#ASSIETTE #GASTRONOMIE #CONDIMENTS
✅ Chers membres, voici quelques astuces livrées par sept personnalités de la gastronomie "pour vaincre la lassitude culinaire" grâce à quelques condiments.
綾 Des zestes de citron combinés avec des anchois et des raisins secs, des mélange de graines, de noix et d’épices, du miso blond et du nuoc-mâm, des petits oignons pickles, de la poudre d’écorces de mandarine, du pimenton de la Vera ou du yuzukosho...
❤️ Des épices au service de la santé, pleines de molécules bioactives qui réduisent le développement de l’obésité, des maladies cardiovasculaires et de plusieurs types de cancers.
"Le bonheur est dans l’assiette", comme le souligne Simon Chabot dans La Presse (cf. commentaires), car "l’ingrédient magique du réconfort n’a aucune valeur nutritive. Il se cache plutôt quelque part dans votre mémoire…"
1. 46 u Libération Samedi 14 et Dimanche 15 Novembre 2020
Pour vaincre la lassitude culinaire du (deuxième)
confinement quand on a déjà épuisé, à raison
de deux repas par jour pour cause de télétravail,
tous nos livres de recettes, «Libération»
a demandé à sept personnalités de la gastronomie
de dévoiler leurs condiments préférés.
L’
expérience du prin-
temps dernier nous
l’avaitmontré:passer
plus de temps chez
soi, à se nourrir midi et soir, c’est
piétiner davantage le sol de la
cuisine.Audeuxièmeconfinement,
la lassitude a pointé le bout de son
nez,lespagesdenoslivresderecet-
tespréféréssontcornéesetlesplats
réconfortantsontdéjàétédégainés
plusieurs fois –bref, l’inspiration
semble s’être affaissée comme un
chou praliné réchauffé au micro-
ondes. Alors comment donner un
coup de fouet aux repas de tous les
jourssansavoiràchamboulertoute
salistedecourse?Pourromprel’en-
nuietétonnervospalais,Libération
a demandé à sept personnalités de
la gastronomie de révéler leur
condiment préféré pour assaison-
ner,relever,donnerdureliefauplus
simpledesfrichtis.Dequoidonner
envie de faire un peu de place sur
lesétagèrespouraccueillircesnou-
veaux alliés.
Lili Gadola
cheffe du Limmat
(Marseille)
PourLiliGadolaquitientlerestau-
rantLimmat,àMarseille,latonalité
qu’on ne convoque pas assez en
cuisine, c’est l’acidité. «Venant de
Zurichoùlacuisineestplutôtronde
car pleine de crème et de beurre, je
suis devenue sensible aux zestes de
citronetauvinaigre»,racontecelle
quiconseilleaussid’avoirtoujours
chezsoidesanchoismarinés,enbo-
calouenconserve.«Onpeutprépa-
reruneespècedebagnacauda,c’est
très simple à faire et ultra-savou-
reux»,expliquelacheffesuisse.Pour
obtenircettecrèmequivatrèsbien
aveclespâtesetnappeaveccharme
tous les légumes –en particulier la
saladedefenouilsémincésàlaman-
doline, «il faut mixer des anchois
avec du pain de mie imbibé de lait,
de l’ail, des herbes et du poivre». La
cousine de cette sauce typique des
tablespiémontaisesn’estautreque
l’anchoïade provençale. «J’ai une
grandeaffectionpourcetteprépara-
tion parce qu’elle a accompagné un
platàlacartelepremierjourdel’ou-
verturedurestaurant,avecdesrai-
sinssecspourjouersurlecôtésucré-
salé», se souvient Lili Gadola.
Harry Lester
chef du Saint Eutrope
(Clermont-Ferrand)
DanslacuisineduSaintEutrope,à
Clermont-Ferrand, l’ingrédient
bonheur prend la forme d’un mé-
lange granuleux. «Quand un plat
manque d’un petit quelque chose…
cheznous,c’estsouventledukkah!»
