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Optique et cosmétique
En particulier la protection solaire cutanée
F. Christiaens, L’Oréal Recherche
Introduction
La cosmétique est un métier situé à l’interface de la biologie, la physico-chimie et l’art de la
beauté. Au cœur de la cosmétique, il y a l’apparence : il faut la transformer, la modifier, la
protéger, la préserver, l’améliorer… Or l’apparence est jugée visuellement. L’œil critique
apprécie la couleur d’un visage, sa carnation, l’éclat du teint, le relief cutané, la brillance
d’une chevelure… L’optique a donc une place naturellement objective dans la cosmétique.
L’optique est associée étroitement à la chimie et à la physique pour la découverte et la carac-
térisation de molécules et de matériaux. Dans le domaine des Sciences du Vivant, l’optique se
trouve dans les trois axes de la création d’un produit : la sécurité (innocuité), l’efficacité et la
recherche.
Sécurité
Tout produit cosmétique doit franchir avec succès une multitude de tests de sécurité avant
d’être mis sur le marché. Ainsi, un mascara se doit non seulement de ne pas être irritant pour
la peau ou pour l’œil, mais aussi de ne pas être allergisant. En amont, toute matière première,
avant d’être incorporée dans un produit fini, est nécessairement validée par une batterie de
tests toxicologiques dans lesquels les modèles de peau reconstruite in vitro prennent une part
déterminante. La photosensibilisation, la photomutagénicité ainsi que bien d'autres effets
biologiques dus à la lumière sont systématiquement testées.
La peau et les cheveux sont exposés naturellement à la lumière : cette lumière est reproduite
en laboratoire (Suntest ou Xenotest Atlas / Heraeus, simulateurs solaires à arc xénon) pour
examiner toute éventuelle photodégradation des produits. Les photoproduits sont analysés et
dosés, notamment par chromatographie liquide à hautes performances. Un exemple simple
concerne les produits de protection solaire. Ils subissent des expositions plus ou moins inten-
ses et de durée plus ou moins longue. Il est important que le produit ne se dégrade pas au
cours du temps sous l’action du rayonnement. La photostabilité des produits est donc testée :
la quantité restante de produit après irradiation est dosée, ainsi que les éventuels produits de
dégradation. Chez L’Oréal, de longues recherches ont été consacrées à la mise au point de
nouveaux filtres à spectre large et photostables pour la couverture de l’ensemble du rayonne-
ment ultraviolet nocif pour la peau, et responsable du vieillissement accéléré. Ces nouveaux
filtres ont la propriété de libérer l’énergie qu’ils absorbent efficacement par changement de
conformation isomérique cis-trans, réversible, ce qui leur confère une grande stabilité.
Efficacité
Toute revendication doit être prouvée. De ce principe, découle la nécessité de mesurer
l’efficacité d’un produit. Des méthodes originales physiques ou biophysiques sont donc dé-
veloppées pour évaluer les produits. À chaque fois, l’optique occupe une place importante.
• Physiquement, la couleur d’un rouge à lèvres ou d’un vernis à ongles doit être stable dans
le temps. Un filtre anti-UV est très souvent associé aux produits pour que leur couleur soit
préservée, et donc leur efficacité garantie. De même, les colorants et teintures capillaires
font l’objet de tests systématiques et multiples pour suivre la tenue de la couleur sur che-
2
veux à l’exposition solaire, aux intempéries, au lavage par les shampooings répétés etc.
Les mesures sont faites à l’aide d’un colorimètre.
• Les produits de protection solaire sont testés selon une méthode exhaustive qui aboutit
actuellement à l’établissement du Facteur de Protection Solaire (FPS) inscrit sur les fla-
cons. Plus le FPS est élevé, plus la protection contre le coup de soleil est efficace. Ce fac-
teur est calculé comme le rapport des temps nécessaires pour obtenir un coup de soleil
juste perceptible, sur une zone de peau protégée par le produit testé versus une zone non
protégée. Ce coup de soleil est estimé quantitativement par colorimétrie. La source typi-
que est une lampe au xénon à arc court, focalisée sur 6 guides optiques, filtrée avec un fil-
tre Schott WG 320, pour éliminer les radiations ultraviolettes courtes non reçues sur Terre,
et un filtre Schott UG11 pour ne sélectionner que la partie ultraviolette du spectre.
L’éclairement obtenu atteint couramment 20 fois celui du soleil dans l’UV, ce qui permet
de tester des produits de protection solaire à haut FPS. Pour évaluer la protection spécifi-
que vis-à-vis des UVA, on utilise un effet biologique lié spécifiquement à l’action des
UVA sur la peau : la pigmentation immédiate persistante.
• L’imagerie confocale constitue un apport considérable à la connaissance des strates de
l’épiderme. Cette technique présente l’avantage double d’être non invasive et réalisable in
vivo.
• Un effort considérable a été consenti, pendant près de 10 ans, pour développer et mettre au
point une salle équipée de dispositifs de photographie reproductible, capable d’assurer le
suivi pendant des semaines ou des mois de traitement. La lumière utilisée peut être polari-
sée ou non, émettre ou non des ultraviolets…
• Pour analyser l’intensité de la vasodilatation cutanée, due au coup de soleil ou à une irri-
tation, le photopléthysmographe mesure l’absorption IR.
