreur manifeste d’appréciation : théorie jurisprudentielle imaginée par les juridictions administratives
pour étendre leur contrôle sur le pouvoir discrétionnaire de l’administration, leur permettant face à ce
qu’elles considèrent comme des erreurs particulièrement flagrantes de celle-ci, de contrôler l’appréciation
des faits à laquelle elle s’est livrée. R.GUILLIEN et J.VINCENT Lexique des termes juridiques, Dalloz, 13°
édition, 2001.
41
L’enlèvement des épaves
Il convient donc d'étudier les cas dans lesquels l'administration interviendra (B).
B) en cas de défaillance du propriétaire ou d’urgence : l’Etat procède lui même à
l’enlèvement de l’épave
Comme nous l’avons vu, le propriétaire a l’obligation de procéder lui même au
relèvement de son épave. Mais dans plusieurs circonstances l’administration peut être
amenée à faire elle même cette opération (a). Elle le fait aux frais et risques du propriétaire
(b), qui ne peut d’ailleurs plus faire l’abandon de son épave (c).
a) cas dans lesquels l’administration procède elle même à l’enlèvement :
- l’administration peut procéder d’office à la récupération de l’épave :
o si le propriétaire est inconnu
o s’il ne peut être avisé en temps utile (art 7 du décret du 26 décembre 1961)
o si la mise en demeure est restée sans effet
- l’administration peut également intervenir à la demande du propriétaire, à ses
frais et risques (article 8 du décret du 26 décembre 1961).
- L’administration procèdera à l’enlèvement en cas de danger grave et
imminent sans mise en demeure. Nous pouvons citer à titre d’exemple l'arrêt du
Conseil d'État du 23 octobre 1987, dans cette espèce un navire abandonné chargé
d'explosifs dérivait, à demi-submergé, et fut détruit par la Marine Nationale : le
Conseil d'État donna raison à la Marine Nationale d'avoir agi immédiatement sans
mettre en demeure le propriétaire, car il y avait un danger grave et imminent.
b) toutes ces interventions sont à la charge du propriétaire
L’administration n’assume pas les risques de ses interventions car elle n’est pas un
sauveteur ordinaire ni un gérant d’affaires. Cette précision met à l’abri l’administration
d’éventuelles poursuites que pourraient exercer des particuliers à son encontre du fait
d’une erreur de manipulation de sa part, surtout en matière de cargaisons dangereuses : en
42
L’enlèvement des épaves
matière de sauvetage ordinaire en effet, le sauveteur serait responsable de sa maladresse
envers les propriétaires de l’épave (ou à l'égard des tiers), si celle-ci entraînait la perte ou
des avaries supplémentaires à l’épave.
De même, l'administration n'est pas un gérant d'affaires au sens de l'article 137250
du Code civil : elle n'a pas à se soumettre aux obligations qui résulteraient d'un mandat
exprès que lui aurait donné le propriétaire.
L'administration intervient donc aux frais et risques du propriétaire.
D’une part même en cas de déchéance de ses droits, le propriétaire devra procéder au
remboursement des frais engagés (c).
Et d’autre part il ne pourra plus faire abandon de l'épave depuis la condamnation définitive
de cet abandon par la loi du 3 janvier 1967 (d).
c) déchéance du droit de propriété mais pas des frais engagés
antérieurement
La loi du 24 novembre 1961 prévoit dans article 1er
que le propriétaire dûment
mis en demeure, qui refuse ou néglige de procéder au sauvetage de l’épave, subira la
déchéance de son droit de propriété. Elle sera prononcée par le ministre chargé de la
Marine Marchande. La nouveauté introduite par la loi du 23 novembre 1982 est la
possibilité de prononcer la déchéance du droit de propriété quand l’épave remonte à plus
de 5 ans. Cela permet à l’administration de se débarrasser des épaves abandonnées par
leur propriétaire dès qu’il y a des volontaires pour leur récupération.
Le plus important c’est qu’en cas de déchéance du droit de propriété, rien de s’oppose au
recouvrement des frais engagés antérieurement par les autorités compétentes. C’est
d’ailleurs ce qui bloqua pendant longtemps le consensus autour de ce texte.
d) L’impossibilité d’abandon de ses droits par le propriétaire
50
Art 1372 code civil : Lorsque volontairement on gère l'affaire d'autrui, soit que le propriétaire connaisse la
gestion, soit qu'il l'ignore, celui qui gère contracte l'engagement tacite de continuer la gestion qu'il a
commencée, et de l'achever jusqu'à ce que le propriétaire soit en état d'y pourvoir lui-même ; il doit se
charger également de toutes les dépendances de cette même affaire.
Il se soumet à toutes les obligations qui résulteraient d'un mandat exprès que lui aurait donné le propriétaire.
43
L’enlèvement des épaves
Indépendamment du fait que le propriétaire peut se laisser déposséder de ses droits
sur l’épave par le jeu de la déchéance, il pouvait encore avant la loi du 3 janvier 1967
portant statut des navires et autres bâtiments de mer, les abandonner purement et
simplement par un acte volontaire. C’était la faculté d’abandon. Cette formalité
l’exonérait de tous les frais entrainés par la présence ou l’enlèvement de l’épave ! Depuis
cette loi de 1967, qui a abrogé l’article 216 du code de commerce instituant l’abandon, il
ne peut plus user de la faculté d’abandon du navire. Cette faculté était également prévue
par le décret du 26 décret 1961. Il est en effet personnellement responsable de tous ses
biens.
Comme nous l’avons vu, le droit permet à la France d’obtenir l’enlèvement d’une
épave maritime sans trop de difficulté dans ses eaux sous souveraineté. La situation est
différente dans les eaux extraterritoriales. A l’heure actuelle, la France a une petite marge
de manœuvre dans ses Zones Economiques exclusives. Mais la toute récente convention de
Nairobi signée en 2007 permettra, dès son entrée en vigueur, à la France de pouvoir se
protéger des conséquences dommageables des épaves maritimes (chapitre 2).
44
L’enlèvement des épaves
Chapitre 2 :
L’apport de la convention de Nairobi, signée en 2007,
aux pouvoirs de l’Etat côtier sur les ZEE ou dans la
limite des 200 miles marins des lignes de base
Il convient de faire un état des lieux du droit des épaves dans les ZEE (Section 1),
avant de constater l’apport bénéfique de la convention de Nairobi (Section 2).
Section 1 – l’état actuel du droit dans les ZEE51
La question est de savoir si l’on peut étendre le régime français dans les ZEE
de la France, voir dans sa Zone de Protection Ecologique (ZPE) ou sur son plateau
continental.
Il est très incertain que la France puisse imposer sa loi de police des épaves sur ces espaces
maritimes. L’article 56 de la CNUDM ne reconnait à l’Etat côtier sur sa ZEE que des
« droits souverains aux fins d’exploitation, de conservation, et de gestion des ressources
naturelles… des eaux surjacentes aux fonds marins ». Elle lui confère aussi « juridiction »
notamment pour la « protection et la préservation du milieu marin ». Il est délicat de
51
Sur les problèmes posés par les épaves, voir P. Bonassies, Encyclopédie Dalloz de droit international,
rubrique Epave maritime.
45
L’enlèvement des épaves
déduire de ce texte l’affirmation d’un pouvoir général de police de l’Etat côtier sur sa ZEE,
comme sur toute zone de protection écologique.
On peut éventuellement admettre que la France puisse imposer au capitaine d’un navire
battant pavillon étranger ou à l’armateur de ce navire une obligation de déclaration ou de
relèvement pour une épave présentant un danger pour le milieu marin. On peut même
imaginer, qu’il puisse le faire pour une épave lui faisant obstacle pour exploiter sa zone
économique.
Il est possible à la France, de prendre les mesures appropriées à l’égard de l’épave d’une
ile artificielle, d’une plate forme de forage ou de toute autre installation susceptible de
faire obstacle à la sécurité de la navigation. La compétence de l’Etat étant ici prévue par
l’article 60 de la CNUDM.
Le même raisonnement doit être suivi s’agissant du plateau continental. C’est
seulement dans des situations exceptionnelles, où l’exploitation ou l’exploration des
ressources naturelles seraient menacées, que l’Etat côtier pourrait faire usage de ses droits
de police.
Nous allons maintenant étudier ce qu’apporte la convention de Nairobi. Plusieurs
années passeront avant que cette convention n’entre en vigueur. Il n’est pourtant pas
sans intérêt de
s’intéresser à elle.
L’apport est certain !
Car en l’état actuel du
droit, international et
français,
l’administration
française ne peut
intervenir à l’égard
d’un navire étranger en
ZEE qu’au cas où il y a menace de pollution. Une menace pour la sécurité de la navigation
n’autorise pas, en principe, l’intervention des autorités françaises. Mais cette intervention
sera possible, une fois la convention de Nairobi en vigueur.
46
L’enlèvement des épaves
La France a tout intérêt à voir cette convention entrer en vigueur. Comme nous le montre
cette carte, elle possède de nombreuses ZEE d’une superficie totale de 11.035.000 km²,
dont 5,03 millions en Polynésie française et 1,74 en Nouvelle-Calédonie52
. En ANNEXE
7 vous trouverez un tableau recensant les textes relatifs aux ZEE françaises.
Section 2 – Dans les ZEE : les apports de la convention de Nairobi de
2007
A) les origines de la convention de Nairobi de 200753
C’est grâce à une initiative conjointe de l’Allemagne, de la Grèce, des Pays-Bas et
du Royaume-Uni que la question des épaves a été portée dès 1993 à l’ordre du jour du
comité juridique de l’Organisation Maritime Internationale (OMI).
Ce sont les problèmes de navigation auxquels étaient régulièrement confrontés les navires
faisant escale dans les ports de ces Etats, en raison de la présence d’épaves dans les eaux
extraterritoriales, qui ont motivé cette initiative. Les législations nationales étaient dans
l’impossibilité de maîtriser ces problèmes.
Les travaux menés ont conduit à la signature, le 18 mai 2007, de la convention
internationale de Nairobi sur l’enlèvement des épaves. Cette convention est annexée au
présent mémoire. ANNEXE 8 : Nairobi international convention on the removal of wrecks,
200754
. Les articles infra ont fait l’objet d’une traduction personnelle.
Elle entrera en vigueur 12 mois55
après la date à laquelle, dix Etats (quel que soit le
tonnage global cumulé représenté par leurs marines marchandes), soit l’auront signée sans
avoir émis de réserve quant à sa ratification, son acceptation, ou son approbation, soit
52
source des chiffres et de la carte : wikipédia
53
Lamy environnement – l’eau. Partie 5, titre 4, étude 543 gestion des épaves, Section 1.
http://wwwlamylinereflex.fr
54
www.imo.org
55
DMF 2008. N° 12 supplément, le droit positif français en 2007.
47
L’enlèvement des épaves
auront déposé un instrument de ratification, d’acceptation ou d’adhésion auprès du
secrétariat général de l’OMI.
B) objet et principes de la convention de Nairobi
La convention de Nairobi sur les épaves a une double préoccupation. Tout d’abord
fixer sur le plan international des règles et des procédures qui garantissent l’enlèvement
rapide et efficace des épaves qui sont dans les eaux extraterritoriales et jugées
dangereuses au regard des risques qu’elles font courir à la fois à la navigation et à
l’environnement. Ensuite, garantir le règlement et le remboursement des frais liés à la
localisation, la signalisation et l’enlèvement de ces épaves.
Elle pose pour principe général que tout Etat partie est en droit de prendre les
mesures nécessaires à l’enlèvement d’une épave qui présente un danger dans la zone
qu’elle vise.
Elle donne également, un certain nombre de dispositions importantes pour sa mise en
œuvre. Elle indique notamment, que les mesures prises pour l’enlèvement doivent être
proportionnées au danger (article 2 § 2). Proportionné signifie que les mesures prises ne
doivent pas aller au-delà de ce qui est raisonnablement nécessaire pour mener à bien
l’opération. Elles doivent prendre fin dès que l’épave a été enlevée, et ne pas porter
atteinte de manière injustifiée aux droits et intérêts des autres Etats ou de toute autre
personne morale ou physique intéressée (article 2 § 3). De plus, les Etats parties
doivent coopérer quand les effets d’un accident, cause d’une épave, touche un Etat
autre que celui dans les eaux duquel se trouve l’épave.
C) champ d’application de la convention de Nairobi
a. champ d’application géographique : ZEE ou dans la limite des 200 milles
marins à partir des lignes de base
La convention s’applique à la ZEE de tout Etat partie, ou si cette zone n’a pas
été établie, à toute zone située au-delà de la mer territoriale et adjacente à celle-ci et
ne s’étendant pas au-delà des 200 milles marins des lignes de base à partir desquelles
est mesurée la largeur de la mer territoriale (article 1 § 1).
48
L’enlèvement des épaves
Ce champ exclut donc à la fois les eaux territoriales des Etats parties, et la haute
mer. Cependant, d’après l’article 3 § 2, tout Etat à la faculté d’élargir la portée de cette
convention. C'est-à-dire qu’il peut inclure les épaves qui se trouvent dans les limites de son
territoire, notamment la mer territoriale et les eaux intérieures. Toutefois, il ne peut le
faire que s’il manifeste son intention au secrétaire général de l’OMI. Il faut noter, que du
fait de cette extension, un certain nombre de dispositions de la convention ne seront pas
applicables aux eaux territoriales.
b. champ d’application matériel
1. les navires au sens large
Certes, cette convention s’applique aux navires. Mais il est pris dans son sens le
plus large. Ainsi la définition donnée correspond à celle retenue par d’autres conventions
maritimes telle que la convention internationale du 29 novembre 1969 sur l’intervention en
haute mer en cas d’accident entrainant ou pouvant entrainer une pollution par
hydrocarbure.
