Contenu connexe
Similaire à Pneumologie rupture trachéale feline (20)
Plus de Guillaume Michigan (20)
Pneumologie rupture trachéale feline
- 1. Un chat européen âgé
de trois ans présente
une toux associée à une dysp-
née expiratoire et à un abat-
tement. Les clichés radiogra-
phiques du thorax sont
évocateurs d’une rupture tra-
chéale d’origine traumatique.
Le traitement chirurgical est
refusé par le propriétaire et l’a-
nimal meurt rapidement mal-
gré la mise en place d’un trai-
tement médical. Les ruptures
trachéales sont rares chez le
chat et le plus souvent secon-
daires à une intubation tra-
chéale. Le diagnostic repose
sur des radiographies du tho-
rax si les signes caractéris-
tiques de la rupture trachéale
sont présents. Le traitement
chirurgical est recommandé.
u
Résumé
Le Point Vétérinaire / N° 242 / Janvier-Février 2004 /70
Un chat est présenté en consultation pour des difficultés respiratoires
marquées associées à une toux et à un abattement.Les clichés radiographiques
du thorax évoquent une rupture trachéale d’origine traumatique.
n chat européen mâle non castré,
âgé de trois ans, est référé pour des
difficultés respiratoires marquées
survenues brutalement depuis vingt-
quatre heures.
Cas clinique
1. Commémoratifs
Le propriétaire rapporte également une toux
associée à un abattement prononcé depuis dix
jours. La veille de la survenue de ces troubles,
une trace de sang a été constatée sur la truffe
de l’animal au retour de sa promenade
quotidienne. Sur le moment, cette lésion a été
assimilée à un coup de griffe. L’animal ne sort
plus depuis cet incident. Le chat a été présenté
à un vétérinaire cinq jours auparavant, qui a
réalisé deux radiographies de face et de profil
du thorax. Aucun traitement n’a été institué.
2. Examen clinique
Le chat est légèrement déshydraté (5 %). Les
autres paramètres cliniques sont normaux :
température rectale à 38,7 °C, muqueuses roses,
temps de recoloration capillaire inférieur à deux
secondes.
Une toux forte non productive, qui s’aggrave
progressivement, est présente depuis une
dizaine de jours. Des phases de dyspnée expira-
toire sont observées.
L’auscultation révèle des bruits respiratoires
augmentés (sifflements bronchiques inspiratoires
et expiratoires essentiellement audibles dorsale-
ment à la base du cœur). La fréquence cardiaque
est de 200 battements par minute (normes :
140-180);lafréquencerespiratoireestde50cycles
respiratoires par minute (normes : 30-35).
3. Hypothèses diagnostiques
Devant ce tableau clinique dominé par une
dyspnée expiratoire intense, les principales
hypothèses diagnostiques sont les suivantes :
- affections de la trachée dans sa portion
intrathoracique d’origine inflammatoire
(pseudo-asthme félin), mécanique (corps
étranger, tumeur extra- ou intraluminale) ou
traumatique (rupture trachéale) ;
- affections étendues du parenchyme pulmo-
naire : œdème, hémorragies, tumeur, emphy-
sème, infestation parasitaire (aspergillose) ;
- affections pleurale ou diaphragmatique :
fracture de côte, pneumothorax, épanchement
pleural, hernie diaphragmatique, etc.
4. Examens complémentaires
Les clichés radiographiques effectués par le
vétérinaire traitant cinq jours auparavant
révèlent une opacification pulmonaire
homogène de type interstitiel de la partie
dorsale du lobe caudal droit (PHOTOS 1 ET 2).
Une image d’opacité aérique ovoïde à contour
net, de 3,5 cm sur 2 cm, est visible crânialement
à la bifurcation trachéobronchique en zone de
projection de la trachée.
• En raison des images anormales observées
sur ces premiers clichés et de la persistance
d’une dyspnée marquée, les radiographies
thoraciques sont renouvelées. L’opacification
du lobe caudal droit n’est plus retrouvée, mais
une image cavitaire aérique à paroi fine est
visible dans ce même lobe. Comme sur les
clichés radiographiques précédents, l’image de
la partie caudale de la trachée, crânialement à
la bifurcation trachéobronchique, est anormale.
