COV-IMPACT : l'application web d'analyse et de suivi des impacts de la crise ...
Synthèse du rapport de la Mission Impact Gilets Jaunes
1. S Y N T H È S E
D U R A P P O R T
M E R C R E D I 1 7 J U I L L E T 2 0 1 9
M I S S I O N " I M P A C T
G I L E T S J A U N E S "
2. P A G E 0 2
M I S S I O N P A R L E M E N T A I R E
« I M P A C T G I L E T S J A U N E S » :
A l’initiative de Roland Lescure, Président de
la commission des affaires économiques, la
mission « Impact Gilets jaunes » a été lancée
le 9 mai dernier pour dresser l’inventaire et
les évaluations afin que le prix des dégâts,
commis en marge du mouvement des gilets
jaunes soit connu, ainsi que leurs
répercussions sociales, économiques et
budgétaires.
Cette mission républicaine réunit des
Députés volontaires issus de la commission
des affaires économiques et des finances.
Après avoir auditionné de nombreux acteurs
liés aux secteurs concernés: tourisme,
artisanat et commerce, assurances, banques,
emploi et travail, sécurité, santé… , la mission
s’est rendue à Rouen, Toulouse et Bordeaux,
villes fortement impactées par les
manifestations.
QUELS COÛTS ÉCONOMIQUES ET BUDGÉTAIRES ?
M . R o l a n d L e s c u r e
C o - r a p p o r t e u r
L a R E M – C o m m i s s i o n d e s a f f a i r e s
é c o n o m i q u e s
M . D a m i e n A b a d
P r é s i d e n t
L R - C o m m i s s i o n d e s f i n a n c e s
M . J e a n - R e n é C a z e n e u v e
C o - r a p p o r t e u r
P r é s i d e n t d e l a d é l é g a t i o n a u x
c o l l e c t i v i t é s t e r r i t o r i a l e s
L a R E M - C o m m i s s i o n d e s f i n a n c e s
Depuis novembre dernier, notre pays subit de
lourds impacts sociaux, économiques et
budgétaires. Parti de revendications légitimes, le
pays a été confronté à des blocages, violences, et
dégradations commis en marge de ce mouvement.
Lors de son lancement, les membres de la mission
ont rappelé que ce travail parlementaire avait
pour objectif de compléter les évaluations
amorcées par le Gouvernement, notamment, en
identifiant les dommages directs et indirects pour
les entreprises et artisans qui n’ont pas pu vivre
de leur travail ces six derniers mois, perdant le
bénéfice du jour de la semaine le plus rentable
économiquement. D’autre part, la mission
identifie des pistes de solutions complémentaires
pour accompagner les acteurs les plus touchés, et
évaluer l’impact sur les collectivités qui
mobilisent leurs moyens humains et budgétaires,
depuis près de 6 mois, pour réparer, reconstruire
et maintenir la qualité des biens et services
publics.
3. P A G E 0 3
1 0 A U D I T I O N S
Jeudi 16 mai
Audition d’association d’élus locaux
AMF, France urbaine, ADF ou Villes de
France
Mercredi 22 mai
Table-ronde sur le tourisme et le
secteur culturel Atout France, Umih,
Ministère de la culture
Mardi 28 mai
Table ronde avec fédérations PME et
artisans U2P, CPME, APCMA
Mardi 4 juin
Audition du ministère de l’ Intérieur
Mardi 11 juin
Table-ronde avec les instituts d’analyse
économique INSEE, OFSE
Mardi 18 juin
Table-ronde sur le commerce
Alliance du Commerce
Confédération des Commerçants de
France CCI France
DES ACTEURS IMPACTES MOBILISES
Lundi 24 juin
Table-ronde des assureurs et des banques
Fédération française de l’assurance (FFA)
Fédération bancaire française (FBF)
Mardi 25 juin
Table-ronde sur les impacts spécifiques à
la région Île-de-France
Chambre de commerce et d’industrie de
Paris Île-de-France
Comité régional du Tourisme Paris Ile-de-
France
Comité Champs-Élysées
Mardi 25 juin
Direction générale des entreprises (DGE)
Mardi 9 juillet
Mairie de Paris
Mme Olivia Polski, adjointe chargée du
Commerce, de l’Artisanat et des
Professions Libérales et Indépendantes,
4. P A G E 0 4
D O N N E R L A P A R O L E
A CEUX QUI SONT EN PREMIERE LIGNE
Depuis le mois de novembre
2018, notre pays fait face à un
mouvement social caractérisé
tant par son ampleur que par
sa durée. Si ces huit mois de
manifestations ont donné lieu
à des analyses et débats
nombreux, peu se sont
intéressés au coût représenté
par le mouvement des « gilets
jaunes » pour la France.
