1. Travail réalisé par M. Craps et L. Suain, dans le cadre du cours de Médiation Muséale et Patrimoniale
LHAGI 2550, UCL, année académique 2011-2012
Marcel Proust (1871-1922)
Marcel Proust est né à Auteuil dans la région parisienne en juillet 1871. Il
connaît une enfance protégée mais fragile puisqu’à l’âge de dix ans sa santé
chancelle : il souffre de violentes crises d’asthme. Il mène une vie de dilettante
jusqu’à l’âge de trente-cinq ans. Ces années sont marquées par des études de
droit, de lettres et de sciences politiques, mais aussi par la publication d’articles
dans diverses revues, la traduction de John Ruskin, un théoricien de l’art, et par
de nombreuses sorties mondaines. Son premier ouvrage, Les Plaisirs et les Jours,
un recueil de poèmes en prose et de nouvelles paraît de manière confidentielle en
1896. Il commence alors la rédaction de son second ouvrage, Jean Santeuil, mais
abandonne la rédaction de celui-ci en 1900, il sera finalement publié en 1951. La
mort de ses parents le conduit à redéfinir sa vie en termes d’écriture, évolution
accentuée par la mort de son chauffeur et amant Agostinelli. Il meurt en 1922,
épuisé, à la suite d’une bronchite mal soignée.
Aller plus loin :
TADIE J.-Y., Marcel Proust : biographie, Paris, 1996 et Bloch-Dano E.,
Madame Proust, Paris, 2006.
À la recherche du temps perdu
À la recherche du temps perdu, est écrit entre 1908 – 1909 et 1922, et publié
entre 1913 et 1927. Les trois derniers volumes parurent après la mort de Proust
grâce aux efforts réunis de son frère Robert, et de certains membres de la NRF
(Jacques Rivière, Gaston Gallimard et Jean Paulhan). L’œuvre de Proust
rassemble sous ce titre sept tomes. Elle jouera un très grand rôle dans
l’avènement de la littérature européenne contemporaine. Proust développe trois
dimensions qui s’interpénètrent, à savoir les aspects romanesque, philosophique
et esthétique.
Les trois mille pages du roman se présentent avant tout comme un roman de
formation. Le narrateur fictif raconte son enfance – Du côté de chez Swann,
publié en 1913 -, son adolescence – À l’ombre des jeunes filles en fleurs, prix
Goncourt en 1919 -, les débuts de l’âge adulte – Le Côté de Guermantes et
Sodome et Gomorrhe (1920 à 1922) -, une liaison douloureuse – La Prisonnière
et Albertine disparue (1925) -, la découverte tardive de sa vocation – Le Temps
retrouvé (1927).
3. l’expression pour intégrer cette formule et le processus de mémoire qui en
découle.
Le narrateur, dans Du côté de chez Swann, mange une madeleine
“Il y avait déjà bien des années que, de Combray, tout ce qui n’était pas le
théâtre et le drame de mon coucher n’existait plus pour moi, quand un jour
d’hiver, comme je rentrais à la maison, ma mère, voyant que j’avais froid, me
proposa de me faire prendre, contre mon habitude, un peu de thé. Je refusai
d’abord et, je ne sais pourquoi, me ravisai. Elle envoya chercher un de ces
gâteaux courts et dodus appelés Petites Madeleines qui semblaient avoir été
moulées dans la valve rainurée d’une coquille de Saint-Jacques. Et bientôt,
machinalement, accablé par la morne journée et la perspective d’un triste
lendemain, je portai à mes lèvres une cuillerée du thé où j’avais laissé s’amollir
un morceau de madeleine. Mais à l’instant même où la gorgée mêlée des miettes
du gâteau toucha mon palais, je tressaillis, attentif à ce qui se passait
d’extraordinaire en moi. Un plaisir délicieux m’avait envahi, isolé, sans la
notion de sa cause. Il m’avait aussitôt rendu les vicissitudes de la vie
indifférentes, ses désastres inoffensifs, sa brièveté illusoire, de la même façon
qu’opère l’amour, en me remplissant d’une essence précieuse: ou plutôt cette
essence n’était pas en moi, elle était moi. J’avais cessé de me sentir médiocre,
contingent, mortel. D’où avait pu me venir cette puissante joie ? Je sentais
qu’elle était liée au goût du thé et du gâteau, mais qu’elle le dépassait
infiniment, ne devait pas être de même nature. D’où venait-elle ? Que signifiait-
elle ? Où l’appréhender ? Je bois une seconde gorgée où je ne trouve rien de
plus que dans la première, une troisième qui m’apporte un peu moins que la
seconde. Il est temps que je m’arrête, la vertu du breuvage semble diminuer. Il
est clair que la vérité que je cherche n’est pas en lui, mais en moi. Il l’y a
éveillée, mais ne la connaît pas, et ne peut que répéter indéfiniment, avec de
moins en moins de force, ce même témoignage que je ne sais pas interpréter et
que je veux au moins pouvoir lui redemander et retrouver intact, à ma
disposition, tout à l’heure, pour un éclaircissement décisif. Je pose la tasse et
me tourne vers mon esprit. C’est à lui de trouver la vérité. Mais comment ?
