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- 1. CONSEIL DE DISCIPLINE CONTRE LE DOPAGE
DĂCISION DU 30 JANVIER 2013
rendue par :
Martine SOLOVIEFF, arbitre présidente,
Dr Fernand RIES, arbitre assesseur,
Claude FEIEREISEN, arbitre assesseur,
Franz SCHERER, greffier,
dans le cadre dâune infraction aux rĂšgles antidopage poursuivie contre
Frank SCHLECK, né le 15 avril 1980, demeurant à L-5657 Mondorf-les-Bains, 4, rue
des Vignes,
1. Par une lettre datĂ©e du 31 juillet 2012, lâAgence Luxembourgeoise Antidopage
(ci-aprĂšs « lâALAD ») a saisi le Conseil de Discipline contre le Dopage (ci-
aprÚs « le Conseil de Discipline») pour connaßtre et décider de la violation
dâune rĂšgle antidopage prĂ©tendument commise par le coureur-cycliste Frank
SCHLECK en vertu de lâarticle 4.1 du Code Antidopage de lâALAD, la
substance en cause étant la Xipamide qui est une substance spécifiée au sens
de lâarticle 10 de ce mĂȘme Code.
2. La Vice-PrĂ©sidente en lâabsence du PrĂ©sident du Conseil de Discipline a
désigné deux arbitres assesseurs.
3. Par lettre recommandĂ©e du 2 aoĂ»t 2012, lâALAD et Frank SCHLECK ont Ă©tĂ©
convoqués à comparaßtre à une audience non publique du Conseil de
Discipline fixée au 29 août 2012. Copie de cette convocation a été adressée
1
- 2. pour information à la Fédération du Sport Cycliste Luxembourgeois (ci-aprÚs
« la FSCL »).
4. Ă cette date, lâALAD, comparant par Raymond MOUSTY, membre du
conseil dâadministration ainsi que Frank SCHLECK, assistĂ© de son
mandataire, Maßtre Albert RODESCH, ont été entendus en leurs moyens et
explications. Lâaffaire fut remise Ă lâaudience du 8 octobre 2012, afin de
permettre Ă Frank SCHLECK de dĂ©poser les rapports dâexpertise lui
permettant dâassurer sa dĂ©fense.
5. Par courrier du 1er octobre 2012, Me Albert RODESCH sollicita la remise de
lâaffaire, son mandant nâayant pas Ă©tĂ© en mesure de transmettre les Ă©lĂ©ments
du dossier quâil souhaitait voir discuter en vue de sa dĂ©fense.
6. LâALAD ne sâopposant pas Ă une remise, lâaffaire fut refixĂ©e au 15 octobre
2012. Par lettre recommandĂ©e du 4 octobre 2012, lâALAD et Frank
SCHLECK ont Ă©tĂ© reconvoquĂ©s Ă comparaĂźtre Ă lâaudience du Conseil de
Discipline fixée au 15 octobre 2012. Copie de cette convocation a également
Ă©tĂ© adressĂ©e pour information Ă la FSCL et Ă lâUNION CYCLISTE
INTERNATIONALE (ci-aprĂšs « lâUCI »).
7. Ă cette date, lâALAD, comparant par Raymond MOUSTY, membre du
conseil dâadministration ainsi que Frank SCHLECK, assistĂ© de ses
mandataires, MaĂźtre Albert RODESCH et MaĂźtre Patricia SONDHI, avocats Ă
la Cour, demeurant Ă Luxembourg et par MaĂźtre Antonio RIGOZZI, avocat,
demeurant à GenÚve (Suisse) ont été entendus en leurs moyens et explications.
A cette audience, les témoins Maxime MONTFORT et le Dr. Laurent RIVIER
furent entendus, chacun séparément, en leurs déclarations orales, aprÚs avoir
prĂȘtĂ© le serment prĂ©vu par la loi. LâUCI fut reprĂ©sentĂ©e par Madame
Dominique LEROUX. Lâaffaire fut remise sine die, afin de permettre Ă
lâALAD de faire procĂ©der Ă une contre-expertise.
8. Suite au dépÎt du rapport de contre-expertise dressé par le Dr. Hans GEYER
et du mĂ©moire de lâALAD en date du 29 novembre 2012, lâALAD et Frank
SCHLECK ont Ă©tĂ© convoquĂ©s Ă comparaĂźtre Ă lâaudience du Conseil de
Discipline fixée au 19 décembre 2012. Copie de cette convocation a également
Ă©tĂ© adressĂ©e pour information Ă la FSCL et Ă lâUCI.
9. A cette date, lâALAD comparant par Raymond Mousty fut entendue en ses
réquisitions.
10. Frank SCHLECK assisté de ses mandataires, Maßtre Albert RODESCH et
MaĂźtre Patricia SONDHI, avocats Ă la Cour, demeurant Ă Luxembourg et par
MaĂźtre Antonio RIGOZZI, avocat, demeurant Ă GenĂšve (Suisse) et lâUCI
comparant par Madame Dominique LEROUX ont été entendus en leurs
moyens et explications.
2
- 3. 11. Sur ce, le Conseil de Discipline a pris lâaffaire en dĂ©libĂ©rĂ© et a rendu Ă
lâaudience de ce jour, date Ă laquelle le prononcĂ© avait Ă©tĂ© fixĂ©, la prĂ©sente
DECISION
I) FAITS ET PROCEDURE
12. Frank SCHLECK a participé en tant que coureur-cycliste professionnel et
membre de lâĂ©quipe PRO Team UCI RADIOSHACK NISSAN TREK
(« RNT ») au Tour de France qui a débuté le 30 juin 2012 à LiÚge.
13. Cette course cycliste est inscrite au calendrier international de lâUCI.
14. A lâissue de la 13Ăšme Ă©tape du 14 juillet 2012, Frank SCHLECK fut soumis Ă
un contrĂŽle antidopage initiĂ© par lâUCI Ă lâarrivĂ©e au Cap dâAgde.
15. Sous la rubrique « médicaments » du formulaire de contrÎle, le coureur a
indiqué la prise de Viani disc, Ventolin et Advantan crÚme.
16. LâĂ©chantillon A portant le numĂ©ro 2684655 fut analysĂ© par le DĂ©partement des
analyses de lâAgence française de lutte contre le dopage, situĂ© Ă ChĂątenay-
Malabry, lequel est accrĂ©ditĂ© par lâAgence Mondiale Antidopage (ci-
aprĂšs « lâAMA »). Lâexamen de cet Ă©chantillon a rĂ©vĂ©lĂ© un rĂ©sultat dâanalyse
anormal en raison de la présence de Xipamide, substance assimilée aux
diurétiques repris dans la liste des substances et méthodes interdites du Code
mondial Antidopage 2012 de lâAMA dans la catĂ©gorie S5 DiurĂ©tiques et
autres Agents Masquants et considérée comme étant une substance dite
spécifiée.
17. Le rapport dâanalyse de lâĂ©chantillon A du 17 juillet 2012 a Ă©tĂ© communiquĂ©
par le DĂ©partement des analyses tant Ă lâUCI quâĂ lâAMA.
18. Par courrier du 17 juillet 2012 lâUCI a informĂ© le coureur du rĂ©sultat positif de
lâanalyse effectuĂ©e sur lâĂ©chantillon prĂ©levĂ© le 14 juillet 2012 et de son droit
de requĂ©rir lâouverture et lâanalyse de lâĂ©chantillon B.
19. Frank SCHLECK dĂ©cida dâinterrompre immĂ©diatement sa participation au
Tour de France.
20. Par courrier du 18 juillet 2012 la FSCL fut informĂ©e par lâUCI du rĂ©sultat
anormal de lâĂ©chantillon A par la prĂ©sence de Xipamide et de son droit de se
3
- 4. faire reprĂ©senter Ă lâouverture de lâĂ©chantillon B au cas oĂč le coureur en ferait
la demande.
21. Le 20 juillet 2012 Frank SCHLECK, accompagné de son avocat Me Albert
RODESCH a assistĂ© Ă la levĂ©e des scellĂ©s et Ă lâanalyse de lâĂ©chantillon B. La
contre-analyse de cet Ă©chantillon a confirmĂ© le rĂ©sultat de lâĂ©chantillon A et
donc la présence de Xipamide.
22. Par courrier du mĂȘme jour, la FSCL fut informĂ©e du rĂ©sultat dâanalyse de
lâĂ©chantillon B confirmant la prĂ©sence de la substance prohibĂ©e Xipamide et
partant une violation des articles 21.1 et 21.2 du RĂšglement antidopage de
lâUCI. (ci-aprĂšs « RAD »). Par ailleurs lâUCI a annoncĂ© quâelle demanderait
incessamment Ă la FSCL dâengager une procĂ©dure disciplinaire Ă lâencontre de
Frank SCHLECK au titre de lâarticle 234 RAD.
23. Par courrier du 25 juillet 2012 la FSCL a transmis le dossier reçu de lâUCI Ă
lâALAD, conformĂ©ment Ă lâarticle 30 Chapitre IX de ses statuts.
24. Par courrier du 31 juillet 2012 lâUCI a demandĂ© formellement Ă la FSCL
lâouverture dâune procĂ©dure disciplinaire Ă lâencontre de Frank SCHLECK en
accord avec les articles 249 Ă 348 RAD, les rĂšgles antidopage de lâUCI au titre
des articles 21.1 et 21.2 RAD ayant été violées.
25. Par une requĂȘte datĂ©e du 31 juillet 2012, lâALAD a saisi, conformĂ©ment Ă son
Code Antidopage, le Conseil de Discipline pour connaßtre et décider de la
violation dâune rĂšgle antidopage commise par le sportif.
26. Par lettre recommandée du 2 août 2012, le Conseil de discipline a convoqué le
sportif et lâALAD Ă comparaĂźtre Ă une audience non publique fixĂ©e au 29 aoĂ»t
2012 pour connaßtre et décider de la violation de la rÚgle antidopage précitée.
27. Frank SCHLECK, affilié à la FSCL, dûment convoqué a comparu devant le
Conseil de discipline assisté de son avocat Me Albert RODESCH.
28. Le Conseil de Discipline a été réguliÚrement saisi conformément aux articles
67 et 70, alinéa 1, des statuts du Comité Olympique et Sportif
Luxembourgeois. (ci-aprÚs « C.O.S.L. »).
29. La composition de la chambre du Conseil de Discipline correspond aux
dispositions de lâarticle 69 des mĂȘmes statuts.
30. La personne poursuivie et lâALAD ont Ă©tĂ© rĂ©guliĂšrement convoquĂ©es par le
Conseil de Discipline et les dĂ©lais prĂ©vus Ă lâarticle 70, alinĂ©a 2, des statuts
précités ont été respectés.
31. Il sâensuit que les rĂšgles de procĂ©dure ont Ă©tĂ© respectĂ©es.
4
- 5. II) INTERVENTION VOLONTAIRE DE lâUCI
32. Par courriers des 20 août 2012 adressé à la FSCL et 27 août 2012 adressé au
Conseil de discipline, lâUCI a demandĂ© Ă intervenir dans la procĂ©dure et Ă
exercer ses droits prévus aux articles 262 et 264 RAD. Plus particuliÚrement
elle entend donner son avis dans le cadre des poursuites exercĂ©es par lâALAD
et rĂ©clamer le cas Ă©chĂ©ant quâune sanction particuliĂšre soit imposĂ©e, ce quâelle
souhaite faire par Ă©crit tout en se rĂ©servant le droit dâĂȘtre reprĂ©sentĂ©e Ă
lâaudience en vertu de lâarticle 263 RAD.
33. A lâaudience du 15 octobre 2012, lâUCI reprĂ©sentĂ©e par Dominique Leroux a
allĂ©guĂ© quâen application de lâarticle 15.3 du Code mondial antidopage, la
gestion des rĂ©sultats et la procĂ©dure dâaudition relĂšvent de lâorganisation
antidopage ayant initiĂ© et rĂ©alisĂ© le prĂ©lĂšvement de lâĂ©chantillon et sont rĂ©gies
par les rÚgles de procédure de cette organisation. Le contrÎle a été effectué sur
initiative de lâUCI dans le cadre dâune course cycliste internationale figurant Ă
son calendrier, de sorte que la gestion des résultats lui appartient. Elle a
dĂ©lĂ©guĂ© lâengagement dâune procĂ©dure disciplinaire Ă la FSCL en application
de lâarticle 234 RAD.
34. Tant lâALAD que Frank SCHLECK ne se sont pas opposĂ©s Ă lâintervention
volontaire et Ă la participation de lâUCI Ă la procĂ©dure dâaudition devant le
Conseil de discipline.
