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Guinée-Conakry :
Opportunités & obstacles / freins & accélérateurs
au développement à la paix et à la démocratie
 2015 est une année clé pour la Guinée : année d’élection présidentielle ;
 Mais également clé pour la région car la Guinée est un acteur majeur ;
 L’histoire de la Guinée est trouble depuis l’indépendance en 1958 ;
 2010 était censé être une nouvelle ère pour la Guinée, il n’en a rien été ;
 Les investissements étrangers sont au point mort à cause de la violence
généralisée, la mauvaise gouvernance contre les investisseurs étrangers ;
 La corruption, à tous les niveaux de l’Etat mais également de certains acteurs
économiques obère le développement équilibré du pays ;
 Simandou en est l’illustration « exemplaire » : Propriété de Rio Tinto depuis
1997, sans aucun développement ou investissement depuis. Un exemple de l’échec du
secteur privé et du Gouvernement à travailler de concert pour le bien-être social et
économique des populations locales.
Travail réalisé par le Groupe d’études africaines de l’IPSE
Lundi 6 juillet 2015
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 Sommaire :
2015 est une année clé pour la Guinée, année électorale avec un scrutin présidentiel fixé
au 11 octobre prochain, dans un climat particulièrement incertain. Mais il s’agit
également d’une année clé pour la région d’Afrique Sub-saharienne, dont la Guinée est
un acteur majeur.
L’histoire de la Guinée est trouble depuis l’indépendance en 1958. La démocratie
récente ne parvient pas à s’imposer, après plusieurs décennies marquées par des
pouvoirs autoritaires et un coup d’état en 2009.
2010 était censé être une nouvelle ère pour la Guinée, avec l’arrivée au pouvoir d’Alpha
Condé, à la suite d’élections controversées, remportées par celui que bon nombre parmi
la communauté internationale voyaient comme un sauveur. Depuis cinq ans, le bilan
reste néanmoins très mitigé.
Les investissements étrangers demeurent au point mort à cause de la violence résiduelle
à travers le pays, la mauvaise gouvernance généralisée obère la bonne volonté des
investisseurs étrangers qui tardent à venir investir dans le pays.
La corruption, généralisée à tous les niveaux de l’Etat et des administrations, mais
également parmi certains acteurs économiques obère le développement équilibré d’un
pays pourtant plein de promesses, fort de ses nombreux gisements de minerai, et d’un
climat propice à toutes les espérances sociales et économiques.
Le gisement de fer de Simandou, l’un des plus importants du monde, en est l’illustration
la plus parlante : Propriété de la compagnie minière Rio Tinto depuis 1997, le gisement
n’a connu aucun début d’exploitation depuis. La carence de politique de développement
et d’investissements dans l’économie locale, privent la population de retombées certaines
en termes d’infrastructures, et bien sûr en termes de richesses.
Il s’agit là, d’un exemple de la difficulté du secteur privé et du secteur public à travailler
de concert pour le bien-être social et économique des populations locales.
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Recommandations Politiques
 La France doit s’impliquer dans l’échéance de 2015, au même titre que la région
Sahélienne, la France doit s’intéresser à l’Afrique de l’Ouest.
 La proximité et l’amitié personnelle et « politique » de François Hollande avec
Alpha Condé devrait servir davantage à faire évoluer le Président guinéen vers
plus de bonne volonté, tant au niveau du dialogue politique avec l’opposition que
dans le cadre de la négociation des grands contrats miniers. Hollande doit
critiquer Alpha Condé pour les échecs passés et actuels. La politique française en
direction de Conakry ne peut être associée à la seule parole personnelle de notre
Président. Les orientations de la rue de Solférino ne doivent pas se substituer à ceux
du Quai d’Orsay ou du Palais de l’Elysée ;
 La France doit se faire entendre davantage à mesure que le seuil des 60 morts a
été atteint dans le cadre des manifestations politiques pacifiques ;
 Le respect des règles démocratiques est primordial : les élections locales ont été
illégalement repoussées sine die. Cela contribue à la défiance des investisseurs
étrangers. Ces élections devraient se tenir avant l’élection présidentielle du 11 octobre
prochain ;
 Les codes miniers doivent répondre à des règles transparentes, appliquant le principe
de libre concurrence, afin d’empêcher toute corruption. Le secteur minier guinéen doit
en effet comprendre un volet social, à destination des populations locales.
 La Guinée pourrait ainsi tirer profit pleinement de ses ressources, en engageant des
mesures concrètes dans trois directions :
1. Lutter contre la corruption sous toutes ses formes ;
2. Réduire pour ensuite éradiquer l’exploitation illégale des ressources
naturelles ; refuser de tolérer les retards ou l'absence de progrès des sociétés
minières internationales
3. En finir avec l’octroi ou la suppression de licences d’exploitation des mines
dans des conditions non transparentes qui prive la population de ressources
susceptibles de lui permettre de réaliser un saut qualitatif sur les plans
économique et social.
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Introduction : France - Guinée : une politique étrangère et une coopération économique
mouvementée
Alors que la Guinée, à l'aube de son indépendance en 1958, était présentée comme le
pays d'Afrique offrant les meilleures perspectives de développement, son produit intérieur
brut (PIB) par habitant ne se situe en 2013 - selon le FMI – qu’autour de 588 dollars, ce qui la
classe parmi les vingt-huit pays les moins avancés (PMA).
Hormis la bauxite qui représente 97 % des ressources en devises, les nombreux atouts du pays
n'ont pas été exploités après l’indépendance. Véritable Eldorado, dans l’espace économique
ouest-africain, la Guinée semble se caractériser par un hiatus domestique qui en fait hélas
encore un « Etat riche, dans une Nation peuplée de pauvres ».
Comment, dès lors, envisager les raisons, les occasions manquées, les erreurs d’appréciations,
qui n’ont pas permis à cet Eldorado, de sortir de l’ornière dans laquelle elle se trouve, avec
55% de sa population de 11,7 millions de personnes, qui vit encore au-dessous du seuil de
pauvreté, classant la Guinée, au 178ème rang sur 187 en termes de développement humain avec
une espérance de vie par habitant de 54 ans et un taux d’alphabétisation de 41% (selon le
classement établi par le PNUD) ?
C’est tout d’abord dans la relation bilatérale qu’il faut trouver les premières causes à cette
asymétrie de développement.
A) Les raisons historiques d’une relation passionnée
Le schisme fondateur d’octobre 1958 (Sekou Touré versus De Gaulle) au temps de
l’indépendance, du parti unique, du non-alignement et du Panafricanisme (années 1960 –
1970) : entre Utopie de l’indépendance politique et Realpolitik de l’interdépendance
économique…
C’est en 1891, que la France proclame la Guinée colonie française, indépendamment
du Sénégal, auquel elle était précédemment rattachée. Mais, c’est avec le projet de nouvelle
constitution française et le « non » au Référendum de septembre 1958, sur la Communauté
française que la Guinée obtient son indépendance, le 2 octobre 1958.
La Guinée est ainsi le seul pays d’Afrique francophone à rejeter l’offre du Général de Gaulle,
visant à transformer l’Afrique Occidentale Française (AOF) pré-coloniale en
« Communauté » de destin française, post-coloniale.
La nouvelle constitution guinéenne est d’ailleurs, « calquée » sur la nouvelle constitution
française et les militaires, qui arrivent au pouvoir aux côtés de Ahmed Sékou Touré, ancien
député de la IVème République et ancien maire de Conakry, sont les garants du respect des
jeunes institutions et de la Constitution.
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Ce pays promettait des perspectives intéressantes au sortir de la colonisation française.
L’épisode de la visite « chaotique » du général de Gaulle, caractérisée par des sifflets et des
hués est perçu comme une humiliation par la France. Le départ des militaires et l’arrêt de la
coopération technique plonge le pays dans une situation économique compliquée.
Très vite, d’ailleurs, les penchants « marxistes » du président, fondateur de l’Union générale
des Travailleurs d’Afrique noire (UGTAN) et du Parti Démocratique de Guinée (PDG) place
la Guinée dans le « giron » soviétique.
Sekou Touré, obtient même le Prix Lénine pour la Paix en 1961, confirmant l’ancrage durable
des interdépendances transatlantiques (avec Cuba) et transcontinentales (avec l’URSS), tout
en ne tournant pas totalement le dos à la France.
B) Entre divergence/renforcement des liens France – Guinée et le difficile exercice de
la démocratie
Malgré les divergences entre la France et la Guinée, la nécessité de coopérer (durant la
période allant du début des années 1980 à l’élection du président Alpha Condé en 2010, la
première caractérisée de « démocratique », par la Communauté internationale), est évidente.
Il semble également que la succession de pouvoirs autoritaires (de la 1ère République
instaurée par Sekou Touré à la 2nd République mise en place par Lansana Conté :
1958/1984 ; 1984/2008) puis le retour des militaires et des putschs militaires (la
« parenthèse » de la Junte du CNDD : 2008-2010) n’y change rien sur le fond comme sur la
forme.
Cependant, ni l’aventure du « centralisme démocratique », ni l’utopie
« panafricaniste », engagée aux côtés du ghanéen Kwame Nkrumah, à travers l’éphémère
union entre la Guinée, le Ghana et le Mali (1959-1960), ni les nationalisations, ne
parviendront à remettre le pays sur les rails du développement équilibré et participatif et le
geste du « non-alignement », que la Guinée rejoint en septembre 1961, pas davantage.
Bien qu’un des personnages fondateurs et clés du mouvement des non-alignés, à travers cet
« esprit de Bandung » - du nom du Sommet indonésien de 1955, qui jeta les bases d’une
divergence équidistante entre les deux blocs, ne suffira pas à convaincre de l’indépendance
réelle du pays à l’égard de l’Union soviétique et ses alliés cubains.
Le décès du président Sekou Touré, en 1984, après 26 ans de « règne » et l’arrivée au pouvoir
par les armes du colonel Lansana Conté et de la junte militaire dénommée Comité Militaire de
Redressement National (CMRN) va opérer un changement « radical » en matière économique
et diplomatique.
Du centralisme démocratique, l’on est passé, en quelques années seulement, à une phase
libérale, caractérisée par la privatisation de nombreuses entreprises publiques, l’apparition du
multipartisme en 1993, l’organisation de scrutins (1993 et 1998) et la mise en place d’une
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rhétorique nationaliste. L’armée a donc effectué un virage à 180 degré en instaurant un
régime libéral, sans réelles règles.
Inévitablement, du reste, le président Lansana Conté fait figure de précurseur, en modifiant la
Constitution en 2003, afin de se présenter pour un troisième mandat, en décembre 2003.
Malgré le plébiscite électoral (95,63% des voix), après 24 ans de pouvoir guère partagé,
quoique disputé – par le truchement de plusieurs tentatives de renversement, un nouveau
Coup d’Etat, le lendemain de sa mort le 22 décembre 2008, replace la Guinée dans la
trajectoire des incertitudes politiques, nourrissant d’autant les incompréhensions de la
Communauté internationale, plus singulièrement de la France.
La parenthèse « tragique » de la Junte militaire - Conseil National pour la Démocratie et le
Développement (CNDD) - qui porta au pouvoir le Capitaine Dadis Camara, vient confirmer le
poids de l’institution militaire et ses non-dits ethniques…
La suite des évènements ne change pas fondamentalement la donne. La fusillade au Stade de
Conakry en septembre 2009, ainsi que les dissensions au sein du CNDD qui en suivirent et de
facto l’attentat contre Dadis Camara en décembre 2009, toute comme l’exfiltration du
capitaine putschiste vers le Burkina Faso en janvier 2010 confirme le délitement du pouvoir.
Ces évènements seront suivis par la transition présidentielle assurée par Sékouba Konaté entre
mars 2010 jusqu’à l’élection présidentielle du 27 juin 2010, la première organisée de manière
démocratique (selon les critères internationaux, du moins) qui vit Alpha Condé l’emporter,
après un deuxième tour fortement contesté par l’opposition, dont le candidat malheureux de
l’Union des Forces Démocratiques de Guinée (UFDG), Cellou Dalein Diallo. Crédité de
seulement 18,25% à l’issue du premier tour, contre 43.69% à Cellou Dalein Diallo, Alpha
Condé a réussi à l’emporter, grâce à l’entrée en jeu entre les deux tours de la société sud-
africaine Waymark chargée de la logistique du scrutin, qui s’était fait connaitre en truquant
les élections camerounaises quelques mois plus tôt. Rappelons également que Loucény
Camara, l’un des soutiens clés de Alpha Condé a été condamné pour fraude électorale dans
cette affaire.
L’on pourrait d’ailleurs comparer Haïti avec la Guinée, à la lumière de cette histoire politico-
militaire. Tout comme Haïti, la Guinée a connu près d’un demi-siècle, une dictature et un
libéralisme sauvage et près de deux années d’un régime militaro mafieux qui ont désorganisé
le pays et ce, pour de nombreuses années.
La France, demeure ainsi malgré tout, depuis l’indépendance en 1958, un partenaire de
référence, qu’il s’agisse de la coopération économique (130 millions d’euros) ou de la
coopération en matière de défense et sécurité (malgré son interruption entre, septembre 2009
et février 2010, lié au Coup d’Etat militaire de Dadis Camara).
Ces réalités confirment que la France doit être aux « avants postes » afin que les six prochains
mois, n’aboutissent pas à une issue tragique, nous remémorant les tristes heures du 28
septembre 2009, qui avaient vu la mort de 157 civils.
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I - Mauvaise gestion et fortes corruptions empêchent les efforts guinéens de la
réalisation d’un fort potentiel existant
Pendant longtemps, la Guinée n’a en fait jamais pu mettre en place le modèle de
l’Etat-nation qu’elle a voulu fonder après le non au Général de Gaulle en 1958. Les dirigeants
guinéens ne sont pas parvenus à mettre en place un projet national qui surpasse les solidarités
ethniques.
L’appareil d’Etat a été davantage accaparé par une mafia administrative organisée (MAO),
autour d’un groupe ethnique aux principaux postes de responsabilité, que par une organisation
politique dotée d’un programme de gouvernement. Les dirigeants du pays ont géré l’Etat de
manière patrimoniale.
Nous avons eu à faire en Guinée, depuis l’indépendance à un Etat prédateur qui s’est mis en
place avec des élites dirigeantes ne tenant leur privilège que du bon vouloir d’un pouvoir qui
vient d’en haut, incarné durant ces cinq dernières années par Alpha Condé.
A) Les facteurs endogènes des crises
1. Religions, prosélytisme et radicalisation (évangélisme et islamisme)
Devant l’inexistence de projet stratégique pour la jeunesse guinéenne par le pouvoir
politique, la religiosité et le confessionnalisme s’insère dans la société guinéenne jusqu’à
l’installation du radicalisme, en particulier islamiste, qui tente d’instrumentaliser l’idéologie
religieuse en profitant de l’absence d’idéologie politique.
Sur le plan religieux, l’on note, en effet, l’émergence de différents courants de prosélytisme
religieux. Ceux-ci commencent à diffuser à travers le pays un islamisme radical qui semble
recevoir un soutien financier des pays du Moyen-Orient via les congrégations religieuses du
Sénégal et du Mali. La communauté chiite libanaise sert aussi de relais à la diffusion de cet
islamisme.
La Guinée est aujourd’hui une société aux profondes blessures. Malgré le pluralisme
politique, le pays reste, depuis 1958, sans référence positive. Le pouvoir est considéré comme
le seul moyen pour assouvir des aspirations individuelles, familiales, régionales ou ethniques.
L’Etat a abandonné toute tentative de projet économique pour les jeunes. Les congrégations
religieuses ont pris le relais dans un certain nombre de régions. L’on voit également la
construction de mosquées s’accélérer.
