7. Chant de pierres
l’arbre
avait tant de choses
tant de choses à dire
il a vu tant de roses
tant de roses sourire
une couronne
pour trois personnes
et tout le bonheur
au coeur de la fleur
l’arbre
avait tant de choses
tant de choses à dire
il a vu toutes les roses
toutes les roses mourir
7
8. Livre 18
La blessure
je vais tous effacer
mes je t’aime écrits partout
sur les murs de la ville
ton nom
une larme
ta voix
une douleur
mon cœur
la béante blessure
sculpture de marbre rose
souris, souris, souris sans fin
ils pleurent mes derniers mots
8
9. LES CAHIERS DE POESIE
Réincarnation
titanic
se noient
les sabots
de Basquiat
le blues murmure
qu’il faut contre soi
descendre la pente
alors
je descends
descends
descends
vaguement
vers l’abime
tant d’autres en moi
ont déjà fait le plongeon libre
ils ont su refaire surface
saurai-je mon dieu
une fois pour toutes
comment retourner
vers l’autre moi-même ?
9
10. Livre 18
Les airs du mal
bar de l’air
pas de l’heure
Baudelaire
au Bel-Air
défait les chaines
de la peine
bas de laine
robe de reine
une autre ère
le même air
dans la Seine
une mort saine
eau de bois-de-chêne
une mélopée ébène.
10
13. Armée silencieuse
La cour de la ferme
Embaume la fragrance
Chaude du fumier
Marie se frotte la panse
Et prépare le café
C’est bientôt l’heure
Où le paysan va rentrer
Il met en marche le tracteur
Le char est plein de foin
On dirait bien
Qu’il va déborder
Mais le chemin de terre
Soudain poudroie
Dans la poussière
On voit
Une armée de soldats
Figés et rutilants
Qui brillent au soleil couchant
Ils ne bougent pas
Comme s’ils étaient vissés au sol
Ancrés
Enracinés à l’instar
Des peupliers
Le long du ruisseau
13
14. Livre 18
C’est une armée silencieuse
Immobile
Qui semble surgie
D’un siècle passé
Le drapeau même ne flotte pas
Malgré le vent
Le paysan fait demi-tour
Rentre chez lui
Par un détour
Plus rassurant
14
15. LES CAHIERS DE POESIE
Grains de temps
J’ai rempli de grains de temps
Un ancien pot de confiture
Et dans l’ombre j’attends
Qu’en surgisse une image
Un fantôme
Un relent du passé
Un signe du futur
L’heure tourne
Sur le cadran
Mais les grains dans le pot
Demeurent
Une fille surgie
D’un tableau de Balthus
Passe à côté de moi
Sourit vaguement
Ne manifeste
Aucun étonnement
Devrais-je fermer le bocal
L’étiqueter
Ajouter sur le couvercle
Attention danger
Le soir commence à tomber
J’ai l’intention d’allumer
15
16. Livre 18
La lampe à pétrole
J’hésite
Je renonce finalement
Je m’en vais
Grains de temps
Je vous quitte
Ni contraint
Ni forcé
16
17. LES CAHIERS DE POESIE
Le combat du jour et de la nuit
Samedi soir à l’issue du combat
Quotidien du jour et de la nuit
J’ai ramassé le corps du perdant
Que j’ai ramené chez lui
Le jour vaincu
Fait toujours triste mine
Morne et gris
Et sombre et grave infiniment
Il jalouse alors des nuits
Les méandres festifs
Aux contours indécis
Et les féeries d’étoiles
Précautionneusement
Je l’ai couché
Sur son lit défait
J’ai fermé les rideaux
Et j’ai levé les voiles
17
18. Livre 18
Sacrifice
Je me suis trompé de pinceau
Il n’est pas assez large
Pour repeindre le ciel
Et la couleur ne convient pas non plus
C’est un bleu-vert artificiel
Mais qu’importe après tout
Si je te porte aux nues
Comme on présente l’animal
A bout de bras
Pour un rite sacrificiel
Ô Dieu
Que la victime te plaise
Il me faut de vives braises
Qu’on m’allume le feu
18
19. Üzeyir Lokman ÇAYCI
(France)
uzeyir.cayci@free.fr
http://www.artepoetica.net/CAYCI.htm
19
20.
21. LES CAHIERS DE POESIE
Yine üstündeyim geçmişin
Hazır gelmişken
« Seni uzaktan göreyim » dedim
Farklı yerlerde değilim
Yine üstündeyim geçmişin
Seninle birlikte olduğum anlar
Hiç gitmiyor gözlerimin önünden…
Anılar bulvarında
Ayrılık şarkıları titretiyor içimi
Sevda şiirleri çok dokunuyor bana
Yaklaştıkça uzaklaşıyorum senden.
Farklı yerlerde değilim
Yine üstündeyim geçmişin
Sokaklar ıssız
Renkler farklı görünüyor…
Denizin durgunluğunda kayboluyorum
Senli duygular yalnız bırakmıyor beni.
Farklı yerlerde değilim
Yine üstündeyim geçmişin
Hazır gelmişken
«Seni uzaktan göreyim » dedim
İçimde yağmur yağıyor yine
21
22. Livre 18
Bakışlarım boşluğa düşüyor
Düşlerimde üşüyorum.
Farklı yerlerde değilim
Yine üstündeyim geçmişin.
Üzeyir Lokman ÇAYCI
İstanbul, 21.10.1990
22
23. LES CAHIERS DE POESIE
Je suis encore sur le passé
Puisque je suis là
J’ai eu envie «de te voir à distance»
Je ne suis pas à des endroits différents
Je suis encore sur le passé
Les moments que j’ai passés avec toi
Sont toujours devant mes yeux…
Au boulevard des souvenirs
Les chansons de séparation me font vibrer
Je suis trop sensible aux poèmes d’amour
A force de m’approcher je m’éloigne de toi.
Je ne suis pas à des endroits différents
Je suis encore sur le passé
Les rues sont désertes
Les couleurs semblent autres …
Je me perds dans la quiétude de la mer
Les sentiments qui te contiennent ne me laissent pas seul.
Je ne suis pas à des endroits différents
Je suis encore sur le passé
Puisque je suis là
J’ai eu envie «de te voir à distance »
Il pleut encore en mon for intérieur
23
25. LES CAHIERS DE POESIE
I am still hovering over the past
Since I am there
I wanted «to see you remote»
I am not in other, different places
I am still hovering over the past
The moments in which we crossed paths
Are always in front of my eyes…
On the boulevard of memories
The songs of separation make me vibrate
I am hypersensitive to poems of love
By approaching myself I move from you
I am not in other, different places
I am still hovering over the past
Streets are uninhabited
Colours seem inaccurate …
I get lost in the calmness of the sea
The feelings that contain you do not leave me alone
I am not in other, different places
I am still hovering over the past
Since I am there
I wanted «to see you remote»
It is still raining within me for
25
26. Livre 18
My looks fall in space
I am cold in my dreams
I am not in other, different places
I am still hovering over the past
by Uzeyir Lokman CAYCI
İstanbul, 21.10.1990
Traduit par by Yakup YURT en français
Bruxelles, le 09.05.2007
French free verse translated into English free verse
by Joneve McCormick
11.05.2007
26
29. De rire je veux mourir
De rire je veux mourir,
- Ça ne prête point à rire,
Que veux-tu ? C’est mon vœu -
Riant, gesticulant, chantant
Dans un coquerico
De chanteur d’opéra
Comme Pavarotti
Dans le conte d’Hoffmann d’Offenbach.
De rire je veux mourir,
Fou de rire comme au théâtre,
Riant, m’esclaffant, m’éclatant
Comme un fou qui se défoule
Et qui s’en fout de tout,
Même si mon cœur éclate
Dans un rire au long cours
Qui bat tous les records
De tous les rires des hommes.
De rire je veux mourir
Au sommet de l’art de rire
Pour rire de ce qui fait rire
Dans mon état de rire
A un cheveu de la mort.
De rire je veux mourir
D’un rire larme de joie,
Qui appellent rires et pleurs,
Comme une larme de fond,
29
30. Livre 18
A tous les yeux qui pleurent
En chœur comme quand on chante,
Élevant mon âme aux cieux.
De rire je veux mourir,
D’un rire coup de boomerang
Heureux de prendre son temps,
Le temps de faire des siennes
Et de faire rire à mort.
De rire je veux mourir,
D’un rire qui creuse ma tombe
Au sein d’une fosse commune
Et qui enfonce un clou
Qui blesse et qui transperce
Toute une nuit de rires.
De rire je veux mourir,
D’un rire au bord des larmes,
D’un apprenti sorcier
Qui, de ses crocs pointus,
Me prend sec en tenailles
Dans une gaieté subite.
D’un rire qui, à la mort,
Ne rira qu’aux éclats,
Croyant rire à la vie
Pour vivre plus heureux.
D’un rire tragi-comique
Qui joue le jeu du rire
Par le fait d’un comédien
Qui ne vit que de rires
Par ses mots et ses gestes.
D’un rire plus sournois
Que mon rire habituel
30
31. LES CAHIERS DE POESIE
Et qui pour une fois a juré
De ne pas rigoler
Avec le rieur que je suis
Qui joue depuis des lustres
Comme un adolescent
Avec le feu du rire.
D’un rire hirsute comme les poils
D’un fauve fou de colère
Et qui, de ses griffes acérées,
Vous passe à l’infinitif.
D’un rire qui fait rire
Tout le monde à la ronde,
Prenant sur tous les tons
Tous les temps musicaux
Sans le temps d’une pause,
Ni le temps d’un soupir
Jusqu’au dernier soupir.
D’un rire multi vitesses
Du genre vélo de course
Qui, subitement,
Me prend de vitesse
Tout en montant d’un cran
Toutes les microsecondes
Au top de la vitesse
Du délire de rire.
D’un rire fou comme un fou
Qui a perdu le nord
Et qui erre en zigzag
Sur le terrain glissant
Des accidents mortels
Qui ne finissent d’autre manière
31
32. Livre 18
Qu’en queue de poisson pilote.
D’un rire qui hausse le ton
Rien qu’en un laps de temps,
Perdant toutes les pédales
Comme un engin de mort
Et qui sur son passage,
Lamine tout ce qu’il trouve
D’un rire fleuve aux freins lâches,
Plongeant vers une falaise
Qui mène tout droit au but,
Sinon au cul-de-sac
Des entrailles de la terre.
D’un rire au bord du gouffre
Fort dans ses ralentis,
Habile dans ses coups de gueule,
Casse-cou dans les virages,
Casse-gueule aux escaliers,
Casse-tête aux coins des rues.
