Vous pouvez retrouver ici le PDF téléchargeable du magazine bi-mensuel réalisé par les étudiants de deuxième année du master de journalisme de l’Université de Cergy-Pontoise. À chaque magazine son thème. Ce mois-ci: « L'optimisme ».
1. Heureux comme les Danois
Initiatives enthousiasmantes
La recherche du bonheur
Leurs secrets pour garder le sourire
Ces citoyens qui s’engagent pour demain
Les recettes qui rendent heureux
3. Numéros Zéro / xx
INSOLITE
p. 5
- Le Bonheur National Brut
RENCONTRE
p. 6
- « Les Danois acceptent plus facilement la
vie telle qu’elle est. »
ENTREPRENDRE
p. 9
- Citoyens engagés : ils nous rendent
optimistes
- Le travail c’est positiver
POSITIVER
p. 16
- Génération Y, une souplesse sans faille
- Ces films qui vous veulent du bien
- À la poursuite du bonheur
8. Numéros Zéro / 08
et c’est une volonté de rendre ce bonheur
accessible à tout le monde, comme une forme
de partage. Il y a une idée de rassemblement,
de lutte contre l’exclusion. À mon sens,
c’est une belle vitrine de la culture danoise.
Les Danois sont heureux. Mais sont-ils
optimistes ?
(Elle réfléchit longuement.) Je dirais qu’ils
sont optimistes sur leur avenir grâce à leur
liberté de choisir. Au Danemark, je pense que
nous sommes des optimistes réalistes. Nous
sommes très terre à terre, très modestes, nous
avons des rêves réalistes. Nous acceptons
plus facilement la vie telle qu’elle est, ce qui
est une manière de mieux la vivre. Voilà ce
que signifie l’optimisme pour moi : ne jamais
renoncer à ses rêves et croire que c’est
possible, mais rester réaliste sur le chemin à
faire et l’effort qu’il faut mettre pour y arriver.
Une récente enquête internationale
fait des Français l’un des peuples les
plus pessimistes. Le constatez-vous au
quotidien ou autour de vous ?
J’ai constaté qu’individuellement les Français,
en tout cas ceux que je connais, ne sont pas
si pessimistes mais disons que les médias ne
contribuent pas à donner plus d’optimisme.
Je pense aussi qu’il existe des mécanismes
inconscients que Philippe Block décrit dans
son livre, intitulé Ne me dites plus jamais
bon courage, où il révèle que les gens ont
l’habitude de se dire « bon courage » plutôt
que de dire « bonne journée », c’est un réflexe
de pessimisme inconscient.
Que conseilleriez-vous aux Français
pour retrouver de l’optimisme ?
Il faut déjà faire attention à ses paroles et
à la manière d’aborder la vie. Il faut aussi
continuer d’y croire, ne pas renoncer à ses
rêves malgré la crise. Essayer de trouver du
plaisir à atteindre ses objectifs même si ce
n’est pas facile, malgré les obstacles. Quand
on suit ses rêves, ce combat a du sens, il y a
un sentiment de bien-être. Mais il faut aussi
trouver du plaisir dans le chemin qui nous
emmène vers nos objectifs, sinon on risque
de se focaliser sur le passé ou le futur et non
sur le présent.
Comment créer de l’optimisme en
entreprise ?
La notion de confiance en soi et aux autres est
importante. Il ne faut pas avoir peur de poser
des questions, cela fluidifie les relations. En
tant que directrice de communication, j’ai
une grande confiance en mon équipe. Si
une erreur est commise, j’en prends aussi la
responsabilité et nous résolvons le problème
ensemble. Il est hors de question de punir les
gens ou de les presser comme une orange. Il
faut aussi avoir des horaires de travail assez
souples pour pouvoir profiter de la vie, des
soirées pour prendre du plaisir au bureau, c’est
ce qui peut établir le bien-être en entreprise.
Est-ce une bonne idée de faire appel à un
coach pour trouver la voie du bonheur ?
C’est mieux que rien, s’il peut aider à orienter
la personne vers une meilleure gestion de
sa vie. J’encourage toutes les initiatives qui
invitent l’humain à aller dans le bon sens, pour
trouver le bonheur, le bien être. Nous devrions
tous aller voir un psychologue pendant six
mois dans notre vie, sans forcément avoir de
problème de conscience, cela peut être un bon
accompagnement sur la manière d’orienter sa
vie, de trouver le bon chemin.