De la Première à la Troisième République, les pratiques politiques sont restées quasiment les
mêmes. L’Etat et l’Administration restent pratiquement inexistants. La capacité
administrative s’est fragilisée à tel point qu’au niveau de plusieurs régions, c’est donc les
Eglises et les confréries religieuses qui ont pris le relais de l’Etat.
Il est urgent d’empêcher que la radicalisation religieuse ne remplace le projet politique.
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2. Criminalisation et accaparement des richesses naturelles et des
infrastructures du pays
En Guinée les recettes de l’Etat dépendent à plus de 80% des ressources minières et
ceci sans réel contrôle démocratique. Dès lors l’appât de cet important pactole, fait oublier à
l’Etat son rôle régalien au profit des multinationales et des proches des dirigeants.
L’affairisme minier prend, le plus souvent, le dessus sur la bonne gouvernance du secteur
minier.
Contribution du secteur minier à l’économie de la Guinée
L’affaire VBG/Etat guinéen autour de l’octroi des blocs 1 et 2 du Simandou, tout comme le
cas du géant russe de l’aluminium Rusal/Etat guinéen, autour de l’achat « sous-estimée » (à
hauteur de seulement 19 millions de dollars) de l’usine d’alumine de Friguia, illustre
également ces blocages économico-politico-judiciaires.
Sur un autre plan, le différend opposant le groupe Bolloré à la société française Getma, autour
de la convention de concession sur la gestion du terminal de conteneurs de Conakry en sont
les parfaites illustrations. La récente décision du Tribunal arbitral de Paris, en faveur de la
société Getma, semble ainsi répondre, sur le terrain judiciaire, à une mauvaise gestion
politique de ces dossiers « structurant » pour le développement du pays.
Le cas de Simandou, est d’ailleurs souvent cité en exemple, comme une parfaite illustration
de ce gâchis. Certains spécialistes affirment que cette montagne est la plus importante réserve
inexploitée au monde avec une valeur estimée à des centaines de milliards de dollars. Par le
passé, des contrats miniers d’une valeur de 140 millions de dollars du temps de Lansana
Conté, laissent planer plusieurs doutes sur les conditions de transparence des contrats conclus
avec les entreprises étrangères.
Rappelons qu’en août 2010, le groupe minier brésilien Rio Tinto, s’est vu dépossédé de ses
deux permis sur le site nord du Simandou par le gouvernement de Lansana Conté en raison de
son absence d’investissement sur le site. Aucune extraction n’ayant été réalisée, et aucune
infrastructure mise en place pour l’exploitation du gisement. Quelques jours avant la mort du
président Conté, ces permis sont attribués à la société israélienne Beny Steinmetz Group
Ressources (BSRG) appartenant au milliardaire Beny Steinmetz. En 2010, BSGR cède 51%
de ses parts dans le gisement de Simandou à Vale, multinationale brésilienne pour 2,5
milliards de dollars afin de créer une nouvelle société Guinéenne, VBG, pour gérer le chantier
de Simandou.
Après l’élection du président Alpha Condé en 2010, les autorités guinéennes lancent un audit
sur tous les contrats miniers octroyés avant son arrivée au pouvoir. La vérification, effectuée
par le CTRCM (Comité technique de revue des titres et conventions miniers), n'a pas été un
exercice de transparence ou d’indépendance exemplaire. Au lieu d'un comité indépendant, le
CTRCM a été contrôlée par les ministres et les proches de Alpha Condé. Le processus -
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comme dans le cas de l'affaire Getma - a été clairement conçu pour parvenir à un résultat
prédéterminé.
Le CTRCM a abouti en 2014 à la résiliation du fameux permis octroyé à BSGR sur le
gisement Simandou. Depuis, c’est le bras de fer judiciaire entre les autorités guinéennes et
BSGR. Rio Tinto et Vale s’écharpent désormais devant les tribunaux du monde entier,
notamment à cause de la situation à Simandou.
Curieusement, Rio Tinto, n'a pas été sanctionné par le Gouvernement, et lui a payé 700
millions de dollars d’« honoraires » après les élections. sans que l’on sache pour quelle raison
et ce qu’est devenue cette somme.
Vale et BSGR en revanche n’ont pas effectué de virement similaire et n’ont reçu aucune
indemnisation pour leur éviction.
Depuis l’indépendance, au lieu de recoudre le tissu social, tous les régimes qui se sont
succédé au pouvoir, ont opté pour des petits calculs ethno-politiques et l’affairisme minier
pour se maintenir.
Cet accaparement des richesses est une réalité, lorsque l’on sait que depuis 1990, les contrats
miniers sont audités et attribués par la Présidence de la République.
D’ailleurs le géant minier brésilien, a obtenu un de ces contrats en mai 2014, contrat pouvant
permettre à la Guinée de doubler son PIB et de créer 45000 emplois.
L’écueil ici, réside dans le fait que la redistribution des revenus des mines n’est pas visible au
niveau de la population. Ainsi ce système économique et de gouvernance favorise le
développement de l’économie informelle qui est largement répandue.
Selon un document officiel guinéen édité en 2014 ( http://www.disonslaveriteguinee.net/wp-
content/uploads/2014/01/french_-_mines.pdf), il y a plus de 10 projets en cours de
négociation et parmi eux, des mégaprojets concernant notamment l'exploitation minière et la
construction de chemins de fer et/ou ports.
Les projections, en prenant en compte le début du projet Simandou Rio Tinto (Simfer) en
2017 et le potentiel de deux projets de bauxite/alumine, montrent que le PIB réel et nominal
pourrait doubler entre 2012 et 2015 et une croissance significative pourrait se poursuivre
jusqu'en 2020. Les nouveaux projets représenteront 20% du PIB nominal en 2016 et 27% du
PIB en 2017- 2018.
L’ensemble de ces projets affichent ainsi, sur le « papier », une volonté de l’Etat de diversifier
la structure de l’économie jusque-là, fortement corrélée à l’extraction de minerai, et de
privilégier la transformation locale, pour permettre à la Guinée, de devenir à la fois un
exportateur d’alumine et d’aluminium, à l’instar de l’Australie, premier producteur mondial
de bauxite qui transforme 80 % du minerai sur place.
Plusieurs autres projets sont d’ailleurs annoncés avec pour objectif d’ancrer l’action publique
dans une démarche inclusive et soucieuse de l’avenir des générations présentes et futures,
sans qu’aucune garantie ne soit réellement venue corroborer cette volonté…
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Le décollage économique de la Guinée ne peut se réaliser que dans un pays ou l’état de droit
est respecté.
3. Asymétrie du développement : Centre / Périphérie
Avec 304 sous-préfectures, 33 préfectures et huit régions administratives, la Guinée
n’a pas su gérer le lancinant hiatus entre centre et périphérie. D’ailleurs, un Guinéen sur cinq
vit à Conakry, qui avec 2 millions de ses quelques 11 millions d’habitants, capte toute les
attentions.
Il s’agit de l’un des principaux problèmes de gouvernance en Guinée. C’est pour cela qu’un
système de gouvernance décentralisée permettrait aux différentes régions d’être mieux
considérées et mieux prises en charge notamment dans la région forestière, théâtre d’une
instabilité chronique.
La pauvreté est également liée à une allocation inégale des ressources humaines qualifiées
entre les zones urbaines et rurales. Conakry qui compte 20% de la population guinéenne,
compte 48% des médecins du pays par exemple. Il en va de même pour les moyens de
transports.
Couplée à cela, les violences ethniques empêchent la stabilité politique de constituer la base
du développement économique.
4. Gestion erratique de la crise épidémique Ebola (à partir de fin 2013 : retards
dans la gestion domestique du dossier et difficiles coopérations régionales)
La crise sanitaire Ebola a montré que le système de santé en Guinée est désorganisé.
Sur ce sujet, la coopération régionale est très limitée voire inexistante, alors que dans des
crises épidémiques comme celles-ci et qui par définition dépassent les frontières, la solidarité
du voisinage doit prévaloir.
La fièvre Ebola a déclenché une réponse internationale, car elle menace le monde mais elle
n’est que le reflet de la pauvreté et de la défaillance du système sanitaire. En Guinée, d’autres
maladies comme la drépanocytose, la fièvre jaune, le paludisme sont beaucoup plus
meurtrières.
Plus récemment, la solidarité de la France aux côtés de la Guinée dans la lutte contre
l’épidémie liée au virus Ebola (installation d’un groupement médico-chirurgical fort d’une
centaine d’hommes et de 200 lits en Guinée forestière, à Macenta, doublée par le Plan
d’action de plus de 100 millions d’euros que la France a engagé dans ce sens) aura été rapide
et efficace.
L’enclavement de certaines zones et le coût élevé des transports apparaissent comme autant
de facteurs importants de pauvreté, au même titre que les difficultés d’accès au crédit, la
dégradation de l’environnement, les chocs exogènes, les chocs sanitaires, comme la crise
d’Ebola en témoigne.
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11
La Guinée serait donc en mesure de passer le cap du développement pour accéder à
l’émergence, à condition de prendre des mesures concrètes pour instaurer une gouvernance
saine notamment en matière économique et renforcer les capacités de son administration.
Il convient ainsi d’ajouter que le désastre sanitaire provoqué par Ebola et sa gestion erratique
en Guinée, au Libéria et au Sierra-Leone a largement induit une perte de souveraineté sur la
pratique des soins et la lutte en amont contre l’épidémie. Cette perte de souveraineté a ainsi
largement profité aux ONG et organisations « philanthropiques » anglo-saxonnes,
organisations gouvernementales américaines, au premier chef desquels le Center for Disease
Control and Prevention (CDC).
L’attention internationale s’est portée sur la Guinée. Les carences d’infrastructures et la
pauvreté ont été pointées du doigt. Si l’épidémie semble se terminer, certaines de ses causes
(hygiène) sont toujours présentes.
5 Contexte électoral national et régional
Alors que la situation sécuritaire en Afrique de l’Ouest reste des plus précaire, malgré
l’investissement militaire français, dans la Bande Sahélo-Saharienne (BSS) contre les groupes
armées terroristes (GAT), le risque récurent des insécurités électorales, quoique atténués ces
dernières années, par les « succès » relatifs des processus électoraux présidentiels maliens en
2013 et sénégalais en 2012, les prochains mois risquent d’obliger la communauté
internationale à davantage de vigilance et de mobilisation.
Plus d’une dizaine d’échéances électorales (Togo, Nigéria, Burundi, Gabon, Niger, Rwanda,
Congo-Brazzaville, Sénégal, RCA, Cameroun, Comores, Côte d’Ivoire…) ont eu lieu et
auront lieu en 2015 et 2016 sur le continent africain. Il s’agit, après le « coup de balais » de
décembre dernier, ayant provoqué, la chute du président burkinabais, Blaise Compaoré, de
rendez-vous déterminants. Il s’agit, en effet, d’ancrer durablement la démocratie, les droits
humains, et la souveraineté populaire.
C’est la meilleur façon de lutter contre les radicalisations, les obscurantismes, les guérillas de
toutes natures, les fanatismes identitaires, sectaires et religieux, dont se nourrissent et
s’enrichissent terroristes, rebelles, narcotrafiquants et criminels…
B) Les facteurs exogènes des crises
Dans ce domaine, l’impact des narcotrafics dans l’Afrique de l’Ouest et son lien
intrinsèque avec le financement du terrorisme; l’épineuse question des frontières et son
corollaire des criminalités transfrontalières sont autant de causes des instabilités
subrégionales. A cela s’ajoute un agenda environnemental et écologique (fragilités
écologiques du Bassin du fleuve Niger – déforestation en Guinée forestière) et des
instabilités « chroniques » du voisinage (Mali, Sierra Leone, Liberia, Côte d’Ivoire…) dont
la prolifération des ALPC (armes légères et de petit calibres) est une des expressions les
plus dangereuses, pouvant potentiellement plonger la Guinée dans une spirale de violence.
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12
Sur les 83500 km de frontières que possède l’Afrique, la moitié seulement est
délimitée, tandis qu’un qu’1/3 est démarqué. Pourtant, le programme des Frontières de
l’Union africaine (PFUA) a indiqué qu’à l’horizon 2017, il conviendrait que l’on passe
rapidement de la notion de frontière « barrière » à celle de frontière « passerelle ». D’où
l’importance structurelle de la régionalisation et des coopérations subrégionales.
L’instabilité régionale frêne très clairement les investissements étrangers et avec eux les IDE.
Les Guinéens ont été très préoccupé par la situation au Mali, là où précisément nombres de
Guinéens et Guinéennes considèrent le Mali et la Guinée comme étant « le même pays »
ethniquement et appartenant à la même culture francophone.
1. Crainte d’un terrorisme qui s’étend depuis le Mali. Emergence d’un agenda
sécuritaire régional en lien avec l’éruption du terrorisme dans la Bande sahélo-
saharienne - BSS
L’appartenance de la Guinée à la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de
l’Ouest (CEDEAO) depuis le Traité de Lagos, en mai 1975, ainsi qu’à la Communauté des
Etats sahélo-sahariens (CEN-SAD, crée en février 1998, à l’instigation de la Libye) depuis
2007 « oblige » la Guinée à prendre en compte avec célérité et pérennité, la coopération et la
solidarité régionale en matière de sécurité.
La création du G5-Sahel, à l’instigation du président mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz,
en février 2014, (réunissant la Mauritanie, le Mali, le Niger, le Burkina-Faso et le Tchad), tout
comme la nouveau programme français d’Appui à la Coopération Transfrontalière au Sahel
(ACTS) implique aussi pour les pays riverains, dont la Guinée, de considérer les avantages
de la coopération transfrontalière en matière de lutte militaire et sécuritaire contre le
terrorisme et de l’approche globale pour y faire face.
L’émergence d’un agenda sécuritaire partagé tant aux 14 pays riverains du Golfe de Guinée,
qu’au niveau des 5 Etats sahariens (G5-Sahel) de la Bande sahélo-saharienne est primordiale
étant donné le contexte géostratégique actuel.
Mais il existe aussi, la nécessité de transposer dans l’espace CEDEAO, les bonnes pratiques
en matière de coopération régionale sur le plan économique, à l’instar de l’entrée en vigueur
depuis le 10 juin dernier de l’accord de libre-échange tripartite englobant les 3 blocs
économiques d’Afrique australe et orientale (Common Market for Eastern and Southern
Africa - COMESA, East African Comunity - EAC et Southern African Development
Community - SADC) visant à la création d’un marché économique intégré, du Caire au Cap,
regroupant 26 des 54 Etats africains, forte de 625 millions d’habitants (sur les 900 millions
vivant actuellement sur le continent) et riche d’un PIB de 1000 milliards de dollars.
Mais, cette intégration régionale ne peut se faire que si les gouvernements sont démocratiques
et transparents. D’ailleurs, comme pour l’UE, la souveraineté des Etats est renforcée par
l’intégration régionale dans le sens où les souverainetés sont additionnées.
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2. Prédations économiques (Focus sur le secteur minier)
La Chine est le plus gros consommateur d’alumine et de fer au monde. Ce dernier
impacte directement sur l’exploitation ou la non-exploitation des minerais africains ainsi que
sur les cours mondiaux de ces matières premières. Sa présence à grande échelle sur le
continent africain remonte à 2002.
Par voie de conséquences, les prix des différentes substances augmentent inexorablement
depuis 2004. Ainsi, la Chine commande véritablement le développement minier en Afrique.
Là encore, ce sont les marchés mondiaux qui pourraient être les véritables leviers du
développement « inclusif » et plus équitablement partagé au sein des pays producteurs. La
Guinée ne fait pas exception, bien au contraire.