Elle exclut :
- les plates-formes flottantes : quand elles se livrent à des activités d’exploration,
d’exploitation ou de production des ressources minérales des fonds marins.
- les plates-formes fixes : car elles ne sont couvertes ni par les conventions traitant
de l’assistance ou de l’intervention en haute mer, ni par celle de Londres sur la
limitation de responsabilité.
- les navires de guerre et les navires appartenant à un Etat partie ou exploités par lui,
tant que celui-ci les utilise exclusivement à des fins gouvernementales et non
commerciales. Mais un Etat peut en décider autrement, s’il l’indique au secrétariat
général de l’OMI.
- les navires coulés à des fins d’exploitation. Ils sont visés à l’article 4 du protocole
de 1996 de la convention de 1972 sur la prévention de la pollution des mers
résultant de l’immersion des déchets. Les dispositions qui leur sont applicables
relèvent des directives spécifiques aux déchets, applicables aux navires destinés à
être éliminés.
2. La convention donne sa propre définition d’une épave
49
L’enlèvement des épaves
L’article 1 § 4 de la convention précise que constitue une épave :
- tout ou partie d’un navire naufragé ou échoué, y compris tout objet se
trouvant ou s’étant trouvé à bord d’un tel navire, ou
- tout objet perdu en mer par un navire tel que les conteneurs, cargaison en
pontée…, et qui est échoué, submergé ou à la dérive en mer, ou
- un navire sur le point de couler ou de s’échouer, ou dont le naufrage ou
l’échouement peuvent être raisonnablement attendus, si aucune mesure efficace
destinée à prêter assistance au navire ou à un bien en danger n’est déjà en train
d’être prise. Ainsi, n’est pas une épave un navire naufragé ou échoué restant sous le
contrôle ou que le propriétaire pourrait envisager de relever.
D’après l’article 1 § 3, la situation de l’épave ne peut être que la conséquence d’un
accident de mer. Par exemple : un abordage, un échouement, un incident de navigation…
La convention caractérise l’épave par son origine qui se trouve dans un accident maritime,
et non par son état qui n’est pas nécessairement l’abandon (ce que fait le droit français).
3. L’épave doit constituer un danger
La convention de Nairobi a pour objectif de donner des possibilités d’action aux
Etats afin de limiter les dangers potentiels d’une épave. Elle énumère dans son article 6,
quinze critères permettant d’établir qu’elle constitue bien un danger.
Citons notamment :
- la profondeur d’eau
- la proximité de routes maritimes ou de voies de circulation établies
- la densité et la fréquence du trafic
- la nature et la quantité de la cargaison de l’épave
- la hauteur de l’épave au dessus et en dessous de la surface de l’eau
- etc.
D) la procédure à suivre
50
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  • 1. L’enlèvement des épaves L’ENLEVEMENT DES EPAVES Sous la direction de Maître C. SCAPEL et du Professeur P. BONASSIES Adeline JUDE 2007/2008 Les premières images du pétrolier Tricolor en perdition, le 12 décembre 1999 (Sipa) Centre de Droit Maritime et des transports Faculté de Droit et de Science Politique d’Aix-Marseille Directeur : C.SCAPEL 3, avenue Robert Schuman 13628 Aix-en-Provence 1
  • 2. L’enlèvement des épaves "Le navire est une personne... le navire naît créé par l'homme... sa naissance lui ouvre la vie... le navire a un nom... le navire a un rang social, et la variété des classes est presque aussi nombreuse que dans la société des hommes. il est vaisseau de guerre ou navire de commerce, militaire ou civil ; il est plus ou moins fonctionnaire (navires postaux) ; il est marchand ou pêcheur, ou même oisif (yatch)... parfois, plus modestement, il se loue à d'autres et devient serviteur... Enfin le navire meurt, il est englouti dans les flots ou réduit à l'état d'épave et déclaré innavigable." [Doyen Ripert] 2
  • 3. L’enlèvement des épaves SOMMAIRE SOMMAIRE........................................................................................................ 3 ACRONYMES & ABREVIATIONS................................................................ 4 BIBLIOGRAPHIE.............................................................................................. 6 MANUELS.............................................................................................................................6 REVUES ................................................................................................................................6 DOCUMENTS PROFESSIONNELS..................................................................................7 SITES INTERNET ...............................................................................................................7 Introduction......................................................................................................... 8 Première partie : Instruments juridiques permettant à un Etat côtier tel que la France d’obtenir l’enlèvement d’une épave maritime....................... 17 Chapitre préliminaire : variation des pouvoirs d’intervention des Etats côtiers sur une épave en fonction de la zone maritime dans laquelle elle se situe ...........................19 Chapitre 1 : Dans les eaux intérieures et territoriales de la France : application sa législation nationale, la loi de 1961 relative à la police des épaves.........24 Chapitre 2 : L’apport de la convention de Nairobi, signée en 2007, aux pouvoirs de l’Etat côtier sur les ZEE ou dans la limite des 200 miles marins des lignes de base .......................................................................................................................45 Deuxième partie : L’enlèvement des épaves et le problème de la limitation de responsabilité.............................................................................. 56 Chapitre 1 : Hostilité du droit français au jeu de la limitation de responsabilité pour les épaves.....................................................................................................................57 Chapitre 2 : Confrontation du droit maritime français aux exigences de la convention de Londres de 1976 favorable à la limitation................................................64 Conclusion.......................................................................................................... 72 ANNEXES.......................................................................................................... 75 TABLE DES MATIERES.............................................................................. 137 3
  • 4. L’enlèvement des épaves ACRONYMES & ABREVIATIONS AAM Administrateur des Affaires Maritimes C.E. Conseil d’Etat CDMO Centre de Droit Maritime et Océanique CE Communauté Européenne CEDRE CEntre de Documentation, de Recherches et d’Expérimentation CITEPA Centre Interprofessionnel Technique d’Etude de la Pollution Atmosphérique CNUDM Convention des Nations-Unis sur le Droit de la Mer, également appelée Convention de Montego Bay (1982) CO² Dioxyde de carbone COMAR Commandants Maritimes CROSS Centres Régionaux opérationnels de Surveillance et de Sauvetage DDAM Direction Départementale des Affaires Maritimes DMF Droit Maritime Français Fasc Fascicule HNS Hazardous Noxious Substances (substances nocives potentiellement dangereuses) IFO Intermediate Fuel Oil (produit de viscosité moyenne IFREMER Institut Français de la Mer J.Cl. COM Jurisclasseur de droit commercial LLMC Limitation of Liability for Maritime Claims, convention de Londres sur la limitation de responsabilité en matière de créances maritimes, signée le 19 novembre 1976 MIES Mission Interministérielle de l’Effet de serre MteqCO² Millions de tonnes équivalent CO² 4
  • 5. L’enlèvement des épaves OMI / IMO Organisation Maritime Internationale / International Maritime Organization ONU Organisation des Nations-Unis RGDIP Revue Général de Droit International Public SFDI Société Française de Droit International SHOM Service Hydrographique et Océanographique de la Marine UNESCO United Nations Educational Scientific and Cultural Organization, Organisation des Nations-Unis pour l’éducation, la science et la culture ZEE Zone Economique Exclusive ZPE Zone de Protection Ecologique 5
  • 6. L’enlèvement des épaves BIBLIOGRAPHIE MANUELS • BALMOND Louis, Société Française de Droit International, Colloque de Toulon, le navire en droit international – l’épave du navire, PEDONE, 1992 • BEURIER Jean-Pierre, droits maritimes, DALLOZ, 2006 | 2007 • BONASSIES Pierre & SCAPEL Christian, Traité de droit maritime, LGDJ, 2006 • DAILLIER Patrick & PELLET Alain, droit international public, LGDI, 7° éd. • GUILLIEN.R & VINCENT.J, lexique des termes juridiques, DALLOZ, 13°éd, 2001 • LUCCHINI Laurent & VOEKEL Michel, droit de la mer, tome 1, PEDONE, 1990 • MARTRAY Joseph, A qui appartient la mer ? EMOM (Edition Maritime d’Outre Mer), 1977 • REMOND-GOUILLOUD Martine, droit maritime, PEDONE, 1988 • RIPERT, traité de droit maritime, t.III • RODIERE René, traité général de droit maritime, tome évènement de mer, DALLOZ, 1972 • RODIERE René & DU PONTAVICE Emmanuel, droit maritime, DALLOZ, 10° éd, 1986 • ROUSSEAU.C, chronique des faits internationaux, RGDIP, 1972 • VIALARD.C, droit maritime, collection droit fondamental, PUF, 1997 REVUES • Droit Maritime Français, le mensuel exclusivement dédié au droit des activités maritimes. • Bulletin d’étude de la marine (Centre d’Enseignement Supérieur de la Marine). • Cols bleus, l’hebdomadaire de la marine et la mer. 6
  • 7. L’enlèvement des épaves • Le marin, l’hebdomadaire de l’économie maritime. • Voiles et Voiliers, hors série fortunes de mer, 50 récits vécus, août 2002. DOCUMENTS PROFESSIONNELS • de la Direction Départementale des Affaires Maritime du Var : EPAVES MARITIMES, juin 2005, Support pédagogique destiné aux élèves et stagiaires du GE-CFDAM (Groupe Ecole – Centre de Formation et de Documentation des Affaire Maritimes). • du bureau des évènements de mer de la direction centrale du commissariat de la marine : cartes maritimes. SITES INTERNET • www.titanic-online.com Photographie de l’épave du Titanic • http://pageperso-orange.fr/titanic Citation d’Eva Hart, une survivante du naufrage du Titanic • www.cedre.fr Informations sur le naufrage du Tricolor et de l’Erika. • www.ladepeche.fr 17 décembre 2002 • www.bretagne-environnement.org Photographies sur les conséquences environnementales de certaines épaves. • www.mer.developpement-durable.gouv.fr Information sur l’organisation des Affaires Maritimes • www.wikipedia.fr Carte et superficie des Zone Economiques Exclusives de la France • www.lamyreflex.fr Accès au Droit Maritime Français, et au Lamy. 7
  • 8. L’enlèvement des épaves Introduction Les transports structurent l’espace, leur présence relie et désenclave, leur absence isole et pénalise1 . L’Homme se forge continuellement de nouveaux besoins, celui de se déplacer pour raisons professionnelles ou pour ses loisirs, celui d’obtenir un produit quel que soit son lieu de fabrication ou de récolte, et celui de consommer à toute époque des denrées saisonnières. Un transport s’impose dès qu’il y a une activité commerciale, c’est le vecteur nécessaire à la rencontre de l’offre et de la demande. C’est encore plus vrai aujourd’hui à l’heure de la mondialisation et de la globalisation des échanges. Mais cette constatation est intemporelle, il y a une présence constante des transports à toutes les époques et dans tous les espaces, déjà dans l’antiquité existaient des transports maritimes. L’activité maritime a été l’instrument de la puissance de nombreux Etats, Phénicie, Portugal, Espagne, Royaume-Uni… Même dans les contextes les plus difficiles les transports restent fondamentaux, comme en témoignent les convois maritimes durant le dernier conflit mondial ou le débarquement des alliés en Normandie en 1944. Le transport maritime est le vecteur le plus important pour le transport de marchandises. En 2005 plus de 6 milliards de tonnes ont emprunté la mer, assurant 90% du trafic mondial. Le transport de personnes par voie maritime, même ayant beaucoup perdu du fait de l’essor de l’aviation commerciale, subsiste de manière significative dans deux créneaux importants : les traversées courtes et les croisières, nous pouvons également citer les voyages d’exploration scientifique et les courses sportives même s’ils ne relèvent pas à proprement parler du transport. Fait important, le transport maritime est, et restera probablement encore longtemps le moins polluant par tonne de marchandises transportée. Selon l’Organisation des Nations-Unis2 (ONU), la flotte mondiale marchande a émis en 2007 1,12 milliard de tonnes de CO², soit 4,5% des émissions globales (hors flottes militaire, de pêche et de plaisance), soit à titre de comparaison en 2006 l’équivalent des 1 Chercher bouquin d’environ 10 ans sur les transp. Photocopie quelque part… 2 Rapport ONU, publié mi-février 2008 au Royaume-Uni, faisant état d’un calcul affiné, tenant compte de la quantité et de la qualité de carburants vendus aux cargos dans le monde, du type de moteur et du temps passé à naviguer. 8