Quand vous étiez enfant, votre premier
rêve était de devenir ambassadrice du
Danemark et vous l’êtes, en quelque
sorte, devenue avec ce livre. Qu’est-ce
qui vous a encouragé à l’écrire ?
C’est drôle, car j’ai pensé à cela lorsque j’écrivais
la conclusion de ce livre. Je me suis dit :
« Si jamais mon livre sur le bonheur au
Danemark devient un succès, d’une manière
je réaliserai mon premier rêve d’enfant ! »
Mais sinon, la raison est simple. C’était pour moi
passionnant d’expliquer pourquoi les Danois
sont heureux, j’avais envie d’en partager les
raisons, finalement assez simples, et de rendre
cela accessible à tous.
Avez-vous trouvé votre bonheur ?
Je vis en accord avec moi-même et je suis de
nature joyeuse. Quand je me réveille, j’ai ce
sentiment de bien-être car je me suis battue,
j’ai donné un sens à ma vie. Je me sens bien et
j’ai la chance de vivre beaucoup de moments
« hygge », ce qui m’offre aussi beaucoup de
ressources dans les moments difficiles.
10. Numéros Zéro / 10
L’amoureux des abeilles
2014 a été une année noire pour les apiculteurs,
confrontés à des pertes de 50 % à 80 %
de leur production. En cause, les conditions
climatiques et les pesticides qui fragilisent les
abeilles, victimes de maladies. Leur disparition
serait dramatique selon les scientifiques,
car en tant qu’insectes pollinisateurs,
elles permettent la reproduction des espèces
végétalesetdonclemaintiendelabiodiversité.
Face à ce constat, Régis Lippinois, lui,
n’a pourtant pas le bourdon. Ce quarantenaire
a décidé, depuis six ans, de faire partager
sa passion des abeilles. Déjà auteur du
concept jepartage.com où les internautes
se regroupent pour se louer ou prêter,
entre autres, parcelles de jardins et
espaces de bureaux, il est aussi le directeur
de l’entreprise rochelaise Un toit pour
les abeilles. Une initiative qui permet aux
entreprises et aux particuliers de parrainer
des ruches à partir de 96 € par an, en recevant
en échange leurs propres pots de miels.
« Il y a dix ans, personne ne parlait de
la disparition des abeilles mais, désormais,
les gens ont pris conscience de ce
problème », commente Régis Lippinois qui
avait tenté il y a quelques années un projet
similaire. Aujourd’hui, son projet est soutenu
par plus de 400 entreprises et plus de
Citoyens engagés :
ils nous rendent
optimistes
par Élise Saint-Jullian
Ils croient en l’avenir des librairies, des abeilles ou encore dans la nécessité du vivre-ensemble.
Face à la crise économique, aux problèmes environnementaux, au terrorisme, ils ont décidé
de rester optimistes, ou du moins ils veulent continuer à agir pour améliorer notre société.
Focus sur des initiatives de citoyens qui redonnent espoir.
11. Numéros Zéro / 11
8 000 particuliers. Mais bien que la situation
soit toujours morose pour les abeilles,
le Rochelais reste optimiste.
« Oui je crois en l’avenir des abeilles,
elles s’en sortiront. Il y aura toujours des foyers
sur la planète et elles savent s’adapter
au climat malgré tout. Mais il faut continuer
à les protéger », souligne t-il. « Ce qui est
important c’est notre travail au quotidien,
même si c’est une goutte d’eau », ajoute t-il.
Pour Flavie Briais, une de ses collaboratrices,
leurs actions ne résoudront peut-être pas
la disparition des colonies mais elles
permettent au moins d’augmenter leurs
chances de survie et de maintenir la profession
d’apiculteur. Un pari réussi avec aujourd’hui
quelques 33 298 000 abeilles parrainées.
Mais l’équipe d’Un toit pour les abeilles
souhaite désormais dupliquer cette opération
en Suisse et en Belgique et développer
une apiculture à l’ancienne, encore plus
respectueuse des abeilles.
La solidarité avec les migrants
Depuis la place Baudoyer, dans le
4e
arrondissement de Paris, Nathalie Baschet
a parcouru tous les continents. Chaque
dernier jeudi du mois, elle organise à la mairie
Le goût de l’autre, des dîners qui rassemblent
autour d’une même table Français et migrants
afin d’aller au-delà des préjugés. « Il s’agit de
connaître des gens que l’on ne rencontrerait
pas dans son quotidien, dans son milieu
social », explique la bénévole du réseau
Chrétiens Immigrés, à l’origine de ces repas.
