1. Intro aux RASAD
Bienvenue à tous,
C’est un très grand plaisir pour moi de vous retrouver pour ces journées
de l’AAF.
Merci d’être venu malgré cette période de crise sanitaire, le télescopage
de tous les événements reportés à l’automne et la complexité des
déplacements.
Comme d’habitude, les RASAD ce sont :
- des journées pour échanger sur notre métier, et aujourd’hui j’ai
envie de préciser nos métiers,
- des journées pour se retrouver,
- des journées pour apprendre et réfléchir,
- des journées pour découvrir un service d’Archives
départementales et une région.
Merci à Elisabeth Verry et son équipe de nous accueillir et d’avoir
élaboré le programme de visites et de convivialité qui fait partie de l’ADN
des RASAD.
Quelques mots sur le thème « Archives et Objets », sujet retenu parmi
les propositions des membres de la section pour cette édition des
RASAD.
Avec les collègues du bureau de la section, nous avons essayé de faire
le tour de tous les liens qui unissent ces deux notions, et les propositions
d’intervention qui nous sont parvenues suite à l’appel à communication
montrent que ce thème est fécond.
Plusieurs axes ont été proposés pour aborder le sujet.
Bien sûr et chacun en a fait l’expérience dans son propre service, nos
fonds et collections contiennent des objets. Nos pratiques
professionnelles, qui relèvent des métiers du patrimoine, nous
permettent en principe de savoir gérer ces collections, puisque les
archives elles-mêmes, quels que soient leur support, sont aussi des
objets qu’il s’agit de conserver, inventorier, conditionner, communiquer
ou valoriser.
2. Cependant, et cela chacun d’entre nous le sait aussi, ces ensembles
présentent des spécificités et il était indispensable, pour commencer la
réflexion, d’aborder ce qui caractérise la gestion et la façon
d’appréhender les objets présents dans nos fonds.
Après les présentation d’ordre générique et un double focus sur le
domaine numérique, des retours d’expérience sur des collections
emblématiques ou atypiques seront présentés.
Cette première étape nous amène à une autre dimension du sujet, celle
de la complémentarité entre archives et objets, dans une double
dimension.
- La première est la prise en considération de séries d’objets ou
d’artefacts en tant qu’archives, ce qui existe dans plusieurs
disciplines mais est particulièrement marquant chez nos collègues
archéologues, qui parlent souvent « d’archives du sous-sol » pour
désigner les faits (traces ou items) qu’ils mettent au jour. Toutes
les problématiques bien connues des archivistes apparaissent
alors, que ce soit sur les questions de sélection, de tri et
d’éliminations, de gestion d’ensembles sériels, etc. Mais les façons
de les aborder sont-elles les mêmes ? C’est un point que nous
aurons l’occasion d’évoquer demain.
- La seconde dimension est celle des archives comme clef pour
comprendre, interpréter, qualifier ou documenter les collections,
notamment dans le domaine patrimonial. Le cas le plus
emblématique est celui des antiquités et objets d’art, qui
présentent un grand nombre d’affinités électives avec les archives
et les archivistes ; nous y reviendrons aussi demain.
Enfin, relevant du champ patrimonial, les archives sont aussi des
œuvres qu’il convient de valoriser et d’exposer. Mais dans ce domaine,
les techniques et les principes de mise en œuvre sont soumis aux
spécificités des archives, et notre compagnonnage avec le secteur des
musées méritait aussi des réflexions particulières.
Au-delà des points que je viens d’évoquer rapidement, et qui seront
développés cet après-midi et demain, je voulais vous faire partager
quelques constats que j’ai pu faire en préparant ces journées. Il s’agit de
la question des archives en tant qu’objets.
Pour nous, il va de soi que les liasses d’archives ou tout autre support
sont des objets en trois dimensions, je l’ai évoqué au début de ce
3. propos. En réalité, la matérialité ou l’immatérialité des archives n’est pas
aussi simple à trancher, comme l’illustreront sans doute, à leur manière,
les intervenantes qui nous parlerons d’archives numériques.
