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jdd | 27 décembre 2015
L’ancien ministre, figure de l’aile
gauche du PS, juge que l’exécutif
«cède sur l’essentiel» des valeurs
INTERVIEW ARTHUR NAZARET
MODIFIE ERIC LEGER
Finalement François hollande
a décidé d’inscrire dans
la Constitution la déchéance
de nationalité…
Cela revient à établir la distinc-
tion entre deux citoyens français
de naissance suivant qu’ils sont
binationaux ou non. En introdui-
santcettedistinction,laRépublique
n’estplusindivisible.Cettedécision
remettrait en cause le droit du sol.
Lesymbolechoisi,etquelsymbole,
envoieàdesmillionsdenoscompa-
trioteslemessagesuivant :vousêtes
des Français de seconde catégorie.
Nousdonnerionsraisonàtousceux
qui manipulent notre jeunesse et
lui affirment qu’une partie d’entre
eux n’ont jamais été considérés
comme de vrais Français dans leur
propre pays. Face au terrorisme,
affirmer l’unité de la nation, le ras-
semblement de tous les Français,
indépendamment de leurs convic-
tions, origines ou confessions, est
fondamental.
Cettemesureest,selonl’aveudu
Premier ministre lui-même, inef-
ficace pour lutter contre le terro-
risme. Pas un terroriste français ne
renonceraitàsonactedefolieparce
qu’on le menacerait de perdre son
passeport.Etsilespaysvictimesdu
terrorisme, comme l’Algérie ou le
Maroc,décidaientdefairelamême
choseàleursbinationaux,accepte-
rions-nousderécupérerenFrance
les terroristes d’Aqmi ?
est-ce un point de non-retour entre
hollande et une partie de la gauche?
J’ai voté l’état d’urgence. Proté-
ger les Français face au terrorisme
ne se négocie pas. Mais avec la
déchéance de nationalité inscrite
danslaConstitution,cen’estplusla
protectiondelanationquiestenjeu.
J’aicherchéàenconvaincredirecte-
mentleprésidentdelaRépublique.
En début de semaine, j’avais com-
prisqu’ilrenonceraitàcettemesure.
Que ce soit par référendum ou au
Congrès,jevoteraicontrecettepro-
position.Aufond,celavabienau-de-
làdudébatdroite-gauche.C’estune
questiondevaleuretdeconscience.
Maconsciencem’indiquequenous
cédonssurl’essentiel,surcequifai-
sait la force de la République fran-
çaise,sonmessage
universel, affir-
mer l’égalité des
citoyens quelle
que soit leur ori-
gine. C’est-à-dire,
précisément, ce
contre quoi lutte
Daech.
est-ce un
tournant?
Commencerlequinquennatpar
la promesse du droit de vote aux
étrangers lors des élections locales
et le terminer sur la déchéance de
nationalité des binationaux, une
telle transhumance politique et
intellectuelle déboussole. Cette
décision va provoquer un schisme
au sein du peuple de gauche mais
aussidanslacommunauténationale.
C’étaitunepropositiondel’extrême
droite, une proposition qualifiée,
dans un passé récent, de « dange-
reuse »parFrançoisHollandeetde
« nauséabonde » par Manuel Valls.
Je connais les enjeux politiques de
l’exercicedupouvoir.Maislafinne
justifie pas les moyens !
taubira peut-elle défendre cette loi ?
C’est une amie, je sais ce qu’elle
pense. Maintenant, c’est à elle de
décider. Il est frappant de consta-
ter que le ministre de l’Intérieur et
la garde des Sceaux, tous deux en
première ligne dans la lutte contre
leterrorisme,sont
défavorables à
cette décision.
Que pensez-vous
des récentes
mains tendues
aux centristes
et à la droite?
Elles l’ont été
sur la lutte contre
le chômage. Il y a
une logique à ce que ceux qui pen-
sentglobalementlamêmechosese
rapprochent.Maisest-cepourtrou-
verdessolutionsnouvelles ?Non,il
s’agit de poursuivre la même poli-
tique.Plusglobalement,surlaques-
tion de la libéralisation du marché
dutravail,surl’austéritébudgétaire
ou les baisses d’impôt des entre-
prises, les divergences entre Ber-
trand,EstrosietVallsrelèvent-elles
d’unedifférencedeprojetpolitique
oudesimplesnuancessurlerythme
etl’intensitédespolitiquesàmettre
enœuvre ?Jeleregrette,maisl’hon-
nêteté commande de reconnaître
maintenantquecequilesdistingue
netientqu’àdesnuances.Cesidées
ontdéjàétémisesenœuvrependant
près de vingt ans, à l’exception du
mandatdeLionelJospin.Ont-elles
permis de retrouver la croissance,
deréduirelechômageetderéduire
les inégalités ? Non. Depuis quand
uneadditiond’échecsferait-elleune
solution ?
est-ce la fin de la stratégie d’union
de la gauche avec un PS qui lui aussi
tend la main aux républicains?
J’entends Jean-Christophe
Cambadélis parler d’« alliance
populaire ». La perspective semble
séduisante.Jesouhaitequecelane
soit pas un bricolage d’appareils et
une nouvelle diversion. Ce qui est
sûr,c’estqu’ildevientdeplusenplus
compliqué d’appeler les électeurs
degaucheàlarescousseausecond
tour, d’appeler à faire barrage au
Front national et de proposer une
réformedelaConstitutioninspirée
et soutenue par le Front national.