Grave incertitude, toutes les fois que l’esprit se sent dépassé par lui-même ;
quand lui, le chercheur, est tout ensemble le pays obscur où il doit chercher et
où tout son bagage ne lui sera de rien. Chercher ? pas seulement : créer. Il est
en face de quelque chose qui n’est pas encore et que seul il peut réaliser, puis
faire entrer dans sa lumière”.
L’ouvrage de Proust, À la recherche du temps perdu est devenu célèbre par sa
fameuse madeleine. La madeleine de Proust, une expression souvent entendue
mais peu comprise. Penchons-nous sur l’histoire de ce petit gâteau.
Le narrateur, dans le premier tome Du côté de chez Swann, mange une
madeleine. Chez lui, cet aliment, des plus anodins, déclenche un souvenir : il se
revoit petit enfant mangeant à son tour une madeleine. En partant de cet instant,
l’histoire de sa jeunesse défile à nouveau.
La madeleine est, au départ un simple gâteau, au même titre qu’un croissant ou
un éclair au chocolat. C’est Marcel Proust lui-même, par l’intermédiaire de son
œuvre, qui va la rendre célèbre et immortelle.
Il en va jusqu’à découler une expression introduite dans le langage courant :
«C’est ma madeleine à moi» ou autre expression utilisant pour image la
madeleine de Proust. Cela signifie :
• un acte sans portée significative = aspect anodin de la madeleine
• qui va produire un effet émotionnel = le choc du goût, du geste, de la
texture de la madeleine trempée dans le thé en rapport direct à une
sensation de l’enfance du narrateur
• et nous rappeler quelque chose du passé = en rapport direct à une
sensation de l’enfance du narrateur
En utilisant l’expression : « c’est ma madeleine à moi » on évoque un aliment,
un bruit, une texture… nous ramenant à notre enfance, au passé comme le
gâteau au chocolat que nous préparait notre mère.
Le thème principal du roman est donc bien celui de la mémoire, une mémoire
involontaire. La madeleine ramollie par le thé va engendrer chez le narrateur un
bonheur intense. Ce bonheur enclenche un processus de « mémoire, souvenir ».
Le temps perdu, que le narrateur pensait perdu, rejaillit et le plonge dans
l’histoire de son enfance et de sa jeunesse.
En partant du document autographe de l’écrivain, il est évident que Proust avait
choisi de tremper dans son thé une tranche de pain grillée. Sans doute, s’est-il
rendu compte que pour imager cet acte de mémoire, il devait se tourner vers un
aliment empli de douceur.
4. Marcel Proust et La
Belle Époque
La Belle Époque
Voilà le terme consacré pour évoquer
une certaine allégresse de vivre au
cours de la vingtaine d’années qui
précéda le premier conflit mondial1
.
Balises
Cette appellation « Belle Époque »
est donnée pour la première fois
après la Première Guerre mondiale.
Elle manifeste une certaine nostalgie
quant à la période d’avant-guerre.
Le roman de Proust, À la recherche
du temps perdu, illustre parfaitement
cette allégresse de la Belle Époque,
marquée intellectuellement par des
hommes de lettres ou de sciences,
des artistes et des écrivains. Ces
intellectuels se réunissent dans des
salons mondains parfaitement
décrits dans l’œuvre littéraire de
Proust. Ces salons permettent la
diffusion des mouvements
artistiques et des écrivains en vue.
Les bals sont une autre
manifestation de l’élite induisant
cette image d’insouciance.
L’objectif premier est de créer un
portrait d’une classe sociale, celle de
la bourgeoisie, à la Belle Époque.
Parcours proposé
Pour illustrer ce parcours, nous
analyserons l’utilisation d’affiches,
comme celles réalisées par Toulouse
Lautrec.
Commentaire des documents
L’affiche illustrée est prépondérante
au XIXe
siècle avec des artistes tels
que Toulouse-Lautrec. La production
d’affiches se fait sur des plus grands
formats, en plus grand nombre et
coûte moins cher ! L’étude des
affiches est riche pour les historiens,
elles nous informent sur les débats
électoraux, le développement de la
propagande,… mais surtout et c’est
ce qui nous intéresse, sur les
principaux groupes qui composent la
société du XIXe
siècle.
Aller plus loin :
En annexe 1 : deux affiches
réalisées par Henri de Toulouse-
Lautrec, peintre et lithographe
français de la fin du XIX
e
siècle.