35. En vertu de lâarticle 15.3 du Code mondial antidopage, la gestion des rĂ©sultats
et la procĂ©dure dâaudition en cas de violation des rĂšgles antidopage relĂšvent de
lâorganisation antidopage ayant initiĂ© et rĂ©alisĂ© le prĂ©lĂšvement de lâĂ©chantillon
et sont rĂ©gies par les rĂšgles de procĂ©dure de cette organisation. En lâespĂšce, la
gestion des rĂ©sultats a appartenu Ă lâUCI laquelle a initiĂ© les contrĂŽles de
dopage lors du Tour de France 2012 qui est par ailleurs une course
internationale figurant au calendrier de lâUCI.
36. LâUCI en tant que fĂ©dĂ©ration internationale compĂ©tente a le droit de relever
appel contre les décisions du Conseil de discipline et ce en application tant des
articles 71-1) et 72-1) du Code de lâALAD que 75 alinĂ©a 1 et 76 alinĂ©a 1 des
statuts du Comité Olympique et Sportif Luxembourgeois.
37. Le Conseil de discipline estime que la qualitĂ© de tiers intĂ©ressĂ© de lâUCI
justifie son intervention à la procédure.
5
- 6. III) REGLEMENT APPLICABLE
POSITION DES PARTIES
1) Arguments de lâUCI
38. Par courrier du 27 août 2012 adressé au Conseil de discipline par le Président
de lâUCI et conclusions du 12 dĂ©cembre 2012 dĂ©posĂ©es par Me Philippe
VERBIEST, lâUCI soutient que la rĂšglementation applicable au fond, est le
RĂšglement Antidopage de lâUCI et ce en application des dispositions de
lâarticle 257 RAD.
39. Frank SCHLECK est titulaire dâune licence UCI et en a donc acceptĂ© les
statuts et les rĂšglements et en particulier le RAD (article 1.1.001 RĂšglement
UCI du Sport cycliste).
40. Il a fourni lâĂ©chantillon contenant la substance interdite lors dâun contrĂŽle dans
le cadre dâune manifestation figurant au calendrier international de lâUCI et
donc sous la seule direction de cette derniĂšre. Sâagissant dâune manifestation
internationale, le contrĂŽle du dopage et les consĂ©quences qui en dĂ©coulent, Ă
savoir la violation des rÚgles antidopage, sont régis exclusivement par le RAD
(article 4 RAD).
41. Conformément au Code mondial antidopage (ci-aprÚs « CMA ») et en
particulier aux articles 15.1 et 15.3, la gestion des rĂ©sultats et lâinstruction
disciplinaire relĂšvent de lâorganisation antidopage ayant initiĂ© et rĂ©alisĂ© le
prĂ©lĂšvement de lâĂ©chantillon, donc en lâoccurrence de lâUCI. A lâissue de la
gestion des rĂ©sultats, lorsque lâUCI allĂšgue la perpĂ©tration dâune violation des
rĂšgles antidopage par un licenciĂ©, le RAD prĂ©voit que lâUCI demande Ă la
fĂ©dĂ©ration nationale du licenciĂ© dâengager une procĂ©dure disciplinaire Ă
lâencontre de ce dernier en confiant cette responsabilitĂ© Ă la fĂ©dĂ©ration
nationale du licencié en application des articles 234 et 249 RAD.
42. En lâespĂšce, lâUCI aurait par courrier du 31 juillet 2012 chargĂ© la FSCL
dâengager une poursuite disciplinaire en vertu du RAD. Le fait que la FSCL
délÚguerait ce pouvoir au Conseil de discipline en vertu de ses statuts,
nâimpliquerait pas que quant au fond il y ait lieu Ă application du Code
national de lâALAD. Si donc le licenciĂ© Ă©tait entendu et le dossier instruit par
lâinstance dâaudition compĂ©tente selon les dispositions statutaires de la
fĂ©dĂ©ration nationale, la FSCL serait responsable de sâassurer que lâinstance
6
- 7. dâaudition externe se conforme au RAD tout en tenant compte des rĂšgles
procĂ©durales de cette instance dâaudition.
2) Arguments de lâALAD
43. LâALAD allĂšgue que le CMA enjoint tant aux fĂ©dĂ©rations internationales
(article 20.3 CMA) quâaux organisations nationales antidopage (article 20.5
CMA) « dâadopter et de mettre en Ćuvre des principes et des rĂšgles
conformes au Code ». Tant le RAD que le Code de lâALAD ont Ă©tĂ© certifiĂ©s
conformes au Code de lâAMA. LâALAD estime quâil y a lieu dâappliquer son
Code national. Le Luxembourg Ă lâinstar de la Suisse et des Ătats-Unis a
centralisé le pouvoir de sanctionner les infractions en matiÚre de dopage au
sein dâun seul organe national, en lâespĂšce le Conseil de discipline, organe
interdisciplinaire entiÚrement indépendant des fédérations sportives nationales.
Ainsi la FSCL prĂ©voit Ă lâarticle 30 de ses statuts, les autres fĂ©dĂ©rations
nationales affiliées au C.O.S.L prévoyant une disposition statutaire identique,
quâelle cĂšde Ă lâALAD le pouvoir dâĂ©tablir des rĂšgles antidopage et au Conseil
de discipline contre le dopage, institué par le C.O.S.L, le pouvoir de sanction
et cela sans distinguer entre les manifestations nationales ou internationales.
44. Lâarticle 64 des statuts du C.O.S.L. institue le Conseil de discipline et lâarticle
66 lui confÚre la mission de « connaßtre des infractions aux rÚgles antidopage
telles que ces rĂšgles sont fixĂ©es au Code antidopage Ă©dictĂ© par lâALAD ».
Lâarticle 15.3 du CMA invoquĂ© par lâUCI serait neutre sur la question des
rĂšgles de fond applicables, lâarticle 7 Ă©tant relatif Ă la gestion des rĂ©sultats,
assurĂ©e par lâUCI, et lâarticle 8 formulant certaines exigences de procĂ©dure
pour la tenue des audiences, qui dâaprĂšs le RAD relĂšvent de la fĂ©dĂ©ration
nationale ou de lâorganisme par elle mandatĂ©e. A supposer que les rĂšgles de
fond soient Ă©galement visĂ©es, lâarticle 15.3 CMA nâĂ©tablirait aucune primautĂ©
des rĂšgles de la fĂ©dĂ©ration internationale par rapport Ă celles de lâorganisme
antidopage auquel le pouvoir de sanction a été délégué.
45. Par ailleurs le Code de lâALAD a Ă©tĂ© certifiĂ© conforme au CMA par lâAMA et
lâarticle 15.4 du CMA enjoint Ă tous les signataires, donc aussi Ă lâUCI, Ă
reconnaĂźtre et Ă respecter les dĂ©cisions Ă©manant de lâorgane compĂ©tent dâun
autre signataire, rendues en parfaite conformité avec le CMA. Le CMA en tant
que tel ne serait pas directement applicable à défaut de mesures nationales de
transposition quoique le Tribunal arbitral du Sport à Lausanne (ci-aprÚs « le
TAS ») ait fait application de ce Code dans lâaffaire GASQUET1.
1 CAS 2009/A/ 1926
7
- 8. 3) Arguments de Frank SCHLECK
46. Frank SCHLECK admet la compétence du Conseil de discipline et ne conteste
pas quâen tant que coureur, dĂ©tenteur dâune licence UCI, il a acceptĂ© le
rĂšglement antidopage de lâUCI applicable dans le cadre de sa participation Ă
toutes les activitĂ©s cyclistes inscrites au calendrier international de lâUCI. Il ne
sâoppose pas Ă lâapplication du RAD basĂ© sur le CMA pour autant que la
condition de la forme Ă©crite de lâacceptation de la suspension provisoire,
prĂ©vue par le RAD et non par le Code de lâALAD, ne lui soit pas opposable.
APPRECIATION DU CONSEIL DE DISCIPLINE CONTRE
LE DOPAGE
47. Les statuts de la FSCL disposent en son article 30 alinéa 1er que :
« La FĂ©dĂ©ration, sans prĂ©judice des obligations rĂ©sultant de son affiliation Ă
la FĂ©dĂ©ration internationale rĂ©gissant son sport, proscrit lâutilisation par les
sportifs et lâadministration aux sportifs de substances ou de mĂ©thodes de
dopage.
En matiÚre de lutte contre le dopage, la Fédération se soumet avec toutes ses
sociĂ©tĂ©s membres et tous ses licenciĂ©s Ă lâautoritĂ© de lâAgence
Luxembourgeoise Antidopage. Elle reconnaĂźt Ă cet organisme âŠ..le droit de
diriger les poursuites devant le Conseil de Discipline contre le Dopage chargé
de prononcer, sâil y a lieu, les sanctions, pour autant que lâinstance se dĂ©roule
Ă Luxembourg, y compris le droit de faire appel contre un jugement de
premiĂšre instance.
La Fédération cÚde au Conseil de Discipline contre le Dopage, institué à cet
effet par le C.O.S.L., le pouvoir de connaĂźtre des infractions aux rĂšgles de la
lutte antidopage dont question Ă lâalinĂ©a qui prĂ©cĂšde, sous rĂ©serve des
attributions du Tribunal Arbitral pour le Sport du Comité Olympique
International pour les sportifs et manifestations internationales qui relĂšvent de
sa juridiction. »
48. La FSCL accepte donc lâALAD en tant quâautoritĂ© de poursuite en matiĂšre de
dopage et reconnaĂźt au Conseil de Discipline du C.O.S.L. le pouvoir
décisionnel quant aux infractions aux rÚgles antidopage et cela sous réserve de
ses obligations résultant de son affiliation à une fédération internationale en
lâespĂšce lâUCI.
8
- 9. 49. Lâarticle 1er des Statuts de lâUCI confĂšre Ă celle-ci le rĂŽle dââassociation des
fĂ©dĂ©rations nationales du cyclismeâ. Lâarticle 6 des Statuts prĂ©citĂ©s dispose en
son alinĂ©a 1er que « Les fĂ©dĂ©rations sâengagent, du fait de leur affiliation, Ă se
conformer aux statuts et rĂšglements de lâUCI ainsi quâĂ toute dĂ©cision prise
conformĂ©ment Ă ceux-ci. De mĂȘme, elles sâengagent Ă faire respecter les
statuts, rĂšglements et dĂ©cisions de lâUCI par toute personne concernĂ©e. »
LâalinĂ©a 6 dispose que « Les statuts et rĂšglements de fĂ©dĂ©rations ne peuvent
aller Ă lâencontre de ceux de lâUCI. En cas de divergence, seuls les statuts et
les rĂšglements de lâUCI seront appliquĂ©s. Les statuts et les rĂšglements doivent
contenir la clause expresse quâen cas de conflit avec les statuts et rĂšglements
de lâUCI, seuls ces derniers seront appliquĂ©s. »
50. En outre, tous les athlÚtes licenciés au sein des fédérations membres de l'UCI
sont soumis au RĂšglement UCI du Sport Cycliste. En effet, toute personne
prenant une licence de l'UCI s'engage de ce fait Ă participer aux manifestations
cyclistes en respectant les statuts et rĂšglements de l'UCI (article 1.1.004
RĂšglement UCI du sport cycliste). La participation Ă une Ă©preuve cycliste, Ă
quel titre que ce soit, vaut acceptation de toutes les dispositions réglementaires
qui y trouvent application (article 5 des Dispositions Préliminaires du
RĂšglement UCI du sport cycliste). Ainsi tout licenciĂ© s'engage en particulier Ă
se soumettre aux contrĂŽles antidopage et accepte, en matiĂšre de dopage, la
compétence du TAS comme derniÚre instance. Selon le RÚglement UCI du
Sport Cycliste, âla licence est une piĂšce d'identitĂ© qui confirme l'engagement
de son titulaire Ă respecter les statuts et rĂšglements et qui l'autorise Ă
participer aux Ă©vĂšnements cyclistesâ (article 1.1.001). En particulier, ânul ne
peut participer à une manifestation cycliste organisée ou contrÎlée par l'UCI,
les confédérations continentales de l'UCI, les fédérations membres de l'UCI
ou leurs affiliĂ©es, s'il n'est pas titulaire de la licence requiseâ (article 1.1.002
al. 1).
51. Au moment des faits, Frank SCHLECK était un athlÚte licencié au sein de sa
fĂ©dĂ©ration nationale, la FSCL, laquelle est elle-mĂȘme membre de l'UCI.
