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UNIVERSITÀ DEGLI STUDI DI TRENTO
Facoltà di Lettere e Filosofia
Corso di Laurea Triennale in Mediazione Linguistica
per le Imprese e il Turismo
Tendances récentes de la didactique
des langues étrangères
Relatore
Prof. Jean Paul Dufiet
Laureanda
Elisa Agosti
Anno Accademico 2011 - 2012
2
REMERCIEMENTS
Je remercie mes parents, sans lesquels je ne serai pas arrivée à fêter cette réussite : à ma
mère qui m’a transmis la passion pour la lecture et pour les études et à mon père qui a ouvert pour
moi le livre de la Nature.
Je remercie mes tantes et ma cousine pour leur soutien.
Merci à toutes les amies et à tous les amis qui se sont intéressés au développement de mon
travail et qui n’ont cessé de m’encourager.
Merci à tous les camarades de cours qui sont devenus des amis et à toutes les personnes que
j’ai eu la chance de rencontrer pendant ces trois années de licence. Je ne vous oublierai jamais.
Je témoigne ma reconnaissance à mes professeurs de l’Université de Trento, à ceux de
l’Université de Franche-Comté et aux membre de l’équipe du CLA qui ont répondu à mes questions
pour leur aide, leur disponibilité et leurs conseils.
J’adresse mes sincères remerciements à Monsieur Charles Bakhos, premier lecteur à haute
voix et source précieuse de suggestions.
3
« Mais à quoi ça sert la grammaire? » a-t-il demandé. « Vous devriez le savoir » a répondu
madame-je-suis-pourtant-payée-pour-vous-l’enseigner. […] « Ça sert à bien parlé et à bien
écrire ». Alors là, j’ai cru avoir une crise cardiaque. […] « Eh bien, ai-je dit, quand on a lu
Jakobson, il parait évident que la grammaire est une fin et pas seulement un but : c’est un accès à
la structure et à la beauté de la langue, pas seulement un truc qui sert à se débrouiller en société. »
Muriel Barbery, L’élégance du hérisson
4
SOMMAIRE
PAGE
INTRODUCTION 1
QUELQUES DÉFINITIONS THÉORIQUES 2
I La Didactique des Langues Étrangères 3
1.1 Importance de la didactique 3
1.1.1 Un domaine très vaste 3
1.1.2 Acquérir ou apprendre ? 5
1.2 Méthodes d’apprentissage 6
1.3 Intérêt pour l’acquisition des langues étrangères 7
1.3.1 Analyse contrastive, behaviorisme et Chomsky 7
1.3.2 Nouvelles technologies et méthodes en crise 8
1.4 Facteurs internes et externes de l’apprentissage 8
1.4.1 Facteurs internes : la LM 8
1.4.2 L’âge 9
1.4.3 La motivation 10
1.5 Compétence ou performance ? 10
1.6 Le Cadre européen commun de référence pour les langues (CECRL) 10
II Le CLA de Besançon 13
2.1 La didactique : un domaine sur trois niveaux 13
2.2 Présentation de Besançon et du CLA 13
2.3 Enseignement, formation, recherche 15
2.4 Changement de paradigme 16
2.5 Le cas du CLA 17
2.6 Méthodes 17
2.6.1 Des approches pragmatiques 17
2.6.2 Le « Silent Way » 18
2.6.3 Nouvelles technologies 18
5
2.7 Les langues du CLA 19
2.7.1 Des langues pour demain : comment les choisissons-nous ? 20
2.8 Classement des langues : la linguistique historique 21
2.8.1 Trois critères : généalogique, typologique, aréal 21
2.8.2 Critère généalogique 21
2.8.3 Critère typologique 22
2.8.4 Critère aréal 23
2.9 Classement des langues : les langues du CLA 23
III La Didactique du FLE 24
3.1 Enseignement et politique linguistique 24
3.2 Diffusion du français : Alliances Françaises et OIF 24
3.3 Le français appris en France : les bénéfices du milieu homoglotte 26
3.4 Un aspect sociolinguistique : la variation 26
3.5 L’actualité du français 28
3.6 Le triangle enseignant-apprenant-savoir 29
3.7 Tendances récentes du FLE 29
3.7.1 L’approche communicationnelle (ou communicative) 30
3.7.2 L’approche actionnelle 30
3.7.3 Un enseignant animateur 31
3.8 FLE, culture et société : des enjeux contemporains 32
3.8.1 Dimension culturelle de la langue 32
3.8.2 Dimension identitaire de la langue 32
3.8.3 Diversification du public 33
3.8.4 Perspective d’un apprentissage en langues 33
CONCLUSION 34
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 36
6
INTRODUCTION
« Celui qui ne sait aucune langue étrangère ne sait pas sa propre langue. »
Johann Wolfgang Goethe, Maximes et réflexions1
Au cours de l’a. a. 2011-2012 et dans le cadre du programme Erasmus, j’ai eu la chance de
fréquenter l’Université de Franche-Comté de Besançon pendant une année universitaire.
J’étais inscrite à la faculté de Science du Langage, de l’Homme et de la Société (SLHS) où j’ai suivi
des cours de didactique du français, à côté de futurs enseignants de français en France ou à
l’étranger. Dans ces cours, on m’a demandé pour la première fois d’oublier mon point de vue
d’apprenante et de commencer à penser comme une enseignante. Je me suis ainsi interrogée sur
l’importance de la formation des professeurs et sur l’apprentissage.
Certains de mes collègues venaient de fréquenter des cours au Centre de Linguistique Appliquée
(CLA) en vue d’une inscription à l’université. Leur rencontre était le premier de plusieurs contacts
que j’ai eu avec le CLA. Pendant mon séjour, j’ai pu visiter ce centre et me confronter avec de
nombreux étudiants qui y fréquentaient des cours et qui provenaient des quatre coins du monde.
Ce rapport s’intéresse à la didactique moderne des langues, un domaine en effervescence et
en expansion, très lié à l’actualité. Le monde d’aujourd’hui permet d’être connecté avec des gens
physiquement très éloignés et a beaucoup réduit les distances géographiques. Les nouvelles
technologies ont changé la façon de concevoir la communication, les échanges, le travail, les
voyages… Cependant, elles ne peuvent pas encore modifier le moyen par lequel on échange et par
lequel passe la communication. C’est la langue qui est au cœur du rapport humain, à tout niveau.
Ce rapport est divisé en trois chapitres : dans le premier nous présentons une évolution de la
didactique des LE (Langues Étrangères). À ce propos, nous aborderons le Cadre européen commun
de référence pour les langues. Dans le deuxième nous introduisons un exemple concret
d’apprentissage des langues étrangères et d’interculturalité. Nous faisons référence au Centre de
Linguistique Appliquée (CLA) de Besançon, en présentant les langues que l’on peut y apprendre et
en essayant de proposer une explication à leur présence dans un centre de langues. Enfin, dans le
troisième, nous introduisons le concept de milieu homoglotte, en focalisant sur le FLE (Français
Langue Étrangère) et sur les tendances de l’enseignement du français.
1
Johann Wolfgang Goethe, Maximes et réflexions, traduit par Sigismond Sklower, Brockhaus et Avenarius (1842), Paris
7
Nous sommes conscients que le domaine auquel nous nous intéressons est très vaste et nous
avouons que ce document ne prétend pas à l’exhaustivité.
QUELQUES DÉFINITIONS THÉORIQUES
Les concepts que nous allons aborder ont tous une racine commune : il font tous référence à
la linguistique, c’est-à-dire l’étude scientifique du langage. La linguistique couvre un domaine très
large car elle s’est intéressée, entre autres, à la sémantique, à la phonétique, à la grammaire, à
l’étymologie ; les branches qui se sont détachées et développées sont nombreuses. Les idées autour
du langage et de la langue ont changé au cours des siècles, et cela en fonction des découvertes dans
d’autres disciplines.
Au fil des siècles, les recherches autour du langage humain modifient leur champ d’intérêt et se
mêlent avec des progrès historiques, des réflexions philosophiques, des voyages d’exploration et
des guerres de conquête, avec la religion ou avec des changements technologiques et sociaux. Nous
pouvons remarquer que, au fil des siècles, les débats éclatent dans diverses directions, chaque
branche remettant en cause les modèles et l’unité que, au début, l’on voulait faire correspondre à la
linguistique. Ses branches se focalisent sur différents aspects : pour en citer quelques-uns, nous
connaissons la linguistique romaine, la linguistique française, la linguistique historique, la
linguistique générale et plus récemment, la sociolinguistique et la linguistique appliquée.
Dans ces derniers temps, les problèmes linguistiques apparaissent aussi comme des
problèmes sociaux. C’est le cas de la définition de la langue maternelle (LM) et de la langue
étrangère (LE), concepts qui semblent apparemment simples et clairs mais qui parfois sont difficiles
à appliquer à des situations concrètes. La langue maternelle est définie comme « la langue acquise
la première par le sujet parlant dans un contexte où elle est aussi utilisée au sein de la
communication ». (CUQ 2003 : 150)
Pourtant, dans une famille bilingue, il est difficile de dire quelle est la langue maternelle de l’enfant,
à moins que l’on ne décide d’accepter une notion de LM au pluriel. Confronté à la complexité de
cette notion, on voit apparaître dans la communauté scientifique la notion de langue première, ou
L1, qualifiant « la première langue acquise chronologiquement par un individu au moment du
développement de sa capacité de langage » (Cuq 2003 : 152).
Par définition, « toute langue non maternelle est une langue étrangère » (CUQ 2003 : 150).
La L2 est n’importe quelle langue, apprise après la L1.
8
I
La Didactique des Langues Étrangères
Puis un maître dit : « Parle-nous de l'Enseignement. »
Il répondit :
« Personne ne peut vous apprendre quoi que ce soit qui ne repose déjà au fond d'un demi-sommeil dans l'aube de votre
connaissance.
Le maître qui marche parmi les disciples, à l'ombre du temple, ne donne pas de sa sagesse, mais plutôt de sa foi et de sa
capacité d'amour.
S'il est vraiment sage, il ne vous invite pas à entrer dans la demeure de sa sagesse. Il vous conduit jusqu'au seuil de
votre esprit. »
Gibran Kahlil Gibran Le Prophète, L’Enseignement2
1.1 Importance de la didactique
La didactique et l’enseignement, dans le sens le plus large du terme, constituent les bases
fondamentales des états contemporains, sur lesquelles doit se fonder le développement des sociétés.
Les enfants d’aujourd’hui construiront le monde de demain et le résultat dépendra de la formation
qu’ils ont reçue tout au long de leur vie. L’importance et les difficultés dans l’enseignement sont
tout à fait visibles dans les débats récents à propos du système éducatif ; dans de nombreux pays, les
ministres de l’éducation essayent d’apporter des modifications à ce système, mais leurs réformes
sont normalement accueillies par des critiques et de nouveaux débats.
1.1.1 Un domaine très vaste
La didactique couvre un contexte large et complexe, composé de plusieurs variables et
influencé par plusieurs facteurs. Le premier exemple qui nous vient à l’esprit, c’est le cas de la
fréquentation obligatoire de l’école, imposée à la plupart des enfants. C’est vers l’âge de 6 ans
qu’ils rencontrent cette institution qui a la fonction de les former et de leur fournir les outils pour
pouvoir vivre en société et devenir indépendants. Il s’agit pour eux de la découverte d’un système
2
Gibran Kahlil Gibran, Le Prophète, traduit de l’anglais par Jean-Pierre Dahdah, (1993), Editions du Rocher
9
d’écriture et de l’apprentissage des bases de la lecture, de la grammaire et des mathématiques. Tout
cela sera très important en vu de l’apprentissage de connaissances futures et aussi de l’étude des
langues étrangères. L’enfant commence à acquérir les capacités pour décrire l’environnement où il a
grandi, qui constituera la base sur laquelle il construira ses connaissances plus avancées.
Toute langue découpe et voit le monde à sa façon ; pour cela, apprendre des langues
étrangères implique de faire des abstractions ; voilà que l’enfant sera amené à imaginer un monde
différent de celui qui lui est familier. Il ne pourra le faire que s’il a appris à connaître son propre
monde.
Notre idée est que la langue et la culture d’appartenance jouent un très grand rôle dans l’acquisition
des nouvelles capacités et que la langue maternelle est à tenir en grande considération lorsqu’il
s’agit d’apprendre une autre langue.
Une variable qu’il faut considérer est le contexte social : les changements sociaux qui y ont lieu
sont primordiaux dans le système éducatif. En ce qui concerne les LE, ces changements ont un
impact puisque, aujourd’hui comme autrefois, nombreux sont ceux qui sont forcés de quitter leur
pays d’origine pour migrer. Ils le font pour des raisons différentes, mais ils sont contraints à vivre
dans un pays étranger et doivent pouvoir communiquer dans une nouvelle langue ; souvent, une
langue dans laquelle ils n’ont aucune connaissance.
Dans le cas d’une famille migrante, les parents sont obligés de parler la langue du pays d’accueil
pour pouvoir exercer un travail et, s’ils ont des enfants, ceux-ci devront tôt ou tard entrer à l’école et
faire l’apprentissage d’un nouveau système de communication. Nous rappelons que cela n’est pas
seulement le cas des personnes provenant des pays considérés comme défavorisés, mais, de plus en
plus, c’est aussi le cas de jeunes de l’Europe du sud qui cherchent fortune en Europe centrale ou
dans le nord de l’Europe.
La migration ne concerne que la recherche d’un travail. Il existe aussi la possibilité de quitter son
pays pour poursuivre des études. C’est une pratique, celle-là aussi, qui a ses racines dans le passé,
avec les voyages des intellectuels qui se déplaçaient en Europe et suivaient les cours universitaires
de différents professeurs ou avec le Grand Tour des jeunes bourgeois au XIXe
siècle.
Aujourd’hui, le contexte a beaucoup changé : nous assistons à une démocratisation du savoir, à un
élargissement du public concerné. Les voyages d’études sont possibles pour un pourcentage plus
élevé de la population et les institutions qui encouragent les étudiants à en profiter sont nombreuses.
10
1.1.2 Acquérir ou apprendre ?
Les exemples que nous avons donnés ici ne suffisent pas à montrer toute la complexité à
laquelle la didactique doit faire face. Dans le cas des enfants en première année de l’école
maternelle, il s’agit d’un apprentissage utilisant la langue maternelle (sauf pour ceux qui jusque là
ont parlé un dialecte) et à un âge qui permet une grande facilité de rétention des informations. Dans
le cas d’un enfant migrant du même âge, il ne s’agit pas du même niveau de difficulté, puisque la
langue d’enseignement est un obstacle pour lui. Les parents migrants ou l’étudiant(e) en voyage
d’études sont plus âgés, maîtrisent la langue du pays à des degrés divers et ont des objectifs et des
attentes propres à chacun. Il se peut qu’il n’aient pas la chance de fréquenter des cours de langue.
Les exemples que nous venons de présenter nous permettent d’introduire la distinction entre
acquérir et apprendre, les deux grandes modalité d’apprentissage :
ACQUÉRIR : Arriver à posséder (une chose avantageuse).
APPRENDRE : Acquérir (un ensemble de connaissances) par un travail intellectuel ou par
l’expérience (Petit Robert).
L’acquisition est spontanée et passe par l’immersion dans les pratiques de la langue en contexte non
pédagogique : on apprend sur le tas, comme disent les Français. Par contre l’appropriation est
didactisée et passe par un dispositif spécifique en contexte pédagogique.3
Ces exemples nous font comprendre, d’une part, que les situations d’apprentissage sont très
différentes et que chacune d’entre elles a ses caractéristiques et ses besoins. Le dit enseignement
traditionnel tendait à une série limitée de capacités : de nos jours, ses méthodes ne correspondent
plus aux attentes des apprenants (Corder, 1983 : 41). D’autre part il nous permet de voir que les
langues étrangères font désormais partie de la vie des Européen(ne)s ; non seulement parce que le
plurilinguisme est l’un des piliers de l’Union Européenne, mais aussi parce que étudier une L2,
voire une L3 et acquérir de bonnes connaissances dans ces langues est le meilleur moyen pour
affronter le monde globalisé d’aujourd’hui et pour saisir les possibilités qu’il offre.
3
BLANCHET, P., (2011), "Politique linguistique et diffusion du français dans le monde", dans BULOT, T., BLANCHET, P.,
(2011), Dynamiques de la langue française au 21ième siècle : une introduction à la sociolinguistique, www.sociolinguistique.fr,
consulté le 17/10/2012
11
1.2 Méthodes d’apprentissage
L’intérêt de la didactique pour la création de modèles d’apprentissage efficaces est tout
récent et les modèles n’apparaissent que pendant le XIXe
siècle. Nous présentons quelques
méthodes qui font référence à la didactique en général, mais qui peuvent être appliquées aussi à
l’étude des LE.
Le premier modèle dont nous faisons mention est celui de la transmission, où il s’agit de la
répétition d’un discours prononcé par l’enseignant. L’apprenant est passif et risque de ne rien
comprendre s’il n’a pas une connaissance profonde du sujet dont il est question. Les années 1950 et
1960 sont dominées par le behaviorisme (de l’anglais « behaviour », comportement), une théorie
psychologique selon laquelle tout apprentissage se base sur la réponse à des inputs. Les
behavioristes pensent que l’apprenant ne produit de réponses qu’en fonction du nombre de
répétitions des exercices et de la réaction de l’enseignant : une réponse positive fait comprendre à
l’apprenant l’exactitude de sa production et l’invite à la retenir et à la réutiliser. Ce qui fait défaut
dans ce courant, c’est qu’il ne s’intéresse pas à la raison pour laquelle l’apprenant fait des erreurs,
mais il se contente de dire que la cause est à attribuer à la confusion créée par la langue maternelle.
Dans les années 1960, la façon de concevoir la psychologie subit un changement radical, ce
qui ouvre la voie au courant du constructivisme. Chez les constructivistes, il est important de mettre
les apprenants dans un contexte favorable à l’apprentissage pour qu’ils puissent l’exploiter et se
forger ainsi leurs propres règles. La fonction de l’erreur est réévaluée, elle n’est plus sous-estimée
mais il y a une volonté de la comprendre. Ce sera le rôle du socioconstructivisme de consacrer une
place encore plus importante à l’erreur, en la considérant comme une source d’approfondissement :
à partir des erreurs on peut construire quelque chose, on peut pousser plus loin l’apprentissage. Les
socioconstructivistes conseillent aux enseignants de créer un contexte dans lequel les échanges entre
les apprenants sont favorisés.
Le passage d’un courant à l’autre n’implique pas la disparition de la méthode précédente.
Chacun d’eux laisse des traces et permet le développement d’autres courants. Ce qui change c’est
le focus, les pratiques, la vision de l’erreur aussi bien que le rôle de l’enseignant et de l’apprenant.4
4
http://www.youtube.com/watch?v=Cs-xsvvtEZA, consulté le 10/10/2012
12
1.3 Intérêt pour l’acquisition des langues étrangères
Définir ce qu’est une langue et ce que signifie apprendre une langue est assez difficile.
La langue et le langage ont fait l’objet de débats depuis l’Antiquité et n’ont jamais cessé de fasciner
les linguistes, les philosophes et de nombreux intellectuels. Les premières réflexions à ce propos
voulaient expliquer quel est le rapport entre la langue et la pensée, le mot et l’objet, quelle était la
fonction du signe et l’origine du langage. Au fil des siècles, les recherches autour du langage
humain varient leur champ d’intérêt, les débats éclatent dans diverses directions et se chevauchent
avec les progrès historiques, les voyages d’exploration, les changements technologiques et sociaux.
Cependant, la question de savoir comment les gens acquièrent une autre langue ne se pose
que vers 1950 et représente donc un phénomène très récent. Ce n’est pas un hasard que l’intérêt
pour les méthodes d’apprentissage soit apparu dans une période si tardive. Par le passé,
l’apprentissage d’une autre langue constituait un plaisir, une curiosité intellectuelle; aujourd’hui, il
constitue le perfectionnement de la formation et un moyen pour entreprendre un parcours
professionnel de succès (Ellis ; 1997 : 3).
1.3.1 Analyse contrastive, behaviorisme et Chomsky
Si nous regardons de plus près les méthodes récentes d’apprentissage des langues étrangères,
nous voyons que c’est l’analyse contrastive qui domine la scène dans les années 1940 et 1960: on
croyait alors qu’en comparant la L1 avec une L2 donnée on peut montrer les similitudes et les
différences entre les deux langues, ce qui permet à l’apprenant de les distinguer et de construire ses
propres frontières. Toutefois, des tests empiriques montrent la faiblesse de cette approche qui
n’arrive pas à expliquer ce qu’elle propose. C’est dans ces circonstances que la méthode
behavioriste prend de l’ampleur ; de nos jours, cependant, on assiste à une redécouverte de l’analyse
contrastive.
La théorie behavioriste est mise en cause par Noam Chomsky (1928-) : pour ce linguiste,
père de la grammaire universelle (UG), l’être humain est naturellement prédisposé à intérioriser les
stimulus de la langue à laquelle il est exposé. Chomsky étudie aussi la façon par laquelle les enfants
apprennent une langue et essaie de voir comment il est possible de formuler une théorie de
l’apprentissage en regardant les erreurs qu’ils font. C’est aussi grâce à ses études que l’intérêt dans
ce domaine se renouvelle et que beaucoup d’études sont effectuées.
