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M2 CPLMT                                                                  18/12/09



                             Histoire de l’utopie planétaire.
                      De la cité prophétique à la société globale.
                               Armand Mattelart (1999)



L’auteur
Né en 1936 en Belgique, Armand Mattelart est un chercheur et universitaire (il fut professeur
en sciences de l'information et de la communication à l'université de Paris-VIII jusqu’à sa
retraite en 2005). Auteur de nombreux ouvrages consacrés aux médias, à la culture et à la
communication, il analyse notamment ces domaines sous l’angle de l’histoire et de
l’international. Cela s’explique en partie par son histoire personnelle puisqu’il vécut au Chili
avant d’en être chassé par la dictature de Pinochet.
Après avoir travaillé comme expert en développement social dans le cadre du Programme des
Nations Unies pour le développement et la FAO, il copréside en 1982 avec Yves Stourdzé une
Mission interministérielle d’évaluation des recherches françaises dans le domaine des
sciences sociales concernant la technologie, la culture et la communication. Il est désormais
un membre actif de l’association altermondialiste ATTAC, et est également depuis 2003
Président de l’Observatoire français des médias, qui souhaite redonner aux médias leur rôle de
contre-pouvoir. Il écrit régulièrement des articles pour le Monde Diplomatique.
Parmi sa riche bilbliographie, on notera :

   •   1976. "Multinationales et système de communication. Paris, Anthropos.
   •   1979. "De l'usage des médias en temps de crise", avec Michèle Mattelart, Paris, Alain
       Moreau.
   •   1983. "L'Ordinateur et le tiers-monde", avec Hector Schmucler, Paris, François
       Maspero.
   •   1986. Penser les médias, avec Michèle Mattelart. Paris, La Découverte.
   •   1990. La publicité. Paris, La Découverte (coll. Repères).
   •   1992. La Communication-monde, Paris, La Découverte.
   •   1994. L'invention de la communication. Paris, La Découverte.
   •   1995. Histoire des théories de la communication, avec Michèle Mattelart. Paris, La
       Découverte (coll. Repères).
   •   1996. La mondialisation de la communication. Paris, PUF (coll. Que sais-je).
   •   2001. Histoire de la société de l'information. Paris, La Découverte (coll. Repères).
   •   2003. Introduction aux Cultural Studies, avec Érik Neveu. Paris, La Découverte (coll.
       Repères).
   •   2005. Diversité culturelle et mondialisation. Paris, La Découverte
                                               1
•   2007. La globalisation de la surveillance, La Découverte.

Préface
        « Le marché est en passe de réussir là où ont échoué les grands empires et les religions
fondatrices : fusionner l’ensemble des être humains dans une communauté globale » : voici le
leitmotiv des discours des élites du dernier quart de siècle. La déréglementation et le
décloisonnement de la finance entraîne la croyance déterministe dans le pouvoir des TIC à
refaire le monde. Cet ouvrage est le dernier volume d’une trilogie (La Communication-monde
et L’invention de la Communication) où chaque livre aborde sous un angle différent la
‘genèse de l’idée de mondialisation’. Cet ouvrage-ci a été écrit dans un contexte de crise
économique et financière : « par l’effet d’une étrange ironie de l’histoire, la quête d’un autre
monde possible ravive la mémoire des utopies sociales enfouies », qu’A. Mattelart nous
expose.

Introduction
Depuis la Renaissance et la découverte d’un 4ème continent, il y a un désir de paix
universelle qui passerait par le dépassement du cadre de l’Etat souverain. On y retrouve
l’influence des mythes (Tour de Babel, agora de Platon, le bon sauvage…). A. Mattelart
retrace l’évolution historique autour du concept de paix perpétuelle et d’universalité.


1. Le lien chrétien face à l’ébranlement des clôtures

A) Colomb et le Temps nouveau
Colomb se perçoit comme le prophète par lequel arrivera l’Apocalypse au sens biblique. Mais
en parallèle, il exprime une volonté de tirer des profits économiques et de monter un empire
colonial. On note que les attentes eschatologiques étaient partagées de tous les nouveaux
conquérants, y compris Las Casas, le défenseur des Indiens.

B) Vespucci et le Mundus Novus
Le mundus novus est la façon dont Vespucci qualifie auprès de Laurent de Medici les
nouvelles terres qu’il longe au début du XVIème s. (côtes brésiliennes actuelles). C’est un
dépaysement radical et Vespucci est frappé avant tout par l’absence de règles apparent dans
lequel vivent les Indiens. A la différence de Colomb, Vespucci a élargi les bornes du monde ;
Colomb restait dans le ‘connu’ puisqu’il était convaincu jusqu’à sa mort d’avoir débarqué en
Asie. Un moine lorrain renommera ce mundus novus en Amérique d’après le prénom de
Vespucci et ce nouveau nom s’impose rapidement.

C) La société modèle de Thomas More
L’humanisme est touché par ces nouveautés : ainsi en 1516 paraît Utopia de T. More (alors
shérif de Londres. Le livre raconte la découverte d’une île imaginaire (Utopia), pays de
l’égalité absolue. Le mot utopie vient du grec : u (privatif)-topos (lieu). Cette utpoie/uchronie
                                               2
est un mélange entre le Nouveau Monde et les Temps Anciens : on vit selon la nature (sur le
modèle des Indiens) mais il y a aussi une longue histoire culturelle (sur le modèle de la
civilisation gréco-romaine et perse). Il n’y a pas de séparation entre classes sociales, entre
ville et campagne, entre travail physique et intellecutel… Cette peinture est en fait l’antithèse
de l’Angleterre d’alors (oppositipn entre les Lords et la population ; crise des enclosures qui
affame le peuple et enrichit les nobles…). Dans sa conclusion, More doute qu’une telle
société soit réalisable ; quelques ‘éclairés’ tentèrent toutefois d’appliquer le modèle moréen,
au Mexique notamment.

E) Francisco de Vitoria, le droit de la guerre et le droit de communiquer
En 1537, la bulle papale Sublimis Deus reconnaît aux Indiens le statut d’êtres humains.
S’affrontent alors l’Ecole de Salamanque (menée par le dominicain F. de Vitoria, qui
reconnaît l’égalité des hommes) et Sepulveda (le chapelain de Charles Quint), qui pense que
la hiérarchie des hommes est dans l’ordre naturel. En 1550 a lieu l’affrontement de
Valladolid : Sepulveda et Las Casas argumentent devant un jury de sages. De Vitoria refuse la
théorie de la souveraineté universelle de l’empereur et la souveraineté temporelle et civile du
pape sur le monde (il s’oppose au Traité de Tordesillas de 1494 qui partage le monde entre
espagnols et portugais). Par ailleurs il refuse l’idée de supériorité des chrétiens et donc du
droit de convertir de force.   C’est le premier à prendre conscience « de la non-identification
de la chrétienté avec le monde ».

F) Montaigne et la relativité culturelle
Montaigne (XVIème s.) note le déplacement du centre de gravité des préoccupations vers
l’individu et vers le monde. C’est à cette époque que se forge et se diffuse le mythe du Bon
sauvage, qui vivrait dans un monde où règnent la douceur de vivre, le sens de la dignité et
l’amour de la paix. Ce sont donc des « gens tout neufs » : leur société est celle d’avant que le
désir de pouvoir et de soumission aient envahis la société toute entière, comme c’est le cas
chez les Occidentaux.

G) des sociétés composites
Le traumatisme de la colonisation est d’abord démographique, mais conomique avec la
déstructuration des rapports économiques dûe à l’introduction de la monnaie, du commerce et
du crédit. Il y a aussi un problème de compréhension car la culture orale est confrontée au
système de l’écrit. La colonisation est donc une acculturation violent et totale, mais il n’y a
pas pour autant adoption véritable de la culture européenne.


I – COSMOPOLIS

2. Le système de la paix perpétuelle

Au XVIIème s. se développe l’idée d’une société universelle humaine et non chrétienne.


                                               3
A) Grotius et la communauté des mers
Depuis l’Antiquité, le droit naturel veut le libre usage des voies terrestres et maritimes. Le
droit maritme joue un rôle de « laboratoire du droit » depuis longtemps, jusque là toujours
dans le cadre du bassin méditerranéen. Or, l’Espagne se réserve le droit de commercer avec le
Nouveau Monde, droit confié à la cité de Séville : rapidement, des critiques s’élèvent contre
cette monopolisation.
Le hollandais Hugo de Groot (alias Grotius) publie en 1609 Mare liberum, sur commande de
la Compagnie des Indes Orientales. Le contexte est celui d’une montée des tensions dans les
colonies entre l’Espagne et le nouvel état des « Provinces Unies » (les futurs Pays-Bas), qui
s’est créé en opposition à l’Espagne. Ce nouveau pays défend le principe de l’appopriation
internationale des mers. Grotius célèbre notamment le caractère purificateur des océans, mais
laisse de côté les aspects matériels.

B) Naissance des frontières
Grotius, comme beaucoup des humanistes, a une conception de la communauté primitive
basée sur la bonté naturelle des individus. En 1625, il publie De jure belli ac pacis qui
distingue droit primitif (l’obligation morale vient de Dieu) et droit secondaire (ou positif),
c’est-à-dire les institutions que se donnent les homme. Nous sommes déjà vers la
sécularisation de l’Etat. Il défend aussi la doctrine de la médiation et de l’arbitrage, déjà en
pratique au traité de Westphalie (1648), qui met fin à la Guerre de Trente Ans qui déchire
l’Europe : désormais, les frontières sont fixes et on accorde le droit d’existence à des états non
catholiques.

C) La cité des sciences : Campanella et Bacon
Campanella publie la Città del Sole (1623). C’est le premier à intégrer le progrès technique et
scientifique dans la société idéale. Son ouvrage raconte la vie sur l’île du soleil qui est le
règne d’une société théocratique et hiérarchisée où l’innovation technologique est valorisée.
        F. Bacon est chancelier d’Angleterre (fin XVI° - début XVII°s) et a lu Campanella. Il
publie the New Atlantis dans un contexte de réforme des institutions religieuses en Angleterre.
Il met ainsi en utopie ses réflexions théoriques sur le progrès et le savoir comme moyen de
rendre la société et les hommes meilleurs. A la différence de Campanella ou Grotius, il n’a
pas de volonté universaliste puiqu’il justifie notamment la guerre comme élément d’union de
la nation. La Cité scientifique qu’il imagine est dirigée par un noyau de savants, d’où
l’importance des laboratoires et de l’innovation par les expériences. C’est aussi une société
misogyne dans laquelle les mouvements de la population sont limités, tout comme la
circulation de l’information.     Bacon fait de l’innovation techno-scientifique le moteur de
l’histoire. Il se méfie des innovations politiques et religieuses car elles engendrent trop de
désordres.

D) Dystopies : contre les faiseurs de projets
Au XVII°s. apparaissent aussi les premières critiques : S. Cyrano de Bergerac publie
l’Histoire comique contenant les Etats et Empires de la Lune où tout y est inversé par rapport
                                                4
à la Terre. En 1726, Jonathan Swift publie Gulliver’s travels. C’est une critique du mythe
d’une science sans abus et de la technique placée au dessus de la société mais c’est aussi une
remise en question du mythe du Bon sauvage et de l’état naturel : ainsi, pour Swift, « sans
vices, il n’y a ni société ni civilisation ».

E) Le projet de « corps européen » de l’abbé de St Pierre
Au XVIII°s., l’Europe est dévastée par la politique de suprématie de Louis XIV. Au début du
XVIII°s, l’abbé de St Pierre publie Projet pour rendre la paix perpétuelle en Europe. Il
prévoit ainsi de créer des institutions européennes (Sénat, Conseil, Commissions) et une
armée internationale, mais resterait le principe de non-ingérence dans les affaires intérieures.
A l’origine, son projet devait comprendre « tous les états de la Terre », puis il l’a réduit à
l’Europe pour éviter de décrédibliser l’ensemble du projet en le considérant comme une
utopie. On note que le commerce joue un rôle fondamental pour préserver la paix .        L’abbé
de Saint-Pierre est le premier à susbtituer la notion de bien-être et de progrès à celle d’esprit
de conquête ; c’est pourquoi il influencera les plus grands penseurs du siècle des Lumières. Il
lance surtout l’idée novatrice de la nécéssité d’integrer les nations dans un ensemble qui les
transcende .

F) L’an 2440 : Louis Sébastien Mercier et l’utopie de la gazette
1771 voit la publication clandestine de L’An 2440. Rêve s’il en fut jamais. Il s’agit du 1er récit
d’anticipation. L’an 2440 est l’ère de la paix, de la fraternité entre les peuples. Cette
révolution a été amenée par la presse, « le plus redoutable frein du despotisme ». Mercier est
le premier à mêler voies de communication, transmission des idées et liberté publique. En
revanche, il n’a pas prophétisé d’évolution des mentalités.




3. La raison universelle

Le XVIII° s. voit l’émergence de deux modalités de l’imaginaire cosmopolite : la
déterritorialisation marchande et le rayonnement des valeurs universelles de la Révolution
Française.

A) Adam Smith et la division harmonieuse du monde
        Adam Smith publie en 1776 Inquiry into the Nature and Causes of the Wealth of
Nations. Il voit la monnaie non comme le moyen de thésaurisation mais comme
l’intermédiaire des échanges. Ce n’est pas nouveau en soi mais Smith est le 1er à proposer une
théorie matérialiste du mécanisme du marché, l’ensemble de la société s’expliquant alors
selon des intérêts économiques. C’est une économie de laissez-faire sans contrôle politique,
qui fonctionne sur le désir individuel de s’enrichir. L’individualisme est ici un principe
d’avenir, à l’inverse de Th. More qui le voyait comme facteur de l’aggravation des injustices
sociales. Le caractère spontané de ce projet contraste avec d’autres projets plus anciens
mettant le commerce au centre d’accords interétatiques visant à la paix perpétuelle, qui
                                                5
reposaient eux sur le volontarisme. Smith élabore donc un schéma inéluctable de progression
dans le processus de marché, toujours plus proche du bonheur, ce qui influencera notamment
Comte et sa loi philosophique du progrès. Smith reconnaît que la limite en est la pression de
la sécurité nationale, trop forte pour permettre cette libéralisation des échanges.

B) La prégnance du modèle de la liberté marchande
        Smith n’avait pas conscience que la révolution industrielle avait déjà commencé, et il
laissait donc une place prépondérante à l’économie agraire. Mais cela n’empêche pas sa
doctrine de se répandre dans toute l’Europe, car elle séduit notamment par la réhabilitation du
libre vouloir des individus.

C) Condorcet et la République universelle des sciences
        La France de la Révolution s’est forgé son identité nationale en même temps qu’une
identité universaliste (droits de l’Homme ou démocratie). Ainsi pour Condorcet les espoirs
d’avenir consistent en la destruction de l’inégalité entre les nations, l’égalité dans un même
peuple et le perfectionnement de l’homme. Il souligne l’importance de l’instruction et de
l’information dans la construction et l’exercice de la citoyenneté. Il propose aussi un projet de
réunion des savants du monde entier dont leur mission consisterait à faire l’état des
connaissances scientifiques. A la différence de Bacon, ils partageraient leurs résultats entre les
nations et il y aurait une entière égalité des droits entre hommes et femmes.

D) De la démocratie télégraphique ou la naissance d’une utopie
        Vandermonde, le titulaire de la première chaire d’économie politique en 1795, voit la
technologie comme un moyen d’unité de la nation, un palliatif à l’éloignement géographique.
Vandermonde attache beaucoup d’importance aux moyens de communication (gazettes,
postes, aérostats…) car il faut selon lui gouverner désormais grâce à la confiance, et non grâce
à la force, l’autorité ou la séduction. Il est l’un des seuls à s’opposer à Smith : il pense en effet
que la division internationale des tâches ne se fait pas d’elle-même, mais que la richesse d’une
nation est ses hommes, d’où l’importance de la formation.             A chaque grande innovation
technique, de nouvelles promesses « d’agoras communicationnelles » naissent, mais elles ne
prennent pas en compte les réalités économiques et sociales.

E) Kant et la cosmopolitique
        Pour le philosophe, l’état de paix n’est pas l’état de nature ; la paix perpétuelle est
donc une maxime d’action et non un problème d’amélioration morale des hommes. Pour lui, il
y a 3 types de droit : droit civique, droit des gens et droit cosmopolitique, ce dernier imposant
de considérer individus et états comme citoyens d’un Etat universel. Le droit doit être rendu
publiquement, c’est pourquoi il faut laisser le droit de communiquer publiquement ses
pensées.

F) La fin de l’histoire ?


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Hegel, au début du XIX° s., pense l’histoire comme une « marche rationnelle,
nécessaire, de l’esprit universel », censée s’accomplir en Europe par un déterminisme
environnemental : il justifie ainsi la domination par l’Europe du reste du monde. Marx (qui fut
disciple d’Hegel) sera le premier à passer de l’universalité théorique à un « universel
concret » : une classe de la société capable de défendre les intérêts de la Terre entière, et non
une fraction de la société contrainte de donner à sa pensée une couleur ‘universelle’ pour
légitimer sa domination.




4. L’esprit positif à l’assaut du globe

A) Saint-Simon et le grand corps politique européen
        En 1814, Saint-Simon publie un texte où il présente le règlement des problèmes
supranationaux comme préalable au règlement des problèmes nationaux et donc au bonheur
des hommes. Pour lui, le XIX°s. est le siècle de l’invention et de l’organisation, par rapport
au XVIII°s. qui est celui de la critique et de la révolution. L’histoire est ainsi une alternance
de périodes critiques : l’amélioration est donc progressive par à-coups. Ainsi, le détachement
du papisme a brisé le seul lien qui existait entre toutes les nations. Pour continuer à
progresser, il faut créer un patriotisme européen ainsi qu’un parlement européen, dont ferait
partie les nouveaux industriels et des Pairs choisis parmi les plus riches et dont la charge
serait héréditaire.