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La Guinée possède aussi un fort potentiel hydroélectrique sachant qu’il y pleut huit mois de
l’année. La Guinée est le véritable château d’eau ouest-africain !
Les entreprises comme Electricité de Guinée (EDG) et la Société des Eaux de Guinée (SEG),
pour ne citer que celles-là, sont ainsi minées par la corruption, la mauvaise gestion. Par
ailleurs, du fait des nominations clientélistes, les entreprises d’Etat sont incapables de
produire un service correct aux citoyens.
L’ensemble de ces richesses sont largement sous-exploitées. Ainsi, la Guinée n’est que le
cinquième producteur mondial de bauxite alors que son sous-sol renferme, selon plusieurs
sources, 25 milliards de tonnes des réserves mondiales.
L’exploitation des mines de bauxite représente 80% des échanges commerciaux de la Guinée
avec des recettes assez faibles pour l’Etat alors que ce secteur est entièrement concédé au
secteur privé international. L’anglo-australien Rio Tinto, mais aussi les autres groupes sud-
africains, chinois et iraniens tirent profit d’une ressource en abondance sans que la population
n’en tire profit.
L’économie guinéenne est presque entièrement dépendante des recettes dérivées de
l’extraction de minerais rares, concédée à des entreprises étrangères. Les indicateurs
économiques et sociaux de la Guinée confirment cette très forte dépendance. Ils sont en total
contraste avec les richesses naturelles dont dispose le pays.
En effet, la Guinée possède des richesses hydrographiques immenses (château d’eau de
l’Afrique), un énorme potentiel minier (le tiers des réserves mondiales de bauxite, minerai
destiné à fabriquer de l’aluminium), mais également de l’or, diamant, manganèse, zinc,
cobalt, nickel et de l’uranium.
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Ainsi la Guinée est l’un des pays les mieux dotés de l’Afrique de l’Ouest en ressources
naturelles, on la surnomme d’ailleurs la RDC de l’Afrique de l’Ouest.
Ces ressources sont largement sous-exploitées et mal exploitées. Depuis l’indépendance, le
pays n’a pas développé de véritable politique économique minière.
Le secteur minier fournit ainsi à lui seul, 20 à 25% des recettes publiques de la Guinée avec
un montant estimé à 210 millions$ (2012), et contribue à hauteur de 10 000 emplois directs
(Banque mondiale, 2012). Le Gouvernement guinéen tire également des recettes des taxes à
l'exportation des diamants et de la location des infrastructures (un montant estimé à 8
millions$ 2012).
Plus de 200 000 personnes participeraient activement à l'exploitation minière artisanale et à
petite échelle de l'or et du diamant essentiellement.
Le cas de Simandou, est souvent cité en exemple, comme une parfaite illustration de ce
gâchis. L’absence de développement économique le long des 100 Km, peu ou prou, de la
chaîne du Simandou, depuis son exploitation en 1997.
Rio Tinto, qui, a en effet, obtenu le droit d’exploiter les quatre blocs miniers de Simandou
sous Lansana Conté est ainsi assis sur un tas de fer et n’en fait rien, et n’en n’a, en fait, pas
fait bénéficier la population.
Cette situation donne une impression d’un énorme gâchis, aggravée par la gestion erratique
par le Gouvernement guinéen qui a sensiblement perturbé les chances de développement,
local comme au niveau national
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*****
II – Une bonne gestion des nombreuses ressources humaines, naturelles et matérielles de
la Guinée est la clé d’une maîtrise de son environnement et de la naissance d’un
leadership régional
Un document récent du FMI (Rapport du FMI No. 13/191Juillet 2013) relatif à la stratégie
de lutte contre la pauvreté en Guinée, indiquait que pour relever les défis de lutte contre la
pauvreté, la politique économique du gouvernement guinéen à moyen terme (2013-2015)
devait s’employer à jeter et à consolider les bases pour l’émergence future de la Guinée.
Pour cela, elle doit s’orienter vers de nouvelles priorités qui sont:
 la restauration de l’Etat de droit et la réforme de l’administration publique;
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 l’accélération et la diversification de la croissance ;
 le développement des secteurs sociaux ;
 la réduction des disparités régionales, la promotion du développement à la base et
décentralisation.
A cela, bien évidemment, une attention particulière doit être également accordée à la
promotion vigilante et durable des droits de l’homme et de l’égalité de genre pour chacun de
ces quatre domaines de priorité.
A) L’influence des différentes composantes de la société guinéenne
1. Poids des ethnicités (Soussous/Malinkés/Peuls/Bambaras…) et difficile
émergence de partis politiques réellement déconnectés du fait ethnique
La Guinée est un pays pluriethnique. Pourtant, l’ethnie la plus nombreuse qui est l’ethnie
Peul, qui représente 45% de la population, n’a jamais accédé au pouvoir. Le processus
politique en Guinée est ainsi venu se greffer sur la géographie du pays avec le poids de
l’ethnicité du pays.
Le processus démocratique en Guinée depuis 1990, se déroule, ainsi, dans une situation socio-
économique difficile, vis-à-vis duquel la tentation du repli identitaire et religieux n’est jamais
très loin, d’où le risque de conflits et crises interethniques.
Le poids des ethnicités est tellement fort qu’aucun effort d’analyse politique critique ne peut
se faire aujourd’hui en Guinée sans qu’il soit pointé du doigt comme constituant une charge
dirigée en faveur ou contre telle ou telle ethnie. Malheureusement, dans ces conditions, la
constitution d’un projet national qui surpasse les divergences ethniques est très complexe.
Les Malinkés sont présents pour 35% de la population et ces derniers, contrairement aux
premiers, ont accédé au pouvoir avec le Président Sekou Touré de 1958 à 1984.
Enfin, les Soussous représentent 15% de la population et ont exercé le pouvoir en 1984
jusqu’en 2008 avec Lansana Conté. Ces derniers sont actuellement représentés par Sidya
Touré, qui préside l’Union des Forces Républicaines (UFR).
A cet « équilibre » ethnique fragile, s’ajoute des partis politiques, qui sont passé en 1991,
avec l’avènement du multipartisme d’un parti unique - Parti démocratique de Guinée (PDG)
devenu le Rassemblement du peuple de Guinée (RPG) à plusieurs partis dont le PDG, l’Union
des Forces Démocratiques de Guinée (UFDG), l’Union des Forces Républicaines (UFR) et le
PEDN Espoir, qui n’ont pas encore su faire leur mue. Aucun, d’ailleurs, ne se présente avec
un programme politique clair, assumé, pire, aucun ne s’affiche sur des choix de conviction et
de société.
Les trois forces politiques principales (PDG, UFDG et UFR), sont toutes représentées par des
responsables politiques en fin de parcours. Alpha Condé a 77 ans et aura 82 ans en 2020.
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Cellou Dalein Diallo, qui se présenta à l’élection présidentielle de 2010 et arriva en tête au
premier tour (avec 39,72% mais perdit face à Alpha Condé, 4 mois après pour le second tour
aux dépens d’Alpha Condé) ne se présentera sans doute pas en 2020.
Sidya Touré, qui arriva troisième (avec 15,60% des voix) fut lui Premier ministre en 1992
(jusqu’à 1999).
Lansana Kouyaté, qui obtint 7,75% des voix en 2010, vit davantage à Paris qu’à Conakry.
L’autre figure historique de l’opposition, Bah Oury, vice-président de l’UFGD, leader
« historique » de l’opposition réside, en exil depuis 2011, à Albi.
Bref, les trois anciens Premiers ministres, Sidya Touré, Lansana Kouyaté et Cellou Dalein
Diallo ne peuvent incarner une alternative que s’ils arrivent à s’unir. Une alternative est
nécessaire, de toute urgence.
Les soubresauts du dialogue politique entre le Gouvernement et l’Opposition n’offrent ainsi,
pour l’heure, pas encore cette perspective. Le regroupement récent de l’opposition dite
républicaine qui entend capitaliser le désespoir d’une majorité des Guinéens est un pas
significatif vers un débat politique plus serein.
Néanmoins, cette coalition de l’opposition qui semble soudée aujourd’hui, paraît tout de
même très hétéroclite. Le seul objectif poursuivi par de nombreux leaders politiques de
l’opposition est de remplacer l’actuel locataire de la présidence et ce qui les unit surtout tous,
c’est leur hostilité réciproque à l’égard du locataire du Palais de Sékhoutouréya !
Les récentes manifestations survenues ces dernières semaines, qui ont déjà couté la vie à
plusieurs manifestants, viennent confirmer que la Guinée vit des heures difficiles, notamment
pour le devenir de son processus de démocratisation.
Après la difficile gestation des élections présidentielles de 2010, qui prirent 4 mois entre les
deux tours, le gouvernement n’arrive pas depuis le 21 décembre 2010, date de l’investiture du
4ème président guinéen, à trouver le langage juste, ni les gestes et actions nécessaires pour
rassembler les Guinéens.
Sur le plan économique, l’amateurisme de l’équipe gouvernementale de l’actuel Premier
ministre, Saïd Fofana est manifeste, ce dont témoigne l’absence remarquée de programme
économique.
La principale crainte des Guinéens demeure néanmoins que la politique suivie depuis 2010,
n’exacerbe le climat encore davantage d’affrontement interethniques et engage le pays dans
une guerre civile, dont l’instrumentalisation du fait ethnique aura été le déclencheur.
Dans un contexte politique difficile, fait de manifestations, parfois réprimées à balles réelles
(60 morts depuis trois ans) et tout aussi brutalement réprimées comme ce fut le cas des
dernières manifestations de l’opposition guinéenne à Conakry, le pays n’échappe pas à cette
logique de crise interminable.
Les crises récurrentes que traverse le pays posent aujourd’hui plus qu’hier, la question de
l’impérieuse nécessité de réfléchir sur la politique de défense et de sécurité dont le pays a
ardemment besoin.
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Avec un processus politique difficile, fait de manifestations, parfois violentes et tout aussi
brutalement réprimées comme ce fut le cas des dernières manifestations de l’opposition
guinéenne à Conakry, le pays n’échappe pas à cette logique de crise interminable. Les crises
récurrentes que traverse le pays posent la problématique du rôle des militaires et des civils
dans le domaine de la sécurité nationale.
2 Rôle des militaires (garants de la Constitution du 7 mai 2010, seront-ils dans le
même rôle en octobre 2015 ?) et pertinence du processus de Réforme du
système de sécurité (RSS) guinéen
C’est dans ce contexte de crise politique que les Institutions internationales (Système
des Nations Unies, Union Européenne, Union Africaine et Communauté Economique des
Etats de l’Afrique de l’Ouest) ont décidé en 2009 d’engager une réforme du secteur de la
sécurité en Guinée.
Cette réforme était néanmoins inopportune en cette période de transition politique. L’erreur
commise par le Système des Nations unies, est d’avoir mis avec bonne foi certes, la Guinée
dans le groupe des pays post conflit armé comme le Liberia et la Sierra Leone.
Si le pays connaît des crises récurrentes, sa situation ne ressemble en rien à celle libérienne et
encore moins léonaise. Dans ces deux pays, il y a eu un conflit interne meurtrier, un cessez le
feu et un accord de paix entre belligérants puis réconciliation et à l’issue du conflit, la
démobilisation, le désarmement et la réinsertion des rebelles.
Aucune réforme du secteur de sécurité n’est possible dans un pays où les structures étatiques
sont inexistantes ou désorganisées où les élites administratives brillent par leur incurie. Il
convient d’abord de réorganiser l’Etat, de restructurer l’Administration avant d’engager une
quelconque réforme du secteur de la sécurité.
Le Président Alpha Condé, lui-même, a reconnu que l’Etat est inexistant en Guinée. Ceci est
d’autant plus inquiétant dans le domaine de la défense nationale qui est une fonction
régalienne de l’État. Comment oser prendre le risque d’engager une telle réforme dans un
pays où l’Etat est déficient ? L’objectif final d’une réforme du secteur de sécurité consiste à
changer la structure de l’État protégé en une structure défendant l’État de droit.
En lieu et place d’une réforme du secteur de sécurité menée tambour battant, des mesures
simples auraient suffi, à savoir :
 le recensement global des unités militaires et leurs effectifs en vue de faire le tri
entre les bonnes recrues et les mauvaises ;
 le renforcement de l’inspection générale des forces armées ;
 la mise en application du statut général des militaires déjà élaboré par des cadres
militaires guinéens ;
 la mise en application d’un règlement de discipline générale ;
 la formation des forces armées en matière d’éducation aux droits de l’homme et au
droit international humanitaire ;
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 la création d’un Conseil supérieur de la fonction militaire chargé de mener une
réflexion approfondie sur l’insertion des militaires démobilisés, sur la condition
militaire, sur la mise en place d’un système de sécurité sociale des militaires.
Aussi, si l’on évalue la réforme du secteur de la sécurité (RSS) menée depuis 2009, les
résultats sont mitigés. La RSS en Guinée est incomplète. Le démarrage de la Protection civile
et du corps des Eaux et Forêts va dans le bons sens. La Justice, et en particulier la Justice
militaire, ne bénéficie pas d’une approche intégrée et globale : l’état des lieux, l’état des
besoins, (création de cours, équipement, formations) n’ont pas été bien mené.
Les mesures prises pour les armées de terre, mer, air, la gendarmerie et la police semblent
tenir la route. Toutes ces mesures devraient s’appuyer sur un découpage administratif clair et
fonctionnel, avec une identification nette des chaines de commandement et des champs de
compétences entre pouvoirs civil et militaire. Par exemple, créer un réel corps préfectoral qui
ne soit pas constitué d’ex militaires (d’où la confusion des rôles, des capacités et des
responsabilités).
La réforme devrait être intégrée dans une vision d’ensemble et suivi avec des indicateurs de
résultats tout le long de la réforme, dans un calendrier réaliste, bref, une feuille de route avec
les plans opérationnels de réforme de chaque corps. Cela inclurait aussi les besoins en
financement à soumettre aux partenaires au développement.
Aujourd’hui les montants engagés pour la RSS et le processus électoral auraient largement
suffi pour la restructuration de l’Administration et la refondation des forces de défense et de
sécurité.
La défense nationale est globale car elle concerne non seulement la défense militaire mais
aussi toutes les administrations. La défense nationale est une des composantes de la sécurité
nationale, tous les citoyens sont concernés et tous les secteurs de la vie du pays (défense
civile, économique et militaire).
3 Leviers politiques et acteurs parlementaires et économiques (émergence du
libéralisme économique et politique) ?
La situation économique est sans doute encore plus dramatique encore que la situation
politique.
L’année 1984, avec l’arrivée de Lansana Conté au pouvoir, marque un tournant libéral. En
1990, le Président Conté fait adopter une nouvelle Constitution et instaure le multipartisme en
1991. Cependant, l’exercice de la démocratie ne s’en trouve pas pour autant renforcée.
Lancinante question au sujet de laquelle le Président Alpha Condé, avait pourtant annoncé
qu’il mettrait en place une nouvelle Constitution sur laquelle tout le monde s’était mis
d’accord pendant la période de transition.
Les droits de l’homme, le respect de la loi fondamentale, qui étaient dans ces accords n’ont
pas ainsi pu être mis en exergue. L’on sait d’ailleurs qu’en résulte le dilemme actuel quant à
la tenue des élections locales avant l’élection présidentielle d’octobre prochain. La tenue de
ces dernières en amont des élections présidentielles est déterminante, eu égard au fait que ces
dernières permettraient de « surveiller » le scrutin présidentiel.
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L’opposition actuelle, menée par Aboubacar Sylla a ainsi rappelé, le 19 juin dernier, que les
élections locales devraient se tenir « idéalement » le 30 août prochain, comme est venue le
rappeler récemment une mission d’évaluation du processus électoral dépêchée en Guinée en
avril dernier.