  • 9. L’enlèvement des épaves émissions totales de deux pays comme la France3 . C’est un argument capital pour son développement. La mer n’apparaît donc pas comme une frontière entre les Hommes, mais comme un trait d’union entre les nations. La terre, planète bleue, est recouverte à 70% d’eau. Chercher à utiliser cet espace c’est se donner une chance de se développer économiquement, l’ignorer c’est se condamner. Les transports maritimes vont de plus en plus se développer, en témoigne le gigantisme des nouveaux navires. Tout au long de l’histoire, la mer n’a cessé de fasciner l’Homme, habitant de la terre ferme. Elle est un mystère qui se conjugue souvent avec souffrances, dangers et catastrophes. L’expédition maritime a toujours été accompagnée de mille périls. « Elément qui donne la vie et dispense la mort… l’océan a la nature sans scrupule d’un féroce autocrate4 dépravé par une perpétuelle adulation5 ». La mer, milieu hostile, est synonyme de danger, le risque est le compagnon de l’homme de mer. L’épave est le symbole le plus évident de ce risque, sanctionné par la perte du navire, parfois la mort du marin. L’épave du navire est une disqualification du navire et une victoire de la mer sur l’homme6 . L’Organisation des Nations-Unis pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) estime à plus de 3 millions7 le nombre d’épaves englouties avec leur cargaison à travers le monde. Le Service Hydrographique et Océanographique de la Marine (SHOM) a recensé pas moins de 4 125 épaves (bateaux, avions…) et 1 312 obstructions diverses (amas de chaînes, blocs de bétons…) le long des côtes françaises. La situation ne fait qu’empirer. Chaque jour de nouvelles épaves sont découvertes. Les conteneurs tombés à la mer sont également un danger majeur pour la navigation. Selon les experts, 10 000 « boites » tombent chaque année des ponts des navires, à proximité des routes maritimes les plus fréquentées. Avant de poursuivre, il convient de se demander ce qu’est une épave et ce qui fait qu’elle soit considérée comme maritime. Est-ce un bien abandonné, ou un bien perdu ? Est-ce que seules les épaves perdues en mer constituent des épaves maritimes ? (Section 1 de l’introduction) 3 541 MteqCO² ont été émises au total en France en 2006, selon l’inventaire CITEPA fait pour MIES. 4 Souverain dont la puissance n’est soumise à aucun contrôle. 5 J.Conrad cité in L.Lucchini et M. Voelckel, droit de la mer, T.1, Paris, Pédone, 1990, p. IV. 6 L.Balmond, le navire en droit international, Paris, Pédone, 1992, p 69. 7 Lamy environnement, l’eau. Partie 5, titre 4, étude 543 gestion des épaves. 9
  • 10. L’enlèvement des épaves Il convient également de s’attarder sur la perception que l’on a des épaves maritimes. Sont- elles une source d’enrichissement ou une source de danger ? Nous verrons que le droit a évolué dans ce domaine. De la protection de l’intérêt particulier des propriétaires d’épave, le centre de gravité du droit a basculé en faveur de la protection de l’intérêt général du fait de la dangerosité des épaves (Section 2 de l’introduction). Section 1 - Qu’est ce qu’une épave maritime et comment la distinguer des autres épaves ? Les épaves sont des biens perdus. Elles ne doivent pas être confondues avec les RES DERELICTAE qui sont des choses abandonnées, et non pas seulement égarées. Ici le propriétaire renonce volontairement à son droit de propriété, animé de l’intention de laisser le premier venu se les approprier. Elles ne sont pas plus des RES NULLIUS, c'est-à-dire des biens sans maîtres. Dans le cas d’une épave, le propriétaire a perdu la possession de son bien, mais en conserve la propriété8 . Il existe des épaves terrestres, aériennes, spatiales, fluviales et maritimes. C’est cette dernière catégorie qui nous intéresse. La distinction est fondée sur le lieu de découverte. Elle peut sembler évidente, mais il faut se méfier des évidences, même si la différence entre épaves terrestres et épaves maritimes est claire - les épaves terrestres étant celles trouvées sur la terre ferme - la frontière entre épaves fluviales et épaves maritimes est plus floue et nécessite un approfondissement. Les épaves se distinguent donc entre elles selon le lieu de leur découverte. Ainsi, toute épave qui n’est ni maritime, ni fluviale, est terrestre. C’est pour cela que cette catégorie comprend les épaves aériennes et spatiales trouvées sur terre. Celles tombées dans une rivière suivront le régime des épaves fluviales. Et celles tombées en mer suivront le régime des épaves maritimes. Le raisonnement est logique, une épave n’est jamais retrouvée en l’air ! 8 JurisClasseur Civil Code, fascicule unique : modes divers d’acquérir la propriété, biens sans maître. Cote 02,2004. 10
  • 11. L’enlèvement des épaves Si la distinction entre épaves maritimes et épaves terrestres est relativement simple, en revanche la différence entre épaves maritimes et épaves fluviales est plus difficile. Elles se distinguent par la nature physique de l’environnement dans lequel elles sont trouvées. Il faut donc pour les différencier, distinguer la mer du fleuve. Cette distinction résulte de textes réglementaires (avis comité consultatif de la Marine 31 juin 1908, Instr. Administrateur de l’Etablissement des Invalides 22 août 1908). Sont des épaves fluviales les objets trouvés sans maître, présents dans le domaine public fluvial. Celui-ci comprend les cours d’eau navigables ou flottables, les rivières canalisées, les canaux de navigation, étangs ou réservoirs d’alimentation et autres dépendances, les ports publics situés sur des voies navigables et leur dépendance, les ouvrages publics construits dans le lit ou sur les bords des voies navigables ou flottables. Si les épaves d’origine maritime découvertes dans les fleuves sont ainsi des épaves fluviales, il faut faire une exception pour les épaves de navire. La force d’attraction du droit maritime est telle qu’elle régit les épaves de navires trouvées hors de la mer, sur les fleuves ou canaux. Ainsi, le navire même échappé du milieu maritime et devenu épave, reste régi par le droit maritime. Nous verrons la définition exacte d’une épave maritime dans la première partie de notre étude. Section 2 - Changement de paradigme9 autour de l’épave maritime : de la protection des intérêts particuliers à la protection de l’intérêt général La majorité des épaves maritimes a une origine accidentelle liée le plus souvent à un défaut d’entretien de la part des propriétaires de navires ou à de mauvaises conditions météorologiques (ex. le vent violent entraînant le naufrage du Tricolor). Parfois, c’est en raison du lieu géographique dans lequel évoluent les navires (ex. le Titanic naviguant au milieu d’Icebergs). Les épaves peuvent être créées volontairement pour en faire notamment des frayères10 à poissons, mais cela reste anecdotique. En tout état de cause, il semble que l’époque des naufrageurs soit révolue. Ils guidaient les navires sur des récifs ou des hauts fonds afin de les piller11 . Cette funeste pratique a conduit le législateur à 9 Paradigme : désigne une modélisation qualitative des choses 10 Endroit où les poissons viennent frayer, c'est-à-dire pondre ou mettre la laitance 11 M.REMOND-GOUILLOUD, droit maritime, Pédone 1988, no 47, p 39. 11
  • 12. L’enlèvement des épaves définir très tôt et précisément les conditions d’appropriation des épaves maritimes (conditions fixées par le décret n°1547 du 26 décembre 1961 pris en application de la loi n°1262 du 24 novembre 1961). Quand une épave est découverte, des intérêts opposés sont en jeu. D’un côté l’intérêt particulier de chacune des personnes se déclarant avoir des droits sur elle, il s’agit ici du quatuor : inventeur, propriétaire, sauveteur et administration. Le droit, pendant longtemps s’est essentiellement focalisé sur ce problème de redistribution des richesses des épaves (A). Et de l’autre côté l’intérêt général pour lequel l’épave est plus une source de danger qu’une source d’enrichissement (B). Le droit a évolué en prenant en compte cette nouvelle caractéristique. On observe dans l’évolution du droit des épaves un véritable changement de paradigme. Le centre de gravité de l’intérêt pour les épaves s’est déplacé du particulier au général (C). A) L’épave : un objet de convoitise car source d’enrichissement Pendant longtemps le droit des épaves est resté concentré sur le problème de leur appropriation ou sur les intérêts patrimoniaux en conflit12 . La raison principale est que les épaves apparaissaient aux yeux des populations littorales comme « un don de Dieu13 » qu’il fallait partager en respectant tous les acteurs intéressés par elles : le propriétaire, l’inventeur, le sauveteur, et l’administration. Il est vrai qu’à l’époque certains navires transportaient d’immenses richesses, et coulaient chargés d’or et de pierres précieuses. Aujourd'hui, il y a encore de temps en temps de formidables découvertes. Nous pouvons citer l’exemple de l’épave du navire Central America14 qui contenait une cargaison de plus d’une tonne d’or. Cette découverte a conduit à un terrible combat judiciaire opposant l’inventeur, les universitaires à l’origine du projet de recherche, des assureurs, et même… un couvent de moines bénédictins revendiquant des droits sur cette manne céleste. Malheureusement les découvertes sensationnelles sont de plus en plus rares, et bien souvent les épaves apparaissent plus comme une source de danger, de dette ou de responsabilité pour leur propriétaire, que comme une source d’enrichissement pécuniaire. Néanmoins il reste que l’enrichissement peut être recherché ailleurs, sans doute la 12 M.NDENDE, les épaves et la limitation de responsabilité, DMF – 2002, p 1049 13 M.REMOND-GOUILLOUD, droit maritime, Pédone 1988, no 47, p 39. 14 Cette épave fut découverte au large de la Caroline du Sud. 12
  • 13. L’enlèvement des épaves richesse des épaves peut parfois résider dans leur caractère archéologique, historique ou culturel. D’ailleurs, la très célèbre épave du Titanic15 , ainsi que la découverte de la gourmette de Saint-Exupéry ont suscité une vive passion à travers le monde. Une survivante du Titanic, Eva Hart, a déclaré en 1994 : « toute cette immense tragédie me la fait considérer comme une sorte de tombe différente, le navire est son propre mémorial »16 . Le Titanic quitta le port de Southampton et fonça à plus de vingt nœuds vers sa tragique destinée. Plus de 1 500 personnes trouvèrent la mort17 dans cette catastrophe. Cela nous rappelle que les épaves ont une histoire liée à celle des hommes et qu’elles méritent que l’on s’y intéresse. Aujourd'hui les découvertes d’épaves pleines de richesses restent sporadiques, et même s’il faut les traiter avec intérêt, elles sont trop souvent dangereuses et nécessitent d’être retirées. B) L’épave : un objet dérangeant car source de danger Comme nous l’avons indiqué, les épaves sont de plus en plus une source de danger. Leur nombre toujours croissant est sans aucun doute responsable de la méfiance que l’on a aujourd'hui envers celles que l’on nomme parfois si tragiquement « tristes ordures18 ». A titre de preuve, le fichier « épaves » du SHOM indiquait en 1992 la présence en France de 4039 épaves. A la même époque, l’Hydrographic Department recensait 14000 épaves dans les eaux des îles Britanniques19 . Sur les 4039 épaves recensées par le SHOM, 1255 ont un brassage inférieur à 30 mètres, or le tirant d’eau maximal des navires marchands peut être aujourd'hui de plus de 30 mètres. On comprend mieux l’inquiétude justifiée que suscite les épaves. La Manche qui reçoit le trafic le plus dense au monde compterait, à elle seule, pas mois de 3500 épaves. À cela nous pouvons ajouter le problème des navires abandonnés qui constituent un phénomène inquiétant. Ces chiffres doivent être analysés de manière à prendre en considération l’intensification des transports par voie maritime. Ce phénomène risque à moyen terme d’augmenter le nombre d’épaves. En effet, plus il y a de navires en mer, plus il y a de risques de voir le nombre d’épaves augmenter. Parallèlement 15 Source photographique du Titanic : copyright RMS Titanic, Inc. http://www.titanic-online.com 16 http://pagesperso-orange.fr/titanic/page10.htm 17 VOILES ET VOILIERS, hors-série fortunes de mer 50 récits vécus, août 2002. 18 Expression empruntée à M.REMOND-GOUILLOUD 19 L.BALMOND, l’épave du navire, colloque SFDI sur le « navire en droit international », Toulon 1991, Ed. Pédone 1992. p 69 13
  • 14. L’enlèvement des épaves on constate une tendance à l’accroissement de la conteneurisation. Les conteneurs perdus en mer sont des épaves et constituent un danger supplémentaire pour la navigation maritime. Un conteneur qui tombe à l’eau ne coule pas systématiquement à pic, il peut rester entre deux eaux avant de couler, parfois il ne coule pas du tout. Recensement non exhaustif des dangers que font courir les épaves : a) un risque pour les tiers : les autres navires ou usagers de la mer et les sauveteurs Ces épaves ou bâtiments en détresse, devenus obstacles imprévisibles, sont d’abord un risque pour la sécurité de la navigation en augmentant le nombre de collisions ou en gênant considérablement les voies de circulation. La crainte est le sur-accident. L’épave du Pacanas coulé en 1971 dans le Pas-de-Calais a provoqué le naufrage de 3 navires et la disparition de 37 hommes 20 . Une autre illustration de ces dangers en ANNEXE 1 : L’aventure du Tricolor21 devenu épave dans l’un des détroits les plus fréquentés au monde. Elles sont également une menace pour la sécurité des activités maritimes, en particulier pour les activités de pêche. Les épaves deviennent des pièges redoutables pour les chaluts. Quand elles sont constituées de produits HNS22 (Hazardous Noxious Substances) ou si elles sont des engins de guerre (mines, obus), les dangers d’explosion et d’incendie sont très importants. Enfin, une épave est aussi un danger pour le sauveteur qui mû par l’appât du gain ou l’altruisme des gens de mer se met parfois en danger pour la sauver. b) un risque pour l’environnement 20 N.MOSTERT, les supertankers, Paris, 1975, p 86, et C.ROUSSEAU, chronique des faits internationaux, RGDIP, 1972, p 530. 21 CEDRE - Centre de Documentation, de Recherche et d’Expérimentations sur les pollutions accidentelles des Eaux - http://www.cedre.fr 22 substances nocives et potentiellement dangereuses (HNS est le signe anglais) 14