D’un rire au bruit d’enfer
Sur fond de verres en miettes,
Comme un œuf de poule frais
Tombant du haut des cieux
Ou du centième étage
D’un gratte-ciel délabré
Plein de lumpenprolétaires,
Sans le sou au réveil.
D’un rire coup de hache,
Creusant profondément
Mes rides dilatées
Par l’effet d’une blague
Comme un grand coup de foudre
32
33. LES CAHIERS DE POESIE
Soulevant l’hilarité
De toute une foule en liesse.
D’un rire bien délicat,
Sur le rythme délirant
D’une contagion subite
Comme une rage de rire.
D’un rire du genre couvercle
Chapeautant de son éclat
L’ensemble des autres rires
Noyés dans des torrents
Drainant sur les rives de leurs lits
Des crues de tous les dangers
Comme pour prédire ma mort
Dans une attaque foudroyante
Qui ne dit pas son nom.
D’un rire chant de cygne
De ma manie de rire
Et de mon équanimité
Et qui, d’un coup d’éclat,
Donne le coup de grâce
Qui met fin à mes rires.
D’un rire plus que grotesque
Qui se résout dans l’instant
D’un simple coup de théâtre
Comme une courte équation
Au tout premier degré
Avec pour inconnue
La mort au bout d’une crise
De rire irréversible,
Très lourd de conséquences,
Et à la clé, le temps d’une dernière grimace,
33
34. Livre 18
Ou plutôt d’un sourire
Sans le temps de dire au revoir,
Sous le signe risible
D’un rire de débile.
34
37. Homéopathie
Il suffirait d’un rien
ou de si peu de choses
pour qu’un jour l’on soit bien
et plus jamais moroses
en s’obligeant enfin
à savourer la vie
à très petites doses.
Pour notre quotidien
juste un menu fretin
quelques miettes de pain
deux trois gouttes de vin
quatre grammes de miel
une pincée de sel.
Sur un soupçon de pluie
quelques rais de lumière
le souffle des bougies
au clin de tes paupières
et mieux qu’un flot de larmes
les perles d’un sourire.
Pour fleurir notre vie
un seul brin de muguet
pour d’infimes plaisirs
simplement mordiller
37
38. Livre 18
le lobe d’une oreille
l’esquisse d’un orteil
ou le bouton d’un sein.
Oublier nos ripailles
et pour se réchauffer
deux trois fétus de paille
et de ténus brandons
pour une vie à deux
s’aimer à petit feu…
Pour les jours de gala
faire voler en éclats
quelques fragments d’émail
un rayon du soleil
jeté sur un vitrail
l’univers en parcelles
et la vie en tesselles.
Pour conquérir le monde
il faut une seconde
un zeste de folie
trois grains de poésie
deux ou trois mots très courts
et pas de long discours
un filet de ma voix
quelques bouchées de toi
et deux gorgées d’amour.
38
39. LES CAHIERS DE POESIE
Le bonheur absolu
Des pas feutrés menus
qui progressent sans bruit,
les design courbures
d’une albe silhouette,
brusque sursaut des reins
à l’assaut imprévu
d’une douce caresse,
tu danses
et te balances
aux portes de la nuit,
le corps en équilibre
sur les toits du silence.
Coquetteries, minauderies,
habiles entrechats,
appuis sur pattes de velours,
salto agile,
siège en souverain de la couette,
vibrisses en éveil,
et muscles au repos,
fourrure épaisse de ton dos
où j’enfouis mes dix doigts.
Oreiller de tendresse,
boulochant, duveteux,
blotti tout contre moi
bien calé, si câlin,
39
40. Livre 18
lové contre mon sein
que par jeu amoureux
tu écorches ou mordilles
de tes ardeurs félines.
Compagnon exclusif
d’une seule maîtresse,
plus heureuse avec toi
qu’avec n’importe qui,
comme un joyeux ermite,
promenant, solitaire,
ma vie en chattemites,
réchauffée au grand feu
de tes deux soleils verts.
40
41. LES CAHIERS DE POESIE
Le dernier voyage d’Alice
Lorsqu’ Alice aura brisé
tous ses miroirs
et fait voler avec eux
en éclats
chaque parcelle,
chaque petit morceau
de ses plus beaux
rêves d’enfance,
elle comprendra qu’il est
venu peut-être
le temps pour elle
de préparer
ses bagages
pour une autre aventure,
pour un nouveau voyage,
tout aussi exaltant,
tout aussi mystérieux,
tout aussi merveilleux,
sans doute,
mais surtout plus long,
bien plus long,
O oui, beaucoup plus long
que le premier.
41
42. Livre 18
Métisse
Métisse, O ma métisse
aux rondeurs pain d’épices
je te mords
et te croque
à petites bouchées.
Métisse, O ma métisse
aux saveurs de réglisse
je te goûte
et te bois
à petites gorgées.
Métisse, O ma métisse
aux senteurs de la mer
je te lèche
et me noie
au sel de tes mystères.
Métisse, O ma métisse
aux baisers de grenade
je me perds
dans les plis
de ta toison de jade.
Métisse, O ma métisse
quand je force ton corps
au nid de
tes délices
je suis un homme mort.
42
45. Saturation
Il aurait suffi de quelques mots
En toute simplicité, en toute confiance
Pour que je crois en elle.
Hélas, elle m’a menti,
Trahi mes espérances.
Je ne pardonnerai jamais,
Ce serait trop beau, trop lâche aussi ?
Elle aurait le droit de m’insulter ?
Elle aurait le droit de me faire mal ?
Elle aurait le droit d’en rire et moi ?
J’aurai celui de me taire ?
Je me rebelle, je crie, je hurle, je lui fais peur
Est-ce ainsi qu’elle finira par m’écouter ?
Parce qu’elle me craindra ?
Qu’elle craindra ma main levée ?
Non je ne le veux pas
J’en ai eu envie parfois certes
Mais pourquoi m’abaisser si bas ?
C’est ma femme et je l’aime
Même si verbalement je la brutalise
Mais ce que je crains parfois
Est que je ne puisse plus retenir
Cette envie qui me tenaille :
Faire de notre amour fini,
Un champ de bataille
Où le meilleur gagnera…
45
46. Livre 18
Le chagrin de Madeleine
Le ciel était très mouvant,
Les nuages couraient très vite
Madeleine regardait, la tête en arrière.
Et donnait des formes :
On dirait un chapeau !
On dirait des sucettes !
On dirait des moutons !
On dirait des oiseaux !
Madeleine, sais-tu qu’il va pleuvoir ?
Lui demanda sa mère inquiète.
Non non ! Ils sont trop beaux et blancs !
Ils vont noircir tu vas voir !
Et il fera bien plus noir,
C’est ainsi que naît la pluie.
Non non, répéta Madeleine,
Prête à sangloter
Non non, ils sont trop beaux
Ils ne peuvent devenir de l’eau !
C’est pas juste !
Et à ce moment-là
Une goutte dans son œil
Tomba et sur sa joue glissa
Sa mère ne saura jamais
46
47. LES CAHIERS DE POESIE
S’il s’agissait de la pluie
Ou d’un chagrin incompris
Elle fit rentrer Madeleine
Avant que les gouttes
Goutte à goutte
Viennent mouiller le cœur
De Madeleine
47
51. C’était une rivière…
Aussi loin que me porte
Mes souvenirs d’enfance,
Elle se nichait au cœur
De chacun, avec bonheur,
Dans toute sa bienveillance.
Son clapotis m’enchantait
Quand, en parfaite harmonie
Avec elle, elle m’entraînait,
Par le murmure de son cours
Dans une totale symphonie.
Mais quand je la retrouvais
En pleine nature, à sa source,
Elle n’était que furie,
Plus sauvage que jamais,
Et pleine de ressources.
Elle était source d’allégresse,
Et souvent nous y pêchions
La truite et le menu fretin
Que nous mangions sans tristesse
À la fin de chaque matin.
Cette rivière, un jour de brume
Disparue de ce village,
Enfouie sous les pavés
51
52. Livre 18
D’une route de bitume
Qui lui servit de plombage !
Il faut aller bien loin
Pour la voir, en vision,
Joyeuse et malicieuse,
Se riant de sa condition
De prisonnière… des voitures !
52
53. LES CAHIERS DE POESIE
Mélancolie
Il ne reste que ton absence,
Trop réelle, et mes appels
Se perdent dans ma démence,
Et dans la nuit des temps,
Et je pleure sur nous.
Parfois, j’ai envie de crier,
Souvent, j’aimerais tout arrêter,
M’envoler très loin,
Sur une autre galaxie,
Te chercher et te retrouver.
Ce vide qui s’est installé,
Ce manque de ton amour
Au creux de mon être,
M’accompagne chaque jour,
A pris possession de moi
Comme un objet trop acquis.
Cette tristesse qui me recouvre
M’enveloppe de noirs destins,
Chassant le soleil de l’horizon
Et voilant ma vue à tout jamais.
53
54. Livre 18
Murmure
Murmure du vent
Qui me porte en écho,
Envers et par devant
La rumeur du jour,
Cette voix, pleine d’amour
Parmi les coquelicots.
Murmure d’une source
Qui jaillit de nulle part
Et qui éclabousse,
Étincelante au soleil,
Le temps d’un réveil,
Les arbustes épars.
Murmure de vie
En fond de toile,
Dans cette survie,
Et qui scintille,
Et qui fourmille
De mille étoiles !
54
55. Guy CREQUIE
(France)
guy.crequie@wanadoo.fr
55
56.
57. Hommage à l’amour
Gerbe de poèmes courts
La femme aimée
Est celle pour laquelle
Être homme
Est un effort sans fin…
L’amour est une tragédie
C’est toute l’existence accomplie
Tous les rêves d’humanité
S’accomplissent
Dans une perspective
D’homme ou de femme
Le désir du désir de l’autre
Fait frissonner les corps
Et vibrer les cœurs.
La luciole qui tourbillonne
Dans le ciel du matin
Interroge la question
Du pourquoi aimer ici
Les affres de la vie.
57
58. Livre 18
Amour
Est gravé à jamais
Ton empreinte d’existence
le temps d’un soupir
Et d’un chant balbutié
Mélodie de l’amour
Comme le temps d’une valse
Dont l’harmonie scellait
Des corps soudés
Que Piaf aurait aimés.
58
59. LES CAHIERS DE POESIE
Homage to the love
Stack short poems
The loved woman
Is that for which
To be man
Is an effort without end…
The love is a tragedy
It is all the accomplished existence
All dreams of humanity
Achieve themselves
From the point of view
Of man or woman
The desire of the desire of the other
Made shiver the bodies
And to vibrate the hearts.
The firefly which whirls
In the sky of the morning
Question the question
Why like here
Pangs of the life.