B) la religion de Newton
         Pour Saint-Simon, la France et l’Angleterre étant les seuls pays à avoir une
constitution parlementaire, ils doivent s’associer dans un parlement binational afin de montrer
l’exemple et doivent également mettre au point une concertation commerciale, bancaire et
monétaire. Saint-Simon imagine une nouvelle science qui remplacerait la religion comme
pouvoir spirituel fédérateur. Il l’exprimait déjà en 1803 : Dieu lui révélerait en rêve une
nouvelle doctrine, la « religion de Newton ». Le Conseil de Newton, composé de savants,
serait le représentant de Dieu sur Terre. Il y aurait également un mausolée à Newton qui ferait
office de temple, ainsi que de véritables rites.

C) Le rêve de Bolivar
Depuis les années 1810, l’Amérique du Sud se libère progressivement de la domination
espagnole. Simon Bolivar formule dès 1815 le souhait de ne faire qu’une nation du Nouveau
Monde. Plus concrètement, il espère un congrès des nations sud-américaines sur le modèle du
congrès européen de l’abbé de Saint-Pierre. Il tente donc d’instaurer une institution
supranationale mais échoue finalement à cause d’oppositions entre réformateurs et
conservateurs en Amérique du Sud mais aussi à cause de manœuvres de la Sainte Alliance
européenne comme du gouvernement de Washington.

D) Gérer la société et le globe comme une grande industrie
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Saint-Simon voit la société nouvelle comme positiviste, industrielle et internationale ;
le rôle de l’Etat doit être réduit au minimum (il s’agit d’administrer des choses et non plus de
gouverner des hommes). Le problème de cette théorie est qu’elle laisse peu ou pas de place à
l’espace public et à la démocratie, alors même que le penseur en avait compris toute
l’importance. Saint-Simon tout comme Smith placent la détermination économique en 1er lieu
de l’organisation sociétale. Mais Saint-Simon place le producteur (l’industriel) au centre du
système, et non le consommateur ; de plus, il pense que la libre concurrence n’avantage que
les plus forts et aggrave donc l’injustice sociale. Pour lui, le monde fonctionne non pas sur le
désir de s’enrichir mais sur l’enthousiasme social : le réseau est donc un moyen ET une fin.

E) Un nouveau christianisme ?
        Saint-Simon est obsédé par la nécessité d’un lien qui soit également spirituel entre les
hommes. Durkheim a bien analysé le lien temporel/spirituel chez Saint-Simon : la religion est
la pièce clé car, sans elle, pas d’association internationale, donc pas d’industrialisme. L’erreur
du philosophe fut de penser la société uniquement sur des bases économiques ; il n’eut pas le
temps d’affiner sa conception d’une nouvelle religion.

F) Le saint-simonisme et le réseau rédempteur
        A la mort de Saint-Simon, on voit l’apparition d’une église regroupant une partie de
ses disciples, qui fut démantelée dès 1833 (désaccord sur la question de la place de la femme).
Ceux-ci ont retenu avant tout l’importance de l’industriel et de l’esprit d’entreprise. Chevalier
notamment développera les réseaux ferrés ; il y voyait un moyen et un symbole d’association
universelle (diffusion de la démocratie par le rail). Sa conception d’un réseau organique avec
un cœur au centre est à l’origine de la centralisation extrême du réseau ferré français.
    Cette croyance en la communication/machine/progrès perdure tout au long du XIX°s.,
prenant comme moteur le rail, puis le télégraphe, puis l’aviation, puis le cinéma.

G) La religion de l’Humanité d’Auguste Comte
En 1852, Comte publie Le Catéchisme positiviste. Lui aussi fonde son église et sa société
positiviste. Selon lui, « le progrès est le développement de l’ordre ». Ce positivisme insiste sur
les points communs entre individus et sur la nécessité d’une solidarité entre eux. Par ailleurs,
la sociologie, qui correspond au caractère scientifique – donc masculin ( !) doit remplacer la
morale, ce caractère qu’il dit féminin et qui guidait la société jusqu’alors). Dans cette société
nouvelle, l’unité de base n’est pas l’individu mais la famille. Une fois cette république établie
en Occident, resterait au clergé une grand mission prosélyte à l’échelle mondiale. Le
métissage jouerait alors un rôle de régénérateur social, ce qui est à l’opposé des théories
contemporaines de dégénération des races et de racisme biologique.



5. L’humanité socialiste


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Au XIX°s. le socialisme apparaît comme la nouvelle religion « capable d’accomplir les
promesses non tenues du christianisme ». Mais dès le départ, on voit apparaître des
dissenssions entre les enjeux nationaux et la vocation universelle des théories socialistes.

A) Fourier, l’inventeur du nouveau monde social
En 1808 paraît la Théorie des quatre mouvements et des destinées générales. La Terre est vue
comme un élément de l’univers, le plus malheureux de tous. Fourier dénonce la théorie saint-
simonienne et les autres théories affiliées qui prétendent que l’humanité se dirige toujours
plus vers l’amélioration d’elle-même. Fourier devance Freud et place les passions
(hiérarchisées) comme lois du fonctionnement collectif. La nourriture et la sexualité sont les
deux grandes passions mobilisatrices ; la sexualité étant la plus puissante des passions, il lui
reviendra d’accomplir la « synthèse finale ».
Il pense une société utopique, « l’Harmonie », organisée en communautés appelées
« phalanstères », le tout dans un ensemble architectural bien réglé et posé en milieu rural. On
travaille peu mais dans le plaisir, et la production est redistribuée proportionnellement au
capital, au travail et au talent. Fourier précise qu’il faut amorcer ce changement avec douceur
car les mentalités ne sont pas prêtes à un tel changement et sont convaincues de devoir vivre
des souffrances imposées par Dieu.

B) Les Etats-Unis, terre promise du fouriérisme
Aux Etats-Unis, 30 communautés fouriéristes sont créées dans les années 1840-50 mais
rapidement des divergences éclatèrent sur le partage de l’autorité et sur la frontière
public/privé. Pour l’opinion, Fourier devient l’équivalent de « free love » (cf. la satire de N.
Hawthorne, traumatisé par une courte expérience en communauté fouriériste).
   A la fin du XIX°s., on commence à voir une différenciation entre les utopies et les utopies
basées sur la technologie.

C) Le socialisme, une doctrine de la communion
Au début, le socialisme est un courant multiforme en France où des divergences sont notables
sur la place de la femme, la propriété et l’utilisation ou non de la violence. Pour P. Leroux (un
saint-simonien), la charité décrite dans les Evangiles n’est pas organisable ; il faut donc la
remplacer par la solidarité pour favoriser la communion avec ses semblables et avec l’univers.
Flora Tristan (féministe franco-péruvienne) publie en 1843 L’Union Ouvrière, le premier
manifeste ouvrier à vocation internationale.

D) Le Manifeste du parti communiste et le marché de l’univers
Le manifeste est publié en 1848 par Marx et Engels. Pour eux, l’organisation des prolétaires
en classe puis en parti politique, sera facilitée par les moyens de communication. Leur erreur
de pronostic vient du fait qu’ils voyaient l’opposition sociétale seulement entre la bourgeoisie
et le prolétariat, sans prendre en compte les classes moyennes. En revanche, ils ont
véritablement anticipé la mondialisation de l’économie capitaliste et la diffusion du
libéralisme économique.

                                               9
E) Proudhon et la fourmilière humaine
Proudhon est le précurseur de l’anarchisme individualiste. Selon lui, toutes les utopies sont
construites sur le modèle de la religion, aboutissant à un système basé sur la notion de
progrès. Or, Proudhon ne croit pas au système en tant qu’organisation : on compte trop sur
l’Etat et les institutions et pas assez sur les initiatives des citoyens. La nouvelle société qu’il
propose repose sur la notion de « contrat » de type commercial (et non rousseauiste) : il prône
donc une économie mutualiste et une politque fédéraliste. Pour assurer l’efficacité de cette
révolution pacifique, il est nécessaire qu’elle s’étende en dehors du pays, aboutissant ainsi à
une disparition des états.

F) La 1ère Internationale au péril des différences nationales
        1864 voit la fondation à Londres de la 1ère Internationale, ou Association internationale
des travailleurs. Dès 1868, le courant proudhonien, pro-propriété individuelle, devient
minoritaire face aux volontés collectivistes. Les membres de l’Internationale de tous pays
participent activement à la Commune de Paris en 1871 ; c’est l’époque où apparaît l’emblème
du drapeau rouge. Réprimée dans le sang par les troupes de Mac Mahon, la Commune devient
un mythe. En 1872, c’est la scission entre le courant marxiste qui reconnaît sa place à
l’autorité gouvernementale, et les courants anarchistes. En 1889, c’est la création d’une 2ème
Internationale, d’obédience sociale-démocrate.       Apparues lorsque l’on a tenté de mettre en
place ces utopies, les dissenssions sont désormais trop fortes au sein du socialisme.



6. Le réseau, la technique et le nouveau sens du monde

A) Le télégramme et la lettre : un « seul territoire pour tout l’univers »
       Morse transmet le premier message télégraphique, de Baltimore à Washington, en
1844. En 1865 à Paris on crée une Union télégraphique internationale donnant la priorité aux
techniciens sur les diplomates. Cela inspirera après la première guerre mondiale la création de
la SDN et du BIT (Bureau international du travail). En 1874, c’est la fondation de l’Union
générale des postes, qui se donne pour vocation de rapprocher les peuples du monde entier.
En 1840, R. Hill crée le timbre postal et instaure un tarif fixe (et non plus proportionnel à la
distance) en Angleterre, modèle qui s’exporte.

B) Edward Bellamy : l’an 2000 vu du Nouveau Monde
         Looking backward 2000-1887, publié en 1888, est un vrai succès d’édition mondial.
La nouveauté est qu’il montre les nouvelles technologies et l’internationalisation des échanges
comme normes de la société future. Celle-ci est organisée comme une grande entreprise, et la
révolution s’est opérée par l’argumentation (cf. le contrat proudhonien). Un système de « carte
de crédit » remplace la monnaie et les salaires. Un conseil gère le commerce international, qui
se fait seulement de bureau national à bureau national (il n’y a plus de marchands privés).

C) William Morris, un combat contre les nuisances
                                                10
Il publie son utopie (News from Nowhere) en feuilleton à partir de 1884. Là aussi, il
imagine un personnage transporté au XXI° siècle : il découvre une société d’égaux, où il n’y a
donc plus besoin de code civil ni de code criminel. La ville s’est réduite au profit de la
campagne et les usines ont disparu. Il est un adepte de Fourier, mais refuse sa vision du
phalanstère. Il est l’héritier d’un courant de critique sociale s’opposant à la foi en la machine,
voyant plutôt une dégénérescence industrielle.            William Morris est un des premiers
critiques du matérialisme borné.

D) Wells, le regard de l’aviateur
        Lui aussi critique la dégradation culturelle et morale dûe à l’industrialisation mais il
croit en la possiblité de réorienter le progrès technique dans l’intérêt de l’émancipation de
l’homme. Il décrit un monde où la richesse a remplacé la morale et où une seule langue
s’impose. Pour lui, le fantastique est le réel de demain, comme le montre la panique
provoquée par la lecture d’Orson Welles du texte de Wells The War of the Worlds en 1938.
En 1872 paraît Erewhon de S. Butler (anagramme de No Where) : c’est le livre fondateur des
dystopies, où il applique le principe de l’évolution darwinienne aux machines, dans un monde
où les antimachinistes ont gagné sur les machinistes.


E) Le projet anarchiste et la révolution du réseau
Proudhon est le 1er à faire le lien entre réseau technique, économie et démocratie directe. Pour
lui, le développement du réseau ferré est l’avènement du mouvement, mais il critique la
centralisation du réseau. Il a donc une approche différente de M. Chevalier pour qui la baisse
de la distance géographique équivaut à un rapprochement des classes.

F) Kropotkine et Reclus, le réseau égalitaire à l’ère néo-technique
Kropotkine (1842-1921), un géographe russe, reprend le principe du réseau fédératif et
égalitaire mais l’applique à l’électricité. En 1899, il publie Fields, Factories and Workshops,
où il étudie les façons de produire autrement, en redéfinissant la hiérarchie des rapports
humains. L’ère « archéotechnique » était basée sur la vapeur + la concentration industrielle. Il
critique la division internationale du travail car la conséquence en est une forte concurrence et
une augmentation de la concentration industrielle et urbaine. Il ne se contente pas de critiquer,
propose aussi des alternatives à partir de pratiques émergentes.
E. Reclus (1830-1905), un géographe et anarchiste français, a quant à lui publié une
Géographie universelle en 19 volumes. Le fil rouge de son travail est la fraternité entre les
peuples.

G) La fonction planétaire du cinématographe
        Le « Voyage dans la lune » (1902) de Georges Méliès est le 1er succès international
cinématographique. Nombreux sont ceux qui pensent le cinéma comme agent d’une « vaste
socialisation du monde », voire comme « agent de pacification » lors des campagnes de
colonisation. Pour d’autres, sa destination universelle est ce qui l’empêche d’être considéré

                                               11
comme une forme d’art. En 1909 paraît le Manifeste du futurisme de F. T. Marinetti, qui
invite les artistes à chercher l’inspiration dans la vie moderne, et notamment dans le
mouvement, la violence et les grandes innovations techniques et scientifiques.



7. La paix et les réseaux affinitaires

A) le contrat d’association universelle
Les années 1840 constituent l’ « âge d’or de l’idéalisme social » : se développe alors une
véritable aspiration à une fraternité universelle, avec les premiers congrès internationaux
autour de ce thème. Emile de Girardin préconise à la nation de fonctionner comme une
assurance car il faut réorganiser la société non plus selon la morale mais selon un principe
comptable, le seul universel. Le rôle de l’Etat doit donc être réduit au minimum, et
fonctionner comme une fédération décentralisée. Le moteur de la société serait le suffrage
universel ; les pouvoirs législatif et exécutif disparaîtraient, resterait seulement un pouvoir
administratif.

B) les ligues de la paix et la doctrine humanitaire
Dans les années 1850-1870, une série de guerres met fin aux congrès internationaux
pacifistes. En 1867 est créée la Ligue internationale et permanente pour la paix, rebaptisée
rapidement Société française des amis de la paix. La même année, est créée à Genève la Ligue
internationale pour la paix et la liberté, qui reprend notamment le projet des « Etats-Unis
d’Europe ».
Il faut attendre 1889 pour que le mouvement pacifique s’affirme vraiment, avec un Congrès
où émerge le projet de Déclaration du droit des peuples. Il est loin de faire l’unanimité car à la
fin du XIX°s se crée un consensus en France sur la colonisation. C’est à la même époque que
P. de Coubertin commence à lancer son projet qui aboutira aux 1ers JO modernes (1896). En
1901 est créé le Prix Nobel de la paix.

C) l’interdépendance
Deux décennies avant la 1°Guerre Mondiale, la représentation du monde qui prévaut est un
enchevêtrement tel que le sort de chacun est inséparable du sort général. La science sociale en
pleine formation commence déjà à étudier l’effacement du « lien territorial ». La sociologie
organiciste pousse à son paroxysme la transposition de la biologie à la société et à ses réseaux
de transport et de communication.
Léon Bourgeois et sa doctrine du solidarisme reprend le principe du contrat d’assurance et de
responsabilité mutuelle de Girardin, qu’il applique à la Société des Nations (terme apparu en
1907). Le problème est de définir le territoire d’application de la « conscience universelle » et
tous ou presque s’accordent à dire que celle-ci s’arrête hors des terres « civilisées », habitées
par la « race blanche.

D) Paul Otlet, le lien documentaire et la Civitas maxima

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Paul Otlet développe la notion d’internationalisme : tout est par essence mondial (économie,
finances, systèmes métriques, presse…), le besoin étant de combiner entre eux ces éléments
universels, tout en impliquant chaque citoyen. Il fait de la « documentation » la base d’une
nouvelle science, dont le but est de créer le Livre Universel du savoir.

E) Les Etats-Unis de l’€ en l’an 2270
1905 voit la parution de Sur la pierre blanche d’Anatole France, conçu en 3 parties sans lien
apparent : l’empire romain sous Néron, le début du XX°s, et l’an 2270 censé être dominé par
la Fédération européenne. Il propose une autre utopie : il n’y a pas d’idéal de perfection à
atteindre, il s’agit de devenir ce que l’homme est vraiment. Dans la dernière partie, il imagine
les peuples prêts à fusionner en une vaste humanité quand tout à coup les patriotismes se
réveillent, créant alors les Etats-Unis d’Europe. S’ensuit un demi-siècle de désordres
économiques et de misère sociale, entraînant l’instauration d’une dicature menée par un
comité d’ouvriers, qui impose la collectivisation. Toutefois, la menace de guerre persiste c’est
pourquoi les frontières de la Fédération sont surprotégées. Il y a aussi une menace intérieure,
les anarchistes, au sein desquels on retrouvent notamment les hommes de sciences et de
lettres.

F) Américaniser le monde
En 1898, suite à l’invasion de Cuba par les Etats-Unis, Theodore Roosevelt affirme que
« l’américanisation du monde est notre destinée ». Cette doctrine de la « Destinée Manifeste »
a servi à justifier l’expansion vers le Sud, au détriment du Mexique. ??? La grande campagne
médiatique en faveur de la guerre contre Cuba a eu une importance fondamentale, puisqu’elle
a retourné l’opinion. Organisée par le magnat W. R. Hearst (le « Citizen Kane » d’Orson
Welles), elle utilisait notamment un discours messianique : il s’agit d’accomplir la
« prédestination » d’une nation, elle-même agent de la Volonté divine.