Tout commence en 2008 lors des cours de
français que Natalie Baschet donne à des Sri-
Lankais,lesunsTamouletlesautresCinghalais,
deux populations en guerre civile pendant
plusieurs décennies. Les cours se passent bien,
surtout ceux du samedi matin qui rassemblent
encore d’autres nationalités. Ils commencent
à fêter entre eux des anniversaires, l’obtention
d’une carte de séjour. « On s’est dit que cette
bonne ambiance devait se poursuivre et s’ouvrir
à tout le monde ».
Depuis, l’enseignante en est à son
54e
dîner, avec cette fois-ci un menu franco-
camerounais. Ce dîner a d’autant plus de
sens qu’il survient juste après les attentats
qui ont secoué la France début janvier.
Une occasion de rappeler à tous les convives
qu’il faut continuer à aller vers l’autre au
quotidien, écouter, et partager malgré les
différences. À ce repas, un couple libano-
japonais, un Italien, une femme ayant vécu
plusieurs années en Égypte, une Française
qui a marié sa fille à un Malien grâce au Goût
de l’autre. La bonne ambiance est au rendez-
vous : pot au feu d’igname, un peu de culture
camerounaise, des discussions variées, avec
en toile de fond un morceau de musique
mariant notes orientales et occidentales.
« J’ai découvert un monde qui m’a fasciné,
des relations de qualité, qui ne passent pas
par les codes sociaux habituels », se réjouit
Nathalie Baschet, qui semble avoir trouvé
aussi la bonne recette du vivre-ensemble.
L’application au service des libraires
Les librairies françaises voient leurs ventes
chuter de 10 % par an. Avec la concurrence
du site de vente en ligne Amazon, on estime
qu’en 2017, seul un livre sur trois sera vendu
en librairie réelle, dont le nombre reste élevé,
environ 2 500 en France. Elliot Lepers, 22 ans,
avoue avoir déjà acheté sur Amazon quand
il vivait à Berlin car les livres qu’il souhaitait
n’étaient pas disponibles en Allemagne.
Mais ce lecteur invétéré commande toujours
ses livres dans les librairies indépendantes.
Il a décidé qu’il fallait avertir les autres citoyens.
Étudiant en art design à Paris, il a dirigé
la campagne web d’Eva Joly en 2012 et est le
développeur du site Macholand.fr, qui combat
le sexisme. Il y a quelques semaines, il a
décidé de mettre ses talents en informatique
au service d’une nouvelle cause. Une loi
récente interdit la gratuité des frais de port
pour les ventes de livres sur Internet, mais
Amazon les a fait passer à 1 centime d’euro.
12. Numéros Zéro / 12
« J’ai trouvé cela particulièrement malhonnête
de leur part et j’ai voulu y apporter une
réponse citoyenne concrète », explique le
jeune homme.
« J’ai juste codé un pont entre Amazon
et Place des libraires, une plateforme
de gestion des stocks », détaille Elliot
Lepers. Ainsi, les internautes, en installant
l’application Amazon-Killer, une extension
sur Google Chrome, peuvent voir rapidement
dansquellelibrairiesetrouvelelivredontilsont
besoin. « Amazon-Killer est simplement une
petite alarme pour les gens qui sont habitués
à acheter sur Amazon, pour leur rappeler
qu’il existe une alternative », justifie l’étudiant,
qui ne prétend pas avec son outil sauver
les libraires, pourtant très reconnaissants
de son initiative. Il dit même avoir été contacté
par la Fédération Européenne des Libraires
(FEL), pour généraliser son dispositif
au niveau européen. Elliot Lepers conseille
aux citoyens d’acheter des livres aux libraires
les plus en difficulté et de partir à leur
rencontre. Car pour lui, le choix d’Amazon
ou non, c’est aussi se demander à quoi
on veut que nos villes ressemblent.
« Moi j’ai envie de voir dans les rues de vieilles
librairies un peu bordéliques. Ça me plaît. »
14. Numéros Zéro / 14
Surcharge de travail, pressions, absence
de reconnaissance, stress… Ces notions
font partie de la vie quotidienne des salariés
hexagonaux. Le burn-out, épuisement
lié aux conditions de travail, touche
désormais 17 % des salariés – chiffre
qui grimpe à 24 % chez les managers.
