1. Mod´elisation num´erique des ph´enom`enes
dâamortissement par dissipation dâ´energie mat´erielle
dans les structures de type portique en b´eton arm´e sous
s´eisme.
Pierre Jehel
To cite this version:
Pierre Jehel. Mod´elisation num´erique des ph´enom`enes dâamortissement par dissipation
dâ´energie mat´erielle dans les structures de type portique en b´eton arm´e sous s´eisme.. Materials.
´Ecole normale sup´erieure de Cachan - ENS Cachan, 2009. French. <tel-00477015>
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2. THESE DE DOCTORAT
DE LâECOLE NORMALE SUPERIEURE DE CACHAN
pr´esent´ee par
Pierre JEHEL
pour obtenir le grade de
DOCTEUR DE LâECOLE NORMALE SUPERIEURE DE CACHAN
Domaine :
MECANIQUE - GENIE MECANIQUE - GENIE CIVIL
Sujet de la th`ese :
Mod´elisation num´erique des ph´enom`enes dâamortissement par
dissipation dâ´energie mat´erielle dans les structures de type portique en
b´eton arm´e sous s´eisme
Th`ese pr´esent´ee et soutenue `a lâEcole Normale Sup´erieure de Cachan le 10
d´ecembre 2009 devant le jury compos´e de :
Jean-Louis BATOZ Pr. - UT de Compi`egne Pr´esident
Guy BONNET Pr. - U. de Marne-la-Vall´ee Rapporteur
Luc DAVENNE MDC HDR - U. Paris X Examinateur
Ying-Qiao GUO Pr. - U. de Reims Rapporteur
Adnan IBRAHIMBEGOVIC Pr. - ENS Cachan Directeur de th`ese
Pierre L´EGER Pr. - EP de Montr´eal Directeur de th`ese
Georges NAHAS PAST - ENS Cachan Invit´e
Laboratoire de M´ecanique et Technologie
(ENS Cachan/CNRS/UPMC/PRES UniverSud Paris)
61 Avenue du Pr´esident Wilson, 94235 CACHAN CEDEX (France)
3.
4. R´esum´e
Les nouvelles m´ethodes de dimensionnement parasismique `a partir des d´eforma-
tions reposent sur la pr´ediction de quantit´es locales dans les analyses sismiques non-
lin´eaires. Sur un tout autre plan, le d´eveloppement de techniques exp´erimentales en
g´enie parasismique a permis dâacc´eder `a des mesures locales que les mod`eles doivent
Ëetre en mesure dâinterpr´eter. Compte tenu de ces deux exigences, la mod´elisation de
lâamortissement est un point faible dans les simulations sismiques num´eriques non-
lin´eaires des structures de g´enie civil. En eďŹet, dans la grande majorit´e des cas sup-
pos´es visqueux (amortissement de Rayleigh, modal, etc.), les mod`eles dâamortisse-
ment manquent dâune base physique claire, et la quantit´e dâ´energie quâils dissipent
est diďŹcile `a maËÄątriser au cours des analyses num´eriques sismiques. Ces mod`eles
ne permettent notamment pas de repr´esenter les trois phases chronologiques car-
act´eristiques de la r´eponse sismique dâune structure.
Une repr´esentation physique des ph´enom`enes dâamortissement permettrait dâam´e-
liorer les pr´edictions des analyses sismiques non-lin´eaires. Nos travaux ont port´e sur
le d´eveloppement dâune telle repr´esentation pour les sections courantes des ´el´ements
de structure de type portique en b´eton arm´e. Nous avons formul´e et implant´e dans
un code de calcul par ´el´ements ďŹnis un nouvel ´el´ement de poutre multiďŹbre capa-
ble de repr´esenter les principales sources de dissipation dâ´energie mat´erielle. Cet
´el´ement repose sur la th´eorie des poutres de Euler-Bernoulli que nous avons en-
richie par des discontinuit´es de d´eplacement, de sorte que lâapparition de ďŹssures
et les ph´enom`enes dissipatifs qui y sont associ´es puissent Ëetre repr´esent´es. Un nou-
veau mod`ele de b´eton a ´et´e d´evelopp´e et int´egr´e dans cet ´el´ement ; il int`egre de
nombreux m´ecanismes dissipatifs continus et discrets (dans les discontinuit´es) : (i)
visco´elasticit´e, plasticit´e continue avec ´ecrouissages (ii) isotrope et (iii) cin´ematique,
(iv) endommagement continu, (v) plasticit´e discr`ete avec adoucissement et endom-
magement discret avec adoucissement (vi) ; il est de plus capable de repr´esenter des
comportements diďŹÂ´erents en traction et en compression. Lâimplantation num´erique
a ´et´e r´ealis´ee dans le cadre dâune m´ethode mixte des ´el´ements ďŹnis.
De nombreux ph´enom`enes dissipatifs autres que mat´eriels (glissement entre acier
et b´eton, comportement non-lin´eaire des nĹuds dâossature, etc.) devraient aussi Ëetre
repr´esent´es pour esp´erer pouvoir se passer des mod`eles dâamortissement visqueux
global couramment utilis´es. Les simulations num´eriques faites avec ce nouvel ´el´ement
multiďŹbre montrent n´eanmoins son aptitude `a repr´esenter la r´eponse temporelle
non-lin´eaire dâune structure de type portique en b´eton arm´e en un temps de calcul
satisfaisant.
5.
6. Abstract
Recently developed deformation-based seismic design methods rely on the pre-
diction of the evolution of local quantities in the nonlinear seismic analyses. More-
over, experimental techniques capable of measuring local quantities have recently
been developed in earthquake engineering and the measures obtained have to be
interpreted by numerical models. When one aims at meeting these new challenges,
modeling damping in the nonlinear seismic analyses of civil engineering structures is
a weak point. Indeed, in most of the cases, damping is introduced with a viscous as-
sumption (Rayleigh and modal damping) which lacks a clear physical background.
These viscous models fail to represent the three characteristic phases in the seis-
mic response of a structure and the amount of dissipated energy is thus diďŹcult to
control all along the numerical analyses.
A physical representation of the damping phenomena would allow improving the
predictions of the seismic nonlinear analyses. Our works deal with the development
of such a representation for the sections of reinforced concrete frame structures el-
ements. We have formulated a new ďŹber beam element capable of representing the
main material energy dissipation sources and implemented it in a ďŹnite element
program. This element is based on the Euler-Bernoulli beam assumption that we
enhanced with displacement jumps so that cracking â and its associated energy
dissipative phenomena â can be explicitly represented. This element integrates a
new concrete material model that we developed and that can represent the follow-
ing phenomena : (i) viscoelasticity, continuum plasticity with (ii) isotropic and (iii)
kinematic hardenings, (iv) continuum damage, (v) discrete plasticity and (vi) dis-
crete damage that represent softening ; the model is moreover capable of representing
a diďŹerent behavior in tension and in compression. The numerical implementation
was realized in the framework of a mixed ďŹnite element method.
Along with material ones, many other energy dissipative phenomena (steel-
concrete bond, nonlinear response of the beam-column connections, and so on)
should also be modeled to get rid of the commonly used global viscous damping
models. Nevertheless, the numerical simulations performed with the ďŹber element
that we developed show that it is capable of representing the time-history of a rein-
forced concrete frame structure within a satisfying computation time.
7.
8. Remerciements
Mes premiers remerciements vont `a MM. Adnan Ibrahimbegovic, Pierre L´eger
et Luc Davenne qui ont initi´e et encadr´e mes travaux de th`ese. Je leur suis recon-
naissant de mâavoir accord´e leur conďŹance et dâavoir su partager leur dynamisme et
leur excellence scientiďŹque avec une grande attention, faisant de nos rencontres des
´ev´enements toujours stimulants.
Je remercie les rapporteurs pour leurs pr´ecieux commentaires, ainsi que les autres
membres du jury pour lâint´erËet quâils ont port´e `a ce travail.
Je voudrais aussi remercier les membres du LMT et du d´epartement de g´enie
civil de lâ´Ecole Polytechnique de Montr´eal, et plus particuli`erement les membres de
lâUTR ÂŤ ouvrages sous conditions extrËemes Âť au LMT et du ÂŤ groupe de recherche
sur les structures Âť `a lâEPM pour avoir cr´e´e un environnement de travail agr´eable
et motivant.
EnďŹn, je pense `a tout ce que mes famille et belle-famille mâapportent. Mon ´epouse
est sublime. Mes beaux-parents sont merveilleux. `A mes parents, je ne trouve pas
de mots pour exprimer ce que je voudrais, mais je sais quâils savent lire tout ce que
lâamour quâils me portent fait naËÄątre de bon en moi.
19. 2 Introduction
1 Pr´esentation g´en´erale
Cette th`ese de doctorat a commenc´e le 1er
octobre 2006 et a ´et´e r´ealis´ee au sein
de lâUTR ÂŤ ouvrages sous conditions extrËemes Âť du LMT `a Cachan et du ÂŤ groupe
de recherche sur les structures Âť de lâ´Ecole Polytechnique de Montr´eal (EPM) o`u jâai
pass´e quatre sessions dans le cadre dâun accord de codirection. Cette collaboration
internationale avec des sp´ecialistes de la mod´elisation num´erique non-lin´eaire des
structures de g´enie civil a ´et´e fructueuse. Elle a tout dâabord permis de souligner
que la mod´elisation de lâamortissement est un point faible dans les simulations sis-
miques num´eriques non-lin´eaires. Ce constat a ensuite donn´e lieu `a la formulation
et `a lâimplantation dâun nouvel ´el´ement ďŹni de poutre en b´eton arm´e capable de
repr´esenter de fa¸con physique les principales sources dâamortissement qui provien-
nent de la dissipation dâ´energie dans les mat´eriaux.
GrËace `a cette collaboration jâai pu b´en´eďŹcier de comp´etences et dâoutils de travail
compl´ementaires. `A lâEPM, jâai proďŹt´e des r´esultats exp´erimentaux dâune structure
en b´eton arm´e de type portique test´ee sur la table vibrante du laboratoire de g´enie
civil de lâ´ecole. Des logiciels commerciaux et de recherche d´edi´es `a lâanalyse non-
lin´eaire de telles structures y ont aussi ´et´e mis `a ma disposition. `A lâENS Cachan,
jâai b´en´eďŹci´e de lâexpertise de lâUTR ÂŤ ouvrages sous conditions extrËemes Âť dans la
formulation th´eorique et lâimplantation num´erique de mod`eles de mat´eriaux et de
probl`emes de m´ecanique des solides d´eformables.
Ce rapprochement entre les deux ´equipes, `a lâENS Cachan et `a LâEPM, a ´et´e
´egalement motiv´e par la volont´e de pr´eparer ensemble une nouvelle famille de mod`eles
capables de donner une interpr´etation plus ďŹne des r´esultats exp´erimentaux en g´enie
parasismique, avec la prise en compte des mesures locales des champs, par exemple
les contraintes et les m´ecanismes dâendommagement dans les zones les plus sol-
licit´ees.