À la rentrée, il y a aussi la réforme
du Code du travail, la loi Macron 2...
Il faut redonner un projet
mobilisateur à la nation. À côté
de la lutte contre le terrorisme, on
n’entend parler que de croissance
et de déficits. Mais il est illusoire
decontinueràpoursuivrel’objectif
d’une croissance à 3 ou 4 %. Notre
mission est de concilier une crois-
sance faible mais riche en emplois
etsobreécologiquement.Cetteoffre
politiqueresteincontestablementà
construireet aurabesoind’exister
dans le débat de 2017. g
Proche du chef
de l’État,
l’ex-cofondateur
de SOS racisme
souhaite qu’une
« majorité d’idées » permette
de trouver une « alternative
sérieuse » à une décision
erronée et « inefficace »
IntervIew
DOMiNiQue De MONtvALON
Comprenez-vous l’arbitrage du
chef de l’État sur la déchéance de
nationalité?
Depuis le discours de Fran-
çois Hollande à Versailles le
16 novembre, je n’ai cessé de
direquecettemesuremesemble
ouvrirunepolémiqueetdesdivi-
sions inutiles dans le moment
actuel. La France a mieux à
fairequedesequerellersurune
mesure dont tout le monde sait
qu’ellen’estd’aucuneefficacité,
mêmesymbolique,contreleter-
rorisme. Cela renvoie, par ail-
leurs,àunprincipefondamental :
quandellescombattentleterro-
risme, les démocraties doivent
toujours rester elles-mêmes et
se garder de légiférer à chaud.
Comment expliquez-vous sa
décision?
Jenemel’expliquepas,d’au-
tantquenousétionsnombreuses
etnombreuxàavoirlesentiment
quel’exécutifserendaitcompte
des risques que représentait la
miseenchantierconcrèted’une
telle mesure. On aurait pu, on
peutpeut-êtreencore–comme
l’avaientfaitlesConstituantsde
1791, comme l’avait fait le géné-
ral de Gaulle – mettre en place
une véritable peine d’indignité
républicainefrappantlesterro-
ristescondamnés.Celaéviterait
de toucher au droit du sol et de
créer implicitement plusieurs
catégories de Français.
vous dialoguez souvent avec lui,
vous ne vous attendiez donc pas
à cela?
Non. On a choisi de garder
la cohérence au prix du risque
d’uneruptureaveclagauchemi-
litante.Ondoitfaireautrement.
Peut-on imaginer que l’exécutif
revienne en arrière?
Unedémocratieadulte,c’est
une démocratie où l’on sait se
rendre compte à temps qu’une
décision est une fausse bonne
idée, et qu’elle va créer plus de
problèmesqu’apporterdesolu-
tions.L’intelligencecollectiveen
pareil cas, c’est de savoir fabri-
quer une alternative sérieuse.
Ce serait l’occasion ou jamais
de mettre en place dans ce but
une majorité d’idées, qui ne
serait pas la victoire d’un camp
contre l’autre. g
« Je ne m’explique pas la décision du Président »
Julien Dray, député de l’Essonne
Benoît Hamon, ex-ministre de l’Éducation nationale et député des Yvelines
«Un schisme dans le peuple de gauche»
« Une telle
transhumance
politique et
intellectuelle
déboussole »
Benoît Hamon
à l’Assemblée
nationale.
Libération Mardi 29 Décembre 2015
Déchéancedenationalité
AuPS,lepour
estàvenir
E
tsiManuelVallsavaitvujuste?Etsile
Premierministre,enbonpolitiqueaidé
par les sondages, avait raison en affir-
mant, lundi dans une tribune sur Facebook,
quesapropositiond’étendrela
déchéance de nationalité aux
binationauxnésenFrance«re-
cueill[ait] une très large adhésion parmi les
Français»?Mieuxencorepourlui:uneappro-
bation des militants socialistes?
Depuismercredi,jourdelaconfirmationpar
lecoupleexécutifdesonintentiond’inscrire
danslaConstitutionladéchéancedenationa-
litépourlesterroristes–toutenincluantceux
nés sur le sol français–, la planète socialiste
sembletourneboulée.MaissiBenoîtHamon,
Martine Aubry et, de façon moins attendue,
Julien Dray puis Jean-Marc Ayrault se sont
prononcésfarouchementcon-
trecetteinitiative,lesmilitants
socialistesinterrogésparLibé-
ration paraissent beaucoup moins tiraillés.
Certes,cetteprisedetempératuren’apasva-
leur de sondage, et encore moins de référen-
dum. Il n’empêche, la parole recueillie laisse
songeur. Avec, parfois, des propos qui n’ont
rien à envier à la droite sécuritaire. «Plutôt à
la gauche du parti», mais «pas du côté des
frondeurs»,JérômeGodard,ex-secrétairede
section PS à Clermont-Ferrand et actuel ad-
joint au maire, se dit clairement «favorable à
la déchéance de nationalité pour les binatio-
naux», mais aussi «pour ceux qui sont nés en
France». Il ne comprend pas, d’ailleurs, «que
la binationalité existe». La sécurité ne doit
«pasêtretaboue»,etdirecela,«cen’estpasune
idée de droite». L’homme n’est pas «choqué»
non plus par la phrase du Premier ministre
sur «une partie de la gauche qui s’égare
au nom de grandes valeurs, en oubliant le
contexte».Ila«toujoursétéunpeudanslapro-
voc», explique-t-il.
