Armes nucléaires. — 09. Le site nucléaire CEA-DAM de Valduc
Le site nucléaire
du CEA-DAM à Valduc
Étienne Godinot
05.03.2023
Collectif Bourgogne-Franche-Comté
pour l’abolition des armes nucléaires
(CBFCAAN)
Le centre nucléaire du CEA-DAM à Valduc
Sommaire
- Historique : Les essais nucléaires français
- Le CEA. La DAM du CEA
- Le site de Valduc : situation géographique, historique, emploi
- Les activités du centre :
* La maintenance des 290 armes atomiques françaises
* La simulation du « fonctionnement » des armes
nucléaires (Teutates, Epure, Airix, Tera 1000)
* Le traitement des déchets au tritium
- Un autre site du CEA-DAM : Le CESTA et le Laser Mégajoule
- La perversion de la science
- La reconversion à des activités pacifiques : nécessité, bibliographie,
exemples, pistes à Valduc
- Le Collectif Bourgogne-Franche-Comté pour l’abolition des armes
nucléaires’ (CBFCAAN)
NB : le CBFCAAN, conscient des lacunes de ce diaporama, est
demandeur de toute correction et de tout complément utile pour
l’améliorer. Contact : etienne.godinot@wanadoo.fr
Un mail a été adressé en ce sens à Madame M. Sécheresse, Directrice du centre
de Valduc, et à la direction de la communication du CEA.
Photos : Le dépliant « Visitez Valduc et son centre nucléaire » du CBFCAAN (juin 2019)
Veille citoyenne mensuelle à Moloy, près de Valduc
Die-in sur la place de la Libération à Dijon le 9 août 2019
Historique : Les essais
nucléaires français
210 essais nucléaires français ont été menés entre
1960 et 1996, d'abord dans le désert du Sahara algérien,
puis en Polynésie française, d'une puissance cumulée
d'environ 13 mégatonnes, impliquant officiellement
environ 150 000 civils et militaires :
- de 1960 à 1961 : 4 essais aériens à Reggane, dans le
sud algérien ;
- de 1961 à 1966 : 13 essais souterrains à In Ecker, dans
le sud algérien ;
- de 1966 à 1974 : 46 essais aériens à Moruroa et
Fangataufa, en Polynésie française ;
- de 1975 à 1996 : 147 essais souterrains dans les sous-
sols et sous les lagons des atolls de Mururoa et Fanga-
taufa.
Les essais nucléaires français
Premier essai atmosphérique Aldébarran (1966) et essai à Fangataufa (1968)
Essai sous couronne récifale à Moruroa (1980) et sous lagon à Moruroa (1991)
Dernier essai souterrain à Fangataufa (1996).
Ces photos sont tirées du site du CEA. Le CEA est plutôt fier, semble-t-il, de les avoir réalisés.
Les irradiés de Mangareva :
le rapport du docteur Philippe Million
Dans le numéro "Stupeur à Mangareva" de la revue Damoclès* en
2005 sont rendus publics des documents classés ‘Secret Défense’ concer-
nant les retombées nucléaires sur l’île de Mangareva après le premier essai
de la France à Moruroa le 2 juillet 1966.
Est notamment publié le rapport "secret" rédigé par le médecin militaire
Philippe Million à la suite de cette explosion. Les photocopies de ce rapport
publiées par Damoclès seront reconnues par l’autorité militaire comme
authentiques.
Le rapport, qui donne les chiffres de mesure de la radioactivité, suggère
notamment pour la 2ème demi-campagne : « Il sera peut-être nécessaire de
minimiser les chiffres réels de façon à ne pas perdre la confiance de la
population qui se rendrait compte que quelque chose lui a été caché dès le
premier tir. »
Le 2 octobre 2018, la Polynésie a déposé une plainte contre la France
devant la ‘Cour Pénale Internationale’ pour crimes contre l’humanité, en
raison des essais nucléaires réalisés par la France pendant 30 ans entre
1966 et 1996.
