2. « L’amour ne commence ni ne finit comme nous le croyons. L’amour est une bataille, l’amour est une
guerre, l’amour grandit. » James Baldwin
- Nana…
- Mon petit trésor, que fais-tu debout ? Viens dans mes bras.
- Nana, je n’arrive pas à dormir.
- Oh, mais que s'est-il passé ?
- J’ai fait un cauchemar.
- Allons, allons. Tu es avec moi maintenant, n’aie plus peur.
- Nana ? Tu peux me raconter une de tes histoires ?
- Une de mes histoires. Voyons. Ah ! Ecoute bien ma petite Sophie, c’est une histoire d’amour : la
fabuleuse histoire du soldat « Petit Cœur ».
-o-o-
Il était une fois, un pays qui convoitait l’Amour. Il déclara donc la guerre et envoya son
armée en quête du trésor fabuleux dont le pays Amour détient tous les bienfaits. C’est donc ainsi, que le
soldat Petit Cœur fut mobilisé à 18 ans, comme beaucoup de jeunes de son âge.
Petit Cœur embrassa ses parents, ses frères et sœurs et quitta avec tristesse ses amis. Mais on lui
dit que cette guerre, qu’il fallait de toute façon faire, ne durerait pas et qu’il rentrerait vainqueur comme son
père l’avait été à son âge.
Petit Cœur partit donc la fleur au fusil en chantant.
-o-o-
- Qu’est-ce qu’il chantait Nana ?
- « Quand elle me prend dans ses bras
Elle me parle tout bas
Je vois la vie en rose »
- C’est beau Nana.
- Oui, n’est-ce pas ?
-o-o-
On lui avait dit que cela se passerait bien et qu’il n’aurait qu’à obéir aux ordres du Général
« Cerveau ». Petit Cœur était confiant.
Mais la guerre en Amour n’était pas du tout reposante. Souvent, Petit Cœur fut pris de sueurs
froides et ne dormait pas tellement les combats étaient féroces. Car l'Amour ne se laisse pas conquérir si
facilement qu'il le croyait. Il en vit des camarades soldats comme lui tombés au combat. Il en vit même qui
pleuraient. Oui, les combats étaient féroces.
Petit Cœur fut plusieurs fois blessé, des tas de petites écorchures, mais qui faisaient mal.
-o-o-
3. - Il avait des bobos, Nana ?
- Oh qu’il en avait ce pauvre petit soldat !
- Ça fait mal les bobos. Regarde j’en ai un.
-o-o-
Toutefois, après quelques pansements, le Général Cerveau le renvoyait à l’assaut. Il se
disait « Alea jacta est, on est reparti pour un tour ».
-o-o-
- Ça veut dire quoi?
- Ça veut dire : Les dés sont jetés, ma chère Sophie.
- Nana, je ne comprends pas.
- Cela ne fait rien, je t’expliquerai quand tu seras devenue une jolie petite adolescente.
-o-o-
Plusieurs percées furent menées et le soldat Petit Cœur fit acte de grande bravoure. Sauf
que le régiment de Petit Cœur perdait beaucoup de soldats dans les batailles.
Les mois passaient. L'hiver était froid et Petit Cœur pensait à sa famille et à la chaleur de son
foyer. Il écrivait à ses parents et recevait au début une réponse qui l'enveloppait d'une immense chaleur et
lui donnait la force de continuer à se battre. Il avait hâte que cette guerre finisse.
Mais la guerre dura et une année passa. Puis deux. Puis dix. Et à chaque bataille le régiment
perdait beaucoup de soldats. Mais Petit Cœur continuait en silence à mener cette guerre, qui d’après les
dires du Général mènerait à la victoire.
Il trouvait le temps long. Il ne recevait plus de réponse. Il était dans sa tranchée et il avait
peur. À chaque assaut il fallait avancer. Cours Petit Cœur ! Cours !
Et Petit Cœur courait et était souvent touché, blessé légèrement et renvoyé aussitôt au front. Et la
guerre, les batailles continuaient. Ce n’était qu’un cercle vicieux.
Il en avait fait toutes des batailles. Celle de l'indifférence. Celle du «Rendez vous qui ne
viendra pas ». Celle aussi du « C'est ton camarade que j'aime ». Et celle «De la fausse excuse ». Celle du
« Je t'aime bien, mais je t'aime pas ». Toutes ces batailles.... Il les avait toutes faites le soldat Petit Cœur.
Oui, toutes, parce qu'il était en première ligne à chaque fois. Et jamais une médaille. Parfois, quelques
félicitations, mais même pas un petit galon... non rien. Les palmes du mérite et les étoiles, c'est fait pour les
officiers, pas pour les soldats...
Encore dix ans passèrent. Un jour, Petit Cœur se retourna et vit qu'il était tout seul ! Il prit
peur. Que devait-il faire? Retourner en arrière ? Non, il fallait avancer, il n'avait pas reçu l'ordre de reculer.
Alors en bon soldat, il continua son chemin. Il n'avait plus que quelques cartouches et les gens le
regardaient bizarrement et avaient peur quand ils le voyaient passer dans son uniforme sale et tout mité. Il
n'avait plus fière allure comme le premier jour où il avait défilé sur l'avenue « des dix-huit ans ». C'était fini
ce temps-là.
