Changer le paradigme de la communication politique - revue politique parlementaire
Changer le paradigme de la communication
politique
« Aussi longtemps qu’on s’entend, qu’on partage, on vit ensemble » a dit Simone Veil.
Hélas, … distante, déconnectée, … il est de plus en plus reproché à la classe politique
son éloignement vis-à-vis des Français et sa difficulté à rapprocher les discours des
préoccupations des citoyens. La communication politique serait-elle à un tournant ?
Ainsi, selon un sondage, « 80% des Français font confiance aux citoyens plutôt qu’aux
politiques pour trouver des solutions efficaces à leurs problèmes et ceux de la France »
(source Harris Interactive en mars 2016) et « 78% des Français seraient prêts à voter pour
un candidat ni issu ni soutenu par un parti » (source Atlantico en février 2016). Certains
affirment même que le prochain président sera issu des réseaux sociaux ! Vu les contraintes
pour se présenter et le coût d’une campagne présidentielle, ce scénario d’un parfait inconnu,
qui émergerait subitement, apparaît cependant comme compliqué voir improbable. Nous ne
sommes pas aux Etats Unis, et un Donald Trump français a peu de chances de venir
bouleverser l’ordre établi. En France, la politique est un univers hautement réglementé que
même un Uber aurait du mal à révolutionner en si peu de temps surtout quand de nouvelles
règles sur le temps de parole s’ajoutent à un an de l’échéance.
Face à ce désamour grandissant, la classe politique doit penser à réinventer ses
méthodes de communication pour être plus proches des citoyens et reconquérir enfin
son électorat. Dans l’univers digital, des solutions sont à disposition pour rendre sa
communication plus attractive, plus efficace et surtout plus proche des attentes des
électeurs.
Les primaires, qui sont maintenant lancées entre les partis citoyens, directement entre
citoyens ou plus traditionnellement à droite, montrent que la communication s’inspire de plus en
plus de modèles à l’américaine. La campagne présidentielle, que nous allons vivre,
provoquera des bouleversements dans la façon d’appréhender la relation avec les
citoyens pour apporter des réponses concrètes aux souhaits d’interactivité et de
démocratie participative. Dans ce contexte, les attentes des français sont de plus en plus fortes
pour qu’enfin des solutions soient trouvées aux problèmes qui les préoccupent le plus. Les
méthodes traditionnelles sont face à un mur que la classe politique va devoir franchir rapidement
pour rétablir la confiance qui s’est étiolée depuis de nombreuses années. Plus elle retardera
l’échéance, plus il s’élèvera et plus le risque d’une cassure définitive sera élevé. Dans le nouveau
monde de communication que nous découvrons, il faut être efficace pour porter un message le
plus loin possible et obtenir l’impact maximal. Il faut être efficace pour recoller les pièces du
puzzle qui s’est éparpillé.
Le contexte habituel du « je » va devoir se transformer en une vision d’un « nous »
collectif, d’un « nous » participatif.
Dans un contexte où les usages du peuple français ne cessent de s’américaniser, il devient de
plus en plus difficile de faire abstraction de l’ère de l’ultra connexion qui s’ouvre devant nous tous.
Les réseaux sociaux font partie de cette longue lignée d’innovations ayant pénétré notre univers
et qui le bouleversent. Progressivement, ils se sont incrustés dans notre quotidien. Que ce soit à
titre personnel comme avec Facebook ou à titre professionnel avec LinkedIn ou de façon plus
hybride avec Twitter, Instagram et tant d’autres. En seulement quelques années, ils ont réussi le
tour de force de nous rendre addictifs. Aujourd’hui, plus de 70 % des Français ont des
smartphones et passent plus de 3h par jour à surfer. Plus incroyable, un Français sur cinq
consulte internet avant de se lever selon TNS Sofres !
Au cœur de la vie quotidienne des Français, il devient impératif de penser que les
réseaux et médias sociaux sont des opportunités pour réinventer les modes de
communication face au risque de plus en plus grandissant d’une ubérisation de la
classe politique par des citoyens qui seraient de plus en plus influents sur certains
sujets de société.
L’emploi est la préoccupation principale des français ? Dans une étude publiée avec Traackr en
mai 2015, il apparaissait que seulement 2 personnalités politiques étaient classées dans les 20
principaux influenceurs sur ce thème sur les réseaux sociaux ! Les résultats ont peu bougé
depuis et la même requête actualisée en mars 2016 montre qu’ils sont maintenant 3 parmi les 20
premiers. Les barrières sont importantes et les deux mondes sont séparés. Les maillons de la
chaine de connexion sont à reconstituer en urgence pour donner une nouvelle dynamique au
dialogue.