8. Les Etats-Unis du monde en temps de guerre

A) La perplexité des intellectuels et des partis
Avec la 1°Guerre Mondiale on se rend compte que les accords internationaux sont
impuissants face aux grands courants d’hostilité. A la même époque, c’est la montée des
nationalismes au sein du mouvement ouvrier, ce que condamne Lénine. Il y a à alors un grand
débat (philosophique, sociologique, moral…) sur les causes de la guerre et sur comment en
sortir.

B) Pour une société intellectuelle des nations
C’est le titre d’un article d’Otlet de 1919. Il est convaincu qu’il s’agit d’un mouvement
irrésistible vers l’internationalisation. Son projet de société des nations est une alliance
défensive mutuelle universelle, avec une fédération des états mais aussi des grandes
organisation non-politiques.
                                              13
C) Geddes et le génie du lieu
        Beaucoup croient en une « renaissance sociale » et en une « purification morale »
comme séquelles de la guerre. L’écossais P. Geddes (1854-1932) pense ainsi que la guerre est
un révélateur de la perfectibilité de l’homme puisqu’elle montre la capacité à la résistance
d’un peuple. Geddes crée un urbanisme fondé sur des enquêtes sociologiques globales, tout en
restant focalisé sur le terrain. Il reprend la conception de l’histoire de Comte, sous l’angle de
vue selon lequel la ville est l’espace névralgique de notre temps. Il concoit la civilisation
mondiale comme liée au « génie du lieu » puisque l’universel se nourrit des cultures
particluières. Cette philosophie eutopienne influencera fortement MacLuhan et son village
global.

D) Sri Aurobindo : la diversité ds l’unité
Les penseurs indiens se sentent concernés par cette réflexion sur le nouvel ordre du monde
après la guerre. Sri Aurobindo (1872-1950) voit l’histoire de l’humanité comme un
élargissement croissant vers « l’universalité finale » (famille, tribu, nations…). Le problème
étant les égoïsmes collectifs, notamment celui de l’Europe, ainsi que l’apparition de nouvelles
idoles, l’Etat et la science.

E) La America Nuestra entre deux impérialismes
La 1°Guerre Mondiale a pour effet en Amérique latine de faire prendre conscience de la
nécessité d’unir le sous-continent. On s’inquiète notamment du potentiel développement de
l’impérialisme américain qui veut se forger un bouclier protecteur. Ce sentiment
d’appartenance à une communauté contientale est particulièrement ressenti lors de l’invasion
américaine de Cuba et de Puerto Rico à la fin du XIX°s, conforté par la révolution mexicaine
de 1911, une des premières révlutions anti-impérialistes. A la même époque se multiplient des
partis anti-impérialistes, anti-américains et anti-influence de l’Europe.


F) La séduction de l’idéalisme wilsonien
Président des Etats-Unis Th. W. Wilson est un ardent défenseur de l’idée d’une union des
nations. Il présente la confédération américaine comme la voie à suivre, d’autant plus que
l’Union panaméricaine (qui existe depuis 1889) présente un modèle d’adaptation à une
échelle plus large. Lors des négociations de Brest-Litovsk, en 1918, Wilson énonce ses 14
points, dont le dernier concerne « une association générale des nations » pour garantir
mutuellement l’indépendance politique et l’intégrité territoriale des membres. Si sa doctrine
est anti-impérialiste, la politique menée l’est nettement moins (ex : occupation d’Haïti et de la
République Dominicaine…). Les vraies causes d’intervention sont toujours les intérêts
économiques des Etats-Unis.

G) Du nationalisme tribal à l’isolationnisme
Suite au Traité de Versailles est scellé le pacte de la SDN ; mais cette dernière ne réunit que
les pays vainqueurs, et le vrai décideur reste les anglo-américains. De plus, elle n’a que très
                                               14
peu de pouvoirs et seuleemnt politiques. Le débat sur le sort des colonies est houleux. Au
final, on considère officiellement les peuples dits primitifs comme des mineurs dont la SDN
assure la tutelle, en confiant la gestion à des nations « plus développées » mandataires. Mais
comme les mécanismes de contrôle ne sont pas clarifiés, ds les faits cela revient à une
annexion.

H) Merchants of Peace
En 1929, Otlet publie son projet de Société financière des nations, en pleine crise économique
mondiale. Il n’y a pas d’initiative intergouvernementale économique ; les industriels de
différentes nations se regroupent donc de leur propre chef : en 1920, c’est la création de la
Chambre de Commerce Internationale, dont l’un des objectifs est la contribution à la paix. En
1938 paraît Merchants of peace, qui retrace l’histoire de la CCI.
.




II – TECHNOPOLIS

9. La crise de l’universalité

L’entre deux guerres est la crise des idées de civilisation des Lumières. Le changement de
centre vers les Etats-Unis remet en question les vieilles puissances.

A) Enquête insolite sur la culture universelle, bible de l’humanité
Une question devient incontournable sur la définition de la culture et sur la construction
européenne : le marché et la technique tuent-ils la culture ? Milan Kundera en 1993 a pu dire
qu’au moyen Age, l’union européenne était basée sur la religion commune. Dans les temps
modernes c’était la culture. Aujourd’hui la culture est remplacée mais on ne sait pas par quoi .




B) La fin d’un monde ?
En 1918, O. Spengler publie Le Déclin de l’Occident où il étudie la disparition du lien entre
l’individu et le territoire au profit de la « ville-monde ». Le nouvel état d’esprit ets résumé
par Paul Valéry en 1919 : à la perte des repères mentaux provoquée par la guerre, il faut
répondre par une association des penseurs internationaux : c’est la dimension qui manque à la
SDN. Il lance une correspondance entre penseurs et des colloques, autour de l’idée que la
culture est la base de l’universalité. Un autre pôle de réflexion est la phénoménologie
allemande : depuis Descartes, on nie la sensibilité de l’homme pour qui le relationnel est
pourtant fondamental. Husserl incite à repenser la science en fonction de cela. En France, il
faut attendre Merleau-Ponty et ses nouveux paradigmes sur les sciences sociales et
cognitives : surtout à partir des années 70, on envisage le lien entre micro et macro et entre
l’appartenance et la liberté.
                                                 15
C) L’Amérique et l’Europe des Lumières
Il y a un débat sur la capacité des Etats-Unis à prendre la relève spirituelle et politique de
l’Europe. Pour Ortega, le problème est l’avènement du peuple-masse ; il y a donc besoin de
nouveaux aristoi pour diriger. A la fin des années 20, le débat s’oriente sur
« l’américanisation » : les USA sont perçus comme hégémonie de la civilisation industrielle,
avec ses excès.

D) De la culture comme industrie
Contrairement à ce que pensent beaucoup de penseurs européens, les Etats-Unis ne sont plus
le « rejeton de l’Europe » mais ont leur propre modèle. Apparaît alors une théorie
sociologique qui refuse l’universalité pour avenir. Ainsi, pour le sociologue Cooley, la
diffusion de la culture globale ne gomme pas pour autant les traits particuliers. Il analyse
notamment le rôle des médias ds la construction de l’identité nationale , alors qu’en Europe,
on envisage seulement le rôle des médias dans la diffusion de la paix et ds l’éducation. Il est
difficile en France d’allier économie et culture ouvertement ; il faut attendre Jack Lang.
Progressivement, on associe démocratie et système industriel car la consommation des biens
est souvent identifiée avec la liberté politique.




10. L’internationale du conditionnement

La guerre totale renforce la croyance en l’omnipotence des techniques de persuasion.

A) La propagande et les avatars de la « mobilisation totale »
La 1° Guerre Mondiale a convaincu de l’importance de la propagande. En 1927, Lasswell
publie Propaganda Technique in the World War dans lequel il analyse les techniques de
persuasion comme fondement de la gestion de la démocratie de masse. Lasswell croie au
schéma stimulus-réponse, c’est-à-dire que le message est directement assimilé par la cible.
D’après lui, la société est trop complexe pour que les citoyens aient la compétence d’y
participer ; la censure est donc nécessaire mais doit être dosée. La première mise en place de
ces techniques ne se fait pas par l’Etat mais par l’industrie naissante des relations publiques,
notamment par Berclays et le comité Creel qui ont piloté la propagande et la censure
américaine pendant la 1° Guerre Mondiale. L’utilisation par le gouvernement vient seulement
en 1933 avec Roosevelt et sa politique du New Deal : orchestrement des campagnes,
sondages, utilisation des médias… A la même époque, la propagande extérieure devient
nécessaire pour contrer le nazime, qui utlise dès le début la radio y compris sur le sol
américain.

B) L’impérialisme, une grille de lecture du monde
Différentes idéologies s’affirment anti-impérialistes. Elles ont la même vision de départ : le
monde est manipulé par un système politique aux prétentions hégémoniques. Ainsi, en

                                              16
1919 est créée la 3ème Internationale, au service d’une révolution mondiale. Staline détournera
cette volonté internationaliste en exlcluant ou tuant les partisans, au profit d’un Etat-nation-
parti.

C) L’ère des organisateurs : Taylor au pays des Soviets
Lénine est pour le taylorisme car la main d’œuvre soviétique est profondément rurale et ne
connaît donc pas les techniques industrielles. Bogdanov publie L’Etoile rouge en 1908 : sur le
modèle du taylorisme, il met au point une société universelle de l’organisation ainsi qu’une
théorie des crises conçues comme désorganisation. Mais Zamiatine dans Nous Autres prendra
cette obsession de l’organisation en dérision (les hommes agissent de la même manière au
même moment). Dès 1934, A. Jdanov lance la mise sous contrôle officielle des écrivains
soviétiques, qui doivent participer à la propagande.

D) Le meilleur des mondes ou le malaise de Candide
Zamiatine ne dénonce pas seulement les dérives du soviétisme mais également tous les
processus d’uniformisation. Aldous Huxley s’inspire de Zamiatine en 1932 et publie Le
meilleur des mondes qui dénonce le fordisme. Il décrit un système de reproduction des clones
humains, classifiés selon leur intelligence.




11. Une planète manichéenne et schizophrène

Avec la guerre froide s’impose une représentation bipolaire du monde, entre idéologies
opposées et volonté de réaliser l’universel humain.

A) Iron Curtain
Le terme de « rideau de fer » est prononcé par W. Churchill dans son discours de Fulton en
1946 : il dénonce les démocraties populaires, qui ne s’affichent pas encore comme telles, et
appelle à une lutte contre la volonté de domination mondiale du communisme. En 1947 est
publié le rapport Jdanov qui annonce la division du monde en 2 camps : les impérialistes
menés par les américains et les anti-impérialistes, c’es-à-dire les communistes. C’est aussi une
réponse à la doctrine énoncée par le Président Truman qui positionne les Etats-Unis comme
gendarme de la stabilité du monde et grand défenseur de la démocratie dans le monde.
L’organisation des USA maintient le dispositif mis au point pendant la guerre où industrie et
forces armées collaborent étroitement. Dès 1947, ils lancent la lutte contre l’influence
communiste sur le sol américain, notamment par le contrôle des films (« maccarthysme »). La
ligne directrice du Comintern soviétique est l’organisation de conférences pour la paix, dont
la 1ère est organisée en 1948 : les USA sont désignés comme criminel (Hiroshima) et comme
agresseurs (Corée). La grande majorité des intellectuels français adhèrent au projet et André
Breton est bien isolé lorsqu’il dénonce dès 1949 « la terreur qui règne en zone russe dans la
littérature et dans l’art ».

                                              17
B) la guerre psychologique comme combat global
Avec la guerre froide, la division Nord/Sud disparaît pour la division Est/Ouest. Aider les
pays sous-développés devient un enjeu de sécurité (c’est le point 4 du discours de Truman de
1949). La diplomatie américaine fait inscrire dans les traités de paix le principe du free flow of
information, remis en cause par l’URSS dès 1950 (brouillage des émissions de radio
internationales) au nom de la souveraineté nationale. On parle de « guerre psychologique »
(ou guerre des idéologies) car c’est une guerre totale (dsan tous les domaines) et universelle
(le monde entier est concerné), dont l’enjeu est « l’âme même de l’homme » (Eisenhower).

C) La mémoire de la lutte contre les nazis
Lors de la 2° Guerre Mondiale, des spécialistes des sciences sociales ont été sollicités et
impliqués, notamment les sociologues des médias, comme W. Schramm, qui a analysé la
propagande nazie et soviétique pendant la guerre. C’est une stratégie délibérée de la part de
Washington que d’assimiler nazis et soviétiques. Le behaviorisme est alors dominant : on
pense que le public réagit directement au stimulus. Seul Lasswell émet des doutes sur
l’efficacité des institutions de guerre psychologique : we are in a war of ideas, but we have
not found our ideas.

D) Le Politburo et la lutte idéologique
La stratégie a été définie en 1947 avec la création du Cominform et du Mouvement pour la
paix. En 1949 est publié 1984 de George Orwell, qui dénonce le totalitarisme stalinien,
notamment à travers l’appauvrissement de la langue et de la culture comme moyen de
contrôle des pensées.
Staline meurt en 1953 ; en 1956 c’est la disparition du Cominform ; en 1957, le discours de
Krouchtchev dénonçant les crimes de Staline et le culte de la personnalité. Mais la « lutte
idéologique » survit à la déstalinisation, d’autant plus que la politique est alors celle de la
« coexistence pacifique », qui résulte de la prise de conscience du risque de destruction de
l’humanité si la guerre venait à se déclencher sur le plan militaire. L’idéologie soviétique est
basée sur la conviction que l’idéologie bourgeoise traverse une crise profonde et que seul le
communisme peut libérer les forces productives entravées par le capitalisme.

E) Le système des Nations Unies et l’éthique universelle
En 1946, c’est la naissance de l’UNESCO, dont le but est de contribuer à la paix dans le
monde en rapprochant les nations à travers l’éducation, la science et la culture. C’est la 1ère
fois que l’éducation, normalement une prérogative des états-nations, est abordée de façon
internationale. Ce sont dans les manifestes de la nouvelle organisation que se déclarent de
nouveau les principes d’universalité. Il y a une réelle volonté d’être réaliste et d’agir sous une
éthique.

F) Westernization
Dans les années 60, l’UNESCO travaille sur les indicateurs socio-économqiues et les plans de
sauvetage du patrimoine de l’humanité. Le problème est que le seul modèle de développement
                                            18
envisagé est un modèle dont l’aboutissement est la société de consommation. En 1955 a eu
lieu la conférence de Bandoung, qui marque le début du mouvement des pays non-alignés, et
qui suscite l’immense espoir d’une solidarité universelle. Peu de temps auparavant, Sauvy et
Balandier inventaient le terme de « tiers monde » (sur le modèle du « tiers état ») pour contrer
l’utilisation de « pays sous-développés » qui implique un jugement.




12. La planétisation et le discours des fins

A) L’idéologue, c’est forcément l’autre
Dans les années 60 se développe également la thèse de la fin des idéologies, et de l’avènement
d’une « société libre », marquée par le Congrès pour la liberté de la culture à Milan en 1955.
L’idéologie est alors assimilée au fanatisme et l’on voit la publication d’ouvrages proclamant
la fin de l’idéologie au profit de l’analyse sociologique (Shils, Bell, Lipset…). En France,
Raymond Aron dénonce la cécité de l’intelligentsia engagée dans le communisme.

B) La révolution managériale
Une thèse pionnière et récurrente, apparue dans les années 50, est celle de la managerial
society. Formulée pour la 1ère fois par J. Burnham (The Managerial Revolution, 1940) elle
part du principe que la division socialisme/capitalisme devient obsolète car il y a désormais
une nouvelle classe sociale, les managers, qui est en passe de prendre le pouvoir. Les
managers sont pensés comme des gestionnaires qui maîtrisent les moyens de production. Les
principes fondateurs de ce nouvel ordre sont l’ordre, la discipline, la plannification.
Burnham a entrevu la société organisationnelle.

C) Vers la société de l’information
Dans les années 60 se diffuse le concept de « société postindustrielle », dans une seconde
version qui ne pense pas l’hétérogénéité et la désurbanisation, mais l’uniformité et la valeur
de la civilisation urbaine. Son père fondateur est Daniel Bell, ; cette théorie extrapole le futur
à partir des grandes tendances de croissance exponentielle d’après guerre. En 1948, Norbert
Wiener, l’inventeur de la cybernétique, publie une étude sur le lien entre l’information et le
devenir des sociétés : l’avènement d’une société structurée autour de l’information doit
empêcher le retour de la barbarie. A la différence de Bell et de son approche purement
mathématique et mécanique de la communication, Wiener a une approche pluridisciplinaire.


D) Le vaisseau spatial Terre vu de la Lune
La conquête spatiale est le couronnement du rêve aérien. Avec le développement des vols
long-courrier, c’est pour certains l’avènement du global thinking et du global citizenship.

E) Un village global à connotation religieuse

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Le terme de « village global » est lancé par la canadien M. Mc Luhan en 1962. Celui-ci
analyse les présupposés sociaux, économiques et politiques sous-jacents dans la publicité
américaine. Si l’Eglise a explosé, c’est à cause de la révolution technique (Gutenberg) qui a
imposé la fragmentation, la lecture étant un acte individuel. D’après Mc Luhan, l’électricité
en tant que réseau global peut mettre un terme à cette fragmentation et recréer la cohésion de
la vie de village. Par ailleurs, il démontre la puissance des images électronique à faire
l’histoire, à partir de l’exemple de la guerre du Vietnam. Toutefois, cette « techno-utopie
œcuménique » laisse de côté la complexité cutlurelle et sociétale dans laquelle se contruit
l’usage des messages et des outils de communication.