LâĂ©preuve cycliste Ă laquelle il a participĂ©, le âTour de Franceâ, Ă©tait organisĂ©e
et contrÎlée par l'UCI. Il était titulaire d'une licence UCI, ce qui lui a permis de
participer à une telle compétition. La licence UCI No 3386 délivrée le 1er
janvier 2012 par la FSCL en application des articles 1.1.011 et suivants du
RÚglement UCI, dispose que « Le titulaire adhÚre à la charte du fair-play et
de lâĂ©thique du sport cycliste et se soumet aux rĂšglements de lâUCI et des
fédérations nationales. Il accepte les contrÎles anti-dopage et les tests
sanguins qui y sont prévus ainsi que la compétence exclusive du TAS. »
52. Le contenu de la licence signée par Frank SCHLECK va dans le sens de
l'article 1.1.004 du RĂšglement UCI du Sport Cycliste qui dispose que âToute
personne demandant une licence sâengage de ce fait Ă respecter les statuts et
les rĂšglements de lâUCI, des confĂ©dĂ©rations continentales de lâUCI et des
fĂ©dĂ©rations membres de lâUCI et Ă participer aux manifestations cyclistes
9
- 10. dâune maniĂšre sportive et loyale. Elle sâengage notamment Ă respecter les
obligations visĂ©es Ă lâarticle 1.1.023.
DÚs la demande de licence et pour autant que la licence est délivrée, le
demandeur est responsable des infractions aux rĂšglements quâil commet et
soumis Ă la juridiction des instances disciplinaires.
Tout licencié reste soumis à la juridiction des instances disciplinaires
compĂ©tentes pour les faits commis alors quâil Ă©tait demandeur ou titulaire
dâune licence, mĂȘme si la procĂ©dure est engagĂ©e ou se poursuit aprĂšs le
moment oĂč lâintĂ©ressĂ© nâa plus de licenceâ.
53. L'article 1.1.023 du mĂȘme RĂšglement UCI auquel il est fait rĂ©fĂ©rence, prĂ©voit
que le formulaire-type de demande dâune licence UCI dispose au verso que :
â(...) 2. Je mâengage Ă respecter les statuts et rĂšglements de lâUnion Cycliste
Internationale, de ses confédérations continentales et de ses fédérations
nationales.
Je déclare avoir lu ou avoir eu la possibilité de prendre connaissance de ces
statuts et rĂšglements.
Je participerai aux compĂ©titions ou manifestations cyclistes dâune maniĂšre
sportive et loyale.
Je me soumettrai aux sanctions prononcées à mon égard et porterai les appels
et litiges devant les instances prĂ©vues aux rĂšglements. Jâaccepte le Tribunal
Arbitral du Sport (TAS) comme seule instance dâappel compĂ©tente dans les
cas et suivant les modalités prévues par les rÚglements.
Jâaccepte que le TAS se prononce en derniĂšre instance et que ses dĂ©cisions
seront définitives et sans appel. Sous ces réserves, je soumettrai tout litige
Ă©ventuel avec lâUCI exclusivement aux tribunaux du siĂšge de lâUCI.
Jâaccepte de me soumettre Ă et ĂȘtre liĂ© par le rĂšglement antidopage de lâUCI,
les clauses du Code Mondial Antidopage et ses Standards internationaux
auxquels le rĂšglement antidopage de lâUCI fait rĂ©fĂ©rence ainsi que les
rÚglements antidopage des autres instances compétentes suivant les
rĂšglements de lâUCI et le Code Mondial Antidopage, pour autant quâils soient
conformes Ă ce Codeâ.
54. Par ailleurs lâarticle 1er du Chapitre 1) intitulĂ© « Champ dâapplication » du
RAD stipule que les rĂšgles antidopage du RAD sâappliquent Ă tous les
licenciés.
55. Il convient de rappeler que c'est sur délégation de l'UCI et sous son contrÎle
que la fĂ©dĂ©ration nationale gĂšre la procĂ©dure de premiĂšre instance. Câest ainsi
10
- 11. que dans son courrier du 31 juillet 2012, lâUCI a invitĂ© la FSCL en application
de lâarticle 234 RAD Ă engager une procĂ©dure disciplinaire Ă lâencontre de
Frank SCHLECK. La FSCL ayant cĂ©dĂ© en vertu de lâarticle 30 alinĂ©a 2 de ses
statuts, le pouvoir Ă lâALAD de diriger les poursuites devant le Conseil de
Discipline du chef des infractions aux rĂšgles de la lutte antidopage, cette
autoritĂ© de poursuite a saisi par une requĂȘte datĂ©e du 24 juillet 2012, le Conseil
de Discipline pour connaĂźtre et dĂ©cider de la violation dâune rĂšgle antidopage
commise par le sportif.
56. Le Conseil de discipline applique certes ses propres rÚgles de procédure (droit
formel), mais, quant au fond (droit matériel), seul le RAD est applicable. En
effet lâarticle 257 RAD dispose que :
âLâinstance dâaudition traite le cas en vertu des prĂ©sentes rĂšgles antidopage
[celles du RAD], Ă lâexclusion de toutes autres rĂšgles. Lorsque les fĂ©dĂ©rations
nationales confient des dossiers Ă une instance dâaudition externe, celle-ci
sâengage Ă appliquer les prĂ©sentes rĂšgles antidopage en acceptant de
connaĂźtre de lâaffaire. Il incombe aux fĂ©dĂ©rations nationales de veiller Ă ce
que les instances dâaudition externes se conforment aux prĂ©sentes rĂšgles
antidopageâ.
Lâarticle 258 RAD dâajouter :
âLa procĂ©dure devant lâinstance dâaudition se dĂ©roule conformĂ©ment aux
rĂšgles de procĂ©dure de cette instance dâaudition, tout en tenant compte des
articles ci-aprĂšs â.
57. La réglementation édictée par l'UCI et en particulier les dispositions du RAD
doivent donc trouver Ă sâappliquer dans le cadre des poursuites exercĂ©es par
lâALAD Ă lâencontre de Frank SCHLECK, lequel s'y est volontairement
soumis par l'acceptation et l'utilisation de sa licence internationale, application
que ce dernier ne conteste dâailleurs pas. Cela se justifie par ailleurs par le fait
que le Tour de France est une manifestation internationale figurant au
calendrier de lâUCI et que le contrĂŽle antidopage a Ă©tĂ© effectuĂ© sous sa seule
direction.
58. Il est Ă relever que les dispositions du RAD de lâUCI sont similaires au Code
antidopage de lâALAD alors quâelles reprennent fidĂšlement celles Ă©dictĂ©es par
l'AMA dans le CMA.
11
- 12. IV) QUANT AU FOND
A: Violation de lâarticle 21.1 RAD par la prĂ©sence de
Xipamide, substance spécifiée.
59. Il est reprochĂ© Ă Frank SCHLECK affiliĂ© Ă la FLSC dâavoir enfreint la
disposition aux termes de laquelle la simple « prĂ©sence dâune substance
interdite ou de ses métabolites ou marqueurs dans un échantillon fourni par le
coureur, constitue une violation des rĂšgles antidopage », disposition reprise Ă
lâarticle 21.1 RAD qui correspond Ă lâarticle 2.1 CMA.
60. Frank SCHLECK ne conteste pas la matérialité des faits qui lui sont
reprochĂ©s Ă savoir la prĂ©sence de Xipamide dans son corps lors dâun contrĂŽle
antidopage réalisé le 14 juillet 2012. Il ne conteste pas non plus le déroulement
du contrÎle de dopage, la validité des analyses des échantillons et donc la
régularité du contrÎle et de la procédure subséquente et notamment la gestion
des rĂ©sultats par lâUCI. La violation des rĂšgles antidopage au sens de lâarticle
21.1 RAD est reconnue.
61. Lâarticle 21.1.1.1 RAD prĂ©cise en particulier qu'il incombe Ă chaque coureur
de sâassurer quâaucune substance interdite ne pĂ©nĂštre dans son organisme. Les
coureurs sont responsables de toute substance interdite ou de ses métabolites
ou marqueurs dont la présence est décelée dans leurs échantillons. Par
consĂ©quent, il nâest pas nĂ©cessaire de rapporter la preuve de lâintention, de la
faute, de la nĂ©gligence ou de lâusage conscient de la part du coureur pour
Ă©tablir une violation des rĂšgles antidopage en vertu de lâarticle 21.1 RAD.
62. Dans la rubrique « Avertissement » du mĂȘme article, il est prĂ©cisĂ© que « les
coureurs doivent sâabstenir dâutiliser toute substance, denrĂ©e alimentaire ou
boisson dont ils ignorent la composition. Il convient de souligner que la
composition indiquĂ©e sur un produit nâest pas toujours exhaustive. Le produit
peut contenir des substances interdites ne figurant pas dans la composition. »
63. Lâarticle 21.1.1.2 RAD prĂ©cise que la preuve dâune violation des rĂšgles
antidopage au sens de lâarticle 21.1 RAD est suffisamment Ă©tablie par la
prĂ©sence dâune substance interdite ou de ses mĂ©tabolites ou marqueurs dans
l'Ă©chantillon A dâun coureur et, en cas d'analyse de l'Ă©chantillon B, par le fait
que cette derniÚre confirme la présence de la substance interdite ou de ses
métabolites ou marqueurs décelés dans l'échantillon A du coureur.
64. Cette disposition consacre le principe de la responsabilité dite « objective » ou
« strict liability » selon lequel la seule prĂ©sence dâune substance interdite dans
le prĂ©lĂšvement corporel dâun coureur cycliste suffit Ă Ă©tablir la violation des
12
- 13. rÚgles antidopage. Ce principe a été confirmé par la jurisprudence constante du
Tribunal Arbitral du Sport.2
65. En lâespĂšce, les analyses des Ă©chantillons A et B rĂ©alisĂ©es dans le cadre du
contrÎle antidopage du 14 juillet 2012 ont révélé la présence de Xipamide qui
est une substance interdite, au sens de la "liste des interdictions 2012" du
CMA laquelle fait partie intégrante du RAD en vertu de son article 29.
66. La Xipamide est incluse dans la classe "S5. Diurétiques et autres agents
masquants" de la "liste des interdictions 2012" et doit dĂšs lors ĂȘtre qualifiĂ©e de
substance spécifiée.
67. La prĂ©sence dâune substance interdite en lâespĂšce de la Xipamide dans un
Ă©chantillon fourni par un coureur constitue donc un cas de violation des rĂšgles
antidopage (article 21.1 RAD).
68. En vertu de lâarticle 293 RAD, une telle violation est sanctionnĂ©e par une
pĂ©riode de suspension de 2 ans lorsquâil sâagit comme en lâespĂšce dâune
premiĂšre violation des rĂšgles antidopage, Ă moins que les conditions
permettant dâĂ©liminer ou de rĂ©duire la pĂ©riode de suspension telles que
stipulées aux articles 295 à 304 RAD soient remplies.
69. Lâinfraction Ă lâarticle 21.1 RAD est donc Ă©tablie et Frank SCHLECK doit
encourir la sanction de la suspension pour une durée de deux (2) ans.
B: Elimination ou Réduction de la période de suspension
pour des substances spĂ©cifiĂ©es en vertu de lâarticle 295
RAD.
POSITION DES PARTIES
1) Arguments de Frank SCHLECK
70. Frank SCHLECK invoque le bénéfice de l'article 295 RAD figurant au
chapitre "Elimination ou réduction de la période de suspension pour des
substances spécifiées en vertu de circonstances particuliÚres » et qui dispose
que :
2 cf. notamment CAS 2002/A/483 Demetis/FINA ; CAS 2003/A/484 Vencill c/USADA ; CAS 2004/A/690
Hipperdinger c/ATP ; CAS 2005/A/830 Squizzato c/ FINA ; CAS 2005/A/922, 923, 926 UCI &WADA c/ Hondo &
Swiss Olympic ;
13
- 14. «Lorsqu'un coureur ou un personnel dâencadrement du coureur peut Ă©tablir
comment une substance spécifiée a pénétré dans son organisme ou est arrivée
en sa possession et que ladite substance spĂ©cifiĂ©e n'Ă©tait pas destinĂ©e Ă
amĂ©liorer les performances sportives du coureur ou Ă masquer lâusage dâune
substance améliorant les performances, la période de suspension pour une
premiĂšre violation stipulĂ©e Ă lâarticle 293 sera remplacĂ©e par la suivante:
au minimum, une réprimande et aucune période de suspension de
manifestations futures, et au maximum, deux ans de suspension.
