2. BIOGRAPHIE
Édouard Louis, né Eddy Bellegueule
en19924, grandit à Hallencourt (Somme). Il
est scolarisé au collège des Cygnes à
Longpré-les-Corps-Saints, puis entre en
internat en classe de seconde au lycée
Madeleine-Michelis d'Amiens, où il fait partie
de la section théâtre. De 2008 à 2010, il est
délégué de l'académie d'Amiens au Conseil
national de la vie lycéenne, puis il étudie
l'histoire à l'université de Picardie, où il est
remarqué par Didier Eribon.
En 2011, il est admis à préparer le diplôme
de l'École normale supérieure de la rue
d'Ulm et devient étudiant Il y effectue une
troisième année de licence, puis un master.
Il en sort diplômé en 2014.
En 2013, il dirige l’ouvrage collectif Pierre
Bourdieu. L'Insoumission en héritage aux
PUF, ouvrage dans lequel l'influence de
Bourdieu sur la pensée critique et sur les
politiques de l'émancipation est analysée.
3. Ill annonce en mars 2014 qu'il
dirigera une collection, « Des
mots », consacrée à des
retranscriptions de conférences,
des entretiens et des courts
textes, pour cet éditeur, dont le
premier volume sur Michel
Foucault paraît au mois de juin
de la même année, Foucault
contre lui-même sous la
direction de François Caillat,
avec notamment des
contributions de Georges Didi-
Huberman, Leo Bersani, et
Arlette Farge.
En septembre 2014, il obtient
une bourse et s'inscrit pour une
thèse de doctorat portant sur «
les trajectoires des transfuges
de classe » à l'université de
Picardie sous la direction de
Didier Eribon. Il abandonne ce
projet de recherche en 2019.
4. EN FINIR AVEC EDDY BELLEGUEULE ET
PREMIERS ENGAGEMENTS
5. C’est au lycée que ses camarades
commencent à l’appeler Édouard, « Eddy »
ne pouvant être pour eux qu’un diminutif. En
2013, il obtient de changer de nom et
devient Édouard Louis, en prenant comme
prénom le surnom qu’on lui donne depuis le
lycée, et comme nom le prénom du héros de
la pièce de théâtre Juste la fin du monde,
également second prénom d’un ami.
En janvier 2014, il publie En finir avec Eddy
Bellegueule, un roman à forte dimension
autobiographique. Très commenté dans les
médias, traduit dans une vingtaine de
langues et largement salué pour ses
qualités, le livre donne lieu aussi à plusieurs
polémiques, notamment sur la manière dont
il dépeint sa famille et son milieu social
d'origine.
En juillet 2014, Édouard Louis signe avec
Geoffroy de Lagasnerie dans le quotidien
Libération un appel contre la participation de
Marcel Gauchet invité à faire la conférence
inaugurale des Rendez-vous de l'Histoire de
Blois. L'appel suscite de vives critiques et
commentaires ironiques
7. Dans Histoire de la violence (2016), Édouard Louis invoque
une agression sexuelle dont il aurait été victime un soir de Noël
pour analyser les origines et les causes de la violence. En
revenant sur le passé de son agresseur, nommé Reda dans le
roman, son enfance, la pauvreté dans laquelle il a vécu, mais
aussi sur le passé colonial de la France, Édouard Louis cherche
à comprendre, et même à excuser la violence à l'œuvre dans
son livre. Il déclare : « si excuser veut dire mettre les gens hors
de cause, montrer que les causes sont ailleurs que dans les
individus, […] dans des forces historiques plus grandes qu’eux,
alors je n’ai pas de problème avec ça oui, et j’excuse »
Qualifié de « maîtrisé et bouleversant » par Le Monde, « encore
plus fort » que son premier roman selon Les Inrocks, le livre est
aussi sévèrement attaqué, notamment par Marianne qui note la
complaisance de l'auteur à l'égard de la violence. Dans
Libération, Philippe Lançon critique une « lourdeur du style » («
kitsch naturaliste, tournant au procédé »). Jérémy Collado,
journaliste à Slate.fr, voit pour sa part dans le roman un
chantage à la sociologie et « une autofiction qui sent bon la
prolophobie », marquée par un « déterminisme extrême » et un
« charabia intellectuel ».