2 ´Enonc´e de la th`ese
Les simulations num´eriques sismiques non-lin´eaires ont une place importante
dans les m´ethodes r´ecentes dâanalyse des structures de g´enie civil sous charge-
ment sismique. La r´eponse de la structure est d´etermin´ee par lâ´equilibre entre,
dâune part, les ´energies sismique et des charges externes statiques et, dâautre part,
lâ´energie dissip´ee par le comportement non-lin´eaire de la structure, lâ´energie dis-
sip´ee par un mod`ele dâamortissement ainsi que lâ´energie cin´etique. La d´eďŹnition
dâun mod`ele dâamortissement est `a la fois cons´equence et cause dâincertitudes dans
les simulations non-lin´eaires : dans la grande majorit´e des cas suppos´es visqueux,
20. Motivations et objectifs 3
les mod`eles dâamortissement manquent dâune interpr´etation physique claire et la
quantit´e dâ´energie quâils dissipent est diďŹcile `a maËÄątriser au cours des analyses sis-
miques. Ces incertitudes sont dâautant plus pr´ejudiciables que des m´ethodes r´ecentes
dâanalyse des structures reposent sur des quantit´es locales, comme la demande en
d´eformation dans les sections des rotules plastiques. Or, la pr´ediction de la demande
en d´eformation est directement li´ee `a la quantit´e dâ´energie que doit dissiper le mod`ele
non-lin´eaire de la structure, elle-mËeme li´ee `a la quantit´e dâ´energie dissip´ee par le
mod`ele global dâamortissement introduit dans la simulation. Câest cette interaction
mal maËÄątris´ee entre lâamortissement g´en´er´e par la r´eponse non-lin´eaire dissipative
dâ´energie de la structure et lâamortissement g´en´er´e par un mod`ele dâamortissement
qui fait lâobjet de notre attention dans cette th`ese.
Nous voudrions d´emontrer les points suivants :
1. Plusieurs mod`eles dâamortissement diďŹÂ´erents sont utilis´es dans les simulations
sismiques non-lin´eaires (amortissements de type Rayleigh, modal, etc.) et le
choix dâun de ces mod`eles a des cons´equences sur la pr´ediction des quantit´es
locales comme par exemple la demande en d´eformation dans les sections dâune
rotule plastique. De ce fait, les m´ethodes de lâ´etat de lâart pour mod´eliser
lâamortissement ne sont pas consistantes avec ce quâon attend dâune analyse
sismique non-lin´eaire.
2. AďŹn dâam´eliorer la pr´ediction des quantit´es locales, les mod`eles de structure
doivent Ëetre capables de dissiper par des m´ecanismes non-lin´eaires lâ´energie sis-
mique qui leur est fournie. Lâ´energie sismique ne doit id´ealement pas Ëetre dis-
sip´ee par un mod`ele dâamortissement global, mais par la mod´elisation explicite
des m´ecanismes physiques qui modiďŹent irr´eversiblement les caract´eristiques
de la structure.
3. Il est possible de formuler des mod`eles dâ´el´ement de structure capables de
repr´esenter physiquement lâamortissement qui provient de la mod´elisation ex-
plicite de nombreuses sources de dissipation dâ´energie dans les mat´eriaux qui
constituent la structure, et dâimplanter ces mod`eles de fa¸con robuste dans un
code de calcul par ´el´ements ďŹnis, ceci sans g´en´erer de temps de calcul trop
longs.
3 Motivations et objectifs
Deux motivations principales sont `a lâorigine de ce travail de th`ese. La premi`ere
a d´ej`a ´et´e abord´ee dans la section pr´ec´edente : am´eliorer la pr´ediction de quantit´es
locales dans les analyses sismiques non-lin´eaires. En eďŹet, de nouvelles m´ethodes
21. 4 Introduction
ont r´ecemment ´et´e d´evelopp´ees pour le dimensionnement et lâanalyse de structures
sous chargement sismique : ces m´ethodes sont bas´ees sur les d´eplacements ou les
d´eformations et doivent pallier les inconv´enients des m´ethodes bas´ees sur les forces.
`A partir des caract´eristiques g´eom´etriques dâune structure et des plans de ferraillage,
la demande en d´eplacement ou en d´eformation â pr´ef´er´ee par certaines m´ethodes
car directement li´ee `a lâendommagement â est d´etermin´ee `a partir dâanalyses sis-
miques non-lin´eaires temporelles ou dâanalyses en pouss´ee progressive. Ces m´ethodes
dâing´enierie reposent sur la mod´elisation du comportement sismique non-lin´eaire des
structures qui doit Ëetre ďŹable par cons´equent. Lâam´elioration de la ďŹabilit´e de ces
m´ethodes passe par une meilleure repr´esentation physique des ph´enom`enes dissipat-
ifs dâ´energie, parmi lesquels ceux qui se produisent dans les mat´eriaux.
La deuxi`eme motivation nous vient du d´eveloppement de nouvelles tendances
dans les essais sur structures. Dâune part, lâutilisation par exemple de capteurs
optiques associ´ee `a des techniques de corr´elation dâimages permet de reconstituer
lâ´evolution du champ de d´eformation dans les structures test´ees et donne donc acc`es `a
des donn´ees importantes pour la validation de la pr´ediction num´erique de lâ´evolution
de quantit´es locales. Dâautre part, il est impossible, pour des essais r´ealis´es sur des
structures `a grande ´echelle (table vibrante, essais pseudo-dynamiques), de faire lâac-
quisition de toutes les quantit´es qui pourraient sâav´erer utiles lors du d´epouillement
et de lâinterpr´etation des donn´ees exp´erimentales ; la simulation num´erique des com-
portements locaux constitue alors une aide pour la r´ealisation de cette tËache.
Une tendance actuelle consiste `a d´evelopper des mod`eles adaptatifs â d´edi´es
`a un probl`eme donn´e â plutËot que des mod`eles g´en´eraux capables de sâadapter `a
toutes les situations. Dans cette logique, nous avons choisi de nous concentrer sur
le d´eveloppement dâun mod`ele capable de reproduire le comportement non-lin´eaire
jusquâ`a la ruine dâune poutre ou dâun poteau sous une sollicitation de ďŹexion com-
pos´ee et pour laquelle les eďŹets du cisaillement sont n´egligeables. Nous voulons que ce
mod`ele soit capable de reproduire les principales caract´eristiques de la r´eponse non-
lin´eaire de chacun des mat´eriaux qui le composent aďŹn de donner une base physique
solide `a la dissipation dâ´energie mat´erielle. Lâimplantation num´erique de ce mod`ele
doit Ëetre robuste et g´en´erer des temps de calcul acceptables. Un tel ´el´ement sera
adapt´e pour d´ecrire le comportement des sections courantes des structures de type
portique. Cet ´el´ement associ´e `a un autre type dâ´el´ements capables de tenir compte
des eďŹets du cisaillement pour mod´eliser les nĹuds dâossature et ´eventuellement `a
dâautres ´el´ements encore pour repr´esenter les eďŹets de lâinteraction sol-structure,
permettrait de d´eďŹnir un mod`ele de portique dont on peut esp´erer quâil reproduise
avec pr´ecision lâamortissement structurel.
22. M´ethodologie 5
4 M´ethodologie
Pour r´esoudre un probl`eme de m´ecanique classique, deux strat´egies peuvent Ëetre
suivies : ou bien (i) accumuler des donn´ees exp´erimentales et ainsi acqu´erir une
connaissance du probl`eme qui permettra de le comprendre et de le r´esoudre, ou
bien (ii) le formuler dans une th´eorie math´ematique existante qui donnera les cl´es
permettant de le r´esoudre.
Ces deux m´ethodes sont, en ce qui concerne la mod´elisation de lâ´evolution dâune
structure non-lin´eaire de type portique en b´eton arm´e sous un chargement sismique,
pr´esentes dans la litt´erature. La majorit´e des publications sur ce sujet participent
`a lâaccumulation des connaissances et au partage dâune exp´erience dans la commu-
naut´e du g´enie parasismique. Ces publications pr´esentent en g´en´eral des r´esultats
exp´erimentaux ainsi quâun mod`ele de structure associ´e `a un mod`ele global dâamor-
tissement et ďŹnissent par d´eďŹnir sous quelles hypoth`eses les mod´elisations perme-
ttent de retrouver les r´esultats exp´erimentaux. Dâautres publications pr´esentent la
formulation th´eorique dâun nouveau mod`ele de structure et montrent sa capacit´e `a
pr´edire certains ph´enom`enes physiques.
Historiquement, ces deux d´emarches ont montr´e leur importance. Câest en par-
tie grËace aux observations exp´erimentales de Galil´ee et dâautres scientiďŹques qui
lâont pr´ec´ed´e que Newton a pu d´evelopper les concepts qui lui ont permis de met-
tre en ´equation des ph´enom`enes astronomiques et de d´evelopper ainsi des out-
ils que nous utilisons encore aujourdâhui pour pr´edire lâ´evolution temporelle de
syst`emes m´ecaniques. La th´eorie de Newton est toutefois insuďŹsante pour r´esoudre
le probl`eme qui nous int´eresse : mod´eliser les sources de dissipation dâ´energie dans
un syst`eme dynamique. `A ce sujet, Maxwell a ´ecrit [Max] : ÂŤ Câest seulement pour un
Ëetre de niveau interm´ediaire, qui peut mettre la main sur certaines formes dâ´energie
alors que dâautres lui ´echappent, que lâ´energie semble se transformer de mani`ere
in´evitable dâun ´etat o`u elle est disponible en un ´etat o`u elle est dissip´ee. Âť
Câest peut-Ëetre `a cause de ces mots peu optimistes que beaucoup de recherches
sur lâamortissement se limitent `a accumuler de lâexp´erience et quâune formalisation
plus th´eorique du probl`eme nâest que rarement abord´ee. Nous voudrions utiliser
des th´eories qui ont d´ej`a montr´e leur utilit´e en m´ecanique pour contribuer `a la
mise en place dâune base physique plus solide pour mod´eliser lâamortissement dans
les structures de type portique en b´eton arm´e. Pour cela, les th´eories physiques et
num´eriques â post´erieures `a Maxwell pour certaines dâentre-elles, dâo`u un regain
dâoptimisme ! â sur lesquelles nous nous appuierons sont :
â La m´ecanique des milieux continus [Bat90a, Bat90b, Eri67, Ibr09] ;
23. 6 Introduction
â La thermodynamique des milieux continus avec variables internes [Ger83,
Mau99] ;
â La m´ethode des ´el´ements ďŹnis [Zie00, Ibr09, Bat96] ;
â Les m´ethodes num´eriques pour r´esoudre les probl`emes dâin´elasticit´e mat´erielle
[Sim98, Ibr09].
5 Plan
Apr`es ce chapitre dâintroduction, le chapitre 2 sera consacr´e `a lâ´etude dâun cas
pratique. Nous reprendrons dans ce chapitre les r´esultats exp´erimentaux dâun por-
tique en b´eton arm´e qui a ´et´e test´e sur la table vibrante de lâ´Ecole Polytechnique
de Montr´eal et d´evelopperons plusieurs simulations num´eriques du comportement
sismique non-lin´eaire de ce portique `a lâaide de plusieurs mod`eles de r´eponse non-
lin´eaire de la structure et plusieurs mod`eles globaux dâamortissement. Lâanalyse des
r´esultats mettra en ´evidence les faiblesses des m´ethodes actuelles utilis´ees pour la
mod´elisation de lâamortissement ; nous montrerons en particulier quâelles m`enent `a
une pr´ediction peu ďŹable des quantit´es locales. EnďŹn, nous identiďŹerons trois condi-
tions que les mod`eles de comportement non-lin´eaire de structures devraient remplir
pour am´eliorer la ďŹabilit´e de la pr´ediction de lâ´evolution de quantit´es locales.
Dans le chapitre 3, nous pr´esenterons la formulation th´eorique dans le cadre de la
thermodynamique avec variables internes dâun mod`ele dynamique dâun ´el´ement de
structure de type poutre avec une cin´ematique enrichie par des sauts de d´eplacements
dus `a la localisation des d´eplacements dans certaines sections de lâ´el´ement (ďŹssures).
La cin´ematique adopt´ee est celle dâune poutre de Euler-Bernoulli â les eďŹets du
cisaillement y sont n´eglig´es â et permet de reproduire un comportement 2D ou 3D
avec des lois de comportement des mat´eriaux 1D. Une partie de ce chapitre sera
consacr´ee `a la comparaison du mod`ele de b´eton avec les mod`eles de la classe des
mat´eriaux standards g´en´eralis´es, ce qui permettra dâidentiďŹer plusieurs points qui
pourront poser des probl`emes de stabilit´e de lâalgorithme de r´esolution num´erique
du probl`eme m´ecanique, et de les traiter ensuite.