Pour justifier toute élimination ou réduction, le licencié doit produire des
preuves corroborantes, outre sa parole, qui démontrent à la pleine satisfaction
de lâinstance dâaudition lâabsence dâintention dâamĂ©liorer les performances
sportives ou de masquer lâusage dâune substance amĂ©liorant les
performances. Le degré de faute du licencié est le critÚre pris en compte pour
évaluer toute réduction de la période de suspension."
71. Il soutient quâil nâa pas intentionnellement pris de Xipamide. En effet, il
serait scientifiquement incontestable quâil sâagit dâune substance qui ne
permet pas de masquer efficacement des substances améliorant la
performance compte tenu de lâefficacitĂ© actuelle des techniques de dĂ©tection
des laboratoires accrĂ©ditĂ©s par lâAMA. La Xipamide et dâailleurs la prise de
diurétiques pour masquer un produit dopant serait obsolÚte.
72. A lâappui de ses affirmations Frank SCHLECK verse un rapport dâexpertise
du Dr Laurent RIVIER dressé en date du 10 septembre 2012 lequel confirme
que la Xipamide est un diurĂ©tique moins efficace que dâautres comme par
exemple le furosémide lequel aurait un effet diurétique plus puissant.
73. Le contrĂŽle antidopage du 14 juillet 2012 nâaurait rĂ©vĂ©lĂ© aucune autre
substance interdite comme par exemple la prĂ©sence dâEPO qui constitue selon
les experts le produit qui par son influence sur le nombre de globules rouges
constitue le dopage le plus efficace dans les sports dâendurance. En effet lors
dâun contrĂŽle sanguin effectuĂ© le lendemain du contrĂŽle urinaire positif Ă la
Xipamide, le taux dâhĂ©moglobine constatĂ© Ă©tait de 13,3 g/% et celui de
lâhĂ©matocrite de 40%. De telles valeurs seraient plutĂŽt basses et loin de celles
que lâon constaterait sur un coureur utilisant de lâEPO. Lâexpert Paul SCOTT
dans son rapport du 8 octobre 2012 aurait conclu que lâensemble des donnĂ©es
sanguines récoltées dans le cadre du « passeport biologique » de Frank
SCHLECK, ne montrent que des variations tout Ă fait normales et donc
lâabsence de toute anomalie pouvant le cas Ă©chĂ©ant indiquer lâusage dâEPO.
Lâexpert conclut Ă©galement que le profil sanguin serait normal et que le
dossier ne contiendrait aucune indication laissant penser que Frank SCHLECK
ait eu recours à une méthode interdite comme par exemple une transfusion
sanguine.
74. De mĂȘme, lâanalyse capillaire effectuĂ©e par le Dr Pascal KINTZ en date du 24
juillet 2012 aurait rĂ©vĂ©lĂ© des concentrations de DHEA et de testostĂ©rone tout Ă
14
- 15. fait normales ainsi que lâabsence de toute trace dâanabolisant stĂ©roĂŻdien
permettant de conclure que Frank SCHLECK nâaurait pas consommĂ© de tels
produits depuis la mi-janvier 2012.
75. Le témoin Maxime Montfort avec lequel Frank SCHLECK a partagé la quasi-
totalitĂ© de son temps pendant le Tour de France, a par ailleurs dĂ©clarĂ© nâavoir
jamais remarqué un élément suspect dans le comportement de son co-équipier
ni lâusage dâune substance interdite ni celle dâune mĂ©thode interdite comme
par exemple une transfusion sanguine. Il serait persuadé que Frank SCHLECK
nâaurait pas trichĂ© et ce tant en raison de lâatmosphĂšre dĂ©tendue qui rĂ©gnait
dans leur chambre que par le fait que son co-équipier était trÚs fatigué et avait
pris conscience quâil nâallait pas faire de bons rĂ©sultats cette annĂ©e.
76. Frank SCHLECK avance que la Xipamide nâest pas une substance dopante, se
basant sur le rapport dâexpertise du Dr Laurent RIVIER pour Ă©tablir quâil
sâagit dâun diurĂ©tique permettant potentiellement dâexcrĂ©ter une quantitĂ©
importante dâeau et dâĂ©lectrolytes dans un laps de temps de quelques heures,
son usage lors dâune course cycliste Ă Ă©tapes Ă©tant dangereux pour la santĂ© du
coureur. En effet, de tels risques seraient particuliĂšrement accentuĂ©s sâagissant
dâune course aussi exigeante que le Tour de France qui se dĂ©roule en plein
mois de juillet au cours de laquelle le besoin dâhydratation est essentiel. Cette
substance serait un moyen permettant de réduire rapidement le poids corporel
dans les sports dans lesquels la compétition est organisée par catégories de
poids comme par exemple en boxe, lutte, et haltérophilie et donc néfaste du
point de vue de la performance. La Xipamide ne serait donc pas une substance
prise volontairement, le sport cycliste nâĂ©tant pas un sport dans le cadre duquel
il existe des catégories de poids et donc des pesées avant lesquelles les
coureurs auraient intĂ©rĂȘt Ă rĂ©duire artificiellement leur poids afin dâobtenir un
avantage compĂ©titif dâĂȘtre admis dans une catĂ©gorie de poids infĂ©rieure. Frank
SCHLECK nâaurait dâailleurs jamais eu de problĂšme de poids.
77. Au regard de ces conclusions, la Xipamide ne se prĂȘtant pas en tant que
substance ni dopante ni masquante, une prise intentionnelle est exclue et Frank
SCHLECK conclut quâil est partant Ă©tabli que la substance ne peut ĂȘtre entrĂ©e
dans son organisme que par contamination involontaire. Il serait dâaccord Ă
se soumettre à une analyse polygraphique (détecteur de mensonges). Il
considĂšre que la contamination serait due Ă lâutilisation dâun complĂ©ment
alimentaire contaminé.
78. Frank SCHLECK déclare avoir pris pendant les 2 premiÚres semaines du Tour
de France les compléments alimentaires suivants :
- SIS Go Gel Isotonic Energy ;
- SIS Go Gel Plus Nitrates ;
- SIS Go Gel Plus Caffeine ;
- AM Sport L-Carnitine 2000mg ;
- Alpha-LiponsÀure ;
15
- 16. - First Endurance Ultragen RS-Recovery ;
- AM Sport AminosaĂŒren Pulver ;
- First Endurance Optygen ;
- Deba Pharma Mineral Complex ;
- Sportpharm Bar.
79. Ces compléments alimentaires auraient tous été choisis et fournis par les
soigneurs respectivement le mĂ©decin de lâĂ©quipe RNT et auraient Ă©tĂ© les
mĂȘmes pour tous les coureurs de lâĂ©quipe. Leurs fournisseurs changeraient
tous les ans et seraient en mĂȘme temps leurs sponsors. Il nâaurait pas pris
dâautres complĂ©ments que ceux fournis par lâĂ©quipe.
80. Il verse Ă lâappui un rapport dâexpertise du Dr Pascal KINTZ du 10 octobre
2012 qui a pris soin de procĂ©der Ă lâanalyse des 10 complĂ©ments
alimentaires ci-avant mentionnĂ©s dont le rĂ©sultat sâavĂ©ra cependant nĂ©gatif
quant à la présence de Xipamide. Me Antonio RIGOZZI, défendant les
intĂ©rĂȘts de Frank SCHLECK a prĂ©cisĂ© que les Ă©chantillons de complĂ©ments
fournis par lâĂ©quipe RNT en vue de leur analyse par le Dr Pascal KINTZ ne
sont certes plus du mĂȘme lot que ceux consommĂ©s durant le Tour de France
en raison du fait quâils ont eu lâidĂ©e de faire procĂ©der Ă cette expertise que
début septembre donc presque 2 mois aprÚs le contrÎle de dopage.
81. Par ailleurs le Dr Pascal KINTZ a procĂ©dĂ© Ă lâanalyse du mĂ©dicament
Nexium et de la crÚme EMLA, produits utilisés par le coureur sur indication
des mĂ©decins de lâĂ©quipe.
82. Cette analyse se révéla également négative à la Xipamide.
83. Lâexpert Tomas MARTIN-JIMENEZ a Ă©galement conclu dans son rapport
dâexpertise que la quantitĂ© minime de 100 pg/mL mesurĂ©e est plutĂŽt
compatible avec la thĂšse de la consommation dâun produit contaminĂ© ingĂ©rĂ©
par lâathlĂšte dans les 96 heures avant le contrĂŽle de dopage quâavec celle
dâune administration Ă des fins thĂ©rapeutiques ou dopantes.
84. En ce qui concerne la premiĂšre condition de lâarticle 295 RAD, consistant Ă
établir de quelle façon la substance est entrée dans son corps, Frank
SCHLECK relĂšve que la preuve directe de lâorigine de la prĂ©sence du
diurĂ©tique dans son corps ne serait matĂ©riellement plus possible et quâil y
aurait lieu de tenir compte de cette situation de « Beweisnotstand » ( état de
nécessité en matiÚre de preuve ) dans laquelle il se trouve actuellement, les
compléments alimentaires contaminés ayant été consommés. Le TAS dans
le cadre de la sentence CONTADOR aurait admis ce principe. MĂȘme si
Frank SCHLECK nâest pas en mesure dâĂ©tablir quel complĂ©ment prĂ©cis Ă©tait
contaminé, il soutient que le scénario du complément contaminé sur base du
« Beweisnotstand » est le plus probable.
85. Les thĂšses alternatives avancĂ©es par lâALAD Ă savoir celle de lâaliment ou
16
- 17. de la boisson contaminée prise hors course ou en course ne seraient pas plus
probables que celle du complément contaminé. La thÚse du bidon tendu par
un coéquipier, par un autre coureur ou encore un spectateur serait à écarter,
alors que Frank SCHLECK ne prend pas dâautre bidon que ceux de son
Ă©quipe et si jamais il saisit une bouteille dâeau tendue par un spectateur, cela
nâest que dans le seul but de pouvoir sâasperger pour Ă©viter de gaspiller le
contenu de son propre bidon. La thĂšse du sabotage serait entiĂšrement exclue.
86. Il conclut au regard des dispositions de lâarticle 22 RAD relatif Ă la charge
de la preuve tel quâinterprĂ©tĂ© par la jurisprudence CONTADOR du TAS que
la source de contamination est établie par une prépondérance des
probabilitĂ©s et rĂ©sulte dans la consommation dâun complĂ©ment alimentaire
contaminĂ©, les thĂšses avancĂ©es par lâALAD Ă©tant moins probables.
87. En ce qui concerne la 2Ăšme condition de lâarticle 295 RAD Ă savoir
lâabsence dâintention dâamĂ©liorer la performance ou de masquer lâusage
dâune substance permettant dâamĂ©liorer la performance, elle serait Ă Ă©tablir
avec un degré de preuve supérieur à savoir à la pleine satisfaction de
lâinstance dâaudition et rĂ©sulterait en particulier de lâinefficacitĂ© de la
substance pour améliorer les performances respectivement masquer un
produit améliorant la performance au vu de sa concentration minimale,
lâabsence de preuve de la prĂ©sence dâun produit amĂ©liorant la performance
et lâabsence totale dâun quelconque Ă©lĂ©ment permettant de suspecter une
stratégie de dopage plus élaborée.
88. Frank SCHLECK estime que conformément aux sentences OLIVEIRA 3 et
KOLOBNEV4 rendues par le TAS, lâapprĂ©ciation de lâintention dâamĂ©liorer
la performance ou de masquer lâusage dâune substance permettant
dâamĂ©liorer la performance doit sâapprĂ©cier par rapport Ă la substance
spécifiée prohibée et non pas par rapport au produit contenant cette
substance. Selon cette jurisprudence bien Ă©tablie et quasi unanime, il est
Ă©vident quâen lâespĂšce la Xipamide nâa pas Ă©tĂ© prise avec lâintention
dâaugmenter les performances ou de masquer dâautres substances, Frank
SCHLECK ne sachant pas quâun des complĂ©ments Ă©tait contaminĂ©.
Contrairement aux conclusions de lâUCI le fait dâignorer quâune substance
spécifiée est contenue dans un complément alimentaire contaminé ne serait
pas moins sanctionnĂ© que la consommation volontaire de cette mĂȘme
substance, alors que câest le degrĂ© de faute qui est pris en considĂ©ration aux
fins dâapprĂ©cier la rĂ©duction de la durĂ©e de la sanction.