59
60. Livre 18
Love
Is engraved forever
Your print of existence
the time of a sigh
And of a stammered song
Melody of the love
Like the time of a waltz
Whose harmony sealed
Welded bodies
That Piaf would have liked.
60
61. LES CAHIERS DE POESIE
Homenaje al amor
Gavilla de poemas cortos
La mujer gustada
Es la para la cual
Ser hombre
Es un esfuerzo sin final…
El amor es una tragedia
Es toda la existencia realizada
Todos los sueños de humanidad
Se realizan
En una perspectiva
Hombre o mujer
El deseo del deseo del otro hace
Temblar los cuerpos
Y vibrar los corazones.
La luciérnaga que se arremolina
En el cielo de la mañana
Pregunta la cuestión
De porqué gustar aquí
El tormento de la vida.
61
62. Livre 18
Amor
Se graba a nunca
Tu impresión de existencia
el tiempo de un suspiro
Y de un borde balbuceado
Melodía del amor
Como el tiempo de un vals
La que armonía sellaba
Cuerpos soldados con autógena
Que Piaf habrían gustado.
62
65. Gestuelle
à Roland Morisseau
Serge Legagneur
à Jean-Richard Laforest
« Au- delà de la glace, du nord, de la mort, notre vie, notre bonheur. »
(Rainer Maria Rilke)
compagnons de la grande rivière du nord
compagnons qui s’éveillent dans la tristesse des oiselles en
poèmes
que la marche soit lente
mais que le décompte de notre pain quotidien
soit à la mesure du cri et de l’enfant qui a faim
compagnons de la grande muraille que j’éprouve dans mes
poèmes
voix de haute haleine attachées à nos souvenirs
visages d’habiles pourvoyeurs de mots fragiles à chaque
visitation
jeunes radoteurs toujours présents au rendez-vous des
poèmes
comme au premier jour de la naissance de l’aîné des poètes
65
66. Livre 18
je vous salue comme à la première neige
comme au premier sourire de l’enfant à peine né
je vous salue entre les gros mots et le bonheur
de nos fillettes qui se refusent au silence
je vous salue avec les mêmes mots maigres d’un petit matin à
perte d’ennui
là où habitent pécheurs et sentinelles de la garde des mots
qui n’apprivoisent que les syllabes de notre premier cri
de notre chair depuis belle lurette mise aux enchères
que saurais-je de la terre que j’embrasse dans ses tours
parallèles
vous avez ouvert la voie à la caravane des mots
des maux d’une terre mystérieuse de paradoxes et d’espoirs
vous nous avez montré du doigt le désert de Gobi
et ses squelettes et tous ces morts réconciliés dans la nuit
ces oiseaux-dinosaures ces carnivores mécontents de leur sort
en somme tous ces manuscrits délaissés aux entrepôts de
l’Histoire
le temps est insondable et les poètes
des voyants de haute lice comme à la fin d’une phrase
fieffés navigateurs d’eau douce dans la vallée des syllabes
fiers croisés dans le ventre du lexique
illuminés et rassembleurs d’étoiles pour la révolte
des sangs mêlés
vous qui avez léché le souffle des grandes caravelles
vous qui donnez dans le silence des longs murmures aux
jupes des primevères
dans le rêve et dans la nostalgie des fruits défendus
vous suaires des petitesses et des espérances muettes
66
67. LES CAHIERS DE POESIE
qui dites la faim des fossiles parmi les fous
vous pirates pauvres et coupables des fausses accusations sur
les lèvres
qui rappelez Homère dans sa souffrance et dans sa fidélité à
l’écriture
vous ramasseurs de parchemins et de blessures
quel destin que de renouer les mailles de la solitude parmi les
hommes
la vie est une garce et les poètes
glyphes de la divination
grimoires aux alphabets façonnés de crucifiés
voyants des voyelles atomisées sur une page d’histoire
jusqu’à l’usure des embruns de chaque cauchemar sédentaire
fut-ce le temps des grandes découvertes de ballades
d’odes et d’élégies spontanés pour les beaux yeux de l’aimée
ô grève des hommes et de la terre sauvages
inflexibles sous la crue de l’amande éphémère
mais pardonnés au ressac des pierres que l’on ignore
je vous salue de nouveau
Ô poètes de la liberté et de la garde des mots
frères indubitables modèles
pour la quête à la joie
et à l’ivresse des lendemains
que reste-t-il à écrire
après nous avoir ouvert les chemins de l’indolence
la grande route des alphabets jusqu’aux vêtures des saisons
67
68. Livre 18
que reste-t-il à promettre
avec la fidélité des mots et l’acharnement du bouleau
sinon les rues de notre enfance
les doigts de nos amours
les folies de nos paupières et de nos baisers partagés
le temps est indomptable et les poètes
comme des enfants aux semelles de l’exil
où je chasse la femme
l’unique désirée de cette aire énorme
l’exil de mon enfance et de mon adolescence
parmi des hommes de première main
avec les mêmes blessures et les mêmes interrogations
de crucifiés et de chasseurs de maux dans la foule
des témoins
que passent nos chemins de songes la nuit et les poètes
Repentigny, été 2002
68
69. LES CAHIERS DE POESIE
Motifs
à Magloire Saint-Aude
« Je ne crois pas; je sais. »
(Carl Jung)
ne puis-je croire que je sais
le nom des mots à la belle syllabe
la superficie du silence et de l’étoile
polaire
juste pour une seule fois
ne puis-je croire à la géographie du poème
des lieux et aux saisons des hommes
des promesses si lointaines et aux souvenirs d’enfant
quoique pour une seule fois
le battement des artères s’achève sur le néant
dans la solitude des hommes une fois seuls
avec le cœur bien trop négligé
aux dialogues des poètes interdits
parias à chaque évolution des mots
à chaque imposition des femmes qui pleurent
après la pluie
ne suis-je pas né de la complicité
des hommes et des femmes de la frontière
qu’on assassine
69
70. Livre 18
d’un homme et d’une femme amoureux éternels
qui ont embrassé dans la joie
tous les péchés originaux
ô jours bienheureux dans la chair
Ô chair bienheureuse des motifs du poème
des dialogues et promesses inscrites dans la mélasse
et le mot de cœur du poète
condamné à errer dans les rues de la ville
la plus grande rue des ordures
Ô paria étonné qui fit sangloter l’algue
nous sommes tous déchus de nos villes endormies
lacunaires aux pas des nymphes émerveillées
nous sommes des enfants au cœur frais
des poètes aux mains larges de promesses
mais nous sommes habités par nos joies
nos amours sans cesse à recommencer
ne puis-je donc croire que je sais
le nom de la rose folle des mots
la géographie du silence
et quelques poèmes au faîte du désespoir
Ô Poésie belle à triompher
juste pour une seule fois
dialogues d’hommes libres et d’assistés
requêtes devinées d’homme seul avec la page
des pages inscrites au van de la félicité
de ce dialogue avec le poète
paria étonnant et sympathique
70
71. LES CAHIERS DE POESIE
qui fit pleurer l’algue et la mer
quoique pour une seule fois
à l’embauchement d’un cœur qui bat
je te célèbre
frère dans les mots
et de la paix
Ô Poète qu’on lit sous la pluie
dans la plus haute tendresse
et dans le plus grand silence
Port-au-Prince, 16 juillet 2001
71
75. Dix de cœur
1.
tu me dois le silence le repos
il y a encore des tremblements
sur la mer
aussi au travers des yeux
une entrée un passage
à la façon d’une frontière émiettée
nous ressemblons aux arbres d’hiver
la certitude égarée hors de nous
laisser le monde à ses viscères fumantes
puisque seul t’intéressent les astres glacés
initiaux.
2.
qui
largue le ciel
désormais
avec la force la certitude initiale
chauffante comme un feu
on dit
que quelqu’un écoute
sous la masse des eaux
sur les routes bleues des profondeurs
75
76. Livre 18
quelqu’un écoute les fleurs marginales
et la part joyeuse de nos silences.
3.
lèvres fleuve
nous
troncs de chair
jeu avec la vase
le sort
approche retourne
liens comme e n t r a v e
la boue
lune
ce crochet d’ivoire
pour la gorge.
4.
résidence de la blancheur
ivoire de l’œil
est-ce toi
que je retrouve
à l’image d’une brume
sous la surface rose
du pétale
pourquoi justifier du désert
sur l’océan des yeux.
76
77. LES CAHIERS DE POESIE
5.
écho à la nuit
ton amplitude
soulève l’horizon
comme peut se soulever le cœur
ou l’écorce de lumière
cri
cage de cristal
main printemps
sur la plage du front
tu te promets
le volcan
le feu
l’inexactitude
alors que réduisent
l’instant et la peau.
6.
danse
sur la fleur noire
du monde
adonne-toi
au pétale
au fleuve horizon
à la renverse
des couleurs et des soleils
équilibre perdu
frôlement
77
78. Livre 18
contre l’écumoire immense
ressac étoilé
sur la rosée des jours.
8.
petitesse
insignifiance
ma taille est celle d’un grain
d’une perle
à l’extrémité du firmament
front intouché
sans brume
sans neige ou particule bleue
assures-tu encore mes pas
corde d’or
filin d’amour
fleur froide.
9.
mains safranées
de la poésie
regard
presque le monde
sueur
sang
mince mélancolie des astres
78
79. LES CAHIERS DE POESIE
est-ce possible
(le cœur comme une jade bleue)
de vivre sans révolte
sans le savoir sensible du sable.
10.
la pluie remplace le corps
ce gris intime
familier
qui perce en toi plus loin que le rayon
larmes ou papillons bleus idem
quand tu dis
que les fleuves naissent des sanglots
sur le sable noir de l’amour
ta maison
est fichée sur une colline incolore
ton esprit s’y love comme un félin éternel
l’océan entre par tes yeux
et rampe jusqu’à ton cœur.
79
83. Nuage
Une nuée de rêves
à la limite
rarement il n’aura été celui qu’on éprouvait
l’absence souvent
se tenir droit
devant l’éclat du monde qui chavire sans doute
rarement tu paraîtras
aussi belle qu’un jour
à la limite du rêve
qu’on redoute
83
84. Livre 18
Cauchemar 1
éparpillés les belles amourettes à la brume des vies là où
semble s’éteindre la plus sombre des lumières où le ciel
cohabite avec son fatras d’étoiles
ne reste que le réel pas toujours propre pas toujours
supportable le réel
réel réel réel réel…..
une luciole déjà me fait tourner la tête
lucidité qui nous quitte
dans la nuit tu recherches l’amour
irréel irréel irréel irréel…
mais
laisse moi crier
84
85. LES CAHIERS DE POESIE
fuite
visite furtive tonnes de délires prières firmaments le
dimanche tous ensemble à retrouver son blog cosmique très
comique
il y a longtemps qu’ils ont mis une croix dessus
85
86. Livre 18
Chanson
Tu ne peux qu’aboyer la maudite chanson du désespoir sous
l’oreiller un soir peut-être tu murmureras un cri peut-être
l’espoir qui renaîtra aboyer pourquoi ameuter les loups des
quartiers qui résonnent abreuver ton esprit malade et pétri
de petits cris
gémissements qui fusillent le plus innocent des enfants qu’on
occit.