Vallsisteetencorepluscash,ClaudeLerouge,
ancien responsable de la section PS à la
Caisse d’épargne et aujourd’hui retraité, est
aussi favorable à la mesure: «Il faut foutre les
jetonsàtouscesmecs-là,onnepeutplusavoir
des jeunes de banlieue qui se construisent sur
Daech.» Même si, reconnaît-il, «ce n’est pas
forcément très efficace». Les propos de Valls?
«C’est bien de garder certaines valeurs fonda-
mentales, mais quand on est en guerre, on est
en guerre. Il faut arrêter de rêver!» Aubryste
revendiqué, Thierry Levasseur, ex-responsa-
bledelasectiondeDieppe(Seine-Maritime),
juge Valls «un peu trop autoritariste», mais
ne se dit «pas opposé» à la proposition de
l’exécutif. «A condition, cependant, qu’elle
s’inscrive dans un ensemble de mesures per-
mettant d’éviter vraiment les attentats.» N’y
a-t-il pas un risque de créer une sous-catégo-
rie de Français? «Ils retrouveront leur autre
nationalité, et n’auront qu’à faire des démar-
ches pour rester en France.» Sous-entendu
comme étrangers. Ce que reproche Thierry
Levasseur au gouvernement, ce n’est finale-
ment pas ses mesures sécuritaires, mais le
fait qu’il ne parle plus «au monde ouvrier et
aux classes moyennes».
Tout aussi aubryste, Guillaume Quévarec, la
quarantaine, n’a «plus aucun état d’âme» de-
puis les attentats de Paris: «La déchéance de
nationalité, j’y suis favorable», tranche ce
membre du conseil fédéral PS des Yvelines.
«J’ai évolué depuis les horreurs du 13 Novem-
bre. Les terroristes qui tuent aveuglément ne
sontpasdignesd’êtrefrançais.Qu’ilssoientbi-
nationaux ou pas.» Et d’avancer une idée
étonnante:«Puisqueledroitinternationalin-
terdit qu’on crée des apatrides, je serais favo-
rable à ce que ces terroristes soient rattachés
àl’ONU,parexemple,avecunesortedenatio-
nalité mondiale.» Sur la division au sein du
PS:«Jecomprendstrèsbienqu’ellecréedesop-
positions,cetteidéeheurtantuncertainnom-
bre de nos valeurs. Mais ce n’est pas une frac-
ture entre courants, chacun se positionne en
fonctiondesgrandsprincipesou,commemoi,
en fonction de son intime conviction.»
«LEPÉNISATION DES ESPRITS»
Ancien responsable des pro-Royal en Breta-
gne, Franck Dagorne, lui, en est convaincu:
«Ne pas constitutionnaliser la déchéance de
nationalité serait une erreur.» Pour ce mili-
tant du Morbihan, entré au PS quand Jospin
Contre toute attente, le projet
du gouvernement d’inscrire
dans la Constitution la
déchéance de nationalité ne
choque pas dans les sections
socialistes. Par
RACHID LAÏRECHE, LUC
PEILLON et NATHALIE RAULIN
modifié par
ERIC LEGER
TÉMOIGNAGES
Lors d’une «marche contre la barbarie», à
Libération Mardi 29 Décembre 2015
Valeurs
S’il s’agissait de rebattre les cartes, on peut
dire que le jeu est bien étalé, avec une gau-
che et une droite tout aussi éparpillées
dans leurs convictions. Seule certitude,
celle ne plus en avoir. Sauf une, peut-être:
inscrire dans la Constitution la déchéance
de nationalité notamment pour les binatio-
naux nés en France n’est pas de nature
à empêcher de futurs attentats. Pour le
reste, tout ce qui constituait des repères
vole en éclats. Comme l’idée d’union natio-
nale. Et la petite phrase de Valls sur cette
gauche qui s’égare au nom des grandes va-
leurs a achevé de déboussoler son propre
camp plutôt que de convaincre. Le contexte
justifie-t-il de renoncer à ce qui constitue
un socle commun d’engagement? La ré-
ponse est non. Pourtant, si l’on en croit une
partie de la base socialiste que nous avons
interrogée, toute mesure, même symboli-
que, même inefficace, est bonne à prendre
contre les jihadistes, résonnant en cela avec
l’opinion qui approuve massivement cette
disposition dans un récent sondage. Mais
Hollande et Valls ne peuvent pas ignorer
qu’une autre partie de l’électorat et de
nombreux dirigeants PS ne supportent pas
la proposition, et encore moins la méthode
et le ton employés. Un des arguments avan-
cés pour justifier le maintien de cette me-
sure serait le respect de la parole prononcée
lors du Congrès du 16 novembre. Pourquoi
cette promesse mériterait-elle plus que
celle, non tenue, sur le droit de vote aux
étrangers? Une parole vaut davantage par
sa cohérence que par son affirmation auto-
ritaire. Question de valeur.•
VOLTE-FACE DE L’EXÉCUTIF
n 16 novembre François Hollande s’adresse aux parlementaires réunis en Congrès.
