A côté du Programme de Coopération internationale communale (ou Programme de CIC), bien connu des communes, existent bien d’autres initiatives et projets développés par les communes, qu’ils soient mis en oeuvre sur fonds propres ou cofinancés par le biais d’autres programmes au niveau régional, fédéral ou européen. Vous trouverez dans les pages qui suivent trois exemples de projets communaux, réalisés dans le Sud - au Burkina Faso, au Bénin et au Rwanda.
1. Bonnes pratiques
Europe - international
Bonnes pratiques :
projets communaux
internationaux
A côté du Programme de Coopération internationale communale
(ou Programme de CIC), bien connu des communes, existent bien
d’autres initiatives et projets développés par les communes, qu’ils
soient mis en œuvre sur fonds propres ou cofinancés par le biais
d’autres programmes au niveau régional, fédéral ou européen.
Vous trouverez dans les pages qui suivent trois exemples de
projets communaux, réalisés dans le Sud - au Burkina Faso, au
Bénin et au Rwanda.
Tchaourou-Virton
Un partenariat responsable et
efficace pour un développement
local dynamique
PIERRE SCHARFF, SÉNATEURBOURGMESTRE HONORAIRE, COORDINATEUR OPÉRATIONNEL DU PARTENARIAT TCHAOUROUVIRTON
La Ville de Virton s’est d’abord engagée dans le Programme de Coopération internationale
communale - géré par l’Union des Villes et Communes de Wallonie - pour une période de quatre
années : 2009-2010-2011-2012, pour un montant de 150 000 euros, accordé par le SPF Affaires
étrangères, à travers sa Direction générale de la Coopération au Développement (DGCD).
L
E PLAN STRATÉGIQUE 20092012 2010, nous avons clôturé avec succès la perception de nombreuses taxes com-
avait pour objet la mise en place les nombreuses étapes de la réalisation munales, d’autre part, mais aussi le ren-
d’outils efficaces au sein de la Com- du registre foncier des trois zones prin- forcement du Service des Finances par la
mune de Tchaourou, au Bénin, afin cipales de la Commune de Tchaourou, formation du personnel et enfin l’achat de
d’augmenter ses ressources. En décembre d’une part, l’établissement des rôles pour matériel informatique.
50 MOUVEMENT COMMUNAL N°862 NOVEMBRE 2011
2. Bonnes pratiques
IL EXISTE
D’AUTRES
INITIATIVES
COMMUNALES,
À CÔTÉ DU
PROGRAMME
DE CIC
Parallèlement à cet engagement à travers politiques représentées au conseil com-
le Programme de Coopération internatio- munal. Cette Commission examine les
nale communale (Programme de CIC), propositions d’aide et définit les priorités,
la Ville de Virton a décidé d’inscrire au qui sont ensuite transmises au collège
budget communal, annuellement, un et au conseil communal pour débat et
montant de 25 000 euros pour financer approbation. acheminé à Tchaourou, avec l’aide de la
diverses infrastructures dans la Com- Ainsi, Province de Luxembourg, pour la livrai-
mune de Tchaourou. - en 2009, une école primaire pour 250 son de divers matériels scolaires, livres,
Une commission Nord-Sud d’une ving- enfants a été construite à Goro, et l’alimen- gilets de sauvetage pour l’équipement
taine de membres a été constituée, regrou- tation en eau potable du marché au bétail des barques scolaires, vélos et médica-
pant des représentants des associations de Tchaourou a été assurée. Les deux pro- ments ; grâce au succès de la vente d’un
locales s’intéressant à la coopération au jets ont bénéficié d’une aide complémen- jeu - « Le Jongl’heure » - créé dans le cadre
développement, comme 11.11.11, Oxfam, taire de la DGCD de 17 407 euros ; du partenariat, le Syndicat d’initiative de
Iles de paix, la Croix-Rouge, Colupa, Soli- - en 2010, le forage de deux puits équipés la Ville a versé 6 000 euros à la Commune
darité mondiale, Entraide et Fraternité, de pompes à motricité humaine est en de Tchaourou et assuré la livraison de
ainsi que des délégués des formations cours de réalisation ; un container a été 730 jeux (d’une valeur de 5 110 euros) au
EN SAVOIR PLUS
Enit num dunt et, core vulputat praessis nonsed dolesse niscin venisim ent lobortin ver at
digna feuisit, sequipisim nibh eu facil ut aliquis dolobor incidunt wis ad dolum quat dolor
iriustrud exer in hent adit aciliquam vulla conse vullaor ipit et, veliquat, quis nullut nulla
feugiam consectem nos nosto od tionseq uipiscilissi eraesed te con utpat. Ut luptat.