Selon cette même étude de l’institut Think
réalisée pour le cabinet Great Place to Work,
les salariés estiment que seule la moitié
des entreprises prennent en compte
leur bien-être.
Des évaluations à argumenter
« On s’intéresse aux gens sous forme de
problématiques, estime Christine Cayré,
gérante de la jeune société de conseil
Affaires d’optimisme. Or, il faut considérer
ce qui marche avant de s’intéresser à ce qui
ne marche pas. » C’est dans cette optique
que ses collègues et elle-même ont imaginé
une série d’interventions au sein de grandes
entreprises, comme le Crédit Agricole,
La Poste ou encore Sanofi. La journée
de formation au service postal, par exemple,
a concerné 150 managers l’année dernière
et a eu pour thème « le bureau de poste
idéal ». « Il faut rappeler aux individus qu’ils
ont du pouvoir dans ce qu’ils font. Pendant
ces sessions, on s’écoute activement, on fait
des propositions ensemble, on se reconnaît
et se relie », explique Christine Cayré, pour
qui l’optimisme, c’est avant tout le fait de
s’appuyer sur une expérience réussie et en
être satisfait. Cette vision est partagée par
Charles Martin-Krumm, chercheur dans
le domaine de la psychologie positive.
« Un employé va être optimiste grâce à un
sentimentd’efficacitépersonnelle,lasensation
qu’il a les ressources pour réaliser des tâches
précises », raconte-t-il. En revanche, toute
félicitation ou évaluation doit s’accompagner
d’une argumentation. Un employé qu’on félicite
sans lui expliquer les raisons de son succès
ne verra pas s’accroître sa confiance en lui.
Si l’optimisme est à tel point une bataille dans
le monde de l’entreprise, c’est parce que les
facteurs qui l’entravent sont remarquablement
nombreux aujourd’hui. Le sentiment d’avoir
perdu d’avance, le manque de soutien et de
marge d’autonomie, le contrôle excessif des
individus sont, selon Charles Martin-Krumm,
autant de freins à cet état d’esprit nécessaire
au travail.
Pas d’augmentation de la productivité
Nécessaire, car selon une étude de
Martin Seligman, le père fondateur de la
psychologie positive, les gens les plus
optimistes sont aussi les gens les plus
persévérants. En plus de se décourager moins
vite, ils ont une personnalité plus ouverte au
changement, aux nouvelles façons de faire et
Travailler,
c’est positiver
par Anton Kunin
Il y a cinq ans, la vague de suicides chez France Télécom et La Poste révélait au grand jour
l’intenable pression psychologique et la course effrénée aux objectifs trop ambitieux qui peuvent
exister dans les grandes entreprises. Depuis, le monde de l’entreprise en a pris conscience :
le bien-être et l’optimisme au travail sont devenus des valeurs convoitées.
15. Numéros Zéro / 15
génèrent de l’enthousiasme au sein de leurs
équipes, remarque Philippe Gabilliet, docteur
en sciences de gestion et conférencier sur le
thème de l’optimisme au sein d’entreprises.
Un employé optimiste a, selon lui, tendance
à voir une amélioration possible des choses,
croit au pouvoir de l’action, tout en refusant
le perfectionnisme.
Responsable de projet chez Crédit Agricole
Cards & Payments, Cécilia Lacan a invité
en 2014 tous les salariés qui le souhaitaient
à participer à une journée de « démarche
appréciative », qui implique de comprendre
les raisons et les acteurs des réussites du
passé pour planifier une nouvelle action
réussie, grâce à la créativité qu’offre le travail
en équipe. « À l’opposé du cadre formaté,
étouffant, les participants se sont sentis
libérés de leur parole, de leur créativité »,
estime Christine Cayré, qui co-organise
ces journées. « Le problème chez nous,
c’est que chacun travaille dans son coin.
On ne se parle pas et ne se connaît pas
vraiment entre équipes », indique à son tour
Cécilia Lacan, chargée du volet optimisme
d’un plan interne d’amélioration continue et
de transformation. « Cette journée a permis
d’abattre les barrières, d’émettre des souhaits,
de repartir avec des solutions concrètes
et de retenir des choses à mettre en place »,
conclut-elle. Une cinquantaine de personnes
ont déjà participé à ces journées de
« démarche appréciative » au sein de cette
filiale de la banque, et 95 % des participants
ont apprécié l’expérience.