lance joyeusement Harry Lester,
chef autodidacte qui a quitté Lon-
drespourl’Auvergne,ilyaquelques
années. Le mélange de graines, de
noix et d’épices est typique du
Moyen-Orient où on le consomme
avecdupaintrempédansdel’huile
d’olive. Dans sa cuisine, on en sau-
poudre un peu partout. «D’abord,
vous toastez au four des amandes,
desnoisettes,despistaches.Puisvous
ajoutezdesgrainesdecoriandre,du
cumin,desgrainesdefenouil,etvous
réduisez l’ensemble en morceaux,
avecunmortierouaublender.Aser-
virmélangéàdelafleurdesel»,dé-
taille-t-il. Avant de s’empresser de
préciser:«Sanspourautantenfaire
une poudre! Conservez des mor-
ceaux de 3 mm pour que ça reste
croquant.»Surdescarottespoêlées
comme une tarte au chocolat, «le
dukkahvaavectout»,prometHarry
Lester. Il raconte sa rencontre avec
ce mélange:«J’ai découvert le duk-
kah dans les recettes d’Ottolenghi
[chef et auteur anglo-israélien] et,
depuis, ce mélange très versatile et
efficacefaitpartiedenotrevocabu-
laire culinaire au Saint Eutrope.»
Céline Pham
cheffe indépendante
(Paris)
A Paris, dans la cuisine de Céline
Pham, on trouve deux piliers qui
remplissent le même rôle fonda-
Par
Émilie Laystary
Photo
Véronique PECHEUX
L’appétit
vienten
assaisonnant
2. Libération Samedi 14 et Dimanche 15 Novembre 2020 www.liberation.fr f facebook.com/liberation t @libe u 47
Vu dans la newsletter
«Tu mitonnes»
les péchés mignons de…
Agnès Jaoui, actrice, scénariste,
chanteuse et réalisatrice
–Couscous à l’agneau
–Ceviche de poisson à la tahitienne
–Tchoutchouka
–Salade d’oranges à la cannelle
–Pommes
–Fromages, notamment comté
–Vin rouge: côtes-du-rhône, faugères, corbières
Sources: Elle à table, le Figaro
A retrouver également dans la newsletter
«Tu mitonnes», envoyée chaque vendredi
aux abonnés de Libération:
le menu VIP, la quille de la semaine,
le tour de main, des adresses, la recette du week-end…
mental:celuidesalerunplattouten
apportantuneprofondeurumami,
en japonais, l’une des cinq saveurs
de base. «J’adore le miso blond et le
nuoc-mâm–lasaucedepoisson,ra-
conte la cheffe indépendante aux
origines vietnamiennes. Quand
j’étais à Ferrandi, il y avait ce prof
quimefaisaitremarquerquej’avais
la main trop légère sur le sel, par
exemple dans la blanquette de
veau…Enfait,c’estparcequej’avais
cette habitude familiale de saler en
ayant plus recours à des sauces fer-
mentées qu’à du sel fin!» Pour don-
nerdureliefàuneviande,unpois-
son, une soupe ou encore une
poêlée de légumes, elle recom-
mande quelques gouttes de nuoc-
mâm ou un peu de miso dilué. Et
nouslivresarecettepourunesauce
minute: «Il faut partir d’un beurre
noisetteauquelonajouteunecuillère
à café de miso. Ensuite, on mouille
avecunfumédepoisson,unbouillon
de légumes, de volaille, ou juste un
peu d’eau… Et on bat l’ensemble
pourl’épaissir.Çadonneunjusassez
simple, qu’on finit par relever avec
unepointed’acidité,decitronoude
vinaigre.»Lorsdupremierconfine-
ment,CélinePhamaréaliséunmiso
de haricots rouges: «Il va me servir
pourcedeuxièmeconfinement,que
j’essaye de faire végétarien.»
Alexandre Gauthier
chef de la Grenouillère
(La Madelaine-sous-Mon-
treuil, Pas-de-Calais)
Chez le double étoilé Alexandre
Gauthier et son restaurant la
Grenouillère, l’astuce passe par les
petits oignons pickles qu’on peut
même acheter tout faits. «On les
coupe en deux puis, dans une poêle
avec une pointe d’huile d’olive, on
marquelafaceplatejusqu’àcequece
soittrèsdoré.Onmetdecôté,puison
hache en petits morceaux. Dans la
même poêle, on ajoute une noix de
beurreetoncuitdublancd’œuf(seu-
lementleblanc)commeoncuiraitun
œuf au plat, puis on le hache égale-
ment.Onmélangelesdeuxprépara-
tions,avecunpeudecibouletteoudu
persil»,détaillelechef.«C’estuneex-
cellentebasequidonnedureliefàun
plat sans écraser ses goûts. Et puis,
çaapporteunpeud’aciditénaturelle
–une saveur qui nous manque en
cette période de l’année où on n’en
trouve plus que dans les agrumes»,
faitremarquerAlexandreGauthier.
