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présentant une polyarthrite rhumatoïde (n = 7), une maladie
inflammatoire chronique intestinale (n = 6), une connectivite
(n = 6), une vascularite systémique (n = 2) ou une maladie de
Still de l’adulte (n = 1). Ces patients recevaient divers immuno-
suppresseurs (méthotrexate dans six cas, azathioprine dans sept
cas, cyclophosphamide dans sept cas, mycophenolate dans un
cas et infliximab associé à d’autres immunosuppresseurs dans
trois cas). Dix-neuf patients recevaient une corticothérapie en
plus de leur traitement immunosuppresseur. Les manifestations
viscérales associées à l’infection à CMV étaient essentiellement
pulmonaires (n = 9). La prise en charge de l’infection à CMV
associait de fac¸on diverse la prescription de ganciclovir (n = 14)
et/ou l’arrêt du traitement immunosuppresseur (n = 12) et/ou
l’utilisation de médications variées (granulocyte colony stimu-
lating factor [G-CSF] ou immunoglobulines intraveineuses, par
exemple).
L’évolution était fatale dans cinq cas. Trois décès étaient attri-
bués à une pneumopathie à CMV. Tous les décès sont survenus
chez des patients dont l’infection à CMV était grave d’emblée,
aboutissant à une situation irréversible une fois le diagnos-
tic porté. Lors des pneumopathies à CMV survenant chez des
patients traités par méthotrexate, le diagnostic de pneumopa-
thiemédicamenteuseétaithabituellementévoquéetletraitement
par méthotrexate rapidement remplacé par une corticothérapie,
avant que ne soit porté le diagnostic d’infection à CMV.
Dans ces 22 observations, il n’est pas toujours possible de
distinguerlesprimo-infectionsdesréactivations.Toutefois,cette
distinction a probablement peu d’impact sur la prise en charge
thérapeutique. Ainsi, on sait que chez les patients transplan-
tés rénaux, les manifestations cliniques de la primo-infection à
CMV ne diffèrent pas de celles de la réactivation, et sont traitées
de fac¸on similaire [5].
Les immunosuppresseurs utilisés dans le contexte de la trans-
plantation de moelle ou d’organes n’auraient pas tous le même
effet sur l’infection par le CMV [22]. Dans le cas des maladies
inflammatoires chroniques, on ne dispose d’aucune estimation
du risque d’infection à CMV en fonction du traitement rec¸u.
On peut toutefois noter que dans 21 cas sur 22, l’infection à
CMV est rapportée chez des patients recevant un immunosup-
presseur en plus de la corticothérapie (Tableau 1). Dans l’unique
cas publié chez un patient ne recevant que des corticoïdes, des
bolus de fortes doses de méthylprednisolone avaient été admi-
nistrés trois semaines avant le diagnostic d’infection à CMV.
Pour l’infliximab, une étude effectuée chez des patients traités
pour une polyarthrite rhumatoïde sévère suggère que ce traite-
ment n’induit pas de réplication du CMV [23]. Dans les trois
observations d’infection à CMV rapportées chez des patients
recevant de l’infliximab (Tableau 1), d’autres immunosuppres-
seurs étaient associés, rendant impossible l’imputation directe
de l’anti-TNF.
Même si l’interruption du traitement immunosuppresseur est
prudente, notre observation, comme plusieurs cas rapportés dans
la littérature (Tableau 1), montre que la guérison des formes
symptomatiques de l’infection à CMV est possible malgré la
poursuite de l’immunosuppression. L’expérience de la prise en
charge de l’infection à CMV dans le contexte de la transplanta-
tion montre également qu’il est possible de maîtriser les formes
symptomatiques tout en poursuivant le traitement immunosup-
presseur [24].
Chez les patients transplantés rénaux présentant une infection
à CMV, il est recommandé de prescrire un traitement antiviral,
dans la mesure où il est impossible de prédire si la guérison
sera spontanément obtenue [5]. Il paraît prudent d’agir de fac¸on
analogue chez les patients traités par immunosuppresseurs pour
une maladie inflammatoire chronique, sachant les risques de
complications graves, voire mortelles auxquels ils sont expo-
sés lors d’une infection à CMV symptomatique (Tableau 1).
À ce jour, quatre médicaments actifs sur le CMV sont com-
mercialisés : le ganciclovir, le foscarnet, le cidofovir et le
valganciclovir. Ce dernier produit a l’avantage de sa dis-
ponibilité orale comparativement aux autres molécules. Aux
posologiesdevalganciclovirpréconisées,l’expositionrésultante
au ganciclovir est similaire à celle obtenue après administra-
tion intraveineuse de ganciclovir [22,23]. À notre connaissance,
aucune étude de traitement curatif d’infection à CMV chez
des patients traités par immunosuppresseurs pour une mala-
die inflammatoire chronique n’est publiée à ce jour. Pour des
patients dont l’état clinique n’est pas immédiatement menac¸ant,
comme le cas rapporté ici, un traitement par valganciclovir
mérite d’être tenté. On peut en apprécier l’efficacité clinique en
quelques jours, avant de recourir à un traitement par voie intra-
veineuseencasd’inefficacité.Eneffet,quandladuréenécessaire
pour obtenir la guérison est précisée, les auteurs insistent sur
la rapidité de l’amélioration clinique et biologique, obtenue
en quelques jours, comme dans l’observation rapportée ici. La
durée du traitement n’est pas codifiée, et sera adaptée au cas
par cas, en se guidant sur les critères d’évolution clinique et si
nécessaire sur l’évolution virologique. Une prophylaxie secon-
daire n’est probablement pas indiquée d’emblée, surtout s’il est
possible de réduire l’intensité du traitement immunosuppres-
seur.
En conclusion, l’infection à CMV symptomatique est
d’évolution imprévisible et potentiellement grave chez les sujets
traités par immunosuppresseurs pour une maladie inflamma-
toire chronique. L’observation rapportée dans cet article suggère
qu’un traitement par valganciclovir peut être utilisé dans ce
contexte, avec une bonne efficacité et une bonne tolérance. En
l’absence de données issues d’essais cliniques, l’attitude pra-
tique suivante peut être proposée pour un patient présentant une
fièvre inexpliquée dans le contexte d’une maladie inflammatoire
chronique :
• rechercher l’antigénémie pp65 du CMV ou mesurer la charge
virale quantitative dans le sang par PCR ;
• si l’antigénémie ou la PCR sont positives, rechercher une
localisation viscérale (pulmonaire, intestinale, biliaire, oph-
talmologique ou neurologique) ;
• en cas de localisation viscérale, initier un traitement par
valganciclovir (réserver le ganciclovir aux situations immé-
diatement menac¸antes) ;
• le traitement antiviral peut aussi être discuté en cas de fièvre
persistante isolée et inexpliquée, chez un patient dont les
marqueurs virologiques montrent une réplication virale ;
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• poursuivre le traitement immunosuppresseur si la maladie
inflammatoire l’exige, ce qui sera le plus souvent le cas ;
• une fois l’infection contrôlée, ne pas prescrire de prophylaxie
secondaire, mais maintenir une surveillance clinique et viro-
logique (par PCR ou antigénémie) et reprendre le traitement
antiviral en cas de réactivation documentée.
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