Dans le cadre de l'instruction de la plainte pour viol déposée par
Édouard Louis en décembre 2012, le parquet demande la
requalification des faits en agression sexuelle « en opportunité
et pour une bonne administration de la justice », c'est-à-dire à
seule fin d'accélérer la procédure, ce qui est habituel dans les
affaires de viol. En décembre 2020, l'agresseur présumé, qui
contestait les faits, est relaxé en première instance du chef d'«
agression sexuelle », mais pas de celui de « vol aggravé », et
cela malgré le réquisitoire à charge de la procureure de la
République. Le parquet de Paris a fait appel de cette relaxe. En
février 2022, Riadh B. est de nouveau relaxé en appel, la cour
confirmant le jugement prononcé en première instance. Le
parquet général avait requis une peine de quatre ans
d’emprisonnement, dont deux ans ferme. Il n'est finalement
condamné qu'à trois mois de prison avec sursis pour « vol
simple » d'une tablette et d'un smartphone
9. En mai 2018, Édouard Louis sort son troisième
ouvrage, Qui a tué mon père. Il revient dans ce
récit sur la relation avec son père, dont on
apprend qu'il a quitté la Picardie, qu'il souffre
terriblement des séquelles d'un accident de
travail, et qu'il a cessé de voter pour le Front
national.
Cet ouvrage comme les précédents aborde
différentes formes de violence : la violence de la
domination politique des élites sur les classes
sociales, présentées comme les plus fragilisées,
la violence de la domination masculine envers
ceux qui la subissent, mais aussi ceux qui la
font subir, la violence du silence entre un père et
son fils, la violence homophobe.
Le livre s'achève en réquisitoire contre la
violence physique des politiques qui touchent,
selon l'auteur, les plus vulnérables. La
démarche qu'il entreprend en écrivant les noms
des personnes qu'il considère responsables
d'une histoire politique ayant brisé le corps de
son père, bien qu'elle n'occupe qu'une partie
réduite de l'ensemble du texte, est celle qui
concentre le plus les critiques.
Martin Hirsch, mis en cause pour avoir été le
créateur du RSA, lui répond quelques mois plus
tard sous forme romancée avec la publication
de Comment j'ai tué son père (Stock)
11. À partir de la publication de Qui a tué mon père,
Édouard Louis collabore de plus en plus
régulièrement avec le théâtre. Le livre est adapté
pour la scène par Stanislas Nordey en France,
Ivo van Hove aux Pays-Bas, Daria Deflorian en
Italie, ou encore Thomas Ostermeier en France,
en Allemagne et aux États-Unis.
À l'occasion de sa collaboration avec Thomas
Ostermeier, Édouard Louis se produit comme
acteur, pour la première fois, dans son propre
rôle. Combats et métamorphoses d'une femme,
publié trois ans plus tard, est lui aussi transposé
vers la scène, par Falk Richter en Allemagne ou
une fois encore par Ivo van Hove à Amsterdam.
Au même moment, Édouard Louis traduit deux
pièces de théâtre d'Anne Carson, de l'anglais
vers le français et co-écrit une pièce avec le
metteur en scène Milo Rau, qui sera présentée
au théâtre national de la Colline en 2022, sous le
titre The Interrogation.
Le style d'écriture de l'auteur se transforme de
par ce rapprochement avec le monde du théâtre :
aussi bien Qui a tué mon père que Combats et
métamorphoses d'une femme sont écrits sous la
forme de longs monologues adressés
respectivement au père et à la mère d'Édouard
Louis. En 2022 est organisé au théâtre
international d'Amsterdam un festival consacré au
travail de l'écrivain français. Plusieurs mises en
scène de ses livres, venues de différents pays, y
sont présentées
13. CHANGER:MÉTHODE
Changer : méthode est une sorte de
"manuel" dans lequel Édouard Louis se
livre de façon très personnelle et raconte
son odyssée sans complaisance. Il est
prenant, bien écrit, utilisant toujours les
mots justes. C'est un ouvrage intimiste bien
sûr mais aussi puissant et politique.