86
87. Françoise Marie BERNARD
(France)
Paquita151965@aol.com
www.geocities.com/poemasesmeralda/Entree
87
88.
89. Pour toi esclave noir…
Une voix est montée
Depuis des temps historiques,
Pour rappeler au monde hébété
Que l’espoir est magnifique…
Une lueur merveilleuse
Que l’on voudrait éternelle
Est venue éclairer ; lumineuse ;
Le chemin d’un être fraternel…
C’est un peu comme une vengeance
De l’Histoire sur le passé,
C’est un peu comme une bienveillance
Du hasard sur le racisme qu’on veut tuer !
Pour toi Esclave de jadis,
Une étincelle de bonheur
A brillé au pays de tes malheurs,
Et ton âme a souri.
Tout un peuple en liesse
Longtemps méprisé
Verra peut-être sa noblesse
D’esprit enrichir la société…
Pour toi Esclave déraciné,
Une nouvelle ère est née
Pour qu’enfin grandisse la flamme
Pour la Paix des Êtres et le silence des armes…
89
90. Livre 18
Para ti, esclavo negro…
Una voz ha subido
Desde tiempos históricos,
Para recordar al mundo embrutecido
Que la esperanza es magnifica…
Una luz maravillosa
Que se quisiera eterna
Ha venido aclarar; luminosa;
El rumbo de un ser fraternal…
¡Es un poco como una venganza
De la Historia sobre el pasado!
¡Es un poco como una benevolencia
Del azar sobre el racismo que se quiere matar!
Para ti, Esclavo de antaño,
Una chispa de felicidad
Ha brillado en el país de tus desgracias,
Y tu alma ha sonreído…
Todo un pueblo entusiasmado
Por mucho tiempo menospreciado
Verá tal vez su nobleza
De espíritu enriquecer la sociedad…
Para ti, Esclavo desarraigado,
Una nueva era ha nacido
Para que, por fin, crezca la llama
Para la Paz de los seres y el silencio de las armas…
90
91. LES CAHIERS DE POESIE
Les mains du mensonge
Il y a des gens en Occident
Qui osent serrer la main
De tueurs d’Humanité
Sans se soucier du lendemain !…
Comment peut-on accepter
De commercer avec des esclavagistes
Assassinant leur propre société
En brouillant les pistes ?
Afrique ! Belle Afrique !
Réveille-toi !
Tes enfants pris de panique
Ont peur de toi !…
Tu as engendré des monstres faits de violence,
De haine et de pouvoir,
Ne pensant qu’à piller l’abondance
De ton sol pour être des pantins noirs !!!
Tout se sait un jour
Et aujourd’hui il faut parler
De ce manque d’amour
Qui ne sait que tuer !
L’Histoire est faite de bains de sang,
L’esclavagisme occidental n’est plus
91
92. Livre 18
Mais je sais qu’il existe encore, bien vivant
Dans tes contrées où la vie ne vit plus !
Les gouvernants de cette planète
Signent des pactes avec le diable
Pour quelques barils de pétrole ; bête
Sournoise et aveuglante ; monnayable !!!
Pauvres Humains innocents
Qui ne demandez qu’à vivre en paix,
On vous tient sous l’effusion de sang,
Les tortures et le manque de respect.
Où sont passés les Droits de l’Homme ?
N’avez-vous pas le droit de vous exprimer ?
Pourquoi tant de haine dans cette région du monde ?
Pourquoi ne fait-on rien pour tout arrêter ?
Et vous, Messieurs les Grands de ce Monde,
Comment pouvez-vous fermer les yeux si facilement
Sur des horreurs que vous connaissez ? Féconde
Est la richesse couleur torture teintée de sang !!!
92
93. LES CAHIERS DE POESIE
Las manos de la mantira
¡Hay gente de Occidente
Que osa estrechar la mano
De asesinos de Humanidad
Sin preocuparse del mañana!
¿Cómo se puede aceptar
Comerciar con esclavistas
Asesinando su propia sociedad
Despistando la realidad?
¡África! ¡Bella África!
¡Despiértate!
¡Tus hijos, tomado por el pavor,
Tienen miedo de ti!
¡Tú, engendras monstruos hechos de violencia,
De odio y de poder,
Pensando sólo en saquear la abundancia
De tu suelo para ser títeres negros!!!
¡Todo se sabe un día
Y hoy hay que hablar
De esta falta de amor
Que sólo sabe matar!
La Historia está hecha de baños de sangre ;
El esclavagismo occidental no está más,
93
94. Livre 18
¡Pero se muy bien que todavía existe aún, bien vivo
En tus comarcas donde la vida no vive más!
¡Los gobernantes de este planeta
Firman pactos con el diablo
Por algunos barriles de petróleo; bestia
Hipócrita y deslumbradora; acuñable!!!
¡Pobres humanos inocentes
Que sólo piden vivir en paz,
Se los tienen bajo el derramamiento de sangre,
Torturas innobles y falta de respeto!
¿Dónde están pasados los Derechos del Ser Humano?
¿No tienen derecho a expresarse?
¿Por qué tanto odio en está región del mundo?
¿Por qué no se hace nada para detener todo esto?
¿Y Ustedes, Señores Grandes de este mundo,
Cómo pueden cerrar sus ojos tan fácilmente
Sobre horrores que Ustedes conocen? ¡Fecunda
Es la riqueza color tortura teñida de sangre!!!
94
97. Hiver dans ma banlieue
Bientôt nous tomberons dans le sombre du soir
Le visage de l’hiver que l’on peut percevoir
Ses rides mélancoliques à la tombée du jour
Et le froid qu’on supporte est un fardeau trop lourd
Le maçon qui bâtit la maison d’où il sort
Devra laisser aux autres la chaleur où l’on dort
Au loin une femme pleure pour cet homme qui s’alite
Elle devra supporter la misère et les mites
Les enfants qui grandissent à l’ombre du soleil
Qui connaissent le désert du monde et ses merveilles
Où sont passés les rêves les espoirs de chacun
Dans le froid du bitume et l’odeur de la faim
Les murs de mon quartier ternissent de jours en jours
Je dois pouvoir compter sur la force de l’amour
Quand l’enfant qui grandit demain ne sera rien
Peut-être un fait divers dans les lignes du destin
97
98. Livre 18
Blanc, blanc, blanc SIDA
De longs couloirs où le blanc s’alite
Sur les murs tant de vide, la maladie s’agite
Des visages pâles, sans vie, parfois se lassent
De tout ce blanc, ces draps, ces gens qui passent
Le repos tant béni se jette sur les corps
Chacun est libre de méditer sa mort
Le sale sera lavé le matin, au réveil
On sentira alors l’odeur du sommeil
Sur le papier est inscrite la marche du virus
La fenêtre fait rentrer les plus grands autobus
Elle se referme enfin en violant les prières
Et donne sans partage l’odeur de la terre
Et toute cette espérance cachée sous un coussin
Elle éteint la lumière, elle vous croise les mains
Le sol est toujours propre quand le malade s’en va
98
101. Ma patrie, un bout de l’éternité
Photo de Gildas Pasquet
Ma patrie, un bout de
l’éternité.
Un lieu sans lieu peint
sur un mirage, ailleurs.
J’ai oublié ses rives.
Je n’ai aucun moyen
de les revoir, ni
d’ailleurs aucune
envie.
A cause du pain qui
est cher et l’hystérie
des colons.
Je me souviens de la
nuit où je suis partie.
Il faisait noir.
J’avançais courbée à
travers les fleuves
taris, le front
étincelant de désespoir et les mains implorant du ciel une
chose qui me précède.
Et plus tard quand une mémoire de larmes me prendra par le
cou, comment y retourner ?
Comment retrouver l’absurde territoire au milieu des
cendres ?
101
102. Livre 18
La guerre est terrible.
Elle a tout décimé.
L’avenir, le présent et le passé.
Souvent entre les eaux du sommeil, mon rêve entrouvre une
porte sur une terre entourée de paysages où tout est changé
pour le mieux…
Du haut de mon nid d’aigle, je vois des fleurs sur les tables
dans les cafés, au cœur de la foule le méchant Bascom qui est
devenu aveugle, distribue tout son argent, mettant fin à son
règne tyrannique depuis deux mille ans mais marquant son
retour à Dieu.
Quelle effervescence dans la ville au répit qui se maquille ?
Et je sens comme un feu s’allumer au coin de mon cœur et
réchauffer mon visage.
Je ne m’étonne de rien mais avant d’entrer à l’aurore je
m’approche avec le désir du partage.
A l’improviste, le vent se lève et arrête le mouvement
impétueux de mes yeux.
Une poussière se met à danser autour de ma tête.
Chuchotement de défaite. Silence de l’énigme qui crache son
étrangeté. Perte des repères de la ligne du cœur.
Dans l’impatience tout demeure inaccessible.
Sans parvenir à m’éloigner, triste je tourne, je tourne encore à
la recherche d’un autre chemin de la plaine reconquise qu’on
raconte dans les légendes.
102
103. LES CAHIERS DE POESIE
A l’heure ou Les ampoules s’éteignent, l’aube tombe le rêve
sur la grève, sa douleur retient une ombre qui dort toute nue.
Il n’y a ni distance entre nous ni vent.
Est-ce mon image ce rêve qui porte un visage familier ?
Un soir je reviendrai dans la lumière électrique.
J’y courrai avec les oiseaux migrateurs en brassant l’air comme
dans un rêve.