F) Feu l’impérialisme : la géopolitique de la sct globale
Brzezinski, un spécialiste des problèmes du communisme, publie en 1969 La Révolution
technétronique, où il envisage l’évolution de l’affrontement des blocs sous l’effet de la
révolution technétronique, qui provient de la convergence technologique. Pour lui,
l’unification du monde s’est accélérée avec le développement des réseaux d’information et de
communicaton, ce qui change la donne en relations internationales puisque maîtriser ces
réseaux est désormais fondamental pour être une puissance mondiale. Quant aux Etats-Unis,
c’est le seul pays qui montre la voie vers la « société globale » : il ne s’agit pas
d’impérialisme culturel, mais de « modèle global de modernité », dont la société globale sera
l’extrapolation. Lui aussi reprend la thèse de la fin des idéologies mais là encore d’un point de
vue géopolitique : la révolution technétronique rend caduque toute velléité de révolution
politique.




13. Le spectre multinational

Avec la crise économique des années 70, on remet en question la notion de progrès ;
l’informatique est source d’espoir pour faire redémarrer l’économie, alors que la crainte de
l’uniformisation des modes de vie refait surface au sud comme au nord.

A) La ville globale
Au début des années 70, les vocables de firme globale et de firme multinationale se
développent, pour se différencier de « entreprise internationale » qui désignait une entreprise
qui exporte à l’étranger. Le concept de globalité est alors appliqué et recherché partout, sans
réfléchir aux nécessités d’adaptation au cas par cas. La notion ne se définit que par opposition
à « national ».




B) Les agents de l’ubiquité marchande
Les géants de l’économie se confèrent souvent une vocation humanitaire qui apparaît dans
leurs slogans. Salvador Allende est un des premiers à les démystifier, mais il est impossible au
                                               20
Chili d’imaginer un changement social en dehors de l’économie mondialisée, comme l’ont
vite démontré les multinationales lui coupant alors tout moyen. La dictature de Pinochet
instaurée à partir de 1973 servira de laboratoire au modèle néo-libéral. On se rend alors
compte que beaucoup de ces multinationales agissent en fonction de leur intérêt propre et non
de celui de leur pays-hôte. Les multinationales commencent à être critiquées de toutes parts,
même si l’on reconnaît leur efficacité économique. Ainsi, la France limite les investissements
étrangers et en 1973, la Commission Européenne conseille un encadrement juridique.

C) Ingouvernabilité des démocraties occidentales
Les années 70 portent un paradoxe : il y a un grand développement des multinationales mais
aussi une crise de confiance dans ce modèle de croissance économique mondiale qu’elles
portent, d’autant plus avec l’installation de l’instabilité monétaire et de l’économie
spéculative. En 1973 est lancée la Commission trilatérale, qui réunit des personnalités
politiques, économiques et intellectuelles d’Amérique du Nord, d’Europe et du Japon pour
faire face à la crise. En 1975, elle publie un rapport sur la gouvernabilité des démocraties
occidentales. Le diagnostic est sans appel : ces démocraties sont ingouvernables et il y a une
crise structurelle de la société industrielle. La cause en serait une démocratie trop développée,
qui provoque la disparition du contrôle social (principalement à cause des médias) et la
délégitimation de l’autorité, notamment politique. Ces thèses de « l’internationalisme libéral »
reçoivent le soutien de J. Carter, d’où sa politique de dérèglementation interne.

D) IBM ou le bonheur glacé des multinationales
IBM est le symbole de ces nouvelles sociétés multinationales. Créée en 1896, elle connaît son
véritable développement pendant les 30 Glorieuses grâce aux projets R&D confiés par le
Pentagone et la NASA, ce qui provoque le décollage de l’industrie informatique. Elle
proclame sa vocation internationale, comme le montre son slogan : « World peace through
world trade ». C’est le banc d’essai du néo-capitalisme organisationnel, l’archétype de
l’entreprise hypermoderne, avec le gouvernement à distance, l’identification à l’organisation
et l’intériorisation de ses objectifs et valeurs… Par ailleurs, IBM incarne « la société de
contrôle ». cela entraîne une image désastreuse de l’informatique et d’IBM qui l’incarne, d’où
la loi Informatique et libertés de 1978.

E) Sortir de la crise : « maîtriser son réseau pour maîtriser son destin »
En 1978 paraît le rapport Nora-Minc sur l’informatisation de la société à la demande de
Giscard d’Estaing. Il créé le mot télématique pour désigner la nouvelle imbrication entre la
communication et les ordinateurs. Un nouvel enjeu apparaît alors : la maîtrise du réseau
télématique, et le rapport conseille la collaboration avec IBM pour ne pas subir à l’avenir. Au
centre du rapport se trouve « un projet de société » : la révolution informatique est appelée à
mettre fin à la répartition élitiste des pouvoirs en élargissant la participation (« socialiser
l’information »).
En 1980 est publié un autre rapport très important, concernant les relations culturelles
extérieures. Il met en valeur le fait que la France est trop centrée sur le marché intérieur tout

                                               21
en croyant continuer à diffuser sa culture, alors qu’il faut désormais reconnaître les
interdépendances des cultures et se tourner vers l’échange.

F) Le défi mondial
C’est le titre d’un ouvrage de J.J. Servan-Schreiber p       aru en 1980 : il propose d’utiliser
l’informatique pour permettre au tiers-monde de sauter les étapes de l’industrialisation
classique. A la même époque paraît The Third Wave du futurologue américain A. Toffler : les
économies et les institutions de l’industrialisme (Etat-nation, élitisme…) vont disparaître face
aux nouvelles valeurs associées aux nouvelles technologies. Une utopie présente chez ces 2
auteurs est que le chômage disparaîtra avec le développement de l’informatique.

G) Polémiques sur l’échange inégal
Les années 60 et 70 sont marquées par un climat de mobilisation militante pour soutenir le
tiers monde (cf. mai 68, le soutien au Che et à Hô Chi Minh) : c’est aussi l’apparition du
concept d’impérialisme cutlutrel. Mais le soutien des intellectuels au tiers monde s’effondre
progressiveemnt au début des années 70 lorsqu’apparaissent les dérives dictatoriales (censure
cubaine, génocide Khmer rouge…). Paradoxalement, c’est l’apogée de l’union des pays du
Sud, qui s’imposent dans les négociations intenationales. Cela est flagrant dans le cas du
NOMIC (nouvell ordre mondial de l’information et de la communication), qui revendique
officiellement une meilleure distribution des moyens d’information et de communication.
Mais le débat a rejoint le conflit Est/Ouest, les Etats-Unis s’accrochant à leur doctrine du free
flow et l’Union soviétique détournant les velléités d’autodétermination culturelle des pays du
1/3 monde, alors même que l’unité de ce tiers monde éclate.        La polarisation des débats de
l’Unesco a eu pour effet d’écarter les pays du Nord des problématiques de règlementation de
l’espace communicationnel mondial.

H) Think globally, act locally
Les années 70 voient également l’irruption de la cause écologique, qui prend d’emblée une
dimension planétaire. Cette irruption est d’autant plus marquée que les accidents
environnementaux se multiplient (Seveso, Amoco Cadiz, Three Miles Island…). Apparaissent
également de nouveaux acteurs contestataires à dimension mondiale, comme Greenpeace. La
devise « Think globally, act locally », empruntée aux ONG, est adoptée par les
mutlinationales.

I) Retour à la culture, ou la dignité comme exigence première
C’est aussi une période de remise en cause des notions classiques de développement et de
progrès. On revendique de plus en plus le droit à la dignité des peuples et l’on place l’identité
culturelle au centre des problématiques. Dans toutes les disciplines, et notamment en histoire,
on reprend les théories du point de vue des laissés pour compte, ce qu’avaient anticipé F.
Braudel et L. Febvre dans l’Ecole de Annales.



                                               22
14. L’idéologie de la modernté managériale

A) Le novlangue des universaux de la communication
Les années 80 voient la dérèglementation des univers conceptuels désignant le monde. La
doctrine corporative est considérée comme fondement            de la réorganisation de la
planète : « ainsi, le modèle de communication entrepreneurial s’est naturalisé comme
technologie de gestion symbolique des rapports sociaux et s’est diffusé dans l’ensemble de la
société comme seul mode efficace de ‘mise en relations’ ».

B) Le millénarisme de la global democratic marketplace
A cette époque se crée une world business class, le seul groupe à oser revendiquer encore
d’être une classe. Son sommet, le forum mondial de l’économie, se réunit à Davos tous les
ans : il s’agit d’une sorte de club très sélectif des plus grands entrepreneurs mondaux, avec
des chefs d’Etat et des personnalités invitées. Il affirme son rôle pacificateur et mondial. On
croit fermement en la convergence, au fait que les comportements tendent de plus en plus à
s’uniformiser partout dans le monde. On ne nie pas l’existence de communautés minoritaires
et de marchés segmentés, mais ils répondent à une logique internationale et non nationale : il
peut y avoir plus de ressemblance entre un habitant de Brooklyn et de la région parisienne
qu’entre le premier et un habitant de Manhattan             c’est l’élaboration de consumption
communities transfrontalières.
Certains sont plus prudents et notent que la plupart des échecs des stratégies globales
proviennent de la non prise en compte de spécificités culturelles. C’est pourquoi l’on peut
parler de glocalisation qui prend en compte en même temps les niveaux local, national et
international.     Aujourd’hui, il est nécessaire de combiner macro et micro.

C) La liberté d’expression commerciale, nouveau droit de l’homme
Il ya des grands débats au GATT ou à l’OMC sur des thèmes tels que la circulation des
produits audovisuels, la constitution de bases de données socioculturelles sur les individus, la
délimitation du champ publicitaire…Apparaît aussi la notion néo-populiste de global
democratic marketplace : seul le libre arbitre du consommateur doit régir les flux culturels. La
sphère publique adopte alors le langage mercantiliste et toute tentative de limiter cette liberté
absolue est taxée de censure.

D) Faire la liberté du futur
« La techno-utopie s’est convertie en une arme idéologique de premier plan dans les trafics
d’influence, en vue de naturaliser la vision libre-échangiste de l’ordre mondial ». Le discours
des ‘gourous de l’informatique’ (comme Bill Gates) ne prend pas vraiment en compte la
complexité croissante des sociétés et affichent un optimisme qui interdit toute critique, sous
peine d’être taxé de pessimiste et technophobe.

E) Des inforoutes pour la « grande famille humaine »

                                               23
Al Gore propose son projet d’autoroutes de l’information ; c’est le premier discours
mentionnant l’interactivité citoyenne au niveau mondial. Mais le message central est le
suivant : « seule l’ouverture complète de vos systèmes nationaux à la logique de marché, et
donc leur privatisation, mettent totues les chances de développement de votre côté ». C’est le
« soft power » en action. En effet, la nouvelle stratégie hégémonique américaine consiste à
séduire (et non plus contraindre) grâce à la démocratie américaine et aux marchés libres, et
notamment grâce au web émergent, que l’on laisse aux initiatives privées.

F) le marché noir de la vie
Le problème est la déresponsabilisation des acteurs économiques, à force de dire que le
pouvoir est volatile, les sociétés complexes, etc. C’est le retour de la main invisible, puisque
l’individu est laissé seul face à sa capacité de consommer. Depuis le XIX°s, la technique et
ses réseaux n’ont cessé de creuser des écarts sociaux ; de plus, la mondialisation a
paradoxalement produit de la fragmentation. En parallèle a cours une mondialisation cachée,
faite de mafias, trafics illicites, intégrisme, diasporas clandestines…
La crise des macrhés de la géofinance a crée une brèche dans l’utopie globaliste (cf. 2000 : 1er
Forum social mondial à Porto Alegre). De plus en plus, des « poches de résistance » à la
Realpolitik néo-libérale se développent : manifestations lors des sommets du FMI, grèves…



EPILOGUE : Un système baroque
L’utopie néo-libérale a laissé de côté les principes d’égalité et de justice dont les utopies
précédents s’étaient souvent insiprés. On évacue les grands débats au profit de solutions
techniques dans une gestion managériale. La diversité culturelle s’est fondue avec les
stratégies de segmentation de cibles. La « société globale » n’est donc qu’un concept mou,
taillé pour servir les impératifs néo-libéraux. De plus, ce modèle d’intégration macrocosmique
usurpe l’appellation mondiale car en fait il délaisse la grande masse des exclus de la planète.
Désormais, la question de la pluralité des cultures est incontournable. Merleau-Ponty critique
le schéma histoire-modernité-progrès et propose plutôt le concept de ‘système baroque’, qui
rend mieux comptes de la non linéarité de l’histoire : « il faut voir le monde comme un
espace-temps où coexistent des formes d’exploitation, d’oppression et d’humiliation à la fois
anciennes et nouvelles, ansi que des formes de résistance à la fois éprouvées et inédites ».


POSTFACE : imaginaires de crise
Le capitalisme traverse une des plus graves crises de son histoire, engendrant ainsi des crises
sociales et des tensions géopolitiques. La crise la plus similaire à celle-ci n’est pas celle de
1929, d’après WALLERSTEIN : c’est celle du XV°-XVI°s., lorsque s’effondre le système
féodal et que se met progressivement en place le capitalisme. Désormais, on n’est plus dans la
lutte entre les pour ou les contre système capitaliste, mais dans une lutte entre les acteurs pour
savoir ce qui va le remplacer d’ici 30 ou 40 ans : un modèle de société plus violent ou un
modèle plus égalitaire.
                                               24
Ce qui est sûr, c’est que l’on a vu apparaître de nouvelles formes de conscience collective
planétaire et multiculturelle, notamment à travers les forums sociaux qui cherchent à
déterminer de nouveaux modes d’agir ensemble et de vivre-ensemble. Un consensus existe :
la philosophie des biens publics communs (l’eau, l’éducation…). L’enjeu est de « renouer
avec le primat du politique et de la souveraineté populaire » : c’est déterminant pour le
basculement vers une société et une économie de la connaissance qui ne fonctionne pas sur les
mêmes schémas que la société industrielle.
Aujourd’hui, avec la guerre au terrorisme, l’impératif de la sécurité nationale est au cœur du
projet de réorganisation de la société ; il remet en cause le principe démocratique de
séparation des pouvoirs et légitime l’exception par rapport au droit. La nouvelle fonction
stratégique est l’anticipation et la connaissance.   « La croyance techno-déterministe dans le
pouvoir magique de la communication et de ses réseaux qui a scandé les années de la
dérégulation et de la spéculation sauvages tout en soutenant la promesse d’une société globale
de l’information comme nouvelle édition de l’agora athénienne est la même qui a naturalisé
la diffusion indolore des technologies intrusives dans les sociétés postindustrielles ». Cela
s’explique par la croyance profonde en la capacité de la technologie à résoudre les problèmes
de la société.




APPRECIATION PERSONNELLE

        Armand Mattelart adopte dans cet ouvrage une démarche originale, qui consiste à ne
pas envisager la mondialisation seulement comme une extension des échanges culturels et
économiques : c’est également le rêve d’une unification de toute l’espèce humaine, qui
remonte à la Renaissance et à la découverte du Nouveau Monde, cet élargissement
fondamental des frontières géographiques et mentales. En tant qu’historienne, j’ai
particulièrement apprécié son approche chronologique, visant à restituer le processus de
construction par superposition, croisement et opposition des différentes idéologies
universalistes. Par ailleurs, étudier les utopies qui ont pu être élaborées dans le but d’unir les
hommes, c’est aussi s’intéresser à l’économie, à la philosophie, à la sociologie, comme aux
sciences de l’information et de la communication, domaines qui m’intéresse tous fortement.

       L’auteur fait preuve d’une érudition incontestable et absolument remarquable, et c’est
ce qui fait une des grandes forces de l’ouvrage puisqu’il aborde chaque théorie dans une
vision analytique d’ensemble, mais aussi avec force détails : il suffit de songer par exemple
aux longues descriptions qu’ A. Mattelart fait des systèmes utopiques de Thomas More ou
encore de l’abbé de Saint-Pierre.

       Mais c’est cette même érudition qui vient se heurter selon moi à des problèmes
pédagogiques : le cheminement analytique de l’ensemble de la réflexion et les (in)cohérences
d’une idéologie à une autre restent peu mises en valeur, au profit de la description de diverses
                                               25
théories à vocation universaliste. On a parfois l’impression de lire une liste, certes
passionnante, au sein de laquelle, pour y trouver des points communs d’un élément à un autre,
reste seule notre mémoire des pages précédentes. Une autre reproche qui pourrait être fait à
l’ouvrage et de se concentrer sur l’étude des théories : A. Mattelart narre par exemple les
tentatives d’adaptation des utopies mais s’arrête dans cette démarche au XVIIIème siècle. Il
aurait pu être intéressant et pertinent de développer par exemple les causes de l’échec du
communisme à « unir les hommes », le communisme ayant autrement plus marqué le monde
que le fouriérisme par exemple.

        C’est ce qui fait pour moi le principal inconvénient de cet ouvrage : son manque
d’accessiblité. Il s’adresse non seulement à un lecteur à capacités intellectuelles analytiques
fortes, mais aussi à lecteur devant posséder une excellente culture générale puisqu’ A.
Mattelart fait appel à des concepts complexes ou fait références à des éléments historiques,
des personnalités, etc. qu’il ne présente pas en dehors de son cadre d’analyse. On pourra
toutefois objecter à cette critique qu’en rendant l’ouvrage plus accessible, il ferait au moins le
double en volume.