Lâimplantation de ce mod`ele dâ´el´ement de structure avec loi de mat´eriau 1D dans
un code de calcul par ´el´ements ďŹnis sera pr´esent´ee dans le chapitre 4. Un algorithme
de r´esolution sera tout dâabord pr´esent´e dans un cadre g´en´eral puis les applications
aux cas dâun ´el´ement de barre et dâun ´el´ement de poutre multiďŹbre seront ensuite
d´evelopp´ees.
Avant dâaborder le chapitre de conclusion qui reprendra les contributions ap-
port´ees par ce travail de th`ese ainsi que des perspectives de d´eveloppement, le
24. Contributions originales de la th`ese 7
chapitre 5 pr´esentera des exemples dâapplication de lâ´el´ement multiďŹbre. Ces ex-
emples illustreront le comportement de lâ´el´ement sous des chargements monotone et
cyclique quasi-statiques et sous des chargements sismiques.
6 Contributions originales de la th`ese
Dans le chapitre 2 :
â D´eďŹnition de deux concepts : (i) lâamortissement physique : part de lâamor-
tissement provenant de la mod´elisation physique de ph´enom`enes dissipatifs
dâ´energie caract´eristiques de la r´eponse non-lin´eaire de la structure ; (ii) lâamor-
tissement global forfaitaire : part de lâamortissement provenant dâun mod`ele
dâamortissement structurel qui tient compte, sans distinction explicite, de nom-
breuses sources de dissipation dâ´energie.
â Simulations num´eriques dâun portique test´e sur table vibrante avec plusieurs
mod`eles non-lin´eaires de r´eponse de la structure et plusieurs mod`eles dâamor-
tissement global. Mise en ´evidence du manque de ďŹabilit´e de la pr´ediction de
lâ´evolution des quantit´es locales par les mod`eles existants.
â IdentiďŹcation de propri´et´es que devraient poss´eder les mod`eles de r´eponse non-
lin´eaire des structures aďŹn dâam´eliorer la pr´ediction de lâ´evolution des quantit´es
locales.
Dans le chapitre 3 :
â Formulation dâun nouveau mod`ele de mat´eriau capable de repr´esenter les prin-
cipales sources de dissipation dâ´energie, dans le b´eton et dans lâacier sous sol-
licitation sismique. Les ph´enom`enes non-lin´eaires repr´esent´es sont : (i) la vis-
cosit´e, la plasticit´e continue avec ´ecrouissages (ii) isotrope et (iii) cin´ematique
(apparition de d´eformations permanentes et de boucles dâhyst´er´esis lors des
cycles de charge-d´echarge), (iv) lâendommagement continu (perte de raideur),
la (v) plasticit´e discr`ete avec adoucissement et (vi) lâendommagement discret
avec adoucissement. De plus le mod`ele est capable de repr´esenter des com-
portements diďŹÂ´erents en traction et en compression.
â Les aspects de la formulation du mod`ele qui devront Ëetre trait´es pour garantir
la stabilit´e de la proc´edure de r´esolution num´erique sont clairement identiďŹÂ´es.
â Le mod`ele poss`ede toutes les qualit´es identiďŹÂ´ees dans le chapitre 2 pour am´elio-
rer la pr´ediction du comportement sismique non-lin´eaire des structures. Il con-
tient notamment les ingr´edients n´ecessaires pour repr´esenter les trois phases
de la r´eponse sismique dâune structure qui sont chronologiquement : (i) une
phase de faible intensit´e sismique o`u la r´eponse est domin´ee par la viscosit´e,
(ii) une phase de forte intensit´e sismique o`u la plasticit´e et lâendommagement,
25. 8 Introduction
continus et discrets sont activ´es, (iii) une phase de faible intensit´e sismique o`u
la structure pr´esente des caract´eristiques dissipatives diďŹÂ´erentes de celles de la
structure initiale.
â G´en´eralisation du principe du maximum de la dissipation plastique au ma-
ximum de la dissipation intrins`eque pour caract´eriser lâ´evolution des variables
internes.
â Plusieurs discontinuit´es peuvent apparaËÄątre dans un mËeme ´el´ement.
â Les param`etres du mod`ele ont une signiďŹcation physique claire et leur identi-
ďŹcation est simple. La proc´edure compl`ete dâidentiďŹcation est d´etaill´ee.
Dans le chapitre 4 :
â La formulation th´eorique de lâ´el´ement multiďŹbre standard est modiďŹÂ´ee aďŹn
de permettre lâint´egration du mod`ele de mat´eriau : la matrice de raideur et
le vecteur des forces internes ´el´ementaires ne sont plus fabriqu´es par assem-
blage des matrices de raideur des sections de contrËole mais par assemblage des
matrices de raideur des ďŹbres.
â Les discontinuit´es fortes sont introduites dans un champ de contrainte qui nâest
pas n´ecessairement constant.
â La formulation mixte permet de construire une matrice tangente ´el´ementaire
sym´etrique, contrairement aux m´ethodes classiques formul´ees en d´eplacement.
â Lâ´energie dissip´ee par chacun des m´ecanismes non-lin´eaires explicitement mo-
d´elis´es dans la r´eponse des mat´eriaux est quantiďŹÂ´ee.
Dans le chapitre 5 : Les r´esultats de la simulation num´erique sismique â r´ealis´ee
avec lâ´el´ement multiďŹbre d´evelopp´e dans ce travail de doctorat â dâun portique 2D
en b´eton arm´e (BA) test´e sur la table vibrante de lâ´Ecole Polytechnique de Montr´eal
il y a plusieurs ann´ees sont pr´esent´es et compar´es `a la r´eponse exp´erimentale.
27. 10 Revue de lâ´etat de lâart
1 Introduction
Des analyses dynamiques non-lin´eaires sont aujourdâhui fr´equemment utilis´ees
pour la pr´ediction de lâendommagement des structures et la r´ehabilitation de struc-
tures en b´eton arm´e (BA) existantes [ASC07, ATC08]. La dissipation de lâ´energie
sismique en respectant un niveau des d´eformations in´elastiques â et de lâendommage-
ment qui leur est li´e â acceptable pour satisfaire `a des crit`eres de performance donn´es
est requise pour obtenir un comportement sismique structurel souhait´e [Vas08].
Une strat´egie de r´ehabilitation actuelle, utilisant des crit`eres de dimensionnement
bas´es sur la performance, consiste `a ajouter des dispositifs dissipatifs dâ´energie
dont les caract´eristiques dissipatives sont connues [Mar04, Sod96]. Cependant, le
d´eveloppement des analyses dynamiques non-lin´eaires ne saurait se faire sans le
d´eveloppement de mod`eles de comportement non-lin´eaire des structures toujours
plus ´elabor´es et pr´edictifs. En eďŹet, dâune part, les propri´et´es fondamentales dâune
structure en BA initialement ďŹssur´ee sont diďŹciles `a quantiďŹer et peuvent aďŹecter de
fa¸con non n´egligeable la demande en d´eplacement et en ductilit´e [Faj93] ; et, dâautre
part, lâ´evolution de quantit´es fondamentales dans la structure doit Ëetre pr´edite pour
mener des analyses non-lin´eaires dynamiques ďŹables : le d´eplacement inter-´etage,
la capacit´e r´esiduelle des sections endommag´ees, et mËeme la demande locale en
d´eformation pour des m´ethodes de dimensionnement r´ecentes bas´ees sur le concept
de risque dâendommagement uniforme [Pri07] (p.32). Lâ´energie sismique est dissip´ee
par des ph´enom`enes physiques qui se produisent `a de nombreuses ´echelles qui sont
diďŹciles `a repr´esenter pour des structures en BA (ďŹgure 2.1), `a moins que les mod`eles
non-lin´eaires ad´equats ne soient utilis´es [Ibr03b, Mar06, Ibr09, Ibr05].
Le besoin dâam´eliorer la pr´ecision des mod`eles non-lin´eaires est aussi motiv´e par
les importants progr`es qui ont ´et´e r´ealis´es dans le domaine des essais dynamiques
r´ealis´es sur des structures de g´enie civil complexes [Zem03, Les07, Kaz06, Far02].
Le d´eveloppement de nouveaux appareils de mesure, par exemple les capteurs op-
tiques, permettent aujourdâhui de faire une meilleure corr´elation entre des r´esultats
exp´erimentaux locaux (cycles dâouverture-fermeture de ďŹssures, friction dans les
ďŹssures, rotations, courbures, hyst´er´esis de la d´eformation,etc.) et des r´esultats
num´eriques provenant de mod`eles structuraux ´elabor´es.
Les codes r´eglementaires de dimensionnement [NRC05, Eur05, PS 95] sp´eciďŹent
le plus souvent les acc´el´erogrammes sous forme de spectres de r´eponse qui tien-
nent compte de certaines caract´eristiques dissipatives des structures : (i) spectres
lin´eaires avec un pourcentage dâamortissement critique visqueux Ξ ou (ii) spectres
in´elastiques. Le rapport ATC-63 [ATC08] donne des directives pour mener des anal-
yses dynamiques non-lin´eaires. Il y est notamment mentionn´e que, dans les analyses
28. Introduction 11
non-lin´eaires, la plus grande partie de lâ´energie provient de la r´eponse in´elastique des
composants structuraux ; lâajout dâune part dâamortissement visqueux suppl´emen-
taire comprise entre 2% et 5% de lâamortissement critique est recommand´e pour
prendre en compte les m´ecanismes dissipatifs qui ne sont pas autrement repr´esent´es
dans le mod`ele de r´eponse in´elastique de la structure. Deux sources dâamortissement
sont ainsi mod´elis´ees dans les analyses temporelles in´elastiques : (i) la dissipation
dâ´energie qui provient de ph´enom`enes dissipatifs explicitement mod´elis´es dans la
r´eponse in´elastique des ´el´ements structurels ; (ii) lâamortissement additionnel, cens´e
repr´esenter de nombreuses sources incertaines de dissipation de lâ´energie sismique
dans les structures en BA (ďŹgure 2.1). La quantit´e dâ´energie dissip´ee par lâamortisse-
ment visqueux additionnel doit Ëetre contrËol´ee pour ne pas prendre des valeurs trop
importantes par rapport `a lâ´energie dissip´ee par le mod`ele in´elastique de structure.
La part de la dissipation dâ´energie provenant de ph´enom`enes dissipatifs explicite-
ment mod´elis´es dans une analyse dynamique non-lin´eaire sera dans la suite men-
tionn´ee par lâexpression amortissement mod´elis´e de fa¸con physique ; la part
restante de la dissipation dâ´energie nâest en fait pas dissip´ee par la structure et sera
mentionn´ee dans la suite par lâexpression amortissement global forfaitaire. Le
principal objectif de ce chapitre est de d´eďŹnir une base th´eorique pour la mod´elisation
physique de lâamortissement et augmenter sa part vis-`a-vis de lâamortissement global
forfaitaire dans les simulations non-lin´eaires. Nous nous sommes limit´es aux struc-
tures en BA de type portique.