13
1.3.2 Nouvelles technologies et méthodes en crise
Dans les années 1960 nous assistons au développement de disciplines qui ont la langue et le
langage comme centre d’intérêt, mais qui les regardent d’un nouveau point de vue. C’est dans ce
contexte que la psycholinguistique et la sociolinguistique voient le jour : l’enseignement commence
à prendre en compte des facteurs liés au fonctionnement du cerveau et qui sont en rapport avec le
monde extérieur. Les progrès de la psychologie et de la sociologie donnent une grande contribution
à la didactique des langues. Elles révolutionnent l’approche à l’enseignement qui commence à
s’intéresser à l’aspect social de la langue. Elles permettent, entre autres, la naissance de la
linguistique appliquée.
Plus récemment, la didactique des langues s’éloigne des méthodes universelles qui marchent
pour tout le monde, sans exceptions, pour entrer dans un stade révolutionnaire, celui de la « crise de
la méthode » (Serra Borneto éd, 1998 : 17-18). M. Serra Borneto explique qu’une définition de ce
qu’est une méthode de l’enseignement des langues étrangères n’a jamais existé et que, dans ces
derniers temps, nous sommes passés de méthodes très rigides et marquées par l’étude rigoureuse de
la grammaire à des approches plus hétérogènes, où le professeur est plutôt un médiateur et
accompagne l’apprenant qui devient plus actif. L’enseignement est centré sur les besoins de
l’apprenant avec un changement du rôle du professeur et une tolérance majeure de l’erreur.
1.4 Facteurs internes et externes de l’apprentissage
L’idée de transformer les étudiants de langues en locuteurs natifs parfaits a été reconnue
comme un objectif irréalisable dans le domaine des LE. De plus, il faut avouer que, à côté des
aspects universaux de l’acquisition d’une L2, il existe des différences individuelles (Ellis, 1997 :
73). Ces réflexions autour de l’apprentissage sont très enrichissantes pour notre sujet.
Les contributions de la psycholinguistique et de la sociolinguistique se sont montrées
indispensables pour remarquer que, dans l’apprentissage, les gens sont influencés par des facteurs
internes, comme la langue maternelle, et par des facteurs externes, comme le milieu où ils
apprennent. Nous aborderons le milieu d’apprentissage dans le troisième chapitre.
1.4.1 Facteurs internes : la LM
Comme nous l’avons vu à propos des behavioristes, la langue maternelle a été considérée
pendant longtemps comme un obstacle à l’apprentissage d’une L2. Aujourd’hui, cependant, nous
14
assistons a une réévaluation du rôle de la LM : le recours à la LM dans la salle de classe, si elle est
partagée par les apprenants et l’enseignant, est source de débats, mais elle devient parfois un outil
pour l’apprentissage. Quand l’apprenant fait des erreurs sous l’influence de sa LM, par exemple en
utilisant une tournure grammaticale propre à cette langue ou en traduisant directement des
expressions figées, il introduit dans son discours des interférences négatives ; par contre, si « en
pensant » dans sa langue, il produit une phrase correcte, aidé peut-être par des similitudes entre sa
LM et la LE qu’il utilise, il introduit des interférences positives. Ces similitudes et ces différences
fournissent une base à l’apprenant qui peut construire des frontières entre sa LM et la L2, en
s’appuyant sur ses propres points de repère.
À propos des particularités de chacun, Ellis propose certains aspects de la langue qui sont à
surveiller afin de mettre en évidence les aptitudes des apprenants envers les langues. Nous pouvons
considérer la capacité de reconnaître les phonèmes et les fonctions grammaticales de la LE ou la
capacité de reproduire de nouvelles structures grammaticales, avec une difficulté progressive
(ibidem :74). Il identifie aussi des facteurs qui pourraient être à la base de la différence de niveau
entre les apprenants.
1.4.2 L’âge
Tout d’abord, M. Ellis souligne l’impact de l’âge de l’apprenant. Un expert comme Gilbert
Dalgalian, chercheur en didactique des langues, parle à ce propos de l’existence d’un âge du
cerveau (Dalgalian 2000 : 22), situé autour de 7 ans. Jusqu’à cet âge, l’oreille des enfants n’est pas
spécialisée sur les sons d’une seule langue, mais peut développer une compétence de
compréhension orale qui ressemble beaucoup à celle d’un locuteur natif. C’est ce que l’on appelle
l’« âge du langage » (ibidem : 24). Cet âge du langage est aussi favorisé par le fait que l'enfant
« s’abandonne, se moule dans les cadences, les sons, les accents » (Lietti 2006 : 19) ; il n'a pas peur
de se tromper et montre au contraire une forte capacité d'imitation. L'enfant vit dans une sécurité
linguistique qui permet un apprentissage accéléré. Des explications à ces différences d’acquisition
liées à l’âge sont d’ordre socio-psychologique, cognitif et neurologique (Larsen-Freeman et alii,
1991 : 163-164). Le débat est tout à fait ouvert, car il existe des études qui montrent que les adultes,
maîtrisant leur LM à un degré majeur par rapport aux enfants, accèdent à une connaissance plus
profonde de la L2 : il se peut donc que, comme le pensent certains, «older is faster, but younger is
better5
».
5
« âgé c’est plus rapide, mais jeune c’est mieux »
15
Nous soutenons la thèse que l’on devrait profiter de la souplesse cognitive de l’enfant,
surtout en ce qui concerne l’écoute et, par conséquent, la prononciation, en commençant à
apprendre une L2 plus tôt que ce que l’on fait aujourd’hui ; nous considérons que les jeunes élèves
pourraient en bénéficier dans bien des domaines.
1.4.3 La motivation
La motivation joue aussi un rôle important : si l’apprenant s’engage dans son travail, y met
de la passion et a un objectif clair à atteindre, les résultats seront meilleurs et arriveront plus tôt.
Enfin, la volonté de conserver sa propre identité et celle de maintenir une distance avec la
communauté linguistique de référence sont aussi des aspects à prendre en compte.
Nous sommes d’accord pour dire que ces facteurs sont à considérer avec une grande
attention et que, dans certaines situations, ils peuvent représenter un avantage pour l’enseignement.
Il faut donc prendre leur côté positif et les « exploiter » en sa faveur.
1.5 Compétence ou performance ?
Le but de toute approche et de toute méthode est d’améliorer la compétence dans une L2.
Définir ce qu’est la compétence dans une langue étrangère est aussi difficile que de définir la langue
elle-même. Être compétent ne veut pas dire être capable ou intelligent.
En linguistique, nous parlons d’une série de compétences : elles peuvent concerner la phonologie, la
morphologie, la syntaxe et la sémantique.
En reprenant la fameuse opposition saussurienne entre langue et parole, Noam Chomsky propose
une opposition entre compétence et performance. La compétence pour Chomsky et la langue pour
Saussure concernent le niveau abstrait, ce que l’individu connaît ; la performance pour Chomsky et
la parole pour Saussure concernent le niveau concret, ce que l’individu produit.
1.6 Le Cadre européen commun de référence pour les langues (CECRL)
À notre époque, l’apprentissage des langues étrangères est au cœur d’enjeux politiques et
économiques davantage qu’autrefois et les institutions européennes jouent un rôle dans la rédaction
des documents concernant l’apprentissage des langues étrangères et leur niveau d’acquisition.
16
Le Cadre Européen commun de référence pour les langues : apprendre, enseigner, évaluer, rédigé
par le Conseil de l’Europe et apparu en 2001, met de l’ordre dans un domaine très complexe.
Il s’agit de l’aboutissement d’un travail commencé en 1971 qui essaie d’élaborer un document
unique, auquel les professeurs et les étudiant(e)s puissent faire référence, en Europe et ailleurs. Le
CECRL donne des informations autour du contenu et de l’évaluation du programme et il est à la
base de la division en six niveaux : A1, A2, B1, B2, C1, C2, couvrant les étapes de la découverte à
la maîtrise.
Il n’est pas conçu pour poser des contraintes, mais, au contraire, il encourage l’interprétation
personnelle de ses usagers et il souhaite la création de plusieurs méthodes créatives.
Il s’intéresse aussi à l’apprentissage autonome, en fournissant aux apprenants les outils pour choisir
le matériel, pour établir des objectifs cohérents et réalisables. L’évaluation se fait en termes positifs,
c’est-à-dire, selon ce que l’on a appris et non selon ce qui reste encore à faire.
L’objectif ultime est celui « d’améliorer la communication entre Européens de langues et de
cultures différentes parce que la communication facilite la mobilité et les échanges et, ce faisant,
favorise la compréhension réciproque et renforce la coopération.[…] En ce sens, ce travail
contribue à promouvoir une citoyenneté démocratique. »
Au premier chapitre, le Cadre spécifie clairement que la communication a un effet sur l’être humain
dans sa totalité. La langue est vue comme un instrument « qui donne accès aux expressions de la
culture » et permet la formation d’une identité ouverte au monde, aux échanges et à la diversité.
L’être humain est pris dans sa dimension relationnelle et vu comme « un acteur social ». Pour cette
raison la méthode préconisée par le Cadre européen commun est l’approche actionnelle, comme
explicité au deuxième chapitre. Il est donc question de réduire la distance entre l’apprentissage en
milieu artificiel (l’école, le cours de langue) et le milieu naturel, de favoriser la mobilité et de
permettre le passage de la compétence à la performance.
Le professeur devrait chercher à proposer des exercices en contexte et employer des
documents authentiques, afin de mettre l’apprenant dans la condition d’accomplir des tâches
concrètes et d’appliquer les compétences acquises.
Nous reviendrons sur l’approche actionnelle et sur le concept de tâche dans le troisième chapitre.
Les gouvernements des pays de l’Union semblent d’accord sur la nécessité d’améliorer la
maîtrise des langues étrangères de leurs citoyens : un trait commun de leurs politiques est celui de
mettre l’accent sur l’enseignement des L2 et sur la volonté de réaliser sur un plan concret le projet
d’ouverture européen.
17
La compétence linguistique est ici une condition préalable à la libre circulation des hommes et des
femmes et au respect mutuel entre peuples différents. Le Cadre considère la pratique des langues
comme enrichissante pour le développement personnel et comme promotrice d’une identité
multiculturelle, pour une Europe qui soit vraiment « unie dans les différences ».
18
II
Le CLA de Besançon
Après quoi il se dit: «Eh bien, les voilà tous qui forment un peuple unique et parlent la même langue! S'ils
commencent ainsi, rien désormais ne les empêchera de réaliser tout ce qu'ils projettent. Allons! Descendons mettre le
désordre dans leur langage, et empêchons-les de se comprendre les uns les autres.» Le Seigneur les dispersa de là sur
l'ensemble de la surface de la terre, et ils durent abandonner la construction de la ville. Voilà pourquoi celle-ci porte le
nom de Babel. C'est là, en effet, que le Seigneur a mis le désordre dans le langage des hommes, et c'est à partir de là
qu'il a dispersé les humains sur la terre entière.
Genèse, XI, 6-96
2.1 La didactique : un domaine sur trois niveaux
Quand nous apprenons une matière à l’école ou à l’université ou quand nous suivons un
cours, nous ne sommes pas conscients de ce qui se passe derrière la leçon en classe, ni des aspects à
prendre en compte lorsqu’il s’agit de sa préparation. Comme le suggère S. Pit Corder (Corder,
1983 : 24), dans le domaine de l’enseignement nous pouvons parler d’une structure à trois niveaux :
au niveau supérieur l’on décide ce qu’il faut enseigner, comment et pendant combien de temps ;
cela incombe aux organismes politiques qui s’occupent des choix pédagogiques. Le niveau
intermédiaire met en pratique ces décisions, à l’aide de la linguistique appliquée. Le niveau
inférieur est le plus évident et concerne le véritable cours dans la salle de classe.
2.2 Présentation de Besançon et du CLA
Nous présentons le cas concret d’un centre de langues moderne.
Le CLA est un centre international d’apprentissage des langues, situé en France, à Besançon.
Lieu de naissance de Victor Hugo et des frères Lumière, cette ville est close entre la boucle du
Doubs et les fortifications de la Citadelle, construites au XVIIe
siècle par Vauban, ingénieur du roi,
et inscrites au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 2008. Cette ville a aussi une longue histoire
dans l’horlogerie, ayant été la capitale de la montre française pendant le XIXe
siècle.
6
La Bible, Ancien et Nouveau Testament avec les livres deutérocanoniques, traduite de l'hébreu et du grec en français courant.
Nouvelle édition révisée ALLIANCE BIBLIQUE UNIVERSELLE.
19
Besançon se trouve au cœur de la Franche-Comté, pas trop loin de la frontière suisse et compte
environ cent mille habitants. Elle a une population estudiantine très nombreuse, accueillant chaque
année un nombre élevé d’étudiants étrangers, qui y arrivent pour poursuivre leur études dans le
cadre de programmes d’échange, comme le programme Erasmus, dans le cadre d’accords
internationaux ou en dehors de tels programmes.
Cette petite ville de la France de l’est, qui, avec Grenoble, se trouve dans une région qui a participé
aux progrès de la recherche en FLE, est devenue un point de repère très connu et respecté en France
et dans le monde en ce qui concerne l’enseignement du français. Le grand nombre d’étudiants et de
stagiaires, qui la fréquentent et qui l’animent, donne à Besançon un caractère vif et sociable. Les
festivals, les spectacles et les concerts organisés sont nombreux, ce qui permet la rencontre entre les
Français et des personnes d’origines diverses.
En 1958, Bernard Quémada fonde le CLA et marque une nouvelle page de l’histoire
culturelle bisontine. Voici ce qu’écrivait le 27 mars 2008 L’Est Républicain, quotidien régional
français, diffusé à Besançon et en Franche-Comté, à l’occasion du 50ème
anniversaire du CLA : c’est
le moment de célébrer « l’histoire d’une belle famille qui traverse le temps et qui entend fêter son
anniversaire en grand ». Cependant, l’ouverture du CLA n’est pas accueillie positivement par la
totalité du monde universitaire. Dans une interview M. Quémada raconte : «On était dans les
recoins de la fac de Lettres, on nous abandonnait (sic) des bouts de couloir et de grenier, on était
presque des parias. Les grands professeurs de langue ne nous prenaient pas au sérieux.» (ibidem).
En 1950, Quémada est nommé professeur de linguistique à l’Université de Franche-Comté,
où il enseigne surtout la philologie ; au cours de sa carrière il rédige deux thèses, qui confirment son
grand intérêt pour les dictionnaires.
Dans les années 1960 il rapporte le concept de linguistique appliquée des États-Unis, ce qui permit
le développement du CLA de Besançon. La linguistique appliquée est définie par Bernard Py (1996
: 13) comme « une activité de recherche qui étudie le langage en tant qu’il intervient de manière
centrale dans diverses pratiques sociales telles que l’enseignement et l’apprentissage des langues,
les migrations, l’éducation (principalement en milieu plurilingue)»7
. Elle utilise les découvertes de
la linguistique et celles d’autres disciplines pour améliorer les conditions de la communication et de
l’enseignement. C’est dans ce sens qu’« appliquée » se rapporte à « linguistique », car elle s’occupe
des solutions à des problèmes pratiques. La linguistique appliquée est étroitement liée à la
7
Py, Bernard (1996), “Les apports de la didactique à la linguistique” dans La Linguistique Appliquée : points de vue et perspectives.
Actes du 1er
Symposium organisé par la COFDELA Université Stendhal-Grenoble III 18, 19 et 20 Janvier, pp. 11-18 dans
Linguistique appliquée, didactique des langues, laquelle est prioritaire dans une classe de français préliminaire? par Y. O. Tijani,
20
didactique des langues. Elles vont de pair, elles s’entraident ; les découvertes dans l’une des deux
poussent la recherche et les applications dans l’autre. Toutes les deux utilisent les données de la
sociologie et de la psychologie pour atteindre les résultats souhaités. La linguistique appliquée
participe notamment à la rédaction des syllabus et des manuels de cours.
Ce centre surgit juste à côté de la rivière et domine le Doubs avec sa remarquable
construction en verre et joue un rôle unificateur entre ses étudiants et la société française locale,
agissant selon l’idéologie que les langues relient les hommes et les cultures. Il organise des
activités à son intérieur, des sorties dans la ville et dans la région et au, mois de mai, une grande
manifestation qui s’appelle « Le tour du monde en 80 plats », où les plats typiques de beaucoup de
pays sont cuisinés et vendus au cours de deux soirées d’intégration culturelle.
2.3 Enseignement, formation, recherche
Le CLA est spécialisé dans un enseignement des langues dédié essentiellement à l’usage
professionnel. En harmonie avec les tendances dont nous avons déjà parlé, ses formations se
focalisent sur les besoins des apprenants. Avant de s’inscrire, on leur demande de remplir une fiche
qui s’appelle « Pour mieux vous connaître » et, une fois arrivés, on leur propose une première
évaluation. Au total, les évaluation sont trois : une deuxième pendant les cours et la dernière à la fin
de la formation. Cela montre que les groupes ne se forment pas en fonction de l’origine des
apprenants et que ces étapes permettent au CLA de se faire une opinion de l’apprenant, de trouver le
groupe qui est fait pour eux et de suivre ses progrès. Il s’agit d’une prise en compte de la spécificité
des individus.
Les apprenants ont des âges différents, mais, le plus souvent, il s’agit de jeunes adultes ; ils
se rendent dans ce centre pour pouvoir pratiquer la langue, par exemple avant un séjour à l’étranger
ou en vue de la réception d’un correspondant étranger, ou pour enrichir leurs connaissances et avoir
plus de chances dans la recherche d’un travail. Ils peuvent profiter des professeurs experts, natifs de
la langue qu’ils enseignent.
Les gens qui ont fréquenté le CLA et parcouru ses couloirs ont tous eu des carrières différentes.
Parmi ces gens, il y en a qui sont devenus plus fameux que d’autres: « qu’ils soient devenus
ambassadeurs ou princesse du Japon, écrivain ou directeur de cirque, mère de famille ou arbitre
international de foot, ils sont tous un jour ou l’autre passés par Besançon et son CLA » (L’Est
Républicain).
Les formations s’occupent de multiples domaines, allant des affaires à l’informatique, en
passant par le juridique et le médical. Le CLA est par exemple spécialisé dans l’anglais
21
aéronautique depuis 1974. Les cours ciblent la préparation des diplômes et des concours, les
échanges commerciaux et la communication scientifique. Le tourisme fait partie de la formation
aussi bien que les ateliers de traduction. Le CLA réalise des stages de formation pour les
enseignants de langue.
Le personnel est composé de cent permanents : l’équipe pédagogique est constituée de soixante-dix
enseignants permanents, dont les deux tiers sont des enseignants de FLE. Tous ces professeurs ont
au moins une fois enseigné à l’étranger et ont donc été en contact direct avec la dimension
interculturelle. Le centre accueille près de cinq mille personnes par an, entre stagiaires et
étudiant(e)s. La majorité y arrive pour suivre des cours de FLE et représentent plus de cent pays. Le
CLA délivre des diplômes nationaux et d’université et s’occupe aussi de recherche : les enseignants
chercheurs élaborent des matériels pédagogiques qui sont aussi diffusés en dehors de la France.
À la fin de mon séjour bisontin, j’ai eu la chance d’interviewer M. Michel Lacaille, du
service "Accueil des groupes", qui a répondu avec grande disponibilité à mes questions. Il m’a
expliquée que ce centre n’a pas de véritable politique de marketing, il ne se fait pas beaucoup de
publicité, mais il a réussi à répandre sa renommée un peu partout dans le monde. Sa bonne
réputation est due aux missions d’enseignement à l’étranger qui ont permis aux professeurs du CLA
de faire connaître ce centre aux universités d’autres pays. Les professeurs qui sont partis ont
conseillé aux apprenants étrangers de séjourner à Besançon et d’y fréquenter des cours de FLE.
2.4 Changement de paradigme
La didactique est liée à des manières de voir la société : comme nous l’avons déjà dit, au fil
du temps, les méthodes d’enseignement ont changé, suivant, entre autres, les changements sociaux.
Dans le passé, les contraintes étaient beaucoup moins présentes, ce qui favorisait les
expérimentations et une acceptation majeure du jeu. La fin des années 1960 marque le début de
l’époque des transgressions, qui continue jusqu’aux années 1980, une période assez extrovertie et
caractérisée par la créativité. C’est dans les années 1980 que l’on donne beaucoup d’espace à
l’apprentissage à travers le jeu et que l’on commence à prendre en compte des documents
authentiques. Par contre, au cours des années 1990, les restrictions se font plus fortes, le jeu
régresse. De nos jours, l’objectif de la didactique des langues est d’atteindre un bon niveau dans la
langue choisie et de pouvoir le certifier. La compétence qu’il faut avoir, dans une société
caractérisée par la compétition comme la nôtre, ne laisse plus le même espace à l’innovation.
22
Nous voyons qu’il existe à ce propos une sorte d’opposition entre ces contraintes
contemporaines et les approches communicative et actionnelle qui favorisent la créativité.
2.5 Le cas du CLA
La formation du CLA cherche à remédier à cette opposition en proposant une formation
complémentaire, à travers une approche ludique et sérieuse à la fois, qui s’appuie sur les échanges
- rencontres et discussions. Dans la salle de classe, les petits groupes se focalisent sur la partie
« sérieuse » de l’apprentissage, tandis que les autres activités proposées s’intéressent à l’approche
ludique. Le rôle du professeur est de profiter du contexte social et de mettre en place une formation
créative.
Au premier chapitre nous avons décrit l’approche actionnelle, préconisée et mise en exergue par le
Conseil de l’Europe. Le cas typique que l’on a à l’esprit quand il s’agit d’appliquer le Cadre
européen commun de référence pour les langues est une classe d’apprenants qui partagent la même
LM et, plus ou moins, le même bagage culturel.