        Je trouve cela dommage dans la mesure où il met en avant un nouveau sens de
l’histoire (du moins de celle des idéologies), et qu’il propose une autre vision du projet
sociétal, basé sur une réelle prise en compte et participation du peuple dans le système
démocratique, projet sociétal qui me semble fort intéressant et moblisateur. Il n’est certes pas
le seul à penser cette aproche différente et riche d’enjeux pour le futur, mais il a le mérite de
replacer des idéologies plaçant l’universalité au centre dans une perspective historique, mais
finalement tellement présente.

        Au final, je garderai l’impression d’un ouvrage extrèmement intéressant et stimulant
intellectuellement, qui me donne l’impression de faire une synthèse des connaissances que j’ai
pu acquérir au fur et à mesure de ma formation universitaire « classique », mais un ouvrage
également et malgré tout ardu à lire et à assimiler.




                                               26

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Histoire de l'utopie planétaire par Armand Mattelart (1999) - fiche de lecture

  • 1. Virginie Mahé Fiche de lecture M2 CPLMT 18/12/09 Histoire de l’utopie planétaire. De la cité prophétique à la société globale. Armand Mattelart (1999) L’auteur Né en 1936 en Belgique, Armand Mattelart est un chercheur et universitaire (il fut professeur en sciences de l'information et de la communication à l'université de Paris-VIII jusqu’à sa retraite en 2005). Auteur de nombreux ouvrages consacrés aux médias, à la culture et à la communication, il analyse notamment ces domaines sous l’angle de l’histoire et de l’international. Cela s’explique en partie par son histoire personnelle puisqu’il vécut au Chili avant d’en être chassé par la dictature de Pinochet. Après avoir travaillé comme expert en développement social dans le cadre du Programme des Nations Unies pour le développement et la FAO, il copréside en 1982 avec Yves Stourdzé une Mission interministérielle d’évaluation des recherches françaises dans le domaine des sciences sociales concernant la technologie, la culture et la communication. Il est désormais un membre actif de l’association altermondialiste ATTAC, et est également depuis 2003 Président de l’Observatoire français des médias, qui souhaite redonner aux médias leur rôle de contre-pouvoir. Il écrit régulièrement des articles pour le Monde Diplomatique. Parmi sa riche bilbliographie, on notera : • 1976. "Multinationales et système de communication. Paris, Anthropos. • 1979. "De l'usage des médias en temps de crise", avec Michèle Mattelart, Paris, Alain Moreau. • 1983. "L'Ordinateur et le tiers-monde", avec Hector Schmucler, Paris, François Maspero. • 1986. Penser les médias, avec Michèle Mattelart. Paris, La Découverte. • 1990. La publicité. Paris, La Découverte (coll. Repères). • 1992. La Communication-monde, Paris, La Découverte. • 1994. L'invention de la communication. Paris, La Découverte. • 1995. Histoire des théories de la communication, avec Michèle Mattelart. Paris, La Découverte (coll. Repères). • 1996. La mondialisation de la communication. Paris, PUF (coll. Que sais-je). • 2001. Histoire de la société de l'information. Paris, La Découverte (coll. Repères). • 2003. Introduction aux Cultural Studies, avec Érik Neveu. Paris, La Découverte (coll. Repères). • 2005. Diversité culturelle et mondialisation. Paris, La Découverte 1
  • 2. 2007. La globalisation de la surveillance, La Découverte. Préface « Le marché est en passe de réussir là où ont échoué les grands empires et les religions fondatrices : fusionner l’ensemble des être humains dans une communauté globale » : voici le leitmotiv des discours des élites du dernier quart de siècle. La déréglementation et le décloisonnement de la finance entraîne la croyance déterministe dans le pouvoir des TIC à refaire le monde. Cet ouvrage est le dernier volume d’une trilogie (La Communication-monde et L’invention de la Communication) où chaque livre aborde sous un angle différent la ‘genèse de l’idée de mondialisation’. Cet ouvrage-ci a été écrit dans un contexte de crise économique et financière : « par l’effet d’une étrange ironie de l’histoire, la quête d’un autre monde possible ravive la mémoire des utopies sociales enfouies », qu’A. Mattelart nous expose. Introduction Depuis la Renaissance et la découverte d’un 4ème continent, il y a un désir de paix universelle qui passerait par le dépassement du cadre de l’Etat souverain. On y retrouve l’influence des mythes (Tour de Babel, agora de Platon, le bon sauvage…). A. Mattelart retrace l’évolution historique autour du concept de paix perpétuelle et d’universalité. 1. Le lien chrétien face à l’ébranlement des clôtures A) Colomb et le Temps nouveau Colomb se perçoit comme le prophète par lequel arrivera l’Apocalypse au sens biblique. Mais en parallèle, il exprime une volonté de tirer des profits économiques et de monter un empire colonial. On note que les attentes eschatologiques étaient partagées de tous les nouveaux conquérants, y compris Las Casas, le défenseur des Indiens. B) Vespucci et le Mundus Novus Le mundus novus est la façon dont Vespucci qualifie auprès de Laurent de Medici les nouvelles terres qu’il longe au début du XVIème s. (côtes brésiliennes actuelles). C’est un dépaysement radical et Vespucci est frappé avant tout par l’absence de règles apparent dans lequel vivent les Indiens. A la différence de Colomb, Vespucci a élargi les bornes du monde ; Colomb restait dans le ‘connu’ puisqu’il était convaincu jusqu’à sa mort d’avoir débarqué en Asie. Un moine lorrain renommera ce mundus novus en Amérique d’après le prénom de Vespucci et ce nouveau nom s’impose rapidement. C) La société modèle de Thomas More L’humanisme est touché par ces nouveautés : ainsi en 1516 paraît Utopia de T. More (alors shérif de Londres. Le livre raconte la découverte d’une île imaginaire (Utopia), pays de l’égalité absolue. Le mot utopie vient du grec : u (privatif)-topos (lieu). Cette utpoie/uchronie 2
  • 3. est un mélange entre le Nouveau Monde et les Temps Anciens : on vit selon la nature (sur le modèle des Indiens) mais il y a aussi une longue histoire culturelle (sur le modèle de la civilisation gréco-romaine et perse). Il n’y a pas de séparation entre classes sociales, entre ville et campagne, entre travail physique et intellecutel… Cette peinture est en fait l’antithèse de l’Angleterre d’alors (oppositipn entre les Lords et la population ; crise des enclosures qui affame le peuple et enrichit les nobles…). Dans sa conclusion, More doute qu’une telle société soit réalisable ; quelques ‘éclairés’ tentèrent toutefois d’appliquer le modèle moréen, au Mexique notamment. E) Francisco de Vitoria, le droit de la guerre et le droit de communiquer En 1537, la bulle papale Sublimis Deus reconnaît aux Indiens le statut d’êtres humains. S’affrontent alors l’Ecole de Salamanque (menée par le dominicain F. de Vitoria, qui reconnaît l’égalité des hommes) et Sepulveda (le chapelain de Charles Quint), qui pense que la hiérarchie des hommes est dans l’ordre naturel. En 1550 a lieu l’affrontement de Valladolid : Sepulveda et Las Casas argumentent devant un jury de sages. De Vitoria refuse la théorie de la souveraineté universelle de l’empereur et la souveraineté temporelle et civile du pape sur le monde (il s’oppose au Traité de Tordesillas de 1494 qui partage le monde entre espagnols et portugais). Par ailleurs il refuse l’idée de supériorité des chrétiens et donc du droit de convertir de force. C’est le premier à prendre conscience « de la non-identification de la chrétienté avec le monde ». F) Montaigne et la relativité culturelle Montaigne (XVIème s.) note le déplacement du centre de gravité des préoccupations vers l’individu et vers le monde. C’est à cette époque que se forge et se diffuse le mythe du Bon sauvage, qui vivrait dans un monde où règnent la douceur de vivre, le sens de la dignité et l’amour de la paix. Ce sont donc des « gens tout neufs » : leur société est celle d’avant que le désir de pouvoir et de soumission aient envahis la société toute entière, comme c’est le cas chez les Occidentaux. G) des sociétés composites Le traumatisme de la colonisation est d’abord démographique, mais conomique avec la déstructuration des rapports économiques dûe à l’introduction de la monnaie, du commerce et du crédit. Il y a aussi un problème de compréhension car la culture orale est confrontée au système de l’écrit. La colonisation est donc une acculturation violent et totale, mais il n’y a pas pour autant adoption véritable de la culture européenne. I – COSMOPOLIS 2. Le système de la paix perpétuelle Au XVIIème s. se développe l’idée d’une société universelle humaine et non chrétienne. 3
  • 4. A) Grotius et la communauté des mers Depuis l’Antiquité, le droit naturel veut le libre usage des voies terrestres et maritimes. Le droit maritme joue un rôle de « laboratoire du droit » depuis longtemps, jusque là toujours dans le cadre du bassin méditerranéen. Or, l’Espagne se réserve le droit de commercer avec le Nouveau Monde, droit confié à la cité de Séville : rapidement, des critiques s’élèvent contre cette monopolisation. Le hollandais Hugo de Groot (alias Grotius) publie en 1609 Mare liberum, sur commande de la Compagnie des Indes Orientales. Le contexte est celui d’une montée des tensions dans les colonies entre l’Espagne et le nouvel état des « Provinces Unies » (les futurs Pays-Bas), qui s’est créé en opposition à l’Espagne. Ce nouveau pays défend le principe de l’appopriation internationale des mers. Grotius célèbre notamment le caractère purificateur des océans, mais laisse de côté les aspects matériels. B) Naissance des frontières Grotius, comme beaucoup des humanistes, a une conception de la communauté primitive basée sur la bonté naturelle des individus. En 1625, il publie De jure belli ac pacis qui distingue droit primitif (l’obligation morale vient de Dieu) et droit secondaire (ou positif), c’est-à-dire les institutions que se donnent les homme. Nous sommes déjà vers la sécularisation de l’Etat. Il défend aussi la doctrine de la médiation et de l’arbitrage, déjà en pratique au traité de Westphalie (1648), qui met fin à la Guerre de Trente Ans qui déchire l’Europe : désormais, les frontières sont fixes et on accorde le droit d’existence à des états non catholiques. C) La cité des sciences : Campanella et Bacon Campanella publie la Città del Sole (1623). C’est le premier à intégrer le progrès technique et scientifique dans la société idéale. Son ouvrage raconte la vie sur l’île du soleil qui est le règne d’une société théocratique et hiérarchisée où l’innovation technologique est valorisée. F. Bacon est chancelier d’Angleterre (fin XVI° - début XVII°s) et a lu Campanella. Il publie the New Atlantis dans un contexte de réforme des institutions religieuses en Angleterre. Il met ainsi en utopie ses réflexions théoriques sur le progrès et le savoir comme moyen de rendre la société et les hommes meilleurs. A la différence de Campanella ou Grotius, il n’a pas de volonté universaliste puiqu’il justifie notamment la guerre comme élément d’union de la nation. La Cité scientifique qu’il imagine est dirigée par un noyau de savants, d’où l’importance des laboratoires et de l’innovation par les expériences. C’est aussi une société misogyne dans laquelle les mouvements de la population sont limités, tout comme la circulation de l’information. Bacon fait de l’innovation techno-scientifique le moteur de l’histoire. Il se méfie des innovations politiques et religieuses car elles engendrent trop de désordres. D) Dystopies : contre les faiseurs de projets Au XVII°s. apparaissent aussi les premières critiques : S. Cyrano de Bergerac publie l’Histoire comique contenant les Etats et Empires de la Lune où tout y est inversé par rapport 4
  • 5. à la Terre. En 1726, Jonathan Swift publie Gulliver’s travels. C’est une critique du mythe d’une science sans abus et de la technique placée au dessus de la société mais c’est aussi une remise en question du mythe du Bon sauvage et de l’état naturel : ainsi, pour Swift, « sans vices, il n’y a ni société ni civilisation ». E) Le projet de « corps européen » de l’abbé de St Pierre Au XVIII°s., l’Europe est dévastée par la politique de suprématie de Louis XIV. Au début du XVIII°s, l’abbé de St Pierre publie Projet pour rendre la paix perpétuelle en Europe. Il prévoit ainsi de créer des institutions européennes (Sénat, Conseil, Commissions) et une armée internationale, mais resterait le principe de non-ingérence dans les affaires intérieures. A l’origine, son projet devait comprendre « tous les états de la Terre », puis il l’a réduit à l’Europe pour éviter de décrédibliser l’ensemble du projet en le considérant comme une utopie. On note que le commerce joue un rôle fondamental pour préserver la paix . L’abbé de Saint-Pierre est le premier à susbtituer la notion de bien-être et de progrès à celle d’esprit de conquête ; c’est pourquoi il influencera les plus grands penseurs du siècle des Lumières. Il lance surtout l’idée novatrice de la nécéssité d’integrer les nations dans un ensemble qui les transcende . F) L’an 2440 : Louis Sébastien Mercier et l’utopie de la gazette 1771 voit la publication clandestine de L’An 2440. Rêve s’il en fut jamais. Il s’agit du 1er récit d’anticipation. L’an 2440 est l’ère de la paix, de la fraternité entre les peuples. Cette révolution a été amenée par la presse, « le plus redoutable frein du despotisme ». Mercier est le premier à mêler voies de communication, transmission des idées et liberté publique. En revanche, il n’a pas prophétisé d’évolution des mentalités. 3. La raison universelle Le XVIII° s. voit l’émergence de deux modalités de l’imaginaire cosmopolite : la déterritorialisation marchande et le rayonnement des valeurs universelles de la Révolution Française. A) Adam Smith et la division harmonieuse du monde Adam Smith publie en 1776 Inquiry into the Nature and Causes of the Wealth of Nations. Il voit la monnaie non comme le moyen de thésaurisation mais comme l’intermédiaire des échanges. Ce n’est pas nouveau en soi mais Smith est le 1er à proposer une théorie matérialiste du mécanisme du marché, l’ensemble de la société s’expliquant alors selon des intérêts économiques. C’est une économie de laissez-faire sans contrôle politique, qui fonctionne sur le désir individuel de s’enrichir. L’individualisme est ici un principe d’avenir, à l’inverse de Th. More qui le voyait comme facteur de l’aggravation des injustices sociales. Le caractère spontané de ce projet contraste avec d’autres projets plus anciens mettant le commerce au centre d’accords interétatiques visant à la paix perpétuelle, qui 5
  • 6. reposaient eux sur le volontarisme. Smith élabore donc un schéma inéluctable de progression dans le processus de marché, toujours plus proche du bonheur, ce qui influencera notamment Comte et sa loi philosophique du progrès. Smith reconnaît que la limite en est la pression de la sécurité nationale, trop forte pour permettre cette libéralisation des échanges. B) La prégnance du modèle de la liberté marchande Smith n’avait pas conscience que la révolution industrielle avait déjà commencé, et il laissait donc une place prépondérante à l’économie agraire. Mais cela n’empêche pas sa doctrine de se répandre dans toute l’Europe, car elle séduit notamment par la réhabilitation du libre vouloir des individus. C) Condorcet et la République universelle des sciences La France de la Révolution s’est forgé son identité nationale en même temps qu’une identité universaliste (droits de l’Homme ou démocratie). Ainsi pour Condorcet les espoirs d’avenir consistent en la destruction de l’inégalité entre les nations, l’égalité dans un même peuple et le perfectionnement de l’homme. Il souligne l’importance de l’instruction et de l’information dans la construction et l’exercice de la citoyenneté. Il propose aussi un projet de réunion des savants du monde entier dont leur mission consisterait à faire l’état des connaissances scientifiques. A la différence de Bacon, ils partageraient leurs résultats entre les nations et il y aurait une entière égalité des droits entre hommes et femmes. D) De la démocratie télégraphique ou la naissance d’une utopie Vandermonde, le titulaire de la première chaire d’économie politique en 1795, voit la technologie comme un moyen d’unité de la nation, un palliatif à l’éloignement géographique. Vandermonde attache beaucoup d’importance aux moyens de communication (gazettes, postes, aérostats…) car il faut selon lui gouverner désormais grâce à la confiance, et non grâce à la force, l’autorité ou la séduction. Il est l’un des seuls à s’opposer à Smith : il pense en effet que la division internationale des tâches ne se fait pas d’elle-même, mais que la richesse d’une nation est ses hommes, d’où l’importance de la formation. A chaque grande innovation technique, de nouvelles promesses « d’agoras communicationnelles » naissent, mais elles ne prennent pas en compte les réalités économiques et sociales. E) Kant et la cosmopolitique Pour le philosophe, l’état de paix n’est pas l’état de nature ; la paix perpétuelle est donc une maxime d’action et non un problème d’amélioration morale des hommes. Pour lui, il y a 3 types de droit : droit civique, droit des gens et droit cosmopolitique, ce dernier imposant de considérer individus et états comme citoyens d’un Etat universel. Le droit doit être rendu publiquement, c’est pourquoi il faut laisser le droit de communiquer publiquement ses pensées. F) La fin de l’histoire ? 6