  • 15. L’enlèvement des épaves Les épaves sont un danger pour l’environnement. Elles présentent un risque de pollution. On se souvient de l’Olympic Bravery, échoué en 1976 dans les eaux françaises, qui s’étant brisé avait perdu 1200 tonnes de brut23 . La terrible marée noire provoquée par le naufrage du pétrolier Erika le 11 décembre 1999, restera également présente dans toutes les mémoires. En ANNEXE 2 une présentation de cette catastrophe. C) De la sauvegarde des intérêts particuliers à celle de l’intérêt général Le droit des épaves est une bonne illustration de l’imprégnation historique du droit maritime24 . En effet ce régime a survécu aux bouleversements juridiques de la révolution française. Il a fallu attendre la loi du 24 novembre 1961 relative à la police des épaves maritimes, et son décret d’application du 24 décembre 1961 relatif au régime des épaves maritimes pour voir évoluer les règles de l’ordonnance de la marine de 1681. Comme nous l’avons vu précédemment le droit s’inquiétait surtout de la protection des propriétaires contre les appétits féroces des riverains. Mais subitement le droit adopte une nouvelle posture après trois siècles de stabilité. On s’est aperçu que le navire « a cessé d’être une manne céleste pour les riverains et, est de plus en plus fréquemment, devenu un véritable cadeau empoisonné25 ». L’intérêt privé passe au second plan, et l’intérêt de la collectivité devient prioritaire. On passe de la protection du propriétaire à celle des riverains contre les dangers de l’épave et celle de la collectivité contre les carences du propriétaire. Ainsi la préoccupation majeure des juristes et des autorités maritimes n’est plus l’attribution de la propriété de l’épave, mais la neutralisation des dangers qu’elle peut présenter. Bien entendu les deux problèmes peuvent se présenter dans une même espèce26 . Mais on peut combiner aisément les solutions destinées à rendre inoffensive l’épave, et régler le sort de sa valeur. Le droit des épaves a désormais pour objectif : la protection des intérêts de tous. 23 http://www.bretagne-environnement.org 24 A.VIALARD, DROIT MARITIME, collection droit fondamental, Presse Universitaire de France, édition 1997, p244. 25 Expression emprunté à VIALARD 26 v. J.-Cl. COM., du Pontavice, fasc. 1140, n° 48. 15
  • 16. L’enlèvement des épaves Les épaves maritimes constituent donc un danger qu’il faut neutraliser. Cette neutralisation passe notamment par l’enlèvement de ces épaves devenues des obstacles imprévisibles pour la navigation, et des risques pour l’environnement. C’est aux Etats côtiers, en tant qu’autorités protectrices de l’intérêt général, de tout mettre en œuvre pour supprimer ces dangers. La France étant un Etat côtier, est concernée par cette problématique. Elle sera donc au centre de notre analyse, nous examinerons plus particulièrement sa situation. Dans ce cadre, il convient d’étudier les instruments juridiques mis à la disposition de la France pour obtenir l’enlèvement d’une épave maritime (première partie). Cet enlèvement entraine souvent des frais considérables. Nous verrons que ces frais sont à la charge du propriétaire, mais parfois l’Etat doit financer lui même l’enlèvement. La question qui se pose alors est de savoir si les responsables peuvent lui opposer la constitution d’un fonds de limitation (deuxième partie). 16
  • 17. L’enlèvement des épaves PREMIÈRE PARTIE : INSTRUMENTS JURIDIQUES PERMETTANT À UN ETAT CÔTIER TEL QUE LA FRANCE D’OBTENIR L’ENLÈVEMENT D’UNE ÉPAVE MARITIME Rechercher les fondements juridiques permettant à la France d’intervenir sur une épave maritime, c’est s’enfoncer dans le problème de l’appropriation des espaces par les Etats. Ils sont confrontés à deux ambitions antagonistes. D’un côté, ils veulent des espaces étendus de souveraineté, et de l’autre, ne pas souffrir de la souveraineté des autres. L’adage « la liberté des uns, s’arrête là où commence celle des autres » peut être transformé en la souveraineté des uns s’arrête là où commence celle des autres. C’est pour cela que la mer, en tant qu’espace intéressant les Etats, se retrouve compartimentée, et les possibilités d’action des Etats varient en fonction de la zone maritime dont il s’agit. Ainsi, leur pouvoir d’intervention sur les épaves maritimes est différent selon l’espace maritime dans lequel se trouve l’épave (chapitre préliminaire). De cette manière, la France, ayant souveraineté sur sa mer territoriale, tout comme sur ses eaux intérieures, pourra appliquer sa législation nationale, c'est-à-dire sa loi de police des épaves de 1961 (chapitre 1). Il est plus difficile de déterminer ses pouvoirs sur les autres espaces maritimes, mais la convention de Nairobi signée en 2007 est un instrument important pour l’enlèvement des épaves situées dans les Zones Economiques Exclusives (ZEE) (chapitre 2). Le cas de l’épave en haute mer ne sera pas évoqué ici car, en raison du régime juridique de cet espace, les compétences de l’Etat en haute mer ne peuvent s’exercer que sur les navires 17
  • 18. L’enlèvement des épaves battant son pavillon. Nous nous bornerons à rappeler que la convention de Bruxelles de 29 novembre 1969 complétée par un protocole de 1973 reconnait aux Etats menacés de façon grave et imminente un droit d’intervention en haute mer à l’égard des navires battant pavillon tiers. 18
  • 19. L’enlèvement des épaves Chapitre préliminaire : variation des pouvoirs d’intervention des Etats côtiers sur une épave en fonction de la zone maritime dans laquelle elle se situe A l’heure actuelle il n’existe pas de statut international de l’épave maritime. Il faut entendre par là qu’aucune convention internationale n’offre un panel de solutions pour l’ensemble des épaves susceptibles d’être rencontrées en mer (Section 1). Ainsi, il n’existe pas UNE épave maritime, mais des épaves maritimes. On ne peut raisonner de manière abstraite face à une épave, il faut au contraire l’analyser concrètement, réfléchir au cas par cas. L’épave va se situer dans une zone particulière, et présenter un risque particulier (pour la navigation, ou pour l’environnement). L’épave apparait donc comme un « objet de droit situé » dans une mer compartimentée (Section 2), et les instruments juridiques permettant à un Etat côtier tel que la France d’obtenir l’enlèvement d’une épave varieront en fonction de la zone maritime dans laquelle l’épave se situe. Section 1 - l’absence de statut international de l’épave maritime Le régime juridique des épaves maritimes traduit une lente érosion du droit de propriété. Cette évolution est rythmée par les sinistres consécutifs aux épaves. L’intérêt général devient la priorité, sans nier pour autant le propriétaire. Mais qu’il s’agisse de supprimer les dangers que représente une épave, ou de la protéger, on assiste à une 19
  • 20. L’enlèvement des épaves intervention accrue de la puissance publique. Ces tendances ne sont pas propres au droit français. C’est un mouvement législatif assez général, reposant sur une définition de l’épave proche de celle admise en droit français. Cette convergence aurait pu conduire à l’élaboration d’un statut international de l’épave du navire : il n’en a rien été27 . Le droit international, comme nous le prouve la toute récente convention de Nairobi signée en 2007 se limite à des situations particulières, et ne règle pas l’ensemble des problèmes générés par tous les types d’épaves maritimes et dans toutes les zones maritimes. Cela ne veut pas dire que le droit international se désintéresse du problème. L’épave du navire est évoquée ou mentionnée dans un certain nombre de conventions internationales spécialisées. Nous pouvons citer à titre d’exemple la convention sur la prévention de la pollution des mers résultant de l’immersion des déchets, Londres, 29 décembre 1972 ; le Traité de paix de Lausanne28 mettant fin aux hostilités entre la Turquie et les Alliés, du 24 juillet 1923. Il peut y avoir également des accords mentionnant plus ou moins directement l’épave d’un navire. Mais ces textes spécialisés n’offrent pas de cadre général à l’étude des épaves, ils règlent pour la plupart des rapports de droit privé. Si l’on observe les conventions générales portant sur le droit de la mer, celle de Genève de 1958 et celle de Montégo Bay de 1982, ou Conférence des Nations Unies sur le Droit de la Mer (CNUDM), on constate que l’épave y est ignorée comme si la fortune de mer avait voulu être conjurée. Néanmoins, la CNUDM n’est pas restée sans effet sur les épaves. Elles prennent place dans des espaces maritimes strictement encadrés. Section 2 - l’épave : un « objet de droit situé 29 » dans une mer compartimentée par la CNUDM Les caractéristiques des transports internationaux et des communications, les besoins de recherches scientifiques, les nécessités militaires ont, de tout temps, conduit les 27 L.BALMOND dans le navire en droit international, ed. Pédone 1992, colloque de la société française pour le droit international, p71 28 Ce traité demande aux Hautes parties contractantes de faire respecter et entretenir les cimetières, sépultures, ossuaires… des soldats et marins tombés sur le champs de bataille, il concerne partiellement les épaves de navire. Le champs de bataille pour un marin ne pouvant être logiquement que la mer. 29 Expression empruntée à L.BALMOND, le navire en droit international, ed. Pédone 1992, colloque de la société française pour le droit international, p72. 20
  • 21. L’enlèvement des épaves Etats à revendiquer l’accès libre à des zones étendues de l’espace maritime. De ce fait, certains espaces maritimes échappent à toute appropriation nationale et font l’objet d’une règlementation avant tout internationale. Ainsi, les navires circulant en mer, changent en permanence d’espace, quittant les eaux territoriales de leur Etat, pour aller dans celles d’un autre, en passant par la haute mer. L’évènement transformant le navire en épave peut survenir à tout moment et dans n’importe quelle zone. La mer étant ainsi compartimentée, un Etat ne peut pas agir de la même manière et en toutes circonstances face à une épave. En effet, l’épave est un « objet de droit situé » et la réponse juridique d’un Etat dépend du régime applicable à l’espace dans lequel se trouve l’épave30 . Cette réponse juridique s’inscrit dans la problématique contemporaine de l’évolution des pouvoirs de l’Etat côtier en mer. Présentation succincte des principaux31 espaces maritimes dans lesquels une épave peut être retrouvée, et pouvoirs des Etats correspondants32 : - les eaux intérieures (parfois appelées mer nationale ou territoire maritime) : ce sont celles baignant les côtes de l’Etat et situées « en deçà » de la ligne de base de la mer territoriale (article 8, §1, de la CNUDM). Elles comprennent les ports, les rades, les havres, les échancrures des côtes très découpées33 et les baies historiques, ainsi que le sol et sous sol de ces zones. Ces eaux sont soumises à la souveraineté de l’Etat, la compétence de l’Etat se veut exclusive. - La mer territoriale : elle est constituée de la zone maritime adjacente aux eaux 30 C.DE CET BERTIN, l’Etat et l’épave : droit français et projet de convention internationale, in bulletin d’étude de la marine n°36, janvier 2007, p71 et s. 31 ce n’est pas une liste exhaustive de tous les espaces maritimes. L’objet de cette étude n’est pas de faire du droit de la mer. les détroits, les eaux archipélagiques et le plateau continental sont sous souveraineté de l’Etat côtier concernant la police des épaves. Concernant la « zone », une épave retrouvée au fond peut difficilement être retirée compte tenu des moyens techniques actuels. 32 P.DAILLIER et A.PELLET, droit international public, 7° édition, LGDI, p 1139 et s. 33 fjords, rias 21
  • 22. L’enlèvement des épaves intérieures sur laquelle s’étend la souveraineté de l’Etat, sa largeur ne dépasse pas 12 milles marins mesurés à partir des lignes de base. L’Etat côtier peut y exercer des compétences exclusives tant d’un point de vue économique, que d’un point de vue de police, notamment police des épaves. Le principe de souveraineté de l’Etat côtier sur sa mer territoriale doit tout de même laisser un droit de passage inoffensif34 aux navires étrangers. Il doit être continu et rapide. - La zone contiguë : dans cette portion de mer adjacente à la mer territoriale, l’Etat riverain conserve certains pouvoirs exclusifs mais limités. C’est une zone de transition dont la fonction est d’atténuer le contraste entre le régime de la mer territoriale et celui de la haute mer. Elle fait au maximum 24 miles marins de largeur à partir des lignes de base. Elle ne relève pas de la souveraineté territoriale de l’Etat côtier qui n’y exerce pas sa juridiction, ni même des droits souverains. L’Etat dispose seulement de compétences rigoureusement fonctionnelles de prévention ou de répression des infractions commises dans les espaces placés sous sa souveraineté. - La Zone Economique Exclusive : elle n’autorise pas les Etats à y exercer leur souveraineté, elle leur confère des droits souverains en matière économique. Elle peut s’étendre jusqu’à 200 milles des lignes de base, soit 188 milles pour les Etats qui ont établi une mer territoriale. - La haute mer : c’est une sorte de RES COMMUNIS imparfaite dont tout le monde peut jouir sans se l’approprier. La règle de base est celle de la liberté. La compétence de l’Etat sur les navires battant son pavillon est à la fois plénière et exclusive : il peut, seul, recourir à la contrainte pour faire respecter tant les règles pertinentes du droit international que sa propre réglementation. Mais ce principe ne revêt toutefois un caractère absolu que pour les navires d’Etat affecté à des fins non commerciales. S’agissant des navires marchands, la compétence de l’Etat du pavillon se heurte parfois à celle d’autres Etats. Les possibilités d’intervention des Etats vis-à-vis des navires marchands sont diversifiées. On peut citer l’approche, la reconnaissance et l’enquête de pavillon, le déroutement, la saisie et l’immobilisation, et la destruction si le navire constitue un danger grave et imminent pour l’environnement marin, comme ce fut le cas pour 34 Droit de passage inoffensif : « le fait de naviguer dans la mer territoriale aux fins de la traverser sans entrer dans les eaux intérieure » (art 18 §1 convention de Montego Bay). 22