4. Petit Cœur survivait tant bien que mal. Il n'était certainement pas le seul à se trouver dans
ce pays de l'Amour ? Non, le reste de l'armée n'était certainement pas très loin et le rejoindrait très bientôt.
Et un jour... il vit une forteresse avec les portes grandes ouvertes ! Une lumière brillait ! C'était
certainement là que l'Amour cachait son secret ! Il fallait aller le chercher pour que cette guerre cesse enfin!
Petit Cœur restait prudent. Il fallait avancer prudemment. Avancer. Coucher. Viser. Regarder à droite à
gauche ! Personne ! Pas un soldat pour garder la porte de cette forteresse ! Petit Cœur se voyait déjà reçu
en héros dans son pays lorsqu'il rentrerait avec le trophée !
Il était arrivé aux portes où la lumière brillait, brillait... quand tout à coup !
Assise au milieu de la forteresse, il vit la plus belle des jeunes filles. Elle portait une longue robe
blanche et avait les pieds nus. Les rayons qui passaient à travers le mur effondré se reflétaient sur son
visage presque parfait. Il ne pouvait pas détacher ses yeux d’elle. Pendant ses années de guerre, il n’avait
jamais rencontré une telle beauté. Il était amoureux.
Il recula doucement pour se cacher derrière un rocher dans la crainte de la surprendre. Il
s’assit et observa, comme un bon soldat guettant l’ennemi. Mais il entendit soudain une chanson qui lui
parut familière.
-o-o-
- C’était laquelle Nana ?
- « Quand il me prend dans ses bras
Il me parle tout bas
Je vois la vie en rose »
- Mais c’est la même qu’a chanté Petit Cœur avant de partir à la guerre ?
- Bravo ma Sophie, tu as une mémoire impeccable.
(Sophie fit un grand sourire)
- Qu’est-ce qu’il se passe ensuite ?
- Ah, il faut écouter jusqu'à la fin.
- Mais Nana, je veux savoir. Est-ce qu’elle va tomber amoureuse du Petit Cœur ?
- Oh, la petite veut déjà savoir la fin ?
- Oui !
- Non, tu voulais que je te raconte une histoire Sophie. Il faut écouter du début à la fin.
(En chuchotant) Mais tu as raison, ils vont tomber amoureux l’un de l’autre. Chut…
-o-o-
Il se leva sans même en être conscient : il n’avait plus aucun contrôle sur son corps. Cette
voix l’hypnotisait tant qu’il fut emporté par la mélodie. A sa grande surprise la fillette n’avait pas peur. Au
contraire, elle s’approchait petit à petit vers lui. Face à face, ils se regardaient. Mais, un coup de canon
interrompit ce moment intime. La fillette recula pour quitter la forteresse, laissant Petit Cœur dans sa
rêverie. Il ne savait pas quoi faire. Courir après cette demoiselle ou continuer sa quête ? Ce dilemme le
frustrait. Il n’en pouvait plus de la guerre, cela était clair. Donc, il prit une grande respiration et se dit « Alea
jacta est. Je vais arrêter la guerre, et retrouver cette demoiselle ». Il se mit en route.
Ce n’était pas évident de la retrouver. Elle se cachait et ne voulait pas se faire voir. Avait-il
pris la bonne décision ? Il voulait juste que la guerre s’arrête pour qu’il puisse enfin vivre sa vie.
5. Comme par pur hasard, il l’a revit un soir. Elle contemplait le ciel et les étoiles. Il
s’approcha d’elle. Sachant que quelqu’un était là, elle lui dit :
« C’est merveilleux le ciel le soir. Seule la lumière des étoiles éclaire notre chemin. Qu’en pensez-vous ?
- Les étoiles parmi les étoiles ne donnent que peu de lumière et pas davantage de chaleur. Vous n’avez
pas froid, mademoiselle ?
- Au contraire, Monsieur. La fraicheur du temps, de l’air donne cette impression de mystère. Le tout
créant ainsi un monde inconnu. Votre voix me dit quelque chose. Etes-vous bien le jeune homme que
j’ai rencontré dans la forteresse, il y a quelque temps ?
- Savez-vous que depuis ce jour, je n’arrête pas de penser à la prochaine fois que je vous verrai ?
- Vous me flattez fort bien. Quel est votre nom ?
- Je me nomme Petit Cœur, mademoiselle. »
Ils conversèrent jusqu'à l’aube de diverses choses de la vie. Petit Cœur proposa de la
revoir, elle accepta. Ils vécurent plein de belles histoires. Le mariage ne tarda pas et ce fut la fin de la
guerre pour Petit Cœur. Il avait enfin trouvé la paix et la sérénité.
-o-o-
- L’histoire se termine là mon ange.
(Sophie baillait, la grand-mère la raccompagna dans sa chambre. Elle l’embrassa sur le front et retourna
dans sa chambre. Elle se dirigea vers une photo encadrée sur sa table de nuit)
« J’ai raconté notre histoire à la petite ce soir. Oh que tu me manques mon Petit Cœur. J’attends juste le
moment de te revoir. Tu es parti trop tôt. »
(Sur ce, elle reposa sa tête sur son oreiller et s’endormit. Elle se retrouva à la forteresse au moment où elle
rencontra pour la première fois Petit Cœur.)