89. Les conditions de lâarticle 295 RAD Ă©tant Ă©tablies, le degrĂ© de la faute est le
critÚre à prendre en compte pour déterminer la durée de la suspension et cela
en adéquation avec le principe fondamental applicable qui est celui de la
proportionnalité des peines. Par ailleurs en cas de contamination de
3 CAS 2010/A/2107
4 CAS 2011/A/2645
17
- 18. complĂ©ments alimentaires la faute de lâathlĂšte devrait ĂȘtre considĂ©rĂ©e
comme bénigne et il convient de se fonder sur les précautions prises en
tenant compte de toutes les circonstances de lâespĂšce pour voir si lâathlĂšte
nâa pas pris de risques inconsidĂ©rĂ©s.
90. Frank SCHLECK aurait pris lâhabitude de vĂ©rifier personnellement les
Ă©tiquettes et les notices dâemballage de chaque produit quâil prend. Il aurait
uniquement fait usage de compléments alimentaires fournis par son équipe
et soigneusement sélectionnés et contrÎlés, ce qui serait confirmé par le Dr
GĂSELE-KOPPENBURG. Il nâaurait pas pu prendre dâautres mesures de
prĂ©caution sauf Ă sâabstenir de prendre un quelconque complĂ©ment
alimentaire sans avoir au préalable fait procéder personnellement à une
analyse, ce que le TAS aurait considéré comme parfaitement déraisonnable
dans bon nombre de dĂ©cisions. En lâespĂšce, le fait de procĂ©der Ă une analyse
des complĂ©ments avant lâusage Ă©tait sans intĂ©rĂȘt eu Ă©gard Ă la contamination
isolée. Le fait de ne pas mentionner les compléments alimentaires
consommés sur le formulaire du contrÎle antidopage serait certes une
nĂ©gligence, mais dĂ©montrerait lâentiĂšre confiance de Frank SCHLECK aux
mĂ©decins de lâĂ©quipe en ce qui concerne le choix de ces complĂ©ments.
91. Frank SCHLECK nâaurait pas dâantĂ©cĂ©dents, son passeport biologique
analysĂ© par le Dr SCOTT nâaurait rĂ©vĂ©lĂ© aucune anomalie et il prendrait au
sérieux toutes les obligations qui lui incombent en matiÚre de lutte contre le
dopage. En application du principe de proportionnalitĂ©, la sanction Ă
prononcer serait une simple réprimande.
92. Frank SCHLECK aurait déjà purgé une suspension volontaire en se retirant
du Tour de France et en sâabstenant de participer Ă une quelconque
compĂ©tition. Si le Conseil de discipline devait conclure Ă la condamnation Ă
une suspension, le point de dĂ©part devrait courir nonobstant lâarticle 319
RAD Ă compter de son abandon Ă la demande de lâUCI en date du 17 juillet
2012 et ce en application de lâarticle 316 RAD, alors quâil a directement
avouĂ© la violation des rĂšgles antidopage. Par ailleurs il y aurait lieu Ă
application de lâarticle 315 RAD alors que le retard de la procĂ©dure serait dĂ»
Ă lâALAD. Si le CDD ne devait pas appliquer les articles 315 et 316 RAD,
la période de suspension devrait courir au plus tard à compter du 4 octobre
2012 date à laquelle Frank SCHLECK a accepté la suspension provisoire au
sens de lâarticle 319 RAD.
93. Il nây aurait pas lieu de prononcer lâannulation des rĂ©sultats et certainement
pas ceux de lâĂ©quipe, alors que le classement de lâĂ©quipe nâĂ©tait pas basĂ© sur
les résultats de Frank SCHLECK mais sur ceux des trois meilleurs membres
de lâĂ©quipe.
94. En ce qui concerne lâamende de 1.260.000 euros rĂ©clamĂ©e par lâUCI comme
correspondante Ă 70% de ce que lâUCI considĂšre comme revenu annuel brut
de Frank SCHLECK, le mandataire a demandĂ© Ă lâaudience du 19 dĂ©cembre
18
- 19. 2012 la disjonction des débats en attendant la décision au fond.
Subsidiairement il conclut que lâamende rĂ©clamĂ©e ne serait obligatoire quâen
cas de condamnation Ă une suspension de 2 ans ou plus en application de
lâarticle 326 RAD. Par ailleurs il conteste la validitĂ© de cette amende eu
égard à son caractÚre indéterminable, sa validité de principe pour les cas
concernant une substance spécifiée et en particulier une contamination
involontaire, sa lĂ©galitĂ© par rapport Ă lâarticle 6 de la Convention
europĂ©enne des droits de lâhomme, une amende devant rĂ©pondre aux critĂšres
stricts dâune amende pĂ©nale et finalement sa proportionnalitĂ© compte tenu
des circonstances et notamment du degré de la gravité du comportement
répréhensible et de la situation financiÚre personnelle de Frank SCHLECK.
95. Finalement, Frank SCHLECK dans un esprit coopĂ©ratif, ne sâoppose pas Ă la
requĂȘte de lâUCI quant aux frais rĂ©clamĂ©s.
2) Arguments de lâALAD
96. LâALAD conclut Ă lâapplication de lâarticle 10.4 CMA correspondant Ă
lâarticle 58.3 du Code de lâALAD respectivement 295 RAD dans sa teneur
actuelle indĂ©pendamment dâun projet de rĂ©vision de ce Code prĂ©vu pour
2015.
97. Quant à la présence de Xipamide dans les échantillons A et B prélevés le 14
juillet 2012, lâALAD conclut que lâhypothĂšse dâune prise intentionnelle et
donc le recours volontaire Ă cette substance doit ĂȘtre Ă©cartĂ©e en application
de la prĂ©pondĂ©rance des probabilitĂ©s. Le rapport dâexpertise du Dr Hans
GEYER de Cologne du 14 novembre 2012 conclut en effet quâau regard de
la trĂšs faible concentration de la substance trouvĂ©e en lâespĂšce 100pg/ml, le
scĂ©nario dâune prise volontaire aux fins de masquer un autre produit ou
méthode interdite est moins probable que la thÚse de la contamination et ce
notamment en raison de lâabsence de tout autre Ă©lĂ©ment du dossier.
98. Frank SCHLECK aurait rĂ©ussi Ă Ă©tablir la voie gĂ©nĂ©rale dâentrĂ©e dans le
corps de la substance interdite sans cependant rapporter la preuve dâun fait
matĂ©riel prĂ©cis. La preuve du cheminement concret nĂ©cessiterait dâĂ©tablir le
produit exact ayant contenu la substance prohibée ainsi que les
circonstances entourant lâentrĂ©e de ce produit dans le corps. En application
de la jurisprudence du TAS 5 lâathlĂšte devrait prouver les circonstances
factuelles de lâingestion, une simple hypothĂšse allĂ©guĂ©e ou une spĂ©culation
Ă©tant insuffisante et ce dâautant plus que la rĂ©duction de la durĂ©e de la
suspension devrait ĂȘtre apprĂ©ciĂ©e en fonction de la gravitĂ© de la faute
commise dont lâapprĂ©ciation se rĂ©vĂ©lerait en fait impossible lorsque les
5 Penalber 2009/A/1954, Walilko 2010/A/2268 et La Barbera 2010/A/2277
19
- 20. circonstances de lâingestion sont obscures ou spĂ©culatives.
99. Quant au « Beweisnotstand », sâil se confond avec la thĂ©orie de la
prĂ©pondĂ©rance des probabilitĂ©s pour admettre un acheminement plutĂŽt quâun
autre, il ne semble jamais avoir été admis par le TAS pour suppléer
lâabsence totale de faits concrets. En effet lâarticle 10.4 CMA ne mĂšne pas
automatiquement à une réduction de la suspension maximale de 2 ans,
puisque la fourchette sâĂ©tale de la simple rĂ©primande Ă une suspension de 2
ans. Le Code nâa donc pas prĂ©vu que les violations relevant de lâarticle 10.4
CMA, traitant des substances spécifiées, seraient ipso facto et quelles que
soient les circonstances sanctionnées moins sévÚrement.
100. LâALAD conclut que les conditions de lâarticle 10.4 CMA nâĂ©tant pas
Ă©tablies et en particulier la condition de quelle maniĂšre la substance
spĂ©cifiĂ©e sâest retrouvĂ©e dans lâorganisme, aucune rĂ©duction de la durĂ©e de
suspension ne peut ĂȘtre prononcĂ©e sur base de cette disposition. Il en serait
de mĂȘme de lâarticle 10.5.2 CMA qui prĂ©voit un rĂ©gime de rĂ©duction de la
suspension Ă prononcer en raison de lâabsence de faute ou de nĂ©gligence
significative, mais qui exige comme condition premiĂšre que lâathlĂšte
établisse également comment cette substance a pénétré dans son organisme
ce que Frank SCHLECK nâa prĂ©cisĂ©ment pas rĂ©ussi Ă Ă©tablir.
101. A titre subsidiaire, si le CDD devait arriver Ă la conclusion que lâarticle 10.4
RAD trouve Ă sâappliquer, la preuve concrĂšte et prĂ©cise de
lâacheminement nâĂ©tant pas exigĂ©e mais simplement la voie gĂ©nĂ©rale
dâentrĂ©e dans le corps fournie au moyen de la prĂ©pondĂ©rance des
probabilitĂ©s, lâALAD estime quâil faut, cependant, en vue dâapprĂ©cier la
réduction de la durée de la suspension à prononcer, identifier le fait précis
constitutif de la faute ainsi que le prévoit la disposition en question. A cet
effet il faudrait identifier si la prĂ©sence de la substance spĂ©cifiĂ©e sâexplique
par la consommation dâun aliment ordinaire, dâun complĂ©ment alimentaire
tel quâallĂ©guĂ© par Frank SCHLECK ou par une boisson prĂ©parĂ©e par
lâĂ©quipe ou un bidon en provenance dâun coĂ©quipier ou dâun spectateur.
102. La consommation dâun aliment ordinaire contaminĂ© serait invraisemblable
alors que tous les coĂ©quipiers ont mangĂ© Ă la mĂȘme table et aucun autre nâa
subi un contrĂŽle anormal. Lâingestion dâun complĂ©ment alimentaire
contaminé, a priori assez vraisemblable, perdrait cependant de sa
vraisemblance en raison du fait que les compléments consommés par Frank
SCHLECK et testĂ©s nĂ©gatifs, ont Ă©tĂ© fournis par les soigneurs de lâĂ©quipe et
consommĂ©s par tous les coĂ©quipiers sans quâun autre subisse un contrĂŽle
anormal. Il resterait lâhypothĂšse du bidon contaminĂ© reçu de la part soit dâun
cycliste dâune autre Ă©quipe soit dâun spectateur, hypothĂšse que lâALAD
considĂšre comme la plus probable, quoique mettant en cause une faute grave
de la part de Frank SCHLECK. LâhypothĂšse du sabotage serait trĂšs
invraisemblable.
20
- 21. 103. Tant pour la thĂšse de la contamination par un bidon offert par un tiers que
pour celle de la contamination due à un complément ou une boisson
recommandĂ©s par lâĂ©quipe, il y a lieu de relever lâabsence de volontĂ© de
masquer un dopage intentionnel Ă lâaide de la substance dĂ©tectĂ©e qui nâa
aucun effet positif sur la performance.
104. Quant Ă la thĂšse de la contamination par un bidon en provenance dâun tiers,
la faute respectivement négligence serait grave. Par contre, en ce qui
concerne la thÚse de la contamination par compléments alimentaires on
devrait relever que la jurisprudence du TAS retient que le fait de ne pas faire
de recherches personnelles et de se fier entiĂšrement au mĂ©decin de lâĂ©quipe
peut constituer une faute dans le chef de lâathlĂšte.
105. LâALAD conclut Ă ce quâune sanction dâune suspension dâune durĂ©e de 2
ans soit prononcĂ©e. Cependant, ainsi que lâinvoque Frank SCHLECK, le
principe de proportionnalité de la peine reconnu par la Cour européenne des
droits de lâhomme peut ĂȘtre pris en considĂ©ration mĂȘme si le rĂ©gime des
peines instaurĂ© nâest pas disproportionnĂ© et la mise en place de peines
sévÚres justifiées par le combat dissuasif et efficace contre le dopage.