* publiée par le ‘Centre de documentation et de recherche sur la paix et les conflits’ (CRDPC), devenu
‘Observatoire des armements’
Les irradiés de l’Île Longue
L’Île Longue est une presqu’ile de la rade de Brest, sur la
commune de Crozon. Elle sert depuis 1972* de base sous-marine à la
Marine nationale française pour ses sous-marins nucléaires lanceurs
d'engins (SNLE).
Le 7 avril 2005, le quotidien Ouest France annonce qu’un
salarié âgé de 50 ans qui travaillait à l’Île Longue est mort en 2002
d’une leucémie myéloïde aigüe. Pendant 14 ans, il avait été occupé au
montage des têtes nucléaires des missiles équipant les sous-marins.
En 2004, sa veuve obtient la reconnaissance du caractère de maladie
professionnelle due à une "faute inexcusable" de l’employeur. D’autres
décès sont découverts et le scandale éclate publiquement.
L’association des ‘Irradiés de l’Île Longue obtient le soutien
de ‘l’association Henri Pézerat’, du nom du scientifique qui a été le
premier lanceur d’alerte sur le problème de l’amiante.
* Les travaux ont duré de 1967 à 1972 : 300 000 m3 de béton coulés, 6 000 tonnes d’acier
pour les charpentes des bassins, 110 hectares de plates-formes, 11 000 m2 de jetées et de
quais, etc.
Les conséquences
des essais nucléaires français
La levée du secret défense, en 2013, sur près
de 400 documents de la période des essais nucléaires
permet de constater que le Service de santé des
armées, les ministres de la Défense et les présidents de
la République successifs depuis 1960, étaient parfaite-
ment informés, essai après essai, des risques sanitaires
auxquels étaient exposés les populations et les person-
nels des sites nucléaires.
Tout cela pour créer une arme politiquement
inefficace et stratégiquement inemployable*, dont
l’abolition est inéluctable si tout du moins l’humanité
veut continuer son aventure…
* Voir le diaporama ‘Les sept vices de la dissuasion
nucléaire’ sur ce site et dans cette série de diaporamas
Les conséquences
des essais nucléaires français
Les conséquences des essais en Algérie et en Polynésie ne
sont pas uniquement liées aux explosions de ces armes de des-
truction massive et aux retombées radioactives, mais également à
la gestion des déchets, à la fragilisation géologique des atolls, à la
surpopulation et à la "croissance" économique artificielle et éphé-
mère.
La France doit maintenant indemniser les victimes (celles qui
ne sont pas déjà mortes de leucémies ou autres pathologies…),
dépolluer et réhabiliter les sites, gérer le contentieux politique avec
les dirigeants locaux.
La simulation informatique de ces essais (dont il sera
question dans les diapos suivant), si elle est moins dangereuse aux
plans sanitaire et écologique et moins coûteuse financièrement,
n’est pas davantage justifiable.
Le CEA
Le ‘Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies
alternatives’ (CEA) est un ‘organisme divers d'administration
centrale’ (ODAC) de recherche scientifique français dans les
domaines de l’énergie, de la défense, des technologies de
l'information et de la communication, des sciences de la matière,
des sciences de la vie et de la santé, implanté sur dix sites en
France.
Le CEA est un organisme de recherche classé en
‘établissement public à caractère industriel et commercial’ (EPIC).
Fin 2019, il emploie environ 20 200 salariés, pour un
budget annuel de 5 milliards d'euros.
Photo du haut : le site du CEA à Saclay
La Direction des applications militaires (DAM) du CEA
La DAM du CEA a pour rôle :
• La conception et le test des
bombes nucléaires de la Force de
dissuasion nucléaire française
• La conception des réacteurs
nucléaires de propulsion des sous-
marins (notamment SNLE) et des
porte-avions (Charles de Gaulle et
porte-avions de nouvelle généra-
tion) de la marine française
• La mise en œuvre du Traité sur la
non-prolifération des armes
nucléaires (TNP)
Le centre CEA de Valduc
Situé sur le territoire de la commune de Salives, à 45 km de
Dijon, le centre CEA de Valduc est rattaché à la Direction des applica-
tions militaires (DAM) du CEA. C’est une ‘installation nucléaire de base
secrète’ (INBS).