Ommy nim veliquis ad dolendi onullaor atue voloreraesed min ulla facidunt
NOVEMBRE 2011 N°862 MOUVEMENT COMMUNAL 51
3. Bonnes pratiques
LES EXEMPLES
D’OUPEYE, VIRTON
ET WOLUWESAINT
PIERRE
Oupeye
Vers une démarche
multi-acteurs
Bénin, soit 430 pour Tchaourou et 300
pour la Préfecture d’Abomey ;
public-privé
-en 2011, la Ville de Virton interviendra
dans l’achat de deux machines à laver indus- ARLETTE LIBEN-DECKERS, ECHEVINE EN CHARGE DES AFFAIRES HUMANITAIRES, COMMUNE D’OUPEYE
trielles pour l’hôpital de Papané, à Tchaou-
C
rou (8 220 euros), et pour l’acquisition de
matériel informatique pour les services ’EST À L’INITIATIVE DE la Com- vergers. Avec l’aide des fruiticulteurs de la
communaux de l’état civil, des finances et mission Solidarité Oupeye (CSO) commune, ces fruits sont transportés vers
du développement (16 780 euros). que la Commune d’Oupeye a décidé la siroperie Nissen d’Aubel. Les pots de
Il faut souligner que ces aides pour la réa- de s’engager dans une démarche de sirop sont ensuite vendus au bénéfice des
lisation d’infrastructures ou d’acquisition solidarité internationale avec le Sud. Cette écoles de Gourcy. Cette activité nous per-
de matériel sont importantes, car elles Commission, qui regroupe des membres met de créer et maintenir des liens entre
assurent ainsi une visibilité de la coopéra- de différentes associations humanitaires les établissements scolaires d’Oupeye
tion auprès des populations. de l’entité, continue à jouer un rôle très et de Gourcy. Actuellement, sept écoles
Enfin, la réussite de ce partenariat est assu- important au niveau de la sensibilisation échangent une correspondance.
rée par l’engagement éthique et financier dans notre commune. Parmi les membres de la CSO, figure l’ONG
des Conseils et Collèges communaux de Ainsi, c’est elle qui a mis sur pied, dès le Autre Terre, qui bénéficie de la présence de
Tchaourou et Virton, par la disponibilité des départ en 2006, l’Opération sirop. Oupeye, coopérants au Burkina Faso. C’est elle qui
fonctionnaires locaux, de l’Union des Villes commune wallonne de la fruiticulture, nous a proposé de rencontrer les autori-
et Communes de Wallonie, des ministères située en Hesbaye, est en effet un impor- tés communales de Gourcy qui, au départ,
régionaux, communautaires et fédéraux, tant producteur de pommes et de poires en était une commune de la même taille que
grâce à notre coordination efficace avec Wallonie. Au mois de septembre, la Com- la nôtre (entre 20 000 et 25 000 habitants).
les communes belges de la CIC et la Pro- mission Solidarité Oupeye convie ainsi les La contribution efficace d’Autre Terre fut
vince de Luxembourg, et par le soutien de enfants des deux réseaux scolaires et les une aide précieuse dans notre projet com-
la population virtonaise, via les membres de mouvements de jeunesse à ramasser les munal. Elle y a en effet joué un rôle de faci-
la Commission communale Nord-Sud. pommes et les poires tombées dans les litateur et de conseiller dans une période où
52 MOUVEMENT COMMUNAL N°862 NOVEMBRE 2011
4. Bonnes pratiques
la communication entre Oupeye et Gourcy publics de la commune. Ce projet a permis Bayri Manégré du Zondoma (ABMZ)1,
était difficile, tant au niveau outils que com- de les équiper aussi bien en matériel (ânes, qui récolte les déchets ménagers privés et
préhension, et ce jusqu’à l’engagement d’un charrettes, brouettes, râteaux, balais, bacs publics. Par notre projet, nous avons aug-
chargé de projets au Sud en août 2010. à ordures…) qu’en équipement (masques, menté le volume de déchets à transporter
La grande priorité de Gourcy étant l’accès tenues, gants…). Ces balayeuses purent être à la décharge, ce qui a augmenté la charge
à l’eau et la gestion des déchets, conformé- rétribuées pour leur travail et disposer ainsi de travail de l’entreprise sans contrepartie
ment au Cadre stratégique de lutte contre d’un petit revenu mais, surtout, elles purent financière en retour. Tout naturellement,
la pauvreté (CSLP) qui nous avait été com- bénéficier d’un suivi médical régulier et gra- cette entreprise s’est intégrée dans notre
muniqué par la Commune de Gourcy lors tuit, créant quelques jalousies auprès des 25 projet et en est sortie renforcée.
de nos premiers contacts, nous avons pro- balayeuses communales du marché. Le projet ayant eu du mal à démarrer, nous
posé au conseil communal nos compé- avons aussi fait appel aux services d’Inter-
tences en matière de gestion et de collecte Mondes2 pour la réalisation d’une évalua-
des déchets, compétences qui relèvent de
notre commune. Nous nous sommes aussi
LES PROJETS tion de notre programme. Leur rapport fut
très important pour nous, car répondant à
engagés à proposer des solutions dans le
domaine de l’accès à l’eau. RÉALISÉS AU bien des interrogations de notre part (quid
de notre vision du projet et de celle de notre
Après une mission de découverte, nous
avons alors soumis un projet à la Direc- BURKINA FASO, partenaire, nos exigences, le fonctionne-
ment de la commune partenaire, notre
AU BÉNIN ET AU
tion des Relations internationales de la projet et ses objectifs, et la compréhension
Région wallonne (aujourd’hui Wallonie- mutuelle). Ce rapport nous rassura aussi
Bruxelles International) afin d’obtenir un quant à la réalisation de notre projet : un
subside. C’est ainsi que le projet « Gourcy,
ville propre » fut lancé. La DRI accorda un
RWANDA véritable programme d’assainissement ne
peut se concevoir que sur une durée de 10
premier budget significatif et le Conseil à 20 ans.