Si le retour sur ces formations est largement
positif, elles ne peuvent pas être utilisées
pour faire du chiffre, comme augmenter
le volume des ventes ou la productivité,
prévient Charles Martin-Krumm. « Il ne peut pas
y avoir de prétexte pour maintenir une pression
excessive sur le salarié. On donne des outils
pour l’individu, mais l’entreprise aussi doit ajuster
un certain nombre d’éléments », estime-t-il.
Les initiatives liées à l’optimisme ne peuvent
donc être efficaces que si l’ensemble
de l’entreprise s’y attache.
18. Numéros Zéro / 18
« Elle savait qu’elle allait en baver. »
Aujourd’hui elle s’accommode donc
de son sort de jeune diplômée qui enchaîne
les CDD, payés au lance-pierres,
il faut le préciser. Mais sous ses airs
blasés cette génération est maligne et
créative. Elle décide donc de faire de
cette précarité de l’emploi un atout. Pour
cela, elle multiplie les expériences et, par
conséquent, les compétences et les contacts.
C’est le cas de Lola, 23 ans, diplômée depuis
deux ans maintenant d’une école de stylisme.
Très vite, elle s’est confrontée à un problème
de taille : le CDI c’est comme le Saint Graal…
le roi Arthur le cherche toujours.
« Le CDI c’est comme
le Saint Graal... le roi Arthur
le cherche toujours »
En 2005, ce sont 155 000 couples qui ont
mis fin à leur relation devant les tribunaux.
Un bel exemple pour la génération Y
biberonnée aux histoires d’amour Walt Disney.
Une génération un poil désenchantée
à l’image de Jules, 22 ans, qui ne croit plus
au mariage à cause du divorce de
ses parents. Malgré tout, il croit en l’amour.
« Ce qui nous permet d’être optimiste
c’est que l’amour c’est de tout temps,
dans tous les pays et à toutes les époques »,
explique Myriam Levain.
Alors la génération Y réécrit elle-même
les codes de l’Amour avec un grand A. Être
célibataire ou en CDD sentimental, comble
de la précarité, n’est plus une tare. Les Y
grignotent à droite à gauche et prennent le
meilleur de chaque partenaire. Après tout,
ils ont toute la vie pour tomber amoureux.
Mais pour elle, pas question de s’apitoyer
sur son sort. Elle passe du stylisme mode au
stylisme culinaire, s’installe dans un bureau
de tendances avant de se lancer dans le
digital. Ses parents se sentiraient davantage
rassurés avec un boulot fixe, mais ils lui
laissent la liberté de ses choix. Elle apprécie.
« J’aime être polyvalente et ma priorité c’est
d’enrichir mon carnet d’adresses. Si on me
proposeunCDIceseraitfoumaisjenesaispas
si je serais heureuse le matin en me réveillant,
je me dirais qu’en quelque sorte je me suis
enfermée ». Le seul problème pour Lola serait
de choisir un métier, un seul, à mettre en avant
sur son curriculum vitae.
La précarité de l’amour
Mais toute la génération Y ne s’épanouit pas au
travail :« Lebouloty’enaqueçaéclate etd’autres
non. À 17h01 ils ont déjà quitté le bureau »,
argumente Myriam Levain en expliquant que,
dès lors, c’est sur leur vie personnelle qu’ils
comptent. Et c’est là que la génération X, les
parents, entre en jeu. Ils crient haut et fort qu’à
défaut d’un boulot fixe, c’est sur l’amour qu’il faut
miser. Facile à dire lorsque l’on est la génération
qui a le plus eu recours au divorce. Selon l’Insee
(Institut National de la Statistique et des Études
Économiques), entre 1962 et 1990, le nombre
de divorces a été multiplié par trois.
19. Numéros Zéro / 19
Des films qui
vous veulent
du bien
par Pauline Thuillot
Vous venez de passer une rude journée ? Vous avez un gros coup de blues et votre moral
est tombé dans les chaussettes ? Pas d’inquiétude, nous avons trouvé le remède : les feel-good
movies. Vous ne connaissez pas ? Petite séance de rattrapage.
20. Numéros Zéro / 20
Qu’est-ce qu’un feel-good movie ?
Le cinéma est riche. Entre un film de Stallone
bourré de testostérone et une comédie
romantique à l’eau de rose, il possède
une multitude de versants. Les fameux
feel-good movies en font partie.