Il annonce plusieurs mesures dont la «déchéance de nationalité» pour tout individu
responsable d’actes terroristes. «Il faut pouvoir le déchoir même s’il est né français,
dès lors qu’il bénéficie d’une autre nationalité», affirme le chef de l’Etat.
n 18 décembre François Hollande laisse entendre à des visiteurs que l’idée
d’étendre la déchéance aux binationaux nés en France est abandonnée.
n 22 décembre La ministre de la Justice, Christiane Taubira, annonce, sur une
radio algérienne, que le projet de révision constitutionnelle «ne retient pas»
l’extension de la déchéance de nationalité.
n 23 décembre La «déchéance» figure bien dans le texte présenté en Conseil des
ministres. Indignation et hostilité de nombreuses associations et personnalités.
n 27 décembre Dans le JDD, Manuel Valls affirme qu’«une partie de la gauche
s’égare au nom de grandes valeurs».
étaitàMatignon,laquestionestd’abordtacti-
que:«L’idéeaétémiseenavantparl’extrême
droite, mais la lui laisser pourrait être très
dangereuxdanslaperspectivedelaprésiden-
tielle,estimecefidèledeHollande.Autourde
moi,lalepénisationdesespritsestréelle.Sion
renonce, le FN pourrait faire de cette mesure
son porte-étendard pour 2017…»
D’autres,sansapplaudiràtout rompreladé-
chéancedenationalité,ontfinipars’yrallier,
un peu à reculons. Comme Alain Le Garrec,
secrétairedelasectionduIer arrondissement
deParis.«Jenesuispaspour,maisvulescon-
ditionsextrêmes,ilfautlefaire,estimecetan-
cienrocardien,aujourd’huiprochedesréfor-
mateurs. D’ailleurs, déchoir quelqu’un de sa
nationalité française était déjà possible, et fi-
nalement, il n’y a eu que peu de cas. Même si
la mesure est élargie, elle restera symbolique,
car compliquée à appliquer.» Et d’estimer
qu’«il n’est pas inutile d’obliger à s’interroger
sur ce que cela implique d’être français».
Mêmesi«jepréféreraisqu’onsebattesurcom-
ment faire baisser le chômage».
«PERSONNE NE M’ÉCOUTE»
Mêmes’ilssontminoritairesparmiceuxsolli-
citésparLibération,certainsnesontpasfavo-
rables à la proposition du gouvernement.
Chef de section PS dans l’ouest de la France
etpro-Hollande,cemilitantquisouhaiteres-
teranonymeestcontrelaréforme.«Unefaute
gravedugouvernementquilaisseradestraces,
estime-t-il. Car, dans quelques années, on re-
tiendra le mariage pour tous pour les choses
positivesetladéchéancepourlecôténégatif.»
Maisdanssasection,laplupartdesmilitants
approuvent le choix du gouvernement. «Je
passe mon temps à faire de la pédagogie: dé-
choir un terroriste de sa nationalité ne m’em-
pêche pas de dormir, mais l’inscrire dans la
Constitution est un danger et remet en cause
ledroitdusol.Saufquepersonnenem’écoute,
etçam’inquiète.Lesgensbloquentsurlester-
roristes et oublient que c’est une idée du FN.»
Lui aussi opposé à la mesure, et également
soucieux de son anonymat, un secrétaire de
sectionparisienneexpliquequ’«entrelesgens
qui sont fermement contre et les hollandais
pur sucre qui défendent le gouvernement, il y
atoutunensembledemilitantsquisoitsetai-
sent, soit ne voient pas en quoi le sujet pose
problème…»
Tout aussi contre, Romain Pastor, 21 ans,
secrétaire de la toute nouvelle section dans
lesquartiersNorddeMarseille,s’inquiètelui
aussidudébatauseinduparti:«Cetteréforme
dedroite,voired’extrêmedroite,divisetoutle
monde:lapopulation,lagaucheetlePS.Elle
pointedudoigtunepopulation,encréantune
sous-catégoriedeFrançaisalorsqu’onappelle
à l’union. Dans les quartiers populaires, ici à
Marseille, les gens se posent des questions sur
la gauche et le PS.»
Révélateur d’un rapport de force au sein du
parti qui tend à pencher en faveur de l’aile
droite, certains s’interrogent sur leur avenir
politique.«C’estundesplusimportantsrenon-
cements à nos valeurs, je suis très en colère et
dégoûté, ce sera certainement pour moi un
point de rupture avec le PS», explique Hervé
Tostain,anciensecrétairedesectiondeRoye,
danslaSomme.Etd’expliquerque«ceuxqui
soutiennent aujourd’hui Valls et Hollande
danslepartisontpourbeaucoupdesgensarri-
vésen97,aumomentdelavictoire,avecl’idée
d’occuperdespostes».Plusmesurémaisatten-
tifàl’évolutionduPS,cesecrétairedesection
parisiennereconnaîtquelasociologiedesmi-
litantsachangé.«Depuis2012,pasmaldemi-
litantsquineseretrouvaientpasdanslapoli-
tique de Hollande nous ont quittés. En sens
inverse, les nouveaux adhérents sont venus
parcequeséduitsparcegouvernement.Aufi-
nal, j’ai à peu près le même nombre d’adhé-
rents, mais ce ne sont plus les mêmes.»
Il en est un, en tout cas, qui ne décolère pas,
c’estYohanSenez,secrétairedelasectionPS
deDenain(Nord),quialancélemouvement
#NousSommesLePSsurTwitter,contrelapro-
positiondel’exécutif.«Onestaupouvoireton
faitpirequeSarkozy.Personnenecomprend.