Il assure la maintenance et le « perfectionnement » des 290
armes atomiques françaises, apportées par camions.
Il met en œuvre et recycle les matières nécessaires aux sous-
ensembles nucléaires des armes de la dissuasion. Il assure la
conception technologique, la fabrication, le maintien en conditions
opérationnelles puis le démantèlement de ces sous-ensembles. Il
fabrique les objets d’expérimentation nécessaires au programme
Simulation.
Dans le cadre du traité global de Défense franco-
britannique, il met en œuvre l'installation radiographique
et hydrodynamique Epure, qui contribue à garantir la
sûreté et la fiabilité des armes nucléaires.
Photo du bas : vue aérienne du site (photo Le Bien Public)
Situation géographique du site de Valduc
Sur la commune de Salives,
à 45 km au NE de Dijon,
à 27 km d’Is-sur-Tille,
entre Salives, Moloy et Léry.
La belle commune médiévale de Salives
et les 5 rangées de barbelés du site CEA-Valduc
Historique de Valduc
Créé en 1957, le centre n’est à l'origine qu’une annexe du site
CEA de Bruyères-le-Châtel. Le CEA acquiert un terrain de 588 ha, dont
413 boisés, mais le centre proprement dit n’occupe "que" 180 ha.
En 1961 est mis en service le réacteur Rachel, le premier
‘réacteur militaire à neutrons rapides’ fonctionnant au plutonium utilisé
pour les expériences de criticité en France (photo du haut).
Pendant les années 1960, Valduc assure la promotion au grade
d’ingénieur de jeunes techniciens et de chercheurs dans le nucléaire
au CEA.
De 1980 à 1993, l'Armée de l'Air utilise un espace de 40 ha, et y
fait fonctionner une installation d'assemblage de têtes nucléaires pour
missiles basés air et sol ASMP (photo du milieu) et Hadès (photo du bas)
En 1996, la restructuration de la Direction des applications
militaires (DAM) regroupe à Valduc les activités et les employés du
CEA de Bruyères-le-Châtel concernés par les matières nucléaires.
L’emploi à Valduc
Le site emploie environ 1000 personnels du CEA ( on ne sait pas combien à
des activités civiles et combien à des activités militaires) et environ 700 sous-traitants
de droit privé.
Des salariés… pas toujours présents dans le site
Le 21 janvier 2022, entre 250 et 300
salariés grévistes du CEA de Valduc se mobilisent
à Is-sur-Tille, répondant à l'appel national de
plusieurs syndicats du CEA.
Selon Jérémie Klein, secrétaire adjoint du
CSE Valduc, délégué syndical CFE-CGC et porte-
parole de l’intersyndicale CFDT, CFE-CGC, CGT,
UNSA, FO, CFTC « la charge de travail augmente,
les objectifs aussi, et les salaires décrochent. »
« Preuve du ras-le-bol général au sein de
l’entreprise, ce sont les salariés qui sont à l’origine
de cette journée de mobilisation et non les syn-
dicats », précise le quotidien local ‘Le Bien Public’.
Les activités du site de Valduc
La simulation
Le CEA-DAM veut de fournir aux équipes de concepteurs
d’armes les outils de simulation leur permettant de maîtriser tous les
domaines de « fonctionnement » d’un « engin », sachant qu’une arme
nucléaire doit être renouvelée à l’issue d’une durée de vie de l’ordre
de vingt ans.
« Les images de radiographie permettent, par confrontation aux
prévisions de calcul, d’optimiser les modèles de physique utilisés pour
simuler numériquement le fonctionnement pré-nucléaire des armes. »
Le ministère de la Défense français a évalué que la garantie
des armes nucléaires par la Simulation avait réduit de 60% le budget
nécessaire à l’époque des essais.