Selon la phase respiratoire, une dilatation
(PHOTO 3) ou, à l’inverse, un rétrécissement du
diamètre trachéal (PHOTO 4) sont notés. Aucune
masse intratrachéale n’est observée.
Compte tenu des modifications très localisées
du diamètre trachéal et du caractère dynamique
de la lésion, ces images sont évocatrices d’une
rupture trachéale avec écartement entre deux
anneaux trachéaux et persistance de la
continuité de l’adventice, fine membrane souple
dont la position varie en fonction de la respira-
tion (dilatation ou rétrécissement de la lumière).
La localisation caudale de la lésion trachéale et
les images pulmonaires (probable hémorragie
pulmonaire résorbée et bulle : ruptures d’alvéo-
les) sont en faveur d’une origine traumatique.
5. Traitement
En raison de ces lésions de rupture trachéale
associées à une dyspnée intense qui s’aggrave,
un traitement chirurgical est proposé. Il est
refusé par le propriétaire. Un traitement médical
est alors mis en place, qui associe :
- une oxygénothérapie (cage à oxygène) ;
- un antibiotique à large spectre qui présente
une bonne diffusion pulmonaire (céfalexine) ;
- des anti-inflammatoires stéroïdiens (predni-
solone) après vérification de la fonction rénale.
U
Pratiquer / CAS CLINIQUE /
Rupture trachéale
chez un chat
PATHOLOGIE RESPIRATOIRE DU CHAT
par Inès Esteves*
et Delphine Rault**
* Unité pédagogique
de nutrition
** Unité fonctionnelle
d’imagerie médicale
ENV d’Alfort
7,avenue du Général-de-Gaulle
94704 Maisons-Alfort Cedex
© Le Point Vétérinaire - Reproduction interdite
- 2. 71/ N° 242 / Janvier-Février 2004 / Le Point Vétérinaire
L’administration a pour but de limiter la toux
ainsi que la réaction inflammatoire responsa-
ble d’une sténose luminale au niveau des deux
abouts de la trachée rompue. En outre, une
douleur thoracique vive est fréquemment
rapportée chez l’homme [4] : les corticoïdes sont
donc intéressants pour diminuer cette
éventuelle douleur qui accentue l’état de stress
de l’animal et, par conséquent, la dyspnée.
L’état de l’animal se dégrade rapidement (discor-
dance qui s’aggrave d’heure en heure). Il meurt
dans les douze heures qui suivent son hospitali-
sation malgré une intubation nasotrachéale qui
n’apporte qu’un soulagement de courte durée.
6. Autopsie
L’examen nécropsique révèle une striction de
la partie terminale de la trachée et des bronches
souches, ainsi qu’une inflammation exsudative
sévère, focalement nécrosante, associées à un
épaississement de l’adventice, à un écartement
des anneaux trachéaux et à une dilatation
postérieure de la trachée (PHOTO 5).
L’autopsie permet de conclure à des lésions de
trachéobronchite sténosante, avec une rupture
trachéale distale, associée à une lymphadénite
trachéobronchique.
Discussion
1. Étiopathogénie et épidémiologie
Rares chez le chat, les ruptures trachéales sont
dans la majorité des cas secondaires à une
intubation [9], mais elles peuvent être post-
traumatiques [7], comme c’est probablement
le cas ici.
Ces ruptures trachéales traumatiques résultent
généralement d’une lésion cervicothoracique
violente, associée à une hyperextension brutale
de l’encolure [1, 3, 5, 6, 7, 11, 12]. Comme dans
le cas décrit, la rupture de la trachée se produit
alors 1 à 4 cm crânialement à la bifurcation
trachéobronchique. Cette zone correspond à la
jonction entre un segment fixe (carène) et un
segment mobile (reste de la trachée). Elle est
donc peu extensible et particulièrement sensible
aux étirements.
Lors de rupture traumatique, les anneaux sont
écartés. Cependant, l’étanchéité trachéale est
généralement maintenue par la persistance
d’une fine membrane fibreuse (adventice) [1].
Cette lésion est donc rarement responsable d’un
pneumomédiastin, d’un pneumothorax ou d’un
emphysème sous-cutané [8].
Comme l’illustre le cas présenté dans cet article,
la dyspnée est paradoxalement tardive et s’installe
progressivement en plus d’une semaine (10,7 +/-
7,9 jours en moyenne ; valeur médiane de
12,5 jours) [7]. Elle est due à la mise en place, de
part et d’autre de la rupture, d’un tissu cicatri-
ciel qui a un effet de valve unidirectionnelle et
qui entraîne progressivement à une sténose de la
trachée (lésions de trachéobronchite sténosante
!!