Nous verrons tout dâabord dans ce chapitre que la pr´ediction de lâ´evolution des
propri´et´es dâune structure joue un rËole fondamental dans les d´emarches actuelles
dâanalyse des structures. Nous pr´esenterons ensuite les mod`eles dâamortissement
actuellement utilis´es en dynamique des structures et insisterons sur la d´ependance
entre lâamortissement global forfaitaire et le mod`ele in´elastique de structure. Cette
d´ependance est mise en ´evidence lorsquâon cherche `a obtenir, `a partir dâun mod`ele de
structure non-lin´eaire donn´e, des r´esultats num´eriques en accord avec des r´esultats
exp´erimentaux connus. Ensuite, nous donnerons la description dâune structure de
type portique en BA qui a ´et´e test´ee sur la table vibrante de lâ´Ecole Polytechnique de
Montr´eal [Fil98a, Fil98b], puis nous ´evaluerons les performances de plusieurs analy-
ses dynamiques non-lin´eaires `a partir de diďŹÂ´erents mod`eles structuraux disponibles
dans les logiciels â plasticit´e concentr´ee [Car04], ´el´ements ďŹbres [CSI07, Pet99],
´el´ements ďŹnis 2D [Won02, Saa07] â associ´es `a diďŹÂ´erents mod`eles dâamortissement
global forfaitaire de type Rayleigh. Les analyse que nous faisons visent `a pr´edire
lâ´evolution de param`etres de la r´eponse globale tels que les d´eplacements et lâeďŹort
tranchant `a la base et lâ´evolution de param`etres d´ecrivant des comportements plus
locaux tels que la r´eponse sous forme de courbes repr´esentant le moment ďŹÂ´echissant
29. 12 Revue de lâ´etat de lâart
en fonction de la rotation dans des sections fortement sollicit´es. Les param`etres de la
r´eponse globale sont des quantit´es couramment utilis´ees dans les analyses sismiques
dâouvrages. La r´eponse in´elastique de sections permet dâestimer la quantit´e dâ´energie
dissip´ee par des processus irr´eversibles qui modiďŹent les propri´et´es de la structure.
Lâobjectif de cette section est de discuter des cons´equences de la d´ecomposition clas-
sique de la quantit´e totale dâ´energie dissip´ee en une partie globale forfaitaire et une
partie physique sur des r´esultats globaux et locaux dâanalyses sismiques temporelles
non-lin´eaires. Finalement, nous proposerons une classiďŹcation des ph´enom`enes dissi-
patifs qui caract´erise les m´ethodes actuelles et nous d´eďŹnirons des lignes directrices `a
suivre aďŹn dâam´eliorer leur capacit´e pr´edictive. Le cadre de la thermodynamique avec
variables internes dans lequel il est possible de d´evelopper des mod`eles de mat´eriau
d´etaill´es poss´edant les qualit´es num´eriques requises pour une implantation robuste
dans un code de calcul sera aussi rapidement introduit.
Fig. 2.1: Mod´elisation multi-´echelle pour la dissipation dâ´energie dans les structures
en BA de type portique.
30. Analyses sismiques non-lin´eaires 13
2 Analyses sismiques non-lin´eaires
2.1 Lâav`enement des analyses non-lin´eaires
Les m´ethodes bas´ees sur le concept de force sont largement utilis´ees dans le di-
mensionnement des ouvrages de g´enie civil sous chargement sismique [PS 95, Eur05]
mais sont remises en question aujourdâhui. Nous reprenons ici les arguments qui
se trouvent dans le premier chapitre de lâimposant ouvrage de Priestley, Calvi
et Kowalsky consacr´e aux m´ethodes r´ecentes de dimensionnement bas´ees sur les
d´eplacements [Pri07] :
â La proc´edure de dimensionnement bas´ee sur les forces commence par une es-
timation de la raideur qui permet de calculer les p´eriodes propres et la fa¸con
dont les eďŹorts sismiques se r´epartissent dans les ´el´ements. Or, la raideur ne
peut pas Ëetre connue avant le dimensionnement des rotules plastiques `a la ďŹn
du processus de dimensionnement ;
â R´epartir les forces entre les diďŹÂ´erents ´el´ements de structure en consid´erant leur
raideur initiale revient `a supposer que tous les ´el´ements atteindront leur limite
´elastique en mËeme temps, ce qui nâest souvent pas le cas ;
â La proc´edure de dimensionnement bas´ee sur les forces repose sur lâhypoth`ese
quâun unique coeďŹcient de comportement (d´etermin´e `a partir de la demande
en ductilit´e) suďŹt pour un certain type de structures et de mat´eriaux, ce qui
est faux.
AďŹn de pallier ces inconv´enients, des m´ethodes de dimensionnement bas´ees sur
les d´eplacements ont ´et´e d´evelopp´ees. Elles comprennent notamment la m´ethode de
dimensionnement bas´ees sur la performance qui consiste `a d´eďŹnir a priori des crit`eres
que la structure devra remplir une fois dimensionn´ee. Ces crit`eres de performance
sont concr`etement exprim´es en terme de d´eplacement inter-´etage et mËeme, dans les
proc´edures les plus ´evolu´ees, en terme dâ´etat de d´eformation, quantit´es locales qui
peuvent Ëetre reli´ees `a lâendommagement [Pri07]. La d´eďŹnition de ces crit`eres exige
en particulier de se r´ef´erer `a des relations entre le degr´e de d´etail du ferraillage
des sections et la demande en d´eformation : relations d´etermin´ees par des analyses
de pouss´ee progressive (âpushoverâ) ou par des analyses dynamiques temporelles
non-lin´eaires (âtime-history inelastic analysisâ).
Dans lâing´enierie, des m´ethodes simpliďŹÂ´ees sont utilis´ees pour prendre en compte
la r´eponse non-lin´eaire dâune structure sans avoir `a faire dâanalyses en pouss´ee pro-
gressive ou dâanalyses dynamiques temporelles non-lin´eaires coËuteuses en temps de
31. 14 Revue de lâ´etat de lâart
mod´elisation et de calcul. Plusieurs m´ethodes simpliďŹÂ´ees existent selon que (i) la
raideur utilis´ee pour le calcul des p´eriodes propres, de la r´epartition des eďŹorts sis-
miques entre les ´el´ements de structure et pour quantiďŹer lâamortissement ´elastique â
qui nâest pas repr´esent´e dans la r´eponse non-lin´eaire de la structure â est la raideur
´elastique ou bien la raideur s´ecante au d´eplacement maximum ; et que (ii) lâamor-
tissement g´en´er´e par la r´eponse non-lin´eaire de la structure est introduit par lâu-
tilisation de spectres in´elastiques ou dâun amortissement visqueux ´equivalent. Nous
voudrions insister ici sur le fait que ces m´ethodes simpliďŹÂ´ees reposent, implicite-
ment, sur des r´esultats dâanalyses en pouss´ee progressive ou dâanalyses sismiques
temporelles non-lin´eaires â que ce soit pour la fabrication de spectres in´elastiques ou
de spectres fonction dâun certain pourcentage dâamortissement visqueux ´equivalent
et pour la pr´ediction de la demande en d´eformation en fonction de la g´eom´etrie de
certaines sections â qui sont `a la base des pratiques de dimensionnement et dâanaly-
ses sismiques des structures. Chercher `a am´eliorer les analyses sismiques temporelles
non-lin´eaires est donc dâun int´erËet fondamental en g´enie parasismique.
2.2 ´Evolution des propri´et´es dâune structure sous s´eisme
La ďŹgure 2.1 repr´esente une structure en b´eton arm´e dans son environnement. Si
lâon consid`ere une structure standard de type portique en b´eton arm´e, les sources de
dissipation dâ´energie, qui d´ependent en g´en´eral de lâamplitude de lâexcitation [Ste80]
et de la fr´equence dâexcitation, peuvent Ëetre classiďŹÂ´ees en sources internes et ex-
ternes `a la structure. La dissipation dâ´energie externe provient (i) de la g´eom´etrie
et du type de fondations (amortissement par radiations dâ´energie) et dâeďŹets de
site [Dri09], (ii) de la quantit´e et du type de composants non-structuraux, (iii) de
lâinteraction avec les constructions voisines (entrechoquements, perturbation de la
propagation des ondes dans les fondations), (iv) de la r´esistance de lâair environ-
nant, (v) dâune interaction ďŹuide-structure [Seg09], etc. Les sources de dissipation
dâ´energie externes ne modiďŹent pas directement les caract´eristiques de la structure.
La dissipation dâ´energie interne provient (i) de sources mat´erielles : amortissement
inh´erent au comportement constitutif des mat´eriaux [Ami06], d´eformations plas-
tiques, endommagement local (microďŹssures), friction entre l`evres de b´eton, ouver-
tures et refermetures de ďŹssures qui cr´eent un impact in´elastique, chaleur g´en´er´ee
par de la fatigue `a faible nombre de cycles, etc. et (ii) de sources structurelles : la
quantit´e et le niveau de d´etail du ferraillage qui conďŹne le b´eton et lui conf`ere de la
ductilit´e, la d´eformabilit´e des joints dâossature, ďŹambement des barres dâacier, eďŹet
goujon, glissement entre acier et b´eton, etc. La dissipation dâ´energie interne est le
r´esultat de modiďŹcations irr´eversibles dans la structure. Ce sont des ph´enom`enes
non-lin´eaires qui se produisent `a diďŹÂ´erentes ´echelles et qui modiďŹent les propri´et´es
32. Mod`eles de dissipation dâ´energie sismique 15
de la structure telle par exemple la capacit´e r´esistante de certaines de ses sections.
Mod´eliser ces ph´enom`enes dissipatifs est de ce fait un point cl´e dans les analyses
bas´ees sur la performance et pour la d´eďŹnition de proc´edures de dimensionnement
ďŹables pour les syst`emes dynamiques non-lin´eaires.
La ďŹgure 2.2 illustre les trois phases qui peuvent Ëetre commun´ement distingu´ees
dans la r´eponse sismique in´elastique dâune structure en b´eton arm´e et qui t´emoignent
de lâ´evolution de ses propri´et´es. La phase I repr´esente la r´eponse `a de faibles in-
tensit´es du signal sismique, quand la structure reste dans son domaine lin´eaire.
Lâ´energie sismique est essentiellement dissip´ee par le comportement visco´elastique
des mat´eriaux [Les07]. Dans la phase II, lâintensit´e du signal sismique est la plus
forte, la structure sâendommage (d´egradation de sa raideur et de sa capacit´e r´esistan-
te) et des d´eformations r´esiduelles apparaissent. Lâ´energie sismique est `a la fois
stock´ee par la structure (´ecrouissage) et dissip´ee de fa¸con irr´eversible par les m´ecanis-
mes non-lin´eaires qui sont mis en jeu lors de ses modiďŹcations internes. Finalement,
dans la phase III, apr`es avoir ´et´e fortement excit´ee, la structure subit `a nouveau de
faibles sollicitations mais cette fois avec des d´eplacements r´esiduels, des p´eriodes de
vibration plus grandes que pour la structure avant s´eisme, et des caract´eristiques
dissipatives diďŹÂ´erentes `a cause, par exemple, des frottements dans les ďŹssures qui se
sont ouvertes. Une quatri`eme phase de retour vers un ´etat de repos en vibrations
libres suit ces trois phases. La ďŹgure 2.2 montre que pendant les phases I et III, la
quantit´e dâ´energie sismique que la structure doit stocker et dissiper est petite alors
que pendant la phase II, entre 10 s et 23 s, la structure doit absorber et dissiper
une grande quantit´e dâ´energie sismique. Les caract´eristiques particuli`eres de ces trois
phases doivent Ëetre mod´elis´ees de sorte que les analyses sismiques bas´ees sur la per-
formance, pour des structures existantes ou pour le dimensionnement de nouvelles
structures soient ďŹables ; cependant, peu de mod`eles sont actuellement capables de
repr´esenter chacune de ces trois phases.