• La thermographie IR permet de mesurer la température de la peau, du cuir chevelu, sans
contact et donc sans perturbation. Ceci est important pour quantifier un effet in vivo, sans
ajouter d’artefact instrumental dû à l’application d’une sonde sur la peau. L’effet mesuré
peut être l’irritation due au rasage ou la baisse de cette irritation suite à l’application d’un
baume après-rasage, ou la comparaison de l’irritation en utilisant différentes mousses à ra-
ser ; le coup de soleil, la protection contre les IR…
• L'analyse d'image est omniprésente, plus particulièrement liée aux très nombreuses ima-
ges issues de la microscopie photonique (lumière blanche, fluorescence, contraste de
phase), électronique, confocale ou à force atomique. L’imagerie par résonance magnéti-
que, à la frontière de l’optique classique, est abondamment utilisée également.
Recherche
La recherche utilise beaucoup l’optique, dans de nombreux domaines, très variés. Le sujet
étant vaste, les paragraphes suivants traitent uniquement de la recherche sur la protection so-
laire, qui est mon domaine d’activité.
Pour déterminer les meilleurs produits de protection solaire, toute une connaissance du do-
maine solaire a été établie par la recherche. Cette connaissance s’articule ainsi : quelles ca-
ractéristiques moyennes définissent l’homme, quel rayonnement reçoit-il, quels effets
biologiques ces radiations provoquent-elles, quels produits sont les mieux adaptés pour proté-
ger contre les effets nocifs des UV.
3
Phototypes
Le phototype est défini par la couleur de la peau. La colorimétrie de la peau a été étudiée de
façon exhaustive, aboutissant à la définition d’un « volume de couleur de peau » dans l’espace
L*a*b* (Figure 1 et Figure 2). Rappelons que l’espace colorimétrique L*a*b* est représenté
approximativement par une sphère, dans laquelle L* représente la luminance (axe vertical,
gradué de 0 – noir – à 100 – blanc), a* représente un axe vert (a* <0) – rouge (a* > 0) et b*
un axe bleu (b* < 0) – jaune (b* > 0). Les deux axes a* et b* croisent l’axe L* pour la valeur
L* = 50. Des catégories et un index du niveau de mélanisation (Angle Typologique
Individuel, ITA) ont également été définis.
Système CIE-L*a*b* 1976 - A. Chardon, L'Oréal, 1990
(Colorimètre Minolta CR200/CR300)
45
50
55
60
65
70
75
80
0 5 10 15 20
a (rouge)
L*(Luminance)
Figure 1: Diagramme L*a* du volume de couleur de peau (dos).
4
Système CIE-L*a*b* 1976 - A. Chardon, L'Oréal, 1990
(Colorimètre Minolta CR200/CR300)
40
45
50
55
60
65
70
75
80
0 5 10 15 20 25
b (jaune)
L*(Luminance)
Très claire
Claire
Intermédiaire
Mate
Brun
ATI°
Figure 2 : Diagramme L*b* du volume de couleur de peau (dos).
5
Source d’UV
À l’extérieur, les UV reçus proviennent du soleil et de la diffusion du rayonnement solaire par
l’atmosphère. Le spectre de cette lumière change continuellement et dépend de paramètres
astronomiques (heure de la journée, date de l’année), géographiques (latitude, altitude), mé-
téorologiques (nébulosité, épaisseur cumulée et profil d’ozone, aérosols) et environnementaux
(réflexion des surfaces environnantes). Un spectre UV réaliste a été défini pour quantifier le
« pire cas » mesurable au niveau de la mer, par ciel clair, à midi solaire. Dans ce spectre, la
proportion d’UVB représente 5% des UV totaux (Figure 3).
0
0,2
0,4
0,6
0,8
1
1,2
1,4
1,6
290 300 310 320 330 340 350 360 370 380 390 400
Longueur d'onde (nm)
Éclairementspectral(mW.cm-2.nm-1)
Figure 3 : Spectre du soleil standard UV
Quand la longueur d’onde diminue, l’éclairement spectral du soleil diminue extrêmement
brutalement (Figure 4). Ce phénomène est dû à l’absorption des UV par l’ozone, gaz localisé
principalement dans les couches stratosphériques de l’atmosphère.
6
1E-06
1E-05
1E-04
1E-03
1E-02
1E-01
1E+00
1E+01
290 300 310 320 330 340 350 360 370 380 390 400
Longueur d'onde (nm)
Éclairementspectral(mW.cm-2.nm-1)
Figure 4 : Spectre du soleil standard UV, échelle semi-logarithmique
Cette pente très raide pose des problèmes de dynamique de mesure. Les météorologues utili-
sent des spectroradiomètres à double monochromateur, car c’est le seul moyen de s’affranchir
de la lumière parasite, due au visible, diffusée par un simple monochromateur. Cette lumière
parasite fait apparaître un plateau qui limite la dynamique de mesure à environ 3 ordres de
grandeur. Les contraintes instrumentales incluent, entre autres, la nécessité d’une calibration
antérieure à toute mesure, croisée avec plusieurs étalons internationaux ; un système stabilisé
en température ; une réponse cosinus de la sphère intégrante aussi bonne que possible. Une
erreur de calibration de 0,1 nm en longueur d’onde peut entraîner une erreur allant jusqu’à
10% sur l’éclairement spectral mesuré à une longueur d’onde.