  • 23. L’enlèvement des épaves l’épave du Torrey Canyon bombardée par l’aviation britannique en 1967. C’est la gravité des dommages subis par les Etats riverains des grands axes de circulation maritime qui ont imposé l’adoption d’un certain nombre de conventions. Ces démarches accentuent les pouvoirs de police des Etats côtiers dans la haute mer. c’est la convention de Bruxelles de 29 novembre 1969 complétée par un protocole de 1973 qui reconnaissent aux Etats menacés de façon grave et imminente un droit d’intervention en haute mer à l’égard des navires battant pavillon tiers (ex. destruction). L’ANNEXE 3 vous propose un schéma simplifié des zones de juridiction de l’Etat côtier d’après la CNUDM. Comme nous venons de le voir, les possibilités d’intervention de la France, et donc ses pouvoirs pour obtenir l’enlèvement d’une épave ne sont pas les mêmes selon que l’épave soit dans sa mer territoriale ou dans sa ZEE. Nous devons maintenant chercher quels sont les instruments juridiques qui permettent à la France d’obtenir l’enlèvement d’une épave maritime. Commençons par le cas d’une épave se situant dans sa mer territoriale (chapitre 1). Nous verrons ensuite le cas d’une épave se situant dans une de ses nombreuses ZZE (chapitre 2). Nous rappelons que nous traiterons uniquement de ces zones maritimes, à savoir eaux intérieure, mer territoriale et ZEE. Compte tenu du droit actuel, elles apparaissent comme étant les zones sur lesquelles les Etats côtiers ont le plus de pouvoirs, notamment concernant l’enlèvement des épaves. 23
  • 24. L’enlèvement des épaves Chapitre 1 : Dans les eaux intérieures et territoriales de la France : application sa législation nationale, la loi de 1961 relative à la police des épaves Les eaux intérieures et la mer territoriale sont une prolongation du territoire terrestre d’un Etat ayant une façade maritime. C’est la raison pour laquelle il peut faire appliquer sa législation nationale. La France applique donc sa loi de police des épaves sur ces deux zones maritimes. Nous devons à la fois étudier le cadre juridique et le champ d’application de ce régime (Section 1), puis s’attarder longuement sur la procédure menant in fine à l’enlèvement de l’épave (Section 2). Section 1 – le cadre juridique et le champ d’application de la loi française de police des épaves Sous-Section 1 - cadre juridique français Les épaves maritimes sont soumises à un régime spécifique différent de celui des autres épaves (terrestres ou fluviales). Il est inscrit en droit français dans : 24
  • 25. L’enlèvement des épaves - la loi n° 61 – 1262 du 24 novembre 1961 relative à la police des épaves modifiée par : o la loi n° 80 – 532 du 15 juillet 1980 o la loi n°82 – 990 du 23 novembre 1982 o la loi n°92 – 1336 du 16 décembre 1992 art 287 en vigueur le 1er mars 1994 - le décret d’application n°61 – 1547 du 26 décembre 1961 modifié par o le décret n°78 – 847 du 3 août 1978 o le décret n°85 – 632 du 21 juin 1985 - l’arrêté du 4 janvier 1965 relatif aux épaves maritimes, modifié par o l’arrêté du 9 janvier 1987 Ces textes ont été modifiés à plusieurs reprises afin de les adapter à l’évolution dont nous avons parlé dans l’introduction. Les textes de 1961 sont complétés par la loi n°85 – 662 du 3 juillet 1985 relatives aux mesures concernant les navires et engins flottants abandonnés et son décret d’application n° 87-830 du 6 octobre 1987. Par ailleurs les biens culturels maritimes font l’objet d’un régime particulier prévu par la loi n° 89 – 874 du 1er décembre 1989 et le décret n° 91 – 1226 du 5 décembre 1991. Vous trouverez en ANNEXE 4 la loi n°61-1262 du 24 novembre 1961 relative à la police des épaves maritimes, et en ANNEXE 5 le décret n°61-1547 du 26 décembre 1961 fixant le régime des épaves maritimes. Pour savoir à quel moment on peut appliquer les règles de droit français sur la police des épaves, on regarde les grands principes de la répartition des compétences des Etats en droit de la mer. Il apparait alors une compétence générale de l’Etat côtier sur ses eaux intérieures et mer territoriale, un droit de contrôle sur la zone contiguë, une compétence finalisée et partielle pour la ZEE et le plateau continental, et enfin une compétence seulement indirecte pour ce qui est de la haute mer.Mais d’autres éléments sont à prendre en compte aujourd'hui. D’une part la convention sur l’assistance du 28 avril 1989, ratifié par la France le 20 décembre 2001, et entrée en vigueur en droit français le 20 décembre 2002. D’autre part la convention de Nairobi adoptée le 18 mai 2007. 25
  • 26. L’enlèvement des épaves Sous-Section 2 - le champ d’application de la loi française de police des épaves Il s’agit du champ d’application matériel (A) et géographique (B). A- Champ d’application matériel : une épave maritime L’article 1er du décret du 26 décembre 1961 définit ainsi les épaves maritimes : « Sous réserve des conventions internationales en vigueur, constituent des épaves maritimes soumises à l'application du présent décret : 1. Les engins flottants et les navires en état de non-flottabilité et qui sont abandonnés par leur équipage, qui n'en assure plus la garde ou la surveillance, ainsi que leurs approvisionnements et leurs cargaisons. 2. Les aéronefs abandonnés en état d'innavigabilité ; 3. Les embarcations, machines, agrès, ancres chaînes, engins de pêche abandonnés et les débris des navires et des aéronefs ; 4. Les marchandises jetées ou tombées à la mer ; 5. Généralement tous objets, à l'exception des biens culturels maritimes, dont le propriétaire a perdu la possession, qui sont soit échoués sur le rivage dépendant du domaine public maritime, soit trouvés flottants ou tirés du fond de la mer dans les eaux territoriales ou trouvés flottants ou tirés du fond en haute mer et ramenés dans les eaux territoriales ou sur le domaine public maritime. Ne sont pas considérés comme épaves au sens du présent décret les navires, engins flottants, aéronefs, marchandises et objets volontairement abandonnés ou jetés en mer ou sur le rivage en vue de les soustraire à l'action de la douane ». Cette énumération appelle quelques commentaires. D’une part le navire n’est une épave qu’à la double condition d’être à la fois en état de non flottabilité et abandonné par l’équipage (A). Ces deux conditions sont cumulatives. Mais les épaves ne sont pas systématiquement d’anciens navires. Nous allons voir que presque tout ce qui est en mer est susceptible de devenir une épave (B), mais qu’il existe tout de même des cas particuliers (C) et des cas exclus (D). a. Epave de navire : non flottabilité et abandon par l’équipage 26
  • 27. L’enlèvement des épaves En 1978, une modification du décret de 1961 a remplacé le terme d’innavigabilité, par le terme non flottabilité. Est-ce plus restrictif 35 ? Ce n’était pas la volonté du législateur. Il a voulu donner au contraire une plus grande marge de manœuvre à l’administration chargée des épaves. Ainsi, la définition de la non flottabilité ne limite plus le caractère d’épave au navire dont la stabilité serait définitivement compromise dans des conditions irréversibles. Il faut y voir la préoccupation d’étendre la législation des épaves aux cas des navires échoués sur le littoral qui peuvent ne se trouver qu’en situation d’innavigabilité provisoire qui cessera dans l’hypothèse d’un déséchouement. Par exemple, plusieurs évènements de ce genre s’étaient produits sur la côte landaise entre le mois de décembre 1976 et le mois de juin 1977. Sept navires étrangers s’étaient échoués à la côte, l’inertie des armateurs lointains, et le contenu des textes en vigueur avaient laissé à l’époque l’administration sans moyens d’agir. En revanche, nous retiendrons que le législateur maintient le critère d’innavigabilité pour les aéronefs, s’agissant d’aptitude à la navigation aérienne dans laquelle la notion de flottabilité n’intervient pas. Concernant l’abandon par l’équipage, la précédente rédaction du texte prévoyait la perte du contrôle du navire par le propriétaire. Ainsi un navire abandonné en pleine mer par son équipage n’était pas forcément abandonné par son armateur. La recherche de ses intentions pouvait entrainer des délais importants rendant le navire dangereux et limitait les initiatives urgentes pour la sécurité de la navigation et pour la protection de l’environnement. C’est pour cela que le décret modificatif du 3 août 1978 reconnait la qualité d’épave au navire « abandonné par l’équipage qui n’en assure plus la garde ou la surveillance ». b. Les autres choses susceptibles de devenir épave maritime36 - les embarcations : Contrairement au cas des navires, il suffit que les embarcations soient abandonnées, c'est-à-dire qu’elles aient échappé au contrôle de leur propriétaire légitime pour être classées épaves, sans qu’il soit nécessaire de soulever la notion de non flottabilité. Il 35 Sur la controverse v. J.-Cl. COM., du Pontavice, fasc. 1140, n° 48. 36 EPAVES MARITIMES, juin 2005, Support pédagogique destiné aux élèves et stagiaires du GE-CFDAM (Groupe Ecole – Centre de Formation et de Documentation des Affaire Maritimes). 27
  • 28. L’enlèvement des épaves demeure tout de même un problème, comment distinguer une embarcation d’un navire ? C’est semble-t-il affaire d’appréciation et de bon sens, en s’appuyant notamment sur le critère de taille. - machines, agrès (abandonnés) Ce sont les parties arrachées par la mer à ce qui fut un navire, après dislocation au cours d’un naufrage ou d’un échouement, l’état de bris étant certain. - ancres et chaînes (abandonnées) Sous l’empire de l’ancienne règlementation, les ancres retirées du fond de la mer en tant qu’épaves faisaient l’objet de dispositions particulières : l’inventeur devenait propriétaire lorsqu’elles n’avaient pas été réclamées dans un délai de 2 mois. Dans la pratique il en était de même pour les chaînes même si elles n’étaient pas nommément désignées par l’ordonnance de 1681. Il convient aujourd’hui de rejeter toute demande présentées en ce sens et de traiter désormais ancres et chaînes comme des épaves ordinaires. - engins de pêche (abandonnés) : Le texte précise bien que sont épaves les engins de pêche « abandonnés », ce qui écarte, en principe, les engins marqués qui ne cessent d’appartenir à leur propriétaire légitime, même si celui-ci en a perdu momentanément le contrôle. - débris de navire et d’aéronef Sont des épaves tous les débris de navire et d’aéronef, autres que ceux indiqués précédemment. Cette précision permet de comprendre que le navire déjà abandonné et en état de non flottabilité lorsqu’il subsiste entier, ne cesse d’engendrer lui-même des épaves en toutes ses parties dispersées après dislocation et bris, sans la moindre exception. - Les marchandises jetées ou tombées à la mer Ce sont sûrement des marchandises transportées à bord d’un navire et séparées de celui-ci : o soit parce qu’elles ont été jetées volontairement à la mer, mais c’est relativement rare aujourd'hui, autrefois c’était plus fréquent notamment 28
  • 29. L’enlèvement des épaves quand il fallait alléger un navire échoué, le redresser après ripage de la cargaison, ou pour toute autre cause mettant en jeu sa sécurité. o soi parce qu’elles y sont tombées, par exemple les conteneurs, les pontées enlevées par une grosse vague… Il semblerait que le fait d’être transportables par voie de mer, rendent transformables en épaves maritimes tous produits, matériaux ou matériels. Le mot « marchandises » recouvre un domaine très vaste. - Les conteneurs La notion d’épaves couvrent largement toutes les choses perdues en mer, qu’il s’agisse d’engins nautiques, de marchandises ou de conteneurs37 . - Tous objets L’article 1er termine son énumération par « … et généralement tous objets… ». Ces objets sont susceptibles d’être des épaves sous réserve qu’ils soient : o sans propriétaire connu, au moins momentanément o trouvés dans les eaux territoriales Cette dernière précision est importante, elle impose, en vue de la définition d’une épave, une condition de lieu de découverte, dont on doit penser qu’elle s’applique à l’ensemble des biens énumérés précédemment. c. les cas particuliers38 - les biens appartenant à l’Etat Quand ils sont trouvés dans les conditions prévues par le décret, les biens appartenant à l’Etat sont bien des épaves maritimes, et la règle générale leur est applicable mais sous réserve des particularités spécifiées à l’article 20 du décret. Ainsi l’Etat peut interdire le sauvetage de biens lui appartenant et devenus épaves maritimes, et il fixe lui-même la rémunération due au sauveteur, et il peut même parfois décider qu’il n’y a pas lieu à indemnisation. 37 JP. BEURIER, DROIT MARITIME, 2006-2007, p233. 38 EPAVES MARITIMES, juin 2005, Support pédagogique destiné aux élèves et stagiaires du GE-CFDAM (Groupe Ecole – Centre de Formation et de Documentation des Affaire Maritimes). 29
  • 30. L’enlèvement des épaves - les biens culturels maritimes Ils recouvrent : les gisements, les épaves, les vestiges, et tout bien présentant un intérêt préhistorique, archéologique ou historique. Leur intérêt sur le plan archéologique ou historique est reconnu par le ministre chargé de la culture après avis du Conseil supérieur de la recherche archéologique. Ils bénéficient d’un régime spécial. La loi du 1er décembre 1989 tient compte des nouvelles techniques de recherche et d’exploration sous les mers, en modifiant la loi du 27 septembre 1941 qui règlemente les fouilles archéologiques. Le terme artistique est supprimé. Afin de protéger ce patrimoine, le champ de protection est étendu à la zone contiguë, c'est- à-dire jusqu’à 24 milles des lignes de base à partir desquelles est mesurée la largeur de la mer territoriale39 . - Les herbes marines C’est une règlementation spécifique qui les concerne, ainsi que celles détachées du fond et trouvées sur le rivage dénommées « goémon épave ». La législation commune sur les épaves ne s’applique pas. - Les marques scientifiques Le marquage des espèces (pour connaitre leur migration et le niveau des stocks), ainsi que le marquage des courants (pour permettre une appréciation des courants de surface et de fond) contiennent des indications relatives à l’adresse à laquelle elles doivent être expédiées. Ces marques doivent être transmises à l’IFREMER. - Les bouteilles contenant des messages Ce sont des épaves, elles doivent donc être traitées comme telles. Sauf circonstances exceptionnelles, leur valeur est nulle, il n’y a pas lieu de leur faire application des mesures prévues pour la gestion des épaves. Néanmoins il faut tenir compte du message qu’elles contiennent pour leur donner une destination. C’est le plus souvent sans intérêt. Les originaux doivent être transmis au Ministère. d. Les cas exclus40 39 Article 33 de la convention des nations unis sur le droit de la mer du 10 décembre 1982. 40 EPAVES MARITIMES, juin 2005, Support pédagogique destiné aux élèves et stagiaires du GE-CFDAM (Groupe Ecole – Centre de Formation et de Documentation des Affaire Maritimes). 30