Il semble en tout cas évident que l’accélération du processus électoral serait de nature à éviter
d’éventuelles violences ethniques et permettraient de juguler les violences dans les rues,
notamment en ancrant une culture de la proportionnalité et du contrôle de la réponse
sécuritaire de la part des Forces de police et des Forces armées.
L’installation d’un parlement légitime est tout aussi indispensable dans le domaine de la
défense nationale d’autant que la Constitution garantit au Parlement le pouvoir et le droit de
demander des comptes à l’Exécutif. Ainsi, le Parlement doit s’assurer que les textes reflètent
les besoins de leurs électeurs et répondent efficacement à leurs attentes et à leurs réalités. Le
domaine de la défense nationale ne déroge pas à ce principe. Tout projet de lois en la matière
doit être discuté, amendé, adopté par les députés, c’est cela le contrôle parlementaire.
En effet, le pouvoir législatif adopte les lois fondant les champs d’action des forces de défense
et de sécurité et valident ou amendent le budget qui leur est accordé. Normalement, les
parlementaires doivent participer à la préparation de la politique de défense et de sécurité
nationale, à la détermination du budget, à son approbation, à son exécution et son évaluation.
La Constitution prévoit ainsi que l’Assemblée Nationale se réunisse de plein droit en session
ordinaire deux fois par an :
 la première session s’ouvre le 5 avril, sa durée ne peut excéder 90 jours ;
 la deuxième session s’ouvre le 5 octobre, sa durée ne peut excéder 90 jours.
La seconde session devrait être consacrée à l’adoption de la loi des finances, incluant le
budget dédié à la sécurité et à la défense. Le contrôle budgétaire n’est pas seulement une
présentation des recettes et des dépenses de l’Etat mais c’est aussi un puissant outil, essentiel
à la bonne gouvernance, qui permet aux parlementaires de contrôler la manière de dépenser
l’argent du contribuable guinéen.
Toute réflexion sur la défense nationale doit ouvrir le débat vers le contrôle parlementaire de
la politique de défense et de sécurité, le rôle de la société civile, des médias, les
responsabilités des citoyens, mais également, les nouveaux défis de l’insécurité.
La mise en œuvre de la politique de défense nationale doit se faire dans un cadre
constitutionnel solide qui permet aux élus d’avoir un droit de regard sur cette politique car la
gestion du budget accordé à la défense nationale doit être transparente et contrôlée par les
parlementaires. Ces derniers, la société civile, ainsi que les citoyens guinéens, bref, les
contribuables guinéens ont le droit d’avoir des informations précises sur l’utilisation des
deniers publics, notamment ceux dédiés à la sécurité nationale.
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4 Emergence d’une jeunesse instruite et soucieuse d’inclusion sociale (la
« bombe à retardement » d’une société où l’âge moyen est de 18,7 ans et le taux de
fécondité est de 5,5 enfants/femmes)
L’âge moyen des quelques 11 millions d’habitants de Guinée est de 18,7 ans. 60% des
guinéens ont moins de 25 ans et 60% de ces jeunes sont au chômage. La jeunesse Guinéenne
peut représenter ainsi, comme l’a rappelé le Président Alpha Condé, à l’occasion du Sommet
de l’UA, en mai 2013, que tous les chefs d’Etats africains étaient assis sur une « bombe à
retardement ». La population guinéenne est jeune et le restera pendant encore de longues
années lorsque l’on sait que le taux de fécondité est de 5,2 enfants/femmes et même si celui-ci
devrait tomber à 3,1 enfants/femme en 2025.
A ce sujet en novembre 2014, a eu lieu la 3ème Conférence Internationale Afrique, intitulée
« jeunesse africaine : bombe à retardement ou opportunité historique ? ». Cette conférence a
ainsi énoncée avec clarté les facteurs de l’activation de cette potentielle « bombe à
retardement » :
 Le manque d’éducation ;
 La « massification » de l’éducation ;
 le chômage, notamment au niveau des jeunes ;
 la non-activité des jeunes diplômés.
Pour empêcher la mise à feu de cette bombe, l’éducation doit être le chantier numéro 1 du
gouvernement guinéen et la jeunesse doit être au cœur de l’action politique. Ainsi l’ascenseur
social ne fonctionne plus et accroît les inégalités.
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Cet « effort » collectif sur l’éducation doit être accompagné d’une politique économique qui
doit être centrée sur l’emploi car une fois diplômé, les jeunes guinéennes et guinéens n’ont
souvent d’autres choix que de partir pour l’Europe ou l’Amérique du Nord.
Le niveau d’éducation et de formation du guinéen doit être la priorité des priorités pour les
dirigeants de ce pays. Un autre facteur est important, c’est celui de la cohésion nationale et
sociale sans laquelle aucun pays n’a de force. Si une industrialisation réussie et une économie
florissante peuvent faire la différence, ces deux objectifs n’auraient pas pu être réalisés sans
une organisation étatique rationnelle et un consensus social.
Ce couple Education/lutte contre le chômage constitue, dès lors, le moyen le plus efficace
pour redonner confiance en l’avenir à la jeunesse Guinéenne.
B) Les raisons d’une dynamique et d’une attractivité perturbées
1. Corruption et mauvaise gouvernance
Selon l’indice de la corruption de Transparency International, la Guinée se situe au
150ème rang sur 175 pays noté. A titre d’exemple, les élections présidentielles de 2010 ont été
l’objet de dysfonctionnement, selon l’ONG spécialisée dans la corruption économique et
politique, alors que l’Union Européenne avait reconnu publiquement ces élections.
A ce sujet, il est important de rappeler que l’UE sonde le terrain depuis début juin, pour
évaluer les possibilités d’établissement d’une Mission d’Observation Electorale (MOE).
Car, si tous les acteurs politiques partagent un point de vue consensuel, c’est bien au sujet de
la corruption, qui intervient à tous les niveaux et rouages administratifs.
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Le Président Alpha Condé a d’ailleurs amplement critiqué la Compagnie Nationale
d’Electricité pour cause de problèmes de corruption qui s’y déroulaient et a demandé que les
cadres guinéens soient remplacés par des cadres français issus de Veolia. Ainsi l’appareil
d’Etat est véritablement gangréné par une « mafia administrative » organisée, que le Président
de la République dénonce pourtant dans chacune de ses interventions. Il n'a rien fait pour
améliorer la situation.
Autre exemple, le fait que la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI), qui est
au centre des discussions entre majorité et opposition, ait mis trois ans pour organiser des
élections législatives, qui ont eu lieu l’année dernière et que les élections communales n’ont
pas été organisées depuis 2004, fait dire à l’opposition politique, que le pouvoir politique
s’arrange pour nommer comme bon lui semble, les maires, les conseillers régionaux, les chefs
de quartier, les chefs des communautés rurales de développement ou encore les dirigeants
d’un certains nombres d’institutions publiques.
Il y a d’ailleurs de forts doutes pour que les élections présidentielles se déroulent le 11 octobre
2015. D’autant plus que l’opposition politique ne prévoit pas de participer aux élections
présidentielles s’il n’y a pas d’élections communales avant.
Jamais donc ce pays n’a pu constituer des consultations électorales dans les délais. La CENI a
été mise en place sous le régime du Général Lansana Conté, sur la base d’une composition
paritaire entre les partis politiques et la société civile. Mais en réalité, la CENI n’a pas la
capacité technique d’organiser des élections.
Le pouvoir judiciaire - bien qu’indépendant de l’Exécutif et disposant d’un système de justice
militaire équitable et indépendant - est chargé du jugement des plaintes contre les services de
sécurité et leurs agents, de l’évaluation de la constitutionnalité des décisions prises. Là aussi,
l’incurie, l’incompétence des cadres du système judiciaire guinéen est plus qu’inquiétant. En
Guinée où la corruption mine le système judiciaire, il est cependant courant de constater la
soumission du Judiciaire au profit de l’Exécutif.
2. Des besoins en infrastructures et en services considérables
En Guinée, le tissu industriel est moribond. Il faut donc interconnecter davantage les
entreprises africaines entre elles. Ce sont les Etats qui doivent impulser cette inter-
connectivité en travaillant avec les opérateurs locaux, et en y associant les autorités locales
dont les responsabilités déconcentrées et décentralisés devraient être un signe tangible
d’engagement public envers les PME et les TPE.
Tous les domaines sont véritablement concernés, tels que l’achèvement des réseaux
d’adduction d’eaux potable ou l’électrification du continent africain.
En Guinée comme ailleurs en Afrique, les potentialités économiques sont faramineuses. Avec
900 millions d’habitants, le taux de croissance moyen varie entre 5 et 6% par an (en
moyenne). Avec la perspective d’accueillir d’ici 2050, 2 milliards d’âmes, la croissance serait
de 20%. A titre d’exemple, en ce qui concerne le développement d’Internet, en 2025, la
contribution d’Internet au PIB africain sera de 300 milliards de dollars, contre 18 Mds
aujourd’hui (soit une hausse de près de 17%). D’ores et déjà 90% des téléphones africains
sont des mobiles (il y en a 67 millions aujourd’hui, il y en aura 360 millions en 2025) !
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Alors que les technologies de l’information et de la communication (TIC) sont devenues de
nos jours la clé de voûte de tout développement économique, la Guinée est néanmoins exclue
de cette révolution numérique et donc marginalisée. Lorsque le téléphone ou l’électricité ne
fonctionnent pas, il est difficile de passer à Internet…
3 Le poids des migrations comme révélateur d’un mal être endémique
guinéen et d’une réponse institutionnelle insatisfaisante
Même si les migrations Nord-Sud et Sud-Nord sont équivalentes, force est de
constater que 97% de la population mondiale ne migre pas. 2/3 des migrations sub-saharienne
migrent d’abord en Afrique. D’ailleurs, la Guinée compte plus de 100000 réfugiés sur son
propre sol.
Pour rappel, les migrants des pays de la CEDEAO représentent 4% des migrants du monde.
Dans ce contexte, les Guinéens représentent, à eux seuls, 3% des migrants en Afrique. Cette
dynamique migratoire est renforcée par la libre circulation des migrants.
Aujourd’hui le couple migration/sécurité existe, alors que l’insécurité alimentaire en Afrique
touche 20 millions de personnes et que 60% de la population du continent africain à moins de
30 ans. Les migrations sont ainsi un outil de développement et le développement économique
accélère les migrations.
L’année 2014 aura été, d’après le HCR, l’année de tous les records, avec 42500 personnes
migrantes – pour cause économique, politique et désormais climatique, par jour !
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Il en ira ainsi de manière exponentielle, en tenant compte que sur les 2 milliards d’habitants
que comptera le continent africain, 800 millions vivront en ville.
*****
III - La France forte de son expérience démocratique peut et doit aider la Guinée
Avant octobre 2015, la France et la communauté internationale doivent s’engager pour
empêcher les violences contre les manifestants. La France doit ainsi, par le truchement de sa
participation, agir comme « facilitateur » au sein du dialogue politique entre majorité
présidentielle et opposition. Il convient ainsi que Paris insiste davantage pour que la tenue des
élections locales se fasse au plus vite.
Il en va de même pour la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) qui doit être
réellement impartiale pour surveiller le processus électoral, et ce, afin que l’alternance et le
débat politique ait lieu dans les bureaux de vote et non dans les rues de Conakry, comme les
récentes manifestations et son lot de victimes en témoigne. Pour rappel, le respect des droits
de l’homme, comme promis lors de la transition en 2009-2010, continuent à être un préalable
non négociable.
Le rôle de la France se mesure, dès lors, dans sa capacité à « calmer » les tensions ethniques
en veillant à ce que le Président Condé, qui cherche à les exacerber, ne les instrumentalise.
1. Actions pour la stabilité/stabilisation de la Guinée au lendemain de
l’élection d’octobre 2015
Dans le contexte actuel, il faut, bien évidemment, des élections libres, transparentes et
plurielles. Il faut également que les journalistes et la société civile puissent jouer leur rôle
dans ce sens, leur rôle critique et puissent proposer des solutions innovantes pour la société
guinéenne et l’exercice de la démocratie. Il faut que l’UE et la France, en particulier, puissent
dire, au plus niveau de l’Etat, que ce système de corruption, d’instrumentalisations divers,
doit cesser, afin que le jeu démocratique puisse être appliqué.
Cette pression « amicale » mais à appuyer davantage en actes, pourrait notamment être
exercée par le biais des amitiés affectives et électives, qui lient le Président Alpha Condé à
l’Internationale Socialiste, dont Alpha Condé est, du reste, vice-président.
Il en va de même pour Celou Dallein, qui est lui vice-président de l’Internationale Libérale,
présidée par l’ancien Commissaire européen belge, Louis Michel.
Il est bien connu que Francois Hollande est proche de Alpha Condé. Il ne peut pas utiliser cela
comme une excuse pour rester silencieux. Le gouvernement de Alpha Condé a tiré sur les
manifestants, a nié la démocratie, harcelé des journalistes de l'opposition, et est clairement
prêt à s’accrocher au pouvoir par tous les moyens nécessaires.
Le silence n’est pas une option: la France et l'Union Européen, doivent critiquer ces actes.
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27
2. Quels moyens mettre en place pour une vision de la Guinée à l’horizon
2020 ?
Le sentiment d’appartenance à la communauté guinéenne ne peut exister qu’à travers
la construction d’un Etat fiable, qui produit une vision mobilisatrice pour les jeunes.
Il faut donc changer de paradigme devant un constat sociétal, politique et économique et
militaire alarmant, car les militaires aussi sont méprisés, autant que le peuple.
Une action à plus long terme consisterait à faire l’évaluation des effectifs pour en extraire tous
ceux et toutes celles qui ont été recrutés sans critère de diplôme et de formation adéquate et
surtout revenir sur les promotions collectives et fantaisistes accordées aux militaires, policiers
et douaniers par le Conseil National pour le Développement et la Démocratie (CNDD).
En effet, il n’est pas rare de voir dans les carrefours de la capitale guinéenne, des officiers
supérieurs assurer la circulation en quémandant ici et là quelques billets de banques aux
paisibles citoyens et chauffeurs de taxis.
3. Quelles solutions régionales, continentales et internationales pour une
Guinée à l’horizon 2025 ?
L’UE doit faire de l’Afrique un enjeu majeur dans le monde. Une nouvelle relation doit
exister avec les Etats africains. L’UE doit également aider la société civile en Guinée et en
Afrique à prendre la parole, à mettre cette société civile en réseau.
Il est aussi de la responsabilité de la France que la Guinée ne se clive pas et qu’elle se
stabilise. Les droits et les devoirs de chacun en Guinée doivent ainsi être respectés.
Impliquer la société civile notamment en matière de lutte contre la corruption devrait être une
exigence partagée par tous les acteurs locaux, nationaux, régionaux, continentaux, ainsi qu’au
niveau euro-africain.
Ceci aurait pour principale retombée de sensibiliser les populations à l'importance des
industries extractives et à la nécessité de mettre en place une bonne gouvernance pour que
l’ensemble de la population africaine puisse en bénéficier, de manière plus « inclusive ». Il est
essentiel que les partenaires dans ce secteur s’engagent en faveur du développement: non à
l'inaction, comme cela est le cas de Rio Tinto à Simandou.
La Francophonie représente également un facteur de développement avec une homogénéité
culturelle qui est de nature à souder la société guinéenne mais aussi les pays voisins de la
région.