PHOTO 1. Cliché thoracique en vue de profil : opacification pulmonaire homogène
interstitielle (partie dorsale du lobe caudal droit) et augmentation du diamètre
trachéal caudal.
Cliché:vétérinairetraitant
PHOTO 2. Cliché thoracique en vue de face :
opacification pulmonaire homogène interstitielle
(partie dorsale du lobe caudal droit).
Cliché:vétérinairetraitant
PHOTO 3. Cliché thoracique en vue de profil : augmentation du diamètre trachéal.
Cliché:Unitéfonctionnelled’imageriemédicale,ENVA
Points forts
! Les ruptures trachéales
sont le plus souvent
secondaires à une intubation,
mais elles peuvent également
survenir après un
traumatisme.
! Lors de rupture
traumatique, la dyspnée
est paradoxalement tardive
et s’installe progressivement
en plus d’une semaine.
! Les signes radiographiques
sont caractéristiques :
dilatation aérique
de la trachée en amont
de la bifurcation
trachéobronchique, dont le
diamètre varie selon la phase
respiratoire.
! Devant une dyspnée
marquée ou une aggravation
brutale des difficultés
respiratoires, le traitement
chirurgical doit être réalisé
le plus rapidement possible.
© Le Point Vétérinaire - Reproduction interdite
- 3. retrouvées lors de l’autopsie de cet animal). Le
passage de l’air est alors gêné au cours de l’expi-
ration, d’où l’installation d’une dyspnée expira-
toire progressive. La survenue d’un granulome
inflammatoire est favorisée par la présence d’une
infection ou d’une toux, qui entretiennent une
irritation locale (lésions de lymphadénite trachéo-
bronchique retrouvées à l’autopsie chez ce chat).
Les jeunes chats mâles semblent plus fréquem-
ment concernés [12], ce qui peut être mis en
relation avec leur mode de vie.
2. Diagnostic
• Le diagnostic de rupture trachéale intratho-
racique repose, dans un premier temps, sur un
examen radiographique. Les signes radiogra-
phiques, quand ils sont présents, sont caracté-
ristiques. Il s’agit d’une dilatation aérique de la
trachée en amont de la bifurcation trachéo-
bronchique, dont le diamètre varie en fonction
de la phase respiratoire.
• D’autres techniques sont envisageables pour
établir un diagnostic de certitude, uniquement
s’il existe un doute.
La trachéographie est en effet risquée et doit
être mise en œuvre avec précaution en raison
de la forte viscosité du produit de contraste
(solution iodée) qui gêne le travail de l’appareil
mucociliaire et obstrue parfois la sonde endotra-
chéale (augmentation du risque anesthésique)
[8]. Les risques d’œdème pulmonaire non
cardiogénique sont également élevés.
La trachéoscopie est également d’une utilisa-
tion délicate (animaux de petit format qui
présentent déjà une insuffisance respiratoire
marquée) [2]. Son utilisation semble contestée.
Outre la visualisation directe de la rupture
trachéale, la trachéoscopie permettrait
toutefois, selon certains auteurs, une évalua-
tion du degré de chronicité de la lésion (sténose
au niveau des deux segments trachéaux, dilata-
tion entre les deux abouts) [12].
3. Traitement
• Un traitement médical seul est rarement
préconisé lors de rupture trachéale d’origine
traumatique en raison de la possibilité d’aggra-
vation brutale et intense des symptômes respira-
toires [7]. Il est parfois envisagé lors de difficultés
respiratoires discrètes ou modérées qui s’amélio-
rent sous oxygénothérapie. Chez l’homme, la
principale complication lors de rupture trachéale
est d’ordre septique et une antibiothérapie doit
doncêtremiseenplaceprécocement.Laprésence
d’une infection et d’une toux peut en effet entrete-
nir une irritation locale et favoriser la survenue
d’un granulome inflammatoire qui diminue le
diamètre trachéal [8].