Photo : Le bâtiment Epure à Valduc
Représentation de la simulation
Les 3 axes
du programme de simulation
- La physique des armes : modéliser les phénomènes physiques qui
interviennent lors du « fonctionnement » d’une arme nucléaire ;
- La simulation numérique proprement dite : développer des codes de
calculs en liaison avec le développement des modèles de physique ;
- La validation expérimentale : réaliser des expériences spécifiques
en laboratoire afin de valider les modèles de physique. À la différence
des essais nucléaires qui autorisaient une validation globale, on a
affaire ici à une «validation par parties» de ces modèles physiques et
des codes de calcul correspondant. »
Traité Teutates, programme Epure
Le traité de coopération militaire Teutates a été signé à Lancaster House (Londres)
le 2 novembre 2010 par le Président français Nicolas Sarkozy et le Premier ministre
britannique David Cameron. Dans le cadre ce traité, les deux pays développent des
outils communs pour garantir « la sûreté et la fiabilité » de leurs armes nucléaires
respectives.
Cela comprend la construction et l’exploitation conjointe d’une installation
radiographique/hydrodynamique à Valduc (installation Epure, photo ci-dessous), et la
construction d’une installation commune au Royaume-Uni à Aldermaston, où se situe
l'Atomic Weapons Establishment (AWE) qui développe, entretient et dispose de
l'armement nucléaire.
Les travaux Epure à Valduc
En lien avec le site d’Aldermaston (GB)
L'Atomic Weapons Establishment (AWE) est une installation de recherche du
ministère de la Défense du Royaume-Uni chargée de la conception, de la fabrication
et du soutien des ogives pour les armes nucléaires du Royaume-Uni.
L'établissement était aussi la destination des ‘marches de Pâques’ de la
Campaign for Nuclear Disarmament, depuis Trafalgar Square, à Londres, qui ont
surtout eu lieu à la fin des années 1950 et pendant les années 1960.
En violation du TNP …
Le CEA affirme que « la coopération franco-britannique est en
totale conformité avec les exigences du Traité d’interdiction complète des
essais nucléaires (TICE). »
Les ONG pour le désarmement affirment en revanche que le traité
Teutates contrevient aux obligations des deux pays en tant que parties au
Traité de non-prolifération nucléaire (TNP)*.
D’après l’article 1 du TNP, les États parties s’engagent « à ne
transférer à qui que ce soit […] des armes nucléaires ou autres dispositifs
nucléaires explosifs, ou le contrôle de telles armes ou de tels dispositifs
explosifs. »
Par l’article VI, « chacune des Parties au Traité s'engage à
poursuivre de bonne foi des négociations sur des mesures efficaces
relatives à la cessation de la course aux armements nucléaires à une date
rapprochée et au désarmement nucléaire, et sur un traité de désarme-
ment général et complet sous un contrôle international strict et efficace »
La France et l’Angleterre ne respectent ni l’esprit ni la lettre du TNP.
* NB : la France a adhéré au TNP en août 1992, 22 ans après son entrée en vigueur…
Photo du haut : Le document du TNP
… et en violation de l’esprit du TICE
La France et le Royaume-Uni ont été les premiers États dotés
de l’arme nucléaire à signer le Traité d'interdiction complète des essais
nucléaires (TICE) le 24 septembre 1996, puis à le ratifier.
Or le TICE, dans son préambule, reconnaît « que la cessation
de toutes les explosions expérimentales d'arme nucléaire et de toutes
autres explosions nucléaires, en freinant le développement et
l'amélioration qualitative des armes nucléaires et en mettant fin au
développement de nouveaux types d'arme nucléaire, encore plus
évolués, concourra efficacement au désarmement nucléaire et à la
non-prolifération sous tous ses aspects. »
Par les dispositifs prévus dans leur accord, la France et le
Royaume-Uni cherchent à contourner les obligations du TICE et ses
efforts en faveur du désarmement. Leur accord constitue donc une
violation manifeste de l’esprit du TICE.
Le programme Epure
et l’installation AIRIX
L’ installation AIRIX, implantée initialement sur le centre
CEA-DAM de Moronvilliers, a été le premier outil expérimental
du programme Simulation à avoir été mis en service.