3 Mod`eles de dissipation dâ´energie pour les bËati-
ments sous s´eisme
3.1 Amortissement physique et amortissement global for-
faitaire
Nous avons d´eďŹni dans lâintroduction de ce chapitre les notions dâamortissement
physique et dâamortissement global forfaitaire ainsi que, dans la section pr´ec´edente,
33. 16 Revue de lâ´etat de lâart
Fig. 2.2: R´eponse sismique typique dâune structure en b´eton arm´e in´elastique.
les notions dâamortissement ´elastique et dâamortissement provenant de la r´eponse
non-lin´eaire de la structure. Nous voudrions ici pr´eciser ces notions et justiďŹer le fait
que nous pr´ef´ererons dans la suite les notions dâamortissements physique et global
forfaitaire. Tout mod`ele de structure pr´esente une phase ´elastique dans laquelle
aucune source de dissipation dâ´energie nâest interne `a la structure. Or, physiquement,
une structure ´elastique mise en mouvement ďŹnit par retourner au repos, ce qui
t´emoigne de lâexistence de sources dâamortissement : ces sources sont mod´elis´ees par
un amortissement ´elastique externe `a la structure, par exemple par lâamortissement
de Rayleigh. Quand la structure sort de son domaine ´elastique, le mod`ele in´elastique
de structure g´en`ere de lâamortissement puisquâil repr´esente des sources internes de
dissipation dâ´energie.
Cette classiďŹcation des ph´enom`enes dâamortissement ne nous satisfait pas car
elle manque de pr´ecision. En eďŹet, il est possible par exemple dâintroduire de la
visco´elasticit´e dans les mod`eles : câest une source dâamortissement ´elastique mod´elis´ee
par une source interne de dissipation (la viscosit´e des mat´eriaux). La mod´elisation
non-physique de lâamortissement ´elastique pose notamment le probl`eme du choix
dâune matrice de raideur pour d´eďŹnir lâamortissement externe : raideur initiale ou
tangente ? Nous verrons dans cette section que ce choix nâest pas ´evident mais quâil a
des cons´equences importantes sur les conclusions des simulations. En eďŹet, comment
Ëetre certain que lâamortissement externe ´elastique ne prend pas d´ej`a en compte â `a
cause du manque de pr´ecision des mod`eles in´elastiques de structure â des sources
dâamortissement provenant de la r´eponse in´elastique de la structure ? Et que se
passe-t-il alors par exemple quand une mËeme source physique dâamortissement est
prise en compte deux fois ?
Ainsi pr´ef´erons-nous distinguer les sources dâamortissement physique â provenant
34. Mod`eles de dissipation dâ´energie sismique 17
de ph´enom`enes dissipatifs explicitement mod´elis´es â des sources dâamortissement
global forfaitaire â rassemblant toutes les sources de dissipation dâ´energie qui ne sont
pas explicitement mod´elis´ees. Il existe plusieurs m´ethodes pour prendre en compte
dans les simulations lâamortissement global forfaitaire : amortissement modal, de
Caughey, de Rayleigh. Pour illustrer nos id´ees, il nous suďŹra dans la suite de
pr´esenter lâamortissement de Rayleigh, dâailleurs largement utilis´e dans les simu-
lations sismiques.
3.2 Formulation de lâamortissement de Rayleigh
La r´eponse in´elastique dâune structure `a un s´eisme peut Ëetre calcul´ee `a partir de
lâ´equation de mouvement suivante :
M ¨u(t) + C Ëu(t) + R(t) = Fsta â M r ¨ug(t) (2.1)
o`u M et C sont les matrices de masse et dâamortissement et R(t) est le vecteur
des eďŹorts r´esistants d´evelopp´es par la structure ; Fsta est le vecteur des charges
statiques appliqu´ees `a la structure et âM r ¨ug(t) repr´esente la force sismique ap-
pliqu´ee, avec r la matrice indiquant les degr´es de libert´e dynamiques pour les masses
directionnelles et enďŹn ug(t) le vecteur de lâacc´el´eration sismique du sol. Dans la
plupart des analyses sismiques, une forme dâamortissement de Rayleigh est utilis´ee
pour dissiper la part de lâ´energie sismique qui nâest pas prise en compte dans la
r´eponse non-lin´eaire de la structure R(t) (amortissement forfaitaire global). Dans
ce cas, plusieurs d´eďŹnitions de la matrice dâamortissement sont donn´ees dans la
litt´erature :
C(t)[i] = (aM M + bKK0)[1] ou (aM M + bKKtan)[2] ou (aM (t)M + bK(t)Ktan)[3]
(2.2)
o`u K0 est la matrice de raideur ´elastique initiale et Ktan est la matrice de raideur
tangente. Les coeďŹcients aM et bK d´eterminent la quantit´e dâamortissement for-
faitaire global pour deux fr´equences propres de la structure choisies. La raideur, les
eďŹorts r´esistants et dâinertie ont une signiďŹcation physique claire ; lâamortissement
de Rayleigh, quant `a lui, nâen a pas [Kar90, Jea86]. Plusieurs chercheurs ont pr´esent´e
des analyses sismiques de syst`emes structurels non-lin´eaires en utilisant plusieurs des
mod`eles dâamortissement pr´esent´es dans les ´equations (2.2) [Cha08, Hal06, Pri05,
L´e92]. Il en ressort que le mod`ele C(t)[3] est le meilleur mod`ele pour maintenir une
valeur constante dâamortissement global forfaitaire tout au long de lâanalyse et ainsi
´eviter lâapparition de forces internes dâamortissement irr´ealistes. Cependant, cela ne
signiďŹe pas que le mod`ele C(t)[3] est, dans lâabsolu, le meilleur pour une analyse sis-
mique non lin´eaire : (i) il sera question dans la section 3.4 de montrer que la qualit´e
35. 18 Revue de lâ´etat de lâart
dâun mod`ele dâamortissement global forfaitaire d´epend du mod`ele structurel non-
lin´eaire qui lui est associ´e et (ii) la mise `a jour des param`etres aM (t) et bK(t) requiert
la r´esolution `a chaque pas de temps dâun probl`eme aux valeurs propres, ce qui nâest
pas, du point de vue des performances num´eriques de la simulation, un avantage.
Comme alternative, le mod`ele C(t)[2] permet de prendre en compte les changements
de raideur de la structure et ainsi, lui aussi, de contrËoler les forces dâamortissement
internes, contrairement au mod`ele C[1]. Dans ce cas, les coeďŹcients aM et bK sont
le plus souvent calcul´es `a partir des propri´et´es dynamiques initiales de la structure.
`A noter quâune analyse dite âpushoverâ, ou toute autre approximation, peut Ëetre
utilis´ee aďŹn dâestimer la raideur s´ecante une fois que la ductilit´e pour laquelle la
structure a ´et´e dimensionn´ee est atteinte. Il est ainsi possible dâestimer la p´eriode de
vibration de la structure endommag´ee pour les calculs de aM et bK. Dans de nom-
breuses analyses non-lin´eaires, les propri´et´es dynamiques initiales de la structure
sont utilis´ees pour identiďŹer un mod`ele dâamortissement global forfaitaire C[1] qui
restera constant pendant toute la dur´ee de lâanalyse [Les07, Kaz06, Fil98b], ce qui
a ´et´e insatisfaisant dans plusieurs autres cas [Cha08, Hal06, Pri05, L´e92]. Ainsi le
choix dâun mod`ele dâamortissement global forfaitaire ne repose-t-il sur aucune base
physique solide, et des strat´egies de mod´elisation diďŹÂ´erentes peuvent aboutir `a des
r´esultats satisfaisants.
3.3 Applications exp´erimentales et num´eriques
Plusieurs auteurs pr´esentent les r´esultats dâanalyses de structures en utilisant
diďŹÂ´erents mod`eles dâamortissement. Premi`erement, en ce qui concerne les ´etudes
exp´erimentales, Lamarche et al. [Lam08] ont r´ealis´e des tests de vibration forc´ee
sur des structures de taille r´eelle de type portique `a deux ´etages, construites en
b´eton haute performance, pr´ealablement soumises `a des chargements sismiques et,
en cons´equence, endommag´ees. Les pourcentages dâamortissement critique mesur´es
sâ´etalent entre 1,5% et 2,5%. Dans lâanalyse a posteriori de murs de refend en b´eton
arm´e test´es sur table vibrante, Lestuzzi et Bachmann [Les07] retrouvent la quantit´e
totale dâ´energie sismique donn´ee `a la structure apr`es retour `a lâ´equilibre en vibration
libre en additionnant, `a partir des mesures exp´erimentales, lâ´energie dissip´ee dans
la rotule plastique qui sâest form´ee `a la base du mur, lâ´energie de friction dissip´ee
dans le syst`eme de roulement sous les masses concentr´ees et lâ´energie dissip´ee par un
amortissement suppos´e visqueux. Un pourcentage dâamortissement critique de 1,5%
a ´et´e retenu `a une fr´equence de 1,5 Hz pour calculer la quantit´e dâamortissement
visqueux dissip´ee.
36. Mod`eles de dissipation dâ´energie sismique 19
Quelques mots sur Rayleigh :
Lâamortissement de Rayleigh est bien souvent vivement critiqu´e ; il serait dâau-
tant plus injuste de ne pas rendre hommage `a John William Strutt, lord Rayleigh
(1842-1919), `a qui on doit lâintroduction de la dissipation dâ´energie dans les
syst`emes physiques. Avant lui, les ´equations de mouvement ´etaient d´eriv´ees
dans un monde quâon pourrait qualiďŹer de parfait â sans frottements ni perte
dâ´energie sous quelque forme que ce soit dans les syst`emes m´ecaniques ´etudi´es.
Je reproduis ici un extrait de sa Theory of Sound [Ray45] :
â Vol. I, §80 : âBy dâAlembertâs Principle in combination with that of Virtual
Velocities,
m(¨xδx + ¨yδy + ¨zδz) = (Fxδx + Fyδy + Fzδz)
where δx, δy, δz denote a displacement of the system of the most general kind
possible without violating the connections of its parts.â ;
â Vol. I, § 81 : âThere is also another group of forces whose existence it is
often advantageous to recognize specially, namely those arising from friction
and viscosity. If we suppose that each particle of the system is retarded by
forces proportional to its component velocities, the eďŹect will be shown in the
fundamental equation (ci-dessus) §80 by the addition to the left-hand member
of the terms
(kx Ëxδx + ky Ëyδy + kz Ëzδz)
where kx, ky, kz are coeďŹcients independent of the velocities, but possibly
dependent on the conďŹguration of the system.â (. . . )
â Rayleigh then deďŹnes âthe function F, which may be called the Dissipation
Functionâ :
F =
1
2
(kx Ëx2
+ ky Ëy2
+ kz Ëz2
)
âF represents half the rate at which energy is dissipatedâ.
Cette id´ee de fonction de dissipation est dâailleurs reprise en thermodynamique
quand on d´eďŹni un potentiel de dissipation (´equivalent `a la fonction crit`ere pour
les mod`eles associ´es)
Deuxi`emement, en ce qui concerne les ´etudes num´eriques, mËeme si un amortisse-
ment de Rayleigh conventionnel est diďŹcilement contrËolable quand la structure est
non-lin´eaire, de nombreux chercheurs ont fait ´etat de corr´elations satisfaisantes avec
des r´esultats exp´erimentaux dans leurs travaux. Maragakis et al. [Mar93] ont men´e
37. 20 Revue de lâ´etat de lâart
des analyses dynamiques lin´eaires de quatre bËatiments en b´eton arm´e frapp´es par
le s´eisme de Wihittier Narrows de 1987. AďŹn de reproduire, `a partir dâun mod`ele
´elastique, la r´eponse observ´ee exp´erimentalement pour ces structures, le mod`ele
dâamortissement global forfaitaire C[1] avec un pourcentage dâamortissement critique
de 7% a ´et´e retenu. Takayanagi and Schnobrich [Tak79] ont mod´elis´e la r´eponse non-
lin´eaire de murs de refend en b´eton arm´e coupl´es test´es sur table vibrante `a lâaide
de lois de comportement non-lin´eaires concentr´ees dans certaines sections. Ces lois
sont de type moment-courbure et d´eďŹnies, `a lâ´echelle de la section de structure, dâune
fa¸con ďŹne puisquâelles sont capable de reproduire des d´egradations de raideur et de
capacit´e r´esistante, des eďŹets de pincement au cours des cycles et quâelles prennent de
plus en compte lâinteraction entre eďŹort normal et moment ďŹÂ´echissant. Lâutilisation
dâun mod`ele dâamortissement global forfaitaire C[2] avec un pourcentage dâamor-
tissement critique de 2% pour le premier mode initial a permis dâobtenir une bonne
correspondance entre r´esultats exp´erimentaux et num´eriques. Kazaz et al. [Kaz06]
ont reproduit num´eriquement des tests de murs en b´eton arm´e `a lâaide dâ´el´ements
ďŹnis 2D contenant des lois constitutives non-lin´eaires pour le b´eton et pour lâacier.