Il en va aussi de l’« exemplarité » du processus électoral guinéen qui, s’inscrivant dans un
processus de plusieurs années - 2015/2016/2017 - marquées par une douzaine de processus
électoraux (Gabon, Burundi, RCA, Congo-Brazzaville, RDC, Rwanda, Sénégal, Côte
d’Ivoire, Benin…) fortement crisogènes, conditionnera la manière dont les suivants se
dérouleront.
*****
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Guinée-Conakry : Opportunités & obstacles / freins & accélérateurs au développement à la paix et à la démocratie

  • 1. Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE) www.institut-ipse.org 1 Guinée-Conakry : Opportunités & obstacles / freins & accélérateurs au développement à la paix et à la démocratie  2015 est une année clé pour la Guinée : année d’élection présidentielle ;  Mais également clé pour la région car la Guinée est un acteur majeur ;  L’histoire de la Guinée est trouble depuis l’indépendance en 1958 ;  2010 était censé être une nouvelle ère pour la Guinée, il n’en a rien été ;  Les investissements étrangers sont au point mort à cause de la violence généralisée, la mauvaise gouvernance contre les investisseurs étrangers ;  La corruption, à tous les niveaux de l’Etat mais également de certains acteurs économiques obère le développement équilibré du pays ;  Simandou en est l’illustration « exemplaire » : Propriété de Rio Tinto depuis 1997, sans aucun développement ou investissement depuis. Un exemple de l’échec du secteur privé et du Gouvernement à travailler de concert pour le bien-être social et économique des populations locales. Travail réalisé par le Groupe d’études africaines de l’IPSE Lundi 6 juillet 2015
  • 2. Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE) www.institut-ipse.org 2  Sommaire : 2015 est une année clé pour la Guinée, année électorale avec un scrutin présidentiel fixé au 11 octobre prochain, dans un climat particulièrement incertain. Mais il s’agit également d’une année clé pour la région d’Afrique Sub-saharienne, dont la Guinée est un acteur majeur. L’histoire de la Guinée est trouble depuis l’indépendance en 1958. La démocratie récente ne parvient pas à s’imposer, après plusieurs décennies marquées par des pouvoirs autoritaires et un coup d’état en 2009. 2010 était censé être une nouvelle ère pour la Guinée, avec l’arrivée au pouvoir d’Alpha Condé, à la suite d’élections controversées, remportées par celui que bon nombre parmi la communauté internationale voyaient comme un sauveur. Depuis cinq ans, le bilan reste néanmoins très mitigé. Les investissements étrangers demeurent au point mort à cause de la violence résiduelle à travers le pays, la mauvaise gouvernance généralisée obère la bonne volonté des investisseurs étrangers qui tardent à venir investir dans le pays. La corruption, généralisée à tous les niveaux de l’Etat et des administrations, mais également parmi certains acteurs économiques obère le développement équilibré d’un pays pourtant plein de promesses, fort de ses nombreux gisements de minerai, et d’un climat propice à toutes les espérances sociales et économiques. Le gisement de fer de Simandou, l’un des plus importants du monde, en est l’illustration la plus parlante : Propriété de la compagnie minière Rio Tinto depuis 1997, le gisement n’a connu aucun début d’exploitation depuis. La carence de politique de développement et d’investissements dans l’économie locale, privent la population de retombées certaines en termes d’infrastructures, et bien sûr en termes de richesses. Il s’agit là, d’un exemple de la difficulté du secteur privé et du secteur public à travailler de concert pour le bien-être social et économique des populations locales.
  • 3. Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE) www.institut-ipse.org 3 Recommandations Politiques  La France doit s’impliquer dans l’échéance de 2015, au même titre que la région Sahélienne, la France doit s’intéresser à l’Afrique de l’Ouest.  La proximité et l’amitié personnelle et « politique » de François Hollande avec Alpha Condé devrait servir davantage à faire évoluer le Président guinéen vers plus de bonne volonté, tant au niveau du dialogue politique avec l’opposition que dans le cadre de la négociation des grands contrats miniers. Hollande doit critiquer Alpha Condé pour les échecs passés et actuels. La politique française en direction de Conakry ne peut être associée à la seule parole personnelle de notre Président. Les orientations de la rue de Solférino ne doivent pas se substituer à ceux du Quai d’Orsay ou du Palais de l’Elysée ;  La France doit se faire entendre davantage à mesure que le seuil des 60 morts a été atteint dans le cadre des manifestations politiques pacifiques ;  Le respect des règles démocratiques est primordial : les élections locales ont été illégalement repoussées sine die. Cela contribue à la défiance des investisseurs étrangers. Ces élections devraient se tenir avant l’élection présidentielle du 11 octobre prochain ;  Les codes miniers doivent répondre à des règles transparentes, appliquant le principe de libre concurrence, afin d’empêcher toute corruption. Le secteur minier guinéen doit en effet comprendre un volet social, à destination des populations locales.  La Guinée pourrait ainsi tirer profit pleinement de ses ressources, en engageant des mesures concrètes dans trois directions : 1. Lutter contre la corruption sous toutes ses formes ; 2. Réduire pour ensuite éradiquer l’exploitation illégale des ressources naturelles ; refuser de tolérer les retards ou l'absence de progrès des sociétés minières internationales 3. En finir avec l’octroi ou la suppression de licences d’exploitation des mines dans des conditions non transparentes qui prive la population de ressources susceptibles de lui permettre de réaliser un saut qualitatif sur les plans économique et social.
  • 4. Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE) www.institut-ipse.org 4 Introduction : France - Guinée : une politique étrangère et une coopération économique mouvementée Alors que la Guinée, à l'aube de son indépendance en 1958, était présentée comme le pays d'Afrique offrant les meilleures perspectives de développement, son produit intérieur brut (PIB) par habitant ne se situe en 2013 - selon le FMI – qu’autour de 588 dollars, ce qui la classe parmi les vingt-huit pays les moins avancés (PMA). Hormis la bauxite qui représente 97 % des ressources en devises, les nombreux atouts du pays n'ont pas été exploités après l’indépendance. Véritable Eldorado, dans l’espace économique ouest-africain, la Guinée semble se caractériser par un hiatus domestique qui en fait hélas encore un « Etat riche, dans une Nation peuplée de pauvres ». Comment, dès lors, envisager les raisons, les occasions manquées, les erreurs d’appréciations, qui n’ont pas permis à cet Eldorado, de sortir de l’ornière dans laquelle elle se trouve, avec 55% de sa population de 11,7 millions de personnes, qui vit encore au-dessous du seuil de pauvreté, classant la Guinée, au 178ème rang sur 187 en termes de développement humain avec une espérance de vie par habitant de 54 ans et un taux d’alphabétisation de 41% (selon le classement établi par le PNUD) ? C’est tout d’abord dans la relation bilatérale qu’il faut trouver les premières causes à cette asymétrie de développement. A) Les raisons historiques d’une relation passionnée Le schisme fondateur d’octobre 1958 (Sekou Touré versus De Gaulle) au temps de l’indépendance, du parti unique, du non-alignement et du Panafricanisme (années 1960 – 1970) : entre Utopie de l’indépendance politique et Realpolitik de l’interdépendance économique… C’est en 1891, que la France proclame la Guinée colonie française, indépendamment du Sénégal, auquel elle était précédemment rattachée. Mais, c’est avec le projet de nouvelle constitution française et le « non » au Référendum de septembre 1958, sur la Communauté française que la Guinée obtient son indépendance, le 2 octobre 1958. La Guinée est ainsi le seul pays d’Afrique francophone à rejeter l’offre du Général de Gaulle, visant à transformer l’Afrique Occidentale Française (AOF) pré-coloniale en « Communauté » de destin française, post-coloniale. La nouvelle constitution guinéenne est d’ailleurs, « calquée » sur la nouvelle constitution française et les militaires, qui arrivent au pouvoir aux côtés de Ahmed Sékou Touré, ancien député de la IVème République et ancien maire de Conakry, sont les garants du respect des jeunes institutions et de la Constitution.
  • 5. Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE) www.institut-ipse.org 5 Ce pays promettait des perspectives intéressantes au sortir de la colonisation française. L’épisode de la visite « chaotique » du général de Gaulle, caractérisée par des sifflets et des hués est perçu comme une humiliation par la France. Le départ des militaires et l’arrêt de la coopération technique plonge le pays dans une situation économique compliquée. Très vite, d’ailleurs, les penchants « marxistes » du président, fondateur de l’Union générale des Travailleurs d’Afrique noire (UGTAN) et du Parti Démocratique de Guinée (PDG) place la Guinée dans le « giron » soviétique. Sekou Touré, obtient même le Prix Lénine pour la Paix en 1961, confirmant l’ancrage durable des interdépendances transatlantiques (avec Cuba) et transcontinentales (avec l’URSS), tout en ne tournant pas totalement le dos à la France. B) Entre divergence/renforcement des liens France – Guinée et le difficile exercice de la démocratie Malgré les divergences entre la France et la Guinée, la nécessité de coopérer (durant la période allant du début des années 1980 à l’élection du président Alpha Condé en 2010, la première caractérisée de « démocratique », par la Communauté internationale), est évidente. Il semble également que la succession de pouvoirs autoritaires (de la 1ère République instaurée par Sekou Touré à la 2nd République mise en place par Lansana Conté : 1958/1984 ; 1984/2008) puis le retour des militaires et des putschs militaires (la « parenthèse » de la Junte du CNDD : 2008-2010) n’y change rien sur le fond comme sur la forme. Cependant, ni l’aventure du « centralisme démocratique », ni l’utopie « panafricaniste », engagée aux côtés du ghanéen Kwame Nkrumah, à travers l’éphémère union entre la Guinée, le Ghana et le Mali (1959-1960), ni les nationalisations, ne parviendront à remettre le pays sur les rails du développement équilibré et participatif et le geste du « non-alignement », que la Guinée rejoint en septembre 1961, pas davantage. Bien qu’un des personnages fondateurs et clés du mouvement des non-alignés, à travers cet « esprit de Bandung » - du nom du Sommet indonésien de 1955, qui jeta les bases d’une divergence équidistante entre les deux blocs, ne suffira pas à convaincre de l’indépendance réelle du pays à l’égard de l’Union soviétique et ses alliés cubains. Le décès du président Sekou Touré, en 1984, après 26 ans de « règne » et l’arrivée au pouvoir par les armes du colonel Lansana Conté et de la junte militaire dénommée Comité Militaire de Redressement National (CMRN) va opérer un changement « radical » en matière économique et diplomatique. Du centralisme démocratique, l’on est passé, en quelques années seulement, à une phase libérale, caractérisée par la privatisation de nombreuses entreprises publiques, l’apparition du multipartisme en 1993, l’organisation de scrutins (1993 et 1998) et la mise en place d’une
  • 6. Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE) www.institut-ipse.org 6 rhétorique nationaliste. L’armée a donc effectué un virage à 180 degré en instaurant un régime libéral, sans réelles règles. Inévitablement, du reste, le président Lansana Conté fait figure de précurseur, en modifiant la Constitution en 2003, afin de se présenter pour un troisième mandat, en décembre 2003. Malgré le plébiscite électoral (95,63% des voix), après 24 ans de pouvoir guère partagé, quoique disputé – par le truchement de plusieurs tentatives de renversement, un nouveau Coup d’Etat, le lendemain de sa mort le 22 décembre 2008, replace la Guinée dans la trajectoire des incertitudes politiques, nourrissant d’autant les incompréhensions de la Communauté internationale, plus singulièrement de la France. La parenthèse « tragique » de la Junte militaire - Conseil National pour la Démocratie et le Développement (CNDD) - qui porta au pouvoir le Capitaine Dadis Camara, vient confirmer le poids de l’institution militaire et ses non-dits ethniques… La suite des évènements ne change pas fondamentalement la donne. La fusillade au Stade de Conakry en septembre 2009, ainsi que les dissensions au sein du CNDD qui en suivirent et de facto l’attentat contre Dadis Camara en décembre 2009, toute comme l’exfiltration du capitaine putschiste vers le Burkina Faso en janvier 2010 confirme le délitement du pouvoir. Ces évènements seront suivis par la transition présidentielle assurée par Sékouba Konaté entre mars 2010 jusqu’à l’élection présidentielle du 27 juin 2010, la première organisée de manière démocratique (selon les critères internationaux, du moins) qui vit Alpha Condé l’emporter, après un deuxième tour fortement contesté par l’opposition, dont le candidat malheureux de l’Union des Forces Démocratiques de Guinée (UFDG), Cellou Dalein Diallo. Crédité de seulement 18,25% à l’issue du premier tour, contre 43.69% à Cellou Dalein Diallo, Alpha Condé a réussi à l’emporter, grâce à l’entrée en jeu entre les deux tours de la société sud- africaine Waymark chargée de la logistique du scrutin, qui s’était fait connaitre en truquant les élections camerounaises quelques mois plus tôt. Rappelons également que Loucény Camara, l’un des soutiens clés de Alpha Condé a été condamné pour fraude électorale dans cette affaire. L’on pourrait d’ailleurs comparer Haïti avec la Guinée, à la lumière de cette histoire politico- militaire. Tout comme Haïti, la Guinée a connu près d’un demi-siècle, une dictature et un libéralisme sauvage et près de deux années d’un régime militaro mafieux qui ont désorganisé le pays et ce, pour de nombreuses années. La France, demeure ainsi malgré tout, depuis l’indépendance en 1958, un partenaire de référence, qu’il s’agisse de la coopération économique (130 millions d’euros) ou de la coopération en matière de défense et sécurité (malgré son interruption entre, septembre 2009 et février 2010, lié au Coup d’Etat militaire de Dadis Camara). Ces réalités confirment que la France doit être aux « avants postes » afin que les six prochains mois, n’aboutissent pas à une issue tragique, nous remémorant les tristes heures du 28 septembre 2009, qui avaient vu la mort de 157 civils. *****
  • 7. Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE) www.institut-ipse.org 7 I - Mauvaise gestion et fortes corruptions empêchent les efforts guinéens de la réalisation d’un fort potentiel existant Pendant longtemps, la Guinée n’a en fait jamais pu mettre en place le modèle de l’Etat-nation qu’elle a voulu fonder après le non au Général de Gaulle en 1958. Les dirigeants guinéens ne sont pas parvenus à mettre en place un projet national qui surpasse les solidarités ethniques. L’appareil d’Etat a été davantage accaparé par une mafia administrative organisée (MAO), autour d’un groupe ethnique aux principaux postes de responsabilité, que par une organisation politique dotée d’un programme de gouvernement. Les dirigeants du pays ont géré l’Etat de manière patrimoniale. Nous avons eu à faire en Guinée, depuis l’indépendance à un Etat prédateur qui s’est mis en place avec des élites dirigeantes ne tenant leur privilège que du bon vouloir d’un pouvoir qui vient d’en haut, incarné durant ces cinq dernières années par Alpha Condé. A) Les facteurs endogènes des crises 1. Religions, prosélytisme et radicalisation (évangélisme et islamisme) Devant l’inexistence de projet stratégique pour la jeunesse guinéenne par le pouvoir politique, la religiosité et le confessionnalisme s’insère dans la société guinéenne jusqu’à l’installation du radicalisme, en particulier islamiste, qui tente d’instrumentaliser l’idéologie religieuse en profitant de l’absence d’idéologie politique. Sur le plan religieux, l’on note, en effet, l’émergence de différents courants de prosélytisme religieux. Ceux-ci commencent à diffuser à travers le pays un islamisme radical qui semble recevoir un soutien financier des pays du Moyen-Orient via les congrégations religieuses du Sénégal et du Mali. La communauté chiite libanaise sert aussi de relais à la diffusion de cet islamisme. La Guinée est aujourd’hui une société aux profondes blessures. Malgré le pluralisme politique, le pays reste, depuis 1958, sans référence positive. Le pouvoir est considéré comme le seul moyen pour assouvir des aspirations individuelles, familiales, régionales ou ethniques. L’Etat a abandonné toute tentative de projet économique pour les jeunes. Les congrégations religieuses ont pris le relais dans un certain nombre de régions. L’on voit également la construction de mosquées s’accélérer. De la Première à la Troisième République, les pratiques politiques sont restées quasiment les mêmes. L’Etat et l’Administration restent pratiquement inexistants. La capacité administrative s’est fragilisée à tel point qu’au niveau de plusieurs régions, c’est donc les Eglises et les confréries religieuses qui ont pris le relais de l’Etat. Il est urgent d’empêcher que la radicalisation religieuse ne remplace le projet politique.