14. CRITIQUES
« Changer : méthode, le nouveau livre d’Édouard Louis et son cinquième récit autobiographique,
permet de mesurer l’étendue du chemin parcouru. De la Picardie en passant par les beaux quartiers
de Paris et jusqu’au bout du monde. Tout ce qu’il a construit et gagné, tout ce qu’il a laissé derrière
lui : une ville et un nom, des amitiés fortes, sa naïveté de Rastignac assoiffé de revanche sociale et
l’« impression d’avoir trop vécu ».
Comme son titre l’indique, Changer : méthode est un récit d’apprentissage, de métamorphose, et
parfois même de ventriloquie. Édouard Louis y remonte minutieusement le temps, depuis ses années
de collège jusqu’à la publication de son premier livre. »
Le devoir
15. « Je commence par faire un
compliment à Édouard Louis. J'ai
découvert dernièrement Breece D'J
Pancake (1952-1979) et ils ont pour
point commun d'y décrire la
pauvreté financière et intellectuelle,
ce besoin de s'échapper vers
l'ailleurs, jeunes auteurs, sensibilité,
intelligence et bonne analyse de ce
qui les entoure. Je suis épaté par
cet homme âgé de 29 ans
aujourd'hui qui a déjà vécu tant de
vies, d'avoir déjà connu l'extrême
au point de vue social, d'avoir une
telle combativité. Il nous parle de
son enfance défavorisée, de sa
souffrance, des insultes des autres
enfants sur son homosexualité, de
sa volonté de changer avec ce titre
si bien choisi. Un parcours
incroyable. Nous avons là un grand
auteur français »
Babelio.Blandine 5674.
16. "CHANGER : MÉTHODE" - EDOUARD LOUIS "PLUS
LITTÉRAIRE QUE JAMAIS" D'APRÈS
LE "MASQUE & LA PLUME"
17. LE LIVRE PRÉSENTÉ PAR JÉRÔME GARCIN
« À partir de cette question, "Comment est-ce que
je pouvais prendre ma revanche sur mon passé et
par quels moyens ?", Edouard Louis raconte ses
métamorphoses successives de transfuge de
classe, le garçon défavorisé d'un village picard, le
lycéen d'Amiens, ses débuts balzaciens à Paris
jusqu'à l'écrivain à succès d'aujourd'hui.
Un livre qui est augmenté de petites photos en noir
et blanc, des photos personnelles, dans lequel il
paie sa dette à celles et ceux qui l'ont aidé, de son
amie d'autrefois, Héléna, qui l'a initié à tout, à la
musique, à la littérature et qui occupe une grande
part du livre jusqu'au philosophe Didier Eribon,
l'auteur du "Retour à Reims", sur lequel il écrit
vraiment comme s'il parlait d'un maître :
"J'absorbais la plus anecdotique de ses phrases, le
moindre de ses mouvements".
Dans l'épilogue, où il dit avoir parcouru la planète
avec ses livres, gagné beaucoup d'argent, acheté
un appartement à Paris, il a soudain ce mot
absolument surprenant : "J'écris parce que je crois
que je voudrais retourner en arrière. Je ne suis pas
nostalgique de la pauvreté, mais des odeurs et des
images".
18. Olivia de Lamberterie applaudit "un livre bouleversant et renversant"
"Ces pages sont absolument sublimes,
presque "modianesques", d'où la volonté de
retourner en arrière pour vivre de manière
vivable ce qui ne l'était pas hier.
L'ironie du titre est trompeuse, comme s'il
se moquait des manuels de développement
personnel, parce que c'est un livre qui, s'il
est habité par la violence de ce qu'il a vécu,
est très tendre, très triste et très
mélancolique.
Il ne se contente pas de raconter sa
transformation. Il raconte comment les
autres l'ont vécue et, pour la première fois, il
se met à la place des autres, notamment de
ses parents, en se demandant ce qu'eux ont
pensé et comment ils ont vécu cette
transformation. Pour cela, il fait surgir des
images qu'il avait enfouies car tout occupé à
la volonté de faire rendre gorge et de se
construire contre.