Surlesquestionséconomiques,ilexisteundé-
batmais,cettefois,ontoucheàdeschosesplus
profondes.Etqu’onneviennepasnousdireque
noussommesdesBisounours.Ontravailledans
les quartiers populaires et on sait que ça ne
changerarienauproblèmeduterrorisme.Ma-
nuelValls,onconnaîtsondiscourssécuritaire,
maisFrançoisHollande,c’estincompréhensi-
ble.»Dequoinourrirlesdébatsenréunionde
section après la trêve des confiseurs.•

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Déchéance de la Nationalité : un débat qui fait rage !

  • 1. jdd | 27 décembre 2015 L’ancien ministre, figure de l’aile gauche du PS, juge que l’exécutif «cède sur l’essentiel» des valeurs INTERVIEW ARTHUR NAZARET MODIFIE ERIC LEGER Finalement François hollande a décidé d’inscrire dans la Constitution la déchéance de nationalité… Cela revient à établir la distinc- tion entre deux citoyens français de naissance suivant qu’ils sont binationaux ou non. En introdui- santcettedistinction,laRépublique n’estplusindivisible.Cettedécision remettrait en cause le droit du sol. Lesymbolechoisi,etquelsymbole, envoieàdesmillionsdenoscompa- trioteslemessagesuivant :vousêtes des Français de seconde catégorie. Nousdonnerionsraisonàtousceux qui manipulent notre jeunesse et lui affirment qu’une partie d’entre eux n’ont jamais été considérés comme de vrais Français dans leur propre pays. Face au terrorisme, affirmer l’unité de la nation, le ras- semblement de tous les Français, indépendamment de leurs convic- tions, origines ou confessions, est fondamental. Cettemesureest,selonl’aveudu Premier ministre lui-même, inef- ficace pour lutter contre le terro- risme. Pas un terroriste français ne renonceraitàsonactedefolieparce qu’on le menacerait de perdre son passeport.Etsilespaysvictimesdu terrorisme, comme l’Algérie ou le Maroc,décidaientdefairelamême choseàleursbinationaux,accepte- rions-nousderécupérerenFrance les terroristes d’Aqmi ? est-ce un point de non-retour entre hollande et une partie de la gauche? J’ai voté l’état d’urgence. Proté- ger les Français face au terrorisme ne se négocie pas. Mais avec la déchéance de nationalité inscrite danslaConstitution,cen’estplusla protectiondelanationquiestenjeu. J’aicherchéàenconvaincredirecte- mentleprésidentdelaRépublique. En début de semaine, j’avais com- prisqu’ilrenonceraitàcettemesure. Que ce soit par référendum ou au Congrès,jevoteraicontrecettepro- position.Aufond,celavabienau-de- làdudébatdroite-gauche.C’estune questiondevaleuretdeconscience. Maconsciencem’indiquequenous cédonssurl’essentiel,surcequifai- sait la force de la République fran- çaise,sonmessage universel, affir- mer l’égalité des citoyens quelle que soit leur ori- gine. C’est-à-dire, précisément, ce contre quoi lutte Daech. est-ce un tournant? Commencerlequinquennatpar la promesse du droit de vote aux étrangers lors des élections locales et le terminer sur la déchéance de nationalité des binationaux, une telle transhumance politique et intellectuelle déboussole. Cette décision va provoquer un schisme au sein du peuple de gauche mais aussidanslacommunauténationale. C’étaitunepropositiondel’extrême droite, une proposition qualifiée, dans un passé récent, de « dange- reuse »parFrançoisHollandeetde « nauséabonde » par Manuel Valls. Je connais les enjeux politiques de l’exercicedupouvoir.Maislafinne justifie pas les moyens ! taubira peut-elle défendre cette loi ? C’est une amie, je sais ce qu’elle pense. Maintenant, c’est à elle de décider. Il est frappant de consta- ter que le ministre de l’Intérieur et la garde des Sceaux, tous deux en première ligne dans la lutte contre leterrorisme,sont défavorables à cette décision. Que pensez-vous des récentes mains tendues aux centristes et à la droite? Elles l’ont été sur la lutte contre le chômage. Il y a une logique à ce que ceux qui pen- sentglobalementlamêmechosese rapprochent.Maisest-cepourtrou- verdessolutionsnouvelles ?Non,il s’agit de poursuivre la même poli- tique.Plusglobalement,surlaques- tion de la libéralisation du marché dutravail,surl’austéritébudgétaire ou les baisses d’impôt des entre- prises, les divergences entre Ber- trand,EstrosietVallsrelèvent-elles d’unedifférencedeprojetpolitique oudesimplesnuancessurlerythme etl’intensitédespolitiquesàmettre enœuvre ?Jeleregrette,maisl’hon- nêteté commande de reconnaître maintenantquecequilesdistingue netientqu’àdesnuances.Cesidées ontdéjàétémisesenœuvrependant près de vingt ans, à l’exception du mandatdeLionelJospin.Ont-elles permis de retrouver la croissance, deréduirelechômageetderéduire les inégalités ? Non. Depuis quand uneadditiond’échecsferait-elleune solution ? est-ce la fin de la stratégie d’union de la gauche avec un PS qui lui aussi tend la main aux républicains? J’entends Jean-Christophe Cambadélis parler d’« alliance populaire ». La perspective semble séduisante.Jesouhaitequecelane soit pas un bricolage d’appareils et une nouvelle diversion. Ce qui est sûr,c’estqu’ildevientdeplusenplus compliqué d’appeler les électeurs degaucheàlarescousseausecond tour, d’appeler à faire barrage au Front national et de proposer une réformedelaConstitutioninspirée et soutenue par le Front national. À la rentrée, il y a aussi la réforme du Code du travail, la loi Macron 2... Il faut redonner un projet mobilisateur à la nation. À côté de la lutte contre le terrorisme, on n’entend parler que de croissance et de déficits. Mais il est illusoire decontinueràpoursuivrel’objectif d’une croissance à 3 ou 4 %. Notre mission est de concilier une crois- sance faible mais riche en emplois etsobreécologiquement.Cetteoffre politiqueresteincontestablementà construireet aurabesoind’exister dans le débat de 2017. g Proche du chef de l’État, l’ex-cofondateur de SOS racisme souhaite qu’une « majorité d’idées » permette de trouver une « alternative sérieuse » à une décision erronée et « inefficace » IntervIew DOMiNiQue De MONtvALON Comprenez-vous l’arbitrage du chef de l’État sur la déchéance de nationalité? Depuis le discours de Fran- çois Hollande à Versailles le 16 novembre, je n’ai cessé de direquecettemesuremesemble ouvrirunepolémiqueetdesdivi- sions inutiles dans le moment actuel. La France a mieux à fairequedesequerellersurune mesure dont tout le monde sait qu’ellen’estd’aucuneefficacité, mêmesymbolique,contreleter- rorisme. Cela renvoie, par ail- leurs,àunprincipefondamental : quandellescombattentleterro- risme, les démocraties doivent toujours rester elles-mêmes et se garder de légiférer à chaud. Comment expliquez-vous sa décision? Jenemel’expliquepas,d’au- tantquenousétionsnombreuses etnombreuxàavoirlesentiment quel’exécutifserendaitcompte des risques que représentait la miseenchantierconcrèted’une telle mesure. On aurait pu, on peutpeut-êtreencore–comme l’avaientfaitlesConstituantsde 1791, comme l’avait fait le géné- ral de Gaulle – mettre en place une véritable peine d’indignité républicainefrappantlesterro- ristescondamnés.Celaéviterait de toucher au droit du sol et de créer implicitement plusieurs catégories de Français. vous dialoguez souvent avec lui, vous ne vous attendiez donc pas à cela? Non. On a choisi de garder la cohérence au prix du risque d’uneruptureaveclagauchemi- litante.Ondoitfaireautrement. Peut-on imaginer que l’exécutif revienne en arrière? Unedémocratieadulte,c’est une démocratie où l’on sait se rendre compte à temps qu’une décision est une fausse bonne idée, et qu’elle va créer plus de problèmesqu’apporterdesolu- tions.L’intelligencecollectiveen pareil cas, c’est de savoir fabri- quer une alternative sérieuse. Ce serait l’occasion ou jamais de mettre en place dans ce but une majorité d’idées, qui ne serait pas la victoire d’un camp contre l’autre. g « Je ne m’explique pas la décision du Président » Julien Dray, député de l’Essonne Benoît Hamon, ex-ministre de l’Éducation nationale et député des Yvelines «Un schisme dans le peuple de gauche» « Une telle transhumance politique et intellectuelle déboussole » Benoît Hamon à l’Assemblée nationale.
  • 2. Libération Mardi 29 Décembre 2015 Déchéancedenationalité AuPS,lepour estàvenir E tsiManuelVallsavaitvujuste?Etsile Premierministre,enbonpolitiqueaidé par les sondages, avait raison en affir- mant, lundi dans une tribune sur Facebook, quesapropositiond’étendrela déchéance de nationalité aux binationauxnésenFrance«re- cueill[ait] une très large adhésion parmi les Français»?Mieuxencorepourlui:uneappro- bation des militants socialistes? Depuismercredi,jourdelaconfirmationpar lecoupleexécutifdesonintentiond’inscrire danslaConstitutionladéchéancedenationa- litépourlesterroristes–toutenincluantceux nés sur le sol français–, la planète socialiste sembletourneboulée.MaissiBenoîtHamon, Martine Aubry et, de façon moins attendue, Julien Dray puis Jean-Marc Ayrault se sont prononcésfarouchementcon- trecetteinitiative,lesmilitants socialistesinterrogésparLibé- ration paraissent beaucoup moins tiraillés. Certes,cetteprisedetempératuren’apasva- leur de sondage, et encore moins de référen- dum. Il n’empêche, la parole recueillie laisse songeur. Avec, parfois, des propos qui n’ont rien à envier à la droite sécuritaire. «Plutôt à la gauche du parti», mais «pas du côté des frondeurs»,JérômeGodard,ex-secrétairede section PS à Clermont-Ferrand et actuel ad- joint au maire, se dit clairement «favorable à la déchéance de nationalité pour les binatio- naux», mais aussi «pour ceux qui sont nés en France». Il ne comprend pas, d’ailleurs, «que la binationalité existe». La sécurité ne doit «pasêtretaboue»,etdirecela,«cen’estpasune idée de droite». L’homme n’est pas «choqué» non plus par la