Or, au CLA les situations d’apprentissage sont très variées et le public n’est pas homogène,
en ce qui concerne ni la LM, ni la culture de provenance : dans un contexte pareil nous ne pouvons
pas nous servir d’une seule méthode. De plus, la didactique est un domaine en fermentation
permanente et les productions écrites ne cessent d’introduire des innovations. Les nouvelles
technologies sont très utilisées, l’objectif étant d’introduire des outils et des procédures innovantes.8
La médiathèque du CLA est bien fournie et les enseignants s’appuient sur telle ou telle méthode en
fonction de leurs besoins et de ceux de leurs apprenants.
2.6 Méthodes
2.6.1 Des approches pragmatiques
Les approches mises en place au CLA sont pragmatiques : l’une d’entre elles est l’approche
communicative. À son début, dans les années 1970, cette nouvelle approche marqua un grand
changement dans le paradigme de l’enseignement : enseigner une langue n’est plus considéré
comme le fait d’enseigner un système, mais est vu comme le fait d’enseigner un comportement
linguistique. On apprend une langue pour l’utiliser dans différentes situations, avec un objectif
fonctionnel, celui de communiquer. À ce propos, le professeur cherche à solliciter la curiosité des
8
http://cla.univ-fcomte.fr/index.php?page=formation-pedagogique&hl=fr_FR
23
apprenants et à les intégrer le plus possible dans le développement du cours. Leurs interventions
devraient constituer des points de départ pour de nouvelles discussions, dans une leçon qui se
construit au fur et à mesure (ibidem : 23).
De l’approche communicative dérive, vers la fin des années 1980, l’approche interculturelle.
L’apprenant est encore plus au cœur de la formation, aussi dans son aspect émotif et affectif. Les
exercices proposés traitent aussi des questions extralinguistiques, comme les stéréotypes, les
habitudes et les différences entre les cultures (ibidem : 24). Les dimensions culturelle et
internationale revêtent un rôle très important, comme il se doit dans un centre de langues. En
adoptant cette philosophie, le CLA est devenu « un pôle d’excellence connecté sur le monde, les
langues, les cultures » (L’Est Républicain).
2.6.2 Le « Silent Way »
Pour l’anglais, il existe la possibilité de suivre un cours qui propose une approche
pédagogique qui s’appelle le « Silent Way », formulé par Caleb Gattegno au début des années 1970.
Il est resté longtemps inconnu et il a reçu beaucoup de critiques, surtout pour le fait de transmettre
uniquement une connaissance théorique du langage. Cette approche reconnaît le fait que chacun
apprend à sa façon et à son rythme et refuse l’idée que l’apprentissage se fasse par imitation et par
répétition. Dans la salle de classe, le professeur limite au minimum l’utilisation de sa voix et fait
grand recours à la mimique et aux gestes. Il explique très peu et essaie de pousser l’apprenant vers
la réflexion personnelle et vers des expérimentations. Le silence marque le fait que le professeur ne
se pose pas en tant que modèle à suivre et que les apprenants sont tenus à prendre l’initiative et à
faire confiance à leurs intuitions (Serra Borneto éd., 1998 : 109-130).
2.6.3 Nouvelles technologies
La crise de la méthode dont nous avons déjà parlé, se concrétise dans la tendance récente
vers l’auto-apprentissage, les TICE (technologies de l'information et de la communication pour
l’enseignement) et les cours de langue sur internet. Au CLA, cela concerne, par exemple, des cours
individuels d’anglais à distance. Le milieu social, de nos jours, si influencé par les nouvelles
technologies, marque à nouveau l’évolution des méthodes de la didactique et, dans certaines
situations, permet l’autoévaluation la plus complète et la disparition de la fonction classique du
professeur. Depuis 2006 nous assistons à l’explosion des outils du web 2.0 ; cependant, beaucoup
24
d’apprenants qui suivent cette approche s’aperçoivent eux-mêmes de l’importance de la figure de
l’enseignant.
2.7 Les langues du CLA
« Derrière la façade de verre, un brassage des langues et des cultures à découvrir »
(L’Est Républicain)
Les langues que l’on peut étudier au Centre de Linguistique Appliquée de Besançon, à côté
du français, sont neuf : l’ allemand, l’anglais, l’arabe, le chinois, l’italien, le japonais, l’espagnol,
le portugais et le russe. En plus de celles-ci, il existe la possibilité d’en apprendre d’autres sur
demande.
Si nous prenons en considération les dix langues du CLA, nous en remarquons six parmi les
langues les plus connues et les plus étudiées en Europe : l’allemand, le français l’anglais, l’italien,
l’espagnol et le portugais. Nous avons bien dit « connues » et pas « parlées » ; à ce propos il est
difficile de donner des chiffres corrects, car une étude qui se fonde sur le nombre d’habitants d’un
pays donné et qui considère ce nombre comme égal au nombre des locuteurs LM de la langue ou
des langues officielle(s) du pays, ne serait pas fiable.
Au niveau de l’enseignement, l’anglais, moderne lingua franca, est L2 dans de nombreux pays,
suivi par l’allemand et le français comme L3. L’espagnol est lui aussi L3 ou L4 dans des pays
importants, surtout au niveau secondaire supérieur. En 2009/2010, selon une étude d’Eurydice, un
réseau qui fournit de l'information sur les systèmes éducatifs européens, un pourcentage très bas
d’élèves ont appris une autre langue que l’anglais, le français, l’espagnol ou l’allemand. Dans un
nombre important de pays, ce pourcentage se situait en dessous de 1%. 9
Dans ce centre, on
enseigne aussi des langues qui ont gagné du prestige dans le domaine économique : le russe et le
chinois mandarin. Le russe est parlé en Russie et dans les pays de l’ex-URSS ; le chinois mandarin
est la langue officielle de la République populaire de Chine et a le plus grand nombre de locuteurs
au monde. Enfin, il est possible de suivre des cours d’arabe et de japonais, deux langues qui
commencent à apparaître avec beaucoup d’intensité sur la scène mondiale.
9
http://eacea.ec.europa.eu/education/eurydice/documents/key_data_series/143FR_HI.pdf
25
2.7.1 Des langues pour demain : comment les choisissons-nous ?
Nous avons déjà parlé de l’évolution du rapport à l’apprentissage et à la maîtrise des
langues, qui est désormais devenue un atout dans bien des domaines. Nous nous intéressons
maintenant à ce qui se passe au moment de choisir une ou plusieurs langues étrangères à apprendre,
pour montrer que ce choix n’est jamais neutre, mais que, au contraire, il est affecté par des forces
externes. Ce choix est soumis à des pressions sociales.
Tout d’abord, c’est notre représentation des langues qui nous guide vers telle ou telle langue ou qui
nous en éloigne. C’est un sentiment diffusé et enraciné dans tout individu , qui souvent dérive de
l’imaginaire, personnel ou collectif, qui est rattaché aux langues. Il peut être influencé par les
expériences que l’on a vécues avec ces langues : si l’expérience a été positive, la langue en question
occupera une bonne place dans notre répertoire linguistique, c’est-à-dire le moyen par lequel on
conçoit les langues avec lesquelles on a été en contact. Ce répertoire est donc très affectif.
Il faut aussi considérer la présence, ou le manque, d’un air de famille qui influence notre perception
de la difficulté d’une langue inconnue. Cette difficulté subjective est parfois légitimée par une
difficulté objective, qui fait tomber le choix sur une langue qui finalement soit belle et facile à
apprendre. Enfin, la langue que nous voulons aborder doit être utile. Très souvent, cela veut dire
qu’elle doit nous permettre de trouver un bon travail et rehausser notre position sociale.
Les langues du CLA, de ce point de vue, ne doivent pas nous surprendre.
Elles ont une excellente réputation et sont donc les plus recherchées par les apprenants, qui sont
inconsciemment influencés par les aspects sociopolitiques qu’on vient de décrire.
Lors de l’interview avec M. Lacaille nous avons aussi abordé les aspects du choix des langues, à
travers des exemples. L’italien, après son âge d’or qui remonte au XVIe
siècle, a vécu une
diminution de la demande à cause du binôme « plaisir-efficacité », ce qui veut dire que ce n’est pas
la seule prédilection vers une langue qui est décisive dans le parcours d’apprentissage, mais aussi la
place de la langue en question dans la société et dans le cadre des échanges. M. Lacaille a ensuite
ajouté des informations concernant l’allemand et le russe. Dans certains cas, c’était les parents qui
conseillaient ces deux langues à leurs enfants selon une « stratégie de différenciation » qui pouvait
permettre à ces petits élèves de disposer d’atouts, par exemple, dans leur future vie professionnelle.
Voici donc qu’un véritable scénario géostratégique se dessine : les langues « se font la guerre »
dans ce qui s’est transformé en un « marché des langues ».
26
2.8 Classement des langues : la linguistique historique
Nous consacrons maintenant notre attention aux études de la linguistique historique pour
essayer de classer ces langues. L’idée qui est à la base de la linguistique historique est que l’on peut
trouver des correspondances entre les langues du monde, en étudiant leurs traits et en remarquant
leurs similitudes. Quand il s’agit de classer les langues, la linguistique s’appuie sur trois critères:
critère généalogique, critère typologique et critère aréal.
2.8.1 Trois critères : généalogique, typologique et aréal
2.8.2 Critère généalogique
Les peuples sont à la recherche d’une langue mère depuis l’Antiquité et, selon le critère
généalogique, il est possible de repérer la langue qui est à l’origine de plusieurs langues
apparentées. L’unité généalogique dans le sens le plus large est la famille linguistique ; à son
intérieur, l’on trouve des groupes et des sous-groupes.
Quand on parle de l’histoire des langues, on fait souvent référence à l’épisode biblique de la Tour
de Babel, qui représente le point de départ de la différenciation entre les langues. Il raconte la
construction d’une tour qui devait être assez haute pour toucher le ciel, pour arriver au trône de
Dieu. Les hommes qui la construisaient parlaient la même langue et pouvaient travailler
efficacement ensemble. Mais Dieu punit la vanité de ce projet, en introduisant la « confusion »,
c’est-à-dire la différence des langues. Le regret pour la perte de la faculté d’être compris partout et
par tout le monde était profond chez l’être humain car son désir de communiquer et de se faire
comprendre a toujours été très grand.
Plusieurs théories ont été proposées au cours des siècles, mais ce n’est qu’à la fin du XVIIIe
siècle
que la linguistique s’écarte des spéculations et réussit à jeter les bases de sa scientificité.
En 1786, au cours d’une conférence, Sir William Jones avançait l’idée selon laquelle le latin, le grec
et le sanscrit dérivaient d’une même langue. Jones n’était pas le premier à formuler une telle idée,
mais cette conférence marque conventionnellement la naissance de la linguistique historique,
branche de la linguistique qui s’occupe de la parenté entre les langues.
La période était tout à fait favorable à l’apparition de cette discipline car, à la même époque, on
assistait à des voyages d’exploration et à une augmentation conséquente des contacts entre les
langues. De plus, le Romantisme, courant qui caractérise le début du XIXe
siècle s’intéresse à
l’orient et aux langues orientales, en particulier au persan. L’intérêt envers l’individuation d’une
27
langue originelle a conduit à la formulation de plusieurs théories et à l’étude de plusieurs facteurs
extralinguistiques, notamment dans le domaine de l’agriculture, de la biologie et de l’archéologie.
2.8.3 Critère typologique
En ce qui concerne le critère typologique, les linguistes du XIXe
siècle classent les langues
selon leurs traits morphologiques, en les regroupant en trois catégories.
La première catégorie est celle des langues isolantes. Elles n’ont presque pas de marque
morphologique car, très souvent, c’est l’ordre des mots qui fait du sens. Ensuite, il existe des
langues appelées agglutinantes, où chaque marque morphologique donne une seule information
(pluriel, première personne, locatif). La dernière catégorie est celle des langues dites flexionnelles :
celles-ci utilisent des désinences qui complètent le mot et donnent plusieurs informations à la fois.
C’est le cas du français : par exemple, le mot « chanteuse » est composé par un morphème «chant»,
que nous retrouvons aussi dans «chanter», et d’une désinence «-euse» qui marque le fait qu’il s’agit
d’un mot du genre féminin.
Il faut à ce point là souligner que August Schleicher (1821-1867) est parmi les linguistes qui ont
interprété ce schéma comme une véritable évolution des langues, selon un point de vue qualitatif.
Les langues isolantes étaient les plus simples et les plus pauvres, alors que les flexionnelles étaient
les plus évoluées et les plus riches. Schleicher était aussi un botaniste. Sa façon de classer les
langues dérivait probablement de sa formation dans le domaine des sciences. Avant que Darwin ne
diffusa sa théorie évolutionniste, il fut l’auteur de l’arbre généalogique des langues indo-
européennes (i-e), dans lequel les langues sont considérées comme des organismes naturels, qui
subissent des mutations comme tout autre élément présent dans la nature.
Il existe une autre catégorie morphologique qui est celle des langues polysynthétiques : elles
sont assez complexes car dans un mot on trouve plusieurs morphèmes et plusieurs valeurs, mais on
n’est pas capable de les segmenter et de leur attribuer le sens correspondant. C’est la cas du basque,
qui ne fait pas partie des langues i-e et dont la provenance est encore incertaine.
Un autre classement typologique possible s’occupe de l’ordre des mots dans la phrase. Il
s’agit de la typologie syntaxique qui se développe dans les années 1960 grâce aux travaux du
linguiste Joseph Greenberg (1915-2001).
28
2.8.4 Critère aréal
Le dernier critère est le critère aréal. Les linguistes qui s’intéressent à ce domaine cherchent
à identifier les similitudes entre des langues qui sont très distantes selon un point de vue
généalogique, mais qui ont des caractères communs, étant donné qu’elles sont parlées dans la même
région géographique. C’est le cas, par exemple, des langues balkaniques, qui appartiennent à des
groupes différents de l’i-e, mais qui ont développé des traits pareils. Par ailleurs, les aires
linguistiques ne forment que rarement des blocs monolithiques.
Ces trois critères se basent sur des données différentes et fournissent souvent des
classements divergents.
2.9 Classement des langues du CLA
Si nous essayons maintenant de décrire ces dix langues selon les critères dont nous avons
parlé ci-dessus, nous pouvons dire que ces langues appartiennent toutes à la grande famille des
langues indo-européennes (i-e), sauf l’arabe, le chinois et le japonais. La famille indo-européenne
couvre de nombreuses langues sur deux continents, de l’Europe atlantique jusqu’à l’Inde, du
portugais jusqu’au cingalais.
Le chinois mandarin appartient à la famille des langues sino-tibétaines qui, avec la famille des
langues i-e, est la famille la plus représentée au monde.
Le classement du japonais pose des problèmes d’ordre méthodologique car beaucoup de documents
antiques, surtout en prose, ont été rédigés en chinois.
L’arabe est une langue sémitique qui appartient à la famille afro-asiatique. Aujourd’hui, à la suite
de mouvements migratoires, l’arabe est beaucoup parlé en Europe aussi.
Si nous faisons référence au classement typologique, nous pouvons affirmer que le chinois
est une langue isolante, le japonais est une langue agglutinante et que toutes les langues i-e sont
flexionnelles. L’arabe est une langue flexionnelle particulière : elle ses sert des alternances
vocaliques à l’intérieur des mots pour produire des changements de sens. C’est la raison pour
laquelle certains linguistes la définissent une langue intra flexionnelle.
Ces catégories ne sont pourtant pas si rigides, dans le sens qu’aucune langue n’est qu’isolante ou
qu’agglutinante. Elles sont classées selon leurs traits les plus forts et les plus visibles, mais elles
présentent des caractéristiques de différents types. L’anglais, par exemple, est considéré comme
flexionnel, mais il montre aussi des traits qui le font ressembler à une langue isolante.
29
III
La Didactique du FLE
« Si l’on voit avec optimisme le français comme une langue parmi d’autres pour tous ceux qui souhaitent
l’utiliser, souplement, librement, diversement, sans phobie des métissages et des innovations, alors il continuera à
permettre la rencontre de gens différents.»
Philippe Blanchet10
3.1 Enseignement et politique linguistique
La didactique du FLE a une longue histoire, même si ce n’est qu’en 1983 que le FLE
devient une discipline universitaire. Elle s’intéresse à plusieurs contextes et a permis de nombreuses
découvertes et des perfectionnements dans l’enseignement du français.
Enseigner une langue signifie étendre les limites géographiques de sa pratique. La volonté
« d’exporter » les langues commence à se délinéer pendant le XIXe
siècle et continue jusqu’à
présent, avec les politiques linguistiques modernes. Calvet définit la politique linguistique comme la
« détermination des grands choix en matière de relations entre langues et société » (1996 : 3). 11
De nos jours, ce type de politique est mis en place contre la menace de la perte de locuteurs d’une
langue.
3.2 Diffusion du français : Alliances Françaises et OIF
En ce qui concerne le français, la diffusion de cette langue en dehors de la France a été
permise et continue de l’être par des institutions, telles que les Alliances Françaises et
l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF).
Les premières à s’occuper de l’enseignement du français sont les Alliances Françaises, avec
l’Alliance Israélite Universelle, créée en 1863 et, vingt ans plus tard, avec l’Alliance Française de
Paris. C’est à Paris que les premières méthodes d’enseignement du FLE sont élaborées12
, à la même
période où les puissances européennes se réunissent et décident comment se répartir le continent
10
http://www.sociolinguistique.fr/cours-5-5.html
11
CALVET, L.-J., (1996), Les politiques linguistiques, Paris, PUF dans ibidem.
12
http://www.alliancefr.org/sommes-nous
30
africain. L’Alliance Française de Paris naît en 1883, deux ans avant le Traité de Berlin qui légitime
et marque le début de la colonisation de l’Afrique.
Depuis, la langue française et l’Afrique prennent un chemin commun.
Dans le cas des Alliances Françaises, nous parlons d’un rapport horizontal dans
l’apprentissage : l’enseignement ne suit pas de hiérarchie et les professeurs se basent sur les
connaissances déjà acquises par les apprenants. Dans ce contexte, il s’agit de vrais échanges. Par
contre, en Afrique, dans une situation absolument nouvelle, ce n’est pas du tout pareil. Les Français
ne savent pas comment communiquer avec les gens qu’ils rencontrent ; par conséquent, ils n’ont pas
le moyen d’utiliser les connaissances de ces gens. Le rapport entre les deux est vertical, étant le fruit
d’une domination politique.
Les missionnaires français sont parmi ceux qui arrivent dans ces terres inexplorées. Ils n’ont aucune
expérience d’enseignement dans un contexte de ce type, aucun système auquel faire référence.
Ce n’est qu’à travers l’oral, qui restera l’outil principal dans l’enseignement des langues, qu’ils
apprennent à ces gens les bases du français.
Pour la première fois on s’adapte au contexte pour atteindre un objectif de formation. C’est le début
de la didactique du FLE : sans le savoir, ces missionnaires catholiques sur le territoire africain
deviennent des pionniers dans ce domaine.
Aujourd’hui les Alliances Françaises forment un réseau culturel mondial, avec 1 040
implantations dans 136 pays sur les cinq continents. Elles sont à considérer comme des
organisations mettant en place une véritable politique linguistique et poursuivent trois missions :
elles proposent des cours de français à tout public, en France et dans le monde, elles font connaître
les cultures françaises et francophones et favorisent la diversité culturelle13
.
L’OIF est un dispositif institutionnel qui gère la collaboration de 56 états membres et de 19
états observateurs. En prenant en compte la cohabitation avec d’autres langues, l’OIF poursuit des
missions qui visent à la promotion de la langue française, de la diversité culturelle et linguistique,
avec une attention particulière aux droits de l’Homme, à la formation et à la coopération. 14
L’OIF
met en œuvre des actions adaptées aux différents publics concernés pour que le français soit plus
utilisé, mieux enseigné et maîtrisé.
L’OIF, avec l’Ambassade de France, le Ministère des Affaires étrangères et européennes et le
Ministère de l'Éducation nationale est l’un des partenaires du CLA.
13
ibidem
14
http://www.francophonie.org/Qui-sommes-nous.html
31
3.3 Le français appris en France : les bénéfices du milieu homoglotte
Dans le cas du FLE au CLA de Besançon il s’agit aussi, à une échelle plus petite, de la
diffusion du français. Les apprenants peuvent choisir parmi différents programmes : un cours
intensif, qui dure un mois avec 25 heures de français par semaine; un cours semi-intensif, composé
de 15 heures par semaine pendant 13 semaines, ou le programme « langue, culture et société », qui
permet de découvrir le société française et de jeter un regard sur la littérature, le théâtre, l’art, les
affaires…15
La force du centre se trouve dans son milieu d’apprentissage, puisqu’il s’agit d’un milieu
homoglotte. Dans un milieu de ce type, il existe une continuité entre la langue enseignée dans la
salle de classe et la langue parlée à l’extérieur. Voici comment le CLA présente son
environnement : « pour débuter votre apprentissage ou enrichir vos connaissances et vos
compétences en français, commencez par découvrir la Franche-Comté et Besançon, une région et
une ville qui ont beaucoup à vous dire. Rencontrez les gens : appropriez-vous le français en
approchant ceux qui le vivent au quotidien. Il n’y a pas plus agréable et plus efficace moyen
d’apprivoiser notre langue ». L’apprenant est continuellement exposé à différents faits de langue et
cela lui donne la possibilité de puiser à cette énorme richesse. Les recherches ont montré qu’il est
plus facile de retenir un point de grammaire que l’on a entendu ou pratiqué à l’extérieur et que l’on
étudie après dans la salle de classe (Ellis ; 1997 : 82).
Dans un milieu homoglotte les facteurs socioculturels exercent une grande influence :
l’apprenant a la possibilité de voir de très près à quoi correspond la diversité linguistique et
comment elle se manifeste ; si cet aspect est bien expliqué et interprété, il est possible d’apprendre à
distinguer des niveaux de langue, de développer des capacités de gestion de différents registres, de
différentes situations de communication (formelles-informelles).