  • 31. L’enlèvement des épaves Ne sont pas considérées comme épaves : - les cadavres Dans le cadre de l’ancienne législation, les cadavres trouvés en mer ou sur le rivage maritime étaient expressément prévus. Cela permettait de les classer au nombre des épaves maritimes, cela conduisait à la compétence de l’administration maritime. Aujourd'hui aucune disposition de la réglementation de 1961 – 1965 n’y fait plus allusion. L’administration maritime n’étant plus compétente c’est à l’autorité municipale du lieu de débarquement qu’il appartient de prendre les mesure nécessaires (identification ou tentative d’identification, visite médicale, inhumation) dans les mêmes conditions que celles prévues concernant les cadavres découverts sur la voie publique. Cependant les effets trouvés sur les cadavres (bijoux et valeurs) sont des épaves maritimes. Dans la pratique il semble plus simple de laisser les autorités municipales s’en occuper. Dans le cas vraiment exceptionnel ou le sauveteur d’un cadavre réclamerait rémunération il serait fait application du décret de 1961. - les câbles télégraphiques Ils sont rarement abandonnés au sens juridique du terme. Un câble est posé sur le fond, en bon état ou non, en un lieu connu de son propriétaire qui attend une occasion pour le relever ou le réparer. Il est recommandé de ne pas le relever, ni de tenter de le récupérer, mais plutôt de le repérer soigneusement et d’aviser les autorités compétentes. Bien souvent se sont les chalutiers qui crochent les câbles, en pareil cas, au non des règles de protection des câbles sous-marins, ils doivent abandonner sur place leur trait de pêche sans tenter de le récupérer. - les « choses du crû de la mer » La loi du 24 novembre 1961 et le décret du 26 décembre 1961 qui ont abrogé les titre IX du livre IV de l’ordonnance d’août 1681, ont laissé toutefois subsister l’article 29 : « les choses du crû de la mer, comme ambre, corail, poissons à lard et autre semblables qui n’auront appartenu à personne, demeureront aussi entièrement à ceux qui les auront tirées du flot de la mer, ou pêchées sur les flots, et s’ils les ont trouvées sur les grèves, ils n’en auront que le tiers, et les deux autres seront partagés entre nous, ou ceux à qui nous auront donné notre droit et l’amiral ». 31
  • 32. L’enlèvement des épaves Les choses du crû de la mer quand elles sont tirées du fond ou pêchées à la surface ne sont pas considérées comme des épaves, et cela depuis fort longtemps. N’appartenant à personne, elles appartiennent à celui qui les trouve et qui prend la peine de les capturer ou de les récupérer. Quand lesdites choses sont trouvées échouées sur le rivage, la règle est la même (d’une part à cause du silence du décret de 1961 à leur propos, d’autre part à cause du maintien de l’art 29 de l’ordonnance de 1681). - marchandises ou objets abandonnés volontairement Les marchandises et objets volontairement abandonnés ou jetés à la mer ou sur le rivage en vue de les soustraire à l’action de la douane ne sont pas considérés comme épaves. On peut notamment penser à la drogue transportée sur des go-fast41 , que les trafiquants s’empressent de jeter par-dessus bord lorsqu’ils sont poursuivis. B- Champs d’application géographique : dans les eaux intérieures et la mer territoriale Il ne fait aucun doute que les dispositions citées plus haut s’appliquent à toutes les épaves, même étrangères. En effet, ce sont des dispositions de police sanctionnées par la loi pénale. Un Etat, dans le respect du droit de la mer, est fondé à les appliquer dans ses eaux intérieures et dans sa mer territoriale. L’ANNEXE 6 vous montre le tracé des lignes de bases délimitant les eaux intérieures et la mer territoriale de la France (métropole). Les dispositions sur le relèvement des épaves concernent ainsi tout le monde, y compris le propriétaire étranger d’une épave de navire se trouvant dans les eaux territoriales françaises. De la même manière, un navire étranger qui découvre une épave dans ces eaux a l’obligation de prévenir l’administration française. Une difficulté se présente pour les navires en passage inoffensif dans la mer territoriale. L’obligation de notifier la découverte d’une épave pourrait aller à l’encontre du droit de passage inoffensif cher au droit de la mer. mais la loi n°96 – 151 du 26 février 1996 modifiant la loi n°83 – 581 du 5 juillet 1983 impose au capitaine d’un navire étranger de notifier aux affaires maritimes tout évènement de mer entrainant la perte ou risque de perte de marchandises dangereuses, susceptible de constituer un danger pour la sécurité de la navigation ou la préservation de l’environnement. 41 Petite embarcation très rapide que les trafiquants utilisent notamment pour traverser la Méditerranée à toute vitesse. Source : Marine Nationale 32
  • 33. L’enlèvement des épaves De plus, une directive communautaire n°2002/59/CE du parlement européen et du conseil du 27 juin 2002 prévoit que les Etats membres devront prendre toutes mesures appropriées pour que tout navire, battant pavillon communautaire ou pavillon tiers et navigant dans leur zone de recherche et de sauvetage signale immédiatement au centre côtier compétent (ex. CROSS pour la France) tout incident ou accident portant atteinte à la sécurité du navire ou compromettant la sécurité de la navigation voir la simple présence observée par lui d’un colis dérivant. Cette règle s’applique sûrement au navire en simple passage. Cela justifie aujourd'hui une application extensive des règles du décret du 26 décembre 1961. Il y a moins de difficulté concernant le navire en passage inoffensif qui devient une épave. Le navire sort ainsi du simple passage inoffensif, et est pleinement soumis aux dispositions de la loi et du décret de 1961. Section 2 – procédure française menant à l’enlèvement de l’épave C’est à partir de la découverte et la déclaration d’une épave maritime (sous-Section 1) que la procédure française débute, pour aboutir au final à son enlèvement s’il s’avère nécessaire (sous-Section 2). Sous-Section 1 – découverte et déclaration de l’épave par l’inventeur, et conservation par les affaires maritimes A) Découverte de l’épave et déclaration aux affaires maritimes42 a) Découverte Toutes les personnes circulant en mer ont un jour ou l’autre la possibilité de découvrir une épave en mer. Comme nous l’avons vu, presque tout ce qui est en mer est susceptible de devenir une épave. Le découvreur s’appelle l’inventeur. 42 EPAVES MARITIMES, juin 2005, Support pédagogique destiné aux élèves et stagiaires du GE-CFDAM (Groupe Ecole – Centre de Formation et de Documentation des Affaire Maritimes). 33
  • 34. L’enlèvement des épaves C’est à partir de la découverte d’une épave que tout commence, pour aboutir in fine à son enlèvement s’il s’avère nécessaire. b) mise en sûreté de l’épave par l’inventeur/sauveteur L’inventeur d’une épave est tenu, dans la mesure du possible de mettre l’épave en sûreté et notamment de la placer hors des atteintes de la mer. Cet acte va faire de lui le sauveteur de l’épave. La mise en sûreté qu’évoque le décret de 1961 doit s’entendre : - s’agissant des épaves trouvées sur la grève, de leur déplacement hors des atteintes de la mer, les mesures de mise en sûreté définitives étant de la compétence de l’administration. Un arrêté de 1965 dans son article 1 limite la mise en sûreté à un déplacement « dans un lieu aussi proche que possible du lieu de la découverte ». - S’agissant des épaves trouvées en mer, la mise en sûreté consiste surtout, dans la mesure où l’opération apparait possible, à les ramener au port. Cette obligation disparait quand l’inventeur se trouve face à des dangers dus tant à l’épave elle même qu’à son contenu. Dans le cas où celle-ci est identifiée comme dangereuse ou ne peut être identifiée du tout, l’inventeur doit s’abstenir de toute manipulation. C’est à l’administration des affaires maritimes de se charger de toutes les opérations nécessaires à son identification et ensuite à son enlèvement. c) Doit-on parler de sauvetage ou d’assistance ? L’assistance en droit maritime français est une aide apportée à un navire ou à un engin flottant assimilé au navire, s’il se trouve en danger. Le sauvetage quant à lui se définit comme une aide donnée à un engin flottant, en état de non flottabilité que le propriétaire a manifestement abandonné. Contrairement à certains pays européens comme le Royaume-Uni, le Danemark ou les Pays-Bas, le législateur français crée une différence entre le phénomène de l’assistance maritime, et celui du sauvetage. En effet, l’assistance a été prévue pour la première fois dans l’ordonnance de 1681, pour remplacer le pillage, dont nous avons parlé précédemment, par la solidarité des gens de mer qui est aujourd'hui un pilier de la navigation maritime. N’oublions pas que la mer est un milieu hostile à l’homme, et ces dispositions sont inspirées par la solidarité qui doit 34
  • 35. L’enlèvement des épaves exister face aux périls de la mer. Cette obligation d’assistance a été légalisée par la loi du 10 mars 1891. La convention de Bruxelles de 1910 ratifiée par la France en 1913 n’opère aucune différence entre assistance et sauvetage. Elle a été influencée par le droit anglo-saxon qui ne distingue pas le navire « avant sinistre » du navire « sinistré ». La loi du 29 avril 1916 introduit le mécanisme de la convention mais n’éteint pas la distinction et les controverses doctrinales43 . Cette différence a été remise en cause par l’application de la convention de Londres de 1989, alors que le droit antérieur distinguait nettement entre l’assistance aux navires et le sauvetage des épaves, cette convention inclut dans son domaine « tout acte entrepris pour assister un navire ou tout autre bien en danger dans les eaux navigables ou dans n’importe quelles eaux ». Ainsi, quand une personne récupère un conteneur tombé à l’eau, cette action devient non plus un sauvetage d’épave, mais un fait d’assistance soumis à la convention de 1989. Aujourd'hui, même si la distinction entre assistance et sauvetage ne se justifie plus tellement en raison des influences du droit anglais sur les règles maritimes, existe toujours le principe de l’obligation d’assister un engin et son équipage en détresse alors que cette obligation disparait si l’engin est abandonné et innavigable et devient une épave. d) déclaration à l’administrateur44 des affaires maritimes ou à son représentant L’inventeur de l’épave doit immédiatement ou au plus tard dans les 48 heures de la découverte en faire la déclaration à l’administrateur des affaires maritimes ou à son représentant. Si l’épave a été trouvée en mer, ce délai court depuis l’arrivée au premier port. Toute épave susceptible de présenter un danger pour la navigation doit 43 RIPERT, traité de droit maritime, t.III, p124. 44 Les administrateurs des affaires maritimes (AAM), officiers de la marine nationale, sont des cadres de direction dont les fonctions sont extrêmement variées puisqu’elles peuvent les amener à exercer à l’étranger en tant que conseil ou expert. Leurs domaines de compétence sont larges et concernent notamment : l’application de la politique économique du département ministériel chargé de la mer ; les interventions économiques de l’Union européenne et de l’État quant aux pêches maritimes, la conchyliculture et l’aquaculture ; l’association aux opérations d’aménagement du littoral et de la protection de la qualité des eaux ; l’application des réglementations internationales et nationales tendant à assurer la sécurité de la navigation maritime. http://www.mer.developpement-durable.gouv.fr 35
  • 36. L’enlèvement des épaves être immédiatement signalée à l’autorité qualifiée pour la transmission de l’information nautique : DDAM ou CROSS 45 . Ils assureront le transfert de l’information. La même procédure doit s’appliquer pour signaler la disparition du danger quand l’épave a été déplacée, enlevée ou détruite. Dans le cas d’une épave dangereuse ou dont le contenu ne peut être identifié, cette déclaration doit être faite immédiatement soit à l’administration des affaires maritimes, soit à toute autre autorité locale, à charge ensuite pour elle de prévenir le directeur départemental des affaires maritimes. Quand il s’agit d’une épave d’aéronef, la déclaration aux affaires maritimes, se double d’une déclaration auprès des autorités municipales en application de l’article R.1421 du code de l’aviation civile. La déclaration est écrite ou verbale, quand elle est verbale il est établi un procès- verbal signé du déclarant. Quand l’épave est ramenée par un navire, sa découverte est mentionnée au journal de bord, ainsi qu’au manifeste douanier. En cas de dépôt d’une épave dans un port étranger par un navire français, quel que soit le lieu de la découverte, aucune déclaration n’est demandée par les autorités françaises dès lors que les formalités prévues par la loi locale ont été accomplies. La déclaration de découverte d’un bien culturel maritime doit être effectuée dans le même délai. Cette obligation est sanctionnée pénalement, le détournement d’épave étant puni comme le vol et le recel. e) rémunération du sauveteur Le sauveteur d’une épave a droit à une indemnité calculée en tenant compte : 45 centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage (CROSS) Dépendant des directeurs régionaux des affaires maritimes et placés sous l’autorité opérationnelle des préfets maritimes, armés par des personnels militaires des affaires maritimes et de la marine nationale, les CROSS constituent l’ossature du dispositif de surveillance maritime français. A leur mission initiale qui était d’assurer la direction et la coordination des moyens des différentes administrations en matière de recherche et de sauvetage en mer, se sont ajoutées la surveillance de la navigation maritime, des pollutions marines, la police des pêches maritimes, la diffusion de renseignements de sécurité maritime et de réception puis transmission des alertes ou d’informations liées à la sûreté des navires . Il existe cinq centres principaux et un centre secondaire répartis sur le littoral métropolitain ainsi que deux centres principaux en outre-mer aux Antilles et à La Réunion. La création de deux autres centres dans le Pacifique, un en Polynésie française, à Papeete, et un Nouvelle Calédonie, à Nouméa, est programmée. http://www.mer.developpement-durable.gouv.fr Photographie provenant du même site. 36