Les principales victimes des
troubles et manifestations, à
savoir les commerçants, les
artisans, les indépendants et
de manière plus générale les
entreprises et leurs salariés,
n’ont été que marginalement
écoutés durant les derniers
mois.
Les impacts de la crise sont
pourtant considérables : ni les
tissus économiques locaux, ni
la situation macroéconomique
globale, ni les finances
publiques nationales ou locales
ne pouvaient en sortir sans
dommages.
En outre, les violences ont eu des effets inverses aux
aspirations des « gilets jaunes » : alors qu’ils dénonçaient la
marginalisation économique de certains territoires et leur
abandon par les services publics, les dégradations ont conduit
à fragiliser les centres-villes, et en premier lieu les
commerces de proximité, désertés par les consommateurs.
Les crédits budgétaires nécessaires pour réparer les dégâts
matériels et accompagner les acteurs économiques en
difficulté seront autant de manque à gagner pour les services
publics.
Compte tenu de l’impact majeur du mouvement des « gilets
jaunes » sur les collectivités territoriales, l’implication de six
membres de la mission d’information, appartenant également
à la délégation aux collectivités territoriales et à la
décentralisation, a été jugée indispensable.
5. P A G E 0 5
Les membres de la mission ont souhaité pouvoir étudier le plus directement possible les
conséquences du mouvement pour les acteurs économiques et publics touchés, et ce dans un
grand nombre de territoires.
Pour ce faire, outre les auditions de représentants professionnels et administratifs, menées à
l’Assemblée nationale, des déplacements ont été organisés à Rouen, Toulouse et Bordeaux. Ils
ont été l’occasion de rencontrer et d’échanger directement avec les commerçants et
institutions concernés, pour mieux saisir la réalité de leur quotidien durant les
manifestations ainsi que leurs difficultés actuelles.
La présente mission d’information, commune à la commission des affaires économiques et à
la commission des finances de l’Assemblée nationale, s’est donnée pour objectif de dresser un
panorama complet des coûts du mouvement des « gilets jaunes », tant d’un point de vue
économique et social que budgétaire.
6. P A G E 0 6
I . L E C O Û T É C O N O M I Q U E
E T S O C I A L
Le coût macroéconomique global, estimé à
0,1 point de PIB au dernier trimestre de
l’année 2018, est relativement faible par
rapport à la richesse nationale. Néanmoins,
l’impact des violences sur l’activité est
conséquent et cette perspective
macroéconomique est loin de refléter
l’étendue des répercussions économiques
liées aux débordements.
Les dégâts matériels subis par les entreprises
représentent une part importante des
charges : les assureurs ont indemnisé 217
millions de préjudices, recouvrant
essentiellement des vols, incendies,
dégradations et pillages. Toutefois, ce chiffre
ne correspond qu’à la partie émergée de
l’iceberg.
L’approche adoptée par la mission
d’information, davantage centrée sur les
entreprises, les secteurs d’activité et les
zones géographiques, a permis de révéler un
ensemble de coûts bien plus larges et aux
effets bien plus durables.
La baisse de fréquentation des centres-villes le
samedi a par exemple causé des pertes de
chiffre d’affaires comprises entre 20 et 30 %
pour les commerces s’y trouvant.
Les centres commerciaux ont quant à eux fait
état de pertes de l’ordre de 2 milliards d’euros.
Le secteur de l’habillement et du cuir a été
considérablement affecté par le mouvement,
comme cela ressort des études de l’INSEE. Les
résultats du secteur de l’habillement pour
l’année 2018 sont, selon les professionnels du
secteur, entre 9 et 15 % inférieurs à ceux
enregistrés pour l’année 2017.
Ces manques à gagner ont été d’autant plus
durement ressentis qu’ils sont intervenus lors de
périodes propices aux recettes commerciales,
celles des fêtes de fin d’année, puis des soldes.