Elle fournit grâce à la radiographie X une image instanta-
née d’un métal lourd en implosion, ce qui permet d’observer et
de caractériser la phase non-nucléaire du fonctionnement
d’une arme nucléaire.
Cela permet de valider les modèles relatifs au début du
fonctionnement de l’arme. La vocation de cette installation est
de mesurer, avec la plus grande précision, l’état et le comporte-
ment des matériaux constituant les armes nucléaires, et ce
dans des conditions de température et de pression extrêmes
rencontrées durant la phase hydrodynamique, sans dégage-
ment d’énergie nucléaire.
Le programme Epure et l’installation Airix
Machine de radiographie X éclair Airix au sein de l’installation Epure
Pour la petite histoire, le 14 août 2013, un journaliste de France Info révèle que le
site de recherche de Valduc utilise des cocottes-minute telles qu'on les trouve
dans le commerce pour transporter, à l'intérieur du site, des « matériaux
sensibles », à savoir des lingots de plutonium. On apprend alors que l'industrie
nucléaire utilise des cocottes-minute depuis des décennies, qu'elles sont même
homologuées par l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), et qu'elles sont plébiscitées
comme récipients grâce à leur excellent rapport qualité/prix…
Le CEA fait donc fonctionner l’industrie locale : l’usine mère de SEB
(Société d’emboutissage de Bourgogne) est aussi située dans la Côte d’Or, à
Selongey (27 km)…
Le supercalculateur TERA 1000
Le supercalculateur TERA-1000 de Valduc (produit dans l’usine Bull
Sequana d’Atos à Angers) est destiné au programme Simulation du CEA,
qui consiste à reproduire par le calcul les différentes phases de « fonc-
tionnement » d'une arme nucléaire.
Sa performance s'établit à 25 pétaflops (opérations en virgule
flottante par seconde, floating-point operations per second ou FLOP), soit
25 × 1015 opérations par seconde.
Le but du CEA est d’atteindre l’exaplops (1000 pétaflops) : plus d'un
milliard de milliard d'opérations par seconde.
Le supercalculateur est malheureusement incapable de suggérer à
ses utilisateurs une réflexion politique et morale sur les finalités de leur
travail et de faire appel à leur conscience…
Le gaz tritium
Le tritium est de l’hydrogène rendu radioactif après avoir
été irradié par des neutrons. Toutes les installations nucléaires
produisent du tritium. Le gaz tritium s’infiltre dans tous les
matériaux. La période radioactive du tritium est de 12 ans.
Le CEA-Valduc récupère les déchets contaminés au
tritium des installations nucléaires pour en assurer la gestion.
Le tritium est aussi fabriqué pour être introduit dans les bombes nucléaires afin
d’augmenter leur puissance explosive. La bombe à hydrogène (bombe H) fait intervenir
des atomes de tritium pour donner de l’hélium. Les bombes ainsi construites peuvent
avoir une puissance de 10 à 1 000 fois celle de Nagasaki.
Un centre qui manipule du tritium doit être très surveillé pour éviter des pollutions
radioactives de l’environnement car le tritium devient ‘organique’ en s’incorporant aux
molécules, dont l’ADN. La majeure partie du tritium est rejetée, à 90 %, dans l’environ-
nement sous forme d’eau tritiée.
Dans le Livre Blanc du Tritium, édité par l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) en
2019, on peut lire (page 32) en ce qui concerne Valduc : « Les rejets de tritium ont
considérablement décru et sont passés d’environ 35 000 TBq/an dans les années 1980 à
un peu moins de 350 TBq/an actuellement ».
Cette pollution est très supérieure à celle d’une centrale nucléaire
(environ 20 TBQ/an)
Une pollution « extrêmement faible »
Le CEA Valduc rejette du tritium que l’on retrouve dans l’eau
potable de sept communes situées aux abords du site : Salives, Léry, Poiseul-lès-
Saulx, Avelanges, Saulx-le-Duc, Diénay et Villecomte.