Chez L’Oréal, nous utilisons deux spectroradiomètres à double monochromateur, un Bentham
de 150 mm de focale et un Macam de 100 mm de focale. Ces spectroradiomètres sont surtout
dédiés à la mesure de toutes les sources de laboratoire, c’est pourquoi en plus des contraintes
citées, la sensibilité aux chocs, le poids et l’encombrement (autrement dit, la transportabilité)
sont également des facteurs critiques. Enfin, le domaine spectral intéressant dépasse l’UV, les
sources sont caractérisées sur l’UV et le visible, voire le proche infrarouge, jusqu’à 1100 nm.
De plus, L’Oréal a installé des capteurs qui enregistrent l’éclairement UV solaire, moyenné
toutes les 10 minutes. Ces capteurs sont installés à Clichy et à Sophia-Antipolis. Les doses
quotidiennes sont calculées, la courbe annuelle est tracée et un modèle permet d’estimer les
doses quotidiennes maximales et moyennes pour les sites considérés (Figure 5). De même,
l’éclairement quotidien maximal et moyen est modélisé pour chaque jour de l’année, en fonc-
tion de l’heure.
7
0
20
40
60
80
100
120
140
160janv
févr
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nov
déc
janv
févr
m
ars
avr
m
ai
juin
juil
août
sept
oct
nov
déc
Mois
DoseUVAquotidienne(J/cm²) UVA (Solar-Light 501-A) Modèle max. Modèle moyen
Figure 5: Doses quotidiennes UVA, à Sophia-Antipolis, en 1996-1997. Mesures et modélisations.
Dépendance spectrale des effets biologiques
Bien que ne représentant qu’au plus 5% de l’éclairement solaire UV reçu sur Terre, les UVB
sont responsables des effets aigus du soleil, matérialisés par le coup de soleil. La dépendance
spectrale du coup de soleil a été normalisée par la Commission Internationale de l’Éclairage
(Commission Internationale de l'Eclairage (CIE), 1987). Le tracé sur une échelle semi-loga-
rithmique montre que les UVA sont beaucoup moins efficaces que les UVB pour provoquer
un coup de soleil (Figure 6).
8
1E-04
1E-03
1E-02
1E-01
1E+00
290 300 310 320 330 340 350 360 370 380 390 400
Longueur d'onde (nm)
Efficacitérelative
Figure 6 : Dépendance spectrale du coup de soleil
Originellement, les produits solaires avaient pour vocation unique de protéger contre le coup
de soleil (érythème). Actuellement, ces produits sont étudiés vis-à-vis de la protection contre
d’autres dégâts biologiques, tels les cancers cutanés, la diminution des défenses immunitaires
ou le photovieillissement. Ces effets sont étudiés scientifiquement mais relativement peu re-
vendiqués auprès du grand public.
Les effets biologiques des différentes composantes du rayonnement solaire sont étudiés. En
particulier, les UVA (320-400 nm) sont moins énergétiques que les UVB (280-320 nm), mais
ils pénètrent profondément dans la peau et altèrent l’architecture de fibres conjonctives assu-
rant la fermeté de la peau.
Les « chemins de bronzage » ont également été définis : il s’agit du tracé du déplacement du
point L*a*b* dans l’espace de couleur de peau, en fonction du phototype et du rayonnement
reçu (Chardon et al., 1992). Ainsi, les composantes du phénomène bronzage (érythème, pig-
mentation immédiate, pigmentation retardée), l’effet de chaque bande de rayonnement UV sur
son intensité, sa cinétique et sa nuance de couleur, leur interaction ont été quantifiés.
L’utilisation de l’index de mélanisation (ATI) permet de prévoir de façon relativement précise
et objective la sensibilité individuelle au soleil (Chardon et al., 1992).
Conséquences
Le spectre érythémal efficace du soleil est défini comme le résultat de la multiplication du
spectre solaire par son efficacité relative à produire un érythème (Figure 7).
9
1E-06
1E-05
1E-04
1E-03
1E-02
1E-01
1E+00
1E+01
290 300 310 320 330 340 350 360 370 380 390 400
Wavelength (nm)
Efficacitérelative(Unitésarbitraires)
Éclairementspectral(mW.cm-2.nm-1)
Spectre d'action érythémal
Soleil standard UV
Spectre efficace
Figure 7 : Spectre efficace
L’efficacité des sources de laboratoire, chargée de simuler le soleil, peut donc être prédite en
substituant son spectre à celui du soleil. De la même manière, l’efficacité du rayonnement
solaire naturel peut être estimée, en fonction des variations des paramètres météorologiques.
Ainsi, le « trou » d’ozone a pour conséquence directe un accroissement proportionnel des
UVB transmis par l’atmosphère. L’efficacité biologique des radiations qui atteignent le sol est
augmentée. Cette variation est quantifiée par le Radiation Amplification Factor (RAF) : pour
une baisse de 1% de l’épaisseur cumulée d’ozone, le RAF indique la variation d’efficacité
d’un effet biologique déterminé. Par exemple, le taux de cancers cutanés (hors mélanomes
malins) présente un RAF de 1,1%. En Australie, d’une part la période de l’année à laquelle le
« trou » d’ozone est le plus marqué correspond à l’été et d’autre part la majeure partie de la
population est d’origine celtique. Les effets du « trou » d’ozone sont sensibles : l’Australie est
le pays dont le taux de cancers cutanés est le plus élevé. Les radiations naturelles UV sont
tellement intenses qu’elles posent un grave problème de santé publique et obligent le gouver-
nement australien à financer de vastes campagnes d’information et de sensibilisation du pu-
blic. Les effets bénéfiques ne s’enregistrent que sur du long terme, car le changement de
mentalité est un problème d’éducation. Actuellement, les slogans évoluent des formules
« choc » (« Fry now, pay later ») vers des messages adaptés suivant le public visé, tenant en
compte le fait que toute exposition au soleil ne peut pas être évitée : « Enjoy safe sun ». Les
figures suivantes montrent quelques exemples inspirés des documents disponibles auprès de
l’Association Américaine de Dermatologie.