Mais il est intéressant de constater que ce n’est pas forcément sous
cette nature « matérielle » que les archives sont perçues au premier
abord. Pour illustrer mon propos, je me suis intéressée à un texte de
l’historien Philippe Artières, rédigé dans le cadre du séminaire Arts et
Sociétés de Sciences po, et intitulé « Les archives comme objets
sociaux ».
Dans ce texte, il commence par ranger ce qu’il appelle les « restes » du
passé chacun à leur place : les objets dans les musées, les livres dans
les bibliothèques, les documents dans les archives, les cadavres dans
les cimetières. Tout paraît bien en ordre, et cette répartition, cette
typologie, ne tient pas à la nature de ces restes ; c’est leur lieu de
conservation qui les détermine.
Cependant, au cours de sa réflexion, il souligne aussi, assez
rapidement, que la notion d’archives est de plus en plus extensive :
« Ainsi, les archives — qui se confondaient, il y a encore 30 ans avec les
lieux de leurs conservations et avec leurs traitements par les archivistes
(les magasins des Archives Nationales et Départementales) — ont
désormais envahi l’espace public. Chacun prétend avoir des « archives »
… Chacun a sur son bureau d’ordinateur son « archive », par exemple.
On commence à voir que l’approche par la nomenclature systématique
ne va pas tenir la route très longtemps.
Ce qui me frappe ensuite à la lecture, c’est la mise à l’écart de la nature
physique des archives, considérées comme enfouies dans les réserves
et dont l’invisibilité, liée aux lieux de conservation mais aussi aux règles
d’accessibilité, renforce le caractère de traces précieuses. L’objet
« archives », dans sa réalité physique, n’existe pas.
C’est un peu comme si le document d’archives, considéré à l’unité, c’est-
à-dire comme un feuillet (ce qui est loin d’être systématique !), et parce
qu’il se présente en deux dimensions, n’avait pas de matérialité.
Ce qui est faut physiquement mais intéressant conceptuellement :
finalement, est-ce que « l’épaisseur des archives » ne proviendrait pas,
plutôt que de leur existence physique, avant tout de leur contenu, et leur
profondeur n’est-elle pas celle de la temporalité qu’elles permettent
d’appréhender ?
4. Ainsi, si la dimension physique des archives n’est pas ou mal
appréhendée par des historiens comme Philippe Artières, ce sont les
autres acceptions du concept d’objets qui sont convoquées pour parler
d’archives. Examinons-en une, l’approche proposée par Philippe
Artières (mais il y en a d’autres) : il attribue aux archives une valeur
immatérielle « d’objet social ». Qu’entend-il par là ? L’exposition, et
même plutôt, littéralement, la monstrance des archives dans le cadre
d’expositions ou de parcours de visite dans des lieux mémoriels, leur
confère une dimension de relique, de pièce à conviction pour défendre
des mémoires singulières : ainsi des documents sur la mémoire de
l’esclavage ou la Shoah. On le voit, ces réflexions peuvent nous
entraîner assez loin, et sont presque de portée philosophique.
Enfin, et cela rejoint le programme de nos journées, Artières aborde
l’utilisation des archives dans une démarche de création artistique. C’est
d’ailleurs là qu’il situe la rematérialisation des archives, à travers la
réalisation d’œuvres basées sur des documents ou des copies de
documents transformées, transcendées par les artistes. Je pense pour
ma part que toutes les œuvres créées à partir des archives ne sont pas
forcément « matérielles », mais que les émotions, pour reprendre un
terme cher à notre consœur Isabelle Rambaud, constituent un des
éléments phares de cette dimension esthétique, qui sera abordée à la fin
de nos journées.
Avant de céder la parole à nos premiers intervenants, je voulais vous
faire part des ajustements de dernière minute :
- Absence Martine Le Roch, Xavier de la Selle et Ronan Bretel
Je vous souhaite à tous d’excellentes RASAD !