  • 37. L’enlèvement des épaves - des frais exposés y compris la rémunération du travail accompli - de l’habileté déployée, du risque couru et de l’importance du matériel de sauvetage utilisé - de la valeur en l’état de l’épave Ce droit à rémunération se prescrit par 2 ans à compter du jour marquant la fin des opérations de sauvetage. Cette rémunération est assorti d’un privilège sur l’épave sauvée tout comme les frais engagés par un service public. B) Protection et sauvetage de l’épave par les affaire maritimes, puis restitution Nous l’avons noté dès la partie préliminaire, nous avons assisté à un changement de paradigme. Aujourd'hui les textes se soucient davantage des dangers que pourraient causer les épaves et donc de l’intérêt général. Il reste néanmoins que le droit de propriété, et les intérêts particuliers du propriétaire ne sont pas oubliés. L’administration doit tout faire pour que l’objet retourne à son propriétaire. Pour cela elle doit prendre toutes les mesures utiles pour la sauvegarde et la conservation des objets devenus épaves. Comme nous l’avons vu l’inventeur d’une épave en fait la déclaration et est tenu de prendre les premières mesures de mise en sûreté. Ensuite ce sont les affaires maritimes qui prennent le relais. D’après l’article 3 du décret de 1961, les épaves sont placées sous la protection et la sauvegarde de l’administrateur des affaires maritimes, qui prend toutes les mesures utiles pour le sauvetage et veille à la conservation des objets sauvés. Parfois il est plus pratique de demander au sauveteur d’être le gardien de ce qu’il a trouvé. Mais pour éviter de mauvaises surprises le même article dégage l’administration de toute responsabilité : ces objets demeurent aux risques des propriétaires, leur détérioration, altération ou déperdition ne peut donner lieu à des dommages et intérêts, quelle que soit la cause du dommage. Les pouvoirs de l’AAM : 37
  • 38. L’enlèvement des épaves Ce sont donc essentiellement des pouvoirs de protection des épaves. Il peut requérir46 toute personne physique ou morale capable de participer au sauvetage, ainsi que tous les moyens de sauvetage et magasins. Il peut par exemple demander l’assistance des autorités locales ou de la force armée pour prévenir le pillage, et demander les services des personnes capables d’assurer le gardiennage… Il peut même donner l’ordre d’occuper ou de traverser des propriétés privées. Cette réquisition doit se faire par écrit. On doit estimer que ces réquisitions devront se référer aux textes réglementaires qui les autorisent : décret du 26 décembre 1961, article 3, et l’arrêté du 4 février 1965 article 5. Elles devront préciser : - L’identité des prestataires - Les moyens mis à la disposition de l’administration - Et tous les éléments qui permettront ultérieurement de fixer le montant des indemnités de réquisition. L’AAM doit fait preuve de prudence, et ne pas user de son droit de réquisition avec excès. Les frais engagés ne doivent pas dépasser la valeur de l’épave. L’objectif est de restituer l’épave à son propriétaire. Le fait pour un objet quelconque de répondre à la définition d’épave maritime ne modifie en rien les droits de propriété légitimes. Cependant le propriétaire est tenu de revendiquer ses droits. C'est-à-dire de faire connaitre à l’AAM chargé de la gestion de l’épave qu’il entend reprendre possession de son bien, les droits des tiers étant réservés. La revendication doit être exprimée par écrit, et contenir justification des droits du réclamant. Elle est produite dans un délai de 3 mois à partir : - de la publication des avis de recherche lancés par l’administration dans le cas où le propriétaire n’est pas identifié - de la notification qui lui en est faite s’il est connu, directement le cas échéant, indirectement par la voie du consulat s’il est étranger. L’acte de revendication contient une déclaration du propriétaire précisant ses intentions quant au sort de l’épave. A noter que le délai de 3 mois peut être réduit en cas d’urgence (épave dangereuse, ou denrées périssables). 46 R.REZENTHEL, le régime des épaves maritimes, DMF2007, n°679 navire transport maritime gens de mer. 38
  • 39. L’enlèvement des épaves Si ces formalités sont satisfaites et qu’il n’est soulevé aucune contestation sur les sommes à payer par le propriétaire, l’épave lui est remise avec un procès-verbal de restitution. Ainsi, les droits du propriétaire sont garantis sous réserve qu’il revendique son bien. Soit il récupère son épave déjà « sauvée » par le sauveteur (inventeur ou affaires maritimes), soit il doit procéder lui même au sauvetage. Il dispose alors 3 mois pour le faire, délai qui peut être réduit en cas d’épave dangereuse. Le propriétaire a l’obligation de supprimer ce caractère dangereux. Nous allons voir maintenant que dans le cas d’une épave dangereuse, l’administration a des pouvoirs importants (Section 2). Sous-Section 2 – pouvoirs de l’administration française pour faire procéder à l’enlèvement de l’épave Le décret du 3 aout 1978 introduit la protection de l’intérêt général, qui avait été ignorée lors de la rédaction de la loi de 1961. Cette notion a été à nouveau affirmée à la suite de l’intervention de la loi du 23 novembre 1982. Le décret avait confié cette protection à l’AAM, mais depuis cette date sont intervenues la décentralisation et la déconcentration. Tout naturellement, le décret du 21 juin 1985 a tenu compte de cette évolution et par la même, l’AAM a été déchargé de ce rôle de protecteur de l’intérêt général au profit de l’autorité chargée de cette protection. Une épave menace l’intérêt général quand elle présente un danger, aussi afin de supprimer le caractère dangereux, l’article 6 du décret du 26 décembre 1961 modifié précise quelle sera l’autorité compétente qui devra prendre les mesures nécessaires. La première de ces mesures sera la mise en demeure faite au propriétaire de supprimer le caractère dangereux de l’épave, c’est une obligation pour lui (A). La deuxième, dans le cas où le propriétaire est inconnu ou refuse d’agir, consiste pour l’autorité compétente à procéder d’office à la suppression de ce caractère dangereux (B). A) l’enlèvement : une obligation du propriétaire La police des épaves impose tant au propriétaire d’une épave qu’à celui qui la découvre des obligations précises. Le propriétaire a l’obligation de procéder à l’enlèvement de toute épave présentant un caractère dangereux pour la navigation ou pour l’environnement. En cas de carence, l’administration peut le mettre en demeure. 39
  • 40. L’enlèvement des épaves a) quelle est l’autorité compétente pour procéder à la mise en demeure ?47 Le propriétaire de l'épave dangereuse est dans l'obligation de procéder à sa récupération, son enlèvement ou sa destruction. Il est mis en demeure, selon l'article 3 du décret du 6 octobre 1987, d'après la localisation de l'épave par : - le préfet maritime o dans les ports militaires, avec délégation aux COMAR (commandants maritimes) o dans le cadre de son autorité de police administrative générale en mer à partir de la laisse de basse mer. Il délègue souvent cette compétence aux AAM. - le président du conseil général pour les ports départementaux. - le directeur du port autonome. - le préfet du département pour les ports non autonomes relevant de la compétence de l'État. - le maire, pour les ports communaux. S'il existe un doute sur la limite de partage des compétences entre l'une de ces autorités et le préfet maritime, l'autorité présumée compétente et le préfet interviennent conjointement : c'est le cas dans les chenaux d'accès. L'autorité compétente pour adresser la mise en demeure doit adapter sa forme en fonction de son destinataire : il s'agit de distinguer selon que le propriétaire de l'épave est connu ou non. b) la forme de la mise en demeure48 adressée au propriétaire connu Les mises en demeure varient en fonction de la nationalité du propriétaire : - si le propriétaire est français : la mise en demeure fait l'objet d'une notification, 47 EPAVES MARITIMES, juin 2005, Support pédagogique destiné aux élèves et stagiaires du GE-CFDAM. Pour toute diffusion externe à l’administration l’autorisation doit être demandée par écrit au directeur du GE- CFDAM. 48 Charlotte LALLEMENT, LES EPAVES DANGEREUSES DE NAVIRES DANS LES PORTS MARITIMES, Doctorante au C.D.M.O. 40
  • 41. L’enlèvement des épaves - si le propriétaire est étranger : la notification est adressée au consul de l'Etat dont il est ressortissant, - si le propriétaire est étranger et de nationalité différente de celle de l'Etat d'immatriculation du navire : la notification est adressée au consul de l'Etat dont le navire bat le pavillon. Quand le propriétaire est inconnu : La mise en demeure relève de l’appréciation souveraine de l’autorité qui doit y procéder. Lorsque l’épave constitue un danger grave et imminent pour la navigation, la pêche ou l'environnement, l’Administration intervient en cas de carence du propriétaire inconnu ou ne pouvant être avisé en temps utile. Dans ce cas la mise en demeure n'est pas nécessaire mais quand elle a lieu, elle est faite par voie d’affiches ou d’insertions dans la presse. - Si le navire devenu épave est étranger, la notification est faite au consul de l'Etat d’immatriculation. Lorsque la notification est impossible, la mise en demeure est faite uniquement par voie d’affiches ou d’insertions dans la presse. c) contenu et effets de la mise en demeure D’après l’article 8 du décret de 1985, la mise en demeure accorde un délai au propriétaire pour l'accomplissement des opérations indispensables. Les textes ne donnent aucune indication sur le délai de mise en demeure, il peut être très variable en fonction des circonstances : d’une heure à plusieurs semaines. Le juge ne sanctionnera que l’erreur manifeste d’appréciation49 , en cas de délai trop court. La mise en demeure est considérée restée sans effet lorsque les travaux de relèvement ou de démolition n’ont pas été commencés ou achevés dans les délais. La déchéance des droits du propriétaire de l’épave peut être prononcée par décision du Ministre chargé de la Marine Marchande, à l’expiration du délai que celui-ci aura fixé au propriétaire pour exécuter les mesures prescrites. Si le propriétaire n'accomplit pas les opérations nécessaires passé ce délai, l’autorité compétente peut intervenir pour les faire effectuer (article 8 alinéa 2 du décret de 1985). 49 l’erreur manifeste d’appréciation : théorie jurisprudentielle imaginée par les juridictions administratives pour étendre leur contrôle sur le pouvoir discrétionnaire de l’administration, leur permettant face à ce qu’elles considèrent comme des erreurs particulièrement flagrantes de celle-ci, de contrôler l’appréciation des faits à laquelle elle s’est livrée. R.GUILLIEN et J.VINCENT Lexique des termes juridiques, Dalloz, 13° édition, 2001. 41
  • 42. L’enlèvement des épaves Il convient donc d'étudier les cas dans lesquels l'administration interviendra (B). B) en cas de défaillance du propriétaire ou d’urgence : l’Etat procède lui même à l’enlèvement de l’épave Comme nous l’avons vu, le propriétaire a l’obligation de procéder lui même au relèvement de son épave. Mais dans plusieurs circonstances l’administration peut être amenée à faire elle même cette opération (a). Elle le fait aux frais et risques du propriétaire (b), qui ne peut d’ailleurs plus faire l’abandon de son épave (c). a) cas dans lesquels l’administration procède elle même à l’enlèvement : - l’administration peut procéder d’office à la récupération de l’épave : o si le propriétaire est inconnu o s’il ne peut être avisé en temps utile (art 7 du décret du 26 décembre 1961) o si la mise en demeure est restée sans effet - l’administration peut également intervenir à la demande du propriétaire, à ses frais et risques (article 8 du décret du 26 décembre 1961). - L’administration procèdera à l’enlèvement en cas de danger grave et imminent sans mise en demeure. Nous pouvons citer à titre d’exemple l'arrêt du Conseil d'État du 23 octobre 1987, dans cette espèce un navire abandonné chargé d'explosifs dérivait, à demi-submergé, et fut détruit par la Marine Nationale : le Conseil d'État donna raison à la Marine Nationale d'avoir agi immédiatement sans mettre en demeure le propriétaire, car il y avait un danger grave et imminent. b) toutes ces interventions sont à la charge du propriétaire L’administration n’assume pas les risques de ses interventions car elle n’est pas un sauveteur ordinaire ni un gérant d’affaires. Cette précision met à l’abri l’administration d’éventuelles poursuites que pourraient exercer des particuliers à son encontre du fait d’une erreur de manipulation de sa part, surtout en matière de cargaisons dangereuses : en 42