Ce sont généralement « des mélodrames
qui se terminent bien, des films portés par
l’espoir », où l’optimisme est la première
caractéristique selon Pierre Fonsagrive,
rédacteur en chef du webzine Cinémapolis.
« Pour que ces films fonctionnent pleinement,
il faut une situation initiale très décourageante.
Et sans doute, aussi, un brin de naïveté. »
La Guerre est déclarée en est l’exemple
même. Ce long-métrage relate le rude combat
d’un couple contre la maladie de leur fils
atteint d’une tumeur au cerveau.
« C’est un feel-good movie par excellence.
Il part d’un postulat extrêmement grave
(ndlr : le cancer) mais montre ensuite le refus
de se laisser vaincre par le marasme »,
précise Pierre Fonsagrive. « Ce sont des films
qui nous touchent, raconte Didier, un amateur
de 59 ans. Ils nous parlent de notre quotidien,
de choses qu’on a pu vivre. Ce ne sont pas
depuresfictions,aucontraire,onpeuts’identifier,
se retrouver dans ces films. »
Toutefois, tout le genre n’est pas composé
que de mélodrames. Il englobe aussi les
comédies. Même si, selon Jean-Claude
Guerrero, toutes les comédies ne sont pas
nécessairement des films-bonheurs et vice-
versa.Présidentdel’AssociationduFestivaldes
Films Bonheur, il propose une autre définition.
« Ce sont des films qui savent mélanger le rire
au fantastique, l’émotion à l’action, le rythme à
l’humanité ! Ils savent dénicher et montrer de
la générosité au milieu d’une action débridée,
de l’humanisme au cœur d’une mondialisation
effrénée, de la loufoquerie et de l’émotion
face à une terrifiante absurdité et faire d’un
spectacle cinématographique un énorme clin
d’œil à la vie. »
La recette du succès
Mais, au fait, quelle est la recette
pour concocter un bon feel-good movie ?
Tel un grand chef, Jean-Claude Guerrero nous
livre sa recette idéale. Il y a cinq ingrédients
pournepasrestersursafaim.« Cela ne peut pas
être un film sans émotion. C’est ce qui va
donner à ses autres qualités une générosité,
une épaisseur qui va faire que le film sortira
de la simple pochade, de la parodie ou
du film d’action lambda pour se mettre en
perspective, prendre une force différente,
et s’élever au-dessus du lot ». Il faut aussi
de l’humour et du rythme. « Le genre est
le plus souvent drôle mais le spectateur doit
sentir, en conjuguant l’histoire, l’émotion
et l’humour, que le film avance avec
une réelle vibration interne. »
Des productions comme Little Miss Sunshine
ou Le Fabuleux Destin d’Amélie Poulain
bénéficient également d’une pincée
d’inattendu, des situations extraordinaires
« que doit absolument intégrer tout film-
bonheur qui se respecte », estime Jean-
Claude Guerrero. Mais si Juno – œuvre qui
parle d’une jeune fille de 16 ans enceinte
qui souhaite faire adopter son futur enfant –
a crevé l’écran, c’est avant tout dû à
son humanité. « On aime les feel-good
movies parce qu’ils nous montrent que les
valeurs prônées par notre éducation, par notre
famille fonctionnent, explique Florian, 24 ans,
au détour d’une séance. Les feel-good
movies agissent un peu comme une
catharsis ». Vecteurs d’optimisme, ces films
séduisent grâce aux valeurs qu’ils portent,
comme la solidarité, l’entraide ou l’amitié.
Pour Pierre Fonsagrive, le constat est
encore plus simple : « Les gens aiment
se sentir bien. C’est un peu idiot à dire,
mais c’est pourtant essentiel. »
« Les gens aiment se
sentir bien »
21. Numéros Zéro / 21
Qu’est ce qui m’a pris d’aller à un cours de
tai chi ? « Un art martial relaxant », m’avait-on dit.
Tu parles ! J’étais venue pour me changer
les idées et essayer ce que, je m’imaginais,
pourrait me procurer une sorte de paix intérieure.
Au lieu de ça je souffre ! Voilà deux minutes que
je tiens la position de la chaise - celle qui fait
atrocement mal aux cuisses dans les séances
d’aérobic - sans mur contre lequel m’appuyer.
« Maintenant on attrape le tigre et on le ramène
sur la montagne », poursuit le professeur.