106. Le fait que la peine de la suspension dâun maximum de 2 annĂ©es soit prĂ©vue
indĂ©pendamment du fait quâil sâagisse dâune substance interdite ou spĂ©cifiĂ©e
relÚve bien le fait que les substances spécifiées ne sont pas nécessairement
des agents de moindre gravitĂ©. Le Code laisserait une apprĂ©ciation Ă
lâinstance dâaudition pour le cas, comme en lâespĂšce, oĂč il y aurait une
ingestion non intentionnelle ce que lâALAD admet. Eu Ă©gard au fait quâil
sâagit dâune violation commise involontairement et que la substance en
cause est une substance spĂ©cifiĂ©e, lâALAD ne sâoppose pas Ă une rĂ©duction
de la suspension de 2 ans sans cependant que la sanction se limite Ă une
simple rĂ©primande. Le point de dĂ©part de la suspension devrait se situer Ă
compter de la date du prononcé de la décision en raison du fait que Frank
SCHLECK nâa pas acceptĂ© de signer la dĂ©claration de suspension provisoire
lui adressĂ©e par lâUCI quoique le TAS ait dans certaines dĂ©cisions pris en
compte la suspension volontaire que le coureur sâest imposĂ©e.
107. LâALAD conteste que la procĂ©dure dâaudition ait subi des retards qui lui
seraient largement imputables et qui justifieraient lâapplication de lâarticle
315 RAD. Lors de lâaudience du 29 aoĂ»t 2012 elle Ă©tait prĂȘte Ă entendre les
explications de la dĂ©fense. Lâaudience du 8 octobre 2012 aurait Ă©tĂ© remise
au 15 du mĂȘme mois Ă la demande de la dĂ©fense qui nâĂ©tait pas en mesure de
transmettre en temps utile les éléments de son dossier. Par ailleurs le résultat
du contrÎle anormal ayant été communiqué dÚs le 17 juillet 2012, il aurait
eu largement le temps de prĂ©parer sa dĂ©fense, lâALAD ayant simplement
nécessité 6 semaines aux fins de faire effectuer une contre-expertise
médicale et préparer ses conclusions.
108. LâALAD demande par ailleurs lâannulation des rĂ©sultats obtenus par Frank
21
- 22. SCHLECK lors du Tour de France 2012 ensemble les gains quâil a pu en
retirer. Elle estime quâil nây a pas lieu de prononcer ni une sanction
pĂ©cuniaire ni la condamnation aux frais de lâinstance, le Code de lâALAD ne
le prévoyant pas.
3) Arguments de lâUCI
109. LâUCI rejoint les conclusions de lâALAD en ce sens que Frank SCHLECK
nâaurait pas rempli son fardeau de la preuve quant Ă la « voie concrĂšte » de
la maniĂšre dont la substance interdite a pĂ©nĂ©trĂ© dans lâorganisme, cette
condition Ă©tant en corrĂ©lation avec le besoin dâĂ©valuer ensuite le degrĂ© de
diligence exercĂ© par le coureur pour prĂ©venir ladite occurrence. MĂȘme si le
Conseil de discipline devait se satisfaire par la balance des probabilités que
la prĂ©sence de Xipamide peut sâexpliquer par lâingestion dâun complĂ©ment
alimentaire contaminĂ©, il nâen demeure pas moins que Frank SCHLECK ne
pourrait pas bĂ©nĂ©ficier dâune rĂ©duction de la durĂ©e de suspension, ni en
vertu de lâarticle 295 RAD ni de lâarticle 297 RAD, alors quâil nâa pas Ă©tabli
que la prise de complĂ©ments alimentaires nâĂ©tait pas destinĂ©e Ă amĂ©liorer ses
performances sportives. En effet les compléments alimentaires mentionnés
par Frank SCHLECK comme étant les seuls à avoir été consommés,
prĂ©sentent tous les vertus dâamĂ©liorer les performances sportives et ont Ă©tĂ©
utilisés à dessein entre le 6 et 14 juillet 2012. Par ailleurs Frank SCHLECK
nâaurait pas dĂ©clarĂ© avoir pris ces complĂ©ments lors du contrĂŽle antidopage.
110. Le fait que Frank SCHLECK se soit uniquement fié aux recommandations
des mĂ©decins de lâĂ©quipe lesquels basent leur sĂ©lection sur les prĂ©tentions
des manufacturiers ne devrait pas ĂȘtre pris en considĂ©ration pour lâexonĂ©rer
de sa faute, alors quâil aurait consommĂ© les complĂ©ments alimentaires sans
autres prĂ©cautions et sans mĂȘme parfois avoir connaissance des fabricants de
certains produits.
111. En raison du fait quâil ne sâest pas assurĂ© personnellement du contenu des
compléments alimentaires et aurait donc dû renoncer à les consommer et
quâil nâa pas Ă©tabli les circonstances exactes entourant la prise, le fait que
SCHLECK ait pu Ă©galement recourir Ă dâautres complĂ©ments quâil se serait
procurés personnellement, la suspension à prononcer serait de 2 ans en
application de lâarticle 293 RAD.
112. Si la suspension doit avoir en principe son point de départ à la date du
prononcĂ© de la dĂ©cision en application de lâarticle 314 RAD, il y aurait lieu
de tenir compte de la suspension provisoire acceptée par le coureur en date
du 4 octobre 2012. LâUCI ne sâoppose pas Ă lâapplication de lâarticle 306
RAD en raison de lâaveu par Frank SCHLECK de la violation de la rĂšgle
antidopage et du fait quâil sâest immĂ©diatement et volontairement retirĂ© du
Tour de France dÚs la notification du résultat positif.
22
- 23. 113. En application des articles 288 à 292 RAD et 313 RAD les résultats sportifs
de Frank SCHLECK seraient Ă annuler.
114. Il y aurait lieu de prononcer une amende de 1.260.000 euros en application
de lâarticle 326 RAD comme correspondant Ă 70% du revenu brut annuel
provenant de son activité cycliste (70% de 1.800.000.- euros reprenant le
salaire brut annuel et les droits Ă lâimage).
115. LâUCI demande par ailleurs la condamnation de Frank SCHLECK aux frais
de la procédure nationale à déterminer par le Conseil de discipline, au
montant de 2500 CHF correspondant aux frais de gestion des résultats,
(article 275.2 RAD) au montant de 290 euros correspondant aux frais
dâanalyse de lâĂ©chantillon B (article 275.3 RAD) et au montant de 800 euros
correspondant aux frais des dossiers analytiques des Ă©chantillons A et B
(article 275.5 RAD).
APPRECIATION DU CONSEIL DE DISCIPLINE CONTRE
LE DOPAGE
116. Lâarticle 295 RAD applicable en lâespĂšce, permet pour le cas oĂč une substance
spécifiée est en cause, une réduction de la suspension de 2 ans sinon la
condamnation Ă une simple rĂ©primande lors dâune premiĂšre violation Ă
condition que lâathlĂšte Ă©tablisse :
- comment la substance spĂ©cifiĂ©e sâest retrouvĂ©e dans son organisme ainsi que
- le fait que la substance spécifiée ne visait ni à améliorer la performance du
sportif ni Ă masquer lâusage dâune substance amĂ©liorant la performance.
117. Ces conditions une fois établies, la gravité de la faute sera le critÚre applicable
pour lâexamen de toute rĂ©duction de la pĂ©riode de suspension.
118. Ce rĂ©gime dâĂ©limination ou de rĂ©duction de la pĂ©riode de suspension plus
favorable pour les substances dites spĂ©cifiĂ©es et inspirĂ© de lâarticle 10.4 CMA
sâexplique par le fait que ces substances sont soit particuliĂšrement susceptibles
dâentraĂźner une violation non intentionnelle des rĂšglements antidopage compte
tenu de leur présence fréquente dans des médicaments soit moins susceptibles
dâĂȘtre utilisĂ©es avec succĂšs comme agents dopants.
119. En ce qui concerne la charge et le degré de preuve, l'article 22, derniÚre phrase
du RAD dispose que :
(âŠ) Lorsque les prĂ©sentes rĂšgles antidopage imposent au licenciĂ©, prĂ©sumĂ©
23
- 24. avoir commis une violation des rĂšgles antidopage, la charge de renverser la
prĂ©somption ou dâĂ©tablir des circonstances ou des faits spĂ©cifiques, le degrĂ©
de preuve est établi par la prépondérance des probabilités, sauf aux cas
prĂ©vus aux articles 295 et 305 oĂč le licenciĂ© doit satisfaire Ă une charge de la
preuve plus élevée."
120. Concernant la premiĂšre condition, un athlĂšte peut Ă©tablir comment la
substance sâest retrouvĂ©e dans son organisme par la prĂ©pondĂ©rance des
probabilitĂ©s. En dâautres termes, le Conseil de discipline doit simplement
estimer lâexplication du sportif concernant la prĂ©sence de la substance
spĂ©cifiĂ©e plus probable quâimprobable6 et que les faits qu'il allĂšgue se sont
bien déroulés comme il le prétend et non autrement7.
121. Le RAD ayant été adopté conformément aux dispositions applicables du
CMA, il doit ĂȘtre interprĂ©tĂ© dâune maniĂšre cohĂ©rente par rapport Ă ce Code. Le
cas échéant, les commentaires annotant les diverses dispositions du CMA
peuvent aider Ă la comprĂ©hension et Ă lâinterprĂ©tation du RAD (article 369
RAD).
122. Le commentaire sur l'article 10.4 du CMA, qui est la disposition
correspondante à l'article 295 RAD, précise ce qui suit:
"(âŠ) il est plus vraisemblable que la prĂ©sence de substances spĂ©cifiĂ©es, par
opposition aux autres substances interdites, puisse s'expliquer par une cause
crédible non liée au dopage.
Cet article s'applique seulement dans les cas oĂč l'instance d'audition est
satisfaite, eu Ă©gard aux circonstances objectives entourant l'affaire, que le
sportif, lorsqu'il a absorbé ou eu en sa possession la substance interdite,
n'avait pas l'intention d'améliorer sa performance sportive. Le type de
circonstances objectives dont la combinaison pourrait satisfaire l'instance
d'audition de l'absence d'intention d'amélioration de la performance
comprendrait, par exemple : le fait que la nature de la substance spécifiée ou
le moment de son ingestion n'aurait pas été bénéfique pour le sportif; l'usage
non dissimulé ou la déclaration d'usage de la substance spécifiée par le
sportif; et un dossier médical récent corroborant le fait que la substance
spécifiée fait l'objet d'une ordonnance médicale non liée au sport. En rÚgle
générale, plus le potentiel d'amélioration de la performance est grand, plus la
charge de la preuve imposée au sportif en ce qui concerne l'absence
d'intention d'amélioration de la performance sportive est élevée.
L'absence d'intention d'amĂ©lioration de la performance sportive doit ĂȘtre
Ă©tablie Ă la satisfaction de l'instance d'audition, mais le sportif peut Ă©tablir
comment la substance spécifiée s'est retrouvée dans son organisme par la
6CAS 2010/A/2229 ; CAS 2011/A/2615 ; CAS 2011/A/2618
7
CAS 2010/A/2230, par. 11.7; CAS 2009/A/1926; CAS 2009/A/1930, par. 3.6.1 et arrĂȘts citĂ©s; CAS 2008/A/1515, par.
116 et arrĂȘts citĂ©s, CAS 2011/A/2384, par. 259 et suivants; CAS 2010/A/2107, par. 9.2
24
- 25. prépondérance des probabilités."
123. Dans le cadre de la lutte contre le dopage, le Code de lâAMA repris par le
RAD entend imposer au coureur cycliste qui veut obtenir une suppression ou
une rĂ©duction de la peine, lâobligation de dĂ©montrer comment la substance
interdite s'est retrouvée dans son organisme. S'il suffisait à l'intéressé de
plaider son ignorance à ce sujet pour parvenir à ce résultat, la lutte contre le
fléau du dopage s'en trouverait singuliÚrement compliquée.
124. La présence de la substance spécifiée dans le corps peut en principe
sâexpliquer par diffĂ©rents scĂ©narios :
- lâathlĂšte a consommĂ© volontairement la substance ou un produit contenant
la substance;
- lâathlĂšte a consommĂ© un produit sans connaissance que ce produit contenait
une substance interdite ;
- lâathlĂšte a consommĂ© un produit qui ne contient pas en principe de
substance interdite, mais qui a été contaminé.
125. Lâarticle 295 RAD ne fait, quant au degrĂ© de preuve Ă rapporter, aucune
distinction entre ces différents scénarios envisageables. Si la preuve tant de la
prise volontaire dâune substance interdite que celle de la consommation dâun
produit sans connaissance quâil contenait une substance interdite est aisĂ©e Ă
rapporter celle de la consommation dâun seul produit involontairement
contaminĂ© est difficile sinon impossible, lâĂ©lĂ©ment de preuve ayant
matériellement disparu.
126. Il est vrai que lâarticle 22 RAD impose Ă lâathlĂšte qui a la charge de renverser
la prĂ©somption de responsabilitĂ©, dâĂ©tablir les circonstances ou les faits
spécifiques par une simple prépondérance des probabilités.
