Investissement, commerce et marchés régionaux : quels bénéfices pour les producteurs?
1. Investissement, commerce et marchés régionaux : quels bénéfices
pour les producteurs?
François Joseph CABRAL
Université Cheikh Anta Diop
CRES
REPAD
2. Contexte et problématique
• Les échanges internationaux ont été multipliés par 27 en valeur au cours de
la période 1950-2005. Entre 2009 et 2010, malgré les effets de la crise, les
exportations ont crû de 14,5% (CCI, 2011).
• Plusieurs pays en développement ont pu tirer profit de la croissance
exponentielle du commerce international. Ils ont ainsi réussi à construire un
tissu d’industries compétitives à l’exportation qui ont drainé la croissance :
République de Corée dans les années 60, Malaisie et Singapour au cours
des années 70, Chine dans les années 80 et pays d’Amérique Latine durant
les années 90.
• Le dynamisme des secteurs d’exportation dépend en grande partie de
l’effort d’accumulation de capital. En effet, le succès de ces pays s’appuie
sur une politique commerciale assise sur la création d’un environnement
propice aux affaires et la réalisation d’investissements judicieux.
• Une agriculture tirant profit du commerce suppose les mêmes pré-requis :
environnement favorable et investissements massifs.
3. Contexte et problématique
• Problème :
• Les secteurs agricoles dont la croissance est par le commerce extérieur
profitent t-ils aux ruraux ?
• Questions :
– Aperçu du lien théorique croissance-commerce
– L’environnement des affaires est t-il propice au commerce des produits
agricoles ?
– Quel type de marché cibler ? Marché domestique, régional ou reste du
monde ?
– Les secteurs agricoles ouverts sur le marché extérieur contribuent t-ils
significativement à la croissance et à la réduction de la pauvreté ?
4. Aperçu du lien théorique investissement-croissance-commerce
• Dynamique de l’économie drainée par l’investissement. Lien entre
l’investissement et commerce peut donc être analysé au prisme du canal qui
lie la croissance et le commerce.
• Lien entre croissance et commerce : un champ inexploré jusqu’au début des
années 80. En effet, les modèles de croissance étaient conceptualisés pour
des économies fermées tandis que le commerce prenait rarement en
compte la croissance.
• Ce n’est que dans les années 80 que la relation entre la croissance et le
commerce a été explorée, avec les travaux précurseurs de Bhagwati (1988).
Ce dernier faisait remarquer qu’un développement de l’offre d’exportations
d’un pays peut entraîner une baisse du prix relatif de ses exportations sur
les marchés mondiaux et donc une détérioration des termes de l’échange
susceptible de l’appauvrir.
5. Aperçu du lien théorique investissement-croissance-commerce
• Au-delà des gains d’efficacité établis par la théorie traditionnelle qui
justifiaient une spécialisation des économies selon leurs avantages
comparatifs ou dotations factorielles, l’analyse de la relation croissancecommerce a permis de mettre en évidence trois dimensions de ce lien :
• la première est que la libéralisation des échanges stimule la concurrence.
Justification course à l’innovation qui permet aux entreprises d’engranger
des gains de productivité qui les prémunissent d’un processus « darwinien »
qui élimine les acteurs les moins productifs.
• la seconde est que le commerce international et l’investissement direct
étranger sont des vecteurs de transferts de technologies et de savoir-faire.
• la troisième est qu’en offrant un marché plus grand aux entreprises, le
commerce leur permet de réaliser des économies d’échelle.
6. L’environnement des affaires est t-il propice au commerce
régional de produits agricoles ?
• Obstacles règlementaires au commerce des services tel que retracés par
l’Indice de restrictions au commerce des services sont sources d’entraves
au commerce. Une concurrence est nécessaire à ce niveau pour réduire le
coût du fret.
Graphique N° 1 : Indice de restriction au commerce des services, tous secteurs et modes de
prestation
19
Sénégal
27,1
Nigéria
28,6
Mali
18,4
Ghana
26,4
Côte d'Ivoire
51,7
Congo, Rep. Dém.
26,4
Cameroun
0
10
20
30
40
50
60
7. L’environnement des affaires est t-il propice au commerce
régional de produits agricoles ?
• L’indice confirme les besoins d’amélioration de la logistique en Afrique de
l’ouest. Les services, qui concourent à l’efficacité des échanges, de même
que les infrastructures matérielles, qui en permettent la réalisation sont
indispensables pour assurer un dynamisme des échanges intra-régionaux
de produits agricoles.
Tableau 1. Indice de la logistique en Afrique de l’ouest
Pays, statistiques 2012
Rang
Score
% du pays
efficace
Bénin
67
2,85
59,3
Côte d’Ivoire
83
2,73
55,4
Ghana
108
2,51
48,2
Nigeria
121
2,45
46,3
Sénégal
110
2,49
47,7
Togo
97
258
50,5
Singapour
1
4,13
100
8. L’environnement des affaires est t-il propice au commerce
régional de produits agricoles ?