Puis, tout d'un coup, il raconte comment sa
mère lui demandait des photocopies de ses
bulletins scolaires et allait les montrer dans
le village aux femmes qui l'avaient humiliée,
là, je n'ai plus de mots tellement je trouve
que c'est bouleversant. La manière dont il
raconte aussi à sa mère qu'il a changé de
nom, qu'elle se moque de lui, et lui se dit
que peut-être elle était affreusement
blessée parce que ce nom qu'elle avait
choisi, il l'avait changé. »
19. ARNAUD VIVIANT SALUE SA MANIÈRE DE "RACONTER LA MÊME
CHOSE EN CHANGEANT SYSTÉMATIQUEMENT DE VERSION"
"De toute évidence, il y a un côté Picard chez
Edouard Louis, mais au sens surgelé du terme.
Une nouvelle fois, il nous raconte son enfance,
mais la manière dont il le fait est intéressante. À un
moment, il y a une note en bas de page pour
expliquer que "c'est une autre facette de la vérité".
Je pense que, s'il continue, sa vérité aura au moins
six faces et ça fera un cube. Surtout, les choses
arrivent toujours presque par hasard. Il prône
souvent la coïncidence.
À chaque fois, il y a quelque chose d'un peu filou,
qui consiste à raconter sans cesse la même chose
en changeant de version. C'est ce qui finit par me
plaire
Ce qui m'a le plus intéressé, c'est la manière dont il
parle de l'homosexualité. À un moment, il dit qu'en
faisant l'amour avec un homme, il a rejeté toutes les
valeurs de son milieu, et est devenu un bourgeois.
Il livre une vision tout à fait étonnante de
l'homosexualité qui devient, sous sa plume, une
valeur bourgeoise. C'est une vision de
l'homosexualité presque neuve. Personne n'avait
osé parler de l'homosexualité comme d'une valeur
bourgeoise".
20. POUR ELISABETH PHILIPPE "C'EST UN LIVRE ABSOLUMENT
PASSIONNANT OÙ L'AUTEUR SE CONFIE ET SE FAIT PLUS ÉCRIVAIN QUE
JAMAIS !"
"Je l'ai lu comme ces peintres qui
reviennent sur une partie du tableau pour
le modifier ou cacher quelque chose qui ne
leur plaît pas. Certes, il y a des
redondances avec ce qu'on a déjà lu de
lui, notamment avec "Eddy Bellegueule".
C'est comme s'il avait d'abord dû régler
ses comptes avec son milieu pour
s'assumer. Il avoue ses fautes, ses
trahisons. Il fait son "odyssée de
transfuge", qui passe par la transformation
du corps pour intégrer un nouveau corps
social.
C'est absolument passionnant. Il se livre
comme il ne s'est jamais livré !
Il explique comment il a dû trahir sa famille
; comment il s'est prostitué. Quand il
explique qu'il n'a jamais rêvé devenir
réellement écrivain, mais devenir célèbre,
c'est pour un écrivain, je pense, un des
aveux les plus durs à faire.
Paradoxalement, c'est peut-être avec ce
livre qu'il est le plus écrivain. Il y a ce
passage où il raconte un peu son
dédoublement, où il écrit à la troisième
personne et c'est presque "durassien".
21. PATRICIA MARTIN TOUCHÉE PAR "UN EDOUARD LOUIS ÉDIFIANT ET
BEAUCOUP PLUS MATURE QU'AUPARAVANT"
"Ce qui est très fort chez lui, et qui
m'a souvent un peu énervée dans
ses livres, c'est qu'il reprend mais
ne répète jamais, c'est formidable…
Il a pris du recul, de la hauteur. Il a
probablement mûri. Ce qu'il raconte
est implacable sur le plan social.
On sent le disciple de Pierre
Bourdieu, mais le mépris de classe
est partout et en même temps
implicite. Les photos sont tout à fait
édifiantes.
Cette double nature entre le pauvre
et le bourgeois est presque
impossible à tenir. Il y a vraiment
des stigmates de la pauvreté qu'il
met en lumière d'une manière
incroyable. On voit bien que c'est
difficile pour lui de ne pas se trahir
tout en étant un autre. Il n'élude
rien, ni ses faiblesses, ni ses
errances".