  • 7. Hegel, au début du XIX° s., pense l’histoire comme une « marche rationnelle, nécessaire, de l’esprit universel », censée s’accomplir en Europe par un déterminisme environnemental : il justifie ainsi la domination par l’Europe du reste du monde. Marx (qui fut disciple d’Hegel) sera le premier à passer de l’universalité théorique à un « universel concret » : une classe de la société capable de défendre les intérêts de la Terre entière, et non une fraction de la société contrainte de donner à sa pensée une couleur ‘universelle’ pour légitimer sa domination. 4. L’esprit positif à l’assaut du globe A) Saint-Simon et le grand corps politique européen En 1814, Saint-Simon publie un texte où il présente le règlement des problèmes supranationaux comme préalable au règlement des problèmes nationaux et donc au bonheur des hommes. Pour lui, le XIX°s. est le siècle de l’invention et de l’organisation, par rapport au XVIII°s. qui est celui de la critique et de la révolution. L’histoire est ainsi une alternance de périodes critiques : l’amélioration est donc progressive par à-coups. Ainsi, le détachement du papisme a brisé le seul lien qui existait entre toutes les nations. Pour continuer à progresser, il faut créer un patriotisme européen ainsi qu’un parlement européen, dont ferait partie les nouveaux industriels et des Pairs choisis parmi les plus riches et dont la charge serait héréditaire. B) la religion de Newton Pour Saint-Simon, la France et l’Angleterre étant les seuls pays à avoir une constitution parlementaire, ils doivent s’associer dans un parlement binational afin de montrer l’exemple et doivent également mettre au point une concertation commerciale, bancaire et monétaire. Saint-Simon imagine une nouvelle science qui remplacerait la religion comme pouvoir spirituel fédérateur. Il l’exprimait déjà en 1803 : Dieu lui révélerait en rêve une nouvelle doctrine, la « religion de Newton ». Le Conseil de Newton, composé de savants, serait le représentant de Dieu sur Terre. Il y aurait également un mausolée à Newton qui ferait office de temple, ainsi que de véritables rites. C) Le rêve de Bolivar Depuis les années 1810, l’Amérique du Sud se libère progressivement de la domination espagnole. Simon Bolivar formule dès 1815 le souhait de ne faire qu’une nation du Nouveau Monde. Plus concrètement, il espère un congrès des nations sud-américaines sur le modèle du congrès européen de l’abbé de Saint-Pierre. Il tente donc d’instaurer une institution supranationale mais échoue finalement à cause d’oppositions entre réformateurs et conservateurs en Amérique du Sud mais aussi à cause de manœuvres de la Sainte Alliance européenne comme du gouvernement de Washington. D) Gérer la société et le globe comme une grande industrie 7
  • 8. Saint-Simon voit la société nouvelle comme positiviste, industrielle et internationale ; le rôle de l’Etat doit être réduit au minimum (il s’agit d’administrer des choses et non plus de gouverner des hommes). Le problème de cette théorie est qu’elle laisse peu ou pas de place à l’espace public et à la démocratie, alors même que le penseur en avait compris toute l’importance. Saint-Simon tout comme Smith placent la détermination économique en 1er lieu de l’organisation sociétale. Mais Saint-Simon place le producteur (l’industriel) au centre du système, et non le consommateur ; de plus, il pense que la libre concurrence n’avantage que les plus forts et aggrave donc l’injustice sociale. Pour lui, le monde fonctionne non pas sur le désir de s’enrichir mais sur l’enthousiasme social : le réseau est donc un moyen ET une fin. E) Un nouveau christianisme ? Saint-Simon est obsédé par la nécessité d’un lien qui soit également spirituel entre les hommes. Durkheim a bien analysé le lien temporel/spirituel chez Saint-Simon : la religion est la pièce clé car, sans elle, pas d’association internationale, donc pas d’industrialisme. L’erreur du philosophe fut de penser la société uniquement sur des bases économiques ; il n’eut pas le temps d’affiner sa conception d’une nouvelle religion. F) Le saint-simonisme et le réseau rédempteur A la mort de Saint-Simon, on voit l’apparition d’une église regroupant une partie de ses disciples, qui fut démantelée dès 1833 (désaccord sur la question de la place de la femme). Ceux-ci ont retenu avant tout l’importance de l’industriel et de l’esprit d’entreprise. Chevalier notamment développera les réseaux ferrés ; il y voyait un moyen et un symbole d’association universelle (diffusion de la démocratie par le rail). Sa conception d’un réseau organique avec un cœur au centre est à l’origine de la centralisation extrême du réseau ferré français. Cette croyance en la communication/machine/progrès perdure tout au long du XIX°s., prenant comme moteur le rail, puis le télégraphe, puis l’aviation, puis le cinéma. G) La religion de l’Humanité d’Auguste Comte En 1852, Comte publie Le Catéchisme positiviste. Lui aussi fonde son église et sa société positiviste. Selon lui, « le progrès est le développement de l’ordre ». Ce positivisme insiste sur les points communs entre individus et sur la nécessité d’une solidarité entre eux. Par ailleurs, la sociologie, qui correspond au caractère scientifique – donc masculin ( !) doit remplacer la morale, ce caractère qu’il dit féminin et qui guidait la société jusqu’alors). Dans cette société nouvelle, l’unité de base n’est pas l’individu mais la famille. Une fois cette république établie en Occident, resterait au clergé une grand mission prosélyte à l’échelle mondiale. Le métissage jouerait alors un rôle de régénérateur social, ce qui est à l’opposé des théories contemporaines de dégénération des races et de racisme biologique. 5. L’humanité socialiste 8
  • 9. Au XIX°s. le socialisme apparaît comme la nouvelle religion « capable d’accomplir les promesses non tenues du christianisme ». Mais dès le départ, on voit apparaître des dissenssions entre les enjeux nationaux et la vocation universelle des théories socialistes. A) Fourier, l’inventeur du nouveau monde social En 1808 paraît la Théorie des quatre mouvements et des destinées générales. La Terre est vue comme un élément de l’univers, le plus malheureux de tous. Fourier dénonce la théorie saint- simonienne et les autres théories affiliées qui prétendent que l’humanité se dirige toujours plus vers l’amélioration d’elle-même. Fourier devance Freud et place les passions (hiérarchisées) comme lois du fonctionnement collectif. La nourriture et la sexualité sont les deux grandes passions mobilisatrices ; la sexualité étant la plus puissante des passions, il lui reviendra d’accomplir la « synthèse finale ». Il pense une société utopique, « l’Harmonie », organisée en communautés appelées « phalanstères », le tout dans un ensemble architectural bien réglé et posé en milieu rural. On travaille peu mais dans le plaisir, et la production est redistribuée proportionnellement au capital, au travail et au talent. Fourier précise qu’il faut amorcer ce changement avec douceur car les mentalités ne sont pas prêtes à un tel changement et sont convaincues de devoir vivre des souffrances imposées par Dieu. B) Les Etats-Unis, terre promise du fouriérisme Aux Etats-Unis, 30 communautés fouriéristes sont créées dans les années 1840-50 mais rapidement des divergences éclatèrent sur le partage de l’autorité et sur la frontière public/privé. Pour l’opinion, Fourier devient l’équivalent de « free love » (cf. la satire de N. Hawthorne, traumatisé par une courte expérience en communauté fouriériste). A la fin du XIX°s., on commence à voir une différenciation entre les utopies et les utopies basées sur la technologie. C) Le socialisme, une doctrine de la communion Au début, le socialisme est un courant multiforme en France où des divergences sont notables sur la place de la femme, la propriété et l’utilisation ou non de la violence. Pour P. Leroux (un saint-simonien), la charité décrite dans les Evangiles n’est pas organisable ; il faut donc la remplacer par la solidarité pour favoriser la communion avec ses semblables et avec l’univers. Flora Tristan (féministe franco-péruvienne) publie en 1843 L’Union Ouvrière, le premier manifeste ouvrier à vocation internationale. D) Le Manifeste du parti communiste et le marché de l’univers Le manifeste est publié en 1848 par Marx et Engels. Pour eux, l’organisation des prolétaires en classe puis en parti politique, sera facilitée par les moyens de communication. Leur erreur de pronostic vient du fait qu’ils voyaient l’opposition sociétale seulement entre la bourgeoisie et le prolétariat, sans prendre en compte les classes moyennes. En revanche, ils ont véritablement anticipé la mondialisation de l’économie capitaliste et la diffusion du libéralisme économique. 9
  • 10. E) Proudhon et la fourmilière humaine Proudhon est le précurseur de l’anarchisme individualiste. Selon lui, toutes les utopies sont construites sur le modèle de la religion, aboutissant à un système basé sur la notion de progrès. Or, Proudhon ne croit pas au système en tant qu’organisation : on compte trop sur l’Etat et les institutions et pas assez sur les initiatives des citoyens. La nouvelle société qu’il propose repose sur la notion de « contrat » de type commercial (et non rousseauiste) : il prône donc une économie mutualiste et une politque fédéraliste. Pour assurer l’efficacité de cette révolution pacifique, il est nécessaire qu’elle s’étende en dehors du pays, aboutissant ainsi à une disparition des états. F) La 1ère Internationale au péril des différences nationales 1864 voit la fondation à Londres de la 1ère Internationale, ou Association internationale des travailleurs. Dès 1868, le courant proudhonien, pro-propriété individuelle, devient minoritaire face aux volontés collectivistes. Les membres de l’Internationale de tous pays participent activement à la Commune de Paris en 1871 ; c’est l’époque où apparaît l’emblème du drapeau rouge. Réprimée dans le sang par les troupes de Mac Mahon, la Commune devient un mythe. En 1872, c’est la scission entre le courant marxiste qui reconnaît sa place à l’autorité gouvernementale, et les courants anarchistes. En 1889, c’est la création d’une 2ème Internationale, d’obédience sociale-démocrate. Apparues lorsque l’on a tenté de mettre en place ces utopies, les dissenssions sont désormais trop fortes au sein du socialisme. 6. Le réseau, la technique et le nouveau sens du monde A) Le télégramme et la lettre : un « seul territoire pour tout l’univers » Morse transmet le premier message télégraphique, de Baltimore à Washington, en 1844. En 1865 à Paris on crée une Union télégraphique internationale donnant la priorité aux techniciens sur les diplomates. Cela inspirera après la première guerre mondiale la création de la SDN et du BIT (Bureau international du travail). En 1874, c’est la fondation de l’Union générale des postes, qui se donne pour vocation de rapprocher les peuples du monde entier. En 1840, R. Hill crée le timbre postal et instaure un tarif fixe (et non plus proportionnel à la distance) en Angleterre, modèle qui s’exporte. B) Edward Bellamy : l’an 2000 vu du Nouveau Monde Looking backward 2000-1887, publié en 1888, est un vrai succès d’édition mondial. La nouveauté est qu’il montre les nouvelles technologies et l’internationalisation des échanges comme normes de la société future. Celle-ci est organisée comme une grande entreprise, et la révolution s’est opérée par l’argumentation (cf. le contrat proudhonien). Un système de « carte de crédit » remplace la monnaie et les salaires. Un conseil gère le commerce international, qui se fait seulement de bureau national à bureau national (il n’y a plus de marchands privés). C) William Morris, un combat contre les nuisances 10
  • 11. Il publie son utopie (News from Nowhere) en feuilleton à partir de 1884. Là aussi, il imagine un personnage transporté au XXI° siècle : il découvre une société d’égaux, où il n’y a donc plus besoin de code civil ni de code criminel. La ville s’est réduite au profit de la campagne et les usines ont disparu. Il est un adepte de Fourier, mais refuse sa vision du phalanstère. Il est l’héritier d’un courant de critique sociale s’opposant à la foi en la machine, voyant plutôt une dégénérescence industrielle. William Morris est un des premiers critiques du matérialisme borné. D) Wells, le regard de l’aviateur Lui aussi critique la dégradation culturelle et morale dûe à l’industrialisation mais il croit en la possiblité de réorienter le progrès technique dans l’intérêt de l’émancipation de l’homme. Il décrit un monde où la richesse a remplacé la morale et où une seule langue s’impose. Pour lui, le fantastique est le réel de demain, comme le montre la panique provoquée par la lecture d’Orson Welles du texte de Wells The War of the Worlds en 1938. En 1872 paraît Erewhon de S. Butler (anagramme de No Where) : c’est le livre fondateur des dystopies, où il applique le principe de l’évolution darwinienne aux machines, dans un monde où les antimachinistes ont gagné sur les machinistes. E) Le projet anarchiste et la révolution du réseau Proudhon est le 1er à faire le lien entre réseau technique, économie et démocratie directe. Pour lui, le développement du réseau ferré est l’avènement du mouvement, mais il critique la centralisation du réseau. Il a donc une approche différente de M. Chevalier pour qui la baisse de la distance géographique équivaut à un rapprochement des classes. F) Kropotkine et Reclus, le réseau égalitaire à l’ère néo-technique Kropotkine (1842-1921), un géographe russe, reprend le principe du réseau fédératif et égalitaire mais l’applique à l’électricité. En 1899, il publie Fields, Factories and Workshops, où il étudie les façons de produire autrement, en redéfinissant la hiérarchie des rapports humains. L’ère « archéotechnique » était basée sur la vapeur + la concentration industrielle. Il critique la division internationale du travail car la conséquence en est une forte concurrence et une augmentation de la concentration industrielle et urbaine. Il ne se contente pas de critiquer, propose aussi des alternatives à partir de pratiques émergentes. E. Reclus (1830-1905), un géographe et anarchiste français, a quant à lui publié une Géographie universelle en 19 volumes. Le fil rouge de son travail est la fraternité entre les peuples. G) La fonction planétaire du cinématographe Le « Voyage dans la lune » (1902) de Georges Méliès est le 1er succès international cinématographique. Nombreux sont ceux qui pensent le cinéma comme agent d’une « vaste socialisation du monde », voire comme « agent de pacification » lors des campagnes de colonisation. Pour d’autres, sa destination universelle est ce qui l’empêche d’être considéré 11
  • 12. comme une forme d’art. En 1909 paraît le Manifeste du futurisme de F. T. Marinetti, qui invite les artistes à chercher l’inspiration dans la vie moderne, et notamment dans le mouvement, la violence et les grandes innovations techniques et scientifiques. 7. La paix et les réseaux affinitaires A) le contrat d’association universelle Les années 1840 constituent l’ « âge d’or de l’idéalisme social » : se développe alors une véritable aspiration à une fraternité universelle, avec les premiers congrès internationaux autour de ce thème. Emile de Girardin préconise à la nation de fonctionner comme une assurance car il faut réorganiser la société non plus selon la morale mais selon un principe comptable, le seul universel. Le rôle de l’Etat doit donc être réduit au minimum, et fonctionner comme une fédération décentralisée. Le moteur de la société serait le suffrage universel ; les pouvoirs législatif et exécutif disparaîtraient, resterait seulement un pouvoir administratif. B) les ligues de la paix et la doctrine humanitaire Dans les années 1850-1870, une série de guerres met fin aux congrès internationaux pacifistes. En 1867 est créée la Ligue internationale et permanente pour la paix, rebaptisée rapidement Société française des amis de la paix. La même année, est créée à Genève la Ligue internationale pour la paix et la liberté, qui reprend notamment le projet des « Etats-Unis d’Europe ». Il faut attendre 1889 pour que le mouvement pacifique s’affirme vraiment, avec un Congrès où émerge le projet de Déclaration du droit des peuples. Il est loin de faire l’unanimité car à la fin du XIX°s se crée un consensus en France sur la colonisation. C’est à la même époque que P. de Coubertin commence à lancer son projet qui aboutira aux 1ers JO modernes (1896). En 1901 est créé le Prix Nobel de la paix. C) l’interdépendance Deux décennies avant la 1°Guerre Mondiale, la représentation du monde qui prévaut est un enchevêtrement tel que le sort de chacun est inséparable du sort général. La science sociale en pleine formation commence déjà à étudier l’effacement du « lien territorial ». La sociologie organiciste pousse à son paroxysme la transposition de la biologie à la société et à ses réseaux de transport et de communication. Léon Bourgeois et sa doctrine du solidarisme reprend le principe du contrat d’assurance et de responsabilité mutuelle de Girardin, qu’il applique à la Société des Nations (terme apparu en 1907). Le problème est de définir le territoire d’application de la « conscience universelle » et tous ou presque s’accordent à dire que celle-ci s’arrête hors des terres « civilisées », habitées par la « race blanche. D) Paul Otlet, le lien documentaire et la Civitas maxima 12
  • 13. Paul Otlet développe la notion d’internationalisme : tout est par essence mondial (économie, finances, systèmes métriques, presse…), le besoin étant de combiner entre eux ces éléments universels, tout en impliquant chaque citoyen. Il fait de la « documentation » la base d’une nouvelle science, dont le but est de créer le Livre Universel du savoir. E) Les Etats-Unis de l’€ en l’an 2270 1905 voit la parution de Sur la pierre blanche d’Anatole France, conçu en 3 parties sans lien apparent : l’empire romain sous Néron, le début du XX°s, et l’an 2270 censé être dominé par la Fédération européenne. Il propose une autre utopie : il n’y a pas d’idéal de perfection à atteindre, il s’agit de devenir ce que l’homme est vraiment. Dans la dernière partie, il imagine les peuples prêts à fusionner en une vaste humanité quand tout à coup les patriotismes se réveillent, créant alors les Etats-Unis d’Europe. S’ensuit un demi-siècle de désordres économiques et de misère sociale, entraînant l’instauration d’une dicature menée par un comité d’ouvriers, qui impose la collectivisation. Toutefois, la menace de guerre persiste c’est pourquoi les frontières de la Fédération sont surprotégées. Il y a aussi une menace intérieure, les anarchistes, au sein desquels on retrouvent notamment les hommes de sciences et de lettres. F) Américaniser le monde En 1898, suite à l’invasion de Cuba par les Etats-Unis, Theodore Roosevelt affirme que « l’américanisation du monde est notre destinée ». Cette doctrine de la « Destinée Manifeste » a servi à justifier l’expansion vers le Sud, au détriment du Mexique. ??? La grande campagne médiatique en faveur de la guerre contre Cuba a eu une importance fondamentale, puisqu’elle a retourné l’opinion. Organisée par le magnat W. R. Hearst (le « Citizen Kane » d’Orson Welles), elle utilisait notamment un discours messianique : il s’agit d’accomplir la « prédestination » d’une nation, elle-même agent de la Volonté divine. 8. Les Etats-Unis du monde en temps de guerre A) La perplexité des intellectuels et des partis Avec la 1°Guerre Mondiale on se rend compte que les accords internationaux sont impuissants face aux grands courants d’hostilité. A la même époque, c’est la montée des nationalismes au sein du mouvement ouvrier, ce que condamne Lénine. Il y a à alors un grand débat (philosophique, sociologique, moral…) sur les causes de la guerre et sur comment en sortir. B) Pour une société intellectuelle des nations C’est le titre d’un article d’Otlet de 1919. Il est convaincu qu’il s’agit d’un mouvement irrésistible vers l’internationalisation. Son projet de société des nations est une alliance défensive mutuelle universelle, avec une fédération des états mais aussi des grandes organisation non-politiques. 13