En outre, elles n’ont été que très peu
compensées les autres jours de la semaine.
L’ampleur des mobilisations ayant été
nationale, les violences ont perturbé l’ensemble
des tissus économiques locaux, tant ruraux
qu’urbains.
7. P A G E 0 7
Si Paris représente 41 % des montants
indemnisés par les assurances, toutes
les métropoles et de nombreuses villes
moyennes ont été concernées.
Certaines régions ont
vraisemblablement été touchées de
façon plus forte que d’autres. En France
métropolitaine, l’Occitanie regroupe à
elle seule 28,6 % des demandes
d’activité partielle, tandis qu’à la
Réunion, les blocages routiers liés au
mouvement ont paralysé la vie
économique de l’île.
Outre la localisation géographique, les
effets ont été plus ou moins vivement
ressentis selon le secteur d’activité et
les catégories d’entreprises : le tourisme
a par exemple beaucoup souffert de la
crise. Le taux de fréquentation hôtelière
au premier trimestre 2019 est en repli
de 2,5 % par rapport à l’année
précédente.
Cette baisse fait suite à deux ans de
hausse trimestrielle continue. Les hôtels
restaurants cafés (HCR) ont enregistré
selon l’Union des entreprises de
proximité (U2P) des pertes avoisinant les
850 millions d’euros.
Ce sont pour les petites entreprises que les
répercussions ont été les plus fortes, de
nombreuses TPE-PME rencontrant, en
raison des pressions sur la trésorerie, des
difficultés pour payer leurs charges fixes :
fournisseurs, échéances bancaires, loyers,
etc. Cette pression sur la trésorerie et les
éventuels retards de paiement peuvant en
découler entraînent en cascade d’autres
risques, comme des autorisations de
découverts plus restreintes, et des risques
de dégradation de la note du dossier
bancaire, restreignant les capacités de
financement à plus long terme pour
l’entreprise concernée
Le coût humain est considérable : on note
un certain nombre de CDD non renouvelés,
mais également un potentiel
perdu (révision des plannings d’embauche,
notamment, des contrats courts pour les
fêtes de fin d’année qui n’ont pas été créés).
Au-delà des chiffres, les magasins pillés et
saccagés, en particulier lorsqu’il s’agit de
petites entreprises familiales, représentent
un préjudice moral et psychologique
certain.
8. P A G E 0 8
I I . L E C O Û T B U D G É T A I R E
Le mouvement des « gilets jaunes » a entraîné
pour les finances publiques une charge
supplémentaire importante.
L’État a fait face à des coûts directs de
rémunération de forces de l’ordre au titre
des heures supplémentaires effectuées – au
moins 46,08 millions d’euros ont dû être
mobilisés pour permettre aux policiers et
gendarmes de répondre à la crise – et à la
prise en charge de certaines dégradations
physiques.
À ce titre, la remise en état des 2 410 radars
détruits et des 577 abîmés pourrait à terme
coûter 71 millions d’euros. Des pertes de
recettes fiscales importantes sont également
à prévoir, bien que leur ampleur précise ne
puisse être connue qu’à la fin de l’exercice
budgétaire.
Les collectivités territoriales, et en
premier lieu les communes, se sont trouvées
en première ligne face à la gestion du
mouvement et de ses impacts. France urbaine
évalue les coûts afférents à 30 millions
d’euros.
Cette estimation, communiquée avant la fin du
mouvement, comprend notamment le coût des
dégradations d’équipements et de mobiliers
urbains, ainsi que des dépenses exceptionnelles
engendrées par les manifestations, dont le
bouleversement de l’agenda de certaines missions
de services public et de travaux, ou encore la
rémunération des agents sollicités au-delà de leur
temps de travail habituel.
Les communes ont également enregistré des
pertes de recettes, notamment sur les services
publics de transport. Ainsi, le manque à gagner
pour Keolis, l’exploitant du réseau TBM à
Bordeaux, est par exemple estimé à plus de 756
000 euros.
Il est difficile cependant d’estimer le coût du
mouvement des « gilets jaunes » pour l’ensemble
des collectivités territoriales françaises.