10
Figure 8: "Blondes have more fun. Also, more skin cancer."
Figure 9: "Can You Believe This Maniac? - No sunscreen"
Au laboratoire, la simulation solaire a pour but de reproduire le spectre du soleil aussi exac-
tement que possible. La reproduction de la pente UVB est critique. Les filtres Schott WG 320
sont actuellement considérés comme la meilleure solution pour filtrer une ampoule à arc court
xénon. Les simulateurs solaires UV Oriel sont largement utilisés dans ces applications. Une
source dont le spectre contient trop d’UVB courts émet non seulement un spectre non réaliste,
mais aussi induit une sur-estimation du FPS.
Produit de protection solaire
Connaissant le spectre d’efficacité, le type et la concentration des filtres à inclure dans les
produits de protection solaire s’en déduisent. Le maximum d’absorption doit se situer aux
alentours de 308 nm dans l’exemple montré ici (Figure 7). Pour caractériser l’absorption in
vitro, les produits sont étalés sur un support en silice fondue (quartz) recouvert par un ruban
adhésif spécial dont la structure reproduit approximativement la structure des couches supé-
11
rieures de la peau (TransPore® de 3M). Les mesures sont spectroradiométriques (Optometrics
SPF 290).
Pour ce faire, cela implique de connaître le spectre d’efficacité de chaque effet biologique
étudié. En pratique, la détermination du spectre d’efficacité est longue et délicate. Par exem-
ple, pour l’érythème, le spectre d’action montre que les UVA peuvent être jusqu’à 1 000 fois
moins efficaces que les UVB (Figure 6). Pour obtenir le même effet avec les UVA qu’avec les
UVB, les temps d’exposition ont donc été jusqu’à 1 000 fois plus longs. Si l’érythème était
obtenu en 1 minute avec les UVB, ce qui suppose déjà d’utiliser une source 20 fois plus puis-
sante que le soleil, cela signifie qu’il serait obtenu en (au moins) 1 000 minutes avec les UVA,
avec la même source. Donc il faut utiliser des sources beaucoup plus puissantes pour exposer
dans les UVA. Par conséquent, il faut vérifier que l’érythème obtenu est identique avec une
source très puissante et une source moins puissante, en 20 secondes ou en 2 heures. La vérifi-
cation que l’érythème ne dépend que de la dose (J/cm²), et non du débit de dose (éclairement,
en mW/cm²), est donc obligatoire. Contrainte supplémentaire, ces mesures se font in vivo, sur
des volontaires, ce qui entraîne des écarts-types très importants.
Les spectres d’action sont utilisés aussi pour quantifier et prédire l’efficacité biologique des
sources artificielles. Pour la cancérogenèse photo-induite, Cole et al. ont estimé que
l’efficacité moyenne relative des longueurs d’onde comprises entre 330 et 400 nm valait ap-
proximativement 0,0001 (Cole et al., 1986). Le maximum d’efficacité vaut 1 et est situé dans
les UVB. Les auteurs ont calculé, de plus, que l’effet carcinogène des longueurs d’onde supé-
rieures à 330 nm ne serait pas détectable en utilisant des sources dont le spectre contient 2%
d’UVB. Mesurer avec précision 2% d’UVB n’est possible qu’avec des spectroradiomètres
satisfaisant les critères cités plus haut.
Conclusion
L’optique est un outil très représenté au sein de la recherche L’Oréal : spectroradiométrie,
traitement d’image, microscopie (optique (Leica), confocale (Zeiss), électronique, à force
atomique), spectroscopie infrarouge par Transformée de Fourier, cytométrie de flux… Dans
l’industrie cosmétique, elle est à la fois un outil fondamental et indispensable à la recherche
de nouveaux produits, la garantie de leur sécurité, la preuve de leur efficacité, la compréhen-
sion de mécanismes biologiques ; mais en même temps elle s’intègre à l’éventail des nom-
breux autres outils nécessaires à ces tâches.
Remerciements
J’adresse mes plus vifs et sincères remerciements à MM. A. Chardon et C. Bouillon pour leur
aide précieuse dans l’élaboration de ce document.
Références bibliographiques
1. Commission Internationale de l'Eclairage (CIE). A reference action spectrum for UV induced
erythema in human skin. CIE Research note 6(1), 17-22. 1987.
2. Chardon, A.M., Crétois, I. & Hourseau, C. (1992) Colour change induced on various skin
categories by repeated exposures to UV rays. In: Biological responses to UVA radiation,
edited by Urbach, F. Valdenmar Publishing Co., Overland Park, KS, p. 159-175.
12
3. Chardon, A. M., Moyal, D., Bories, M. F., and Hourseau, C. Comparative suntanning pathways
developed in actual sun with various types of sunscreen protection. 3, 1041-1058. 1992.