La table vibrante ainsi que les connections ont aussi ´et´e mod´elis´ees. Les auteurs
pr´esentent des r´esultats num´eriques en accord avec les donn´ees exp´erimentales avec
le choix du mod`ele dâamortissement C[1] calibr´e de sorte quâil g´en`ere un amortisse-
ment de 2% pour les deux premiers modes. Faria et al. [Far02] ont eďŹectu´e des
analyses a posteriori des essais dits ÂŤ Camus Âť mettant en jeu un bËatiment de six
´etages compos´e de deux murs de contreventement parall`eles en b´eton arm´e et r´eduit
`a lâ´echelle 1
3
. Ici encore, la structure a ´et´e mod´elis´ee avec des ´el´ements ďŹnis 2D con-
tenant des lois constitutives non-lin´eaires pour le b´eton et lâacier, et la table vibrante
a ´et´e mod´elis´ee. Deux mod`eles dâamortissement global forfaitaire ont ´et´e consid´er´es :
un amortissement quasi nul ÂŻC[1] = bK
10
K0 et un amortissement ÂŻC[2] = bKKtan de sorte
que le pourcentage dâamortissement critique est de 2% pour le premier mode de vi-
bration de la structure ´elastique. Lâabandon du param`etre aM est du au fait que des
ďŹssures se d´eveloppent et quâalors il est consid´er´e quâun ´el´ement ďŹssur´e (Ktan = 0)
ne peut pas transmettre dâeďŹorts dâamortissement, ce que sous-entend la pr´esence
dâun terme proportionnel `a la masse. Les meilleurs r´esultats ont ´et´e obtenus avec le
mod`ele dâamortissement quasi nul. Il existe beaucoup dâautres r´esultats dâanalyses
disponibles dans la litt´erature [Mar09, Dav03], mais ceux pr´esent´es ici suďŹsent `a
introduire la critique de lâamortissement global forfaitaire qui suit imm´ediatement.
3.4 Critique de lâamortissement global forfaitaire
´Etant donn´ee la vari´et´e des solutions propos´ees dans la table 2.1, il existe beau-
coup dâincertitudes sur la fa¸con de prendre en compte lâamortissement dans lâanal-
38. Mod`eles de dissipation dâ´energie sismique 21
Mod`ele structurel Amortissement forfaitaire
´energies hyst´er´etique et de friction [Les07] C[1] avec Ξelas
1 = 1, 5%
´elastique [Mar93] C[1] avec 7%
comportement in´elastique concentr´e dans certaines
sections [Tak79]
C(t)[2] avec Ξelas
1 = 2%
´el´ements ďŹnis 2D avec loi de b´eton et acier
non-lin´eaires + table vibrante mod´elis´ee [Kaz06]
C[1] avec Ξelas
1 = 2%
´el´ements ďŹnis 2D avec loi de b´eton et acier
non-lin´eaires + table vibrante mod´elis´ee [Far02]
ÂŻC[1] = bK
10
K0 avec bK de
sorte que Ξelas
1 = 2%
Tab. 2.1: Mod`eles de structures (grossi`erement d´ecrits) et mod`eles dâamortissement
global forfaitaire associ´es dans quelques analyses sismiques (Ξelas
1 est le pourcentage
dâamortissement critique pour le premier mode de la structure ´elastique).
yse non-lin´eaire de structures en b´eton arm´e. La table 2.1 montre en outre que
le choix dâun mod`ele dâamortissement global forfaitaire appropri´e pour lâanalyse
sismique dâune structure non-lin´eaire d´epend du mod`ele utilis´e pour repr´esenter
le comportement de la structure. Par exemple, dans le cas dâune analyse lin´eaire
´equivalente [Mar93], la totalit´e de lâ´energie sismique est dissip´ee par le mod`ele
dâamortissement global et la structure ne dissipe rien par elle-mËeme. Une telle anal-
yse nâest pas appropri´ee pour pr´edire les propri´et´es modiďŹÂ´ees de la structure (en-
dommagement) apr`es le passage du s´eisme puisque la structure sera identique `a celle
du d´ebut. Dans le cas dâune analyse non-lin´eaire, une part de la dissipation dâ´energie
totale est repr´esent´ee physiquement par la r´eponse non-lin´eaire de la structure et la
part restante est ajout´ee dans la simulation, forfaitairement, par un certain mod`ele
dâamortissement global d´etermin´e de sorte que les r´esultats num´eriques reproduisent
les d´eplacements, les eďŹorts de cisaillement `a la base et les autres quantit´es struc-
turelles commun´ement mesur´ees et dâint´erËet. Cette strat´egie est appropri´ee `a la
pr´ediction du comportement de structures qui restent ´elastiques et `a la pr´ediction
de quantit´es globales pour les structures in´elastiques. Cependant, lorsque des quan-
tit´es plus locales, comme la demande en d´eformation dans une section, sont requises
[Pri07] (p.32), cette strat´egie peut sâav´erer peu ďŹable.
Il paraËÄąt impossible de mod´eliser toutes les sources de dissipation dâ´energie. Le
recours `a une part dâamortissement global forfaitaire est donc n´ecessaire, mais il
doit Ëetre maËÄątris´e (voir Hall [Hal06] et Charney [Cha08] pour des exemples de cas
o`u il nâest pas maËÄątris´e) et il le sera dâautant plus que les mod`eles structuraux seront
d´etaill´es. Si lâ´energie sismique est dissip´ee par la structure â ses propri´et´es sont alors
modiďŹÂ´ees â ou non, est une question fondamentale dans les analyses sismiques non-
39. 22 Revue de lâ´etat de lâart
lin´eaires pour pr´edire lâ´evolution de quantit´es comme lâendommagement. La section
suivante pr´esente une ´etude num´erique dâun portique en b´eton arm´e test´e sur la table
vibrante de lâ´Ecole Polytechnique de Montr´eal. Son objectif est dâillustrer certains
eďŹets sur des quantit´es globales et locales qui sont la cons´equence du choix dâun
mod`ele de structure et dâun mod`ele dâamortissement global forfaitaire associ´e. Pour
cela, des logiciels de calcul propos´es aux praticiens ou aux chercheurs, ainsi que
des m´ethodes classiques de mod´elisation de lâamortissement global forfaitaire sont
utilis´es.
4 Analyse sismique num´erique dâun portique en
b´eton arm´e
4.1 Description du portique et du signal sismique
La g´eom´etrie du portique en b´eton arm´e `a lâ´echelle 1
2
qui a ´et´e test´e sur la table
vibrante de lâ´Ecole Polytechnique de Montr´eal par Filiatrault et al. [Fil98a, Fil98b],
ainsi que le ferraillage dimensionn´e pour conf´erer `a la structure une ductilit´e globale
´egale `a deux sont repr´esent´es sur la ďŹgure 2.3. Une pr´esentation d´etaill´ee du portique
est donn´ee dans [Fil98a]. Le portique se compose de deux ´etages dâune hauteur de
3 m chacun soutenus par trois poteaux r´eguli`erement positionn´es tous les 5 m.
Les poutres des premier et second ´etages ont une section carr´ee de 14 x 15 cm et
15 x 16 cm, les poteaux ext´erieurs et int´erieur de 13 x 17 cm et 13 x 18 cm. Le
b´eton a un module de Young Ec = 25200 MPa, une r´esistance `a la compression
fâ˛
c = 31 MPa et un coeďŹcient de Poisson ν = 0, 17 ; les barres dâacier ont un module
de Young Es = 224600 MPa avec une contrainte limite ´elastique fy = 438 MPa
et une contrainte limite ultime fu = 601 MPa pour les barres longitudinales et
fy = 750 MPa et fu = 900 MPa pour les aciers transversaux. Quatre blocs de b´eton
en forme de U invers´e sont attach´es aux quatre poutres du portique pour repr´esenter
le poids propre. La forme de chacune de ces masses additionnelles a ´et´e calcul´ee de
sorte que son centre de gravit´e co¨Ĺncide avec celui de la poutre. La mise en place de
ces masses a provoqu´e lâapparition de ďŹssures dans la structure. Le poids total de
la structure est P = 95 kN. Apr`es application des charges additionnelles, la p´eriode
fondamentale T1 = 0, 36 s et le pourcentage dâamortissement critique Ξ1 = 3, 3%
sont mesur´es par un test dâimpact. Le premier mode excite 91% de la masse totale
de la structure et le deuxi`eme mode excite quasiment la totalit´e des 9% restants.
Lâacc´el´erogramme s´electionn´e pour la campagne dâessais correspond `a la com-
posante N04W du s´eisme enregistr´e `a Olympia, Washington le 13 avril 1949. Lâacc´e-
l´erogramme utilis´e pour les tests a ´et´e pr´ealablement calibr´e de sorte que lâacc´el´eration
40. Analyse sismique num´erique dâun portique en b´eton arm´e 23
maximale du sol soit de 0, 21 g. La ďŹgure 2.4 repr´esente la r´eponse de la table vi-
brante `a vide â ce que subira la structure une fois install´ee sur la table vibrante â
soumise `a lâacc´el´erogramme calibr´e ainsi que le spectre correspondant.
Fig. 2.3: Portique en BA test´e sur table vibrante (dimensions en mm).
4.2 Mod`eles d´evelopp´es pour les simulations
Nous avons d´evelopp´e des mod`eles du portique `a lâaide de trois logiciels dâanalyse
dynamique non-lin´eaire : Ruaumoko permet de d´eďŹnir des mod`eles de structure
o`u les non-lin´earit´es sont concentr´ees dans des zones pr´ed´eďŹnies, Perform3D a ´et´e
d´evelopp´e dans la logique des m´ethodes dâanalyse sismique bas´ees sur la performance
et oďŹre la possibilit´e de recourir `a des ´el´ements multiďŹbres, Vector2 est un logiciel
de calculs par ´el´ements ďŹnis pour lâanalyse des structures en b´eton arm´e bas´e sur la
âModiďŹed Compression Field Theoryâ.
4.2.1 Mod`ele `a plasticit´e concentr´ee
Les mod`eles construits avec le logiciel Ruaumoko [Car04] (ďŹgure 2.5a) sont bas´es
sur des ´el´ements de poutre (ou poteau) avec des rotules plastiques concentr´ees `a
41. 24 Revue de lâ´etat de lâart
Fig. 2.4: Excitation sismique : (a) acc´el´erations mesur´ees sur la table vibrante, (b)
spectre de r´eponse ´elastique (calcul´e avec 5% dâamortissement critique).
leurs extr´emit´es et dont la longueur est calcul´ee en fonction de la g´eom´etrie des sec-
tions (demie hauteur entre des cadres dâacier transversaux). Une version modiďŹÂ´ee
du mod`ele de Takeda (ÂŤ Q-HYST degrading rule Âť, ďŹgure 2.5b) a ´et´e utilis´ee pour
repr´esenter la loi de r´eponse moment-courbure des rotules plastiques. La courbe
enveloppe de cette loi de comportement hyst´er´etique a ´et´e obtenue `a partir du logi-
ciel dâanalyse de sections planes Response2000 [Ben01]. Conform´ement aux normes
canadiennes sur le b´eton [Canadian concrete standard CSA 1994], aďŹn de prendre
en compte la ďŹssuration due au poids propre et aux charges de service au d´ebut
des analyses sismiques, le moment dâinertie des sections de poutre est r´eduit `a 40%
du moment dâinertie des sections non-ďŹssur´ees et le moment dâinertie des sections
de poteaux `a 70% de sa valeur non-ďŹssur´ee [Fil98b]. `A chaque nĹud dâossature,
les connections entre ´el´ements de poutres et de poteaux sont mod´elis´ees `a lâaide
dâextr´emit´es inďŹniment rigides dont la longueur correspond `a celle de la partie en-
castr´ee dans lâ´el´ement adjacent, aďŹn de prendre en compte lâaugmentation de rigidit´e
au niveau des nĹuds dâossature. Le logiciel Ruaumoko permet dâutiliser les mod`eles
dâamortissement global forfaitaire C[1] et C(t)[2].