103
107. En échappé
Juste une ville, comme un tribut
- Ma négligence -
Avec ses gris en suspension
Ses parures ou ses plis
Mais reste-t-il une ombre
En échappé
Car la lune, si douce
Vient à manquer
Le vent se plait…Ma voix s’est tue
Car dans l’allée
Il reste un Homme…
107
108. Livre 18
La lumière ment
Rien à voir
La lumière ment
Ici l’on éteint les midis de soleil
Et l’on isole le cri, du vent
Rien à voir
Avec les grands feux du dedans
Ce qui les réchauffe là-bas
Nous brûle ici et maintenant
Rien à voir
Les mots circulent en passants
Dévêtus des foulées d’ivresse
Il faut danser à même le sang
Lèvres mordues
Flammes sans laisse
Rien à voir
La lumière ment
108
109. LES CAHIERS DE POESIE
Le jardin de mes rues
Motifs affleurent
Sur décor nu
Les impressions de ma tendresse
Ont des couleurs tissées à cru
Deux ou trois roses
Un parfum d’eau…
C’est dans le jardin de mes rues
Que j’aime à perdre ton adresse
Au fil des peaux
Au fil des peaux…
109
110. Livre 18
Chants du regard
Chants du regard
Sans parure, en négligé
Comme un dialogue…
Dans les allées
-Nos profondeurs-
La main récolte des bribes d’eau
Petite pluie sans évidence
À bord du silence et ses mots
Je te regarde…
Vivre
A cette couleur là
110
113. Capitale Terre
Voici le temps
Partagé
De nos dernières richesses
À chaque naissance
Liberté
Une goutte d’eau
Assoiffée de rivière
À chaque naissance
Égalité
Une goutte de sueur
Épuisée de misère
À chaque naissance
Fraternité
Une goutte d’air
Souillée de déserts
Voici le temps
Exorcisé
De nos raisons planétaires
Le temps
Articulé
D’une capitale
Terre.
113
117. Le chat persan et le cerf-volant
Un tapis d’Orient où dormait un chat persan
Rêvait à son enfance :
Un long fil en laine qui tourne autour de la terre
Il ira au soleil
Il ira au soleil
Certainement
Mais le chat dans son rêve était déjà là-bas
Au soleil…
Et la terre entière au bout du fil en laine
Était son cerf-volant
Quelle est folle la Terre !
– Maman ! A quoi servent les cerfs-volants ?
117
118. Livre 18
Le passé
Quatre-z-yeux
Sans visages
Se contemplaient dans les cieux
Le z’oiseau bleu du regard
Venait juste de passer…
…Un nuage de parfum
Quatre-z-yeux
Sans visages
Pleuraient, seuls, le passé
Quattro occhi
Senza volto
Si contemplavano nel cielo
L’uccello blu dello sguardo
Era appena passato…
…onda di profumo
Quattro occhi
Senza volto
Piangevano soli
Il passato
118
119. LES CAHIERS DE POESIE
Italièrie
Arôme de l’homme qui
À mobylette
Traversait Rome
Pour offrir à la pluie son parapluie
À l’âme italienne de toutes les hirondelles
Cet arôme y demeure
Un bouton rose
Sur les jeunes joues des vestes de la nuit…
…de Roma
Aroma dell’uomo che
In motocicletta
Attraversò Roma
Per offrire alla pioggia il suo ombrello
All’anima italiana di tutte le rondini
Quest’aroma vi resta
Un bottone rosa
Sulle giovani gote delle giacche della notte
Di Roma
119
120. Livre 18
Les mots des poètes
Mi fugue
Mi destin
Mon incroyable chemin
Court
Il court sur mon corps
Cruel
Brûlez à l’eau forte
Les mots des poètes
120
123. Le poirier
À Anne-Marie Poirier
Sous le grand poirier sauvage
Une vieille femme éreintée
Encombrée de lourd bagage
Récite, une prière chantée
Sous le grand poirier sauvage
Vers le ciel d’encre violâtre
Ses grands yeux bleus, délavés
Se pâme le soleil rosâtre
Ses cheveux blonds envolés
Vers le ciel d’encre violâtre
Gambille l’écrivaine rêveuse
Pirouettant sur ses patins
Une œillade amoureuse
Sur la glace des lieux saints
Gambille l’écrivaine rêveuse
Son corps mûr, plié en poire
L’âme vagabonde, dans le Nord
Au sommet d’un mont d’ivoire
Un vent glacé berce son corps
Son corps mûr, plié en poire
123
124. Livre 18
La vieille duchesse sous l’arbre
Le temps cueillant le fruit mûr
Prisonnière dans le marbre
Voyez dans la glace : l’azur
La vieille duchesse sous l’arbre.
Soleil basilic
Le cœur sonnette de son dard
Venin mortel, sourd amoureux.
Le crâne ceint de beauté ; hors
- Nous sommes des serpents hideux !
L’amour, cracheur de feu volage
De corps sain et joli visage.
Le doux printemps pond ses éclats
De verre. Éternel soleil. Ah !
Toujours, le matin chatoiement
(Jeunesse aux yeux de basilic)
Réveillera notre œil critique
Et souvent, muera le serpent !
124
125. LES CAHIERS DE POESIE
Anamnèse
Le crépuscule de mes paupières
Borde mes yeux fatigués.
Sous les draps fripés de l’âge,
Chrysalide et sylphide dorment
Dans le ventre de mes pensées.
Le cri amer du froid de l’hiver
Pénètre l’asile de mon univers givré.
Sous mes yeux se creuse une plage
Où les cocons onéreux se lézardent ;
Délivrant des papillons prématurés.
Sur les fleurs de mon âme, mère florifère !
Volettent les nouveau-nés malformés.
Suppliant Dieu, les mains au visage
De pardonner ma bouche blasphème…
Oh, Seigneur, j’aurai dû m’avorter !
125
126. Livre 18
Le paradis des charmes
Mon corps momifié jusqu’aux rondes encolures,
Pectinés, les cils voilent mes cernes en moulures
Sous les portes cintrées de mes roses paupières
Plongé dans la contemplation ; blanches prières !
Le scaphandrier sur l’azur du ciel vogue
Scaphandre désert ; l’âme vaisseau en fugue
De l’entrave charnelle, l’esprit libre voltige.
L’œil fureteur contemple le doux vertige !
Un vent bruineux longtemps, souffle une brise
Sur l’impureté décharnée ; l’informe visage !
Sur mon front vaporeux, perlé de glaçage
L’onctueuse rosée légèrement assise !
Et un miroir d’eau couché aux reflets jade
Entre les seins montagneux ; les vallées natales !
Se lève à mon entrée, le soleil Oréade
M’accueillant sous une pluie d’orange pétales
Au bal des quatre vents, les joyeux quadrilles !
Vastes champs de lavande et d’épilobe
Froufroutante et mauve, l’ondoyante robe
S’abandonne dénouant ses parfums mantilles
Blanc duvet d’une blancheur neigeuse sublime…
Du ciel, un grand oiseau rameur, angélique !
126
127. LES CAHIERS DE POESIE
Flavescent, vers moi, son chaud rayon mystique
De ses ondes infinies de lumière, ranime
Ma chair inerte et mon cher cœur de braise !
Où mes yeux chavirés, sur la plage spectrale
Du haut plafond, de la chambre sépulcrale ;
S’ouvre, des écluses de l’œil, la mince daraise
Sur ma joue de galet, un torrent de larmes
Pleure en rosaire, le paradis des charmes !
Dans les sables mouvants s’enlisent les friables
Prières ; mon être, risée par les diables.
Sous les lourdes portes, englouties par les dunes
Ma soupente cervelle pareille à des lunes
Fendantes ; entre réalité et rêve
La Créatrice folie : tranchant du glaive !
127
128. Livre 18
Le jardin des grimoires
Je me rappelle son long collier blanc
Bercé par les vagues de solitude
Sur les fleurs éphémères ; d’où le vent
De fraîcheur, à sa douce habitude
Parfumait la volante et immortelle
Robe, sur le jardin de l’âge d’or !
Elle a peint la plus charmante aquarelle
Au cadre de fenêtre, sans décor
Et cent fois, elle y a peint une cage
Sans foi, aux franges du brun désespoir
S’envolaient la fredaine pâturage
Et puis, le silence dans un mouchoir !
Été comme hiver, la vieille chaise
Berçante de ses longs bras oscillants
Chantèrent ensemble près de la fournaise ;
Le vieux fourneau de ses chaudrons brûlants !
Et encore, parfois, les cassolettes
Parfums d’antan, mijotent leurs recettes
À la clémence des quatre saisons ;
Les grands-mères aux châssis des maisons
Peignent le plus florissant des jardins
Dans l’éternel printemps de nos mémoires.
Dans nos cœurs émigrent les pèlerins
Souvenirs ; au nom des oiseaux grimoires !
128
131. Les blues du lundi
Elles s’accumulent tous les lundis
Les dépêches, les correspondances
Sur le bureau
Un tas de factures qui ne sourient pas
Les ombres qui dictent autour d’elles
Les allées et venues des nuages
L’accumulation des orages
Les débats qui n’en finissent plus
Et le téléphone
Ne cesse de pleurer
Dans ma tête
Tout ce vacarme d’images
Tout ce va et vient de mots
Ces sensations d’automates
Qui s’incrustent en moi
À en perdre haleine
Je pénètre
Dans le tourbillon quotidien
Des tourments
Des insatisfactions
Des bombardements
Et de la colère
Je n’ai qu’une mission
Tout foutre en l’air
131
132. Livre 18
Vendredi je t’attends
Aide-moi à faire le vide
Montre-moi le bout de ton nez
Fais-moi entendre ta voix
Pendant que ta douceur
Aiguise mes sens
Contre la froideur de l’absence
Et mes blues du lundi
132
133. LES CAHIERS DE POESIE
Ton retour
Je te perds
Petit à petit
Tu t’éloignes
Je le sens
Ta silhouette
À l’horizon
Disparaît
Trêve de clairvoyance
Une hésitation
Dans la pénombre
En est même disparue
Mon ombre
À jamais
Elle te cherche
Elle quémande
Ton retour
133
134. Livre 18
La critique
Elle n’en fait qu’à sa tête
Consternée des réactions suscitées autour d’elle
Elle se fout des qu’en dira-t-on
Elle aime sans condition
Les écrits
Les épigraphes
Et tous les tableaux
Ceux qui vous font rire aux larmes
Et qui ressuscitent le soleil dans le cœur de l’éploré
Ceux qu’on n’oublie jamais
Les bouquins classiques méritant qu’on s’y attarde
Et qui nous éclaboussent d’émotions
De sensations diaboliques à nous faire perdre la tête
Et de sentiments troublants
À nous faire perdre haleine
Elle critique
Sans cesse
Tout ce qui effleure ses sens
Et tout ce qui donne un sens
À sa vie.
134
135. LES CAHIERS DE POESIE
C’est fini
L’escalier des regrets
Les enjambées de l’ignorance…
Tant de marches à monter
À en perdre haleine
Pour se faire rouler dans une couverture
Du haut de l’escalier
D’un seul coup de balai
D’un revers de main
D’un croc-en-jambe
Jusqu’en bas
Le parvis des mots
N’a nullement besoin d’un escalier
Imposant son sombre dictat
Sur la beauté du rêve
La recherche de l’emprise
Son besoin de dominer
N’aura su tromper mon œil de lynx
Férocement bien ouvert à toutes ses atrocités
Plus aucun mystère
Pour son cœur de pierre
C’est fini !!!