Yokohama.
4. Cole, C.A., Forbes, P.D. & Davies, R.E. (1986) An action spectrum for UV photocarcinogenesis.
Photochem.Photobiol. 43, 275-284.

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Cosmétique et optique

  • 1. 1 Optique et cosmétique En particulier la protection solaire cutanée F. Christiaens, L’Oréal Recherche Introduction La cosmétique est un métier situé à l’interface de la biologie, la physico-chimie et l’art de la beauté. Au cœur de la cosmétique, il y a l’apparence : il faut la transformer, la modifier, la protéger, la préserver, l’améliorer… Or l’apparence est jugée visuellement. L’œil critique apprécie la couleur d’un visage, sa carnation, l’éclat du teint, le relief cutané, la brillance d’une chevelure… L’optique a donc une place naturellement objective dans la cosmétique. L’optique est associée étroitement à la chimie et à la physique pour la découverte et la carac- térisation de molécules et de matériaux. Dans le domaine des Sciences du Vivant, l’optique se trouve dans les trois axes de la création d’un produit : la sécurité (innocuité), l’efficacité et la recherche. Sécurité Tout produit cosmétique doit franchir avec succès une multitude de tests de sécurité avant d’être mis sur le marché. Ainsi, un mascara se doit non seulement de ne pas être irritant pour la peau ou pour l’œil, mais aussi de ne pas être allergisant. En amont, toute matière première, avant d’être incorporée dans un produit fini, est nécessairement validée par une batterie de tests toxicologiques dans lesquels les modèles de peau reconstruite in vitro prennent une part déterminante. La photosensibilisation, la photomutagénicité ainsi que bien d'autres effets biologiques dus à la lumière sont systématiquement testées. La peau et les cheveux sont exposés naturellement à la lumière : cette lumière est reproduite en laboratoire (Suntest ou Xenotest Atlas / Heraeus, simulateurs solaires à arc xénon) pour examiner toute éventuelle photodégradation des produits. Les photoproduits sont analysés et dosés, notamment par chromatographie liquide à hautes performances. Un exemple simple concerne les produits de protection solaire. Ils subissent des expositions plus ou moins inten- ses et de durée plus ou moins longue. Il est important que le produit ne se dégrade pas au cours du temps sous l’action du rayonnement. La photostabilité des produits est donc testée : la quantité restante de produit après irradiation est dosée, ainsi que les éventuels produits de dégradation. Chez L’Oréal, de longues recherches ont été consacrées à la mise au point de nouveaux filtres à spectre large et photostables pour la couverture de l’ensemble du rayonne- ment ultraviolet nocif pour la peau, et responsable du vieillissement accéléré. Ces nouveaux filtres ont la propriété de libérer l’énergie qu’ils absorbent efficacement par changement de conformation isomérique cis-trans, réversible, ce qui leur confère une grande stabilité. Efficacité Toute revendication doit être prouvée. De ce principe, découle la nécessité de mesurer l’efficacité d’un produit. Des méthodes originales physiques ou biophysiques sont donc dé- veloppées pour évaluer les produits. À chaque fois, l’optique occupe une place importante. • Physiquement, la couleur d’un rouge à lèvres ou d’un vernis à ongles doit être stable dans le temps. Un filtre anti-UV est très souvent associé aux produits pour que leur couleur soit préservée, et donc leur efficacité garantie. De même, les colorants et teintures capillaires font l’objet de tests systématiques et multiples pour suivre la tenue de la couleur sur che-
  • 2. 2 veux à l’exposition solaire, aux intempéries, au lavage par les shampooings répétés etc. Les mesures sont faites à l’aide d’un colorimètre. • Les produits de protection solaire sont testés selon une méthode exhaustive qui aboutit actuellement à l’établissement du Facteur de Protection Solaire (FPS) inscrit sur les fla- cons. Plus le FPS est élevé, plus la protection contre le coup de soleil est efficace. Ce fac- teur est calculé comme le rapport des temps nécessaires pour obtenir un coup de soleil juste perceptible, sur une zone de peau protégée par le produit testé versus une zone non protégée. Ce coup de soleil est estimé quantitativement par colorimétrie. La source typi- que est une lampe au xénon à arc court, focalisée sur 6 guides optiques, filtrée avec un fil- tre Schott WG 320, pour éliminer les radiations ultraviolettes courtes non reçues sur Terre, et un filtre Schott UG11 pour ne sélectionner que la partie ultraviolette du spectre. L’éclairement obtenu atteint couramment 20 fois celui du soleil dans l’UV, ce qui permet de tester des produits de protection solaire à haut FPS. Pour évaluer la protection spécifi- que vis-à-vis des UVA, on utilise un effet biologique lié spécifiquement à l’action des UVA sur la peau : la pigmentation immédiate persistante. • L’imagerie confocale constitue un apport considérable à la connaissance des strates de l’épiderme. Cette technique présente l’avantage double d’être non invasive et réalisable in vivo. • Un effort considérable a été consenti, pendant près de 10 ans, pour développer et mettre au point une salle équipée de dispositifs de photographie reproductible, capable d’assurer le suivi pendant des semaines ou des mois de traitement. La lumière utilisée peut être polari- sée ou non, émettre ou non des ultraviolets… • Pour analyser l’intensité de la vasodilatation cutanée, due au coup de soleil ou à une irri- tation, le photopléthysmographe mesure l’absorption IR. • La thermographie IR permet de mesurer la température de la peau, du cuir chevelu, sans contact et donc sans perturbation. Ceci est important pour quantifier un effet in vivo, sans ajouter d’artefact instrumental dû à l’application d’une sonde sur la peau. L’effet mesuré peut être l’irritation due au rasage ou la baisse de cette irritation suite à l’application d’un baume après-rasage, ou la comparaison de l’irritation en utilisant différentes mousses à ra- ser ; le coup de soleil, la protection contre les IR… • L'analyse d'image est omniprésente, plus particulièrement liée aux très nombreuses ima- ges issues de la microscopie photonique (lumière blanche, fluorescence, contraste de phase), électronique, confocale ou à force atomique. L’imagerie par résonance magnéti- que, à la frontière de l’optique classique, est abondamment utilisée également. Recherche La recherche utilise beaucoup l’optique, dans de nombreux domaines, très variés. Le sujet étant vaste, les paragraphes suivants traitent uniquement de la recherche sur la protection so- laire, qui est mon domaine d’activité. Pour déterminer les meilleurs produits de protection solaire, toute une connaissance du do- maine solaire a été établie par la recherche. Cette connaissance s’articule ainsi : quelles ca- ractéristiques moyennes définissent l’homme, quel rayonnement reçoit-il, quels effets biologiques ces radiations provoquent-elles, quels produits sont les mieux adaptés pour proté- ger contre les effets nocifs des UV.