127. Le TAS ne sâest cependant jamais contentĂ© de simples allĂ©gations sinon
spĂ©culations avancĂ©es par lâathlĂšte, mais exige que la preuve soit rapportĂ©e par
des circonstances factuelles et que lâacheminement soit Ă©tabli par des Ă©lĂ©ments
objectifs. Cette condition préalable est en effet nécessaire, afin de permettre
lâapprĂ©ciation du degrĂ© de faute pouvant Ă elle seule justifier une Ă©limination
sinon réduction de la durée de suspension à prononcer.
128. Le TAS a ainsi décidé que :
« Obviously this precondition is important and necessary otherwise an
athleteâs degree of diligence or absence of fault would be examined in relation
to circumstances that are speculative and that be partly or entirely made
25
- 26. up ».8
129. Le Conseil de discipline entend faire abstraction dâune analyse polygraphique,
alors quâil nâest pas convaincu de la fiabilitĂ© dâune telle mesure dâinstruction.
Par ailleurs cette mesure sâavĂšre peu pertinente quant Ă la preuve Ă rapporter
par Frank SCHLECK de lâorigine de la prĂ©sence de la substance diurĂ©tique
dans ses urines.
130. Eu égard à la difficulté de rapporter la preuve dans le cadre de situations
exceptionnelles, comme par exemple celle de la consommation dâun produit
contaminĂ©, le TAS a admis un amĂ©nagement du fardeau de la preuve Ă
rapporter sans toutefois aboutir Ă un renversement de celui-ci. Câest ainsi que
dans certains cas exceptionnels, une partie peut éprouver de sérieuses
difficultés de renverser la présomption de responsabilité et elle se trouve dans
la situation « dâĂ©tat de nĂ©cessitĂ© en matiĂšre de preuve »
« Beweisnotstand « soit parce que lâautre partie dĂ©tient les Ă©lĂ©ments de
preuve soit parce que le fait en raison de sa nature ne peut ĂȘtre prouvĂ© au
moyen de preuve directe.9
131. Ainsi, lorsquâune partie doit prouver un â fait nĂ©gatifâ dont la preuve est
impossible Ă rapporter, les principes de bonne foi imposent Ă la partie adverse
en lâespĂšce la partie accusatrice, un devoir de coopĂ©ration Ă lâadministration
de la preuve. ConcrĂštement, cette partie pourra par exemple donner des
raisons détaillées expliquant pourquoi elle considÚre les faits allégués comme
infondés ou faux.
132. Dans le cadre de lâapprĂ©ciation des preuves, le juge se prononcera sur le
rĂ©sultat de la collaboration de la partie adverse ou tirera les consĂ©quences dâun
refus de collaborer Ă lâadministration de la preuve.
133. En lâespĂšce lâALAD a largement coopĂ©rĂ© Ă lâadministration de la preuve du
cheminement, en développant et analysant les divers scénarios théoriquement
possibles respectivement vraisemblables.
134. Tant Frank SCHLECK que lâALAD ont conclu que la thĂšse dâune prise
volontaire est Ă Ă©carter comme Ă©tant la moins probable.
135. Ainsi, le rapport dâexpertise du Dr Laurent RIVIER dressĂ© le 10 septembre
2012 à la demande de la défense, retient que les diurétiques sont utilisés dans
un but thĂ©rapeutique aux fins dâaccroĂźtre lâĂ©limination de lâurine et de sodium
afin de réajuster le volume et la composition des fluides corporels. La
Xipamide se présentant sous forme de comprimés de 20 mg est cependant
8 CAS 2006/A/1130 WADA v. Stanic and Swiss Olympic Association, 4 January 2007, § 39 ; CAS 2010/A/2268 I v.
FĂ©dĂ©ration internationale de lâautomobile (FIA)
9 CAS 2011/A/2384 UCI v. Alberto CONTADOR VELASCO & RFEC ; CAS 2011/A/2386 WADA v. Alberto
CONTADOR VELASCO & RFEC
26
- 27. considĂ©rĂ©e comme ayant un effet diurĂ©tique moins puissant que dâautres
substances tel le furosémide.
136. En raison dâeffets secondaires importants et indĂ©sirables, elle ne serait plus
commercialisée en Europe, sauf sous prescription en Allemagne, Autriche,
Inde, Portugal, Espagne et Royaume-Uni. Dâun point de vue thĂ©rapeutique,
elle serait encore utilisĂ©e dans le traitement de certains types dâĆdĂšmes et
dâhypertension, notamment en cas de maladies rĂ©nales chroniques.
Lâabsorption orale dâun comprimĂ© de 20 mg aboutit Ă un effet diurĂ©tique aprĂšs
une heure pour atteindre un pic aprÚs 3 à 6 heures. Les propriétés
pharmacocinĂ©tiques de cette substance font quâelle reste dans le corps pendant
une longue période aprÚs son absorption.
137. Si la Xipamide nâest pas une substance susceptible dâamĂ©liorer la
performance, il nâen reste pas moins quâelle appartient Ă la catĂ©gorie des
diurĂ©tiques qui sont prohibĂ©s en matiĂšre sportive alors quâils permettent
potentiellement dâexcrĂ©ter une quantitĂ© importante dâeau et dâĂ©lectrolytes peu
de temps aprÚs leur usage. Les diurétiques sont donc utilisés soit en vue de
rĂ©duire rapidement le poids de lâathlĂšte dans le cadre de sports pour lesquels la
compétition est organisée par catégories de poids (boxe, lutte, haltérophilie)
soit en vue de masquer une substance améliorant la performance. Compte tenu
de la sensibilitĂ© des analyses des laboratoires accrĂ©ditĂ©s par lâAMA, la
Xipamide ne serait plus une substance permettant de masquer efficacement la
prĂ©sence dâune autre substance. Le Dr Laurent RIVIER relĂšve par ailleurs que
la quantité de 100 pg retrouvée dans les urines de Frank SCHLECK était une
quantitĂ© extrĂȘmement faible.
138. Dans le cas de lâespĂšce, la Xipamide nâa pas pu ĂȘtre utilisĂ©e en vue
dâamĂ©liorer la performance de Frank SCHLECK. Au contraire, cette substance
aurait eu en lâespĂšce un impact nĂ©gatif sur la performance du coureur par
lâĂ©limination rapide dâeau, en particulier lors du Tour de France qui se dĂ©roule
en plein mois de juillet et au cours duquel une bonne hydratation du corps est
essentielle. Il nâest pas contestable que Frank SCHLECK qui ne connaĂźt pas de
problĂšme de surpoids et au contraire avait perdu du poids en raison de 70 jours
de course avant le dĂ©part du Tour de France, nâa pas pris cette substance en
vue de diminuer le poids qui nâest pas un critĂšre de sĂ©lection dans le cadre du
cyclisme.
139. La Xipamide en tant que diurétique aurait pu servir pour masquer soit une
substance soit une mĂ©thode interdite telle quâune transfusion sanguine. Il nâen
reste pas moins quâelle a un effet diurĂ©tique moindre et que selon le Dr
Laurent RIVIER cette substance est trop lente dans son Ă©limination du corps et
reste partant facilement dĂ©tectable par les laboratoires accrĂ©ditĂ©s par lâAMA
dont les techniques de dĂ©tection et dâanalyse sont des plus performants. A ce
titre la Xipamide est un mauvais agent masquant.
140. Il est Ă relever que le contrĂŽle de dopage de Frank SCHLECK nâa rĂ©vĂ©lĂ© la
27
- 28. prĂ©sence ni de stĂ©roĂŻdes ni dâEPO. Lors dâun contrĂŽle sanguin diligentĂ© le
lendemain du contrĂŽle urinaire positif les taux dâhĂ©matocrite et dâhĂ©moglobine
constatés étaient bas et donc contraires aux taux constatés sur un coureur
utilisant de lâEPO. Le rapport du Dr Paul SCOTT du 8 octobre 2012 versĂ© par
la défense, a été établi sur base des données sanguines recueillies dans le cadre
du « passeport biologique » mis Ă disposition par le coureur et conclut Ă
lâabsence dâanomalies du profil sanguin, les variations des marqueurs Ă©tant
tout Ă fait normales. Lâexpert a conclu quâil nâexistait au niveau du profil
sanguin de Frank SCHLECK aucun indice probant pouvant conclure Ă la prise
dâune autre substance interdite tel lâEPO ou dâune mĂ©thode prohibĂ©e telle
quâune transfusion sanguine.
141. Il conclut également que les données analysées ne permettent pas de conclure
à une contamination par transfusion sanguine considérée comme méthode
interdite.
142. Lâanalyse capillaire effectuĂ©e par le Dr Pascal KINTZ sur un prĂ©lĂšvement
effectué le 24 juillet 2012 exclut la consommation de stéroïdes dans les six
mois ayant précédé le Tour de France.
143. Lâexpert Hans GEYER chargĂ© par lâALAD a dĂ©posĂ© son rapport dâexpertise
en date du 14 novembre 2012 et conclut Ă©galement quâau regard de la
caractéristique de diurétique de la Xipamide diminuant la performance en
raison de la dĂ©shydratation du corps, de lâabsence dâintĂ©rĂȘt de perdre du poids
lors dâune Ă©preuve dâendurance cycliste et surtout eu Ă©gard au fait que les
contrÎles lors du Tour de France sont nombreux et que les diurétiques sont
facilement détectables, la thÚse de la prise volontaire en tant que substance
masquante est peu plausible.
144. Sur base de ces considérations, le Conseil de discipline entend donc écarter la
thĂšse de la prise volontaire comme Ă©tant celle qui est la moins probable.
145. La thÚse du sabotage avancée par Frank SCHLECK au moment du contrÎle
antidopage a par aprĂšs Ă©tĂ© abandonnĂ©e par ce dernier. Elle ne saurait ĂȘtre
retenue à défaut du moindre indice factuel.
146. Les parties ont ensuite dĂ©veloppĂ© et analysĂ© la thĂšse dâune prise involontaire.
LâALAD a dĂ©veloppĂ© diffĂ©rents scĂ©narios dâingestion involontaire par
contamination soit :
- un aliment contaminé,
- une boisson contaminée hors course ou en course tendue par un
coĂ©quipier, un coureur dâune autre Ă©quipe ou un spectateur,
- un complément alimentaire contaminé.
147. La thĂšse de lâaliment contaminĂ© nâest pas probable alors que tous les coureurs
28
- 29. ont pris ensemble le mĂȘme repas et que tant Frank SCHLECK que le tĂ©moin
Maxime MONTFORT ont déclaré que la veille du contrÎle positif, le
cuisinier de lâĂ©quipe, comme dâhabitude, sâest chargĂ© des achats et de la
prĂ©paration des aliments communs Ă tous les coureurs de lâĂ©quipe.
148. Le Conseil de discipline constate quâaucun autre coureur cycliste de lâĂ©quipe
RNT nâa Ă©tĂ© contrĂŽlĂ© positif Ă la Xipamide au cours du dĂ©roulement du Tour
de France. Il en est ainsi des coureurs Yaroslav POPOVYCH et Halmar
ZUBELDIA AGIRRE qui ont Ă©tĂ© soumis Ă un contrĂŽle dâurine le 15 juillet
2012, donc un jour aprĂšs le contrĂŽle positif de Frank SCHLECK, et de
Maxime MONTFORT lequel a Ă©tĂ© soumis Ă un contrĂŽle dâurine les 13 et 19
juillet 2012.
149. LâALAD a ensuite avancĂ© la thĂšse de la contamination par une boisson prise
hors course ou pendant la course, bidon tendu par un spectateur, un autre
coĂ©quipier ou un coureur dâune autre Ă©quipe.
150. Frank SCHLECK ainsi que le tĂ©moin Maxime MONTFORT ont dĂ©posĂ© quâau
cours de la course chaque coureur prend les bidons qui ont été préparés par le
masseur ou le kinĂ©sithĂ©rapeute de lâĂ©quipe. Ces bidons ne sont pas Ă©tiquetĂ©s
individuellement avec le nom respectif du coureur sauf quâun symbole X
figure sur ceux qui contiennent du sucre. A lâarrivĂ©e cependant chaque coureur
reçoit du soigneur de lâĂ©quipe une boisson Ă©nergĂ©tique spĂ©cifique comprenant
des sels minéraux, ces bidons étant étiquetés du nom du coureur en raison de
différents goûts existants et choisis préalablement.