135
139. Quamille - jeune jument Haflinger
regard de douceur avant que sa vie ne lui ait été volée…
www.lfpc.asso.fr/Affaires/Quamille/Quamille.html
139
140.
141. sens sur ta joue
longue nuit
quand le soleil fuit
lui qui aimait éperdument
plonger son sourire étincelant
le matin, en se réveillant
dans l’or blanc si fin
de ses crins
Longue nuit
quand le sommeil fuit
devant nos rêves saccagés
devant une foule enragée
seul sur un chemin perdu
avec ce cri, déchiré,
espoir trahi, vie rompue
longue nuit
sans pleurs, juste la pluie
lave mes pages, efface
mes torrents, les traces
de mes larmes séchées
sous un soleil d’or blanc d’été
sens sur ta joue ses cils dorés…
pour Quamille et Lubie,
Thierry, Arnaud, Michel qui les ont aimées
et nos nuits blanches
Hernan, 9 mars 2009
141
142. Livre 18
ses yeux
un jour,
dans son temps
ou dans dix ans,
une pouliche naîtra
crins de soie
robe d’or feu
front étoilé
avec ses yeux
ses yeux…
et tu sentira
ses cils
sur ta joue
incrédule
tu la reconnaitras
pour Thierry
dans le souvenir de demain
qui attend déjà
Hernan, 10 mars 2009
Déa L’Hoëst
142
143. LES CAHIERS DE POESIE
cinq ans…
version française librement re-écrite d’après l’allemand « südostmond »
décembre 2006
puisque
demain les enfants
joueront toujours,
demain les camélias
fleuriront encore
là où passe
le petit chat
et des poulains
naitront au printemps
puisque
la marque
au fer rouge, trace
de ta jalousie
s’adoucira
puisque…
sous la caresse
de ma main
tu dors,
mon joli
la chaleur de midi,
le sable blanc
143
144. Livre 18
de la dune fleurie
d’or
berce ton oubli
ars dans la rêverie
du temps,
oublie
ma tristesse,
le soleil couchant
dans le froid
sous les branches du grand pin
couché par le vent
où je t’ai quitté
oublie
tes moments
de solitude, de détresse
d’abandon…
pendant cinq ans…
reviens-moi
puisque
demain encore
je penserai
à toi
puisque
demain encore
des enfants
t’attendront
pour jouer avec toi,
avec des poulains
et le grand chat
quand refleuriront
144
145. LES CAHIERS DE POESIE
les camélias
à Tayzon
12 mars 2009
quart de lune
plein jour
haut dans le vent vole la neige
des vagues immensément cabrées
dans un caprice d’écume épaisse
parsemant de flocons blancs
toute la plage ; mon jeune alezan
fuit à travers la mousse salée,
cabriolant, sautillant, zigzaguant,
déchaîné dans son jeu d’éviter
ces fleurs marines qui dansent,
se défoulant au jeu volant
avec des balles ailées de plumes
poussées au souffle de la brise
qui les déchire en mille lambeaux
pour construire au pied des dunes
avec cette neige des châteaux ;
haut dans le ciel montent les vagues
aux crinières ondulées, frisées,
cabriolant sous la force du vent
piqués des dards d’un soleil couchant,
tous crins dressés pour chatouiller
les gigantesques baleines bleutées
en montagnes de nuages gris
au ciel novembre lumineux,
dressées dans leur immobilité
étonnante, étonnées, figées,
145
146. Livre 18
elles contemplent bouche bée la lune
croissant brillant blanc platine
qui couronne les dunes au sud-est
dans un ciel bleu cyan plein jour,
bien avant que ne tombe le soir
146
147. LES CAHIERS DE POESIE
rives de rêves
passage nocturne au détour des pages
m’ouvre la porte de plaintes tout en douceur
accrochées aux rêves, à l’image de fleurs
fanées déjà, jetées là sur le passage
voilés les souvenirs de bonheurs mutilés,
un passé qui s’impose dans le matin clair,
dicte la marche, guide les pas à l’envers :
le sommeil vole la vie au chant éveillé
paupières lourdes refusent de se fermer
dénigrent le sommeil, refusent de rêver
s’ouvrent toujours aux jours où la vie fut grande
brillent du feu d’un passé à peine perdu
pour renouer tous les fils d’une vie rompue
yeux rivés sur les rives blanches du monde
sonnet, décembre 2007
147
148. Livre 18
vents
vent d’été
je tourne la tête
vers le haut,
vers le chaud
sur ma peau :
dans mes yeux
dansent, rondes
dans l’indéfini de mon monde
des lumières en jeu,
boules en fête,
boules en feu
vent de pluie
je lève les yeux,
cherche le feu
chaud des boules
dans le gris
sombre monotone
d’un matin d’automne :
mais au lieu
de boules de feux
des gouttes roulent
en pluie sur mes joues
vent de nuit
148
149. LES CAHIERS DE POESIE
blottie dans ses bras
forts, le vent froid
calme le feu,
calme mes yeux,
caresse mes tempes endolories :
en bas dans la vallée
la ville endormie
se berce sans bruit
sur ailes d’éphémères
et murmure ses lumières
Hernan, 12 février 2009
impressions visuelles d’une petite fille
149
150. Livre 18
tout oublié
j’ai tout oublié,
écarté
dans les recoins
de demains
d’avant-hier
tout oublié
le petit chemin,
toi chevauchant fier
ton gris-fer,
oreilles tendues,
naseaux dilatés,
humant l’air
sous les grands pins,
là où passait
parfois
le brocard solitaire,
celui, tu sais,
au bois gauche cassé
cet été là,
à force
de s’être trop battu
je l’ai oublié
cette brise
150
151. LES CAHIERS DE POESIE
salée sur ma peau
frisant tes cheveux
sur ta nuque bronzée,
les fougères
si hautes, si denses
cet été là
pliant en douceur
sous la cadence
de nos chevaux en sueur
oublié
comme tu avançais
dans le sous-bois
me tournant ton dos
un peu voûté
un peu fatigué
à force
de t’être trop battu,
aussi
comment
regard au loin
tu m’écoutais
chanter
souriant
scrutant déjà
le ciel bleu d’été
dans l’espoir
des bleues d’automne
Hernan, novembre 2008
151
155. Asnelles1
Voici la mer qui bat son plein,
érodant au passage
les pontons
de la dernière guerre.
Cette rumeur qu’elle écrit
et qui s’en vient remplir
la page claire de l’instant
lui est soufflée, bien sûr,
par son allié
d’immémoriales joutes,
le vent.
Et nous, les déliés
de son message entêtant,
d’un pas lent et pensif,
nous longeons sa splendeur –
coquillage de l’oreille
grand ouvert
à sa victoire inexorable.
1 Village situé sur les plages du Débarquement.
155
156. Livre 18
Élégie amazonienne
Inspiration, expiration, inspiration,
expiration… percevez-vous,
du poumon graillonneux de la terre
à nos frêles alvéoles,
le carcinome de nos actes
dont découle en fanfare
la clameur déchirante des arbres ?
Inspiration, expiration, inspiration,
expiration… oh dites, percevez-vous,
sous la caresse rieuse
du moindre brin d’herbe,
la vertigineuse étendue d’angoisse
de la feuille
à tout jamais blanche du monde ?
156
157. LES CAHIERS DE POESIE
Marin de terre
à Xavier Kergoat,
25 décembre 2008.
Un peu navire,
mon cher échalas,
mon ami au long cours.
Il faut les voir,
tes bras,
on dirait des mâts
prêts
à recevoir
et hisser voilures de rêves.
157
158. Livre 18
Neige
Je te regarde.
Mais que dire sur toi, si ce n’est que tu tombes,
qu’invariablement tu es blanche et froide et que, bientôt,
épaisse ou non, tu finiras banalement par fondre ?
Je me hasarde…
Mais qu’ajouter de plus que quiconque, ici, me suit ou
bien me précède, et a pu t’observer de même, en ayant sans
nul doute rivé à meilleurs chants ta nature éphémère ?
Mon souffle avare !
Et pourtant… l’encre à opposer à ta blancheur de
matin vespéral.
158
161. Le chat sur le mur
Le vent souffle des pensées noires à ma mémoire
Je revois l’automobile venir et repartir dans le noir
Et un vent glacial l’accompagnait, suivi de regards
Faits d’interrogations, des commentaires du parloir.
C’était devant cette maison devant laquelle je suis
Que traverse un chat loin des sirènes, loin du bruit
Le silence ayant pris possession des lieux maudits
Dont un volet grinçant rappelle une trace de la vie.
Et le chat à ma vue, étrangement seul, dans la cour,
Après être descendu du grand mur, soudain à son tour,
Se met à miauler, à geindre, devant le portail mort,
Rouillé comme les chaines qui pendent au dehors !
C’est bien dans cette maison que tout s’était produit,
Que l’horreur a pris corps, un monstre a ôté la vie
À la fillette venue demander du lait pour le chat !
Depuis, dit-on, on l’entend et on l’aperçoit parfois.
161
162. Livre 18
Vieux Louis
Je quitte cette maison abandonnée en direction du centre
Et voilà à qu’à ma surprise, au hasard d’une rencontre
Je retrouve le vieux Louis comme on aime à l’appeler ici.
Un homme gentil, avec le teint pâle et les cheveux gris.
Ses rides montrent qu’il avait vécu dans l’âpre misère,
Le fin fond de l’isolement connu de l’enfant sans sa mère.
Brave homme qui n’a pas eu de chance durant sa vie…
Et à qui on connait pour seule compagnie l’eau de vie.
Cette eau de vie qui le rend ivre mort à la sortie du bar
Où il passe ses journées à jouer aux cartes et à boire ;
À tuer le temps en attendant que lui fasse "son heure"
Comme il dit avec un rire efficace, la main sur le cœur.
Comme toujours, me salue en m’appelant "mon garçon"
Comme pour rappeler à sa vie ce manque d’affection
Qui donne envie à tout être humain de vivre en famille.
Mais lui a toujours été seul, enfermé dans la petite ville.
Je le salue aussi et m’arrête un instant le voir s’éloigner,
Le pas comme le cœur, lourds, vers l’endroit où j’étais…
Il s’y arrête et regarde le chat miauler, seul comme lui.
Une tranche de vie de celui qu’on appelle ici vieux Louis.
162
163. LES CAHIERS DE POESIE
Cœurs sans deuil
J’avance dans la ville, la pensée ailleurs, face au vent.
En allant rejoindre une précieuse amie qui m’attend…
Pour un rendez-vous, discuter et planifier son avenir,
Quand je vois, triste, le mélancolique passé resurgir,
En me dirigeant vers le restaurant où j’avais réservé,
J’ai vu cette femme connue de la ville, assez pressée,
Sortir du bar-tabac, le visage et l’être décomposés,
L’âme ailleurs comme d’habitude, en femme brisée.