Ce faisant, l’apprenant s’approprie des capacités pour construire de bonnes relations sociales.
3.4 Un aspect sociolinguistique : la variation
Nous venons de dire que la langue de communication avec le professeur est la même que
celle que l’on utilise dans la rue et dans les échanges quotidiens. Est-ce vraiment le cas ?
En effet, le français de la classe n’est pas le français de la rue, ou celui qui est parlé à la maison.
D’ailleurs, nous savons que les Français ne parlent pas tous le même français. Quand nous disons
15
http://cla.univ-fcomte.fr/index.php?page=apprendre-le-francais&hl=fr_FR
32
que ces deux langues ne sont pas « la même langue », mais qu’elles sont plutôt deux variantes du
standard, nous faisons référence au concept de variation.
La variation décrit le fait que la langue n’est pas homogène, mais qu’à son intérieur il existe
des unités en compétition. Ce concept est au cœur de la sociolinguistique, une discipline qui s’est
développée dans les années 1960 aux États-Unis, en particulier grâce aux études de William Labov
et qui étudie les relations entre la pratique de la langue et le profil sociologique des locuteurs.
Les variantes que les Français utilisent au quotidien s’opposent en quelque sorte au « bon
français ».
La variation est un phénomène linguistique qui fait référence à plusieurs critères. Elle peut dépendre
de la période qu’on prend en considération (variation diachronique) : le français qui était parlé il y a
300 ans n’est pas le même que celui d’aujourd’hui. Elle peut dépendre de la provenance du locuteur
(variation topique) : on remarque, entre autres, des différences d’accent, des particularités
régionales. Elle peut surtout dépendre de la situation et de différents contextes dans lesquels se
trouvent les gens.
Dans un contexte formel, comme celui qui nous intéresse, à savoir la salle de classe, le professeur et
les apprenants suivent attentivement les normes grammaticales, tout en évitant de s’éloigner de ce
que l’on appelle le « français standard ». Par contre, quand les mêmes personnes se trouvent chez
elles, ou dans un contexte informel, comme dans une sortie entre amis, ils feront moins attention à
leur façon de parler et ils pourront utiliser des mots issus du dialecte, des formes abrégées, des
néologismes qui leurs sont propres et qui ne seront pas forcément compris par un autre groupe de
personnes.
Le « bon français » n’est qu’une variante « qui a réussi ». Le fait qu’il soit adopté comme
« français standard » dépend de l’histoire de France et est le résultat de choix sociopolitiques.
Choisir un standard signifie normaliser un usage selon des critères. Le choix de ce standard dérive
du critère quantitatif, selon lequel on se focalise sur la variante la plus répandue, qui est souvent
celle du groupe au pouvoir. On suit aussi un critère de régularité, tout en privilégiant les règles
productives. Enfin, il existe un aspect culturel. En ce qui concerne le français, les formes qu’on a
gardées sont celles qui montrent ses racines latines.
La variation est étroitement et indissolublement liée au concept de norme, que l’on peut considérer
comme étant son opposé le plus direct. La volonté de standardiser les formes et les règles, définies
par la norme, se répercute sur la grammaire, qui ne tolère pas de variations. Parfois, cependant,
l’erreur dans la salle de classe est la variante que l’on utilise à l’extérieur.
Lorsqu’il s’agit d’apprentissage, les enseignants doivent forcément faire face à des choix
pédagogiques, pour la simple raison que le domaine linguistique est trop vaste pour être inclus dans
33
un cours de langue. À côté des choix des points de grammaire à aborder, il existe aussi un choix qui
concerne les variétés du français. En premier lieu, le professeur doit décider s’il veut que ses
apprenants soient conscients du fait que la variation existe, qu’elle est partout et dans toutes les
langues.
Nous sommes d’accord pour dire qu’il faut avoir un français de référence pour pouvoir
l’enseigner, mais que les apprenants devraient être conscients de l’existence de la variation et de ses
aspects les plus évidents. Cette vision de l’enseignement est en harmonie avec la tendance à
abandonner l’apprentissage rigide des règles grammaticales et à se concentrer sur ce qui se passe
concrètement dans les espaces francophones.
La variation et la compétence sociolinguistique figurent parmi les objectifs des recherches en FLE.
3.5 L’actualité du français
Aujourd’hui, le français est l’une des langues les plus enseignées sur terre16
, étant présent
dans le système scolaire de quasiment tous les pays du monde. Les élèves de beaucoup de pays non
francophones choisissent de l’apprendre et son apprentissage est devenu obligatoire dans de
nombreux pays, récemment en Syrie et au Brésil.17
Langue officielle dans 29 états, elle est parmi les
langues qui comptent plus de 100 millions de locuteurs, bien que les estimations soient
discutables18
. En effet, le Rapport sur la langue française 2010 estime le nombre de locuteurs à 220
millions. Le français a su maintenir son pouvoir, car c’est bien de cela qu’il s’agit, aux niveaux
institutionnel, diplomatique et économique, en devenant une langue importante au niveau européen
et mondial : il est la deuxième langue à fonction internationale au monde après l’anglais et sa
maîtrise reste encore une condition nécessaire pour accéder aux organisations internationales.
L’Histoire de France, les philosophes, les peintres, les écrivains et les poètes français qui se sont
succédés au fil des siècles lui ont garanti un lien indissoluble avec la culture. Pour faire référence au
français, on dit qu’il est la langue de Voltaire et de Victor Hugo, sans aucun doute, des hommes de
grande culture.
Enfin, le français est typiquement stéréotypé comme étant « une belle langue ».
Cependant, si nous réfléchissons sur cette idée, le fait de considérer une langue comme
« belle » est tout à fait une représentation de l’esprit, qui n’a aucun fondement logique. Comment
16
BLANCHET, P., (2011), "Politique linguistique et diffusion du français dans le monde", dans BULOT, T., BLANCHET, P.,
(2011), Dynamiques de la langue française au 21ième siècle : une introduction à la sociolinguistique, www.sociolinguistique.fr,
consulté le 17/10/2012
17
ibidem
18
http://www.francophonie.org/IMG/pdf/Synthese-Langue-Francaise-2010.pdf
34
est-il possible de classer les langues en fonction de leur beauté? Dans le cas de l’apprentissage du
français, à côté des raisons économiques, politiques et de réalisation professionnelle, il est aussi
question de stéréotypes et du prestige des langues.
3.6 Le triangle enseignant-apprenant-savoir
Nous pouvons représenter les variables de la didactique comme un « triangle pédagogique »,
composé par trois composantes, l’enseignant, l’apprenant, le savoir, dans notre cas, la langue, qui
sont insérés dans un contexte donné. Ce rapport est en évolution permanente et les rôles, les
compétences et les objectifs des trois composantes sont à négocier sans cesse. Le rôle de
l’enseignant est de créer des situations favorables à l’apprentissage, être informé, choisir le matériel
et présenter les informations qu’il considère comme les plus importantes. L’apprenant devrait
interagir avec l’enseignant et le groupe des apprenants le plus possible, afin de vérifier ses
hypothèses et comprendre quelle est sa façon d’apprendre. La langue est en évolution, comme nous
l’avons vu, par exemple, à propos de la variation ; le point de vue par lequel on la perçoit et on
l’enseigne continue de changer.
Ce triangle essaie d’intégrer les nouveaux besoins des composantes qui dérivent, entre autres, des
changements sociaux ; c’est pour cette raison que les méthodes évoluent et le focus change.
3.7 Tendances récentes du FLE
En ce qui concerne la didactique du FLE, au début du siècle elle mettait l’accent sur la
grammaire et sur le lexique et se servait de la méthode traditionnelle. Plus récemment, le FLE
s’inscrit dans les derniers courants que nous avons décrits au premier chapitre : il prend en
considération les approches communicative et actionnelle, il favorise les interactions par rapport
aux monologues, il met l’accent sur la co-construction du discours dans la salle de classe et se
focalise sur l’usage de la langue en contexte. Cette évolution marque le passage du focus sur une
connaissance en soi vers des connaissances pour agir. Concrètement, on s’éloigne de l’objet pour se
concentrer sur le sujet.
Nous voyons comment la terminologie s’adapte au changement, avec une différence entre le mot
« méthode » qui sous-entend un signifiant plus rigide et le mot « approche ».
35
3.7.1 L’approche communicationnelle (ou communicative)
La composante pragmatique commence à être valorisée avec l’approche
communicationnelle. Cette approche est d’origine anglo-saxonne et apparaît vers les années 1980 :
elle marque une rupture avec la méthode traditionnelle, à travers l’utilisation de tout document et
d’une production langagière majeure de l’apprenant. Avant, l’apprenant se contentait d’observer,
maintenant il s’exprime d’avantage.
L’approche communicationnelle met à nouveau la communication au cœur de la didactique du
FLE ; il ne s’agit plus de reproduire des structures apprises peut-être par cœur, mais d’apprendre à
communiquer dans une LE.
La rupture avec le passé continue et c’est sur cette base qu’on a construit une approche
révolutionnaire, l’approche actionnelle.
19
3.7.2 L’approche actionnelle
L’approche actionnelle dérive de l’approche communicative, mais elle montre une
complexité majeure et une attention à la réalisation d’actions, au travail en groupe et à la co-
construction de connaissances.
La perspective actionnelle se tourne vers la fonction la plus pratique de la langue ; elle est ouverte à
la société et souhaite que l’apprentissage de la langue puisse donner à l’apprenant les moyens les
meilleurs pour devenir un vrai acteur social dans un contexte de LE.
Au cœur de cette nouvelle perspective se trouvent les concepts de stratégie et de tâches; à ce
propos, nous comprenons la raison pour laquelle le Cadre de référence pour les langues définit
l’apprenant comme un « usager de la langue ». Le CERCL souligne l’importance des tâches à
19
ROBERT, J-P. & ROSEN, R., (2010), Dictionnaire pratique du CECR, Paris, Editions Ophrys dans La perspective actionnelle:
Didactique et pédagogie par l’action en Interlangue par Paola Bagnoli, Eduardo Dotti, Rosina Praderi et Véronique Ruel ; travail
présenté au cours du IIIème
Forum des Langues du ANEP, 8-10 octobre 2010 à Montevideo
36
accomplir, c’est-à-dire « un ensemble d’actions finalisées dans un certain domaine avec un but
défini et un produit particulier ». Les consignes, les finalités et l’évaluation doivent être claires dès
le départ.
Dans une approche actionnelle, l’apprenant est amené vers des situations-problèmes dans lesquelles
on lui demande concrètement de faire quelque chose, comme participer à un jeu de rôle ou à des
simulations. L’idée est de mettre l’apprenant face à des problèmes qu’il doit résoudre en appliquant
ses stratégies et que cette expérience en classe soit utile pour l’usage dans la vie réelle. Cet aspect
montre clairement que, dans l’accomplissement d’une tâche, on passe de la compétence acquise à
l’action et à la performance.
Dans son article De l’approche communicative à l’« approche communic-actionnelle »: une rupture
épistémologique en didactique des langues-cultures, Claire Bourguignon fait remarquer que
« l’action suppose l’Autre » et que l’approche actionnelle retrouve une « dimension collective » que
l’approche communicationnelle avait perdue.
3.7.3 Un enseignant animateur
Dans un tel paradigme, l’enseignant se trouve face à un défi et doit posséder les moyens
pour s’adapter à l’évolution ; il devient un animateur et on lui demande par conséquent de faire
attention à la façon par laquelle il « arbitre le jeu » et par laquelle il sanctionne les erreurs.
« Actionnelle » signifie qu’on laisse plus d’espace aux dialogues, aux échanges, à la
communication ; ainsi, dans une telle situation, il sera plus facile de repérer des erreurs de
prononciation et de grammaire, des interférences ou des malentendus. Tout cela « fait partie du
jeu » et le professeur doit apprendre à gérer ces aspects afin d’en profiter pour donner des
explications ultérieures ou pour introduire un nouveau point du cours.
L’ouverture du CERCL envers une interprétation plus libre suggère que les enseignants ne doivent
pas se fixer sur une seule méthode, ce qui constituerait un pas en arrière par rapport à la volonté
d’introduire plus de variété et d’innovation dans l’approche à l’apprentissage. Ils doivent par contre
suivre une ligne privilégiée, mais essayer en même temps de lui associer d’autres points de vue pour
éviter la mise en place d’approches trop statiques.
Cela a donné lieu à d’autres réflexions et à de nouvelles tendances qui tiennent compte des visions
communicationnelle et actionnelle, comme l’approche co-actionnelle de Christian Puren et
l’approche communic’actionnelle de Claire Bourguignon.
37
3.8 FLE, culture et société : des enjeux contemporains
D’autres tendances récentes de la didactique du FLE s’intéressent à la dimension culturelle
de la langue, à la dimension identitaire des apprenants et à la diversification du public.
Elles se consacrent à l’étude de la langue orale qui a toujours été un domaine privilégié de la
linguistique, surtout parce que le changement, la variation et l’évolution transparaissent à l’oral et
sont enregistrés par l’écrit, seulement dans un deuxième temps.
À notre avis l’oral et l’écrit devraient être abordés ensemble, dans une structure
complémentaire, afin d’éviter que l’un soit plus approfondi que l’autre.
3.8.1 Dimension culturelle de la langue
Un choix linguistique est aussi un choix idéologique. De nos jours, les didacticien(ne)s
s’interrogent sur le rapport très étroit qui existe entre la langue et la culture. À nouveau, nous
abordons un terme qui couvre un champ sémantique extrêmement large et dont la définition pose
des problèmes qui ne concernent pas seulement la linguistique.
Nous définissons la culture comme étant « l’ensemble des aspects intellectuels propres à une
civilisation, à une nation » (Petit Robert).
Choisir la façon à travers laquelle on veut enseigner une langue implique la transmission d’une
image de la langue elle-même et du/des pays où cette langue est parlée.
L’aspect social de la langue, caractéristique de l’apprentissage contemporain, est ainsi enrichi par la
dimension culturelle qui fait aussi partie de la langue.
3.8.2 Dimension identitaire de la langue
La dimension cultuelle de la langue apprise influence l’identité que l’apprenant acquiert au
fur et à mesure qu’il entre en contact avec les manifestations et les particularités de la LE. En
harmonie avec l’esprit du Cadre de référence et le concept de variation, des recherches récentes en
FLE se concentrent sur comment la pratique des langues étrangères permet la construction d’une
identité dans cette langue.
Pour donner un exemple, nous nous appuyons sur l’article d’ Isabelle Lemée « Langue, sexe et
identité : les cas d’apprenants de français L2 » (Kamber et alii éds, 2012 : 47-63), dans lequel elle
s’intéresse à la variation sexolectale et à son rôle dans la construction de l’identité. Cet aspect a été
l’objet de recherches en L1, mais ce n’est que récemment qu’il intervient dans des recherches sur
38
des apprenants de L2. L’analyse qu’elle fait des discours d’apprenants hibernophones (locuteurs de
gaélique), rentrés d’un séjour linguistique en France, arrive à montrer que « les locuteurs non-natifs
construisent leur identité en partie au travers de leur prise de conscience de l’utilisation de la
langue en fonction du sexe de l’interlocuteur natif. […] Afin de « sonner français », les apprenants
ont besoin d’acquérir et d’utiliser les variantes correspondant à l’identité qu’ils souhaitent avoir
dans la communauté de la langue cible » (ibidem : 51).
3.8.3 Diversification du public
Nous avons vu que la didactique ne cesse de s’adapter aux changements sociaux : l’enseignement
du français doit, lui aussi, s’adapter à de nouvelles circonstances, en particulier à la migration et à
l’arrivée en France de familles migrantes. Ces changements rapides rendent floues les définitions
dans le domaine des langues. La difficulté de définir un problème ou la nécessité de nouvelles
définitions montrent l’existence d’enjeux sociaux. En ce qui nous concerne, c’est le cas de la
naissance du FLS (Français Langue Seconde) et, plus récemment, du FLES (Français Langue
Étrangère et Seconde).
3.8.4 Perspective d’un apprentissage en langues
Enfin, nous soulignons l’importance de l’un des changements qui est en acte ces derniers temps
en didactique. Jusqu’ici nous avons abordé des enseignements de langue ; toutefois, la nouvelle
frontière est l’enseignement en langues, c’est-à-dire l’apprentissage d’une ou plusieurs matière(s)
dans une LE, comme, par exemple, l’histoire en anglais, la philosophie en espagnol, les
mathématiques en allemand.
Ce phénomène est de plus en plus répandu et répond à une demande sociale, mais la décision de le
mettre en place est laissée aux chefs des établissements scolaires ou aux doyens.
Nous souhaitons que les organismes politiques, qui sont le premier niveau de l’enseignement selon
Corder, soient sensibles au besoin d’une révolution de l’apprentissage pour que la mise en place des
cours en langues devienne systématique.
39
CONCLUSION
« Pouvoir communiquer dans plusieurs langues est un formidable atout pour les particuliers, les
organisations, les entreprises. Cela stimule la créativité, permet de surmonter les préjugés culturels et de sortir des
sentiers battus et peut contribuer à la création de produits et de services novateurs ».
Leonard Orban
Membre de la Commission européenne20
Notre étude a essayé de montrer quelle direction suit la didactique moderne des langues, en
donnant l’exemple d’un centre pour l’apprentissage des langues étrangères.
Nous avons considéré la langue comme un outil fondamental pour le développement humain et pour
toute relation. La compétence communicationnelle touche à d’autres domaines, tels que les
dimensions socioculturelle et relationnelle, et c’est à travers la langue que l’on acquiert et l’on
augmente ses connaissances. Les langues et leur maîtrise sont à la base de la communication et des
échanges entre les gens, les continents, les civilisations et ont une importance primordiale dans la
formation des européen(ne)s, surtout des plus jeunes.
Dans ce contexte, les pays européens doivent s’éloigner du monolinguisme qui les a si
longtemps caractérisés et ne doivent pas se contenter d’une connaissance passive des LE ; en accord
avec le Cadre européen de référence pour les langues les efforts doivent tendre vers le
plurilinguisme, un contexte où les langues ne sont pas séparées, mais « sont en corrélation et
interagissent » (CECRL).
Le monolinguisme est lié à un certain type de société, qui ne correspond plus à l’actualité, et
d’ailleurs le plurilinguisme est répandu dans la plupart des pays et continents du monde..
L’Union Européenne vient de recevoir le Prix Nobel pour la Paix 2012 ; la paix se construit à
travers le dialogue et le dialogue se construit à travers la langue. Les objectifs à long terme de l’UE
dans le domaine des langues vivantes visent à permettre à ses citoyens de parler deux langues autres
que leur LM, à investir sur l’importance de l’éducation et à commencer à apprendre les LE à des
enfants quand ils sont très petits.
Nous souhaitons que l’apprentissage des langues continue d’être favorisé et que les institutions
compétentes puissent fournir le moyen de faire profiter d’un séjour linguistique à l’étranger un
nombre d’apprenants plus élevé, ce qui constitue de loin la meilleure façon d’apprendre une LE.
Le programme Erasmus vient de fêter ses vingt-cinq ans et nous souhaitons qu’il puisse
continuer à exister, soutenu par les institutions compétentes.
20
Parler les langues de l’Europe, Les langues dans l’Union européenne http://ec.europa.eu/education/languages/pdf/doc3275_fr.pdf
40
Nous partageons l’avis de Androulla Vassiliou commissaire pour l’éducation, la culture, le
multiculturalisme et la jeunesse à l’UE, qui dit qu’il est nécessaire d’augmenter les investissements
pour améliorer la qualité de la formation à tout niveau. Elle souligne qu’il s’agit du meilleur
investissement que l’on puisse faire pour l’avenir de l’Europe. Renoncer à des investissements de ce
type serait un grand échec pour toute la communauté européenne. Nous espérons que l’importance
de la formation scolaire, universitaire et personnelle se fasse entendre et soit prise en compte
davantage que les autres problèmes d’ordre économique.
Avec Dalgalian, nous affirmons que : « le bilingue et le plurilingue précoces ont davantage
d’acquis à transférer sur de nouveaux apprentissages que celui qui a construit son langage comme
unilingue » (Dalgalian, 2000 : 27).
41
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
BAGNOLI Paola, DOTTI Eduardo, PRADERI Rosina, RUE Véronique (2010), La perspective actionnelle: Didactique
et pédagogie par l’action en Interlangue, IIIème
Forum des Langues du ANEP, Montevideo.
BANFI Emanuele, GRANDI Nicola (2008), Le lingue extraeuropee : Asia e Africa, Carocci, Roma.
BOURGUIGNON Claire (2006), De l’approche communicative à l’« approche communic-actionnelle »: une rupture
épistémologique en didactique des langues-cultures.
Cadre européen commun de référence pour les langues (2001), Conseil de l’Europe, Éditions Didier, Paris.
CORDER, Stephen Pit (1983), Introduzione alla linguistica applicata, Il mulino, Bologna.
CUQ, Jean-Pierre (2003), Dictionnaire de didactique du français langue étrangère et seconde, Asdifle, CLE
International Paris.
DALGALIAN Gilbert (2000), Enfances plurilingues Témoignage pour une éducation bilingue et plurilingue,
L’Harmattan, Paris.
ELLIS, Rod (1997), Second language acquisition, Oxford University Press.
GRAFFI Giorgio, SCALISE Sergio (2002), Le lingue e il linguaggio : introduzione alla linguistica, il Mulino, Bologna.
LEMÉE Isabelle, Langue, sexe et identité : le cas d’apprenants de français L2 dans KAMBER Alain, DEKENS Carine
Skupien (éds.) (2012), Recherches récentes en FLE, P. Lang SA, Editions scientifiques internationales, Berne.