  • 3. 3 Phototypes Le phototype est défini par la couleur de la peau. La colorimétrie de la peau a été étudiée de façon exhaustive, aboutissant à la définition d’un « volume de couleur de peau » dans l’espace L*a*b* (Figure 1 et Figure 2). Rappelons que l’espace colorimétrique L*a*b* est représenté approximativement par une sphère, dans laquelle L* représente la luminance (axe vertical, gradué de 0 – noir – à 100 – blanc), a* représente un axe vert (a* <0) – rouge (a* > 0) et b* un axe bleu (b* < 0) – jaune (b* > 0). Les deux axes a* et b* croisent l’axe L* pour la valeur L* = 50. Des catégories et un index du niveau de mélanisation (Angle Typologique Individuel, ITA) ont également été définis. Système CIE-L*a*b* 1976 - A. Chardon, L'Oréal, 1990 (Colorimètre Minolta CR200/CR300) 45 50 55 60 65 70 75 80 0 5 10 15 20 a (rouge) L*(Luminance) Figure 1: Diagramme L*a* du volume de couleur de peau (dos).
  • 4. 4 Système CIE-L*a*b* 1976 - A. Chardon, L'Oréal, 1990 (Colorimètre Minolta CR200/CR300) 40 45 50 55 60 65 70 75 80 0 5 10 15 20 25 b (jaune) L*(Luminance) Très claire Claire Intermédiaire Mate Brun ATI° Figure 2 : Diagramme L*b* du volume de couleur de peau (dos).
  • 5. 5 Source d’UV À l’extérieur, les UV reçus proviennent du soleil et de la diffusion du rayonnement solaire par l’atmosphère. Le spectre de cette lumière change continuellement et dépend de paramètres astronomiques (heure de la journée, date de l’année), géographiques (latitude, altitude), mé- téorologiques (nébulosité, épaisseur cumulée et profil d’ozone, aérosols) et environnementaux (réflexion des surfaces environnantes). Un spectre UV réaliste a été défini pour quantifier le « pire cas » mesurable au niveau de la mer, par ciel clair, à midi solaire. Dans ce spectre, la proportion d’UVB représente 5% des UV totaux (Figure 3). 0 0,2 0,4 0,6 0,8 1 1,2 1,4 1,6 290 300 310 320 330 340 350 360 370 380 390 400 Longueur d'onde (nm) Éclairementspectral(mW.cm-2.nm-1) Figure 3 : Spectre du soleil standard UV Quand la longueur d’onde diminue, l’éclairement spectral du soleil diminue extrêmement brutalement (Figure 4). Ce phénomène est dû à l’absorption des UV par l’ozone, gaz localisé principalement dans les couches stratosphériques de l’atmosphère.
  • 6. 6 1E-06 1E-05 1E-04 1E-03 1E-02 1E-01 1E+00 1E+01 290 300 310 320 330 340 350 360 370 380 390 400 Longueur d'onde (nm) Éclairementspectral(mW.cm-2.nm-1) Figure 4 : Spectre du soleil standard UV, échelle semi-logarithmique Cette pente très raide pose des problèmes de dynamique de mesure. Les météorologues utili- sent des spectroradiomètres à double monochromateur, car c’est le seul moyen de s’affranchir de la lumière parasite, due au visible, diffusée par un simple monochromateur. Cette lumière parasite fait apparaître un plateau qui limite la dynamique de mesure à environ 3 ordres de grandeur. Les contraintes instrumentales incluent, entre autres, la nécessité d’une calibration antérieure à toute mesure, croisée avec plusieurs étalons internationaux ; un système stabilisé en température ; une réponse cosinus de la sphère intégrante aussi bonne que possible. Une erreur de calibration de 0,1 nm en longueur d’onde peut entraîner une erreur allant jusqu’à 10% sur l’éclairement spectral mesuré à une longueur d’onde. Chez L’Oréal, nous utilisons deux spectroradiomètres à double monochromateur, un Bentham de 150 mm de focale et un Macam de 100 mm de focale. Ces spectroradiomètres sont surtout dédiés à la mesure de toutes les sources de laboratoire, c’est pourquoi en plus des contraintes citées, la sensibilité aux chocs, le poids et l’encombrement (autrement dit, la transportabilité) sont également des facteurs critiques. Enfin, le domaine spectral intéressant dépasse l’UV, les sources sont caractérisées sur l’UV et le visible, voire le proche infrarouge, jusqu’à 1100 nm. De plus, L’Oréal a installé des capteurs qui enregistrent l’éclairement UV solaire, moyenné toutes les 10 minutes. Ces capteurs sont installés à Clichy et à Sophia-Antipolis. Les doses quotidiennes sont calculées, la courbe annuelle est tracée et un modèle permet d’estimer les doses quotidiennes maximales et moyennes pour les sites considérés (Figure 5). De même, l’éclairement quotidien maximal et moyen est modélisé pour chaque jour de l’année, en fonc- tion de l’heure.