Une femme qu’on dit aussi folle, perdue, sans âme,
Mais avec des états d’âmes avec la douleur du drame
Qu’elle a vécu, il y a de cela plusieurs années déjà
Alors mère de la fillette morte un jour de grand froid.
On dit qu’elle n’arrive jamais fait le deuil et s’en veut
D’avoir connu ce monstre qui a pris «son précieux»…
Trésor pour une femme : son cœur, sa vie, son enfant.
C’était son ex compagnon, jaloux d’un pseudo amant.
Certains lui prêtaient une liaison avec le vieux Louis,
Sans rien prouver. Et par vengeance, l’autre a ôté la vie
À sa petite fille dont personne ne connait le vrai père.
Mais que ces mêmes langues disent enfant d’adultère.
Alors que je marche encore et arrive près du restaurant,
Je me retourne brusquement comme les autres passants.
Au loin sa voiture a freiné sec, sans savoir pourquoi…
Avant d’apercevoir sur une voiture du bas côté le chat.
163
167. L’écrit vain
Envie d’écrire
De partager
Notre Amour naissant
Présent
Aux échanges de pupilles dilatées
Bleutées et grisées de désir
Réciproque
Envie de partager
D’être enfin
Ce que nous n’avons jamais pu
Nous avouer
Mais en vain…
167
168. Livre 18
Éclaircie
Nuages de pages blanches
Où viennent se crasher mes maux
Solitaires accomplis
Indispensables à ma survie
Dure prérogative
Que celle
De ne rien demander ni attendre
Éclaircies
Apprécier
Ces sens uniques
Se dessiner enfin
À ma vie…
168
169. LES CAHIERS DE POESIE
Belle
Belle
Clandestine passion de nos cœurs
Saveurs paisibles
De bulles et rythmes effervescents
Incitation à vivre uniquement
Du présent
Belle
Sensible et sentimentale
Accordant chaque corde de nos violoncelles
Pour que jamais aucune note
Diabolique et victime
Ne vienne
Nous envenimer
Belle
Réceptive à nos charmes
À la sincérité de nos regards
Belle
Blanche ailée
La plus belle…
169
173. Si belle Essaouira
Le jour paré des flots d’entre les fonds s’éclaire
Un matin solitaire au fil au ras des eaux
Seul un trait, un halo, un horizon de terre
La ville sur la mer comme un seul oripeau
Le vent les fait briller d’une écume de sable
Le ciel est noir de nuit et la ville endormie
Lorsque revient le jour, on chante alors la fable
Des bateaux des marins aux mers ainsi soumis
Cette Afrique si blanche est venue de mon rêve
D’un passé animé de canons en bastions
Des cendres des absents et des vagues de sève
Ligne lasse elle étend les maisons les missions
De la mer, l’azur bleu couronne ces beautés
Le jour n’est que matin triomphant et heureux
Quand l’océan fougueux s’enflamme à ses côtés
Essaouira s’éveille ardente au cœur joyeux
173
174. Livre 18
Avec toi
Ne me laisse pas mourir
Seul avec un inconnu
Ne me laisse pas partir
Sans toi sans t’avoir revu
Dis-moi, au dernier instant
Je veux de tes bras ballants
Des caresses de tes mains
Un geste, un rire un destin
C’est toi qui me porteras
Et tes doigts dans mes cheveux
A toi qui me mèneras
Là, je pourrai dire adieu
Dis-moi, au moment ultime
Tu seras là ? Là tout près
Contre moi face au vent frais
Qui m’attire dans l’abîme
174
175. LES CAHIERS DE POESIE
Les Evzones d’Athènes
Guerre
Inconnu
Toi
Gardien de la stèle
Garde
Immortel
Toi
Gardien République
Marche
Et martèle
Toi
Et marche soldat
Claque
Frappe et frappe
Toi
Un deux en sabot
Veille
Et surveille
Toi
Et au pas au pas
Vent
Bondissant
Loin
Et vole gardien
175
176.
177. Jean-Michel A. HATTON
(USA)
jm.a.hatton@gmail.com
http://lencrier.wordpress.com
177
178.
179. Rebelle
Sa chevelure lèche le ciel;
troupeau de gazelles
bondissantes, lapant les
steppes azurées de leur sabots
de soie.
Ses bras
découvrent les chemins
que ses doigts griffent dans l’air,
sa respiration enveloppe ses élans
comme un châle frémit par le vent,
ses lèvres et ses paupières
haletantes
enfièvrent la rocaille sèche
de la robe de ses
dérobées, Ô tellement fraiches.
Ses anches
telles les ailes d’un papillon
fouillent
chaque recoin d’air,
179
180. Livre 18
traduisent
avidement une à une les
runes oubliées,
et
s’abreuvent
d’une langue qui ne
s’épanche qu’avec le corps.
Oh, laissez-la, vous!
Ses pas, pulsant le sol saoul,
brûlent de l’aquilon Afghan
la poussière en diamants,
au son de cette musique
longtemps
interdite par les Talibans.
De la rebelle en treillis, la Kalashnikov
et les grenades ont disparus,
déchus
par des perles de sueur
que ses danses
tissent en rivière
sur son cou mat;
aux yeux de ce jeune soldat
un petit homme de pas plus de seize
180
181. LES CAHIERS DE POESIE
elle
n’est plus qu’un
cygne dans le désert
et il en pleure.
Il en pleure des pleurs saccadés,
qui sentent si bon la liberté
car
le môme ne savait pas que c’était si beau
de voir
une femme danser.
181
185. Le papillon
Traçant dans l’air d’été son folâtre dessin,
Le papillon recherche un nectar qui l’enivre :
Bienheureux l’animal qui n’a d’autre dessein
Qu’un calice ignorant les morsures du givre !
Comme une feuille flotte au dessus du chemin,
Il s’envole à la mort qu’un vent noir lui délivre,
Mais l’instinct qui le fait oublieux du demain
Le préserve toujours de la douleur de vivre.
Lorsque l’angoisse épie et pourchasse mon cœur,
A l’heure où sans un bruit, d’un geste ample et vainqueur,
La nuit rabat sur moi son filet d’étincelles,
Je ne peux, pris aux rets de ces soleils lointains,
Percé de leurs rayons depuis longtemps éteints,
Déployer qu’un regard peint d’aveugles ocelles.
185
186. Livre 18
Storm
Soudain, dans l’ouragan que leur galop déchaîne,
Les nuages gonflés de fureur et de haine,
Montés sur leurs chevaux que n’apaise aucun frein,
Font luire dans les airs leurs longs sabres d’airain !
Fantassins en rempart dressant leurs hallebardes,
Les lisières des bois se tiennent sur leurs gardes,
Mais le choc est si dur que leurs corps fracassés
Tombent en gémissant, dans la fosse, entassés.
Je vois étinceler, sur les eaux qui refluent,
Les éperons aux flancs des coursiers qui se ruent
Dans les roulements sourds des tambours en renforts…
Une nuée au loin se déchire et s’enflamme,
Comme le drapeau blanc qui tremblote et réclame
Un lit pour les blessés, un tombeau pour les morts.
186
187. LES CAHIERS DE POESIE
Le sacre de l’automne
A ta beauté je veux offrir cette couronne ;
A vous, chemins des bois par la grume embaumés !
Je hume le parfum de tes cheveux aimés
Où tombent en langueur les frondaisons d’automne.
Sous ces fauves couverts que la sève abandonne,
Rêveur, je me repose, et mes regards charmés
Suivent les mouvements des rameaux alarmés
Par la brise du soir où le soleil frissonne.
Cascatelle qui croule et glisse en longs froufrous,
Ton flot tumultueux teinte de reflets roux,
Sur un lit de rochers, la mousse, et la renverse…
Tends-moi ta chevelure aux filaments de miel,
Et je la dénouerai de ma main qui la berce,
Ma reine, pour couvrir l’immensité du ciel.
187
188. Livre 18
Tombeau du chat
Ami du pharaon, confident du poète,
Il n’obéit jamais qu’aux lois de son désir,
Et d’un songe lointain prolongeant la conquête,
Il nous prend d’un regard impossible à saisir…
Le mystère est ton arme, étrange et noble bête,
Jalouse de se plaire et de s’appartenir,
Dont je caresse encore en un coin de ma tête,
Grisé par son pouvoir, le vibrant souvenir.
Dans ton pelage épais et chaud comme une laine,
Cependant que mes doigts dessinaient en douceur
Le motif amoureux dont mon âme était pleine,
Tu savais de ta griffe, avec un air moqueur,
Agacer mon chandail pour l’effiler sans peine,
Et débrouiller ainsi l’écheveau de mon cœur…
Tout çà pour chat…
188
191. Weeds
Le serpent gît sous les décombres
Comme un bandeau de fer
C’est de son revers qu’on le distingue
Comme un soulier de verre
C’est de son reflet que l’on s’écarte
Le serpent vit sous les décombres
Trahi par son venin
Il reste seul sous les décombres.
Underground
J’épie les regards froissés
J’épie le vent caresser ta peau
J’épie ta raison et te déteste
J’envie les rayons qui te blessent
191
192. Livre 18
Clair-obscur
Le noir couloir de mes sombres victoires
Au lendemain d’un monde de funestes espoirs et d’éternels
regrets
De ta douce voix siffle une chanson pour sourds
Pour ceux qui perçoivent ce que l’on n’entend plus
Un triste matin fait de lumière et d’or
De rose et de bleu te noie
Ton matin est un souffle
Une bise qui réchauffe ma peau
Ma peau, mon sel, mon essence
Ma douce peine n’est plus qu’un air
Un air triste que l’on ne fredonne plus
Un de ces air que l’on ne peut plus entendre
Un air de rien
Rion
Les décombre abstraits
Aveuglent les penseurs
Aux chemins divergents
Du mal et de ses fleurs
192
193. LES CAHIERS DE POESIE
Bar 3
Je rêve d’un monde de silence, où tout se sait sans se dire.
Une omniscience sans précédent. Un monde simple et
utopique. Mais c’est un monde sans double sens. Un monde
de triste solitude. Un peuple et son opium. Un odieux
châtiment dont l’origine écœure. Une silhouette sans forme
trahissant les décombre d’un rêve suspendu. Un rêve tenace
rongé par ses idées. Aucun pied sur une terre qui s’effondre.
Mais l’espoir, encore, dans son obscur nuage, de rage et de
démence.
Et tout recommencer une fois de plus. Et tout perdre à
nouveau, sans chercher à comprendre l’absence de vertige.