LARSEN-FREEMAN Diane, LONG Michael H. (1991), An introduction to second language acquisition research,
Longman London New York, N.Y..
L’Est Républicain du 27 mars 2008.
LE PETIT ROBERT, Édition 2010.
LIETTI Anna (2006), Pour une éducation bilingue. Guide de survie à l’usage des petits européens, Petite Bibliothèque
Payot, Paris.
MALMBERG, Bertil (1991), Histoire de la linguistique : de Sumer à Saussure, Paris, Presses Universitaires de France.
SITOGRAPHIE
http://cla.univ-fcomte.fr
http://eacea.ec.europa.eu
http://www.sociolinguistique.fr
http://www.youtube.com/watch?v=Cs-xsvvtEZA
http://www.francophonie.org
http://www.alliancefr.org

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Elisa Agosti TESI LAUREA TRIENNALE Tendances récentes de la didactique des langues étrangères

  • 1. 1 UNIVERSITÀ DEGLI STUDI DI TRENTO Facoltà di Lettere e Filosofia Corso di Laurea Triennale in Mediazione Linguistica per le Imprese e il Turismo Tendances récentes de la didactique des langues étrangères Relatore Prof. Jean Paul Dufiet Laureanda Elisa Agosti Anno Accademico 2011 - 2012
  • 2. 2 REMERCIEMENTS Je remercie mes parents, sans lesquels je ne serai pas arrivée à fêter cette réussite : à ma mère qui m’a transmis la passion pour la lecture et pour les études et à mon père qui a ouvert pour moi le livre de la Nature. Je remercie mes tantes et ma cousine pour leur soutien. Merci à toutes les amies et à tous les amis qui se sont intéressés au développement de mon travail et qui n’ont cessé de m’encourager. Merci à tous les camarades de cours qui sont devenus des amis et à toutes les personnes que j’ai eu la chance de rencontrer pendant ces trois années de licence. Je ne vous oublierai jamais. Je témoigne ma reconnaissance à mes professeurs de l’Université de Trento, à ceux de l’Université de Franche-Comté et aux membre de l’équipe du CLA qui ont répondu à mes questions pour leur aide, leur disponibilité et leurs conseils. J’adresse mes sincères remerciements à Monsieur Charles Bakhos, premier lecteur à haute voix et source précieuse de suggestions.
  • 3. 3 « Mais à quoi ça sert la grammaire? » a-t-il demandé. « Vous devriez le savoir » a répondu madame-je-suis-pourtant-payée-pour-vous-l’enseigner. […] « Ça sert à bien parlé et à bien écrire ». Alors là, j’ai cru avoir une crise cardiaque. […] « Eh bien, ai-je dit, quand on a lu Jakobson, il parait évident que la grammaire est une fin et pas seulement un but : c’est un accès à la structure et à la beauté de la langue, pas seulement un truc qui sert à se débrouiller en société. » Muriel Barbery, L’élégance du hérisson
  • 4. 4 SOMMAIRE PAGE INTRODUCTION 1 QUELQUES DÉFINITIONS THÉORIQUES 2 I La Didactique des Langues Étrangères 3 1.1 Importance de la didactique 3 1.1.1 Un domaine très vaste 3 1.1.2 Acquérir ou apprendre ? 5 1.2 Méthodes d’apprentissage 6 1.3 Intérêt pour l’acquisition des langues étrangères 7 1.3.1 Analyse contrastive, behaviorisme et Chomsky 7 1.3.2 Nouvelles technologies et méthodes en crise 8 1.4 Facteurs internes et externes de l’apprentissage 8 1.4.1 Facteurs internes : la LM 8 1.4.2 L’âge 9 1.4.3 La motivation 10 1.5 Compétence ou performance ? 10 1.6 Le Cadre européen commun de référence pour les langues (CECRL) 10 II Le CLA de Besançon 13 2.1 La didactique : un domaine sur trois niveaux 13 2.2 Présentation de Besançon et du CLA 13 2.3 Enseignement, formation, recherche 15 2.4 Changement de paradigme 16 2.5 Le cas du CLA 17 2.6 Méthodes 17 2.6.1 Des approches pragmatiques 17 2.6.2 Le « Silent Way » 18 2.6.3 Nouvelles technologies 18
  • 5. 5 2.7 Les langues du CLA 19 2.7.1 Des langues pour demain : comment les choisissons-nous ? 20 2.8 Classement des langues : la linguistique historique 21 2.8.1 Trois critères : généalogique, typologique, aréal 21 2.8.2 Critère généalogique 21 2.8.3 Critère typologique 22 2.8.4 Critère aréal 23 2.9 Classement des langues : les langues du CLA 23 III La Didactique du FLE 24 3.1 Enseignement et politique linguistique 24 3.2 Diffusion du français : Alliances Françaises et OIF 24 3.3 Le français appris en France : les bénéfices du milieu homoglotte 26 3.4 Un aspect sociolinguistique : la variation 26 3.5 L’actualité du français 28 3.6 Le triangle enseignant-apprenant-savoir 29 3.7 Tendances récentes du FLE 29 3.7.1 L’approche communicationnelle (ou communicative) 30 3.7.2 L’approche actionnelle 30 3.7.3 Un enseignant animateur 31 3.8 FLE, culture et société : des enjeux contemporains 32 3.8.1 Dimension culturelle de la langue 32 3.8.2 Dimension identitaire de la langue 32 3.8.3 Diversification du public 33 3.8.4 Perspective d’un apprentissage en langues 33 CONCLUSION 34 RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 36
  • 6. 6 INTRODUCTION « Celui qui ne sait aucune langue étrangère ne sait pas sa propre langue. » Johann Wolfgang Goethe, Maximes et réflexions1 Au cours de l’a. a. 2011-2012 et dans le cadre du programme Erasmus, j’ai eu la chance de fréquenter l’Université de Franche-Comté de Besançon pendant une année universitaire. J’étais inscrite à la faculté de Science du Langage, de l’Homme et de la Société (SLHS) où j’ai suivi des cours de didactique du français, à côté de futurs enseignants de français en France ou à l’étranger. Dans ces cours, on m’a demandé pour la première fois d’oublier mon point de vue d’apprenante et de commencer à penser comme une enseignante. Je me suis ainsi interrogée sur l’importance de la formation des professeurs et sur l’apprentissage. Certains de mes collègues venaient de fréquenter des cours au Centre de Linguistique Appliquée (CLA) en vue d’une inscription à l’université. Leur rencontre était le premier de plusieurs contacts que j’ai eu avec le CLA. Pendant mon séjour, j’ai pu visiter ce centre et me confronter avec de nombreux étudiants qui y fréquentaient des cours et qui provenaient des quatre coins du monde. Ce rapport s’intéresse à la didactique moderne des langues, un domaine en effervescence et en expansion, très lié à l’actualité. Le monde d’aujourd’hui permet d’être connecté avec des gens physiquement très éloignés et a beaucoup réduit les distances géographiques. Les nouvelles technologies ont changé la façon de concevoir la communication, les échanges, le travail, les voyages… Cependant, elles ne peuvent pas encore modifier le moyen par lequel on échange et par lequel passe la communication. C’est la langue qui est au cœur du rapport humain, à tout niveau. Ce rapport est divisé en trois chapitres : dans le premier nous présentons une évolution de la didactique des LE (Langues Étrangères). À ce propos, nous aborderons le Cadre européen commun de référence pour les langues. Dans le deuxième nous introduisons un exemple concret d’apprentissage des langues étrangères et d’interculturalité. Nous faisons référence au Centre de Linguistique Appliquée (CLA) de Besançon, en présentant les langues que l’on peut y apprendre et en essayant de proposer une explication à leur présence dans un centre de langues. Enfin, dans le troisième, nous introduisons le concept de milieu homoglotte, en focalisant sur le FLE (Français Langue Étrangère) et sur les tendances de l’enseignement du français. 1 Johann Wolfgang Goethe, Maximes et réflexions, traduit par Sigismond Sklower, Brockhaus et Avenarius (1842), Paris
  • 7. 7 Nous sommes conscients que le domaine auquel nous nous intéressons est très vaste et nous avouons que ce document ne prétend pas à l’exhaustivité. QUELQUES DÉFINITIONS THÉORIQUES Les concepts que nous allons aborder ont tous une racine commune : il font tous référence à la linguistique, c’est-à-dire l’étude scientifique du langage. La linguistique couvre un domaine très large car elle s’est intéressée, entre autres, à la sémantique, à la phonétique, à la grammaire, à l’étymologie ; les branches qui se sont détachées et développées sont nombreuses. Les idées autour du langage et de la langue ont changé au cours des siècles, et cela en fonction des découvertes dans d’autres disciplines. Au fil des siècles, les recherches autour du langage humain modifient leur champ d’intérêt et se mêlent avec des progrès historiques, des réflexions philosophiques, des voyages d’exploration et des guerres de conquête, avec la religion ou avec des changements technologiques et sociaux. Nous pouvons remarquer que, au fil des siècles, les débats éclatent dans diverses directions, chaque branche remettant en cause les modèles et l’unité que, au début, l’on voulait faire correspondre à la linguistique. Ses branches se focalisent sur différents aspects : pour en citer quelques-uns, nous connaissons la linguistique romaine, la linguistique française, la linguistique historique, la linguistique générale et plus récemment, la sociolinguistique et la linguistique appliquée. Dans ces derniers temps, les problèmes linguistiques apparaissent aussi comme des problèmes sociaux. C’est le cas de la définition de la langue maternelle (LM) et de la langue étrangère (LE), concepts qui semblent apparemment simples et clairs mais qui parfois sont difficiles à appliquer à des situations concrètes. La langue maternelle est définie comme « la langue acquise la première par le sujet parlant dans un contexte où elle est aussi utilisée au sein de la communication ». (CUQ 2003 : 150) Pourtant, dans une famille bilingue, il est difficile de dire quelle est la langue maternelle de l’enfant, à moins que l’on ne décide d’accepter une notion de LM au pluriel. Confronté à la complexité de cette notion, on voit apparaître dans la communauté scientifique la notion de langue première, ou L1, qualifiant « la première langue acquise chronologiquement par un individu au moment du développement de sa capacité de langage » (Cuq 2003 : 152). Par définition, « toute langue non maternelle est une langue étrangère » (CUQ 2003 : 150). La L2 est n’importe quelle langue, apprise après la L1.
  • 8. 8 I La Didactique des Langues Étrangères Puis un maître dit : « Parle-nous de l'Enseignement. » Il répondit : « Personne ne peut vous apprendre quoi que ce soit qui ne repose déjà au fond d'un demi-sommeil dans l'aube de votre connaissance. Le maître qui marche parmi les disciples, à l'ombre du temple, ne donne pas de sa sagesse, mais plutôt de sa foi et de sa capacité d'amour. S'il est vraiment sage, il ne vous invite pas à entrer dans la demeure de sa sagesse. Il vous conduit jusqu'au seuil de votre esprit. » Gibran Kahlil Gibran Le Prophète, L’Enseignement2 1.1 Importance de la didactique La didactique et l’enseignement, dans le sens le plus large du terme, constituent les bases fondamentales des états contemporains, sur lesquelles doit se fonder le développement des sociétés. Les enfants d’aujourd’hui construiront le monde de demain et le résultat dépendra de la formation qu’ils ont reçue tout au long de leur vie. L’importance et les difficultés dans l’enseignement sont tout à fait visibles dans les débats récents à propos du système éducatif ; dans de nombreux pays, les ministres de l’éducation essayent d’apporter des modifications à ce système, mais leurs réformes sont normalement accueillies par des critiques et de nouveaux débats. 1.1.1 Un domaine très vaste La didactique couvre un contexte large et complexe, composé de plusieurs variables et influencé par plusieurs facteurs. Le premier exemple qui nous vient à l’esprit, c’est le cas de la fréquentation obligatoire de l’école, imposée à la plupart des enfants. C’est vers l’âge de 6 ans qu’ils rencontrent cette institution qui a la fonction de les former et de leur fournir les outils pour pouvoir vivre en société et devenir indépendants. Il s’agit pour eux de la découverte d’un système 2 Gibran Kahlil Gibran, Le Prophète, traduit de l’anglais par Jean-Pierre Dahdah, (1993), Editions du Rocher
  • 9. 9 d’écriture et de l’apprentissage des bases de la lecture, de la grammaire et des mathématiques. Tout cela sera très important en vu de l’apprentissage de connaissances futures et aussi de l’étude des langues étrangères. L’enfant commence à acquérir les capacités pour décrire l’environnement où il a grandi, qui constituera la base sur laquelle il construira ses connaissances plus avancées. Toute langue découpe et voit le monde à sa façon ; pour cela, apprendre des langues étrangères implique de faire des abstractions ; voilà que l’enfant sera amené à imaginer un monde différent de celui qui lui est familier. Il ne pourra le faire que s’il a appris à connaître son propre monde. Notre idée est que la langue et la culture d’appartenance jouent un très grand rôle dans l’acquisition des nouvelles capacités et que la langue maternelle est à tenir en grande considération lorsqu’il s’agit d’apprendre une autre langue. Une variable qu’il faut considérer est le contexte social : les changements sociaux qui y ont lieu sont primordiaux dans le système éducatif. En ce qui concerne les LE, ces changements ont un impact puisque, aujourd’hui comme autrefois, nombreux sont ceux qui sont forcés de quitter leur pays d’origine pour migrer. Ils le font pour des raisons différentes, mais ils sont contraints à vivre dans un pays étranger et doivent pouvoir communiquer dans une nouvelle langue ; souvent, une langue dans laquelle ils n’ont aucune connaissance. Dans le cas d’une famille migrante, les parents sont obligés de parler la langue du pays d’accueil pour pouvoir exercer un travail et, s’ils ont des enfants, ceux-ci devront tôt ou tard entrer à l’école et faire l’apprentissage d’un nouveau système de communication. Nous rappelons que cela n’est pas seulement le cas des personnes provenant des pays considérés comme défavorisés, mais, de plus en plus, c’est aussi le cas de jeunes de l’Europe du sud qui cherchent fortune en Europe centrale ou dans le nord de l’Europe. La migration ne concerne que la recherche d’un travail. Il existe aussi la possibilité de quitter son pays pour poursuivre des études. C’est une pratique, celle-là aussi, qui a ses racines dans le passé, avec les voyages des intellectuels qui se déplaçaient en Europe et suivaient les cours universitaires de différents professeurs ou avec le Grand Tour des jeunes bourgeois au XIXe siècle. Aujourd’hui, le contexte a beaucoup changé : nous assistons à une démocratisation du savoir, à un élargissement du public concerné. Les voyages d’études sont possibles pour un pourcentage plus élevé de la population et les institutions qui encouragent les étudiants à en profiter sont nombreuses.
  • 10. 10 1.1.2 Acquérir ou apprendre ? Les exemples que nous avons donnés ici ne suffisent pas à montrer toute la complexité à laquelle la didactique doit faire face. Dans le cas des enfants en première année de l’école maternelle, il s’agit d’un apprentissage utilisant la langue maternelle (sauf pour ceux qui jusque là ont parlé un dialecte) et à un âge qui permet une grande facilité de rétention des informations. Dans le cas d’un enfant migrant du même âge, il ne s’agit pas du même niveau de difficulté, puisque la langue d’enseignement est un obstacle pour lui. Les parents migrants ou l’étudiant(e) en voyage d’études sont plus âgés, maîtrisent la langue du pays à des degrés divers et ont des objectifs et des attentes propres à chacun. Il se peut qu’il n’aient pas la chance de fréquenter des cours de langue. Les exemples que nous venons de présenter nous permettent d’introduire la distinction entre acquérir et apprendre, les deux grandes modalité d’apprentissage : ACQUÉRIR : Arriver à posséder (une chose avantageuse). APPRENDRE : Acquérir (un ensemble de connaissances) par un travail intellectuel ou par l’expérience (Petit Robert). L’acquisition est spontanée et passe par l’immersion dans les pratiques de la langue en contexte non pédagogique : on apprend sur le tas, comme disent les Français. Par contre l’appropriation est didactisée et passe par un dispositif spécifique en contexte pédagogique.3 Ces exemples nous font comprendre, d’une part, que les situations d’apprentissage sont très différentes et que chacune d’entre elles a ses caractéristiques et ses besoins. Le dit enseignement traditionnel tendait à une série limitée de capacités : de nos jours, ses méthodes ne correspondent plus aux attentes des apprenants (Corder, 1983 : 41). D’autre part il nous permet de voir que les langues étrangères font désormais partie de la vie des Européen(ne)s ; non seulement parce que le plurilinguisme est l’un des piliers de l’Union Européenne, mais aussi parce que étudier une L2, voire une L3 et acquérir de bonnes connaissances dans ces langues est le meilleur moyen pour affronter le monde globalisé d’aujourd’hui et pour saisir les possibilités qu’il offre. 3 BLANCHET, P., (2011), "Politique linguistique et diffusion du français dans le monde", dans BULOT, T., BLANCHET, P., (2011), Dynamiques de la langue française au 21ième siècle : une introduction à la sociolinguistique, www.sociolinguistique.fr, consulté le 17/10/2012
  • 11. 11 1.2 Méthodes d’apprentissage L’intérêt de la didactique pour la création de modèles d’apprentissage efficaces est tout récent et les modèles n’apparaissent que pendant le XIXe siècle. Nous présentons quelques méthodes qui font référence à la didactique en général, mais qui peuvent être appliquées aussi à l’étude des LE. Le premier modèle dont nous faisons mention est celui de la transmission, où il s’agit de la répétition d’un discours prononcé par l’enseignant. L’apprenant est passif et risque de ne rien comprendre s’il n’a pas une connaissance profonde du sujet dont il est question. Les années 1950 et 1960 sont dominées par le behaviorisme (de l’anglais « behaviour », comportement), une théorie psychologique selon laquelle tout apprentissage se base sur la réponse à des inputs. Les behavioristes pensent que l’apprenant ne produit de réponses qu’en fonction du nombre de répétitions des exercices et de la réaction de l’enseignant : une réponse positive fait comprendre à l’apprenant l’exactitude de sa production et l’invite à la retenir et à la réutiliser. Ce qui fait défaut dans ce courant, c’est qu’il ne s’intéresse pas à la raison pour laquelle l’apprenant fait des erreurs, mais il se contente de dire que la cause est à attribuer à la confusion créée par la langue maternelle. Dans les années 1960, la façon de concevoir la psychologie subit un changement radical, ce qui ouvre la voie au courant du constructivisme. Chez les constructivistes, il est important de mettre les apprenants dans un contexte favorable à l’apprentissage pour qu’ils puissent l’exploiter et se forger ainsi leurs propres règles. La fonction de l’erreur est réévaluée, elle n’est plus sous-estimée mais il y a une volonté de la comprendre. Ce sera le rôle du socioconstructivisme de consacrer une place encore plus importante à l’erreur, en la considérant comme une source d’approfondissement : à partir des erreurs on peut construire quelque chose, on peut pousser plus loin l’apprentissage. Les socioconstructivistes conseillent aux enseignants de créer un contexte dans lequel les échanges entre les apprenants sont favorisés. Le passage d’un courant à l’autre n’implique pas la disparition de la méthode précédente. Chacun d’eux laisse des traces et permet le développement d’autres courants. Ce qui change c’est le focus, les pratiques, la vision de l’erreur aussi bien que le rôle de l’enseignant et de l’apprenant.4 4 http://www.youtube.com/watch?v=Cs-xsvvtEZA, consulté le 10/10/2012
  • 12. 12 1.3 Intérêt pour l’acquisition des langues étrangères Définir ce qu’est une langue et ce que signifie apprendre une langue est assez difficile. La langue et le langage ont fait l’objet de débats depuis l’Antiquité et n’ont jamais cessé de fasciner les linguistes, les philosophes et de nombreux intellectuels. Les premières réflexions à ce propos voulaient expliquer quel est le rapport entre la langue et la pensée, le mot et l’objet, quelle était la fonction du signe et l’origine du langage. Au fil des siècles, les recherches autour du langage humain varient leur champ d’intérêt, les débats éclatent dans diverses directions et se chevauchent avec les progrès historiques, les voyages d’exploration, les changements technologiques et sociaux. Cependant, la question de savoir comment les gens acquièrent une autre langue ne se pose que vers 1950 et représente donc un phénomène très récent. Ce n’est pas un hasard que l’intérêt pour les méthodes d’apprentissage soit apparu dans une période si tardive. Par le passé, l’apprentissage d’une autre langue constituait un plaisir, une curiosité intellectuelle; aujourd’hui, il constitue le perfectionnement de la formation et un moyen pour entreprendre un parcours professionnel de succès (Ellis ; 1997 : 3). 1.3.1 Analyse contrastive, behaviorisme et Chomsky Si nous regardons de plus près les méthodes récentes d’apprentissage des langues étrangères, nous voyons que c’est l’analyse contrastive qui domine la scène dans les années 1940 et 1960: on croyait alors qu’en comparant la L1 avec une L2 donnée on peut montrer les similitudes et les différences entre les deux langues, ce qui permet à l’apprenant de les distinguer et de construire ses propres frontières. Toutefois, des tests empiriques montrent la faiblesse de cette approche qui n’arrive pas à expliquer ce qu’elle propose. C’est dans ces circonstances que la méthode behavioriste prend de l’ampleur ; de nos jours, cependant, on assiste à une redécouverte de l’analyse contrastive. La théorie behavioriste est mise en cause par Noam Chomsky (1928-) : pour ce linguiste, père de la grammaire universelle (UG), l’être humain est naturellement prédisposé à intérioriser les stimulus de la langue à laquelle il est exposé. Chomsky étudie aussi la façon par laquelle les enfants apprennent une langue et essaie de voir comment il est possible de formuler une théorie de l’apprentissage en regardant les erreurs qu’ils font. C’est aussi grâce à ses études que l’intérêt dans ce domaine se renouvelle et que beaucoup d’études sont effectuées.