Ne comprenant en aucun cas la signification
de cette consigne, j’imite mes voisines.
La quinzaine de participantes commence
à faire de grands cercles avec leurs bras à
vitesse d’escargot. Elles doivent avoir trois
fois mon âge, mais s’en sortent dix fois mieux
que moi... Devant mon visage sûrement
déformé par la douleur qui monte maintenant
dans mes bras, une de mes camarades
me confie que « ça ira mieux la prochaine fois ».
Toute à son aise et souriante, elle poursuit :
« Tudoisavoirtropdetensionsentoi,lephysique
est encrassé par le mental. »
Le mental ou le moral ? À 23 ans, tout ça
n’est pas toujours au beau fixe. Des jours de
déprime, ça arrive, certes. Mais quand c’est
répétitif, qu’est ce que ça dit ? Qu’on n’est pas
heureux ? À en croire Claudia Senik, professeur
à l’École d’économie de Paris, le mal qui me
À la poursuite
du bonheurpar Inès Belgacem
Être bien dans ses baskets, oui, mais pas trop non plus ! Les petits tracas du quotidien plombent
rapidement le moral . À tel point que la question « suis-je vraiment heureux ? » se pose bientôt.
Inès a décidé de ne plus s’interroger. Elle a sauté dans ses sneakers, en quête du bonheur.
22. Numéros Zéro / 22
ronge est bien français. Pour elle, la population
hexagonale est ronchon, grincheuse et bien
moins heureuse que ne pourrait le prédire
son Indice de Développement Humain (IDH).
Un problème qu’elle met sur le dos d’une
éducation et d’une socialisation nationale
particulière, plus fataliste que chez nos voisins.
L’IDH français, outil permettant d’évaluer les
conditions de vie d’un pays, se place à la
vingtième position mondiale et à la sixième
européenne selon le Programme des Nations
unies pour le développement (PNUD) de
2014. Une place somme toute convenable.
Les Français font pourtant partie des plus
grands consommateurs de psychotropes
en Europe, selon l’Organisation mondiale de
la Santé. Cette dernière ajoute que le suicide
était en 2013 la deuxième cause de mortalité
chez les 15-44 ans, après les accidents
de la route. Un bien triste portrait, dans lequel
j’ai décidé de ne plus figurer.
Malade de réussite
Bille en tête, je rentre chez moi me cacher sous
ma couette, les jambes flageolantes, et fonce
sur Google. « Comment être plus heureux ? »
Je tombe alors sur Alexandra de Roulhac,
coach bonheur. Un drôle de titre qu’elle s’est
attribué seule : « Je n’ai pas de formation
particulière, ma thérapie fonctionne sur les
principes de base de la psychologie positive »,
m’explique-t-elle quelques jours plus tard
dans le salon d’un petit hôtel de Saint-Cloud.
Elle est coach depuis 7 ans. Son but, redonner
confiance à ses patients : « Ils ont tout pour
s’épanouir, il faut simplement leur rappeler. »
Ses conseils ont pour ambition d’aider
à prendre conscience de ses qualités et sont
majoritairement dispensés à une clientèle
féminine. « Elles ont en général entre 25
et 35 ans et sont bien sous tout rapport :
elles ont un job de rêve et à responsabilité,
un copain au top, sont mignonnes, entourées,
sociables. Le problème c’est qu’elles sont trop
exigeantes avec elles-mêmes… »
Exigence va souvent de pair avec ambition,
devenue par ailleurs un trait de caractère
prégnant pour les Françaises. Elles étaient 69 %
chez les 18-24 ans et 63 % chez les 25-34 ans
à se définir naturellement comme ambitieuses
l’an passé, d’après l’Observatoire Terrafemina
réalisé par le CSA. Depuis les années 1980,
on encourage les femmes à l’autonomie.
Un héritage historique qui est arrivé jusque
dans la bouche de mon père, à tel point
qu’il me donne les mêmes conseils que
les rappeurs américains : « Fais ce que tu veux
dans ta vie mais surtout fais de l’argent ! »
Le tout est devenu une sorte de leitmotiv qui
a fini par me rentrer dans la tête naturellement,
j’imagine. Envisager de grandes études,
des jobs renommés, des payes conséquentes
est devenu normal. Ne pas se contenter
de moins aussi. Un avis partagé par Joséphine,
32 ans, chef de projet marketing dans
une boîte de communication parisienne :
« Je me mécontente d’un rien, mais ne
m’enthousiasme jamais sur mon travail. On peut
toujours faire mieux finalement », raconte-t-elle.