• Devant une dyspnée marquée ou une aggrava-
tion brutale des difficultés respiratoires, comme
dans le cas décrit, le traitement chirurgical
s’impose [7] et doit être réalisé le plus rapidement
possible, afin de limiter la sténose trachéale. En
raison du risque anesthésique élevé, la gestion de
l’anesthésie est un des points clés : oxygénothé-
rapie, induction anesthésique et contrôle rapides
des voies respiratoires pour assurer une ventila-
tion assistée, etc. [8]. Un abord par thoracotomie
droite est généralement utilisé [8]. L’intervention
chirurgicale consiste en la résection des abouts
sténosés de la rupture trachéale, puis en leur
anastomose. Une attention particulière doit être
portée à la visualisation du nerf laryngé récurrent
car des lésions iatrogènes sont possibles [13]. Les
autres complications potentielles sont le dévelop-
pement d’une infection, le lâchage des sutures
par nécrose, la formation d’une bride cicatricielle
qui risque de sténoser l’anastomose et la survenue
d’un granulome inflammatoire qui engendre une
diminution du diamètre de la lumière trachéale
[8]. Bien que les résultats soient encourageants,
les effectifs insuffisants des études disponibles ne
permettent pas de déterminer un taux de réussite
de l’acte chirurgical [4, 7, 8, 9, 12, 13]. ■
Le Point Vétérinaire / N° 242 / Janvier-Février 2004 /72
Pratiquer / CAS CLINIQUE /
!!
PHOTO 4. Cliché thoracique en vue de profil : diminution du diamètre trachéal.
Cliché:Unitéfonctionnelled’imageriemédicale,ENVA
Remerciements à
D. Rosenberg, J. Hernandez,
B. Naessens, ainsi qu’à
l’ensemble des membres
de l’UP de médecine,
de l’UF d’imagerie médicale
et du service d’anatomo-
pathologie de l’ENVA.
PHOTO 5. Examen nécropsique : lésions
de trachéobronchite sténosante avec rupture
trachéale distale.
Cliché:Serviced’anatomopathologie,ENVA
Bibliographie
1 - Berkwitt L, Berzon JL. Thoracic trauma-
newer concepts. Vet. Clin. N. Amer.- Small
Anim. Pract. 1985;15:1031-1039.
2 - Brouwer GJ, Burbidge HM, Jones DE.
Tracheal rupture in a cat. J. Small Anim. Pract.
1984;25:71-76.
3 - Feeney DA. What is your diagnosis ?
J. Amer. Vet. Med. Assn. 1979;175:303-304.
4 - Hardie EM, Sponick GJ, Gilson SD et coll.
Tracheal rupture in cats: 16 cases (1983-1998).
J. Amer. Vet. Med. Assn. 1999;214:508-512.
5 - Jörger VK, Flückiger M, Geret U. Ruptur der
trachea bei drei katzen. Berl. Münch. Tierärtzl.
Wschr. 1988;101:128-131.
6 - Kennedy RK. Traumatic tracheal separation
with diverticuli in a cat. Vet. Med. Small Anim.
Clin. 1976; 71:1384-1385.
7 - Lawrence DT, Lang J, Culvenor J.
Intrathoracic tracheal rupture. J. Feline Med.
Surg. 1999;1:43-51.
8 - Méheust P, Sanche K, Billet JP. Rupture
complète de la trachée thoracique chez le chat.
Traitement chirurgical : à propos d’un cas. Prat.
Méd. Chir. Anim. Comp. 1999;34:717-724.
9 - Mitchell SL, McCarthy R, Rudloff E. Tracheal
rupture associated with intubation in cats:
20 cases (1996-1998). J. Amer. Vet. Med.
Assn. 2000;216(10):1592-1595.
10 - Nelson AW. Lower respiratory system. In:
Textbook of Small Animal Surgery, 2nd
ed. Ed. DH
Slatter. WB Saunders, Philadelphia. 1993:777-804.
11 - Ryan CP, Smith RA. What is your diagnosis?
J. Amer. Vet. Med. Assn. 1972;161:1151-1152.
12 - White RN, Milner HR. Intrathoracic tracheal
avulsion in three cats. J. Small Anim. Pract.
1995;36:343-347.
13 - White RN, Burton CA. Surgical
management of intrathoracic tracheal avulsion
in cats: long-term results in nine consecutive
cases. Vet. Surgery. 2000; 29:430-435.
Retrouvez notre site
www.planete-vet.com
Rubrique formation
© Le Point Vétérinaire - Reproduction interdite