Il serait le site nucléaire à en rejeter le plus dans l’Hexagone, selon l’Acro
(Association pour le contrôle de la radioactivité dans l’Ouest), qui s’appuie sur des
données fournies par le ministère de la Santé.
« Ces quelques rejets résiduels, extrêmement faibles, sont de l’ordre de
1 gramme par an, pour l’ensemble du site. C’est-à-dire quatre litres de gaz »,
répondait François Bugaut, ancien Directeur du site. « Ceci n’a donc aucune
conséquence sanitaire pour les personnes qui habitent dans les villages autour de
Valduc : l’impact radiologique représente 1/1000e de la radioactivité naturelle que
l’on reçoit en Bourgogne. Ce rejet gazeux conduit ensuite à un léger marquage de
l’environnement. Mais malgré son niveau incroyablement faible, il est très facile à
mesurer. »
Les prélèvements dans l’environnement sont faits par des cabinets
spécialisés pour le compte de la SEIVA, ‘Structure d’Échange et
d’Information sur Valduc’, association créée en 1996 par les communes
environnantes.
Un autre site du CEA-DAM
Le CESTA et le Laser Mégajoule
au Barp (Gironde)
Le projet de Laser Mégajoule (LMJ) remonte à l’année
1993, après qu’a été démontré par les équipes de la DAM tout
l’intérêt d’un laser de forte puissance comme moyen de simulation
physique des étages thermonucléaires. Le LMJ est installé dans
autre site du CEA-DAM, le ‘Centre d'Études Scientifiques et Tech-
niques d'Aquitaine’ (CESTA) au Barp, entre Bordeaux et Arcachon.
Le LMJ permet de chauffer et de comprimer la matière
jusqu’aux conditions que l’on retrouve lors de l’explosion des
armes nucléaires ou au cœur des étoiles.
Mis en service fin 2014, le LMJ est exploité pour des
applications défense « au profit de la garantie de la sûreté et de la
fiabilité des armes nucléaires de la dissuasion ». Depuis son
couplage au laser de forte puissance PETAL, en 2017, le LMJ est
aussi mis à disposition de la communauté scientifique interna-
tionale, pour des expériences de recherche académique.
Photos : Le site LMJ au Barp
La chambre d’expérience où arrivent 22 lignes de 6 faisceaux laser
La perversion de la science
Ce qui est grave à Valduc, au Barp, à Aldermaston, ce n’est
pas seulement le gaspillage de l’argent public, c’est surtout la perver-
sion de la science à des fins de destruction.
Des scientifiques ont eu et ont le courage de refuser de mettre
leurs connaissances au service de buts qu’ils désapprouvaient.
Photos :
- Lise Meitner (1878-1968), physicienne autrichienne. Joue un rôle majeur dans
la découverte de la fission nucléaire, dont elle fournit en 1939 avec son neveu
Otto Frisch la première explication théorique. Refuse l'offre de participer au
projet Manhattan et de mettre au point une bombe atomique, et souhaite même
publiquement son échec
- Józef Rotblat (1908 -2005), physicien polonais. Le seul scientifique à avoir
quitté fin 1944, pour des raisons morales, le ‘projet Manhattan’ et son poste au
centre d’expérimentation de Los Alamos. À Pugwash (Nouvelle Écosse), réunit
22 des plus hautes sommités concernées par les armes nucléaires, dont 3 prix
Nobel, pour sensibiliser l'humanité aux dangers de la bombe atomique.
- Frédéric Joliot-Curie (1900-1958), physicien et chimiste français. Prix Nobel
de chimie en 1935 avec son épouse Irène Joliot-Curie. En 1945, participe à la
fondation du ‘Commissariat à l'énergie atomique’ (CEA). Lance en mars 1950
l'Appel de Stockholm visant à l'interdiction de la bombe atomique. Relevé pour
cette raison de ses fonctions de Haut-commissaire du CEA. Fait partie en juillet
1955 des signataires du ‘Manifeste Russell-Einstein’.
La reconversion
à des activités pacifiques
La reconversion d’activités et de sites militaires à des
activités pacifiques n’est pas une utopie impossible.