  • 8. Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE) www.institut-ipse.org 8 2. Criminalisation et accaparement des richesses naturelles et des infrastructures du pays En Guinée les recettes de l’Etat dépendent à plus de 80% des ressources minières et ceci sans réel contrôle démocratique. Dès lors l’appât de cet important pactole, fait oublier à l’Etat son rôle régalien au profit des multinationales et des proches des dirigeants. L’affairisme minier prend, le plus souvent, le dessus sur la bonne gouvernance du secteur minier. Contribution du secteur minier à l’économie de la Guinée L’affaire VBG/Etat guinéen autour de l’octroi des blocs 1 et 2 du Simandou, tout comme le cas du géant russe de l’aluminium Rusal/Etat guinéen, autour de l’achat « sous-estimée » (à hauteur de seulement 19 millions de dollars) de l’usine d’alumine de Friguia, illustre également ces blocages économico-politico-judiciaires. Sur un autre plan, le différend opposant le groupe Bolloré à la société française Getma, autour de la convention de concession sur la gestion du terminal de conteneurs de Conakry en sont les parfaites illustrations. La récente décision du Tribunal arbitral de Paris, en faveur de la société Getma, semble ainsi répondre, sur le terrain judiciaire, à une mauvaise gestion politique de ces dossiers « structurant » pour le développement du pays. Le cas de Simandou, est d’ailleurs souvent cité en exemple, comme une parfaite illustration de ce gâchis. Certains spécialistes affirment que cette montagne est la plus importante réserve inexploitée au monde avec une valeur estimée à des centaines de milliards de dollars. Par le passé, des contrats miniers d’une valeur de 140 millions de dollars du temps de Lansana Conté, laissent planer plusieurs doutes sur les conditions de transparence des contrats conclus avec les entreprises étrangères. Rappelons qu’en août 2010, le groupe minier brésilien Rio Tinto, s’est vu dépossédé de ses deux permis sur le site nord du Simandou par le gouvernement de Lansana Conté en raison de son absence d’investissement sur le site. Aucune extraction n’ayant été réalisée, et aucune infrastructure mise en place pour l’exploitation du gisement. Quelques jours avant la mort du président Conté, ces permis sont attribués à la société israélienne Beny Steinmetz Group Ressources (BSRG) appartenant au milliardaire Beny Steinmetz. En 2010, BSGR cède 51% de ses parts dans le gisement de Simandou à Vale, multinationale brésilienne pour 2,5 milliards de dollars afin de créer une nouvelle société Guinéenne, VBG, pour gérer le chantier de Simandou. Après l’élection du président Alpha Condé en 2010, les autorités guinéennes lancent un audit sur tous les contrats miniers octroyés avant son arrivée au pouvoir. La vérification, effectuée par le CTRCM (Comité technique de revue des titres et conventions miniers), n'a pas été un exercice de transparence ou d’indépendance exemplaire. Au lieu d'un comité indépendant, le CTRCM a été contrôlée par les ministres et les proches de Alpha Condé. Le processus -
  • 9. Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE) www.institut-ipse.org 9 comme dans le cas de l'affaire Getma - a été clairement conçu pour parvenir à un résultat prédéterminé. Le CTRCM a abouti en 2014 à la résiliation du fameux permis octroyé à BSGR sur le gisement Simandou. Depuis, c’est le bras de fer judiciaire entre les autorités guinéennes et BSGR. Rio Tinto et Vale s’écharpent désormais devant les tribunaux du monde entier, notamment à cause de la situation à Simandou. Curieusement, Rio Tinto, n'a pas été sanctionné par le Gouvernement, et lui a payé 700 millions de dollars d’« honoraires » après les élections. sans que l’on sache pour quelle raison et ce qu’est devenue cette somme. Vale et BSGR en revanche n’ont pas effectué de virement similaire et n’ont reçu aucune indemnisation pour leur éviction. Depuis l’indépendance, au lieu de recoudre le tissu social, tous les régimes qui se sont succédé au pouvoir, ont opté pour des petits calculs ethno-politiques et l’affairisme minier pour se maintenir. Cet accaparement des richesses est une réalité, lorsque l’on sait que depuis 1990, les contrats miniers sont audités et attribués par la Présidence de la République. D’ailleurs le géant minier brésilien, a obtenu un de ces contrats en mai 2014, contrat pouvant permettre à la Guinée de doubler son PIB et de créer 45000 emplois. L’écueil ici, réside dans le fait que la redistribution des revenus des mines n’est pas visible au niveau de la population. Ainsi ce système économique et de gouvernance favorise le développement de l’économie informelle qui est largement répandue. Selon un document officiel guinéen édité en 2014 ( http://www.disonslaveriteguinee.net/wp- content/uploads/2014/01/french_-_mines.pdf), il y a plus de 10 projets en cours de négociation et parmi eux, des mégaprojets concernant notamment l'exploitation minière et la construction de chemins de fer et/ou ports. Les projections, en prenant en compte le début du projet Simandou Rio Tinto (Simfer) en 2017 et le potentiel de deux projets de bauxite/alumine, montrent que le PIB réel et nominal pourrait doubler entre 2012 et 2015 et une croissance significative pourrait se poursuivre jusqu'en 2020. Les nouveaux projets représenteront 20% du PIB nominal en 2016 et 27% du PIB en 2017- 2018. L’ensemble de ces projets affichent ainsi, sur le « papier », une volonté de l’Etat de diversifier la structure de l’économie jusque-là, fortement corrélée à l’extraction de minerai, et de privilégier la transformation locale, pour permettre à la Guinée, de devenir à la fois un exportateur d’alumine et d’aluminium, à l’instar de l’Australie, premier producteur mondial de bauxite qui transforme 80 % du minerai sur place. Plusieurs autres projets sont d’ailleurs annoncés avec pour objectif d’ancrer l’action publique dans une démarche inclusive et soucieuse de l’avenir des générations présentes et futures, sans qu’aucune garantie ne soit réellement venue corroborer cette volonté…
  • 10. Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE) www.institut-ipse.org 10 Le décollage économique de la Guinée ne peut se réaliser que dans un pays ou l’état de droit est respecté. 3. Asymétrie du développement : Centre / Périphérie Avec 304 sous-préfectures, 33 préfectures et huit régions administratives, la Guinée n’a pas su gérer le lancinant hiatus entre centre et périphérie. D’ailleurs, un Guinéen sur cinq vit à Conakry, qui avec 2 millions de ses quelques 11 millions d’habitants, capte toute les attentions. Il s’agit de l’un des principaux problèmes de gouvernance en Guinée. C’est pour cela qu’un système de gouvernance décentralisée permettrait aux différentes régions d’être mieux considérées et mieux prises en charge notamment dans la région forestière, théâtre d’une instabilité chronique. La pauvreté est également liée à une allocation inégale des ressources humaines qualifiées entre les zones urbaines et rurales. Conakry qui compte 20% de la population guinéenne, compte 48% des médecins du pays par exemple. Il en va de même pour les moyens de transports. Couplée à cela, les violences ethniques empêchent la stabilité politique de constituer la base du développement économique. 4. Gestion erratique de la crise épidémique Ebola (à partir de fin 2013 : retards dans la gestion domestique du dossier et difficiles coopérations régionales) La crise sanitaire Ebola a montré que le système de santé en Guinée est désorganisé. Sur ce sujet, la coopération régionale est très limitée voire inexistante, alors que dans des crises épidémiques comme celles-ci et qui par définition dépassent les frontières, la solidarité du voisinage doit prévaloir. La fièvre Ebola a déclenché une réponse internationale, car elle menace le monde mais elle n’est que le reflet de la pauvreté et de la défaillance du système sanitaire. En Guinée, d’autres maladies comme la drépanocytose, la fièvre jaune, le paludisme sont beaucoup plus meurtrières. Plus récemment, la solidarité de la France aux côtés de la Guinée dans la lutte contre l’épidémie liée au virus Ebola (installation d’un groupement médico-chirurgical fort d’une centaine d’hommes et de 200 lits en Guinée forestière, à Macenta, doublée par le Plan d’action de plus de 100 millions d’euros que la France a engagé dans ce sens) aura été rapide et efficace. L’enclavement de certaines zones et le coût élevé des transports apparaissent comme autant de facteurs importants de pauvreté, au même titre que les difficultés d’accès au crédit, la dégradation de l’environnement, les chocs exogènes, les chocs sanitaires, comme la crise d’Ebola en témoigne.
  • 11. Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE) www.institut-ipse.org 11 La Guinée serait donc en mesure de passer le cap du développement pour accéder à l’émergence, à condition de prendre des mesures concrètes pour instaurer une gouvernance saine notamment en matière économique et renforcer les capacités de son administration. Il convient ainsi d’ajouter que le désastre sanitaire provoqué par Ebola et sa gestion erratique en Guinée, au Libéria et au Sierra-Leone a largement induit une perte de souveraineté sur la pratique des soins et la lutte en amont contre l’épidémie. Cette perte de souveraineté a ainsi largement profité aux ONG et organisations « philanthropiques » anglo-saxonnes, organisations gouvernementales américaines, au premier chef desquels le Center for Disease Control and Prevention (CDC). L’attention internationale s’est portée sur la Guinée. Les carences d’infrastructures et la pauvreté ont été pointées du doigt. Si l’épidémie semble se terminer, certaines de ses causes (hygiène) sont toujours présentes. 5 Contexte électoral national et régional Alors que la situation sécuritaire en Afrique de l’Ouest reste des plus précaire, malgré l’investissement militaire français, dans la Bande Sahélo-Saharienne (BSS) contre les groupes armées terroristes (GAT), le risque récurent des insécurités électorales, quoique atténués ces dernières années, par les « succès » relatifs des processus électoraux présidentiels maliens en 2013 et sénégalais en 2012, les prochains mois risquent d’obliger la communauté internationale à davantage de vigilance et de mobilisation. Plus d’une dizaine d’échéances électorales (Togo, Nigéria, Burundi, Gabon, Niger, Rwanda, Congo-Brazzaville, Sénégal, RCA, Cameroun, Comores, Côte d’Ivoire…) ont eu lieu et auront lieu en 2015 et 2016 sur le continent africain. Il s’agit, après le « coup de balais » de décembre dernier, ayant provoqué, la chute du président burkinabais, Blaise Compaoré, de rendez-vous déterminants. Il s’agit, en effet, d’ancrer durablement la démocratie, les droits humains, et la souveraineté populaire. C’est la meilleur façon de lutter contre les radicalisations, les obscurantismes, les guérillas de toutes natures, les fanatismes identitaires, sectaires et religieux, dont se nourrissent et s’enrichissent terroristes, rebelles, narcotrafiquants et criminels… B) Les facteurs exogènes des crises Dans ce domaine, l’impact des narcotrafics dans l’Afrique de l’Ouest et son lien intrinsèque avec le financement du terrorisme; l’épineuse question des frontières et son corollaire des criminalités transfrontalières sont autant de causes des instabilités subrégionales. A cela s’ajoute un agenda environnemental et écologique (fragilités écologiques du Bassin du fleuve Niger – déforestation en Guinée forestière) et des instabilités « chroniques » du voisinage (Mali, Sierra Leone, Liberia, Côte d’Ivoire…) dont la prolifération des ALPC (armes légères et de petit calibres) est une des expressions les plus dangereuses, pouvant potentiellement plonger la Guinée dans une spirale de violence.
  • 12. Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE) www.institut-ipse.org 12 Sur les 83500 km de frontières que possède l’Afrique, la moitié seulement est délimitée, tandis qu’un qu’1/3 est démarqué. Pourtant, le programme des Frontières de l’Union africaine (PFUA) a indiqué qu’à l’horizon 2017, il conviendrait que l’on passe rapidement de la notion de frontière « barrière » à celle de frontière « passerelle ». D’où l’importance structurelle de la régionalisation et des coopérations subrégionales. L’instabilité régionale frêne très clairement les investissements étrangers et avec eux les IDE. Les Guinéens ont été très préoccupé par la situation au Mali, là où précisément nombres de Guinéens et Guinéennes considèrent le Mali et la Guinée comme étant « le même pays » ethniquement et appartenant à la même culture francophone. 1. Crainte d’un terrorisme qui s’étend depuis le Mali. Emergence d’un agenda sécuritaire régional en lien avec l’éruption du terrorisme dans la Bande sahélo- saharienne - BSS L’appartenance de la Guinée à la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) depuis le Traité de Lagos, en mai 1975, ainsi qu’à la Communauté des Etats sahélo-sahariens (CEN-SAD, crée en février 1998, à l’instigation de la Libye) depuis 2007 « oblige » la Guinée à prendre en compte avec célérité et pérennité, la coopération et la solidarité régionale en matière de sécurité. La création du G5-Sahel, à l’instigation du président mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz, en février 2014, (réunissant la Mauritanie, le Mali, le Niger, le Burkina-Faso et le Tchad), tout comme la nouveau programme français d’Appui à la Coopération Transfrontalière au Sahel (ACTS) implique aussi pour les pays riverains, dont la Guinée, de considérer les avantages de la coopération transfrontalière en matière de lutte militaire et sécuritaire contre le terrorisme et de l’approche globale pour y faire face. L’émergence d’un agenda sécuritaire partagé tant aux 14 pays riverains du Golfe de Guinée, qu’au niveau des 5 Etats sahariens (G5-Sahel) de la Bande sahélo-saharienne est primordiale étant donné le contexte géostratégique actuel. Mais il existe aussi, la nécessité de transposer dans l’espace CEDEAO, les bonnes pratiques en matière de coopération régionale sur le plan économique, à l’instar de l’entrée en vigueur depuis le 10 juin dernier de l’accord de libre-échange tripartite englobant les 3 blocs économiques d’Afrique australe et orientale (Common Market for Eastern and Southern Africa - COMESA, East African Comunity - EAC et Southern African Development Community - SADC) visant à la création d’un marché économique intégré, du Caire au Cap, regroupant 26 des 54 Etats africains, forte de 625 millions d’habitants (sur les 900 millions vivant actuellement sur le continent) et riche d’un PIB de 1000 milliards de dollars. Mais, cette intégration régionale ne peut se faire que si les gouvernements sont démocratiques et transparents. D’ailleurs, comme pour l’UE, la souveraineté des Etats est renforcée par l’intégration régionale dans le sens où les souverainetés sont additionnées.
  • 13. Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE) www.institut-ipse.org 13 2. Prédations économiques (Focus sur le secteur minier) La Chine est le plus gros consommateur d’alumine et de fer au monde. Ce dernier impacte directement sur l’exploitation ou la non-exploitation des minerais africains ainsi que sur les cours mondiaux de ces matières premières. Sa présence à grande échelle sur le continent africain remonte à 2002. Par voie de conséquences, les prix des différentes substances augmentent inexorablement depuis 2004. Ainsi, la Chine commande véritablement le développement minier en Afrique. Là encore, ce sont les marchés mondiaux qui pourraient être les véritables leviers du développement « inclusif » et plus équitablement partagé au sein des pays producteurs. La Guinée ne fait pas exception, bien au contraire.