phrase du Premier ministre sur «une partie de la gauche qui s’égare au nom de grandes valeurs, en oubliant le contexte».Ila«toujoursétéunpeudanslapro- voc», explique-t-il. Vallsisteetencorepluscash,ClaudeLerouge, ancien responsable de la section PS à la Caisse d’épargne et aujourd’hui retraité, est aussi favorable à la mesure: «Il faut foutre les jetonsàtouscesmecs-là,onnepeutplusavoir des jeunes de banlieue qui se construisent sur Daech.» Même si, reconnaît-il, «ce n’est pas forcément très efficace». Les propos de Valls? «C’est bien de garder certaines valeurs fonda- mentales, mais quand on est en guerre, on est en guerre. Il faut arrêter de rêver!» Aubryste revendiqué, Thierry Levasseur, ex-responsa- bledelasectiondeDieppe(Seine-Maritime), juge Valls «un peu trop autoritariste», mais ne se dit «pas opposé» à la proposition de l’exécutif. «A condition, cependant, qu’elle s’inscrive dans un ensemble de mesures per- mettant d’éviter vraiment les attentats.» N’y a-t-il pas un risque de créer une sous-catégo- rie de Français? «Ils retrouveront leur autre nationalité, et n’auront qu’à faire des démar- ches pour rester en France.» Sous-entendu comme étrangers. Ce que reproche Thierry Levasseur au gouvernement, ce n’est finale- ment pas ses mesures sécuritaires, mais le fait qu’il ne parle plus «au monde ouvrier et aux classes moyennes». Tout aussi aubryste, Guillaume Quévarec, la quarantaine, n’a «plus aucun état d’âme» de- puis les attentats de Paris: «La déchéance de nationalité, j’y suis favorable», tranche ce membre du conseil fédéral PS des Yvelines. «J’ai évolué depuis les horreurs du 13 Novem- bre. Les terroristes qui tuent aveuglément ne sontpasdignesd’êtrefrançais.Qu’ilssoientbi- nationaux ou pas.» Et d’avancer une idée étonnante:«Puisqueledroitinternationalin- terdit qu’on crée des apatrides, je serais favo- rable à ce que ces terroristes soient rattachés àl’ONU,parexemple,avecunesortedenatio- nalité mondiale.» Sur la division au sein du PS:«Jecomprendstrèsbienqu’ellecréedesop- positions,cetteidéeheurtantuncertainnom- bre de nos valeurs. Mais ce n’est pas une frac- ture entre courants, chacun se positionne en fonctiondesgrandsprincipesou,commemoi, en fonction de son intime conviction.» «LEPÉNISATION DES ESPRITS» Ancien responsable des pro-Royal en Breta- gne, Franck Dagorne, lui, en est convaincu: «Ne pas constitutionnaliser la déchéance de nationalité serait une erreur.» Pour ce mili- tant du Morbihan, entré au PS quand Jospin Contre toute attente, le projet du gouvernement d’inscrire dans la Constitution la déchéance de nationalité ne choque pas dans les sections socialistes. Par RACHID LAÏRECHE, LUC PEILLON et NATHALIE RAULIN modifié par ERIC LEGER TÉMOIGNAGES Lors d’une «marche contre la barbarie», à
  • 3. Libération Mardi 29 Décembre 2015 Valeurs S’il s’agissait de rebattre les cartes, on peut dire que le jeu est bien étalé, avec une gau- che et une droite tout aussi éparpillées dans leurs convictions. Seule certitude, celle ne plus en avoir. Sauf une, peut-être: inscrire dans la Constitution la déchéance de nationalité notamment pour les binatio- naux nés en France n’est pas de nature à empêcher de futurs attentats. Pour le reste, tout ce qui constituait des repères vole en éclats. Comme l’idée d’union natio- nale. Et la petite phrase de Valls sur cette gauche qui s’égare au nom des grandes va- leurs a achevé de déboussoler son propre camp plutôt que de convaincre. Le contexte justifie-t-il de renoncer à ce qui constitue un socle commun d’engagement? La ré- ponse est non. Pourtant, si l’on en croit une partie de la base socialiste que nous avons interrogée, toute mesure, même symboli- que, même inefficace, est bonne à prendre contre les jihadistes, résonnant en cela avec l’opinion qui approuve massivement cette disposition dans un récent sondage. Mais Hollande et Valls ne peuvent pas ignorer qu’une autre partie de l’électorat et de nombreux dirigeants PS ne supportent pas la proposition, et encore moins la méthode et le ton employés. Un des arguments avan- cés pour justifier le maintien de cette me- sure serait le respect de la parole prononcée lors du Congrès du 16 novembre. Pourquoi cette promesse mériterait-elle plus que celle, non tenue, sur le droit de vote aux étrangers? Une parole vaut davantage par sa cohérence que par son affirmation auto- ritaire. Question de valeur.