1. 05/03/2015 23 Stratégies N° 1804
dossier
Le marketing « genré » marque le pas, tandis que la tentation de l’unisexe,
voire de l’androgynie, grandit. Comment s’expriment les identités sexuelles ?
Delphine Le Goff @DelphineLeGoff1
fÉminin/masculin
La confusion
des genres ?
a
u bonheur des dames ? À celui
des messieurs ? Ni de l’un ni de
l’autre ? De tout à la fois ? Dans
les rayons d’Agender, ou « sans
genre », expérience lancée par
le grand magasin londonien
Selfridges, se mêlent vêtements,
accessoires et produits de beauté. Ni spécifiquement
féminins ni typiquement masculins. « Il ne s’agit
pas d’exploiter une tendance, mais plutôt de bous-
culer les mentalités, de répondre à un virage cultu-
rel », explique Linda Hewson, directrice créative de
Selfridges.LeprojetAgender« afonctiondebancd’es-
sai pour expérimenter autour des notions de genre,
à la fois pour aider nos clients à lutter contre leurs a
priori et pour nous permettre de changer la manière
dont nous abordons nos achats en tant que
distributeur ».
Chronique d’une mort annoncée, celle du
marketing dit genré ? « Ce qui est certain,
c’est qu’avant, on ne s’interrogeait pas vrai-
ment. Aujourd’hui, on se pose une foule de
questions », remarque Élisabeth Jamot,
planneuse stratégique chez BETC. « Les
marques sont obligées de se positionner par
rapport au sujet du genre, de ses représenta-
tions », appuie Sébastien Genty, directeur du
planning stratégique de DDB Paris.
Épuisement des stéréotypes
Signal fort ? On était à deux doigts de brûler
des soutiens-gorge devant la grand-messe de
la publicité et de la testostérone américaines :
le dernier Super Bowl, terrain traditionnel
des pubs de bières et de grosses bagnoles, a vu déferler les discours féministes. Y
a été notamment diffusée la campagne « Like a Girl » des protections périodiques
Always, qui revisite positivement de désobligeantes expressions, comme « courir
comme une fille ». « Autre tournant, la publicité Old Spice où un homme s’adresse
aux femmes pour vanter un produit masculin, remarque Guillaume Le Gorrec,
codirecteur du planning de Marcel Worlwide. Même si on sait bien que ce sont ma-
joritairement les femmes qui achètent les déodorants de leur compagnon. » Certes.
Mais selon Michel Perret, directeur général en charge des stratégies de Leo Burnett
France, diffuser ce genre de campagne pendant un événement « a priori masculin
mais en réalité regardé en famille » est loin d’être anodin : « Il signe aussi une forme
d’épuisement du sujet, qui découle de l’épuisement des stéréotypes eux-mêmes. »
« Le marquage genré est de moins en moins perçu de manière positive », lâche
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