151. Pendant la course, il est usuel quâun coureur dĂ©signĂ© se laisse retomber vers la
voiture de ravitaillement pour ensuite ramener 7 Ă 8 bidons vers lâavant pour
les leaders de la course.
152. Il est Ă relever quâaucun autre coureur de lâĂ©quipe RNT nâa Ă©tĂ© contrĂŽlĂ© positif
à la Xipamide ni les jours précédents ni les jours suivants le 14 juillet 2012.
Les bidons ont toutefois Ă©tĂ© prĂ©parĂ©s ensemble par les soigneurs de lâĂ©quipe et
donc sur base de substances prises dâun mĂȘme rĂ©cipient.
153. Sâil nâest pas exclu que les coureurs dâune Ă©quipe se passent des bidons en
cours de route, Maxime MONTFORT et Frank SCHLECK affirment Ă©viter de
prendre un bidon dâun coureur dâune autre Ă©quipe et surtout des bidons dâun
spectateur qui pourrait ĂȘtre malveillant. Cependant, Frank SCHLECK nâexclut
pas que lors dâune Ă©tape de montagne il prenne une bouteille dâeau fermĂ©e
tendue par un spectateur, mais uniquement pour sâasperger. Il affirme
cependant que la 13Ăšme Ă©tape du Tour de France de Saint-Paul- Trois ChĂąteaux
au Cap dâAgde Ă©tait une Ă©tape de plaine quoique relativement longue et que,
par consĂ©quent, il nâavait certainement pas eu besoin de recourir Ă dâautres
boissons que celles fournies par lâĂ©quipe. Il ne se souvient pas avoir pris ni un
bidon ni une bouteille dâeau dâun spectateur ou dâun coureur dâune Ă©quipe
concurrente, les jours précédents cette étape.
29
- 30. 154. Sur base de ces considérations, le Conseil de discipline entend donc exclure la
thĂšse de la contamination, par la consommation dâun bidon ou bouteille dâeau
tendus par un coĂ©quipier, un coureur dâune autre Ă©quipe ou un spectateur,
comme étant peu probable, et ce à défaut du moindre indice factuel.
155. Finalement Frank SCHLECK a avancé la thÚse de la prise de compléments
alimentaires contaminés qui selon lui est la thÚse la plus probable.
156. Lâexpert Hans GEYER dĂ©signĂ© par lâALAD a conclu quâau regard de la trĂšs
faible concentration de Xipamide en lâespĂšce 100 pg/mL ou 0,1 ng/mL ( en
dessous du seuil de dĂ©tection minimum fixĂ© aux laboratoires par lâAMA Ă 250
ng/mL), la thĂšse de la prise volontaire Ă©tait peu plausible, mais que, parmi
dâautres thĂšses, celle de la contamination Ă©tait possible, quoiquâĂ sa
connaissance aucun cas de contamination de compléments alimentaires par la
Xipamide ne lui soit connu et nâa Ă©tĂ© dĂ©tectĂ© par les laboratoires accrĂ©ditĂ©s de
lâAMA entre 2003 et 2011.
157. Le fait quâaucun cas de contamination Ă la Xipamide nâait jusquâĂ prĂ©sent Ă©tĂ©
détecté est cependant sans incidence.
158. Lâexpert Prof. Tomas MARTIN-JIMENEZ conclut quâau regard de la quantitĂ©
minimale dĂ©tectĂ©e, la thĂšse de la contamination par lâingestion dâun
complément alimentaire est hautement probable. Il conclut également que
cette contamination a pu avoir lieu dans les 4 jours précédant le contrÎle.
159. Il est un fait que Frank SCHLECK a versĂ© Ă lâappui de ses prĂ©tentions un
rapport dâexpertise du Dr Pascal KINTZ du 10 octobre 2012 lequel a procĂ©dĂ©
Ă lâanalyse des complĂ©ments alimentaires et des autres produits utilisĂ©s
pendant la course cycliste. Cette analyse a été effectuée sur base de produits
remis Ă lâexpert que les 18 et 20 septembre 2012 donc plus de 2 mois aprĂšs le
contrÎle positif à la Xipamide, les lots des produits consommés avant le 14
juillet 2012 nâĂ©tant matĂ©riellement plus disponibles. Tous les produits analysĂ©s
nâont rĂ©vĂ©lĂ© aucune trace de Xipamide.
160. Certains complĂ©ments alimentaires en lâespĂšce SIS Go Gel Isotonic Energy,
SIS Go Gel Plus Nitrates, SIS Go Gel Plus Caffeine et Sportpharm Bar sont
emballĂ©es dâorigine par le producteur dans des portions individuelles alors que
le AM Sport L-Carnitine 2000 mg, la « LiponsÀure », le First Endurance
Ultragen RS Recovery, lâAM Sport AminosaĂŒren Pulver, le First Endurance
Optygen, le Deba Pharma Mineral Complex existent Ă lâĂ©tat de poudre ou de
pilules commercialisées en plus grande quantité et donc non individualisées.
161. Frank SCHLECK a dĂ©clarĂ© quâil nâa jamais pris dâautres complĂ©ments que
ceux mis Ă disposition par les soigneurs de lâĂ©quipe et quâil a pris soin de faire
analyser.
162. Ainsi quâil lâa Ă©tĂ© relevĂ© ci-avant, la notion de « prĂ©pondĂ©rance des
30
- 31. probabilitĂ©s », qui est le degrĂ© de preuve exigĂ© par lâarticle 295 RAD aux fins
dâĂ©tablir la voie de cheminement de la substance interdite dans le corps de
lâathlĂšte, implique que ce dernier a la charge de persuader le Conseil de
discipline contre le dopage que la survenance des circonstances invoquées est
plus probable quâune autre explication relative au rĂ©sultat positif de lâanalyse.
En tout Ă©tat de cause, la thĂ©orie de lâathlĂšte doit ĂȘtre Ă©tablie en tenant compte
des autres possibilités alléguées. Dans sa jurisprudence CAS 2009/A/1930, le
TAS a précisé que lorsque plusieurs explications alternatives sont avancées
relativement Ă lâingestion dâune substance interdite, mais que lâune dâentre
elles paraĂźt plus probable que les autres, lâathlĂšte a satisfait au degrĂ© de preuve
requis. Dans ce cas, il est indiffĂ©rent que dâautres possibilitĂ©s dâingestion
existent, dĂšs lors quâelles sont considĂ©rĂ©es comme moins probables.
Lâinstance dâarbitrage sera convaincue quâun moyen dâingestion est Ă©tabli par
la prépondérance des probabilités si, en termes de pourcentage, il y a 51% de
chance que ce moyen ait eu lieu. LâathlĂšte doit montrer quâun moyen
dâingestion est lĂ©gĂšrement plus probable dâĂȘtre intervenu que le contraire.
163. Lâarticle 22 RAD reprenant les termes de lâarticle 3.1 du Code de lâAMA,
dispose quâau regard de la prĂ©somption de culpabilitĂ© pesant sur lâathlĂšte par
la simple présence de la substance interdite, le renversement de la preuve et en
particulier lâorigine de la prĂ©sence de la substance spĂ©cifiĂ©e doit ĂȘtre Ă©tablie
non pas par la preuve certaine et directe, mais par une simple prépondérance
des probabilités ce qui correspond à un degré de preuve largement inférieur.
Les Etats Parties Ă la Convention internationale contre le dopage dans le sport
du 19 octobre 2005 ont donc voulu, dâune part, combattre efficacement le
dopage et, dâautre part, en respectant les principes fondamentaux de la
Convention des droits de lâhomme et en particulier les droits de la dĂ©fense,
permettre Ă lâathlĂšte de se disculper de la lourde prĂ©somption de culpabilitĂ©
pesant sur lui, en assouplissant le degré de preuve lui incombant, le systÚme de
la preuve morale applicable en droit pĂ©nal oĂč domine lâintime conviction du
juge ne pouvant sâappliquer dans un domaine oĂč lâobjet mĂȘme de la preuve est
souvent matĂ©riellement impossible Ă Ă©tablir. Cela est dâautant plus vrai lorsque
lâinfraction est de la catĂ©gorie des infractions dites involontaires.
164. Cela implique donc que lâathlĂšte doit pouvoir Ă©tablir sur base de circonstances
factuelles probables notamment par expertises scientifiques que la présence
dans le corps sâexplique par une thĂšse plus probable sans quâil soit cependant
nĂ©cessaire dâĂ©tablir la voie concrĂšte de lâingestion ce qui aboutirait en quelque
sorte à exiger un degré de preuve correspondant à celui de la preuve certaine
en dehors de tout doute, applicable dans le domaine du droit pénal.
165. Sur base de ces considĂ©rations, le Conseil de discipline entend retenir quâau
regard des développements précédents et des circonstances factuelles établies
par les expertises scientifiques corroborantes versĂ©es tant par lâALAD que par
Frank SCHLECK et au regard du fait quâaucune autre thĂšse nâa Ă©tĂ© invoquĂ©e,
la prĂ©sence de Xipamide sâexplique par lâingestion de complĂ©ments
alimentaires contaminés.
31
- 32. 166. En vue dâobtenir une Ă©limination ou une rĂ©duction de la pĂ©riode de suspension
en application de lâarticle 295 RAD, lâathlĂšte doit, en outre, Ă©tablir une
seconde condition qui est celle quâeu Ă©gard aux circonstances objectives
entourant lâaffaire, le sportif lorsquâil a absorbĂ© ou eu en sa possession la
substance interdite, nâavait lâintention ni dâamĂ©liorer sa performance sportive
ni de masquer lâusage dâune substance amĂ©liorant la performance. Cette
condition doit ĂȘtre Ă©tablie Ă la satisfaction de lâinstance dâaudition et donc
avec un degré de preuve plus élevé que celui relatif au cheminement de la
substance.
167. Si lâUCI estime que le critĂšre de lâintention dâamĂ©liorer les performances doit
ĂȘtre apprĂ©ciĂ© en conformitĂ© avec la jurisprudence rĂ©cente du TAS10 Dimitrar
KUTROVSKY du 3 octobre 2012 et donc par rapport au produit contenant la
substance prohibĂ©e, Frank SCHLECK et lâALAD ont conclu que la condition
est à analyser par rapport à la substance spécifiée interdite conformément à la
jurisprudence majoritaire et constante du TAS.
168. Lâarticle 295 alinĂ©a1er RAD prĂ©voit les conditions Ă Ă©tablir par lâathlĂšte en vue
dâobtenir une Ă©limination ou une rĂ©duction de la pĂ©riode de suspension en
disposant expressément que ces conditions sont à établir par rapport « à la
substance spĂ©cifiĂ©e ». Cette disposition est suffisamment claire en ce quâelle
vise bien la substance interdite en elle-mĂȘme et non le produit ayant contenu la
substance.
169. LâalinĂ©a 2 de lâarticle 295 RAD est relatif au degrĂ© et moyens de preuve Ă
rapporter aux fins dâĂ©tablir les conditions dĂ©finies Ă lâalinĂ©a 1er. MĂȘme si les
termes de cet alinéa se réfÚrent à la substance améliorant les performances ou
masquant lâusage dâune telle substance sans autre prĂ©cision, la lecture de cet
alinĂ©a doit se faire en corrĂ©lation avec lâalinĂ©a prĂ©cĂ©dent quâil ne fait que
complĂ©ter. La substance visĂ©e Ă lâalinĂ©a 2 est donc bien la substance spĂ©cifiĂ©e
qui Ă©tait visĂ©e expressĂ©ment Ă lâalinĂ©a 1er et lâanalyse de la condition doit donc
sâeffectuer par rapport Ă la substance interdite et non pas par rapport au
produit ayant contenu la substance. Cette apprĂ©ciation est dâailleurs conforme
Ă celle du TAS notamment dans les affaires OLIVEIRA et KOLOBNEV11 et
se justifie dâautant plus dans le cadre des complĂ©ments alimentaires
contaminĂ©s pris volontairement, mais dans lâignorance cependant de leur
contamination. En effet, il faut relever que les compléments alimentaires sont
autorisĂ©s et surtout dâun usage gĂ©nĂ©ralisĂ© dans le milieu sportif dâendurance.
Ils représentent un commerce trÚs lucratif dont profitent largement les équipes
professionnelles cyclistes ainsi que leurs fédérations tant nationales
quâinternationale, par le sponsoring systĂ©matiquement pratiquĂ© ce qui
explique dâailleurs quâaucune autoritĂ© ne songe Ă les proscrire, mais se limite
tout au plus dâen dĂ©conseiller la consommation.
10 CAS 2012/A/2804
11 CAS 2010/A/2107 et CAS 2011/A/ 2645
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