• Faiblesse transport multimodal, en particulier lien port-chemin de fer rend
onéreux le coût du fret dans la région. Ex. entre Dakar et Bamako, le
transport ferroviaire coûte environ 30 % moins cher que celui effectué par la
route.
Tableau 1. Les caractéristiques des principaux ports de l’Afrique de l’ouest
Rubriques
Dakar
Abidjan
Tema
Lomé
Cotonou
Capacité d’accueil de navires
46
60
14
10
12
Connexion voie ferroviaire
Avec le
Mali
Avec le
Burkina
Accra, Kumasi,
Sekondi…
Voie
ferrée
interne
Avec le Niger
Délais d’attente en rade
1,7 h
2 à 4h
12 à 14 h
25h
48 à 60h
Cadence de traitement des
62EVP/h
45 à 60 EVP/h
30 à 40 EVP/h
30 EVP/h
25 à 30 EVP/h
conteneurs
9. L’environnement des affaires est t-il propice au commerce
régional de produits agricoles ?
• Indice d’accessibilité au capital atteste d’un accès très faible au marché des
capitaux au sein des pays de la région. Indice construit sur la base de 7
composantes : l’environnement macroéconomique, l’environnement
institutionnel, les institutions bancaires et financières, le marché des titres,
des obligations d’Etat et des entreprises, les sources de financement
alternatif, le financement international.
Tableau 1 : Indice d’accès au Capital, Milken Institute
122
Pays Classés
Sénégal
Burkina Faso
Bénin
Mali
Niger
Togo
Canada
Tunisie
Botswana
Rang
2009
102
106
108
111
120
114
1
48
69
Valeur
indice 2009
2,84
2,63
2,58
2,37
2,03
2,31
8,25
5,21
4,21
Source : Milken Institute, Capital Access Index 2009, Avril 2010
10. L’environnement des affaires est t-il propice au commerce
régional de produits agricoles ?
• Agriculture : parent pauvre dans l’allocation des crédits aux économies de la
région. Meilleurs élèves : Mali, Côte d’Ivoire, Burkina Faso (source :
BCEAO. 2005)
18,00
17,00275578
16,00
14,00
12,00
10,00
8,00
6,00
4,31628373 4,407059394
4,354475182
4,00
3,101485161
2,365046665
2,00
0,989893895
0,785340314
0,046355985
0,00
Bénin
Burkina Faso Côte d'ivoire
Guinée
Bissau
Mali
Niger
Sénégal
Togo
UEMOA
11. L’environnement des affaires est t-il propice au commerce
régional de produits agricoles ?
• Effort d’allocation des crédits à moyen et long terme à l’agriculture. Meilleurs
élèves en 2005 : Côte d’Ivoire, Mali, Sénégal, Guinée Bissau.
25,0
21,1
20,0
15,0
13,5
Court terme
Moyen terme
10,0
Long terme
5,7
4,8
5,0
4,0
3,0
2,9
3,4
1,1
0,1
0
Burkina
Faso
2,4
1,1
Côte
d'ivoire
Guinée
Bissau
0,2 0
0,6
0,0
Bénin
3,4
2,4
Mali
Niger
Sénégal
Togo
UEMOA
12. L’environnement des affaires est t-il propice au commerce
régional de produits agricoles ?
• Par ailleurs, dissonances dans la poursuite des objectifs de politique
commerciale
• Ex TEC où les chefs d'États, se sont résolus, lors de ce sommet de Niamey,
à adopter la création d'une commission mixte UEMOA-CEDEAO pour gérer
la mise en œuvre du TEC de la CEDEAO. Une période de transition de deux
ans avait alors été prévue afin de permettre au Comité pertinent de finaliser
le TEC de la CEDEAO.
• Flou dans la poursuite des objectifs de politique commerciale : quel est le
niveau pertinent ? National, Uemoa, Cedeao ?
• Les goulots d’étranglement auxquels font face les économies de la
région, en particulier, leur secteur agricole sont donc multiples.
13. Quel type de marché cibler ? Marché domestique, régional ou
reste du monde ?
• Marché domestique ? Investissements dans des secteurs de production de
biens non échangeables ou des secteurs substituts de biens échangeables.
Jusqu’à quel seuil de coût en ressources domestiques ?
• Marché extérieur (économies région ou reste du monde hors région) ?
Investissements dans des secteurs de production de biens échangeables
• Arbitrage marché domestique, marché régional et marché du reste du
monde dépend de plusieurs facteurs :
– Incitations de prix,
– poids relatif ventes domestiques vs ventes sur les marchés de la région ou hors
de la région,
– Facilité de passer d’un type de marché vers un autre (rigidités offre, facteurs hors
prix),
– Etc.