Sur les réseaux sociaux, changer le paradigme sera une tâche complexe car ils sont conçus pour
présenter à leurs utilisateurs un contenu adapté et sélectionné selon des algorithmes. Ainsi un
utilisateur « normal » n’a aucune chance de découvrir un contenu qui sera fort peu relayé dans
son écosystème. Néanmoins, les réseaux sociaux sont aussi conçus avec l’objectif d’étendre le
plus possible les cercles d’influence et de réduire au maximum la théorie des poignées de mains
qui veut que tout homme sur Terre est séparé d’une autre personne par au maximum 6
contacts.Le défi ainsi proposé est de parvenir à reconquérir les timeline en offrant un
contenu correspondant à leurs attentes pour qu’ils redeviennent des lecteurs intéressés
par la campagne qui s’annonce.
Dans une communication moderne, il faut penser autrement, il faut sans cesser imaginer des
coups de billard à trois bandes. Ne jamais penser que le résultat sera immédiat et qu’il sera celui
qui est attendu. L’exemple de Donald Trump est significatif de l’impact indirect qui peut être
obtenu. Au moment de l’anniversaire des 10 ans de Twitter, Omar Akhtar, un analyste,
disait : “Je suis presque sûr que la plupart de ses supporteurs ne sont pas sur Twitter,
mais ils savent ce que dit Trump sur Twitter”, et “Le réseau a une vie au-delà de sa propre
plateforme “. Souvent les réseaux sociaux sont vus comme un univers ultra délimité dont les
règles du jeu sont pré-établies et strictes. Pourtant ils font partie d’un tout, une communication
efficace ne peut s’appréhender que globalement. Galilée a dit qu’ « on ne peut rien apprendre
aux gens. On peut seulement les aider à découvrir qu’ils possèdent déjà en eux tout ce qui est à
apprendre. » Il pourrait inspirer ceux et celles qui cherchent à réinventer la communication
traditionnelle.
En ce moment, l’offensive, en termes de communication semble avoir trouvé un
nouveau terrain de jeu sur LinkedIn avec l’arrivée de la notion d’influenceurs en
France. Les textes proposés dans Pulse, par quelques personnalités mises en avant par
la plateforme, rencontrent un succès assez significatif en termes de lectorat.
D’autres refondent leurs profils pour les rendre plus adaptés aux codes de la plateforme et
multiplient les connexions avec les salariés des entreprises qui représentent un potentiel de plus
de 10 millions de lecteurs. Ces initiatives seront à étudier, avec un peu plus de recul et de temps,
pour voir si la citadelle imprenable du monde du travail acceptera avec bienveillance cette arrivée
subite dans son écosystème. Pour être efficaces sur les réseaux sociaux, il faut veiller à générer
une interaction personnelle et à ne jamais oublier l’importance du P to P (people to people) car la
relation réciproque y est primordiale pour s’intégrer durablement et que, passé l’effet de surprise,
une présence y soit efficace.
Dans les nouvelles formes de communication numérique, la difficulté est de parvenir à passer
au-delà du premier cercle de ses lecteurs habituels, qui ne sont plus à conquérir, en sortant de sa
zone de confort pour toucher les 2eme puis 3eme cercles qui seraient susceptibles de relayer
autrement les messages et d’en démultiplier la puissance. Trouver les principaux relais (ou têtes
de nœuds) est un impératif pour faciliter cette conquête de nouveaux territoires. Réussir une
transformation digitale signifie de parvenir à franchir les obstacles plus facilement. Pour accélérer
dans cette nouvelle forme d’interactivité, il faut sans cesse analyser sa courbe d’expérience et
imaginer de nouvelles sources de connexions. Le monde est devenu interactif et la
communication participative nécessite de vérifier en quasi temps réel ce qui marche ou non.
Aujourd’hui, les réseaux sociaux sont probablement une opportunité pour se rapprocher
des citoyens et inverser les courbes d’opinion tout en se rappelant régulièrement ce que
disait Colette : « Le monde m’est nouveau à mon réveil, chaque matin »
Alban Jarry, spécialiste en stratégies numériques, communication de marques et
influence sur les réseaux sociaux
Pour accéderà l’article sur le site de La Revue Politique et Parlementaire
http://www.revuepolitique.fr/changer-paradigme-de-communication-politique/
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