  • 13. 13 1.3.2 Nouvelles technologies et méthodes en crise Dans les années 1960 nous assistons au développement de disciplines qui ont la langue et le langage comme centre d’intérêt, mais qui les regardent d’un nouveau point de vue. C’est dans ce contexte que la psycholinguistique et la sociolinguistique voient le jour : l’enseignement commence à prendre en compte des facteurs liés au fonctionnement du cerveau et qui sont en rapport avec le monde extérieur. Les progrès de la psychologie et de la sociologie donnent une grande contribution à la didactique des langues. Elles révolutionnent l’approche à l’enseignement qui commence à s’intéresser à l’aspect social de la langue. Elles permettent, entre autres, la naissance de la linguistique appliquée. Plus récemment, la didactique des langues s’éloigne des méthodes universelles qui marchent pour tout le monde, sans exceptions, pour entrer dans un stade révolutionnaire, celui de la « crise de la méthode » (Serra Borneto éd, 1998 : 17-18). M. Serra Borneto explique qu’une définition de ce qu’est une méthode de l’enseignement des langues étrangères n’a jamais existé et que, dans ces derniers temps, nous sommes passés de méthodes très rigides et marquées par l’étude rigoureuse de la grammaire à des approches plus hétérogènes, où le professeur est plutôt un médiateur et accompagne l’apprenant qui devient plus actif. L’enseignement est centré sur les besoins de l’apprenant avec un changement du rôle du professeur et une tolérance majeure de l’erreur. 1.4 Facteurs internes et externes de l’apprentissage L’idée de transformer les étudiants de langues en locuteurs natifs parfaits a été reconnue comme un objectif irréalisable dans le domaine des LE. De plus, il faut avouer que, à côté des aspects universaux de l’acquisition d’une L2, il existe des différences individuelles (Ellis, 1997 : 73). Ces réflexions autour de l’apprentissage sont très enrichissantes pour notre sujet. Les contributions de la psycholinguistique et de la sociolinguistique se sont montrées indispensables pour remarquer que, dans l’apprentissage, les gens sont influencés par des facteurs internes, comme la langue maternelle, et par des facteurs externes, comme le milieu où ils apprennent. Nous aborderons le milieu d’apprentissage dans le troisième chapitre. 1.4.1 Facteurs internes : la LM Comme nous l’avons vu à propos des behavioristes, la langue maternelle a été considérée pendant longtemps comme un obstacle à l’apprentissage d’une L2. Aujourd’hui, cependant, nous
  • 14. 14 assistons a une réévaluation du rôle de la LM : le recours à la LM dans la salle de classe, si elle est partagée par les apprenants et l’enseignant, est source de débats, mais elle devient parfois un outil pour l’apprentissage. Quand l’apprenant fait des erreurs sous l’influence de sa LM, par exemple en utilisant une tournure grammaticale propre à cette langue ou en traduisant directement des expressions figées, il introduit dans son discours des interférences négatives ; par contre, si « en pensant » dans sa langue, il produit une phrase correcte, aidé peut-être par des similitudes entre sa LM et la LE qu’il utilise, il introduit des interférences positives. Ces similitudes et ces différences fournissent une base à l’apprenant qui peut construire des frontières entre sa LM et la L2, en s’appuyant sur ses propres points de repère. À propos des particularités de chacun, Ellis propose certains aspects de la langue qui sont à surveiller afin de mettre en évidence les aptitudes des apprenants envers les langues. Nous pouvons considérer la capacité de reconnaître les phonèmes et les fonctions grammaticales de la LE ou la capacité de reproduire de nouvelles structures grammaticales, avec une difficulté progressive (ibidem :74). Il identifie aussi des facteurs qui pourraient être à la base de la différence de niveau entre les apprenants. 1.4.2 L’âge Tout d’abord, M. Ellis souligne l’impact de l’âge de l’apprenant. Un expert comme Gilbert Dalgalian, chercheur en didactique des langues, parle à ce propos de l’existence d’un âge du cerveau (Dalgalian 2000 : 22), situé autour de 7 ans. Jusqu’à cet âge, l’oreille des enfants n’est pas spécialisée sur les sons d’une seule langue, mais peut développer une compétence de compréhension orale qui ressemble beaucoup à celle d’un locuteur natif. C’est ce que l’on appelle l’« âge du langage » (ibidem : 24). Cet âge du langage est aussi favorisé par le fait que l'enfant « s’abandonne, se moule dans les cadences, les sons, les accents » (Lietti 2006 : 19) ; il n'a pas peur de se tromper et montre au contraire une forte capacité d'imitation. L'enfant vit dans une sécurité linguistique qui permet un apprentissage accéléré. Des explications à ces différences d’acquisition liées à l’âge sont d’ordre socio-psychologique, cognitif et neurologique (Larsen-Freeman et alii, 1991 : 163-164). Le débat est tout à fait ouvert, car il existe des études qui montrent que les adultes, maîtrisant leur LM à un degré majeur par rapport aux enfants, accèdent à une connaissance plus profonde de la L2 : il se peut donc que, comme le pensent certains, «older is faster, but younger is better5 ». 5 « âgé c’est plus rapide, mais jeune c’est mieux »
  • 15. 15 Nous soutenons la thèse que l’on devrait profiter de la souplesse cognitive de l’enfant, surtout en ce qui concerne l’écoute et, par conséquent, la prononciation, en commençant à apprendre une L2 plus tôt que ce que l’on fait aujourd’hui ; nous considérons que les jeunes élèves pourraient en bénéficier dans bien des domaines. 1.4.3 La motivation La motivation joue aussi un rôle important : si l’apprenant s’engage dans son travail, y met de la passion et a un objectif clair à atteindre, les résultats seront meilleurs et arriveront plus tôt. Enfin, la volonté de conserver sa propre identité et celle de maintenir une distance avec la communauté linguistique de référence sont aussi des aspects à prendre en compte. Nous sommes d’accord pour dire que ces facteurs sont à considérer avec une grande attention et que, dans certaines situations, ils peuvent représenter un avantage pour l’enseignement. Il faut donc prendre leur côté positif et les « exploiter » en sa faveur. 1.5 Compétence ou performance ? Le but de toute approche et de toute méthode est d’améliorer la compétence dans une L2. Définir ce qu’est la compétence dans une langue étrangère est aussi difficile que de définir la langue elle-même. Être compétent ne veut pas dire être capable ou intelligent. En linguistique, nous parlons d’une série de compétences : elles peuvent concerner la phonologie, la morphologie, la syntaxe et la sémantique. En reprenant la fameuse opposition saussurienne entre langue et parole, Noam Chomsky propose une opposition entre compétence et performance. La compétence pour Chomsky et la langue pour Saussure concernent le niveau abstrait, ce que l’individu connaît ; la performance pour Chomsky et la parole pour Saussure concernent le niveau concret, ce que l’individu produit. 1.6 Le Cadre européen commun de référence pour les langues (CECRL) À notre époque, l’apprentissage des langues étrangères est au cœur d’enjeux politiques et économiques davantage qu’autrefois et les institutions européennes jouent un rôle dans la rédaction des documents concernant l’apprentissage des langues étrangères et leur niveau d’acquisition.
  • 16. 16 Le Cadre Européen commun de référence pour les langues : apprendre, enseigner, évaluer, rédigé par le Conseil de l’Europe et apparu en 2001, met de l’ordre dans un domaine très complexe. Il s’agit de l’aboutissement d’un travail commencé en 1971 qui essaie d’élaborer un document unique, auquel les professeurs et les étudiant(e)s puissent faire référence, en Europe et ailleurs. Le CECRL donne des informations autour du contenu et de l’évaluation du programme et il est à la base de la division en six niveaux : A1, A2, B1, B2, C1, C2, couvrant les étapes de la découverte à la maîtrise. Il n’est pas conçu pour poser des contraintes, mais, au contraire, il encourage l’interprétation personnelle de ses usagers et il souhaite la création de plusieurs méthodes créatives. Il s’intéresse aussi à l’apprentissage autonome, en fournissant aux apprenants les outils pour choisir le matériel, pour établir des objectifs cohérents et réalisables. L’évaluation se fait en termes positifs, c’est-à-dire, selon ce que l’on a appris et non selon ce qui reste encore à faire. L’objectif ultime est celui « d’améliorer la communication entre Européens de langues et de cultures différentes parce que la communication facilite la mobilité et les échanges et, ce faisant, favorise la compréhension réciproque et renforce la coopération.[…] En ce sens, ce travail contribue à promouvoir une citoyenneté démocratique. » Au premier chapitre, le Cadre spécifie clairement que la communication a un effet sur l’être humain dans sa totalité. La langue est vue comme un instrument « qui donne accès aux expressions de la culture » et permet la formation d’une identité ouverte au monde, aux échanges et à la diversité. L’être humain est pris dans sa dimension relationnelle et vu comme « un acteur social ». Pour cette raison la méthode préconisée par le Cadre européen commun est l’approche actionnelle, comme explicité au deuxième chapitre. Il est donc question de réduire la distance entre l’apprentissage en milieu artificiel (l’école, le cours de langue) et le milieu naturel, de favoriser la mobilité et de permettre le passage de la compétence à la performance. Le professeur devrait chercher à proposer des exercices en contexte et employer des documents authentiques, afin de mettre l’apprenant dans la condition d’accomplir des tâches concrètes et d’appliquer les compétences acquises. Nous reviendrons sur l’approche actionnelle et sur le concept de tâche dans le troisième chapitre. Les gouvernements des pays de l’Union semblent d’accord sur la nécessité d’améliorer la maîtrise des langues étrangères de leurs citoyens : un trait commun de leurs politiques est celui de mettre l’accent sur l’enseignement des L2 et sur la volonté de réaliser sur un plan concret le projet d’ouverture européen.
  • 17. 17 La compétence linguistique est ici une condition préalable à la libre circulation des hommes et des femmes et au respect mutuel entre peuples différents. Le Cadre considère la pratique des langues comme enrichissante pour le développement personnel et comme promotrice d’une identité multiculturelle, pour une Europe qui soit vraiment « unie dans les différences ».
  • 18. 18 II Le CLA de Besançon Après quoi il se dit: «Eh bien, les voilà tous qui forment un peuple unique et parlent la même langue! S'ils commencent ainsi, rien désormais ne les empêchera de réaliser tout ce qu'ils projettent. Allons! Descendons mettre le désordre dans leur langage, et empêchons-les de se comprendre les uns les autres.» Le Seigneur les dispersa de là sur l'ensemble de la surface de la terre, et ils durent abandonner la construction de la ville. Voilà pourquoi celle-ci porte le nom de Babel. C'est là, en effet, que le Seigneur a mis le désordre dans le langage des hommes, et c'est à partir de là qu'il a dispersé les humains sur la terre entière. Genèse, XI, 6-96 2.1 La didactique : un domaine sur trois niveaux Quand nous apprenons une matière à l’école ou à l’université ou quand nous suivons un cours, nous ne sommes pas conscients de ce qui se passe derrière la leçon en classe, ni des aspects à prendre en compte lorsqu’il s’agit de sa préparation. Comme le suggère S. Pit Corder (Corder, 1983 : 24), dans le domaine de l’enseignement nous pouvons parler d’une structure à trois niveaux : au niveau supérieur l’on décide ce qu’il faut enseigner, comment et pendant combien de temps ; cela incombe aux organismes politiques qui s’occupent des choix pédagogiques. Le niveau intermédiaire met en pratique ces décisions, à l’aide de la linguistique appliquée. Le niveau inférieur est le plus évident et concerne le véritable cours dans la salle de classe. 2.2 Présentation de Besançon et du CLA Nous présentons le cas concret d’un centre de langues moderne. Le CLA est un centre international d’apprentissage des langues, situé en France, à Besançon. Lieu de naissance de Victor Hugo et des frères Lumière, cette ville est close entre la boucle du Doubs et les fortifications de la Citadelle, construites au XVIIe siècle par Vauban, ingénieur du roi, et inscrites au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 2008. Cette ville a aussi une longue histoire dans l’horlogerie, ayant été la capitale de la montre française pendant le XIXe siècle. 6 La Bible, Ancien et Nouveau Testament avec les livres deutérocanoniques, traduite de l'hébreu et du grec en français courant. Nouvelle édition révisée ALLIANCE BIBLIQUE UNIVERSELLE.
  • 19. 19 Besançon se trouve au cœur de la Franche-Comté, pas trop loin de la frontière suisse et compte environ cent mille habitants. Elle a une population estudiantine très nombreuse, accueillant chaque année un nombre élevé d’étudiants étrangers, qui y arrivent pour poursuivre leur études dans le cadre de programmes d’échange, comme le programme Erasmus, dans le cadre d’accords internationaux ou en dehors de tels programmes. Cette petite ville de la France de l’est, qui, avec Grenoble, se trouve dans une région qui a participé aux progrès de la recherche en FLE, est devenue un point de repère très connu et respecté en France et dans le monde en ce qui concerne l’enseignement du français. Le grand nombre d’étudiants et de stagiaires, qui la fréquentent et qui l’animent, donne à Besançon un caractère vif et sociable. Les festivals, les spectacles et les concerts organisés sont nombreux, ce qui permet la rencontre entre les Français et des personnes d’origines diverses. En 1958, Bernard Quémada fonde le CLA et marque une nouvelle page de l’histoire culturelle bisontine. Voici ce qu’écrivait le 27 mars 2008 L’Est Républicain, quotidien régional français, diffusé à Besançon et en Franche-Comté, à l’occasion du 50ème anniversaire du CLA : c’est le moment de célébrer « l’histoire d’une belle famille qui traverse le temps et qui entend fêter son anniversaire en grand ». Cependant, l’ouverture du CLA n’est pas accueillie positivement par la totalité du monde universitaire. Dans une interview M. Quémada raconte : «On était dans les recoins de la fac de Lettres, on nous abandonnait (sic) des bouts de couloir et de grenier, on était presque des parias. Les grands professeurs de langue ne nous prenaient pas au sérieux.» (ibidem). En 1950, Quémada est nommé professeur de linguistique à l’Université de Franche-Comté, où il enseigne surtout la philologie ; au cours de sa carrière il rédige deux thèses, qui confirment son grand intérêt pour les dictionnaires. Dans les années 1960 il rapporte le concept de linguistique appliquée des États-Unis, ce qui permit le développement du CLA de Besançon. La linguistique appliquée est définie par Bernard Py (1996 : 13) comme « une activité de recherche qui étudie le langage en tant qu’il intervient de manière centrale dans diverses pratiques sociales telles que l’enseignement et l’apprentissage des langues, les migrations, l’éducation (principalement en milieu plurilingue)»7 . Elle utilise les découvertes de la linguistique et celles d’autres disciplines pour améliorer les conditions de la communication et de l’enseignement. C’est dans ce sens qu’« appliquée » se rapporte à « linguistique », car elle s’occupe des solutions à des problèmes pratiques. La linguistique appliquée est étroitement liée à la 7 Py, Bernard (1996), “Les apports de la didactique à la linguistique” dans La Linguistique Appliquée : points de vue et perspectives. Actes du 1er Symposium organisé par la COFDELA Université Stendhal-Grenoble III 18, 19 et 20 Janvier, pp. 11-18 dans Linguistique appliquée, didactique des langues, laquelle est prioritaire dans une classe de français préliminaire? par Y. O. Tijani,
  • 20. 20 didactique des langues. Elles vont de pair, elles s’entraident ; les découvertes dans l’une des deux poussent la recherche et les applications dans l’autre. Toutes les deux utilisent les données de la sociologie et de la psychologie pour atteindre les résultats souhaités. La linguistique appliquée participe notamment à la rédaction des syllabus et des manuels de cours. Ce centre surgit juste à côté de la rivière et domine le Doubs avec sa remarquable construction en verre et joue un rôle unificateur entre ses étudiants et la société française locale, agissant selon l’idéologie que les langues relient les hommes et les cultures. Il organise des activités à son intérieur, des sorties dans la ville et dans la région et au, mois de mai, une grande manifestation qui s’appelle « Le tour du monde en 80 plats », où les plats typiques de beaucoup de pays sont cuisinés et vendus au cours de deux soirées d’intégration culturelle. 2.3 Enseignement, formation, recherche Le CLA est spécialisé dans un enseignement des langues dédié essentiellement à l’usage professionnel. En harmonie avec les tendances dont nous avons déjà parlé, ses formations se focalisent sur les besoins des apprenants. Avant de s’inscrire, on leur demande de remplir une fiche qui s’appelle « Pour mieux vous connaître » et, une fois arrivés, on leur propose une première évaluation. Au total, les évaluation sont trois : une deuxième pendant les cours et la dernière à la fin de la formation. Cela montre que les groupes ne se forment pas en fonction de l’origine des apprenants et que ces étapes permettent au CLA de se faire une opinion de l’apprenant, de trouver le groupe qui est fait pour eux et de suivre ses progrès. Il s’agit d’une prise en compte de la spécificité des individus. Les apprenants ont des âges différents, mais, le plus souvent, il s’agit de jeunes adultes ; ils se rendent dans ce centre pour pouvoir pratiquer la langue, par exemple avant un séjour à l’étranger ou en vue de la réception d’un correspondant étranger, ou pour enrichir leurs connaissances et avoir plus de chances dans la recherche d’un travail. Ils peuvent profiter des professeurs experts, natifs de la langue qu’ils enseignent. Les gens qui ont fréquenté le CLA et parcouru ses couloirs ont tous eu des carrières différentes. Parmi ces gens, il y en a qui sont devenus plus fameux que d’autres: « qu’ils soient devenus ambassadeurs ou princesse du Japon, écrivain ou directeur de cirque, mère de famille ou arbitre international de foot, ils sont tous un jour ou l’autre passés par Besançon et son CLA » (L’Est Républicain). Les formations s’occupent de multiples domaines, allant des affaires à l’informatique, en passant par le juridique et le médical. Le CLA est par exemple spécialisé dans l’anglais
  • 21. 21 aéronautique depuis 1974. Les cours ciblent la préparation des diplômes et des concours, les échanges commerciaux et la communication scientifique. Le tourisme fait partie de la formation aussi bien que les ateliers de traduction. Le CLA réalise des stages de formation pour les enseignants de langue. Le personnel est composé de cent permanents : l’équipe pédagogique est constituée de soixante-dix enseignants permanents, dont les deux tiers sont des enseignants de FLE. Tous ces professeurs ont au moins une fois enseigné à l’étranger et ont donc été en contact direct avec la dimension interculturelle. Le centre accueille près de cinq mille personnes par an, entre stagiaires et étudiant(e)s. La majorité y arrive pour suivre des cours de FLE et représentent plus de cent pays. Le CLA délivre des diplômes nationaux et d’université et s’occupe aussi de recherche : les enseignants chercheurs élaborent des matériels pédagogiques qui sont aussi diffusés en dehors de la France. À la fin de mon séjour bisontin, j’ai eu la chance d’interviewer M. Michel Lacaille, du service "Accueil des groupes", qui a répondu avec grande disponibilité à mes questions. Il m’a expliquée que ce centre n’a pas de véritable politique de marketing, il ne se fait pas beaucoup de publicité, mais il a réussi à répandre sa renommée un peu partout dans le monde. Sa bonne réputation est due aux missions d’enseignement à l’étranger qui ont permis aux professeurs du CLA de faire connaître ce centre aux universités d’autres pays. Les professeurs qui sont partis ont conseillé aux apprenants étrangers de séjourner à Besançon et d’y fréquenter des cours de FLE. 2.4 Changement de paradigme La didactique est liée à des manières de voir la société : comme nous l’avons déjà dit, au fil du temps, les méthodes d’enseignement ont changé, suivant, entre autres, les changements sociaux. Dans le passé, les contraintes étaient beaucoup moins présentes, ce qui favorisait les expérimentations et une acceptation majeure du jeu. La fin des années 1960 marque le début de l’époque des transgressions, qui continue jusqu’aux années 1980, une période assez extrovertie et caractérisée par la créativité. C’est dans les années 1980 que l’on donne beaucoup d’espace à l’apprentissage à travers le jeu et que l’on commence à prendre en compte des documents authentiques. Par contre, au cours des années 1990, les restrictions se font plus fortes, le jeu régresse. De nos jours, l’objectif de la didactique des langues est d’atteindre un bon niveau dans la langue choisie et de pouvoir le certifier. La compétence qu’il faut avoir, dans une société caractérisée par la compétition comme la nôtre, ne laisse plus le même espace à l’innovation.