  • 14. C) Geddes et le génie du lieu Beaucoup croient en une « renaissance sociale » et en une « purification morale » comme séquelles de la guerre. L’écossais P. Geddes (1854-1932) pense ainsi que la guerre est un révélateur de la perfectibilité de l’homme puisqu’elle montre la capacité à la résistance d’un peuple. Geddes crée un urbanisme fondé sur des enquêtes sociologiques globales, tout en restant focalisé sur le terrain. Il reprend la conception de l’histoire de Comte, sous l’angle de vue selon lequel la ville est l’espace névralgique de notre temps. Il concoit la civilisation mondiale comme liée au « génie du lieu » puisque l’universel se nourrit des cultures particluières. Cette philosophie eutopienne influencera fortement MacLuhan et son village global. D) Sri Aurobindo : la diversité ds l’unité Les penseurs indiens se sentent concernés par cette réflexion sur le nouvel ordre du monde après la guerre. Sri Aurobindo (1872-1950) voit l’histoire de l’humanité comme un élargissement croissant vers « l’universalité finale » (famille, tribu, nations…). Le problème étant les égoïsmes collectifs, notamment celui de l’Europe, ainsi que l’apparition de nouvelles idoles, l’Etat et la science. E) La America Nuestra entre deux impérialismes La 1°Guerre Mondiale a pour effet en Amérique latine de faire prendre conscience de la nécessité d’unir le sous-continent. On s’inquiète notamment du potentiel développement de l’impérialisme américain qui veut se forger un bouclier protecteur. Ce sentiment d’appartenance à une communauté contientale est particulièrement ressenti lors de l’invasion américaine de Cuba et de Puerto Rico à la fin du XIX°s, conforté par la révolution mexicaine de 1911, une des premières révlutions anti-impérialistes. A la même époque se multiplient des partis anti-impérialistes, anti-américains et anti-influence de l’Europe. F) La séduction de l’idéalisme wilsonien Président des Etats-Unis Th. W. Wilson est un ardent défenseur de l’idée d’une union des nations. Il présente la confédération américaine comme la voie à suivre, d’autant plus que l’Union panaméricaine (qui existe depuis 1889) présente un modèle d’adaptation à une échelle plus large. Lors des négociations de Brest-Litovsk, en 1918, Wilson énonce ses 14 points, dont le dernier concerne « une association générale des nations » pour garantir mutuellement l’indépendance politique et l’intégrité territoriale des membres. Si sa doctrine est anti-impérialiste, la politique menée l’est nettement moins (ex : occupation d’Haïti et de la République Dominicaine…). Les vraies causes d’intervention sont toujours les intérêts économiques des Etats-Unis. G) Du nationalisme tribal à l’isolationnisme Suite au Traité de Versailles est scellé le pacte de la SDN ; mais cette dernière ne réunit que les pays vainqueurs, et le vrai décideur reste les anglo-américains. De plus, elle n’a que très 14
  • 15. peu de pouvoirs et seuleemnt politiques. Le débat sur le sort des colonies est houleux. Au final, on considère officiellement les peuples dits primitifs comme des mineurs dont la SDN assure la tutelle, en confiant la gestion à des nations « plus développées » mandataires. Mais comme les mécanismes de contrôle ne sont pas clarifiés, ds les faits cela revient à une annexion. H) Merchants of Peace En 1929, Otlet publie son projet de Société financière des nations, en pleine crise économique mondiale. Il n’y a pas d’initiative intergouvernementale économique ; les industriels de différentes nations se regroupent donc de leur propre chef : en 1920, c’est la création de la Chambre de Commerce Internationale, dont l’un des objectifs est la contribution à la paix. En 1938 paraît Merchants of peace, qui retrace l’histoire de la CCI. . II – TECHNOPOLIS 9. La crise de l’universalité L’entre deux guerres est la crise des idées de civilisation des Lumières. Le changement de centre vers les Etats-Unis remet en question les vieilles puissances. A) Enquête insolite sur la culture universelle, bible de l’humanité Une question devient incontournable sur la définition de la culture et sur la construction européenne : le marché et la technique tuent-ils la culture ? Milan Kundera en 1993 a pu dire qu’au moyen Age, l’union européenne était basée sur la religion commune. Dans les temps modernes c’était la culture. Aujourd’hui la culture est remplacée mais on ne sait pas par quoi . B) La fin d’un monde ? En 1918, O. Spengler publie Le Déclin de l’Occident où il étudie la disparition du lien entre l’individu et le territoire au profit de la « ville-monde ». Le nouvel état d’esprit ets résumé par Paul Valéry en 1919 : à la perte des repères mentaux provoquée par la guerre, il faut répondre par une association des penseurs internationaux : c’est la dimension qui manque à la SDN. Il lance une correspondance entre penseurs et des colloques, autour de l’idée que la culture est la base de l’universalité. Un autre pôle de réflexion est la phénoménologie allemande : depuis Descartes, on nie la sensibilité de l’homme pour qui le relationnel est pourtant fondamental. Husserl incite à repenser la science en fonction de cela. En France, il faut attendre Merleau-Ponty et ses nouveux paradigmes sur les sciences sociales et cognitives : surtout à partir des années 70, on envisage le lien entre micro et macro et entre l’appartenance et la liberté. 15
  • 16. C) L’Amérique et l’Europe des Lumières Il y a un débat sur la capacité des Etats-Unis à prendre la relève spirituelle et politique de l’Europe. Pour Ortega, le problème est l’avènement du peuple-masse ; il y a donc besoin de nouveaux aristoi pour diriger. A la fin des années 20, le débat s’oriente sur « l’américanisation » : les USA sont perçus comme hégémonie de la civilisation industrielle, avec ses excès. D) De la culture comme industrie Contrairement à ce que pensent beaucoup de penseurs européens, les Etats-Unis ne sont plus le « rejeton de l’Europe » mais ont leur propre modèle. Apparaît alors une théorie sociologique qui refuse l’universalité pour avenir. Ainsi, pour le sociologue Cooley, la diffusion de la culture globale ne gomme pas pour autant les traits particuliers. Il analyse notamment le rôle des médias ds la construction de l’identité nationale , alors qu’en Europe, on envisage seulement le rôle des médias dans la diffusion de la paix et ds l’éducation. Il est difficile en France d’allier économie et culture ouvertement ; il faut attendre Jack Lang. Progressivement, on associe démocratie et système industriel car la consommation des biens est souvent identifiée avec la liberté politique. 10. L’internationale du conditionnement La guerre totale renforce la croyance en l’omnipotence des techniques de persuasion. A) La propagande et les avatars de la « mobilisation totale » La 1° Guerre Mondiale a convaincu de l’importance de la propagande. En 1927, Lasswell publie Propaganda Technique in the World War dans lequel il analyse les techniques de persuasion comme fondement de la gestion de la démocratie de masse. Lasswell croie au schéma stimulus-réponse, c’est-à-dire que le message est directement assimilé par la cible. D’après lui, la société est trop complexe pour que les citoyens aient la compétence d’y participer ; la censure est donc nécessaire mais doit être dosée. La première mise en place de ces techniques ne se fait pas par l’Etat mais par l’industrie naissante des relations publiques, notamment par Berclays et le comité Creel qui ont piloté la propagande et la censure américaine pendant la 1° Guerre Mondiale. L’utilisation par le gouvernement vient seulement en 1933 avec Roosevelt et sa politique du New Deal : orchestrement des campagnes, sondages, utilisation des médias… A la même époque, la propagande extérieure devient nécessaire pour contrer le nazime, qui utlise dès le début la radio y compris sur le sol américain. B) L’impérialisme, une grille de lecture du monde Différentes idéologies s’affirment anti-impérialistes. Elles ont la même vision de départ : le monde est manipulé par un système politique aux prétentions hégémoniques. Ainsi, en 16
  • 17. 1919 est créée la 3ème Internationale, au service d’une révolution mondiale. Staline détournera cette volonté internationaliste en exlcluant ou tuant les partisans, au profit d’un Etat-nation- parti. C) L’ère des organisateurs : Taylor au pays des Soviets Lénine est pour le taylorisme car la main d’œuvre soviétique est profondément rurale et ne connaît donc pas les techniques industrielles. Bogdanov publie L’Etoile rouge en 1908 : sur le modèle du taylorisme, il met au point une société universelle de l’organisation ainsi qu’une théorie des crises conçues comme désorganisation. Mais Zamiatine dans Nous Autres prendra cette obsession de l’organisation en dérision (les hommes agissent de la même manière au même moment). Dès 1934, A. Jdanov lance la mise sous contrôle officielle des écrivains soviétiques, qui doivent participer à la propagande. D) Le meilleur des mondes ou le malaise de Candide Zamiatine ne dénonce pas seulement les dérives du soviétisme mais également tous les processus d’uniformisation. Aldous Huxley s’inspire de Zamiatine en 1932 et publie Le meilleur des mondes qui dénonce le fordisme. Il décrit un système de reproduction des clones humains, classifiés selon leur intelligence. 11. Une planète manichéenne et schizophrène Avec la guerre froide s’impose une représentation bipolaire du monde, entre idéologies opposées et volonté de réaliser l’universel humain. A) Iron Curtain Le terme de « rideau de fer » est prononcé par W. Churchill dans son discours de Fulton en 1946 : il dénonce les démocraties populaires, qui ne s’affichent pas encore comme telles, et appelle à une lutte contre la volonté de domination mondiale du communisme. En 1947 est publié le rapport Jdanov qui annonce la division du monde en 2 camps : les impérialistes menés par les américains et les anti-impérialistes, c’es-à-dire les communistes. C’est aussi une réponse à la doctrine énoncée par le Président Truman qui positionne les Etats-Unis comme gendarme de la stabilité du monde et grand défenseur de la démocratie dans le monde. L’organisation des USA maintient le dispositif mis au point pendant la guerre où industrie et forces armées collaborent étroitement. Dès 1947, ils lancent la lutte contre l’influence communiste sur le sol américain, notamment par le contrôle des films (« maccarthysme »). La ligne directrice du Comintern soviétique est l’organisation de conférences pour la paix, dont la 1ère est organisée en 1948 : les USA sont désignés comme criminel (Hiroshima) et comme agresseurs (Corée). La grande majorité des intellectuels français adhèrent au projet et André Breton est bien isolé lorsqu’il dénonce dès 1949 « la terreur qui règne en zone russe dans la littérature et dans l’art ». 17
  • 18. B) la guerre psychologique comme combat global Avec la guerre froide, la division Nord/Sud disparaît pour la division Est/Ouest. Aider les pays sous-développés devient un enjeu de sécurité (c’est le point 4 du discours de Truman de 1949). La diplomatie américaine fait inscrire dans les traités de paix le principe du free flow of information, remis en cause par l’URSS dès 1950 (brouillage des émissions de radio internationales) au nom de la souveraineté nationale. On parle de « guerre psychologique » (ou guerre des idéologies) car c’est une guerre totale (dsan tous les domaines) et universelle (le monde entier est concerné), dont l’enjeu est « l’âme même de l’homme » (Eisenhower). C) La mémoire de la lutte contre les nazis Lors de la 2° Guerre Mondiale, des spécialistes des sciences sociales ont été sollicités et impliqués, notamment les sociologues des médias, comme W. Schramm, qui a analysé la propagande nazie et soviétique pendant la guerre. C’est une stratégie délibérée de la part de Washington que d’assimiler nazis et soviétiques. Le behaviorisme est alors dominant : on pense que le public réagit directement au stimulus. Seul Lasswell émet des doutes sur l’efficacité des institutions de guerre psychologique : we are in a war of ideas, but we have not found our ideas. D) Le Politburo et la lutte idéologique La stratégie a été définie en 1947 avec la création du Cominform et du Mouvement pour la paix. En 1949 est publié 1984 de George Orwell, qui dénonce le totalitarisme stalinien, notamment à travers l’appauvrissement de la langue et de la culture comme moyen de contrôle des pensées. Staline meurt en 1953 ; en 1956 c’est la disparition du Cominform ; en 1957, le discours de Krouchtchev dénonçant les crimes de Staline et le culte de la personnalité. Mais la « lutte idéologique » survit à la déstalinisation, d’autant plus que la politique est alors celle de la « coexistence pacifique », qui résulte de la prise de conscience du risque de destruction de l’humanité si la guerre venait à se déclencher sur le plan militaire. L’idéologie soviétique est basée sur la conviction que l’idéologie bourgeoise traverse une crise profonde et que seul le communisme peut libérer les forces productives entravées par le capitalisme. E) Le système des Nations Unies et l’éthique universelle En 1946, c’est la naissance de l’UNESCO, dont le but est de contribuer à la paix dans le monde en rapprochant les nations à travers l’éducation, la science et la culture. C’est la 1ère fois que l’éducation, normalement une prérogative des états-nations, est abordée de façon internationale. Ce sont dans les manifestes de la nouvelle organisation que se déclarent de nouveau les principes d’universalité. Il y a une réelle volonté d’être réaliste et d’agir sous une éthique. F) Westernization Dans les années 60, l’UNESCO travaille sur les indicateurs socio-économqiues et les plans de sauvetage du patrimoine de l’humanité. Le problème est que le seul modèle de développement 18
  • 19. envisagé est un modèle dont l’aboutissement est la société de consommation. En 1955 a eu lieu la conférence de Bandoung, qui marque le début du mouvement des pays non-alignés, et qui suscite l’immense espoir d’une solidarité universelle. Peu de temps auparavant, Sauvy et Balandier inventaient le terme de « tiers monde » (sur le modèle du « tiers état ») pour contrer l’utilisation de « pays sous-développés » qui implique un jugement. 12. La planétisation et le discours des fins A) L’idéologue, c’est forcément l’autre Dans les années 60 se développe également la thèse de la fin des idéologies, et de l’avènement d’une « société libre », marquée par le Congrès pour la liberté de la culture à Milan en 1955. L’idéologie est alors assimilée au fanatisme et l’on voit la publication d’ouvrages proclamant la fin de l’idéologie au profit de l’analyse sociologique (Shils, Bell, Lipset…). En France, Raymond Aron dénonce la cécité de l’intelligentsia engagée dans le communisme. B) La révolution managériale Une thèse pionnière et récurrente, apparue dans les années 50, est celle de la managerial society. Formulée pour la 1ère fois par J. Burnham (The Managerial Revolution, 1940) elle part du principe que la division socialisme/capitalisme devient obsolète car il y a désormais une nouvelle classe sociale, les managers, qui est en passe de prendre le pouvoir. Les managers sont pensés comme des gestionnaires qui maîtrisent les moyens de production. Les principes fondateurs de ce nouvel ordre sont l’ordre, la discipline, la plannification. Burnham a entrevu la société organisationnelle. C) Vers la société de l’information Dans les années 60 se diffuse le concept de « société postindustrielle », dans une seconde version qui ne pense pas l’hétérogénéité et la désurbanisation, mais l’uniformité et la valeur de la civilisation urbaine. Son père fondateur est Daniel Bell, ; cette théorie extrapole le futur à partir des grandes tendances de croissance exponentielle d’après guerre. En 1948, Norbert Wiener, l’inventeur de la cybernétique, publie une étude sur le lien entre l’information et le devenir des sociétés : l’avènement d’une société structurée autour de l’information doit empêcher le retour de la barbarie. A la différence de Bell et de son approche purement mathématique et mécanique de la communication, Wiener a une approche pluridisciplinaire. D) Le vaisseau spatial Terre vu de la Lune La conquête spatiale est le couronnement du rêve aérien. Avec le développement des vols long-courrier, c’est pour certains l’avènement du global thinking et du global citizenship. E) Un village global à connotation religieuse 19
  • 20. Le terme de « village global » est lancé par la canadien M. Mc Luhan en 1962. Celui-ci analyse les présupposés sociaux, économiques et politiques sous-jacents dans la publicité américaine. Si l’Eglise a explosé, c’est à cause de la révolution technique (Gutenberg) qui a imposé la fragmentation, la lecture étant un acte individuel. D’après Mc Luhan, l’électricité en tant que réseau global peut mettre un terme à cette fragmentation et recréer la cohésion de la vie de village. Par ailleurs, il démontre la puissance des images électronique à faire l’histoire, à partir de l’exemple de la guerre du Vietnam. Toutefois, cette « techno-utopie œcuménique » laisse de côté la complexité cutlurelle et sociétale dans laquelle se contruit l’usage des messages et des outils de communication. F) Feu l’impérialisme : la géopolitique de la sct globale Brzezinski, un spécialiste des problèmes du communisme, publie en 1969 La Révolution technétronique, où il envisage l’évolution de l’affrontement des blocs sous l’effet de la révolution technétronique, qui provient de la convergence technologique. Pour lui, l’unification du monde s’est accélérée avec le développement des réseaux d’information et de communicaton, ce qui change la donne en relations internationales puisque maîtriser ces réseaux est désormais fondamental pour être une puissance mondiale. Quant aux Etats-Unis, c’est le seul pays qui montre la voie vers la « société globale » : il ne s’agit pas d’impérialisme culturel, mais de « modèle global de modernité », dont la société globale sera l’extrapolation. Lui aussi reprend la thèse de la fin des idéologies mais là encore d’un point de vue géopolitique : la révolution technétronique rend caduque toute velléité de révolution politique. 13. Le spectre multinational Avec la crise économique des années 70, on remet en question la notion de progrès ; l’informatique est source d’espoir pour faire redémarrer l’économie, alors que la crainte de l’uniformisation des modes de vie refait surface au sud comme au nord. A) La ville globale Au début des années 70, les vocables de firme globale et de firme multinationale se développent, pour se différencier de « entreprise internationale » qui désignait une entreprise qui exporte à l’étranger. Le concept de globalité est alors appliqué et recherché partout, sans réfléchir aux nécessités d’adaptation au cas par cas. La notion ne se définit que par opposition à « national ». B) Les agents de l’ubiquité marchande Les géants de l’économie se confèrent souvent une vocation humanitaire qui apparaît dans leurs slogans. Salvador Allende est un des premiers à les démystifier, mais il est impossible au 20