Toutefois, en additionnant les données recueillies
pour les trois villes ayant fait l’objet d’un
déplacement de la mission d’information, Rouen,
Toulouse et Bordeaux, le coût total du
mouvement (incluant notamment les
dégradations et les dépenses exceptionnelles),
hors mesures d’accompagnement, est de 12,459
millions d’euros. Si cette estimation est à
prendre avec précaution compte tenu de
différences d’approche marginales entre les
communes, elle offre un ordre de grandeur des
coûts pour les collectivités les plus importantes.
9. P A G E 0 9
I I I . L E S R E P O N S E S P U B L I Q U E S
Face à ces difficultés nombreuses, des
décisions rapides et efficaces ont été prises
par le Gouvernement et sur le terrain par
les acteurs locaux.
– De nombreuses mesures
gouvernementales d’accompagnement et
d’aide ont été mises en place pour répondre
à l’urgence. À ce titre, des milliers
d’entreprises ont sollicité des reports
d’échéances sociales et fiscales.
Ainsi, des délais de paiement de
cotisations sociales ont été accordés à
hauteur d'environ 112 millions d’euros,
ainsi que 86 millions d’euros de reports de
terme.
En outre, un soutien à l’activité partielle,
de l’ordre de 13 millions d’euros pour
l’ensemble des entreprises aidées, a été mis
en œuvre, ainsi que des garanties plus
importantes de la part de Bpifrance pour le
renforcement de trésoreries. À ces mesures
d’effet immédiat s’ajoute une volonté
d’action à moyen terme, matérialisée par un
plan renforcé en faveur de la revitalisation
des centres-villes.
Ce plan permettra à 34 villes de disposer de
5,49 millions d’euros pour financer des
projets de dynamisation du commerce
local.
Des mesures d’accompagnement mises en
œuvre au niveau local, par les collectivités
ou les réseaux consulaires, ont permis
d’apporter des réponses adaptées aux
enjeux de proximité.
Des fonds de soutien ont été instaurés dans
ce sens. Les commerçants bordelais ont par
exemple bénéficié d’un fonds de soutien
exceptionnel de 2,6 millions d’euros.
En outre, une volonté de contact direct
avec les commerçants touchés a présidé à
beaucoup de ces initiatives.
L’installation de brigades d’intervention
mobiles illustre par exemple cette
nécessité d’aller vers les personnes les
plus touchées.
De manière générale, une grande capacité
d’adaptation et une réactivité sans faille
des entreprises et des acteurs
économiques locaux (chambres
consulaires, services déconcentrés de
l’État, collectivités territoriales) ont
favorisé la résilience des commerçants,
artisans et professionnels.
10. P A G E 1 0
I V . L E S R E C O M M A N D A T I O N S
D E L A M I S S I O N
Prolonger les mesures exceptionnelles
mises en place par le Gouvernement
pour les entreprises les plus affectées.
De nombreuses entreprises subissent encore les conséquences néfastes du mouvement, et
pourraient être prochainement confrontées à des « effets retard » qu’il convient d’anticiper.
La mission d’information formule des recommandations qui pourraient permettre un meilleur
accompagnement à court et moyen termes des entreprises touchées.
Simplifier l'accessibilité des mesures
d'aide en s'inspirant des
meilleures pratiques à l’échelle locale.
Poursuivre l’effort de revitalisation des
centres-villes les plus touchés par le
mouvement.
Mener une action auprès des assureurs
pour éviter l’augmentation des primes
et l’effet « double peine », ainsi que
développer de nouvelles offres
plus adaptées.
Prendre davantage en compte les coûts budgétaires exceptionnels pour certaines
communes, dans le contexte de la limitation de leurs coûts de fonctionnement par la loi
de programme des finances publiques 2018-2022.
Envisager la possibilité de recourir à des dispositifs supplémentaires pour
apporter un soutien aux entreprises les plus touchées :
- exonérations exceptionnelles de cotisations sociales;
- utiliser l’outil fiscal des remises d’impôts gracieuses pour renforcer les
aides vers les entreprises très affectées;
- mise en œuvre d’un crédit d’impôt spécifique destiné aux entreprises qui
n’ont pas fait de bénéfice, du fait des répercussions du mouvement.
applicable sur une période d’un ou deux ans afin de soutenir sa reprise
d’activité.