En annexe 2 : bases pour un
commentaire d’une affiche.
http://www.histoire-image.org
Remise en question
de la Belle Époque
Balises
De 1898 à 1914 se déroulent une
série de péripéties politiques et
sociales remettant en question cette
appellation. Nous référant à
l’ouvrage de Proust, nous en
développerons deux, à titre
d’exemple, citées de manière
anecdotique dans son œuvre :
l’Affaire Dreyfus et les inégalités
sociales représentées par Françoise,
la domestique.
Nous attendons de la part de l’élève
qu’il remette en question la Belle
Époque au moyen de différents
documents à critiquer.
Dans le thème sur les inégalités
sociales, la compétence orale est
sollicitée par la mise en place,
aléatoire, d’un débat.
Parcours proposé
L’affaire Dreyfus
Proposition d’analyse de quelques
passages du vol. II de À la recherche
du temps perdu, p. 408, p. 582,
p. 690.
Proposition d’analyse des articles de
presse, dans un premier temps du
point de vue de leur pertinence : le
journal est-il antisémite? L’écrivain
de presse est-il objectif ? Et ensuite
de soumettre à l’élève l’élaboration
d’une synthèse des faits historiques.
La presse écrite
Grand développement de la presse
au XIXe
siècle. Grand impact,
particulièrement, pour l’affaire
Dreyfus qui a vraiment été bercée
par ce média.
Aller plus loin :
En annexe 3 : un article de la
« Petite République » du 20 février
1898 : La déposition de Jaurès. Il
s’agit de la déposition de Jaurès à
la cour d’assise s’indignant à
propos du procès Dreyfus et plus
précisément sur le huis clos du
procès d’Esterhazy. Un second
article, toujours dans la Petite
République, du 26 février 1898 : le
procès, Emile Zola, le Verdict,
Georges Grison. On y relate la
condamnation d’Emile Zola après
la rédaction de son article
« J’accuse » et, sur, l’impact qu’a
eu cet article sur la population.
Enfin, un dernier article dans la
Petite République du 20 mai 1898 :
l’antisémitisme et le socialisme
international de E. Vandervelde. On
y parle de l’impact de l’affaire
Dreyfus sur le socialisme
international et l’antisémitisme.
5. Inégalités sociales
Un des personnages principaux du
roman de Marcel Proust, Françoise,
la domestique au service de la
famille du narrateur, représente la
classe ouvrière et populaire.
Pour illustrer ce propos de manière
un peu plus légère, nous conseillons
de se référer aux caricatures,
nombreuses dans la presse de
l’époque. Ce sujet, extrêmement
polémique, peut mener la classe au
débat.
Les caricatures
La caricature s’épanouit dans tous
les journaux au XIXe
siècle. Elle est
un miroir du passé, mais un miroir
déformant. Il faut en décoder toutes
les subtilités. Ce document sera
utilisé pour illustrer le contexte
social de l’époque reprenant à
plusieurs reprises des sujets parfois
sensibles de manière plus légère.
Le débat
Il s’agit d’un débat sous la forme de
plaidoyer, c’est-à-dire de style
juridique. Deux élèves s’affrontent
pour défendre soit la retraite ouvrière,
soit la situation des femmes, soit les
conditions de travail,… Les élèves
jouent les rôles des avocats et
l’enseignant est le juge. Pour clore le
débat, l’ensemble de la classe
deviendra jury. Importance de
travailler l’écoute et les stratégies
argumentatives : gestuelle, intonation,
non-verbal, opinion, narration,
questionnement,…
Aller plus loin :
En annexe 4: comment réaliser un
commentaire de caricature.
En annexe 5 : la caricature sur la
retraite ouvrière (p. 101, 128),
situation des femmes (p. 129), les
conditions de travail des bourgeois
et de la classe ouvrière (p. 179),
l’image que la bourgeoisie a de la
classe ouvrière et populaire (p.
273). Extrait de: ROSSEL A., La
Belle Époque, 1898-1914.
Conclusion
Cette époque de modernité et de
culture dont parle Proust dans son
ouvrage À la recherche du temps
perdu, n’est pas entièrement
représentative de la société.
L’affaire Dreyfus, les inégalités
sociales en sont d’autres facettes.
1. Rossel A., La Belle Époque,
1898-1914, Paris, 1982 (Histoire de
France à travers les journaux du
temps passé), p. 3.
Aller plus loin :
ROSSEL A., La Belle Époque, 1898-
1914, Paris, 1982 (Histoire de France
à travers les journaux du temps
passé).
DUPRAT A., L’histoire de France à
travers la caricature, Paris, 1999.
ROBERT-JONES Ph., La caricature du
Second Empire à la Belle Époque.
1850-1900, Paris, 1963.
http://www.histoire-image.org
http://id/erudit.org/iderudit/55615ac,
article de Lizanne Lafontaine,
L’enseignement du débat en
cinquième secondaire.
Voir aussi le dossier en annexe, En
Bref sur l’affaire Dreyfus et les
inégalités sociales.