4.2.2 Mod`ele avec ´el´ements multiďŹbres
Un autre mod`ele a ´et´e construit `a partir dâ´el´ements multiďŹbres d´eďŹnis dans
le logiciel de calculs non-lin´eaires Perform3D [CSI07]. Les sections des diďŹÂ´erents
composants du portique ont ´et´e divis´ees en 6 couches de b´eton et dâacier pour les
poteaux et en 8 couches pour les poutres. Une loi de comportement non-lin´eaire a ´et´e
associ´ee `a chacun des mat´eriaux ; la ďŹgure 2.6a montre celle adopt´ee pour le b´eton.
Le maillage est identique `a celui de la ďŹgure a. Nous appelons Perform3D 1 le mod`ele
42. Analyse sismique num´erique dâun portique en b´eton arm´e 25
Fig. 2.5: Mod`ele avec plasticit´e concentr´ee : (a) g´eom´etrie, (b) mod`ele de r´eponse
structurelle in´elastique de Takeda modiďŹÂ´e.
de structure pour lequel une loi de b´eton non-conďŹn´e est donn´ee `a toutes les ďŹbres
de b´eton et o`u 5 points dâint´egration num´erique ont ´et´e consid´er´es ; et nous appelons
Perform3D 2 le mod`ele de structure pour lequel une loi de b´eton conďŹn´e a ´et´e donn´ee
aux ďŹbres de b´eton qui se trouvent `a lâint´erieur des cadres dâacier transversaux et
une loi de b´eton non-conďŹn´e aux autres ďŹbres (ďŹgure 2.6b) et seulement 2 point
dâint´egration num´erique ont ´et´e consid´er´es. Les connexions `a chaque nĹud indiqu´e
sont mod´elis´ees par des zones rigides aux extr´emit´es des poteaux et des poutres :
ces zones ont une longueur ´egale `a la profondeur dâencastrement de lâ´el´ement dans
lâ´el´ement voisin et ont une rigidit´e 10 fois sup´erieure `a celle des autres sections de
lâ´el´ement.
Fig. 2.6: Mod`ele avec ´el´ements de poutres multiďŹbres : (a) g´eom´etrie, (b) mod`ele
de b´eton, (c) ďŹbres conďŹn´es et non-conďŹn´es.
Aucun des mod`eles dâamortissement global forfaitaire C[1] et C(t)[2] nâest disponi-
ble pour les ´el´ements multiďŹbres de Perform3D, mais une m´ethode pour ajouter de
lâamortissement de type Rayleigh est pr´econis´ee dans le manuel dâutilisation du
logiciel [CSI07]. AďŹn de contrËoler les modes pr´epond´erants, la proc´edure est bas´ee
43. 26 Revue de lâ´etat de lâart
sur lâidentiďŹcation des coeďŹcients de Rayleigh `a partir de deux p´eriodes TA etTB
que le manuel pour utilisateur conseille â aďŹn de contrËoler lâamortissement pour un
intervalle de p´eriode pertinent â de calculer ainsi : TA = 0, 25T1 et TB = 0, 9T1
o`u T1 est la p´eriode fondamentale de la structure ´elastique. En eďŹet, les premiers
modes correspondent aux p´eriodes les plus grandes et â aďŹn de contrËoler lâamor-
tissement dans un intervalle de p´eriodes assez large â il est pr´ef´erable dâidentiďŹer les
coeďŹcients de Rayleigh `a partir dâune p´eriode plus petite que T1. Dans le logiciel
Perform3D, la matrice dâamortissement de Rayleigh est calcul´ee `a partir de la ma-
trice de raideur initiale K0 et ensuite gard´ee constante pendant toute la dur´ee de
lâanalyse. Cette m´ethode peut g´en´erer des forces dâamortissement trop importantes
pour Ëetre r´ealistes dans les ďŹbres de b´eton dont la rigidit´e diminue beaucoup, comme
câest le cas en traction apr`es ďŹssuration. AďŹn dâ´eviter ce probl`eme, une valeur r´eduite
de K0 est calcul´ee dans Perform3D en ne consid´erant que 15% de lâaire du mat´eriau
b´eton dans les sections de lâ´el´ement multiďŹbre. De plus, en raison de la d´egradation
de la raideur, les p´eriodes propres de la structure augmentent et il est donc conseill´e
de calculer les p´eriodes TA et TB en prenant en compte le fait que, pour une ductilit´e
donn´ee Âľ, la p´eriode est susceptible dâËetre multipli´ee par le facteur
â
Âľ au cours de
lâ´evolution de la structure.
Dans cette ´etude pratique, nous d´eďŹnissons deux mod`eles dâamortissement global
forfaitaire de type Rayleigh que nous ´ecrivons C[F 1] et C[F 2]. C[F 1] est d´eďŹni de
sorte que le pourcentage dâamortissement critique soit d´etermin´e `a partir des deux
premi`eres p´eriodes propres T1 = 0, 262 s et T2 = 0, 093 s, sans prendre en compte
le fait que les p´eriodes propres de la structure sont susceptibles dâaugmenter (`a la
mani`ere du mod`ele C[1]). En cons´equence, nous choisissons dâentrer dans le logiciel
les rapports suivants : TB
T1
= 1 et TA
T1
= T2
T1
= 0,093
0,262
= 0, 355. Nous rappelons que le
portique a ´et´e dimensionn´e pour une ductilit´e Âľ = 2, le second mod`ele dâamortisse-
ment global C[F 2] est donc d´eďŹni en entrant dans le logiciel les rapports suivants :
TB
T1
= 0, 9
â
2 = 1, 273 et TA
T1
= 0, 25
â
2 = 0, 354 aďŹn de contrËoler la valeur du
pourcentage dâamortissement critique pour les modes pr´epond´erants et prendre en
compte lâaugmentation des p´eriodes propres au cours de lâanalyse (`a la mani`ere du
mod`ele C(t)[2]).
4.2.3 Mod`ele avec ´el´ements ďŹnis 2D
Vector2 [Won02, Saa07] est un logiciel de calcul par ´el´ements ďŹnis pour lâanalyse
des structures en b´eton arm´e initialement bas´e sur la âModiďŹed Compression Field
Theoryâ. La ďŹgure 2.7 montre le maillage du portique et la loi de comportement
adopt´ee pour le b´eton. Les eďŹets du conďŹnement sur le comportement du b´eton
sont pris en compte par le logiciel en fonction de la quantit´e des aciers [Saa07] ; la
44. Analyse sismique num´erique dâun portique en b´eton arm´e 27
liaison entre lâacier et le b´eton est suppos´ee parfaite. Vector2 permet dâutiliser le
mod`ele dâamortissement global C[1] ; notons quâil est recommand´e dans [Saa07] de
r´eduire lâamortissement global forfaitaire au minimum de sorte que le calcul soit
encore stable.
Fig. 2.7: Mod`ele ´el´ements ďŹnis 2D : (a) g´eom´etrie, (b) mod`ele de b´eton non-conďŹn´e.
4.3 Analyse des r´esultats
Un r´esum´e des r´esultats obtenus lors de lâ´etude exp´erimentale du portique et lors
des analyses num´eriques faites avec les logiciels de calculs Ruaumoko, Perform3D et
Vector2 avec plusieurs mod`eles de structure et dâamortissement global forfaitaire est
donn´e dans la table 2.2. Lâalgorithme dâint´egration temporelle choisi est le sch´ema
implicite de Newmark avec les coeďŹcients β = 0, 25 et Îł = 0, 5, inconditionnellement
stable et conservatif, au moins pour les probl`emes lin´eaires [Ibr09]. Sur un ordinateur
portable ´equip´e dâun processeur Intel Centrino duo/1,83 GHz, avec 4 Go de RAM
et le syst`eme dâexploitation Windows XP, le temps de calcul nâexc`ede pas quelques
minutes pour les analyses faites avec le logiciel Ruaumoko, sont de lâordre de la
dizaine de minutes avec Perform3D et de plusieurs heures avec Vector2. Les analyses
men´ees avec Vector2 ne sont donc pas adapt´ees `a une utilisation industrielle, parce
que beaucoup dâanalyses sont souvent requises pour traiter un probl`eme de g´enie
parasismique. Notre propos est ici dâillustrer les cons´equences que le choix de la
combinaison dâun mod`ele de structure in´elastique et dâun mod`ele dâamortissement
global forfaitaire peut avoir sur la pr´ediction de quantit´es globales et locales.
Calibration du mod`ele num´erique :
Le poids total P des structures mod´elis´ees ainsi que leur p´eriode ´elastique fon-
damentale Tela
sont tout dâabord indiqu´es dans la table 2.2a. Dans les logiciels
45. 28 Revue de lâ´etat de lâart
Tab. 2.2: Analyses de la r´eponse sismique dâun portique en BA en utilisant
diďŹÂ´erents mod`eles non-lin´eaires de structure et diďŹÂ´erents mod`eles dâamortissement
global forfaitaire. a) Param`etres de calibration des mod`eles, b) quantit´es globales,
c) r´epartition de lâ´energie et caract´eristiques dynamiques apr`es s´eisme.
Ruaumoko et Perform3D, lâaugmentation locale de la raideur due `a la ďŹxation des
masses additionnelles sur les poutres du portique est prise en compte par lâajout
de liens rigides entre les ´el´ements sur lesquels reposent ces masses et les ´el´ements
adjacents. Les param`etres des lois de comportement in´elastique des sections sont
d´eďŹnis dans le logiciel Ruaumoko avec un coeďŹcient de r´eduction de lâinertie donn´e
46. Analyse sismique num´erique dâun portique en b´eton arm´e 29
par la r´eglementation pour repr´esenter les eďŹets de la ďŹssuration sous poids pro-
pre et charges de service. AďŹn de calculer la p´eriode propre ´elastique de la struc-
ture mod´elis´ee par Ruaumoko, nous faisons donc une analyse modale avec des lois
hyst´er´etiques d´eďŹnies sans appliquer au pr´ealable de coeďŹcients de r´eduction des
inerties. Dans les logiciels Perform3D et Vector2, lâanalyse modale est faite avant
application du poids propre et aucun facteur de r´eduction dâinertie nâest appliqu´e lors
de lâentr´ee des param`etres du mod`ele : la p´eriode ´elastique des structures mod´elis´ees
avec Perform3D et Vector2 est donc celle calcul´ee lors de lâanalyse modale faite au
d´ebut des calculs.