  • 7. 7 0 20 40 60 80 100 120 140 160janv févr m ars avr m ai juin juil août sept oct nov déc janv févr m ars avr m ai juin juil août sept oct nov déc Mois DoseUVAquotidienne(J/cm²) UVA (Solar-Light 501-A) Modèle max. Modèle moyen Figure 5: Doses quotidiennes UVA, à Sophia-Antipolis, en 1996-1997. Mesures et modélisations. Dépendance spectrale des effets biologiques Bien que ne représentant qu’au plus 5% de l’éclairement solaire UV reçu sur Terre, les UVB sont responsables des effets aigus du soleil, matérialisés par le coup de soleil. La dépendance spectrale du coup de soleil a été normalisée par la Commission Internationale de l’Éclairage (Commission Internationale de l'Eclairage (CIE), 1987). Le tracé sur une échelle semi-loga- rithmique montre que les UVA sont beaucoup moins efficaces que les UVB pour provoquer un coup de soleil (Figure 6).
  • 8. 8 1E-04 1E-03 1E-02 1E-01 1E+00 290 300 310 320 330 340 350 360 370 380 390 400 Longueur d'onde (nm) Efficacitérelative Figure 6 : Dépendance spectrale du coup de soleil Originellement, les produits solaires avaient pour vocation unique de protéger contre le coup de soleil (érythème). Actuellement, ces produits sont étudiés vis-à-vis de la protection contre d’autres dégâts biologiques, tels les cancers cutanés, la diminution des défenses immunitaires ou le photovieillissement. Ces effets sont étudiés scientifiquement mais relativement peu re- vendiqués auprès du grand public. Les effets biologiques des différentes composantes du rayonnement solaire sont étudiés. En particulier, les UVA (320-400 nm) sont moins énergétiques que les UVB (280-320 nm), mais ils pénètrent profondément dans la peau et altèrent l’architecture de fibres conjonctives assu- rant la fermeté de la peau. Les « chemins de bronzage » ont également été définis : il s’agit du tracé du déplacement du point L*a*b* dans l’espace de couleur de peau, en fonction du phototype et du rayonnement reçu (Chardon et al., 1992). Ainsi, les composantes du phénomène bronzage (érythème, pig- mentation immédiate, pigmentation retardée), l’effet de chaque bande de rayonnement UV sur son intensité, sa cinétique et sa nuance de couleur, leur interaction ont été quantifiés. L’utilisation de l’index de mélanisation (ATI) permet de prévoir de façon relativement précise et objective la sensibilité individuelle au soleil (Chardon et al., 1992). Conséquences Le spectre érythémal efficace du soleil est défini comme le résultat de la multiplication du spectre solaire par son efficacité relative à produire un érythème (Figure 7).
  • 9. 9 1E-06 1E-05 1E-04 1E-03 1E-02 1E-01 1E+00 1E+01 290 300 310 320 330 340 350 360 370 380 390 400 Wavelength (nm) Efficacitérelative(Unitésarbitraires) Éclairementspectral(mW.cm-2.nm-1) Spectre d'action érythémal Soleil standard UV Spectre efficace Figure 7 : Spectre efficace L’efficacité des sources de laboratoire, chargée de simuler le soleil, peut donc être prédite en substituant son spectre à celui du soleil. De la même manière, l’efficacité du rayonnement solaire naturel peut être estimée, en fonction des variations des paramètres météorologiques. Ainsi, le « trou » d’ozone a pour conséquence directe un accroissement proportionnel des UVB transmis par l’atmosphère. L’efficacité biologique des radiations qui atteignent le sol est augmentée. Cette variation est quantifiée par le Radiation Amplification Factor (RAF) : pour une baisse de 1% de l’épaisseur cumulée d’ozone, le RAF indique la variation d’efficacité d’un effet biologique déterminé. Par exemple, le taux de cancers cutanés (hors mélanomes malins) présente un RAF de 1,1%. En Australie, d’une part la période de l’année à laquelle le « trou » d’ozone est le plus marqué correspond à l’été et d’autre part la majeure partie de la population est d’origine celtique. Les effets du « trou » d’ozone sont sensibles : l’Australie est le pays dont le taux de cancers cutanés est le plus élevé. Les radiations naturelles UV sont tellement intenses qu’elles posent un grave problème de santé publique et obligent le gouver- nement australien à financer de vastes campagnes d’information et de sensibilisation du pu- blic. Les effets bénéfiques ne s’enregistrent que sur du long terme, car le changement de mentalité est un problème d’éducation. Actuellement, les slogans évoluent des formules « choc » (« Fry now, pay later ») vers des messages adaptés suivant le public visé, tenant en compte le fait que toute exposition au soleil ne peut pas être évitée : « Enjoy safe sun ». Les figures suivantes montrent quelques exemples inspirés des documents disponibles auprès de l’Association Américaine de Dermatologie.