• VOLTE-FACE DE L’EXÉCUTIF n 16 novembre François Hollande s’adresse aux parlementaires réunis en Congrès. Il annonce plusieurs mesures dont la «déchéance de nationalité» pour tout individu responsable d’actes terroristes. «Il faut pouvoir le déchoir même s’il est né français, dès lors qu’il bénéficie d’une autre nationalité», affirme le chef de l’Etat. n 18 décembre François Hollande laisse entendre à des visiteurs que l’idée d’étendre la déchéance aux binationaux nés en France est abandonnée. n 22 décembre La ministre de la Justice, Christiane Taubira, annonce, sur une radio algérienne, que le projet de révision constitutionnelle «ne retient pas» l’extension de la déchéance de nationalité. n 23 décembre La «déchéance» figure bien dans le texte présenté en Conseil des ministres. Indignation et hostilité de nombreuses associations et personnalités. n 27 décembre Dans le JDD, Manuel Valls affirme qu’«une partie de la gauche s’égare au nom de grandes valeurs». étaitàMatignon,laquestionestd’abordtacti- que:«L’idéeaétémiseenavantparl’extrême droite, mais la lui laisser pourrait être très dangereuxdanslaperspectivedelaprésiden- tielle,estimecefidèledeHollande.Autourde moi,lalepénisationdesespritsestréelle.Sion renonce, le FN pourrait faire de cette mesure son porte-étendard pour 2017…» D’autres,sansapplaudiràtout rompreladé- chéancedenationalité,ontfinipars’yrallier, un peu à reculons. Comme Alain Le Garrec, secrétairedelasectionduIer arrondissement deParis.«Jenesuispaspour,maisvulescon- ditionsextrêmes,ilfautlefaire,estimecetan- cienrocardien,aujourd’huiprochedesréfor- mateurs. D’ailleurs, déchoir quelqu’un de sa nationalité française était déjà possible, et fi- nalement, il n’y a eu que peu de cas. Même si la mesure est élargie, elle restera symbolique, car compliquée à appliquer.» Et d’estimer qu’«il n’est pas inutile d’obliger à s’interroger sur ce que cela implique d’être français». Mêmesi«jepréféreraisqu’onsebattesurcom- ment faire baisser le chômage». «PERSONNE NE M’ÉCOUTE» Mêmes’ilssontminoritairesparmiceuxsolli- citésparLibération,certainsnesontpasfavo- rables à la proposition du gouvernement. Chef de section PS dans l’ouest de la France etpro-Hollande,cemilitantquisouhaiteres- teranonymeestcontrelaréforme.«Unefaute gravedugouvernementquilaisseradestraces, estime-t-il. Car, dans quelques années, on re- tiendra le mariage pour tous pour les choses positivesetladéchéancepourlecôténégatif.» Maisdanssasection,laplupartdesmilitants approuvent le choix du gouvernement. «Je passe mon temps à faire de la pédagogie: dé- choir un terroriste de sa nationalité ne m’em- pêche pas de dormir, mais l’inscrire dans la Constitution est un danger et remet en cause ledroitdusol.Saufquepersonnenem’écoute, etçam’inquiète.Lesgensbloquentsurlester- roristes et oublient que c’est une idée du FN.» Lui aussi opposé à la mesure, et également soucieux de son anonymat, un secrétaire de sectionparisienneexpliquequ’«entrelesgens qui sont fermement contre et les hollandais pur sucre qui défendent le gouvernement, il y atoutunensembledemilitantsquisoitsetai- sent, soit ne voient pas en quoi le sujet pose problème…» Tout aussi contre, Romain Pastor, 21 ans, secrétaire de la toute nouvelle section dans lesquartiersNorddeMarseille,s’inquiètelui aussidudébatauseinduparti:«Cetteréforme dedroite,voired’extrêmedroite,divisetoutle monde:lapopulation,lagaucheetlePS.Elle pointedudoigtunepopulation,encréantune sous-catégoriedeFrançaisalorsqu’onappelle à l’union. Dans les quartiers populaires, ici à Marseille, les gens se posent des questions sur la gauche et le PS.» Révélateur d’un rapport de force au sein du parti qui tend à pencher en faveur de l’aile droite, certains s’interrogent sur leur avenir politique.«C’estundesplusimportantsrenon- cements à nos valeurs, je suis très en colère et dégoûté, ce sera certainement pour moi un point de rupture avec le PS», explique Hervé Tostain,anciensecrétairedesectiondeRoye, danslaSomme.Etd’expliquerque«ceuxqui soutiennent aujourd’hui Valls et Hollande danslepartisontpourbeaucoupdesgensarri- vésen97,aumomentdelavictoire,avecl’idée d’occuperdespostes».Plusmesurémaisatten- tifàl’évolutionduPS,cesecrétairedesection parisiennereconnaîtquelasociologiedesmi- litantsachangé.«Depuis2012,pasmaldemi- litantsquineseretrouvaientpasdanslapoli- tique de Hollande nous ont quittés. En sens inverse, les nouveaux adhérents sont venus parcequeséduitsparcegouvernement.Aufi- nal, j’ai à peu près le même nombre d’adhé- rents, mais ce ne sont plus les mêmes.» Il en est un, en tout cas, qui ne décolère pas, c’estYohanSenez,secrétairedelasectionPS deDenain(Nord),quialancélemouvement #NousSommesLePSsurTwitter,contrelapro- positiondel’exécutif.«Onestaupouvoireton faitpirequeSarkozy.Personnenecomprend. Surlesquestionséconomiques,ilexisteundé- batmais,cettefois,ontoucheàdeschosesplus profondes.Etqu’onneviennepasnousdireque noussommesdesBisounours.Ontravailledans les quartiers populaires et on sait que ça ne changerarienauproblèmeduterrorisme.Ma- nuelValls,onconnaîtsondiscourssécuritaire, maisFrançoisHollande,c’estincompréhensi- ble.»Dequoinourrirlesdébatsenréunionde section après la trêve des confiseurs.•