Joséphine passait ses journées au boulot
et parfois même ses soirées. Son rythme
était devenu normal, son travail une priorité.
« Je crois que dans ma tête, mon bonheur
tenait à ma réussite sociale. » Jusqu’à ce qu’un
soir de novembre, elle craque. « J’ai balancé
mon ordi par terre, crié au téléphone sur mon
mec et me suis à moitié évanouie devant mes
collègues médusés… », se remémore-t-elle,
honteuse. La jeune femme est pourtant loin
d’être une violente, sa voix douce et fluette
en atteste. Son docteur a diagnostiqué
unburn-out,déclenchéparlestressetlemanque
desommeil.AlexandradeRoulhacpréfèreparler
« d’exigence maladive » : « Même adulte, on
garde toujours la petite voix de Papa et Maman
dans sa tête. Ça donne des filles ambitieuses,
toujours au top, qui n’apprécieront jamais leur
travail et ne seront jamais comblées. »
C’est quoi le bonheur ?
Prise de conscience immédiate : c’est mon
travail qui va faire mon bonheur ? Et puis,
c’est quoi le bonheur ? Je décide d’improviser
un sondage autour de moi. « Ça reste des
choses simples, le moment présent. Comme
par exemple quand tu manges des Kinders »,
23. Numéros Zéro / 23
me répond tout naturellement Matthieu, pourtant
tout aussi anxieux que moi quant à son avenir
immédiat sur le marché du travail. Pour Marion,
le bonheur c’est son lit, des séries et
sa tranquillité. Quoiqu’elle s’imagine mal
assumer indéfiniment une vie de paresse.
« Le bonheur, c’est une carotte qui te permet
de continuer à faire des choses manifestement
perdues d’avance », conclut finalement Yacine,
fataliste.
« Il faut se foutre la paix un peu ! Arrêter de
se faire des reproches, se soutenir, … Et puis
partir à la recherche du bonheur ça ne veut
rien dire ! » m’engueule à moitié au téléphone
Florence Servan-Schreiber, psychologue
et auteur de 3 kifs par jour et Power patate.
Elle m’explique qu’avoir des envies est normal,
même si toutes ne sont pas réalisables.
Le problème resterait l’ordre de nos priorités :
« Les gens ont notamment besoin de faire
baisser le rang de l’argent dans leurs priorités.
Argent et bonheur n’ont jamais eu de liens. »
Et pour la réussite professionnelle ?
« Si on n’est pas satisfait de son travail,
c’est qu’on ne s’assume pas tout à fait et qu’on
veut toujours gommer ses défauts ; alors
qu’au contraire, il faut avoir de la tendresse
et de la compassion pour ses défauts. »
Florence Servan-Schreiber définit le bonheur
en trois points : le plaisir, l’engagement
(soit ne pas rester dans la contemplation)
et le sens (c’est-à-dire savoir à quoi sert ce
que l’on fait). Un poil bisounours, elle ajoute
que positiver et trouver de la satisfaction dans
ce que l’on fait sont nécessaires. Raison pour
laquelle elle propose de s’énumérer les « 3 kifs »
de sa journée tous les soirs. « Il faut faire ce qui
nous épanouit, un point c’est tout ! »
Dans le train qui me ramène chez moi, casque
sur les oreilles, je mets donc à exécution
les conseils de la psychologue : 1) j’ai mangé
des sushis, c’était top ! 2) j’ai failli perdre mon
portefeuille dans le train, mais un passant
m’acouruaprèspourmelerendre.3)jesuisallée
au cinéma, le film était nul, mais j’ai beaucoup ri
avec une amie. Étonnamment, rien à voir avec
ma journée au boulot, qui a ses hauts et ses
bas par ailleurs. Le bonheur n’a finalement rien
deconstant.En24 heures,passerpardifférentes
phases plus ou moins agréables est normal
et ne devrait pas nous plomber le moral. La clé,
c’est la confiance en soi et l’optimisme. En fond
sonore, le caennais Orelsan : « Tu peux courir
à l’infini, et à la poursuite du bonheur la Terre
est ronde autant l’attendre ici. […] À quoi ça sert
de préparer l’avenir si t’oublies de vivre ? »