Camille Fourmont
de la Buvette (Paris)
Camille Fourmont, qui tient le bar
à vin la Buvette (75011), prépare
chaque hiver un condiment qui lui
sert toute l’année: «Je fais de la
poudred’écorcesdemandarine.J’en
saupoudre ensuite sur la burrata,
c’est devenu la touche officielle de
cette assiette à partager.»L’histoire
a commencé par une obsession:
«Unjour,j’aiachetédesmandarines
de Sicile à Cédric Casanova, qui
tient l’épicerie fine italienne la Tête
dans les olives. J’ai tellement aimé
leuressencesuperconcentréequej’ai
eu ce réflexe d’enfant d’en mettre à
séchersurleradiateur,pourpouvoir
préserver l’arôme de leurs écorces.»
Ces écorces séchées peuvent en-
suite être réhydratées dans un
bouillon pour le poisson ou dans
une crème pour de la panna cotta.
Mais inspirée par le chef Iñaki Aiz-
pitarte –chez qui elle a travaillé–
quisert,auDauphin(Paris),unefri-
turedecrevettesgrisessaupoudrée
de poudre de tamarin, Camille
Fourmontdécidedebroyerlesécor-
ces:«Çadonneunepoudrequis’ac-
commodebienavecuncorpsgraset
laiteuxcommelaburrata.Unepin-
cée de sel de Maldon en plus, et le
tourestjoué.»Elleraconte,enriant,
nepluspouvoirs’enpasser:«J’aiété
invitéeàparticiperàunévénement
culinaireauxEtats-Unis.J’avaistel-
lement peur de ne pas pouvoir pas-
ser à la douane avec ma poudre
d’écorcesdemandarinequej’aisuivi
leconseild’Iñaki:jel’airangéedans
ma trousse de toilette, comme si
c’était un blush!»
Catherine Breton
vigneronne
(Chinon, Indre-et-Loire)
Pour la vigneronne Catherine Bre-
ton qui produit en famille, depuis
lesbordsdelaLoire,desvinsnatu-
rels, et qu’on appelle un matin de
bonne heure, le condiment idéal,
c’estlepimentondelaVeraqueson
gendre lui a fait découvrir. «Il
apporteunedoucechaleurauxplats
et j’aime son côté fumé, qui me fait
penser au whisky», se réjouit celle
qui préconise une toute petite
pincée à chaque fois –«c’est large-
ment suffisant, un pot peut durer
deuxans!»«Jefaisàmangertousles
jours avant 9 heures, pour que tout
lemondepuissepasseràtabledere-
tourdesvignes.Là,jeviensdeprépa-
rer un plat de pâtes avec une sauce
tomatefaiteàpartird’oignonsdorés
etdepimentondelaVera.C’estinra-
table.»
Mory Sacko
chef de Mosuke
(Paris)
Mory Sacko, jeune chef qui vient
d’ouvrir Mosuke, une table aux in-
fluences africaine, japonaise et
française (lire son carnet de bord
dans Libération le 5 août), con-
seille, lui, de tester le yuzukoshō,
une pâte fermentée avec du yuzu,
du sel et des piments. «C’est assez
relevé tout en étant très subtil. Ça a
un goût unique qui marche avec
tout:vianderougeoublanche,pois-
sonsoucrustacés,légumes…» décrit
celui qui a découvert ces saveurs
dans un bouillon de ramen, il y a
quelquesannées.«Onpeutenache-
ter dans des épiceries japonaises,
par exemple dans le quartier de la
rue Sainte-Anne, à Paris. J’aime
bien en mélanger un peu avec de la
mayonnaise, ça accompagne très
bien les bulots !» suggère Mory
Sacko, qui fait remarquer que le
yuzukoshō permet d’apporter à la
foislesalé,l’acideetlepiquant.«On
peut aussi s’amuser à en faire soi-
même. Et laisser fermenter ça quel-
ques semaines, note-t-il, un sourire
dans la voix. Soit au moins le temps
du confinement.»•
Food/