  • 21. Chili d’imaginer un changement social en dehors de l’économie mondialisée, comme l’ont vite démontré les multinationales lui coupant alors tout moyen. La dictature de Pinochet instaurée à partir de 1973 servira de laboratoire au modèle néo-libéral. On se rend alors compte que beaucoup de ces multinationales agissent en fonction de leur intérêt propre et non de celui de leur pays-hôte. Les multinationales commencent à être critiquées de toutes parts, même si l’on reconnaît leur efficacité économique. Ainsi, la France limite les investissements étrangers et en 1973, la Commission Européenne conseille un encadrement juridique. C) Ingouvernabilité des démocraties occidentales Les années 70 portent un paradoxe : il y a un grand développement des multinationales mais aussi une crise de confiance dans ce modèle de croissance économique mondiale qu’elles portent, d’autant plus avec l’installation de l’instabilité monétaire et de l’économie spéculative. En 1973 est lancée la Commission trilatérale, qui réunit des personnalités politiques, économiques et intellectuelles d’Amérique du Nord, d’Europe et du Japon pour faire face à la crise. En 1975, elle publie un rapport sur la gouvernabilité des démocraties occidentales. Le diagnostic est sans appel : ces démocraties sont ingouvernables et il y a une crise structurelle de la société industrielle. La cause en serait une démocratie trop développée, qui provoque la disparition du contrôle social (principalement à cause des médias) et la délégitimation de l’autorité, notamment politique. Ces thèses de « l’internationalisme libéral » reçoivent le soutien de J. Carter, d’où sa politique de dérèglementation interne. D) IBM ou le bonheur glacé des multinationales IBM est le symbole de ces nouvelles sociétés multinationales. Créée en 1896, elle connaît son véritable développement pendant les 30 Glorieuses grâce aux projets R&D confiés par le Pentagone et la NASA, ce qui provoque le décollage de l’industrie informatique. Elle proclame sa vocation internationale, comme le montre son slogan : « World peace through world trade ». C’est le banc d’essai du néo-capitalisme organisationnel, l’archétype de l’entreprise hypermoderne, avec le gouvernement à distance, l’identification à l’organisation et l’intériorisation de ses objectifs et valeurs… Par ailleurs, IBM incarne « la société de contrôle ». cela entraîne une image désastreuse de l’informatique et d’IBM qui l’incarne, d’où la loi Informatique et libertés de 1978. E) Sortir de la crise : « maîtriser son réseau pour maîtriser son destin » En 1978 paraît le rapport Nora-Minc sur l’informatisation de la société à la demande de Giscard d’Estaing. Il créé le mot télématique pour désigner la nouvelle imbrication entre la communication et les ordinateurs. Un nouvel enjeu apparaît alors : la maîtrise du réseau télématique, et le rapport conseille la collaboration avec IBM pour ne pas subir à l’avenir. Au centre du rapport se trouve « un projet de société » : la révolution informatique est appelée à mettre fin à la répartition élitiste des pouvoirs en élargissant la participation (« socialiser l’information »). En 1980 est publié un autre rapport très important, concernant les relations culturelles extérieures. Il met en valeur le fait que la France est trop centrée sur le marché intérieur tout 21
  • 22. en croyant continuer à diffuser sa culture, alors qu’il faut désormais reconnaître les interdépendances des cultures et se tourner vers l’échange. F) Le défi mondial C’est le titre d’un ouvrage de J.J. Servan-Schreiber p aru en 1980 : il propose d’utiliser l’informatique pour permettre au tiers-monde de sauter les étapes de l’industrialisation classique. A la même époque paraît The Third Wave du futurologue américain A. Toffler : les économies et les institutions de l’industrialisme (Etat-nation, élitisme…) vont disparaître face aux nouvelles valeurs associées aux nouvelles technologies. Une utopie présente chez ces 2 auteurs est que le chômage disparaîtra avec le développement de l’informatique. G) Polémiques sur l’échange inégal Les années 60 et 70 sont marquées par un climat de mobilisation militante pour soutenir le tiers monde (cf. mai 68, le soutien au Che et à Hô Chi Minh) : c’est aussi l’apparition du concept d’impérialisme cutlutrel. Mais le soutien des intellectuels au tiers monde s’effondre progressiveemnt au début des années 70 lorsqu’apparaissent les dérives dictatoriales (censure cubaine, génocide Khmer rouge…). Paradoxalement, c’est l’apogée de l’union des pays du Sud, qui s’imposent dans les négociations intenationales. Cela est flagrant dans le cas du NOMIC (nouvell ordre mondial de l’information et de la communication), qui revendique officiellement une meilleure distribution des moyens d’information et de communication. Mais le débat a rejoint le conflit Est/Ouest, les Etats-Unis s’accrochant à leur doctrine du free flow et l’Union soviétique détournant les velléités d’autodétermination culturelle des pays du 1/3 monde, alors même que l’unité de ce tiers monde éclate. La polarisation des débats de l’Unesco a eu pour effet d’écarter les pays du Nord des problématiques de règlementation de l’espace communicationnel mondial. H) Think globally, act locally Les années 70 voient également l’irruption de la cause écologique, qui prend d’emblée une dimension planétaire. Cette irruption est d’autant plus marquée que les accidents environnementaux se multiplient (Seveso, Amoco Cadiz, Three Miles Island…). Apparaissent également de nouveaux acteurs contestataires à dimension mondiale, comme Greenpeace. La devise « Think globally, act locally », empruntée aux ONG, est adoptée par les mutlinationales. I) Retour à la culture, ou la dignité comme exigence première C’est aussi une période de remise en cause des notions classiques de développement et de progrès. On revendique de plus en plus le droit à la dignité des peuples et l’on place l’identité culturelle au centre des problématiques. Dans toutes les disciplines, et notamment en histoire, on reprend les théories du point de vue des laissés pour compte, ce qu’avaient anticipé F. Braudel et L. Febvre dans l’Ecole de Annales. 22
  • 23. 14. L’idéologie de la modernté managériale A) Le novlangue des universaux de la communication Les années 80 voient la dérèglementation des univers conceptuels désignant le monde. La doctrine corporative est considérée comme fondement de la réorganisation de la planète : « ainsi, le modèle de communication entrepreneurial s’est naturalisé comme technologie de gestion symbolique des rapports sociaux et s’est diffusé dans l’ensemble de la société comme seul mode efficace de ‘mise en relations’ ». B) Le millénarisme de la global democratic marketplace A cette époque se crée une world business class, le seul groupe à oser revendiquer encore d’être une classe. Son sommet, le forum mondial de l’économie, se réunit à Davos tous les ans : il s’agit d’une sorte de club très sélectif des plus grands entrepreneurs mondaux, avec des chefs d’Etat et des personnalités invitées. Il affirme son rôle pacificateur et mondial. On croit fermement en la convergence, au fait que les comportements tendent de plus en plus à s’uniformiser partout dans le monde. On ne nie pas l’existence de communautés minoritaires et de marchés segmentés, mais ils répondent à une logique internationale et non nationale : il peut y avoir plus de ressemblance entre un habitant de Brooklyn et de la région parisienne qu’entre le premier et un habitant de Manhattan c’est l’élaboration de consumption communities transfrontalières. Certains sont plus prudents et notent que la plupart des échecs des stratégies globales proviennent de la non prise en compte de spécificités culturelles. C’est pourquoi l’on peut parler de glocalisation qui prend en compte en même temps les niveaux local, national et international. Aujourd’hui, il est nécessaire de combiner macro et micro. C) La liberté d’expression commerciale, nouveau droit de l’homme Il ya des grands débats au GATT ou à l’OMC sur des thèmes tels que la circulation des produits audovisuels, la constitution de bases de données socioculturelles sur les individus, la délimitation du champ publicitaire…Apparaît aussi la notion néo-populiste de global democratic marketplace : seul le libre arbitre du consommateur doit régir les flux culturels. La sphère publique adopte alors le langage mercantiliste et toute tentative de limiter cette liberté absolue est taxée de censure. D) Faire la liberté du futur « La techno-utopie s’est convertie en une arme idéologique de premier plan dans les trafics d’influence, en vue de naturaliser la vision libre-échangiste de l’ordre mondial ». Le discours des ‘gourous de l’informatique’ (comme Bill Gates) ne prend pas vraiment en compte la complexité croissante des sociétés et affichent un optimisme qui interdit toute critique, sous peine d’être taxé de pessimiste et technophobe. E) Des inforoutes pour la « grande famille humaine » 23
  • 24. Al Gore propose son projet d’autoroutes de l’information ; c’est le premier discours mentionnant l’interactivité citoyenne au niveau mondial. Mais le message central est le suivant : « seule l’ouverture complète de vos systèmes nationaux à la logique de marché, et donc leur privatisation, mettent totues les chances de développement de votre côté ». C’est le « soft power » en action. En effet, la nouvelle stratégie hégémonique américaine consiste à séduire (et non plus contraindre) grâce à la démocratie américaine et aux marchés libres, et notamment grâce au web émergent, que l’on laisse aux initiatives privées. F) le marché noir de la vie Le problème est la déresponsabilisation des acteurs économiques, à force de dire que le pouvoir est volatile, les sociétés complexes, etc. C’est le retour de la main invisible, puisque l’individu est laissé seul face à sa capacité de consommer. Depuis le XIX°s, la technique et ses réseaux n’ont cessé de creuser des écarts sociaux ; de plus, la mondialisation a paradoxalement produit de la fragmentation. En parallèle a cours une mondialisation cachée, faite de mafias, trafics illicites, intégrisme, diasporas clandestines… La crise des macrhés de la géofinance a crée une brèche dans l’utopie globaliste (cf. 2000 : 1er Forum social mondial à Porto Alegre). De plus en plus, des « poches de résistance » à la Realpolitik néo-libérale se développent : manifestations lors des sommets du FMI, grèves… EPILOGUE : Un système baroque L’utopie néo-libérale a laissé de côté les principes d’égalité et de justice dont les utopies précédents s’étaient souvent insiprés. On évacue les grands débats au profit de solutions techniques dans une gestion managériale. La diversité culturelle s’est fondue avec les stratégies de segmentation de cibles. La « société globale » n’est donc qu’un concept mou, taillé pour servir les impératifs néo-libéraux. De plus, ce modèle d’intégration macrocosmique usurpe l’appellation mondiale car en fait il délaisse la grande masse des exclus de la planète. Désormais, la question de la pluralité des cultures est incontournable. Merleau-Ponty critique le schéma histoire-modernité-progrès et propose plutôt le concept de ‘système baroque’, qui rend mieux comptes de la non linéarité de l’histoire : « il faut voir le monde comme un espace-temps où coexistent des formes d’exploitation, d’oppression et d’humiliation à la fois anciennes et nouvelles, ansi que des formes de résistance à la fois éprouvées et inédites ». POSTFACE : imaginaires de crise Le capitalisme traverse une des plus graves crises de son histoire, engendrant ainsi des crises sociales et des tensions géopolitiques. La crise la plus similaire à celle-ci n’est pas celle de 1929, d’après WALLERSTEIN : c’est celle du XV°-XVI°s., lorsque s’effondre le système féodal et que se met progressivement en place le capitalisme. Désormais, on n’est plus dans la lutte entre les pour ou les contre système capitaliste, mais dans une lutte entre les acteurs pour savoir ce qui va le remplacer d’ici 30 ou 40 ans : un modèle de société plus violent ou un modèle plus égalitaire. 24
  • 25. Ce qui est sûr, c’est que l’on a vu apparaître de nouvelles formes de conscience collective planétaire et multiculturelle, notamment à travers les forums sociaux qui cherchent à déterminer de nouveaux modes d’agir ensemble et de vivre-ensemble. Un consensus existe : la philosophie des biens publics communs (l’eau, l’éducation…). L’enjeu est de « renouer avec le primat du politique et de la souveraineté populaire » : c’est déterminant pour le basculement vers une société et une économie de la connaissance qui ne fonctionne pas sur les mêmes schémas que la société industrielle. Aujourd’hui, avec la guerre au terrorisme, l’impératif de la sécurité nationale est au cœur du projet de réorganisation de la société ; il remet en cause le principe démocratique de séparation des pouvoirs et légitime l’exception par rapport au droit. La nouvelle fonction stratégique est l’anticipation et la connaissance. « La croyance techno-déterministe dans le pouvoir magique de la communication et de ses réseaux qui a scandé les années de la dérégulation et de la spéculation sauvages tout en soutenant la promesse d’une société globale de l’information comme nouvelle édition de l’agora athénienne est la même qui a naturalisé la diffusion indolore des technologies intrusives dans les sociétés postindustrielles ». Cela s’explique par la croyance profonde en la capacité de la technologie à résoudre les problèmes de la société. APPRECIATION PERSONNELLE Armand Mattelart adopte dans cet ouvrage une démarche originale, qui consiste à ne pas envisager la mondialisation seulement comme une extension des échanges culturels et économiques : c’est également le rêve d’une unification de toute l’espèce humaine, qui remonte à la Renaissance et à la découverte du Nouveau Monde, cet élargissement fondamental des frontières géographiques et mentales. En tant qu’historienne, j’ai particulièrement apprécié son approche chronologique, visant à restituer le processus de construction par superposition, croisement et opposition des différentes idéologies universalistes. Par ailleurs, étudier les utopies qui ont pu être élaborées dans le but d’unir les hommes, c’est aussi s’intéresser à l’économie, à la philosophie, à la sociologie, comme aux sciences de l’information et de la communication, domaines qui m’intéresse tous fortement. L’auteur fait preuve d’une érudition incontestable et absolument remarquable, et c’est ce qui fait une des grandes forces de l’ouvrage puisqu’il aborde chaque théorie dans une vision analytique d’ensemble, mais aussi avec force détails : il suffit de songer par exemple aux longues descriptions qu’ A. Mattelart fait des systèmes utopiques de Thomas More ou encore de l’abbé de Saint-Pierre. Mais c’est cette même érudition qui vient se heurter selon moi à des problèmes pédagogiques : le cheminement analytique de l’ensemble de la réflexion et les (in)cohérences d’une idéologie à une autre restent peu mises en valeur, au profit de la description de diverses 25
  • 26. théories à vocation universaliste. On a parfois l’impression de lire une liste, certes passionnante, au sein de laquelle, pour y trouver des points communs d’un élément à un autre, reste seule notre mémoire des pages précédentes. Une autre reproche qui pourrait être fait à l’ouvrage et de se concentrer sur l’étude des théories : A. Mattelart narre par exemple les tentatives d’adaptation des utopies mais s’arrête dans cette démarche au XVIIIème siècle. Il aurait pu être intéressant et pertinent de développer par exemple les causes de l’échec du communisme à « unir les hommes », le communisme ayant autrement plus marqué le monde que le fouriérisme par exemple. C’est ce qui fait pour moi le principal inconvénient de cet ouvrage : son manque d’accessiblité. Il s’adresse non seulement à un lecteur à capacités intellectuelles analytiques fortes, mais aussi à lecteur devant posséder une excellente culture générale puisqu’ A. Mattelart fait appel à des concepts complexes ou fait références à des éléments historiques, des personnalités, etc. qu’il ne présente pas en dehors de son cadre d’analyse. On pourra toutefois objecter à cette critique qu’en rendant l’ouvrage plus accessible, il ferait au moins le double en volume. Je trouve cela dommage dans la mesure où il met en avant un nouveau sens de l’histoire (du moins de celle des idéologies), et qu’il propose une autre vision du projet sociétal, basé sur une réelle prise en compte et participation du peuple dans le système démocratique, projet sociétal qui me semble fort intéressant et moblisateur. Il n’est certes pas le seul à penser cette aproche différente et riche d’enjeux pour le futur, mais il a le mérite de replacer des idéologies plaçant l’universalité au centre dans une perspective historique, mais finalement tellement présente. Au final, je garderai l’impression d’un ouvrage extrèmement intéressant et stimulant intellectuellement, qui me donne l’impression de faire une synthèse des connaissances que j’ai pu acquérir au fur et à mesure de ma formation universitaire « classique », mais un ouvrage également et malgré tout ardu à lire et à assimiler. 26