  • 43. L’enlèvement des épaves matière de sauvetage ordinaire en effet, le sauveteur serait responsable de sa maladresse envers les propriétaires de l’épave (ou à l'égard des tiers), si celle-ci entraînait la perte ou des avaries supplémentaires à l’épave. De même, l'administration n'est pas un gérant d'affaires au sens de l'article 137250 du Code civil : elle n'a pas à se soumettre aux obligations qui résulteraient d'un mandat exprès que lui aurait donné le propriétaire. L'administration intervient donc aux frais et risques du propriétaire. D’une part même en cas de déchéance de ses droits, le propriétaire devra procéder au remboursement des frais engagés (c). Et d’autre part il ne pourra plus faire abandon de l'épave depuis la condamnation définitive de cet abandon par la loi du 3 janvier 1967 (d). c) déchéance du droit de propriété mais pas des frais engagés antérieurement La loi du 24 novembre 1961 prévoit dans article 1er que le propriétaire dûment mis en demeure, qui refuse ou néglige de procéder au sauvetage de l’épave, subira la déchéance de son droit de propriété. Elle sera prononcée par le ministre chargé de la Marine Marchande. La nouveauté introduite par la loi du 23 novembre 1982 est la possibilité de prononcer la déchéance du droit de propriété quand l’épave remonte à plus de 5 ans. Cela permet à l’administration de se débarrasser des épaves abandonnées par leur propriétaire dès qu’il y a des volontaires pour leur récupération. Le plus important c’est qu’en cas de déchéance du droit de propriété, rien de s’oppose au recouvrement des frais engagés antérieurement par les autorités compétentes. C’est d’ailleurs ce qui bloqua pendant longtemps le consensus autour de ce texte. d) L’impossibilité d’abandon de ses droits par le propriétaire 50 Art 1372 code civil : Lorsque volontairement on gère l'affaire d'autrui, soit que le propriétaire connaisse la gestion, soit qu'il l'ignore, celui qui gère contracte l'engagement tacite de continuer la gestion qu'il a commencée, et de l'achever jusqu'à ce que le propriétaire soit en état d'y pourvoir lui-même ; il doit se charger également de toutes les dépendances de cette même affaire. Il se soumet à toutes les obligations qui résulteraient d'un mandat exprès que lui aurait donné le propriétaire. 43
  • 44. L’enlèvement des épaves Indépendamment du fait que le propriétaire peut se laisser déposséder de ses droits sur l’épave par le jeu de la déchéance, il pouvait encore avant la loi du 3 janvier 1967 portant statut des navires et autres bâtiments de mer, les abandonner purement et simplement par un acte volontaire. C’était la faculté d’abandon. Cette formalité l’exonérait de tous les frais entrainés par la présence ou l’enlèvement de l’épave ! Depuis cette loi de 1967, qui a abrogé l’article 216 du code de commerce instituant l’abandon, il ne peut plus user de la faculté d’abandon du navire. Cette faculté était également prévue par le décret du 26 décret 1961. Il est en effet personnellement responsable de tous ses biens. Comme nous l’avons vu, le droit permet à la France d’obtenir l’enlèvement d’une épave maritime sans trop de difficulté dans ses eaux sous souveraineté. La situation est différente dans les eaux extraterritoriales. A l’heure actuelle, la France a une petite marge de manœuvre dans ses Zones Economiques exclusives. Mais la toute récente convention de Nairobi signée en 2007 permettra, dès son entrée en vigueur, à la France de pouvoir se protéger des conséquences dommageables des épaves maritimes (chapitre 2). 44
  • 45. L’enlèvement des épaves Chapitre 2 : L’apport de la convention de Nairobi, signée en 2007, aux pouvoirs de l’Etat côtier sur les ZEE ou dans la limite des 200 miles marins des lignes de base Il convient de faire un état des lieux du droit des épaves dans les ZEE (Section 1), avant de constater l’apport bénéfique de la convention de Nairobi (Section 2). Section 1 – l’état actuel du droit dans les ZEE51 La question est de savoir si l’on peut étendre le régime français dans les ZEE de la France, voir dans sa Zone de Protection Ecologique (ZPE) ou sur son plateau continental. Il est très incertain que la France puisse imposer sa loi de police des épaves sur ces espaces maritimes. L’article 56 de la CNUDM ne reconnait à l’Etat côtier sur sa ZEE que des « droits souverains aux fins d’exploitation, de conservation, et de gestion des ressources naturelles… des eaux surjacentes aux fonds marins ». Elle lui confère aussi « juridiction » notamment pour la « protection et la préservation du milieu marin ». Il est délicat de 51 Sur les problèmes posés par les épaves, voir P. Bonassies, Encyclopédie Dalloz de droit international, rubrique Epave maritime. 45
  • 46. L’enlèvement des épaves déduire de ce texte l’affirmation d’un pouvoir général de police de l’Etat côtier sur sa ZEE, comme sur toute zone de protection écologique. On peut éventuellement admettre que la France puisse imposer au capitaine d’un navire battant pavillon étranger ou à l’armateur de ce navire une obligation de déclaration ou de relèvement pour une épave présentant un danger pour le milieu marin. On peut même imaginer, qu’il puisse le faire pour une épave lui faisant obstacle pour exploiter sa zone économique. Il est possible à la France, de prendre les mesures appropriées à l’égard de l’épave d’une ile artificielle, d’une plate forme de forage ou de toute autre installation susceptible de faire obstacle à la sécurité de la navigation. La compétence de l’Etat étant ici prévue par l’article 60 de la CNUDM. Le même raisonnement doit être suivi s’agissant du plateau continental. C’est seulement dans des situations exceptionnelles, où l’exploitation ou l’exploration des ressources naturelles seraient menacées, que l’Etat côtier pourrait faire usage de ses droits de police. Nous allons maintenant étudier ce qu’apporte la convention de Nairobi. Plusieurs années passeront avant que cette convention n’entre en vigueur. Il n’est pourtant pas sans intérêt de s’intéresser à elle. L’apport est certain ! Car en l’état actuel du droit, international et français, l’administration française ne peut intervenir à l’égard d’un navire étranger en ZEE qu’au cas où il y a menace de pollution. Une menace pour la sécurité de la navigation n’autorise pas, en principe, l’intervention des autorités françaises. Mais cette intervention sera possible, une fois la convention de Nairobi en vigueur. 46
  • 47. L’enlèvement des épaves La France a tout intérêt à voir cette convention entrer en vigueur. Comme nous le montre cette carte, elle possède de nombreuses ZEE d’une superficie totale de 11.035.000 km², dont 5,03 millions en Polynésie française et 1,74 en Nouvelle-Calédonie52 . En ANNEXE 7 vous trouverez un tableau recensant les textes relatifs aux ZEE françaises. Section 2 – Dans les ZEE : les apports de la convention de Nairobi de 2007 A) les origines de la convention de Nairobi de 200753 C’est grâce à une initiative conjointe de l’Allemagne, de la Grèce, des Pays-Bas et du Royaume-Uni que la question des épaves a été portée dès 1993 à l’ordre du jour du comité juridique de l’Organisation Maritime Internationale (OMI). Ce sont les problèmes de navigation auxquels étaient régulièrement confrontés les navires faisant escale dans les ports de ces Etats, en raison de la présence d’épaves dans les eaux extraterritoriales, qui ont motivé cette initiative. Les législations nationales étaient dans l’impossibilité de maîtriser ces problèmes. Les travaux menés ont conduit à la signature, le 18 mai 2007, de la convention internationale de Nairobi sur l’enlèvement des épaves. Cette convention est annexée au présent mémoire. ANNEXE 8 : Nairobi international convention on the removal of wrecks, 200754 . Les articles infra ont fait l’objet d’une traduction personnelle. Elle entrera en vigueur 12 mois55 après la date à laquelle, dix Etats (quel que soit le tonnage global cumulé représenté par leurs marines marchandes), soit l’auront signée sans avoir émis de réserve quant à sa ratification, son acceptation, ou son approbation, soit 52 source des chiffres et de la carte : wikipédia 53 Lamy environnement – l’eau. Partie 5, titre 4, étude 543 gestion des épaves, Section 1. http://wwwlamylinereflex.fr 54 www.imo.org 55 DMF 2008. N° 12 supplément, le droit positif français en 2007. 47
  • 48. L’enlèvement des épaves auront déposé un instrument de ratification, d’acceptation ou d’adhésion auprès du secrétariat général de l’OMI. B) objet et principes de la convention de Nairobi La convention de Nairobi sur les épaves a une double préoccupation. Tout d’abord fixer sur le plan international des règles et des procédures qui garantissent l’enlèvement rapide et efficace des épaves qui sont dans les eaux extraterritoriales et jugées dangereuses au regard des risques qu’elles font courir à la fois à la navigation et à l’environnement. Ensuite, garantir le règlement et le remboursement des frais liés à la localisation, la signalisation et l’enlèvement de ces épaves. Elle pose pour principe général que tout Etat partie est en droit de prendre les mesures nécessaires à l’enlèvement d’une épave qui présente un danger dans la zone qu’elle vise. Elle donne également, un certain nombre de dispositions importantes pour sa mise en œuvre. Elle indique notamment, que les mesures prises pour l’enlèvement doivent être proportionnées au danger (article 2 § 2). Proportionné signifie que les mesures prises ne doivent pas aller au-delà de ce qui est raisonnablement nécessaire pour mener à bien l’opération. Elles doivent prendre fin dès que l’épave a été enlevée, et ne pas porter atteinte de manière injustifiée aux droits et intérêts des autres Etats ou de toute autre personne morale ou physique intéressée (article 2 § 3). De plus, les Etats parties doivent coopérer quand les effets d’un accident, cause d’une épave, touche un Etat autre que celui dans les eaux duquel se trouve l’épave. C) champ d’application de la convention de Nairobi a. champ d’application géographique : ZEE ou dans la limite des 200 milles marins à partir des lignes de base La convention s’applique à la ZEE de tout Etat partie, ou si cette zone n’a pas été établie, à toute zone située au-delà de la mer territoriale et adjacente à celle-ci et ne s’étendant pas au-delà des 200 milles marins des lignes de base à partir desquelles est mesurée la largeur de la mer territoriale (article 1 § 1). 48
  • 49. L’enlèvement des épaves Ce champ exclut donc à la fois les eaux territoriales des Etats parties, et la haute mer. Cependant, d’après l’article 3 § 2, tout Etat à la faculté d’élargir la portée de cette convention. C'est-à-dire qu’il peut inclure les épaves qui se trouvent dans les limites de son territoire, notamment la mer territoriale et les eaux intérieures. Toutefois, il ne peut le faire que s’il manifeste son intention au secrétaire général de l’OMI. Il faut noter, que du fait de cette extension, un certain nombre de dispositions de la convention ne seront pas applicables aux eaux territoriales. b. champ d’application matériel 1. les navires au sens large Certes, cette convention s’applique aux navires. Mais il est pris dans son sens le plus large. Ainsi la définition donnée correspond à celle retenue par d’autres conventions maritimes telle que la convention internationale du 29 novembre 1969 sur l’intervention en haute mer en cas d’accident entrainant ou pouvant entrainer une pollution par hydrocarbure. Elle exclut : - les plates-formes flottantes : quand elles se livrent à des activités d’exploration, d’exploitation ou de production des ressources minérales des fonds marins. - les plates-formes fixes : car elles ne sont couvertes ni par les conventions traitant de l’assistance ou de l’intervention en haute mer, ni par celle de Londres sur la limitation de responsabilité. - les navires de guerre et les navires appartenant à un Etat partie ou exploités par lui, tant que celui-ci les utilise exclusivement à des fins gouvernementales et non commerciales. Mais un Etat peut en décider autrement, s’il l’indique au secrétariat général de l’OMI. - les navires coulés à des fins d’exploitation. Ils sont visés à l’article 4 du protocole de 1996 de la convention de 1972 sur la prévention de la pollution des mers résultant de l’immersion des déchets. Les dispositions qui leur sont applicables relèvent des directives spécifiques aux déchets, applicables aux navires destinés à être éliminés. 2. La convention donne sa propre définition d’une épave 49
  • 50. L’enlèvement des épaves L’article 1 § 4 de la convention précise que constitue une épave : - tout ou partie d’un navire naufragé ou échoué, y compris tout objet se trouvant ou s’étant trouvé à bord d’un tel navire, ou - tout objet perdu en mer par un navire tel que les conteneurs, cargaison en pontée…, et qui est échoué, submergé ou à la dérive en mer, ou - un navire sur le point de couler ou de s’échouer, ou dont le naufrage ou l’échouement peuvent être raisonnablement attendus, si aucune mesure efficace destinée à prêter assistance au navire ou à un bien en danger n’est déjà en train d’être prise. Ainsi, n’est pas une épave un navire naufragé ou échoué restant sous le contrôle ou que le propriétaire pourrait envisager de relever. D’après l’article 1 § 3, la situation de l’épave ne peut être que la conséquence d’un accident de mer. Par exemple : un abordage, un échouement, un incident de navigation… La convention caractérise l’épave par son origine qui se trouve dans un accident maritime, et non par son état qui n’est pas nécessairement l’abandon (ce que fait le droit français). 3. L’épave doit constituer un danger La convention de Nairobi a pour objectif de donner des possibilités d’action aux Etats afin de limiter les dangers potentiels d’une épave. Elle énumère dans son article 6, quinze critères permettant d’établir qu’elle constitue bien un danger. Citons notamment : - la profondeur d’eau - la proximité de routes maritimes ou de voies de circulation établies - la densité et la fréquence du trafic - la nature et la quantité de la cargaison de l’épave - la hauteur de l’épave au dessus et en dessous de la surface de l’eau - etc. D) la procédure à suivre 50