Elle est non seulement possible, mais inéluctable pour les
activités militaires des sites CEA-DAM, quand la France, tôt ou
tard, respectera ses obligations dans le cadre de l’art. 6 du TNP et
adhérera au Traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN).
Plus la reconversion sera anticipée et pensée entre la
Direction du CEA, les salariés et la société civile, plus elle sera
réalisable sans trop de difficultés.
Image du haut : De l'épée à la charrue, bronze de Evgueni Voutchetitch (1908-
1974), devant le siège de l’Organisation des Nations unies à New York, d’après Isaïe (2-
4) « Il sera juge entre les nations, il sera l’arbitre d’une multitude de peuples. De leurs
épées ils forgeront des socs de charrue, de leurs lances des serpes : une nation ne
lèvera plus l’épée contre une autre, et on n’apprendra plus la guerre. »
La reconversion à des activités pacifiques :
des exemples
La ‘Société nationale des poudres et explosifs’ (SNPE),
fabricant français de charges pour divers explosifs et munitions,
montre que le pari est possible. Dans le cadre d’une filiale
commune avec le suédois Autoliv, elle a innové et a fait évoluer
une partie de son activité vers la production d’airbags, coussins
gonflables en cas de collision, qui garantissent la sécurité des
véhicules civils.
Fortes de leur expérience en matière de vente et d'aide à la
reconversion, la ‘Mission pour la réalisation des actifs immobiliers’
du ministère de la Défense et la ‘Délégation interministérielle aux
restructurations de défense’ proposent un guide pratique destiné
aux divers acteurs concernés.
À travers dix exemples, les auteurs recensent les grandes étapes du
processus : la mobilisation des partenaires, l'analyse des potentialités du
site, l'élaboration et la conduite d'un projet de reconversion, les différentes
possibilités de montage, la gestion du projet, la communication, etc.
La reconversion à des activités pacifiques :
des exemples à Brest
‘L’Université européenne de paix’ propose trois pistes pour
la reconversion future des arsenaux de Brest :
- Faire de Brest, port d’armement naval, un port de
déconstruction navale destiné à l’armement réformé, civil et
militaire. Un chantier expérimental, avec une cinquantaine de
salariés, a même vu le jour.
- Utiliser les savoirs et compétences des professionnels de
l’armement pour les développer des les énergies marines
renouvelables : éoliennes marines géantes, flottantes ou fixées au
fond de la mer, hydroliennes, ‘serpents de mer’ pour exploiter
l’énergie des vagues, etc.
- Convertir la base des sous-marins nucléaires lanceurs
d’engins (SNLE) de l’Île Longue en centrale de production
d’hydrogène verte, reliée à une hydrolienne installée à l’entrée de
la rade, mue par la force des courants et générant l’électricité
nécessaire à l’électrolyse de l’eau.
Les pistes de reconversion à Valduc
La Direction et les salariés du CEA sont évidemment les mieux
placés pour réfléchir à des piste de reconversion des sites de la DAM,
mais on peut évoquer :
- le traitement des déchets nucléaires pour éviter leur enfouissement
(qui est une fuite en avant dangereuse, un cadeau empoisonné pour
les générations futures) ;
- les énergies alternatives (c’est aussi une des finalités du CEA) ;
- le perfectionnement des moteurs à hydrogène ;
- les développement des réacteurs à sels fondus à base de thorium*,
concept de réacteur nucléaire presque totalement sûr, sans déchet
dangereux et bon marché, dans lequel le combustible nucléaire se
présente sous forme liquide, dissous dans du sel fondu (à 600-900 °C)
qui joue à la fois le rôle de caloporteur et de barrière de confinement.
* Le concept a été étudié en laboratoire pendant les années 1960, puis délaissé dans les
années 1970 faute de financement et malgré des résultats probants. À partir des années 2000,
il est à nouveau évalué, puis retenu dans le cadre du ‘Forum international Génération IV’. En
2011, il fait l'objet de recherches en vue d'un déploiement comme réacteur de quatrième
génération, cependant sa date prévisionnelle d'industrialisation est plus éloignée que certains
des autres concepts étudiés.