14. Quel type de marché cibler ? Marché domestique, régional ou
reste du monde ?
• Indice de concentration des exportations encore élevé pour beaucoup de
pays qui atteste d’une faible diversification.
Graphique N° 1 : Indice de concentration des exportations des pays de l’Afrique de l’Ouest
2007
2008
2009
2010
2011
u
a
ui
ne
a
-B
is
sa
bi
am
G
G
an
ia
M
au
rra
rit
on
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o
Si
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C
C
Le
V
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To
g
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d
e
in
Be
n
i
M
al
eg
al
ôt
e
Se
n
oi
re
d'
Iv
ui
ne
a
G
ha
n
a
1.00
0.90
0.80
0.70
0.60
0.50
0.40
0.30
0.20
0.10
0.00
G
percent
Concentration index for selected western Africa countries
15. Les secteurs agricoles ouverts sur le marché extérieur participent
t-ils significativement à la croissance ?
• Un effort d’investissement public relativement bas dans les pays
relativement plus ouvert au commerce international…
Tableau 1 : Indicateurs de performance économique
Bénin
Burkina Faso
Mali
Niger
Sénégal
Togo
Score (1-100)
Score (1-100)
Score (1-100)
Score (1-100)
Score (1-100)
Score (1-100)
Commerce
22.4
51.2
46.2
50.5
43.8
22.2
Importations
de
marchandises
en % du PIB
27.2
26.8
35.6
24.2
44.0
61.8
Exportations
de
marchandises
en % du PIB
14.1
11.5
26.2
15.0
24.5
41.5
Capital
humain et
R&D
20.5
28.2
18.5
16.0
22.5
13.9
Education
36.7
39.8
35.2
29.4
37.0
29.7
Education
tertiaire
4.6
28.1
3.4
18.6
8.7
10.9
R&D
20.1
16.6
n.d.
0.0
21.8
1.0
Infrastructur
e
24.8
15.3
16.6
16.5
28.7
20.7
TIC
12.7
15.8
12.9
8.9
21.3
10.2
Infrastructure
générale
30.2
29.7
35.6
39.3
34.0
19.4
Source: WIPO (2012), Global Innovation Report 2012, Geneva: World Intellectual Property Organization.
16. Les secteurs agricoles ouverts sur le marché extérieur participent
t-ils significativement à la croissance ?
• Un effort d’investissement public relativement bas dans les pays
relativement plus ouvert au commerce international…
20
FBCF globale
Sé
né
ga
l
C
ap
Ve
rt
To
go
M
al
i
ui
né
e
G
Be
ni
n
G
ha
na
d'
Iv
oi
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in
a
Fa
so
G
am
bi
e
Bu
rk
ôt
e
Lé
on
e
C
ig
er
ra
N
Si
er
Li
be
ria
ui
né
eB
is
sa
u
0
10
13,7 moyenne Afrique S.S.
G
FBCF % PIB
30
40
Graphique N° 1 : Le taux d’investissement dans les pays de la CEDEAO (2000-2011)
FBCF privée
Note: La ligne rouge représente la moyenne du taux de FBCF privée pour l'Afrique au Sud du Sahara
Source: A partir des données WDI de la Banque mondiale
17. Les secteurs agricoles ouverts sur le marché extérieur participent
t-ils significativement à la croissance ?
• Dans le secteur agricole, une faiblesse investissement public induit des
contraintes de plusieurs ordres :
–
–
–
–
–
Déficit en pistes rurales
Accès limité aux facteurs spécifiques (eau, terre)
Déficit en magasins de stockage
Faible attractivité de l’agriculture pour l’investissement privé
Etc.
18. Les secteurs agricoles ouverts sur le marché extérieur
contribuent t-ils significativement plus à la croissance ?
• Etude de cas sur le Sénégal :
– confrontation de la part des exportations dans la production sectorielle
avec les contributions sectorielles à la croissance et à la réduction de la
pauvreté…
19. Enseignements
• Le bénéfice que pourrait tirer les agriculteurs des productions tirées par le
commerce extérieur, quelque soit leur destination, dépend, d’une part, de
leur contenu relatif en valeur ajoutée et, d’autre part, des dotations
factorielles des producteurs.
• En conséquence, la diversification des exportations et un changement
structurel constituent un enjeu vital pour l’agriculture des pays de la région.
• Diversification : choix des secteurs par lesquels l’insertion sur le marché
s’opère peut gouverner les options d’investissement. Les investissements
seraient, en conséquence, fonction des option de politique commerciale. Ex
Reva au Sénégal : offre de technologies d’irrigation goûte-à-goûte et/ou
aspersion au profit de petits producteurs pour une production horticole
destinée aux marchés du Nord.
• Changement structurel : nécessité d’un passage à des productions et des
exportations à fort contenu en valeur ajoutée. De même, indispensable
d’identifier et de valoriser les différents segments de la chaîne de valeur
agricole.