  • 22. 22 Nous voyons qu’il existe à ce propos une sorte d’opposition entre ces contraintes contemporaines et les approches communicative et actionnelle qui favorisent la créativité. 2.5 Le cas du CLA La formation du CLA cherche à remédier à cette opposition en proposant une formation complémentaire, à travers une approche ludique et sérieuse à la fois, qui s’appuie sur les échanges - rencontres et discussions. Dans la salle de classe, les petits groupes se focalisent sur la partie « sérieuse » de l’apprentissage, tandis que les autres activités proposées s’intéressent à l’approche ludique. Le rôle du professeur est de profiter du contexte social et de mettre en place une formation créative. Au premier chapitre nous avons décrit l’approche actionnelle, préconisée et mise en exergue par le Conseil de l’Europe. Le cas typique que l’on a à l’esprit quand il s’agit d’appliquer le Cadre européen commun de référence pour les langues est une classe d’apprenants qui partagent la même LM et, plus ou moins, le même bagage culturel. Or, au CLA les situations d’apprentissage sont très variées et le public n’est pas homogène, en ce qui concerne ni la LM, ni la culture de provenance : dans un contexte pareil nous ne pouvons pas nous servir d’une seule méthode. De plus, la didactique est un domaine en fermentation permanente et les productions écrites ne cessent d’introduire des innovations. Les nouvelles technologies sont très utilisées, l’objectif étant d’introduire des outils et des procédures innovantes.8 La médiathèque du CLA est bien fournie et les enseignants s’appuient sur telle ou telle méthode en fonction de leurs besoins et de ceux de leurs apprenants. 2.6 Méthodes 2.6.1 Des approches pragmatiques Les approches mises en place au CLA sont pragmatiques : l’une d’entre elles est l’approche communicative. À son début, dans les années 1970, cette nouvelle approche marqua un grand changement dans le paradigme de l’enseignement : enseigner une langue n’est plus considéré comme le fait d’enseigner un système, mais est vu comme le fait d’enseigner un comportement linguistique. On apprend une langue pour l’utiliser dans différentes situations, avec un objectif fonctionnel, celui de communiquer. À ce propos, le professeur cherche à solliciter la curiosité des 8 http://cla.univ-fcomte.fr/index.php?page=formation-pedagogique&hl=fr_FR
  • 23. 23 apprenants et à les intégrer le plus possible dans le développement du cours. Leurs interventions devraient constituer des points de départ pour de nouvelles discussions, dans une leçon qui se construit au fur et à mesure (ibidem : 23). De l’approche communicative dérive, vers la fin des années 1980, l’approche interculturelle. L’apprenant est encore plus au cœur de la formation, aussi dans son aspect émotif et affectif. Les exercices proposés traitent aussi des questions extralinguistiques, comme les stéréotypes, les habitudes et les différences entre les cultures (ibidem : 24). Les dimensions culturelle et internationale revêtent un rôle très important, comme il se doit dans un centre de langues. En adoptant cette philosophie, le CLA est devenu « un pôle d’excellence connecté sur le monde, les langues, les cultures » (L’Est Républicain). 2.6.2 Le « Silent Way » Pour l’anglais, il existe la possibilité de suivre un cours qui propose une approche pédagogique qui s’appelle le « Silent Way », formulé par Caleb Gattegno au début des années 1970. Il est resté longtemps inconnu et il a reçu beaucoup de critiques, surtout pour le fait de transmettre uniquement une connaissance théorique du langage. Cette approche reconnaît le fait que chacun apprend à sa façon et à son rythme et refuse l’idée que l’apprentissage se fasse par imitation et par répétition. Dans la salle de classe, le professeur limite au minimum l’utilisation de sa voix et fait grand recours à la mimique et aux gestes. Il explique très peu et essaie de pousser l’apprenant vers la réflexion personnelle et vers des expérimentations. Le silence marque le fait que le professeur ne se pose pas en tant que modèle à suivre et que les apprenants sont tenus à prendre l’initiative et à faire confiance à leurs intuitions (Serra Borneto éd., 1998 : 109-130). 2.6.3 Nouvelles technologies La crise de la méthode dont nous avons déjà parlé, se concrétise dans la tendance récente vers l’auto-apprentissage, les TICE (technologies de l'information et de la communication pour l’enseignement) et les cours de langue sur internet. Au CLA, cela concerne, par exemple, des cours individuels d’anglais à distance. Le milieu social, de nos jours, si influencé par les nouvelles technologies, marque à nouveau l’évolution des méthodes de la didactique et, dans certaines situations, permet l’autoévaluation la plus complète et la disparition de la fonction classique du professeur. Depuis 2006 nous assistons à l’explosion des outils du web 2.0 ; cependant, beaucoup
  • 24. 24 d’apprenants qui suivent cette approche s’aperçoivent eux-mêmes de l’importance de la figure de l’enseignant. 2.7 Les langues du CLA « Derrière la façade de verre, un brassage des langues et des cultures à découvrir » (L’Est Républicain) Les langues que l’on peut étudier au Centre de Linguistique Appliquée de Besançon, à côté du français, sont neuf : l’ allemand, l’anglais, l’arabe, le chinois, l’italien, le japonais, l’espagnol, le portugais et le russe. En plus de celles-ci, il existe la possibilité d’en apprendre d’autres sur demande. Si nous prenons en considération les dix langues du CLA, nous en remarquons six parmi les langues les plus connues et les plus étudiées en Europe : l’allemand, le français l’anglais, l’italien, l’espagnol et le portugais. Nous avons bien dit « connues » et pas « parlées » ; à ce propos il est difficile de donner des chiffres corrects, car une étude qui se fonde sur le nombre d’habitants d’un pays donné et qui considère ce nombre comme égal au nombre des locuteurs LM de la langue ou des langues officielle(s) du pays, ne serait pas fiable. Au niveau de l’enseignement, l’anglais, moderne lingua franca, est L2 dans de nombreux pays, suivi par l’allemand et le français comme L3. L’espagnol est lui aussi L3 ou L4 dans des pays importants, surtout au niveau secondaire supérieur. En 2009/2010, selon une étude d’Eurydice, un réseau qui fournit de l'information sur les systèmes éducatifs européens, un pourcentage très bas d’élèves ont appris une autre langue que l’anglais, le français, l’espagnol ou l’allemand. Dans un nombre important de pays, ce pourcentage se situait en dessous de 1%. 9 Dans ce centre, on enseigne aussi des langues qui ont gagné du prestige dans le domaine économique : le russe et le chinois mandarin. Le russe est parlé en Russie et dans les pays de l’ex-URSS ; le chinois mandarin est la langue officielle de la République populaire de Chine et a le plus grand nombre de locuteurs au monde. Enfin, il est possible de suivre des cours d’arabe et de japonais, deux langues qui commencent à apparaître avec beaucoup d’intensité sur la scène mondiale. 9 http://eacea.ec.europa.eu/education/eurydice/documents/key_data_series/143FR_HI.pdf
  • 25. 25 2.7.1 Des langues pour demain : comment les choisissons-nous ? Nous avons déjà parlé de l’évolution du rapport à l’apprentissage et à la maîtrise des langues, qui est désormais devenue un atout dans bien des domaines. Nous nous intéressons maintenant à ce qui se passe au moment de choisir une ou plusieurs langues étrangères à apprendre, pour montrer que ce choix n’est jamais neutre, mais que, au contraire, il est affecté par des forces externes. Ce choix est soumis à des pressions sociales. Tout d’abord, c’est notre représentation des langues qui nous guide vers telle ou telle langue ou qui nous en éloigne. C’est un sentiment diffusé et enraciné dans tout individu , qui souvent dérive de l’imaginaire, personnel ou collectif, qui est rattaché aux langues. Il peut être influencé par les expériences que l’on a vécues avec ces langues : si l’expérience a été positive, la langue en question occupera une bonne place dans notre répertoire linguistique, c’est-à-dire le moyen par lequel on conçoit les langues avec lesquelles on a été en contact. Ce répertoire est donc très affectif. Il faut aussi considérer la présence, ou le manque, d’un air de famille qui influence notre perception de la difficulté d’une langue inconnue. Cette difficulté subjective est parfois légitimée par une difficulté objective, qui fait tomber le choix sur une langue qui finalement soit belle et facile à apprendre. Enfin, la langue que nous voulons aborder doit être utile. Très souvent, cela veut dire qu’elle doit nous permettre de trouver un bon travail et rehausser notre position sociale. Les langues du CLA, de ce point de vue, ne doivent pas nous surprendre. Elles ont une excellente réputation et sont donc les plus recherchées par les apprenants, qui sont inconsciemment influencés par les aspects sociopolitiques qu’on vient de décrire. Lors de l’interview avec M. Lacaille nous avons aussi abordé les aspects du choix des langues, à travers des exemples. L’italien, après son âge d’or qui remonte au XVIe siècle, a vécu une diminution de la demande à cause du binôme « plaisir-efficacité », ce qui veut dire que ce n’est pas la seule prédilection vers une langue qui est décisive dans le parcours d’apprentissage, mais aussi la place de la langue en question dans la société et dans le cadre des échanges. M. Lacaille a ensuite ajouté des informations concernant l’allemand et le russe. Dans certains cas, c’était les parents qui conseillaient ces deux langues à leurs enfants selon une « stratégie de différenciation » qui pouvait permettre à ces petits élèves de disposer d’atouts, par exemple, dans leur future vie professionnelle. Voici donc qu’un véritable scénario géostratégique se dessine : les langues « se font la guerre » dans ce qui s’est transformé en un « marché des langues ».
  • 26. 26 2.8 Classement des langues : la linguistique historique Nous consacrons maintenant notre attention aux études de la linguistique historique pour essayer de classer ces langues. L’idée qui est à la base de la linguistique historique est que l’on peut trouver des correspondances entre les langues du monde, en étudiant leurs traits et en remarquant leurs similitudes. Quand il s’agit de classer les langues, la linguistique s’appuie sur trois critères: critère généalogique, critère typologique et critère aréal. 2.8.1 Trois critères : généalogique, typologique et aréal 2.8.2 Critère généalogique Les peuples sont à la recherche d’une langue mère depuis l’Antiquité et, selon le critère généalogique, il est possible de repérer la langue qui est à l’origine de plusieurs langues apparentées. L’unité généalogique dans le sens le plus large est la famille linguistique ; à son intérieur, l’on trouve des groupes et des sous-groupes. Quand on parle de l’histoire des langues, on fait souvent référence à l’épisode biblique de la Tour de Babel, qui représente le point de départ de la différenciation entre les langues. Il raconte la construction d’une tour qui devait être assez haute pour toucher le ciel, pour arriver au trône de Dieu. Les hommes qui la construisaient parlaient la même langue et pouvaient travailler efficacement ensemble. Mais Dieu punit la vanité de ce projet, en introduisant la « confusion », c’est-à-dire la différence des langues. Le regret pour la perte de la faculté d’être compris partout et par tout le monde était profond chez l’être humain car son désir de communiquer et de se faire comprendre a toujours été très grand. Plusieurs théories ont été proposées au cours des siècles, mais ce n’est qu’à la fin du XVIIIe siècle que la linguistique s’écarte des spéculations et réussit à jeter les bases de sa scientificité. En 1786, au cours d’une conférence, Sir William Jones avançait l’idée selon laquelle le latin, le grec et le sanscrit dérivaient d’une même langue. Jones n’était pas le premier à formuler une telle idée, mais cette conférence marque conventionnellement la naissance de la linguistique historique, branche de la linguistique qui s’occupe de la parenté entre les langues. La période était tout à fait favorable à l’apparition de cette discipline car, à la même époque, on assistait à des voyages d’exploration et à une augmentation conséquente des contacts entre les langues. De plus, le Romantisme, courant qui caractérise le début du XIXe siècle s’intéresse à l’orient et aux langues orientales, en particulier au persan. L’intérêt envers l’individuation d’une
  • 27. 27 langue originelle a conduit à la formulation de plusieurs théories et à l’étude de plusieurs facteurs extralinguistiques, notamment dans le domaine de l’agriculture, de la biologie et de l’archéologie. 2.8.3 Critère typologique En ce qui concerne le critère typologique, les linguistes du XIXe siècle classent les langues selon leurs traits morphologiques, en les regroupant en trois catégories. La première catégorie est celle des langues isolantes. Elles n’ont presque pas de marque morphologique car, très souvent, c’est l’ordre des mots qui fait du sens. Ensuite, il existe des langues appelées agglutinantes, où chaque marque morphologique donne une seule information (pluriel, première personne, locatif). La dernière catégorie est celle des langues dites flexionnelles : celles-ci utilisent des désinences qui complètent le mot et donnent plusieurs informations à la fois. C’est le cas du français : par exemple, le mot « chanteuse » est composé par un morphème «chant», que nous retrouvons aussi dans «chanter», et d’une désinence «-euse» qui marque le fait qu’il s’agit d’un mot du genre féminin. Il faut à ce point là souligner que August Schleicher (1821-1867) est parmi les linguistes qui ont interprété ce schéma comme une véritable évolution des langues, selon un point de vue qualitatif. Les langues isolantes étaient les plus simples et les plus pauvres, alors que les flexionnelles étaient les plus évoluées et les plus riches. Schleicher était aussi un botaniste. Sa façon de classer les langues dérivait probablement de sa formation dans le domaine des sciences. Avant que Darwin ne diffusa sa théorie évolutionniste, il fut l’auteur de l’arbre généalogique des langues indo- européennes (i-e), dans lequel les langues sont considérées comme des organismes naturels, qui subissent des mutations comme tout autre élément présent dans la nature. Il existe une autre catégorie morphologique qui est celle des langues polysynthétiques : elles sont assez complexes car dans un mot on trouve plusieurs morphèmes et plusieurs valeurs, mais on n’est pas capable de les segmenter et de leur attribuer le sens correspondant. C’est la cas du basque, qui ne fait pas partie des langues i-e et dont la provenance est encore incertaine. Un autre classement typologique possible s’occupe de l’ordre des mots dans la phrase. Il s’agit de la typologie syntaxique qui se développe dans les années 1960 grâce aux travaux du linguiste Joseph Greenberg (1915-2001).
  • 28. 28 2.8.4 Critère aréal Le dernier critère est le critère aréal. Les linguistes qui s’intéressent à ce domaine cherchent à identifier les similitudes entre des langues qui sont très distantes selon un point de vue généalogique, mais qui ont des caractères communs, étant donné qu’elles sont parlées dans la même région géographique. C’est le cas, par exemple, des langues balkaniques, qui appartiennent à des groupes différents de l’i-e, mais qui ont développé des traits pareils. Par ailleurs, les aires linguistiques ne forment que rarement des blocs monolithiques. Ces trois critères se basent sur des données différentes et fournissent souvent des classements divergents. 2.9 Classement des langues du CLA Si nous essayons maintenant de décrire ces dix langues selon les critères dont nous avons parlé ci-dessus, nous pouvons dire que ces langues appartiennent toutes à la grande famille des langues indo-européennes (i-e), sauf l’arabe, le chinois et le japonais. La famille indo-européenne couvre de nombreuses langues sur deux continents, de l’Europe atlantique jusqu’à l’Inde, du portugais jusqu’au cingalais. Le chinois mandarin appartient à la famille des langues sino-tibétaines qui, avec la famille des langues i-e, est la famille la plus représentée au monde. Le classement du japonais pose des problèmes d’ordre méthodologique car beaucoup de documents antiques, surtout en prose, ont été rédigés en chinois. L’arabe est une langue sémitique qui appartient à la famille afro-asiatique. Aujourd’hui, à la suite de mouvements migratoires, l’arabe est beaucoup parlé en Europe aussi. Si nous faisons référence au classement typologique, nous pouvons affirmer que le chinois est une langue isolante, le japonais est une langue agglutinante et que toutes les langues i-e sont flexionnelles. L’arabe est une langue flexionnelle particulière : elle ses sert des alternances vocaliques à l’intérieur des mots pour produire des changements de sens. C’est la raison pour laquelle certains linguistes la définissent une langue intra flexionnelle. Ces catégories ne sont pourtant pas si rigides, dans le sens qu’aucune langue n’est qu’isolante ou qu’agglutinante. Elles sont classées selon leurs traits les plus forts et les plus visibles, mais elles présentent des caractéristiques de différents types. L’anglais, par exemple, est considéré comme flexionnel, mais il montre aussi des traits qui le font ressembler à une langue isolante.