A posteriori â avec les r´esultats exp´erimentaux en notre possession â les valeurs
obtenues num´eriquement pour Tela
peuvent Ëetre valid´ees de la fa¸con suivante. `A
cause du poids propre, lâendommagement initial â avant s´eisme â de la structure nâest
pas n´egligeable et la p´eriode fondamentale initialement mesur´ee exp´erimentalement
(Tini,exp
F V = 0, 36 s) est plus grande que la p´eriode fondamentale ´elastique. Les pro-
pri´et´es ´elastiques de la maquette ne sont donc pas connues. Nous ´evaluons la p´eriode
fondamentale des mod`eles apr`es application du poids propre et des charges addition-
nelles en excitant faiblement â lâacc´el´eration impos´ee est ´egale `a 0, 01 g de fa¸con que
les m´ecanismes non-lin´eaires ne soient pas activ´es â la structure apr`es que le poids
propre a ´et´e appliqu´e, puis en la laissant revenir au repos en vibrations libres ce qui
permet alors de mesurer Tini
F V (le 1er
mode est pr´epond´erant). Les valeurs obtenues
sont en bon accord avec la mesure exp´erimentale et, si on suppose que lâ´evolution
non-lin´eaire quasi-statique de la structure sous application du poids propre est bien
mod´elis´ee pour les logiciels Perform3D et Vector2, on peut conclure que Tela
= 0, 27 s
est la bonne valeur de la p´eriode fondamentale ´elastique.
Analyse des r´esultats globaux :
Tout dâabord, nous examinons la qualit´e de la pr´ediction du d´eplacement lat´eral
relatif maximum en tËete du portique dmax et de lâeďŹort tranchant maximum `a la
base du portique Vmax â ce dernier est calcul´e en additionnant les eďŹorts tranchants
`a la base de chacun des trois poteaux â indiqu´es dans la table 2.2b. La meilleure
pr´ediction des valeurs maximales est obtenue avec le logiciel Ruaumoko avec 0% et
1,5% dâamortissement critique pour les deux premiers modes. Perform3D et Vector2
surestiment la valeur maximale du cisaillement `a la base. Ces valeurs extrËemes ne
sont pas vraiment repr´esentatives de la pr´ediction g´en´erale de la r´eponse, qui est
mieux caract´eris´ee par le calcul de la root mean square (RMS) de la diďŹÂ´erence
entre les donn´ees exp´erimentales et les r´esultats num´eriques. Notons que la RMS est
calcul´ee avec 1000 points ´equidistants entre 0 et 30 s (dur´ee du s´eisme).
Ensuite, nous comparons la pr´ediction de la quantit´e globale dâ´energie sismique
47. 30 Revue de lâ´etat de lâart
fournie `a la structure (´energie externe W). Au cours de lâessai, W a ´et´e calcul´ee
en multipliant la force et le d´eplacement du v´erin qui contrËole le mouvement de
la table vibrante. Dans les simulations num´eriques, les quantit´es ´energ´etiques in-
diqu´ees dans la table 2.2 sont relatives et d´etermin´ees une fois que la structure est
retourn´ee au repos, apr`es la ďŹn de lâexcitation sismique. Les quantit´es ´energ´etiques
ne sont pas disponibles avec le logiciel Vector2. Pour Ruaumoko, bien que tous les
mod`eles dâamortissement global forfaitaire test´es permettent de simuler avec une
erreur raisonnable les valeurs dmax et Vmax, seul un dâentre eux est capable de repro-
duire la quantit´e totale dâ´energie `a dissiper mesur´ee exp´erimentalement â produit
de la force et du d´eplacement dans le v´erin de la table vibrante â le mod`ele C[1]
3,3%. Les mod`eles de structure Perform3D 1 avec une tr`es petite quantit´e dâamor-
tissement global forfaitaire et les deux mod`eles Perform3D 2 dissipent globalement
la bonne quantit´e dâ´energie.
Si on se concentre sur les trois quantit´es globales dmax, Vmax et W (en excluant
Vector2 de la discussion parce que W nâest pas disponible), seuls deux mod´elisations
m`enent `a des r´esultats acceptables : Ruaumoko C[1] 3,3% et Perform3D 1 C[F 1]
0,1%. Ils reposent cependant sur des hypoth`eses fondamentalement diďŹÂ´erentes. Les
rotules plastiques dans les mod`eles Ruaumoko suivent une loi moment-courbure
pr´e´etablie dans laquelle sont concentr´es tous les m´ecanismes dissipatifs susceptible
de se produire dans lâ´el´ement de structure. Les mod`eles de structure d´evelopp´es
avec Perform3D sont construits avec des ´el´ements ďŹbres et la dissipation dâ´energie
ne provient donc que des lois constitutives non-lin´eaires d´eďŹnies pour les mat´eriaux
aux points dâint´egration num´erique dans chacune des ďŹbres ; les sources de dissi-
pation dâ´energie tels le glissement entre lâacier et le b´eton, les eďŹets goujon, ainsi
que dâautres ph´enom`enes dissipatifs qui ne peuvent pas Ëetre repr´esent´es `a lâ´echelle
du mat´eriau ne sont donc pas prises en compte dans les mod´elisations faites avec
Perform3D mais sont implicitement pr´esentes dans les mod`eles d´evelopp´es avec Ru-
aumoko. De ce fait, mËeme si ces deux simulations peuvent pr´edire de fa¸con satis-
faisante des quantit´es globales et dissiper la quantit´e dâ´energie globale appropri´ee,
il est tr`es probable que cela ne provienne pas de la description des bons m´ecanismes
dissipatifs. Ceci pourrait expliquer pourquoi, par exemple, le mod`ele Perform3D 1
C[F 1] 0,1% ne reproduit pas de fa¸con tout `a fait convenable lâ´evolution temporelle
du d´eplacement lat´eral relatif en tËete et du cisaillement `a la base pendant toute la
dur´ee du chargement sismique (ďŹgure 2.8).
48. Analyse sismique num´erique dâun portique en b´eton arm´e 31
Fig. 2.8: ´Evolutions temporelles exp´erimentales et num´eriques du (a) d´eplacement
lat´eral relatif en tËete du portique et (b) du cisaillement `a la base.
R´epartition de lâ´energie dissip´ee et ´evolution des propri´et´es dynamiques :
Dans la table 2.2c, la quantit´e totale dâ´energie dissip´ee ET dans la mod´elisation
num´erique est tout dâabord indiqu´ee. En th´eorie, ET devrait Ëetre ´egal `a W, mais ce
nâest pas tout `a fait exact en pratique en raison de lâerreur dans la relation dâ´equilibre
´energ´etique introduite par lâalgorithme â discret â dâint´egration temporelle [Fil94].
Ensuite, les rapports entre ED et EH â les quantit´es relatives dâ´energie dissip´ees
par lâamortissement global forfaitaire et par la r´eponse in´elastique de la structure
â sont calcul´es. Ces rapports donnent des indications sur les modiďŹcations internes
subies par la structure. La ďŹgure 2.9 illustre que la r´epartition des sources de dis-
sipation dâ´energie peut Ëetre diďŹÂ´erente dâune analyse `a une autre et donc que les
m´ecanismes dissipatifs impliqu´es dans lâ´evolution temporelle de la structure peu-
vent Ëetre diďŹÂ´erents.
49. 32 Revue de lâ´etat de lâart
Quelques indications sur les modiďŹcations internes de la structure sont donn´ees
en ´evaluant la p´eriode fondamentale Tfin
F V apr`es le passage du s´eisme quand la struc-
ture retourne `a un ´etat de repos en vibrations libres (ďŹgures 2.10). La valeur de
Tfin
F V d´epend directement de lâendommagement (perte de raideur) de la structure
qui se produit au cours de la phase II de lâexcitation sismique, quant la quantit´e
dâ´energie qui doit Ëetre dissip´ee augmente beaucoup (ďŹgure 2.9 peu apr`es 10 s). Si
nous comparons lâ´evolution de la p´eriode fondamentale pour les trois mod`eles Per-
form3D qui dissipent `a peu pr`es la mËeme quantit´e dâ´energie (2700 N.m), il est clair
que plus la part dâ´energie dissip´ee par le comportement in´elastique de la structure
est grande, plus lâaugmentation de la p´eriode fondamentale est importante. Pour
le mod`ele Perform3D 1 C[F 1] 0,1%, presque toute la quantit´e dâ´energie est dissip´ee
par la r´eponse in´elastique de la structure et la p´eriode ďŹnale Tfin
F V = 0, 51 s, atteint
presque la valeur mesur´ee exp´erimentalement Tfin
F V = 0, 55 s.
Fig. 2.9: Sources de dissipation dâ´energie : (a) Ruaumoko C[1] 3,3%, (b) Per-
form3D 2 C[F 2] 1,5%.
Fig. 2.10: Phase de vibrations libres (Vector2) : (a) avec amortissement global, (b)
sans amortissement global.
50. Analyse sismique num´erique dâun portique en b´eton arm´e 33
Le dernier param`etre calcul´e dans la table 2.2c est le pourcentage dâamortisse-
ment critique ďŹnal Ξfin
F V mesur´e pendant la phase dâoscillations libres `a la ďŹn de
lâexcitation sismique. Deux points remarquables m´eritent dâËetre comment´es `a ce
sujet :
1. Sa valeur d´epend de lâamplitude des oscillations comme illustr´e par la ďŹgure
2.10. Il y a en fait deux phases dans les oscillations libres post-sismiques :
(i) une phase dâamortissement due `a la r´eponse non-lin´eaire de la structure
domine tout dâabord la r´eponse, (ii) lâamortissement visqueux provenant du
mod`ele dâamortissement global forfaitaire devient ensuite pr´epond´erant (ďŹgure
2.10a) ;
2. Pour chacun des logiciels de calcul, la structure ne retourne pas `a un ´etat
de repos en lâabsence dâamortissement global forfaitaire (ďŹgure 2.10b) parce
que les mod`eles de structure utilis´es ne peuvent que dissiper de lâ´energie au-
dessus dâun seuil dâexcitation minimum donn´e. Il leur manque donc la capacit´e
`a repr´esenter physiquement certains m´ecanismes dissipatifs pour quâil puisse
dissiper toute lâ´energie sismique re¸cue.
4.4 Cons´equence locale du choix dâun mod`ele global dâamor-
tissement forfaitaire
Toutes les analyses non-lin´eaires ont ´et´e faites de fa¸con aveugle : les mod´elisations
nâont pas fait lâobjet de modiďŹcations visant `a am´eliorer la correspondance entre
r´esultats num´eriques et exp´erimentaux, une fois la p´eriode propre fondamentale
bien calibr´ee (le premier mode excitant 91% de la masse modale, nous n´egligeons
les autres modes). La variabilit´e des r´esultats, que ce soit pour la r´eponse globale,
la r´epartition de la dissipation dâ´energie ou lâ´evolution de la p´eriode propre, obtenus
par les diďŹÂ´erents mod`eles soul`eve la question de la capacit´e pr´edictive des analy-
ses non-lin´eaires. Le choix dâun mod`ele dâamortissement global forfaitaire est dâune
grande importance dans les analyses sismiques puisquâil a une inďŹuence signiďŹca-
tive sur les quantit´es dâ´energie dissip´ees par la r´eponse in´elastique de la structure,
due `a des modiďŹcations internes `a la structure. AďŹn dâillustrer ce propos, regardons
de plus pr`es les analyses Perform3D 1 C[F 1] 0,1% et Perform3D 1 C[F 2] 1,5%. La
seule diďŹÂ´erence entre ces deux analyses est le mod`ele dâamortissement global for-
faitaire utilis´e. Les r´esultats obtenus pour le d´eplacement relatif en tËete du portique
et pour le cisaillement `a la base sont proches (Table 2.2b), cependant les quan-
tit´es ´energ´etiques sont tr`es diďŹÂ´erentes : lâ´energie sismique nâest pas dissip´ee par les
mËemes m´ecanismes physiques au cours de ces deux simulations et cela aboutit `a la
pr´ediction de diďŹÂ´erentes r´eponses in´elastiques des sections. La ďŹgure 2.11 montre que
la d´egradation de raideur et la demande en d´eformation â un concept tr`es impor-