  • 14. Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE) www.institut-ipse.org 14 La Guinée possède aussi un fort potentiel hydroélectrique sachant qu’il y pleut huit mois de l’année. La Guinée est le véritable château d’eau ouest-africain ! Les entreprises comme Electricité de Guinée (EDG) et la Société des Eaux de Guinée (SEG), pour ne citer que celles-là, sont ainsi minées par la corruption, la mauvaise gestion. Par ailleurs, du fait des nominations clientélistes, les entreprises d’Etat sont incapables de produire un service correct aux citoyens. L’ensemble de ces richesses sont largement sous-exploitées. Ainsi, la Guinée n’est que le cinquième producteur mondial de bauxite alors que son sous-sol renferme, selon plusieurs sources, 25 milliards de tonnes des réserves mondiales. L’exploitation des mines de bauxite représente 80% des échanges commerciaux de la Guinée avec des recettes assez faibles pour l’Etat alors que ce secteur est entièrement concédé au secteur privé international. L’anglo-australien Rio Tinto, mais aussi les autres groupes sud- africains, chinois et iraniens tirent profit d’une ressource en abondance sans que la population n’en tire profit. L’économie guinéenne est presque entièrement dépendante des recettes dérivées de l’extraction de minerais rares, concédée à des entreprises étrangères. Les indicateurs économiques et sociaux de la Guinée confirment cette très forte dépendance. Ils sont en total contraste avec les richesses naturelles dont dispose le pays. En effet, la Guinée possède des richesses hydrographiques immenses (château d’eau de l’Afrique), un énorme potentiel minier (le tiers des réserves mondiales de bauxite, minerai destiné à fabriquer de l’aluminium), mais également de l’or, diamant, manganèse, zinc, cobalt, nickel et de l’uranium.
  • 15. Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE) www.institut-ipse.org 15 Ainsi la Guinée est l’un des pays les mieux dotés de l’Afrique de l’Ouest en ressources naturelles, on la surnomme d’ailleurs la RDC de l’Afrique de l’Ouest. Ces ressources sont largement sous-exploitées et mal exploitées. Depuis l’indépendance, le pays n’a pas développé de véritable politique économique minière. Le secteur minier fournit ainsi à lui seul, 20 à 25% des recettes publiques de la Guinée avec un montant estimé à 210 millions$ (2012), et contribue à hauteur de 10 000 emplois directs (Banque mondiale, 2012). Le Gouvernement guinéen tire également des recettes des taxes à l'exportation des diamants et de la location des infrastructures (un montant estimé à 8 millions$ 2012). Plus de 200 000 personnes participeraient activement à l'exploitation minière artisanale et à petite échelle de l'or et du diamant essentiellement. Le cas de Simandou, est souvent cité en exemple, comme une parfaite illustration de ce gâchis. L’absence de développement économique le long des 100 Km, peu ou prou, de la chaîne du Simandou, depuis son exploitation en 1997. Rio Tinto, qui, a en effet, obtenu le droit d’exploiter les quatre blocs miniers de Simandou sous Lansana Conté est ainsi assis sur un tas de fer et n’en fait rien, et n’en n’a, en fait, pas fait bénéficier la population. Cette situation donne une impression d’un énorme gâchis, aggravée par la gestion erratique par le Gouvernement guinéen qui a sensiblement perturbé les chances de développement, local comme au niveau national
  • 16. Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE) www.institut-ipse.org 16 ***** II – Une bonne gestion des nombreuses ressources humaines, naturelles et matérielles de la Guinée est la clé d’une maîtrise de son environnement et de la naissance d’un leadership régional Un document récent du FMI (Rapport du FMI No. 13/191Juillet 2013) relatif à la stratégie de lutte contre la pauvreté en Guinée, indiquait que pour relever les défis de lutte contre la pauvreté, la politique économique du gouvernement guinéen à moyen terme (2013-2015) devait s’employer à jeter et à consolider les bases pour l’émergence future de la Guinée. Pour cela, elle doit s’orienter vers de nouvelles priorités qui sont:  la restauration de l’Etat de droit et la réforme de l’administration publique;
  • 17. Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE) www.institut-ipse.org 17  l’accélération et la diversification de la croissance ;  le développement des secteurs sociaux ;  la réduction des disparités régionales, la promotion du développement à la base et décentralisation. A cela, bien évidemment, une attention particulière doit être également accordée à la promotion vigilante et durable des droits de l’homme et de l’égalité de genre pour chacun de ces quatre domaines de priorité. A) L’influence des différentes composantes de la société guinéenne 1. Poids des ethnicités (Soussous/Malinkés/Peuls/Bambaras…) et difficile émergence de partis politiques réellement déconnectés du fait ethnique La Guinée est un pays pluriethnique. Pourtant, l’ethnie la plus nombreuse qui est l’ethnie Peul, qui représente 45% de la population, n’a jamais accédé au pouvoir. Le processus politique en Guinée est ainsi venu se greffer sur la géographie du pays avec le poids de l’ethnicité du pays. Le processus démocratique en Guinée depuis 1990, se déroule, ainsi, dans une situation socio- économique difficile, vis-à-vis duquel la tentation du repli identitaire et religieux n’est jamais très loin, d’où le risque de conflits et crises interethniques. Le poids des ethnicités est tellement fort qu’aucun effort d’analyse politique critique ne peut se faire aujourd’hui en Guinée sans qu’il soit pointé du doigt comme constituant une charge dirigée en faveur ou contre telle ou telle ethnie. Malheureusement, dans ces conditions, la constitution d’un projet national qui surpasse les divergences ethniques est très complexe. Les Malinkés sont présents pour 35% de la population et ces derniers, contrairement aux premiers, ont accédé au pouvoir avec le Président Sekou Touré de 1958 à 1984. Enfin, les Soussous représentent 15% de la population et ont exercé le pouvoir en 1984 jusqu’en 2008 avec Lansana Conté. Ces derniers sont actuellement représentés par Sidya Touré, qui préside l’Union des Forces Républicaines (UFR). A cet « équilibre » ethnique fragile, s’ajoute des partis politiques, qui sont passé en 1991, avec l’avènement du multipartisme d’un parti unique - Parti démocratique de Guinée (PDG) devenu le Rassemblement du peuple de Guinée (RPG) à plusieurs partis dont le PDG, l’Union des Forces Démocratiques de Guinée (UFDG), l’Union des Forces Républicaines (UFR) et le PEDN Espoir, qui n’ont pas encore su faire leur mue. Aucun, d’ailleurs, ne se présente avec un programme politique clair, assumé, pire, aucun ne s’affiche sur des choix de conviction et de société. Les trois forces politiques principales (PDG, UFDG et UFR), sont toutes représentées par des responsables politiques en fin de parcours. Alpha Condé a 77 ans et aura 82 ans en 2020.
  • 18. Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE) www.institut-ipse.org 18 Cellou Dalein Diallo, qui se présenta à l’élection présidentielle de 2010 et arriva en tête au premier tour (avec 39,72% mais perdit face à Alpha Condé, 4 mois après pour le second tour aux dépens d’Alpha Condé) ne se présentera sans doute pas en 2020. Sidya Touré, qui arriva troisième (avec 15,60% des voix) fut lui Premier ministre en 1992 (jusqu’à 1999). Lansana Kouyaté, qui obtint 7,75% des voix en 2010, vit davantage à Paris qu’à Conakry. L’autre figure historique de l’opposition, Bah Oury, vice-président de l’UFGD, leader « historique » de l’opposition réside, en exil depuis 2011, à Albi. Bref, les trois anciens Premiers ministres, Sidya Touré, Lansana Kouyaté et Cellou Dalein Diallo ne peuvent incarner une alternative que s’ils arrivent à s’unir. Une alternative est nécessaire, de toute urgence. Les soubresauts du dialogue politique entre le Gouvernement et l’Opposition n’offrent ainsi, pour l’heure, pas encore cette perspective. Le regroupement récent de l’opposition dite républicaine qui entend capitaliser le désespoir d’une majorité des Guinéens est un pas significatif vers un débat politique plus serein. Néanmoins, cette coalition de l’opposition qui semble soudée aujourd’hui, paraît tout de même très hétéroclite. Le seul objectif poursuivi par de nombreux leaders politiques de l’opposition est de remplacer l’actuel locataire de la présidence et ce qui les unit surtout tous, c’est leur hostilité réciproque à l’égard du locataire du Palais de Sékhoutouréya ! Les récentes manifestations survenues ces dernières semaines, qui ont déjà couté la vie à plusieurs manifestants, viennent confirmer que la Guinée vit des heures difficiles, notamment pour le devenir de son processus de démocratisation. Après la difficile gestation des élections présidentielles de 2010, qui prirent 4 mois entre les deux tours, le gouvernement n’arrive pas depuis le 21 décembre 2010, date de l’investiture du 4ème président guinéen, à trouver le langage juste, ni les gestes et actions nécessaires pour rassembler les Guinéens. Sur le plan économique, l’amateurisme de l’équipe gouvernementale de l’actuel Premier ministre, Saïd Fofana est manifeste, ce dont témoigne l’absence remarquée de programme économique. La principale crainte des Guinéens demeure néanmoins que la politique suivie depuis 2010, n’exacerbe le climat encore davantage d’affrontement interethniques et engage le pays dans une guerre civile, dont l’instrumentalisation du fait ethnique aura été le déclencheur. Dans un contexte politique difficile, fait de manifestations, parfois réprimées à balles réelles (60 morts depuis trois ans) et tout aussi brutalement réprimées comme ce fut le cas des dernières manifestations de l’opposition guinéenne à Conakry, le pays n’échappe pas à cette logique de crise interminable. Les crises récurrentes que traverse le pays posent aujourd’hui plus qu’hier, la question de l’impérieuse nécessité de réfléchir sur la politique de défense et de sécurité dont le pays a ardemment besoin.
  • 19. Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE) www.institut-ipse.org 19 Avec un processus politique difficile, fait de manifestations, parfois violentes et tout aussi brutalement réprimées comme ce fut le cas des dernières manifestations de l’opposition guinéenne à Conakry, le pays n’échappe pas à cette logique de crise interminable. Les crises récurrentes que traverse le pays posent la problématique du rôle des militaires et des civils dans le domaine de la sécurité nationale. 2 Rôle des militaires (garants de la Constitution du 7 mai 2010, seront-ils dans le même rôle en octobre 2015 ?) et pertinence du processus de Réforme du système de sécurité (RSS) guinéen C’est dans ce contexte de crise politique que les Institutions internationales (Système des Nations Unies, Union Européenne, Union Africaine et Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest) ont décidé en 2009 d’engager une réforme du secteur de la sécurité en Guinée. Cette réforme était néanmoins inopportune en cette période de transition politique. L’erreur commise par le Système des Nations unies, est d’avoir mis avec bonne foi certes, la Guinée dans le groupe des pays post conflit armé comme le Liberia et la Sierra Leone. Si le pays connaît des crises récurrentes, sa situation ne ressemble en rien à celle libérienne et encore moins léonaise. Dans ces deux pays, il y a eu un conflit interne meurtrier, un cessez le feu et un accord de paix entre belligérants puis réconciliation et à l’issue du conflit, la démobilisation, le désarmement et la réinsertion des rebelles. Aucune réforme du secteur de sécurité n’est possible dans un pays où les structures étatiques sont inexistantes ou désorganisées où les élites administratives brillent par leur incurie. Il convient d’abord de réorganiser l’Etat, de restructurer l’Administration avant d’engager une quelconque réforme du secteur de la sécurité. Le Président Alpha Condé, lui-même, a reconnu que l’Etat est inexistant en Guinée. Ceci est d’autant plus inquiétant dans le domaine de la défense nationale qui est une fonction régalienne de l’État. Comment oser prendre le risque d’engager une telle réforme dans un pays où l’Etat est déficient ? L’objectif final d’une réforme du secteur de sécurité consiste à changer la structure de l’État protégé en une structure défendant l’État de droit. En lieu et place d’une réforme du secteur de sécurité menée tambour battant, des mesures simples auraient suffi, à savoir :  le recensement global des unités militaires et leurs effectifs en vue de faire le tri entre les bonnes recrues et les mauvaises ;  le renforcement de l’inspection générale des forces armées ;  la mise en application du statut général des militaires déjà élaboré par des cadres militaires guinéens ;  la mise en application d’un règlement de discipline générale ;  la formation des forces armées en matière d’éducation aux droits de l’homme et au droit international humanitaire ;
  • 20. Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE) www.institut-ipse.org 20  la création d’un Conseil supérieur de la fonction militaire chargé de mener une réflexion approfondie sur l’insertion des militaires démobilisés, sur la condition militaire, sur la mise en place d’un système de sécurité sociale des militaires. Aussi, si l’on évalue la réforme du secteur de la sécurité (RSS) menée depuis 2009, les résultats sont mitigés. La RSS en Guinée est incomplète. Le démarrage de la Protection civile et du corps des Eaux et Forêts va dans le bons sens. La Justice, et en particulier la Justice militaire, ne bénéficie pas d’une approche intégrée et globale : l’état des lieux, l’état des besoins, (création de cours, équipement, formations) n’ont pas été bien mené. Les mesures prises pour les armées de terre, mer, air, la gendarmerie et la police semblent tenir la route. Toutes ces mesures devraient s’appuyer sur un découpage administratif clair et fonctionnel, avec une identification nette des chaines de commandement et des champs de compétences entre pouvoirs civil et militaire. Par exemple, créer un réel corps préfectoral qui ne soit pas constitué d’ex militaires (d’où la confusion des rôles, des capacités et des responsabilités). La réforme devrait être intégrée dans une vision d’ensemble et suivi avec des indicateurs de résultats tout le long de la réforme, dans un calendrier réaliste, bref, une feuille de route avec les plans opérationnels de réforme de chaque corps. Cela inclurait aussi les besoins en financement à soumettre aux partenaires au développement. Aujourd’hui les montants engagés pour la RSS et le processus électoral auraient largement suffi pour la restructuration de l’Administration et la refondation des forces de défense et de sécurité. La défense nationale est globale car elle concerne non seulement la défense militaire mais aussi toutes les administrations. La défense nationale est une des composantes de la sécurité nationale, tous les citoyens sont concernés et tous les secteurs de la vie du pays (défense civile, économique et militaire). 3 Leviers politiques et acteurs parlementaires et économiques (émergence du libéralisme économique et politique) ? La situation économique est sans doute encore plus dramatique encore que la situation politique. L’année 1984, avec l’arrivée de Lansana Conté au pouvoir, marque un tournant libéral. En 1990, le Président Conté fait adopter une nouvelle Constitution et instaure le multipartisme en 1991. Cependant, l’exercice de la démocratie ne s’en trouve pas pour autant renforcée. Lancinante question au sujet de laquelle le Président Alpha Condé, avait pourtant annoncé qu’il mettrait en place une nouvelle Constitution sur laquelle tout le monde s’était mis d’accord pendant la période de transition. Les droits de l’homme, le respect de la loi fondamentale, qui étaient dans ces accords n’ont pas ainsi pu être mis en exergue. L’on sait d’ailleurs qu’en résulte le dilemme actuel quant à la tenue des élections locales avant l’élection présidentielle d’octobre prochain. La tenue de ces dernières en amont des élections présidentielles est déterminante, eu égard au fait que ces dernières permettraient de « surveiller » le scrutin présidentiel.