Une conscience des sens. Une ruine funeste. Une abjecte
suffisance de sulfureuses jalousies. Une fausse passion
fondée sur l’impuissance, l’incapacité même d’être
seulement soi-même.
Up side Down
Un gouffre nous sépare : les autres.
Dédale.
Détalles!
193
194. Livre 18
John Jane June
L’académie des mots.
Des amants morts.
Déments.
Montobello
Des hommes en bleu blanc rouge sous la fumée.
Un peuple et sa patrie.
Sous la fumée, la mort.
One
Laissons-les dires.
Laissons-les faire.
Défaire ces mots.
194
197. Les vraies vacances
Quand on prend les grandes vacances de la vie
les saisons n’ont plus d’importance
l’été, l’automne ou l’hiver, qu’importe
excepté le printemps avec sa douceur
ses fleurs ses odeurs ses caresses.
Quand on prend les grandes vacances de la vie
plus de contraintes ni d’obligations
trop dures, imposées d’en haut,
sauf celles qu’on s’impose soi-même
dans l’idée qu’il est bon de faire quelque chose.
Pensez donc, on se lève à son heure
on déjeune comme on veut quand on veut
on musarde et on joue
à cache-cache avec le temps avec son épouse
ou avec les petits-enfants rieurs espiègles.
Il y a encore bien des choses
dans les grandes vacances de la vie
finalement le temps est court
on voudrait toucher à tout, tout faire
à chaque jour ne suffit pas sa peine.
C’est le temps gagné sur le temps
le temps des cerises et des fraises
celui qu’on goûte sans trop penser au lendemain
le rab, la rallonge en somme
celui qui toujours fait du bien.
197
198. Livre 18
C’est incroyable
Toujours l’événement gêne la pensée
le sentiment domine
l’émotion brouille la vue
les yeux pleurent avant
d’avoir compris ce qu’il en est
c’est ce qui n’est pas qui compte
le je ne sais quoi est tout
presque rien n’est compréhensible
et le reste à l’avenant…
on veut retrouver l’intelligible
on n’y parvient pas
c’est ça l’aventure du hasard
c’est ça le fruit des jours
qui passent et reviennent
des jours qui fuient indéchiffrables
les jours perdus impénétrables
transpercés de mille hasards.
Et nous toujours nous resterons
abandonnés dépassés déplacés
détrompés par le réel tortueux
trompés par nos frères humains
impénétrables eux mais révoltés
notre naïveté sans bornes
toujours trébuchera d’une déception
à l’autre sans cesse et encore
seul le Malin y retrouve ses petits.
198
199. LES CAHIERS DE POESIE
Le bleu du ciel
Que le ciel est bleu, mais quel bleu
le ciel est bleu d’un bleu infini
un bleu rêvé mais quelle palette
cette immensité que l’on aime
vers laquelle on aspire transporté
alors c’est si beau
on voudrait chanter cet espace
ce champ illimité des espoirs
la promenade immortelle des fleurs bleues
où il n’y a que des nuages de sérénité
nous regardons et c’est trop beau
l’esprit vagabonde l’imagination s’envole
trop d’images poétiques qui affluent
le peintre prend son pinceau
et brosse un tableau de rêve enchanté
Que le ciel est bleu d’un bleu profond
nous on chavire on a l’âme ravie
et pourtant ces cieux sont trompeurs
en dessous il y a des hommes qui eux
ne rêvent pas comme nous sauf plaies et bosses
leur méchanceté leur hargne se déchaînent
pour démentir le bleu des cieux
et le larder de griffes rouges de feu
et de sang.
199
200. Livre 18
Retrouver
Retrouver la tranquillité des jours
de peur de l’avoir perdue
la naïveté de l’enfance
et ses tableaux ses aquarelles
Retrouver l’émerveillement de jadis
le chatoiement des feuilles au soleil
le gazouillis des oiseaux
la rosée du matin chantant
Quelque chose que nous avons aimé
un passé que nous croyons plus beau
à ce jour vu de loin
parce que c’est en nous
filtré par les ans les saisons
mais toujours il nous est cher
et nous voulons donc le revoir
le revivre le respirer le sentir
C’était la tranquillité des jours
celle dont on se souvient
qui nous emplissait de joie discrète
Ah ! quand la reverrons-nous ?
200
201. LES CAHIERS DE POESIE
Ah la parole !
Mes nuits sont plus longues que vos jours !
Mais qu’est-ce que cela veut dire
comment est-ce possible ?
ça n’a ni queue ni tête
où sont la logique le bon sens
n’importe où n’importe quoi
on parle à tort et à travers
voyez-moi ça ça cause ça dit
on ne sait quoi à vous donner le tournis
C’est ça, n’est-ce pas, la machine à paroles !
Comme disait Noam Chomsky
chaque locuteur sait inventer
une infinité de phrases
et c’est ça le discours.
Alors j’invente…
201
205. Parles
Parles,
comme si tu entendais pour la première fois ta voix
et rencontre tes mots
avant qu’ils appartiennent à d’autres regards,
lorsque nous nous trouvons dans une image d’enfant
je désire te voir en double, pour te voir plus fort.
Tu déclencheras un feu d’artifice de joies très loin, là-bas,
où dans le mouvement d’un océan de blé,
la vie ne se révolte plus.
Quelqu’un dicte le calme,
chuchote des mots scintillants et va et vient en nous,
jaillit comme une fontaine de larves multicolores
et des pétales en noix de coco.
Les perles chantent avec leurs bouches minuscules,
les étoiles se douchent au piment
et éternuent comme un nouveau né,
les gouttes de riz se noient dans la voie lactée.
La dictée vient de celui qui sent
et entend qu’autour des choses vagabonde une force,
nous laissant pleurer en inversion
et le nacre sonnant se loge dans les cellules
comme une coquille d’œuf coucou.
Et ces voix, sons et syllabes recroquevillés,
gravés dans la mémoire comme un tatouage invisible,
les peaux reflètent un effleurage,
qui n’arrête pas de vieillir.
Au loin, un chœur de chant,
205
206. Livre 18
si loin que nous n’apercevons
que le mouvement des lèvres dans notre imagination,
comme je n’aperçois seul le parfum d’une présence
dans le coup d’air d’un passant sur le pavé inconnu
et un jouet mobile crée des bulles de savon
propulsant le temps en couleurs d’arcs-en-ciel
et c’est comme si tu parlais encore
en ignorant le miel et le poivre,
dans le choix de tes mots.
206
207. Daniel ARANJO
(France)
daniel.aranjo@univ-tln.fr
207
208.
209. Cri
Sombre, et claire amante, d’où viens-tu ?
où,
ô fille-gazelle-sœur,
où repars-tu déjà ?
Je t’aimerai de loin, ô reine,
puisqu’il le faut bien, capricieuse enfant
nue comme un sourire,
vêtue de l’ombre d’un seul diamant -
ah mais ah
que nous préférerions embrasser,
nous, Sapphô
(ton pharaon et aussi ton roi),
de près
(en un seul rire, fluide, de chemise)
jusqu’au fond tes
noirs
et longs cheveux égyptiens micacés
à poudre luisante d’encre
et te
les […]
209
210.
211. Monique NUGHEDU
(France)
monique.nughedu@charente-maritime.pref.gouv.fr
Mikis Théodorakis en train de diriger un orchestre,
à l’encre de chine sur papier noir. 1973.
211
212.
213. Liberté
Écrit à l’âge de 16 ans
A Mikis THEODORAKIS
Toi ma patrie perdue qu’un chant d’amour résume
Existes-tu vraiment sous un tiède horizon
Ou n’es-tu que ce mot sur les murs des prisons
Liberté ! que le soir d’espérance rallume
Ah ! si vous connaissiez cet amour qui m’obsède
Vous ne comprendriez pas que je survive encor
A ce rêve absolu qui embrasse et qui mord
Et que chante pour moi la brise citharède
Sous les arbres lointains de ma patrie perdue
Souvenir d’une vie authentique et sereine
Qui dans ce monde obscur alimente ma peine
Et soutenant ma vie, tout de même me tue
Mais le ciel est si beau, au-dessus de la terre
Que tu dois exister, liberté, quelque part
Et qui sait si jamais, à ce jeu de hasard
Je ne gagnerais pas de revoir ta lumière.
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214. Livre 18
À Kazantzakis
Hérakleion s’endort et te rejoint en rêve
Le sang ne coule plus mais il est dans le soir
Sur la blanche Candie un voile rouge et noir
De nostalgie mêlée au jour bleu qui s’achève
Il est libre celui qui meurt et se relève
Es-tu là victorieux ou dors-tu sans espoir
Tes yeux sont-ils ouvert sur ce qu’on ne peut voir
Ou fermés sur les joies d’une existence brève
Ton sang est retourné sur la terre de Crète
Pourquoi tant de questions puisque justice est faite
Autour de toi sont des héros les os blanchis
Au-dessus de la ville encore ta voix vibre
Sur un tombeau en quelques mots disant ceci
"Je ne crains rien, je n’espère rien, je suis libre".
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215. LES CAHIERS DE POESIE
Méditerranée
C’est vrai, la mer ressemble à un vin tumultueux
Homère avait raison, elle amène aussi loin
La mer a enivré des peuples de marins
Qui partaient plus longtemps pour être moins heureux
Mais que préfère-t-on, de sortir de l’ivresse
Ou de rentrer au port ? Et le songe en allé
Ne vaut pas les trésors de la mer rapportés
Et après si longtemps de revenir en Grèce
Le vin ne t’eut pas fait connaître Calypso
La cruelle Circé, Nausicaa la fière
Qui t’accueillit aux bords de Corfou la première
Toi, Ulysse divin qu’amenèrent les flots
Et celui qui connaît l’amer goût de l’exil
Revient souvent rêver devant la mer profonde
Comme s’il attendait que, messagère, l’onde
Le rappelle, il écoute une voix, semble-t-il.
La mer se souvenant des dieux qu’elle a portés
Murmure doucement leurs noms comme une plainte
Et l’écume sans fin récrit leur gloire éteinte
Avec les mots changeants par les vents inventés
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216. Livre 18
L’Evzone
Quel souvenir ému s’attache-t-il à vous
Hanches drapées de noir, taille forte et bien prise
Marbre sous le tissu qui frissonne à la brise
Chair vivante pourtant où le désir se joue
Dos à peine courbé du creux des reins au cou
Sous la tunique sombre et collante, un peu grise
A force de soleil qui la forme électrise
Dessinant sur la soie la peau qui est dessous
Chute des hanches faite et la taille exaltée
D’une étroite ceinture à peine soulignée
Pour une idée de force, aspect qui vit et brûle
Beauté d’homme portant le vivre et le mourir
Éphémère pour qui l’éternité recule
De cet instant charmeur évoquant le plaisir.
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