1. VENDREDI
28 JUILLET 2023
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PAYS D'OTHE
ANNE-CLAIRE GROSS
L
e nom de Lucie Randoin a été
oublié peu à peu par l’his­
toire, faute de descendance
peut­être. Kevin Lognoné sou­
haite faire connaître à nouveau
cette figure de la science née à
Bœurs­en­Othe (Yonne), à
quelques kilomètres de l’Aube, en
1885. « Mon arrière­grand­père a
entretenu une relation épistolaire
avec elle », explique­t­il. Théophile
Lognoné a été le fondateur des in­
dustries Probiomer, spécialisées
en nutrition et engrais à base de
produits marins. Quelques géné­
rations plus tard, le Breton Kevin
Lognoné veut mettre en lumière
cette Icaunaise qui « s’est intéres­
sée aux questions de nutrition, aux
vitamines ». « Elle a encouragé le re­
cours aux produits sains et naturels
dans l’agrotransformation comme
le gros sel de Noirmoutier, l’huile de
foie de morue », développe Kevin
Lognoné. Au total, l’Icaunaise
tombée dans l’oubli avait plus de
500 publications scientifiques à
son actif, « toujours autour de la
nutrition et de son importance pour
une vie saine et équilibrée ». Ayant
fait un important travail de vulga­
risation, à la radio comme à la té­
lévision, elle a notamment parti­
cipé à une conférence à l’initiative
de Roosevelt en 1943.
LA PREMIÈRE FEMME À ENSEIGNER
À LA FACULTÉ DE MÉDECINE DE PARIS
Agrégée de sciences naturelles en
1911, à une époque où l’agrégation
était réservée aux hommes, elle
devient docteur ès sciences en
1918, et est la première femme à
enseigner à la Faculté de méde­
cine de Paris. Au cours de sa car­
rière, elle occupera le poste de di­
rectrice du laboratoire de physio­
logie à l’Institut national de la re­
cherche agronomique (Inra) de
1922 à 1953, et de directrice de
l’Institut scientifique d’hygiène
alimentaire en 1942. Elle sera la
deuxième femme élue membre de
l’Académie de médecine le 21 mai
1946, après Marie Curie en 1922.
Et en 1951, elle ouvre avec le pro­
fesseur Jean Trémolières la pre­
mière école publique de diété­
tique à Paris.
VACCINS POUR LA RÉSISTANCE
Dévouée à cette carrière profes­
sionnelle, Lucie Randoin s’est aus­
si illustrée en temps de guerre.
Durant la Première Guerre mon­
diale, elle assure bénévolement la
direction des travaux pratiques au
laboratoire de physiologie de la
Sorbonne en l’absence du chef de
travaux et des préparateurs alors
mobilisés.
Alors que le deuxième conflit
mondial sévit, elle tient des confé­
rences sur l’alimentation en zone
libre et en zone occupée pour
maintenir la santé publique. Qui
plus est, en 1944, elle a conservé
sérums et vaccins de l’institut Pas­
teur dans des sous­sols pour la
Résistance.
CÉRÉMONIE D’HOMMAGE EN SEPTEMBRE
Pour redonner de la visibilité à la
biologiste décédée en 1960 à Pa­
ris, Kévin Lognoné a lancé un ap­
pel afin de créer un timbre à son
effigie (lire ci­dessous) et plus lo­
calement, il imagine aussi des ac­
tions symboliques. « Le Pays
d’Othe a un grand patrimoine arbo­
ricole autour de la pomme, il pour­
rait y avoir des cuvées de jus ou de
cidre Lucie Randoin. » Le 23 sep­
tembre prochain, une cérémonie
d’hommage aura lieu dans la com­
mune de naissance de Lucie Ran­
doin, à la mairie de Bœurs­en­
Othe.
Lucie Randoin, biologiste
pionnière, enfant du Pays d’Othe
Le Pays d’Othe a vu naître une biologiste d’importance, pionnière sur les questions de nutrition. Originaire de Bœurs­en­Othe (Yonne),
elle aura été la première femme admise à l’Académie de médecine après Marie Curie. Un timbre pourrait être créé à son effigie.
HISTOIRE
Lucie Randoin a été la deuxième femme élue membre de l’Académie de médecine après Marie Curie.
Un timbre à son effigie ?
Kévin Lognoné a lancé un appel afin d’émettre un timbre à l’effigie de
Lucie Randoin. Un moyen de la faire connaître à nouveau. Si la de­
mande n’a pas été retenue au programme 2023, le groupe La Poste a
indiqué que la proposition, soutenue par les deux sénatrices de l’Aube
Évelyne Perrot et Vanina Paoli­Gagin, sera examinée dans le cadre du
programme philatélique 2025.
Une demande de conception d’un timbre­poste a aussi été transmise
au Stamp Advisory Committee de Singapour. Et ce pour une bonne
raison : l’État importe plus de 90 % de ses aliments et a pour ambition
de renforcer sa capacité à produire 30 % des besoins nutritionnels
localement d’ici à 2030. Un objectif qui aurait été dans la droite ligne
des recherches menées par Lucie Randoin.