  • 29. 29 III La Didactique du FLE « Si l’on voit avec optimisme le français comme une langue parmi d’autres pour tous ceux qui souhaitent l’utiliser, souplement, librement, diversement, sans phobie des métissages et des innovations, alors il continuera à permettre la rencontre de gens différents.» Philippe Blanchet10 3.1 Enseignement et politique linguistique La didactique du FLE a une longue histoire, même si ce n’est qu’en 1983 que le FLE devient une discipline universitaire. Elle s’intéresse à plusieurs contextes et a permis de nombreuses découvertes et des perfectionnements dans l’enseignement du français. Enseigner une langue signifie étendre les limites géographiques de sa pratique. La volonté « d’exporter » les langues commence à se délinéer pendant le XIXe siècle et continue jusqu’à présent, avec les politiques linguistiques modernes. Calvet définit la politique linguistique comme la « détermination des grands choix en matière de relations entre langues et société » (1996 : 3). 11 De nos jours, ce type de politique est mis en place contre la menace de la perte de locuteurs d’une langue. 3.2 Diffusion du français : Alliances Françaises et OIF En ce qui concerne le français, la diffusion de cette langue en dehors de la France a été permise et continue de l’être par des institutions, telles que les Alliances Françaises et l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF). Les premières à s’occuper de l’enseignement du français sont les Alliances Françaises, avec l’Alliance Israélite Universelle, créée en 1863 et, vingt ans plus tard, avec l’Alliance Française de Paris. C’est à Paris que les premières méthodes d’enseignement du FLE sont élaborées12 , à la même période où les puissances européennes se réunissent et décident comment se répartir le continent 10 http://www.sociolinguistique.fr/cours-5-5.html 11 CALVET, L.-J., (1996), Les politiques linguistiques, Paris, PUF dans ibidem. 12 http://www.alliancefr.org/sommes-nous
  • 30. 30 africain. L’Alliance Française de Paris naît en 1883, deux ans avant le Traité de Berlin qui légitime et marque le début de la colonisation de l’Afrique. Depuis, la langue française et l’Afrique prennent un chemin commun. Dans le cas des Alliances Françaises, nous parlons d’un rapport horizontal dans l’apprentissage : l’enseignement ne suit pas de hiérarchie et les professeurs se basent sur les connaissances déjà acquises par les apprenants. Dans ce contexte, il s’agit de vrais échanges. Par contre, en Afrique, dans une situation absolument nouvelle, ce n’est pas du tout pareil. Les Français ne savent pas comment communiquer avec les gens qu’ils rencontrent ; par conséquent, ils n’ont pas le moyen d’utiliser les connaissances de ces gens. Le rapport entre les deux est vertical, étant le fruit d’une domination politique. Les missionnaires français sont parmi ceux qui arrivent dans ces terres inexplorées. Ils n’ont aucune expérience d’enseignement dans un contexte de ce type, aucun système auquel faire référence. Ce n’est qu’à travers l’oral, qui restera l’outil principal dans l’enseignement des langues, qu’ils apprennent à ces gens les bases du français. Pour la première fois on s’adapte au contexte pour atteindre un objectif de formation. C’est le début de la didactique du FLE : sans le savoir, ces missionnaires catholiques sur le territoire africain deviennent des pionniers dans ce domaine. Aujourd’hui les Alliances Françaises forment un réseau culturel mondial, avec 1 040 implantations dans 136 pays sur les cinq continents. Elles sont à considérer comme des organisations mettant en place une véritable politique linguistique et poursuivent trois missions : elles proposent des cours de français à tout public, en France et dans le monde, elles font connaître les cultures françaises et francophones et favorisent la diversité culturelle13 . L’OIF est un dispositif institutionnel qui gère la collaboration de 56 états membres et de 19 états observateurs. En prenant en compte la cohabitation avec d’autres langues, l’OIF poursuit des missions qui visent à la promotion de la langue française, de la diversité culturelle et linguistique, avec une attention particulière aux droits de l’Homme, à la formation et à la coopération. 14 L’OIF met en œuvre des actions adaptées aux différents publics concernés pour que le français soit plus utilisé, mieux enseigné et maîtrisé. L’OIF, avec l’Ambassade de France, le Ministère des Affaires étrangères et européennes et le Ministère de l'Éducation nationale est l’un des partenaires du CLA. 13 ibidem 14 http://www.francophonie.org/Qui-sommes-nous.html
  • 31. 31 3.3 Le français appris en France : les bénéfices du milieu homoglotte Dans le cas du FLE au CLA de Besançon il s’agit aussi, à une échelle plus petite, de la diffusion du français. Les apprenants peuvent choisir parmi différents programmes : un cours intensif, qui dure un mois avec 25 heures de français par semaine; un cours semi-intensif, composé de 15 heures par semaine pendant 13 semaines, ou le programme « langue, culture et société », qui permet de découvrir le société française et de jeter un regard sur la littérature, le théâtre, l’art, les affaires…15 La force du centre se trouve dans son milieu d’apprentissage, puisqu’il s’agit d’un milieu homoglotte. Dans un milieu de ce type, il existe une continuité entre la langue enseignée dans la salle de classe et la langue parlée à l’extérieur. Voici comment le CLA présente son environnement : « pour débuter votre apprentissage ou enrichir vos connaissances et vos compétences en français, commencez par découvrir la Franche-Comté et Besançon, une région et une ville qui ont beaucoup à vous dire. Rencontrez les gens : appropriez-vous le français en approchant ceux qui le vivent au quotidien. Il n’y a pas plus agréable et plus efficace moyen d’apprivoiser notre langue ». L’apprenant est continuellement exposé à différents faits de langue et cela lui donne la possibilité de puiser à cette énorme richesse. Les recherches ont montré qu’il est plus facile de retenir un point de grammaire que l’on a entendu ou pratiqué à l’extérieur et que l’on étudie après dans la salle de classe (Ellis ; 1997 : 82). Dans un milieu homoglotte les facteurs socioculturels exercent une grande influence : l’apprenant a la possibilité de voir de très près à quoi correspond la diversité linguistique et comment elle se manifeste ; si cet aspect est bien expliqué et interprété, il est possible d’apprendre à distinguer des niveaux de langue, de développer des capacités de gestion de différents registres, de différentes situations de communication (formelles-informelles). Ce faisant, l’apprenant s’approprie des capacités pour construire de bonnes relations sociales. 3.4 Un aspect sociolinguistique : la variation Nous venons de dire que la langue de communication avec le professeur est la même que celle que l’on utilise dans la rue et dans les échanges quotidiens. Est-ce vraiment le cas ? En effet, le français de la classe n’est pas le français de la rue, ou celui qui est parlé à la maison. D’ailleurs, nous savons que les Français ne parlent pas tous le même français. Quand nous disons 15 http://cla.univ-fcomte.fr/index.php?page=apprendre-le-francais&hl=fr_FR
  • 32. 32 que ces deux langues ne sont pas « la même langue », mais qu’elles sont plutôt deux variantes du standard, nous faisons référence au concept de variation. La variation décrit le fait que la langue n’est pas homogène, mais qu’à son intérieur il existe des unités en compétition. Ce concept est au cœur de la sociolinguistique, une discipline qui s’est développée dans les années 1960 aux États-Unis, en particulier grâce aux études de William Labov et qui étudie les relations entre la pratique de la langue et le profil sociologique des locuteurs. Les variantes que les Français utilisent au quotidien s’opposent en quelque sorte au « bon français ». La variation est un phénomène linguistique qui fait référence à plusieurs critères. Elle peut dépendre de la période qu’on prend en considération (variation diachronique) : le français qui était parlé il y a 300 ans n’est pas le même que celui d’aujourd’hui. Elle peut dépendre de la provenance du locuteur (variation topique) : on remarque, entre autres, des différences d’accent, des particularités régionales. Elle peut surtout dépendre de la situation et de différents contextes dans lesquels se trouvent les gens. Dans un contexte formel, comme celui qui nous intéresse, à savoir la salle de classe, le professeur et les apprenants suivent attentivement les normes grammaticales, tout en évitant de s’éloigner de ce que l’on appelle le « français standard ». Par contre, quand les mêmes personnes se trouvent chez elles, ou dans un contexte informel, comme dans une sortie entre amis, ils feront moins attention à leur façon de parler et ils pourront utiliser des mots issus du dialecte, des formes abrégées, des néologismes qui leurs sont propres et qui ne seront pas forcément compris par un autre groupe de personnes. Le « bon français » n’est qu’une variante « qui a réussi ». Le fait qu’il soit adopté comme « français standard » dépend de l’histoire de France et est le résultat de choix sociopolitiques. Choisir un standard signifie normaliser un usage selon des critères. Le choix de ce standard dérive du critère quantitatif, selon lequel on se focalise sur la variante la plus répandue, qui est souvent celle du groupe au pouvoir. On suit aussi un critère de régularité, tout en privilégiant les règles productives. Enfin, il existe un aspect culturel. En ce qui concerne le français, les formes qu’on a gardées sont celles qui montrent ses racines latines. La variation est étroitement et indissolublement liée au concept de norme, que l’on peut considérer comme étant son opposé le plus direct. La volonté de standardiser les formes et les règles, définies par la norme, se répercute sur la grammaire, qui ne tolère pas de variations. Parfois, cependant, l’erreur dans la salle de classe est la variante que l’on utilise à l’extérieur. Lorsqu’il s’agit d’apprentissage, les enseignants doivent forcément faire face à des choix pédagogiques, pour la simple raison que le domaine linguistique est trop vaste pour être inclus dans
  • 33. 33 un cours de langue. À côté des choix des points de grammaire à aborder, il existe aussi un choix qui concerne les variétés du français. En premier lieu, le professeur doit décider s’il veut que ses apprenants soient conscients du fait que la variation existe, qu’elle est partout et dans toutes les langues. Nous sommes d’accord pour dire qu’il faut avoir un français de référence pour pouvoir l’enseigner, mais que les apprenants devraient être conscients de l’existence de la variation et de ses aspects les plus évidents. Cette vision de l’enseignement est en harmonie avec la tendance à abandonner l’apprentissage rigide des règles grammaticales et à se concentrer sur ce qui se passe concrètement dans les espaces francophones. La variation et la compétence sociolinguistique figurent parmi les objectifs des recherches en FLE. 3.5 L’actualité du français Aujourd’hui, le français est l’une des langues les plus enseignées sur terre16 , étant présent dans le système scolaire de quasiment tous les pays du monde. Les élèves de beaucoup de pays non francophones choisissent de l’apprendre et son apprentissage est devenu obligatoire dans de nombreux pays, récemment en Syrie et au Brésil.17 Langue officielle dans 29 états, elle est parmi les langues qui comptent plus de 100 millions de locuteurs, bien que les estimations soient discutables18 . En effet, le Rapport sur la langue française 2010 estime le nombre de locuteurs à 220 millions. Le français a su maintenir son pouvoir, car c’est bien de cela qu’il s’agit, aux niveaux institutionnel, diplomatique et économique, en devenant une langue importante au niveau européen et mondial : il est la deuxième langue à fonction internationale au monde après l’anglais et sa maîtrise reste encore une condition nécessaire pour accéder aux organisations internationales. L’Histoire de France, les philosophes, les peintres, les écrivains et les poètes français qui se sont succédés au fil des siècles lui ont garanti un lien indissoluble avec la culture. Pour faire référence au français, on dit qu’il est la langue de Voltaire et de Victor Hugo, sans aucun doute, des hommes de grande culture. Enfin, le français est typiquement stéréotypé comme étant « une belle langue ». Cependant, si nous réfléchissons sur cette idée, le fait de considérer une langue comme « belle » est tout à fait une représentation de l’esprit, qui n’a aucun fondement logique. Comment 16 BLANCHET, P., (2011), "Politique linguistique et diffusion du français dans le monde", dans BULOT, T., BLANCHET, P., (2011), Dynamiques de la langue française au 21ième siècle : une introduction à la sociolinguistique, www.sociolinguistique.fr, consulté le 17/10/2012 17 ibidem 18 http://www.francophonie.org/IMG/pdf/Synthese-Langue-Francaise-2010.pdf
  • 34. 34 est-il possible de classer les langues en fonction de leur beauté? Dans le cas de l’apprentissage du français, à côté des raisons économiques, politiques et de réalisation professionnelle, il est aussi question de stéréotypes et du prestige des langues. 3.6 Le triangle enseignant-apprenant-savoir Nous pouvons représenter les variables de la didactique comme un « triangle pédagogique », composé par trois composantes, l’enseignant, l’apprenant, le savoir, dans notre cas, la langue, qui sont insérés dans un contexte donné. Ce rapport est en évolution permanente et les rôles, les compétences et les objectifs des trois composantes sont à négocier sans cesse. Le rôle de l’enseignant est de créer des situations favorables à l’apprentissage, être informé, choisir le matériel et présenter les informations qu’il considère comme les plus importantes. L’apprenant devrait interagir avec l’enseignant et le groupe des apprenants le plus possible, afin de vérifier ses hypothèses et comprendre quelle est sa façon d’apprendre. La langue est en évolution, comme nous l’avons vu, par exemple, à propos de la variation ; le point de vue par lequel on la perçoit et on l’enseigne continue de changer. Ce triangle essaie d’intégrer les nouveaux besoins des composantes qui dérivent, entre autres, des changements sociaux ; c’est pour cette raison que les méthodes évoluent et le focus change. 3.7 Tendances récentes du FLE En ce qui concerne la didactique du FLE, au début du siècle elle mettait l’accent sur la grammaire et sur le lexique et se servait de la méthode traditionnelle. Plus récemment, le FLE s’inscrit dans les derniers courants que nous avons décrits au premier chapitre : il prend en considération les approches communicative et actionnelle, il favorise les interactions par rapport aux monologues, il met l’accent sur la co-construction du discours dans la salle de classe et se focalise sur l’usage de la langue en contexte. Cette évolution marque le passage du focus sur une connaissance en soi vers des connaissances pour agir. Concrètement, on s’éloigne de l’objet pour se concentrer sur le sujet. Nous voyons comment la terminologie s’adapte au changement, avec une différence entre le mot « méthode » qui sous-entend un signifiant plus rigide et le mot « approche ».
  • 35. 35 3.7.1 L’approche communicationnelle (ou communicative) La composante pragmatique commence à être valorisée avec l’approche communicationnelle. Cette approche est d’origine anglo-saxonne et apparaît vers les années 1980 : elle marque une rupture avec la méthode traditionnelle, à travers l’utilisation de tout document et d’une production langagière majeure de l’apprenant. Avant, l’apprenant se contentait d’observer, maintenant il s’exprime d’avantage. L’approche communicationnelle met à nouveau la communication au cœur de la didactique du FLE ; il ne s’agit plus de reproduire des structures apprises peut-être par cœur, mais d’apprendre à communiquer dans une LE. La rupture avec le passé continue et c’est sur cette base qu’on a construit une approche révolutionnaire, l’approche actionnelle. 19 3.7.2 L’approche actionnelle L’approche actionnelle dérive de l’approche communicative, mais elle montre une complexité majeure et une attention à la réalisation d’actions, au travail en groupe et à la co- construction de connaissances. La perspective actionnelle se tourne vers la fonction la plus pratique de la langue ; elle est ouverte à la société et souhaite que l’apprentissage de la langue puisse donner à l’apprenant les moyens les meilleurs pour devenir un vrai acteur social dans un contexte de LE. Au cœur de cette nouvelle perspective se trouvent les concepts de stratégie et de tâches; à ce propos, nous comprenons la raison pour laquelle le Cadre de référence pour les langues définit l’apprenant comme un « usager de la langue ». Le CERCL souligne l’importance des tâches à 19 ROBERT, J-P. & ROSEN, R., (2010), Dictionnaire pratique du CECR, Paris, Editions Ophrys dans La perspective actionnelle: Didactique et pédagogie par l’action en Interlangue par Paola Bagnoli, Eduardo Dotti, Rosina Praderi et Véronique Ruel ; travail présenté au cours du IIIème Forum des Langues du ANEP, 8-10 octobre 2010 à Montevideo
  • 36. 36 accomplir, c’est-à-dire « un ensemble d’actions finalisées dans un certain domaine avec un but défini et un produit particulier ». Les consignes, les finalités et l’évaluation doivent être claires dès le départ. Dans une approche actionnelle, l’apprenant est amené vers des situations-problèmes dans lesquelles on lui demande concrètement de faire quelque chose, comme participer à un jeu de rôle ou à des simulations. L’idée est de mettre l’apprenant face à des problèmes qu’il doit résoudre en appliquant ses stratégies et que cette expérience en classe soit utile pour l’usage dans la vie réelle. Cet aspect montre clairement que, dans l’accomplissement d’une tâche, on passe de la compétence acquise à l’action et à la performance. Dans son article De l’approche communicative à l’« approche communic-actionnelle »: une rupture épistémologique en didactique des langues-cultures, Claire Bourguignon fait remarquer que « l’action suppose l’Autre » et que l’approche actionnelle retrouve une « dimension collective » que l’approche communicationnelle avait perdue. 3.7.3 Un enseignant animateur Dans un tel paradigme, l’enseignant se trouve face à un défi et doit posséder les moyens pour s’adapter à l’évolution ; il devient un animateur et on lui demande par conséquent de faire attention à la façon par laquelle il « arbitre le jeu » et par laquelle il sanctionne les erreurs. « Actionnelle » signifie qu’on laisse plus d’espace aux dialogues, aux échanges, à la communication ; ainsi, dans une telle situation, il sera plus facile de repérer des erreurs de prononciation et de grammaire, des interférences ou des malentendus. Tout cela « fait partie du jeu » et le professeur doit apprendre à gérer ces aspects afin d’en profiter pour donner des explications ultérieures ou pour introduire un nouveau point du cours. L’ouverture du CERCL envers une interprétation plus libre suggère que les enseignants ne doivent pas se fixer sur une seule méthode, ce qui constituerait un pas en arrière par rapport à la volonté d’introduire plus de variété et d’innovation dans l’approche à l’apprentissage. Ils doivent par contre suivre une ligne privilégiée, mais essayer en même temps de lui associer d’autres points de vue pour éviter la mise en place d’approches trop statiques. Cela a donné lieu à d’autres réflexions et à de nouvelles tendances qui tiennent compte des visions communicationnelle et actionnelle, comme l’approche co-actionnelle de Christian Puren et l’approche communic’actionnelle de Claire Bourguignon.
  • 37. 37 3.8 FLE, culture et société : des enjeux contemporains D’autres tendances récentes de la didactique du FLE s’intéressent à la dimension culturelle de la langue, à la dimension identitaire des apprenants et à la diversification du public. Elles se consacrent à l’étude de la langue orale qui a toujours été un domaine privilégié de la linguistique, surtout parce que le changement, la variation et l’évolution transparaissent à l’oral et sont enregistrés par l’écrit, seulement dans un deuxième temps. À notre avis l’oral et l’écrit devraient être abordés ensemble, dans une structure complémentaire, afin d’éviter que l’un soit plus approfondi que l’autre. 3.8.1 Dimension culturelle de la langue Un choix linguistique est aussi un choix idéologique. De nos jours, les didacticien(ne)s s’interrogent sur le rapport très étroit qui existe entre la langue et la culture. À nouveau, nous abordons un terme qui couvre un champ sémantique extrêmement large et dont la définition pose des problèmes qui ne concernent pas seulement la linguistique. Nous définissons la culture comme étant « l’ensemble des aspects intellectuels propres à une civilisation, à une nation » (Petit Robert). Choisir la façon à travers laquelle on veut enseigner une langue implique la transmission d’une image de la langue elle-même et du/des pays où cette langue est parlée. L’aspect social de la langue, caractéristique de l’apprentissage contemporain, est ainsi enrichi par la dimension culturelle qui fait aussi partie de la langue. 3.8.2 Dimension identitaire de la langue La dimension cultuelle de la langue apprise influence l’identité que l’apprenant acquiert au fur et à mesure qu’il entre en contact avec les manifestations et les particularités de la LE. En harmonie avec l’esprit du Cadre de référence et le concept de variation, des recherches récentes en FLE se concentrent sur comment la pratique des langues étrangères permet la construction d’une identité dans cette langue. Pour donner un exemple, nous nous appuyons sur l’article d’ Isabelle Lemée « Langue, sexe et identité : les cas d’apprenants de français L2 » (Kamber et alii éds, 2012 : 47-63), dans lequel elle s’intéresse à la variation sexolectale et à son rôle dans la construction de l’identité. Cet aspect a été l’objet de recherches en L1, mais ce n’est que récemment qu’il intervient dans des recherches sur
  • 38. 38 des apprenants de L2. L’analyse qu’elle fait des discours d’apprenants hibernophones (locuteurs de gaélique), rentrés d’un séjour linguistique en France, arrive à montrer que « les locuteurs non-natifs construisent leur identité en partie au travers de leur prise de conscience de l’utilisation de la langue en fonction du sexe de l’interlocuteur natif. […] Afin de « sonner français », les apprenants ont besoin d’acquérir et d’utiliser les variantes correspondant à l’identité qu’ils souhaitent avoir dans la communauté de la langue cible » (ibidem : 51). 3.8.3 Diversification du public Nous avons vu que la didactique ne cesse de s’adapter aux changements sociaux : l’enseignement du français doit, lui aussi, s’adapter à de nouvelles circonstances, en particulier à la migration et à l’arrivée en France de familles migrantes. Ces changements rapides rendent floues les définitions dans le domaine des langues. La difficulté de définir un problème ou la nécessité de nouvelles définitions montrent l’existence d’enjeux sociaux. En ce qui nous concerne, c’est le cas de la naissance du FLS (Français Langue Seconde) et, plus récemment, du FLES (Français Langue Étrangère et Seconde). 3.8.4 Perspective d’un apprentissage en langues Enfin, nous soulignons l’importance de l’un des changements qui est en acte ces derniers temps en didactique. Jusqu’ici nous avons abordé des enseignements de langue ; toutefois, la nouvelle frontière est l’enseignement en langues, c’est-à-dire l’apprentissage d’une ou plusieurs matière(s) dans une LE, comme, par exemple, l’histoire en anglais, la philosophie en espagnol, les mathématiques en allemand. Ce phénomène est de plus en plus répandu et répond à une demande sociale, mais la décision de le mettre en place est laissée aux chefs des établissements scolaires ou aux doyens. Nous souhaitons que les organismes politiques, qui sont le premier niveau de l’enseignement selon Corder, soient sensibles au besoin d’une révolution de l’apprentissage pour que la mise en place des cours en langues devienne systématique.
  • 39. 39 CONCLUSION « Pouvoir communiquer dans plusieurs langues est un formidable atout pour les particuliers, les organisations, les entreprises. Cela stimule la créativité, permet de surmonter les préjugés culturels et de sortir des sentiers battus et peut contribuer à la création de produits et de services novateurs ». Leonard Orban Membre de la Commission européenne20 Notre étude a essayé de montrer quelle direction suit la didactique moderne des langues, en donnant l’exemple d’un centre pour l’apprentissage des langues étrangères. Nous avons considéré la langue comme un outil fondamental pour le développement humain et pour toute relation. La compétence communicationnelle touche à d’autres domaines, tels que les dimensions socioculturelle et relationnelle, et c’est à travers la langue que l’on acquiert et l’on augmente ses connaissances. Les langues et leur maîtrise sont à la base de la communication et des échanges entre les gens, les continents, les civilisations et ont une importance primordiale dans la formation des européen(ne)s, surtout des plus jeunes. Dans ce contexte, les pays européens doivent s’éloigner du monolinguisme qui les a si longtemps caractérisés et ne doivent pas se contenter d’une connaissance passive des LE ; en accord avec le Cadre européen de référence pour les langues les efforts doivent tendre vers le plurilinguisme, un contexte où les langues ne sont pas séparées, mais « sont en corrélation et interagissent » (CECRL). Le monolinguisme est lié à un certain type de société, qui ne correspond plus à l’actualité, et d’ailleurs le plurilinguisme est répandu dans la plupart des pays et continents du monde.. L’Union Européenne vient de recevoir le Prix Nobel pour la Paix 2012 ; la paix se construit à travers le dialogue et le dialogue se construit à travers la langue. Les objectifs à long terme de l’UE dans le domaine des langues vivantes visent à permettre à ses citoyens de parler deux langues autres que leur LM, à investir sur l’importance de l’éducation et à commencer à apprendre les LE à des enfants quand ils sont très petits. Nous souhaitons que l’apprentissage des langues continue d’être favorisé et que les institutions compétentes puissent fournir le moyen de faire profiter d’un séjour linguistique à l’étranger un nombre d’apprenants plus élevé, ce qui constitue de loin la meilleure façon d’apprendre une LE. Le programme Erasmus vient de fêter ses vingt-cinq ans et nous souhaitons qu’il puisse continuer à exister, soutenu par les institutions compétentes. 20 Parler les langues de l’Europe, Les langues dans l’Union européenne http://ec.europa.eu/education/languages/pdf/doc3275_fr.pdf
  • 40. 40 Nous partageons l’avis de Androulla Vassiliou commissaire pour l’éducation, la culture, le multiculturalisme et la jeunesse à l’UE, qui dit qu’il est nécessaire d’augmenter les investissements pour améliorer la qualité de la formation à tout niveau. Elle souligne qu’il s’agit du meilleur investissement que l’on puisse faire pour l’avenir de l’Europe. Renoncer à des investissements de ce type serait un grand échec pour toute la communauté européenne. Nous espérons que l’importance de la formation scolaire, universitaire et personnelle se fasse entendre et soit prise en compte davantage que les autres problèmes d’ordre économique. Avec Dalgalian, nous affirmons que : « le bilingue et le plurilingue précoces ont davantage d’acquis à transférer sur de nouveaux apprentissages que celui qui a construit son langage comme unilingue » (Dalgalian, 2000 : 27).
  • 41. 41 RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES BAGNOLI Paola, DOTTI Eduardo, PRADERI Rosina, RUE Véronique (2010), La perspective actionnelle: Didactique et pédagogie par l’action en Interlangue, IIIème Forum des Langues du ANEP, Montevideo. BANFI Emanuele, GRANDI Nicola (2008), Le lingue extraeuropee : Asia e Africa, Carocci, Roma. BOURGUIGNON Claire (2006), De l’approche communicative à l’« approche communic-actionnelle »: une rupture épistémologique en didactique des langues-cultures. Cadre européen commun de référence pour les langues (2001), Conseil de l’Europe, Éditions Didier, Paris. CORDER, Stephen Pit (1983), Introduzione alla linguistica applicata, Il mulino, Bologna. CUQ, Jean-Pierre (2003), Dictionnaire de didactique du français langue étrangère et seconde, Asdifle, CLE International Paris. DALGALIAN Gilbert (2000), Enfances plurilingues Témoignage pour une éducation bilingue et plurilingue, L’Harmattan, Paris. ELLIS, Rod (1997), Second language acquisition, Oxford University Press. GRAFFI Giorgio, SCALISE Sergio (2002), Le lingue e il linguaggio : introduzione alla linguistica, il Mulino, Bologna. LEMÉE Isabelle, Langue, sexe et identité : le cas d’apprenants de français L2 dans KAMBER Alain, DEKENS Carine Skupien (éds.) (2012), Recherches récentes en FLE, P. Lang SA, Editions scientifiques internationales, Berne. LARSEN-FREEMAN Diane, LONG Michael H. (1991), An introduction to second language acquisition research, Longman London New York, N.Y.. L’Est Républicain du 27 mars 2008. LE PETIT ROBERT, Édition 2010. LIETTI Anna (2006), Pour une éducation bilingue. Guide de survie à l’usage des petits européens, Petite Bibliothèque Payot, Paris. MALMBERG, Bertil (1991), Histoire de la linguistique : de Sumer à Saussure, Paris, Presses Universitaires de France. SITOGRAPHIE http://cla.univ-fcomte.fr http://eacea.ec.europa.eu http://www.sociolinguistique.fr http://www.youtube.com/watch?v=Cs-xsvvtEZA http://www.francophonie.org http://www.alliancefr.org