  • 10. 10 Figure 8: "Blondes have more fun. Also, more skin cancer." Figure 9: "Can You Believe This Maniac? - No sunscreen" Au laboratoire, la simulation solaire a pour but de reproduire le spectre du soleil aussi exac- tement que possible. La reproduction de la pente UVB est critique. Les filtres Schott WG 320 sont actuellement considérés comme la meilleure solution pour filtrer une ampoule à arc court xénon. Les simulateurs solaires UV Oriel sont largement utilisés dans ces applications. Une source dont le spectre contient trop d’UVB courts émet non seulement un spectre non réaliste, mais aussi induit une sur-estimation du FPS. Produit de protection solaire Connaissant le spectre d’efficacité, le type et la concentration des filtres à inclure dans les produits de protection solaire s’en déduisent. Le maximum d’absorption doit se situer aux alentours de 308 nm dans l’exemple montré ici (Figure 7). Pour caractériser l’absorption in vitro, les produits sont étalés sur un support en silice fondue (quartz) recouvert par un ruban adhésif spécial dont la structure reproduit approximativement la structure des couches supé-
  • 11. 11 rieures de la peau (TransPore® de 3M). Les mesures sont spectroradiométriques (Optometrics SPF 290). Pour ce faire, cela implique de connaître le spectre d’efficacité de chaque effet biologique étudié. En pratique, la détermination du spectre d’efficacité est longue et délicate. Par exem- ple, pour l’érythème, le spectre d’action montre que les UVA peuvent être jusqu’à 1 000 fois moins efficaces que les UVB (Figure 6). Pour obtenir le même effet avec les UVA qu’avec les UVB, les temps d’exposition ont donc été jusqu’à 1 000 fois plus longs. Si l’érythème était obtenu en 1 minute avec les UVB, ce qui suppose déjà d’utiliser une source 20 fois plus puis- sante que le soleil, cela signifie qu’il serait obtenu en (au moins) 1 000 minutes avec les UVA, avec la même source. Donc il faut utiliser des sources beaucoup plus puissantes pour exposer dans les UVA. Par conséquent, il faut vérifier que l’érythème obtenu est identique avec une source très puissante et une source moins puissante, en 20 secondes ou en 2 heures. La vérifi- cation que l’érythème ne dépend que de la dose (J/cm²), et non du débit de dose (éclairement, en mW/cm²), est donc obligatoire. Contrainte supplémentaire, ces mesures se font in vivo, sur des volontaires, ce qui entraîne des écarts-types très importants. Les spectres d’action sont utilisés aussi pour quantifier et prédire l’efficacité biologique des sources artificielles. Pour la cancérogenèse photo-induite, Cole et al. ont estimé que l’efficacité moyenne relative des longueurs d’onde comprises entre 330 et 400 nm valait ap- proximativement 0,0001 (Cole et al., 1986). Le maximum d’efficacité vaut 1 et est situé dans les UVB. Les auteurs ont calculé, de plus, que l’effet carcinogène des longueurs d’onde supé- rieures à 330 nm ne serait pas détectable en utilisant des sources dont le spectre contient 2% d’UVB. Mesurer avec précision 2% d’UVB n’est possible qu’avec des spectroradiomètres satisfaisant les critères cités plus haut. Conclusion L’optique est un outil très représenté au sein de la recherche L’Oréal : spectroradiométrie, traitement d’image, microscopie (optique (Leica), confocale (Zeiss), électronique, à force atomique), spectroscopie infrarouge par Transformée de Fourier, cytométrie de flux… Dans l’industrie cosmétique, elle est à la fois un outil fondamental et indispensable à la recherche de nouveaux produits, la garantie de leur sécurité, la preuve de leur efficacité, la compréhen- sion de mécanismes biologiques ; mais en même temps elle s’intègre à l’éventail des nom- breux autres outils nécessaires à ces tâches. Remerciements J’adresse mes plus vifs et sincères remerciements à MM. A. Chardon et C. Bouillon pour leur aide précieuse dans l’élaboration de ce document. Références bibliographiques 1. Commission Internationale de l'Eclairage (CIE). A reference action spectrum for UV induced erythema in human skin. CIE Research note 6(1), 17-22. 1987. 2. Chardon, A.M., Crétois, I. & Hourseau, C. (1992) Colour change induced on various skin categories by repeated exposures to UV rays. In: Biological responses to UVA radiation, edited by Urbach, F. Valdenmar Publishing Co., Overland Park, KS, p. 159-175.
  • 12. 12 3. Chardon, A. M., Moyal, D., Bories, M. F., and Hourseau, C. Comparative suntanning pathways developed in actual sun with various types of sunscreen protection. 3, 1041-1058. 1992. Yokohama. 4. Cole, C.A., Forbes, P.D. & Davies, R.E. (1986) An action spectrum for UV photocarcinogenesis. Photochem.Photobiol. 43, 275-284.