  • 21. Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE) www.institut-ipse.org 21 L’opposition actuelle, menée par Aboubacar Sylla a ainsi rappelé, le 19 juin dernier, que les élections locales devraient se tenir « idéalement » le 30 août prochain, comme est venue le rappeler récemment une mission d’évaluation du processus électoral dépêchée en Guinée en avril dernier. Il semble en tout cas évident que l’accélération du processus électoral serait de nature à éviter d’éventuelles violences ethniques et permettraient de juguler les violences dans les rues, notamment en ancrant une culture de la proportionnalité et du contrôle de la réponse sécuritaire de la part des Forces de police et des Forces armées. L’installation d’un parlement légitime est tout aussi indispensable dans le domaine de la défense nationale d’autant que la Constitution garantit au Parlement le pouvoir et le droit de demander des comptes à l’Exécutif. Ainsi, le Parlement doit s’assurer que les textes reflètent les besoins de leurs électeurs et répondent efficacement à leurs attentes et à leurs réalités. Le domaine de la défense nationale ne déroge pas à ce principe. Tout projet de lois en la matière doit être discuté, amendé, adopté par les députés, c’est cela le contrôle parlementaire. En effet, le pouvoir législatif adopte les lois fondant les champs d’action des forces de défense et de sécurité et valident ou amendent le budget qui leur est accordé. Normalement, les parlementaires doivent participer à la préparation de la politique de défense et de sécurité nationale, à la détermination du budget, à son approbation, à son exécution et son évaluation. La Constitution prévoit ainsi que l’Assemblée Nationale se réunisse de plein droit en session ordinaire deux fois par an :  la première session s’ouvre le 5 avril, sa durée ne peut excéder 90 jours ;  la deuxième session s’ouvre le 5 octobre, sa durée ne peut excéder 90 jours. La seconde session devrait être consacrée à l’adoption de la loi des finances, incluant le budget dédié à la sécurité et à la défense. Le contrôle budgétaire n’est pas seulement une présentation des recettes et des dépenses de l’Etat mais c’est aussi un puissant outil, essentiel à la bonne gouvernance, qui permet aux parlementaires de contrôler la manière de dépenser l’argent du contribuable guinéen. Toute réflexion sur la défense nationale doit ouvrir le débat vers le contrôle parlementaire de la politique de défense et de sécurité, le rôle de la société civile, des médias, les responsabilités des citoyens, mais également, les nouveaux défis de l’insécurité. La mise en œuvre de la politique de défense nationale doit se faire dans un cadre constitutionnel solide qui permet aux élus d’avoir un droit de regard sur cette politique car la gestion du budget accordé à la défense nationale doit être transparente et contrôlée par les parlementaires. Ces derniers, la société civile, ainsi que les citoyens guinéens, bref, les contribuables guinéens ont le droit d’avoir des informations précises sur l’utilisation des deniers publics, notamment ceux dédiés à la sécurité nationale.
  • 22. Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE) www.institut-ipse.org 22 4 Emergence d’une jeunesse instruite et soucieuse d’inclusion sociale (la « bombe à retardement » d’une société où l’âge moyen est de 18,7 ans et le taux de fécondité est de 5,5 enfants/femmes) L’âge moyen des quelques 11 millions d’habitants de Guinée est de 18,7 ans. 60% des guinéens ont moins de 25 ans et 60% de ces jeunes sont au chômage. La jeunesse Guinéenne peut représenter ainsi, comme l’a rappelé le Président Alpha Condé, à l’occasion du Sommet de l’UA, en mai 2013, que tous les chefs d’Etats africains étaient assis sur une « bombe à retardement ». La population guinéenne est jeune et le restera pendant encore de longues années lorsque l’on sait que le taux de fécondité est de 5,2 enfants/femmes et même si celui-ci devrait tomber à 3,1 enfants/femme en 2025. A ce sujet en novembre 2014, a eu lieu la 3ème Conférence Internationale Afrique, intitulée « jeunesse africaine : bombe à retardement ou opportunité historique ? ». Cette conférence a ainsi énoncée avec clarté les facteurs de l’activation de cette potentielle « bombe à retardement » :  Le manque d’éducation ;  La « massification » de l’éducation ;  le chômage, notamment au niveau des jeunes ;  la non-activité des jeunes diplômés. Pour empêcher la mise à feu de cette bombe, l’éducation doit être le chantier numéro 1 du gouvernement guinéen et la jeunesse doit être au cœur de l’action politique. Ainsi l’ascenseur social ne fonctionne plus et accroît les inégalités.
  • 23. Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE) www.institut-ipse.org 23 Cet « effort » collectif sur l’éducation doit être accompagné d’une politique économique qui doit être centrée sur l’emploi car une fois diplômé, les jeunes guinéennes et guinéens n’ont souvent d’autres choix que de partir pour l’Europe ou l’Amérique du Nord. Le niveau d’éducation et de formation du guinéen doit être la priorité des priorités pour les dirigeants de ce pays. Un autre facteur est important, c’est celui de la cohésion nationale et sociale sans laquelle aucun pays n’a de force. Si une industrialisation réussie et une économie florissante peuvent faire la différence, ces deux objectifs n’auraient pas pu être réalisés sans une organisation étatique rationnelle et un consensus social. Ce couple Education/lutte contre le chômage constitue, dès lors, le moyen le plus efficace pour redonner confiance en l’avenir à la jeunesse Guinéenne. B) Les raisons d’une dynamique et d’une attractivité perturbées 1. Corruption et mauvaise gouvernance Selon l’indice de la corruption de Transparency International, la Guinée se situe au 150ème rang sur 175 pays noté. A titre d’exemple, les élections présidentielles de 2010 ont été l’objet de dysfonctionnement, selon l’ONG spécialisée dans la corruption économique et politique, alors que l’Union Européenne avait reconnu publiquement ces élections. A ce sujet, il est important de rappeler que l’UE sonde le terrain depuis début juin, pour évaluer les possibilités d’établissement d’une Mission d’Observation Electorale (MOE). Car, si tous les acteurs politiques partagent un point de vue consensuel, c’est bien au sujet de la corruption, qui intervient à tous les niveaux et rouages administratifs.
  • 24. Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE) www.institut-ipse.org 24 Le Président Alpha Condé a d’ailleurs amplement critiqué la Compagnie Nationale d’Electricité pour cause de problèmes de corruption qui s’y déroulaient et a demandé que les cadres guinéens soient remplacés par des cadres français issus de Veolia. Ainsi l’appareil d’Etat est véritablement gangréné par une « mafia administrative » organisée, que le Président de la République dénonce pourtant dans chacune de ses interventions. Il n'a rien fait pour améliorer la situation. Autre exemple, le fait que la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI), qui est au centre des discussions entre majorité et opposition, ait mis trois ans pour organiser des élections législatives, qui ont eu lieu l’année dernière et que les élections communales n’ont pas été organisées depuis 2004, fait dire à l’opposition politique, que le pouvoir politique s’arrange pour nommer comme bon lui semble, les maires, les conseillers régionaux, les chefs de quartier, les chefs des communautés rurales de développement ou encore les dirigeants d’un certains nombres d’institutions publiques. Il y a d’ailleurs de forts doutes pour que les élections présidentielles se déroulent le 11 octobre 2015. D’autant plus que l’opposition politique ne prévoit pas de participer aux élections présidentielles s’il n’y a pas d’élections communales avant. Jamais donc ce pays n’a pu constituer des consultations électorales dans les délais. La CENI a été mise en place sous le régime du Général Lansana Conté, sur la base d’une composition paritaire entre les partis politiques et la société civile. Mais en réalité, la CENI n’a pas la capacité technique d’organiser des élections. Le pouvoir judiciaire - bien qu’indépendant de l’Exécutif et disposant d’un système de justice militaire équitable et indépendant - est chargé du jugement des plaintes contre les services de sécurité et leurs agents, de l’évaluation de la constitutionnalité des décisions prises. Là aussi, l’incurie, l’incompétence des cadres du système judiciaire guinéen est plus qu’inquiétant. En Guinée où la corruption mine le système judiciaire, il est cependant courant de constater la soumission du Judiciaire au profit de l’Exécutif. 2. Des besoins en infrastructures et en services considérables En Guinée, le tissu industriel est moribond. Il faut donc interconnecter davantage les entreprises africaines entre elles. Ce sont les Etats qui doivent impulser cette inter- connectivité en travaillant avec les opérateurs locaux, et en y associant les autorités locales dont les responsabilités déconcentrées et décentralisés devraient être un signe tangible d’engagement public envers les PME et les TPE. Tous les domaines sont véritablement concernés, tels que l’achèvement des réseaux d’adduction d’eaux potable ou l’électrification du continent africain. En Guinée comme ailleurs en Afrique, les potentialités économiques sont faramineuses. Avec 900 millions d’habitants, le taux de croissance moyen varie entre 5 et 6% par an (en moyenne). Avec la perspective d’accueillir d’ici 2050, 2 milliards d’âmes, la croissance serait de 20%. A titre d’exemple, en ce qui concerne le développement d’Internet, en 2025, la contribution d’Internet au PIB africain sera de 300 milliards de dollars, contre 18 Mds aujourd’hui (soit une hausse de près de 17%). D’ores et déjà 90% des téléphones africains sont des mobiles (il y en a 67 millions aujourd’hui, il y en aura 360 millions en 2025) !
  • 25. Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE) www.institut-ipse.org 25 Alors que les technologies de l’information et de la communication (TIC) sont devenues de nos jours la clé de voûte de tout développement économique, la Guinée est néanmoins exclue de cette révolution numérique et donc marginalisée. Lorsque le téléphone ou l’électricité ne fonctionnent pas, il est difficile de passer à Internet… 3 Le poids des migrations comme révélateur d’un mal être endémique guinéen et d’une réponse institutionnelle insatisfaisante Même si les migrations Nord-Sud et Sud-Nord sont équivalentes, force est de constater que 97% de la population mondiale ne migre pas. 2/3 des migrations sub-saharienne migrent d’abord en Afrique. D’ailleurs, la Guinée compte plus de 100000 réfugiés sur son propre sol. Pour rappel, les migrants des pays de la CEDEAO représentent 4% des migrants du monde. Dans ce contexte, les Guinéens représentent, à eux seuls, 3% des migrants en Afrique. Cette dynamique migratoire est renforcée par la libre circulation des migrants. Aujourd’hui le couple migration/sécurité existe, alors que l’insécurité alimentaire en Afrique touche 20 millions de personnes et que 60% de la population du continent africain à moins de 30 ans. Les migrations sont ainsi un outil de développement et le développement économique accélère les migrations. L’année 2014 aura été, d’après le HCR, l’année de tous les records, avec 42500 personnes migrantes – pour cause économique, politique et désormais climatique, par jour !
  • 26. Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE) www.institut-ipse.org 26 Il en ira ainsi de manière exponentielle, en tenant compte que sur les 2 milliards d’habitants que comptera le continent africain, 800 millions vivront en ville. ***** III - La France forte de son expérience démocratique peut et doit aider la Guinée Avant octobre 2015, la France et la communauté internationale doivent s’engager pour empêcher les violences contre les manifestants. La France doit ainsi, par le truchement de sa participation, agir comme « facilitateur » au sein du dialogue politique entre majorité présidentielle et opposition. Il convient ainsi que Paris insiste davantage pour que la tenue des élections locales se fasse au plus vite. Il en va de même pour la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) qui doit être réellement impartiale pour surveiller le processus électoral, et ce, afin que l’alternance et le débat politique ait lieu dans les bureaux de vote et non dans les rues de Conakry, comme les récentes manifestations et son lot de victimes en témoigne. Pour rappel, le respect des droits de l’homme, comme promis lors de la transition en 2009-2010, continuent à être un préalable non négociable. Le rôle de la France se mesure, dès lors, dans sa capacité à « calmer » les tensions ethniques en veillant à ce que le Président Condé, qui cherche à les exacerber, ne les instrumentalise. 1. Actions pour la stabilité/stabilisation de la Guinée au lendemain de l’élection d’octobre 2015 Dans le contexte actuel, il faut, bien évidemment, des élections libres, transparentes et plurielles. Il faut également que les journalistes et la société civile puissent jouer leur rôle dans ce sens, leur rôle critique et puissent proposer des solutions innovantes pour la société guinéenne et l’exercice de la démocratie. Il faut que l’UE et la France, en particulier, puissent dire, au plus niveau de l’Etat, que ce système de corruption, d’instrumentalisations divers, doit cesser, afin que le jeu démocratique puisse être appliqué. Cette pression « amicale » mais à appuyer davantage en actes, pourrait notamment être exercée par le biais des amitiés affectives et électives, qui lient le Président Alpha Condé à l’Internationale Socialiste, dont Alpha Condé est, du reste, vice-président. Il en va de même pour Celou Dallein, qui est lui vice-président de l’Internationale Libérale, présidée par l’ancien Commissaire européen belge, Louis Michel. Il est bien connu que Francois Hollande est proche de Alpha Condé. Il ne peut pas utiliser cela comme une excuse pour rester silencieux. Le gouvernement de Alpha Condé a tiré sur les manifestants, a nié la démocratie, harcelé des journalistes de l'opposition, et est clairement prêt à s’accrocher au pouvoir par tous les moyens nécessaires. Le silence n’est pas une option: la France et l'Union Européen, doivent critiquer ces actes.
  • 27. Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE) www.institut-ipse.org 27 2. Quels moyens mettre en place pour une vision de la Guinée à l’horizon 2020 ? Le sentiment d’appartenance à la communauté guinéenne ne peut exister qu’à travers la construction d’un Etat fiable, qui produit une vision mobilisatrice pour les jeunes. Il faut donc changer de paradigme devant un constat sociétal, politique et économique et militaire alarmant, car les militaires aussi sont méprisés, autant que le peuple. Une action à plus long terme consisterait à faire l’évaluation des effectifs pour en extraire tous ceux et toutes celles qui ont été recrutés sans critère de diplôme et de formation adéquate et surtout revenir sur les promotions collectives et fantaisistes accordées aux militaires, policiers et douaniers par le Conseil National pour le Développement et la Démocratie (CNDD). En effet, il n’est pas rare de voir dans les carrefours de la capitale guinéenne, des officiers supérieurs assurer la circulation en quémandant ici et là quelques billets de banques aux paisibles citoyens et chauffeurs de taxis. 3. Quelles solutions régionales, continentales et internationales pour une Guinée à l’horizon 2025 ? L’UE doit faire de l’Afrique un enjeu majeur dans le monde. Une nouvelle relation doit exister avec les Etats africains. L’UE doit également aider la société civile en Guinée et en Afrique à prendre la parole, à mettre cette société civile en réseau. Il est aussi de la responsabilité de la France que la Guinée ne se clive pas et qu’elle se stabilise. Les droits et les devoirs de chacun en Guinée doivent ainsi être respectés. Impliquer la société civile notamment en matière de lutte contre la corruption devrait être une exigence partagée par tous les acteurs locaux, nationaux, régionaux, continentaux, ainsi qu’au niveau euro-africain. Ceci aurait pour principale retombée de sensibiliser les populations à l'importance des industries extractives et à la nécessité de mettre en place une bonne gouvernance pour que l’ensemble de la population africaine puisse en bénéficier, de manière plus « inclusive ». Il est essentiel que les partenaires dans ce secteur s’engagent en faveur du développement: non à l'inaction, comme cela est le cas de Rio Tinto à Simandou. La Francophonie représente également un facteur de développement avec une homogénéité culturelle qui est de nature à souder la société guinéenne mais aussi les pays voisins de la région. Il en va aussi de l’« exemplarité » du processus électoral guinéen qui, s’inscrivant dans un processus de plusieurs années - 2015/2016/2017 - marquées par une douzaine de processus électoraux (Gabon, Burundi, RCA, Congo-Brazzaville, RDC, Rwanda, Sénégal, Côte d’Ivoire, Benin…) fortement crisogènes, conditionnera la manière dont les suivants se dérouleront. *****
  • 28. Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE) www.institut-ipse.org 28