Le Collectif Bourgogne-Franche-Comté pour
l’abolition des armes nucléaires’
(CBFCAAN)
Le CBFCAAN regroupe plusieurs associations de la région
Bourgogne-Franche-Comté, notamment les ‘Amis de la Terre 21’,
le ‘Mouvement de la Paix 21’, le ‘Mouvement pour une Alternative
Non-violente’ (MAN 21) et l’Association pour le Désarmement
Nucléaire - Franche-Comté (ADN).
Les actions menées par le CBFCAAN s’inscrivent dans le
cadre de la ‘Campagne internationale pour abolir les armes
nucléaires’ (International Campaign to Abolish Nuclear Weapons -
ICAN-France), organisation lauréate du prix Nobel de la paix 2017,
et dans la suite de l’interdiction internationale des armes
biologiques (1972), des armes chimiques (1993), des mines
antipersonnel (1997), des bombes à sous-munitions (2008), et des
armes nucléaires (2021).
Les objectifs du CBFCAAN
Les objectifs du Collectif sont :
- le respect par la France de ses obligations dans le cadre de
l’article 6 du Traité de non-prolifération (TNP), auquel elle a adhéré en
1992 et dont elle viole l’esprit et la lettre, en l’occurrence l’arrêt de la
"modernisation" des armes nucléaires,
- l’adhésion de la France au ‘Traité sur l’interdiction des armes
nucléaires’ (TIAN) voté à l’ONU le 7 juillet 2017 par 122 États de la
planète et dont l’entrée en vigueur en droit international a été effective
le 22 janvier 2021,
- le contrôle, par un ou des organismes indépendants tels que le
CRIIRAD, de la sécurité du personnel du site du CEA et des rejets de
tritium dans l’environnement,
- et, à terme, la reconversion des personnels civils des sites du
CEA, particulièrement celui de Valduc, dans des activités pacifiques.
Les actions du CBFCAAN
depuis 20013*
- Action et jeûne à Dijon et à Valduc tous les ans entre le 6
août (Hiroshima) et le 9 août (Nagasaki) ;
- Actions auprès des députés, sénateurs, du Préfet de
région, etc.,
- ‘Lettre ouverte au Directeur du site nucléaire militaire de
Valduc aux autorités françaises’, en nov. 2018, signée par 38
organisations associatives, politiques, culturelles et spirituelles
de la région ;
- Tracts, dépliant « Visitez Valduc », exposition en 23
panneaux ;
- Depuis janvier 2020, vigie citoyenne mensuelle à Dijon et
à Moloy, près de Valduc, pour interpeller la Direction, les
salariés, l’opinion, les pouvoirs publics ;
- Lettre ouverte aux Parlementaires de BFC, lettre
ouverte des lanceurs d’alerte britanniques de Trident
Plougshares au Président de la République ;
../..
* Détail avec photos sur
https://www.irnc.org/IRNC/Textes/2724
Les actions du CBFCAAN depuis 20013
- Intrusion le 9 juillet 2020 de trois lanceurs d’alerte dans
une zone non sécurisée du site de Valduc* ;
- Interpellation du Conseil Départemental de la Côte d’Or
et du Conseil régional** de BFC ;
* Les poursuites ont été initialement lancées le 10 juillet 2020 par le
Parquet de Dijon pour « intrusion en réunion dans l’enceinte d’un site civil
abritant des matières nucléaires » (3 ans d’emprisonnement et 45 000 €
d’amende). Elles se sont finalement soldées, après une relance du
Procureur, du Procureur général et du Ministre de la Justice, et « compte
tenu des circonstances », par un ‘rappel à la loi’ envoyé aux 3 prévenus le
3 décembre 2021 par lettre simple sans entretien préalable…
** Le 27 janv. 2022, le Conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté
adopte un ‘vœu relatif à la paix’ selon lequel « La France doit se joindre au
mouvement mondial pour l’élimination progressive et multilatérale des
armes nucléaires en signant et ratifiant le TIAN. »
■