communal s’engagea officiellement dans Par après, elles furent reprises dans l’équipe En outre, à notre demande, le Laboratoire-
un partenariat solidaire avec Gourcy pour des balayeuses, lors de la reconduction du citoyenneté3 a organisé, en 2008, un forum
une durée de deux ans. deuxième projet soutenu par la DRI. A l’ex- réunissant des représentants des diffé-
Le projet « Gourcy, ville propre » consistait piration du premier projet, la Commune rentes associations locales car, au départ,
en un appui à la gestion participative des de Gourcy fut incapable de le poursuivre le projet provenait de la mairie. Il fallait le
déchets ménagers de la commune burki- seule, faute de ressources propres. Un nou- rendre citoyen. Ce forum a dès lors permis
nabé. Oupeye apportait son aide afin de veau projet de deux ans fut donc rentré par aux associations de s’approprier le projet,
mener des activités d’assainissement en la Commune d’Oupeye auprès de la DRI et d’émettre un diagnostic et de s’insérer
vue d’améliorer les conditions de vie de fut accepté (La Coopération internationale dans la démarche de la mairie.
la population locale. Au départ, 125 per- communale : un développement de proxi- Forts de notre expérience, nous avons
sonnes (100 femmes et 25 hommes) furent mité, Focus sur le projet Oupeye-Gourcy, décidé de poursuivre notre engage-
engagées à la Commune de Gourcy. Elles Mélanie Knott). ment et nous avons, dès 2006, introduit
furent réparties dans les cinq secteurs de la Dès la mise en place de ce projet, nous une demande de subside mais, cette
ville pour assurer le balayage des espaces avons pris contact avec l’Association fois, auprès de la Direction générale
de la Coopération au Développement
(DGCD), dont le Programme de Coopé-
ration internationale communale (Pro-
gramme de CIC) - géré par l’Union des
Villes et Communes de Wallonie - a pour
objectif prioritaire le renforcement des
capacités des institutions locales du Sud
afin de prendre en charge leur propre
développement.
Aux côtés de trois autres communes wal-
lonnes, nous sommes entrés dans la phase
de programmation 2008-2012 du Pro-
gramme de CIC, en présentant un projet
solide, sur deux thèmes spécifiques :
- le renforcement des capacités de mobili-
sation des ressources financières ;
- le renforcement de communication, de
planification et de mise en œuvre dans le
secteur de l’assainissement.
NOVEMBRE 2011 N°862 MOUVEMENT COMMUNAL 53
5. Bonnes pratiques
Le premier thème devait amener, à terme, un audit sur la compréhension de la ges- d’une des trois communes italiennes qui
la commune partenaire à poursuivre les tion des déchets par la population. Son subsidient le projet portant sur l’état civil
projets élaborés, de façon autonome et travail nous a permis de réorienter le tra- à Gourcy : Grugliasco (les 2 autres étant :
sur fonds propres. Depuis cette année, la vail de sensibilisation dans les différents Alpignano et Pianezza). Ce projet a per-
Commune de Gourcy a pris en charge le secteurs de la commune du Sud. mis d’engager trois agents pour établir un
salaire des balayeuses du projet initiale- Gourcy étant reconnue au Burkina Faso fichier actualisé de l’état civil. Ce travail
ment financé par la DRI. pour son dynamisme, c’est Ingénieurs est relativement conséquent et important
Le second thème étant, quant à lui, un Sans Frontières Belgique (ISF) 6 qui a pris pour nous : il nous permettra en effet d’ac-
thème repris dans le CSLP suivant les contact l’année dernière avec le maire tualiser le fichier des contribuables.
directives du Fonds monétaire interna- de Gourcy et deux autres communes du Actuellement, les trois communes euro-
tional et de la Banque mondiale. Burkina (hors projet CIC) pour un pro- péennes et Gourcy sont en pourparlers
Dès 2007, nous avons par ailleurs pris jet de plus grande envergure concernant pour une rencontre des différents par-
contact avec nos partenaires français les déchets. Cette année, ils aideront la tenaires en janvier 2012, et ceci afin de
d’Olonne S/Mer, commune jumelée mairie à réaliser le cahier des charges bien déterminer nos interactions, même
avec Gourcy depuis plus de 20 ans. Une nécessaire à la réalisation du plan de si internet nous permet déjà d’être en
rencontre entre les trois partenaires gestion des déchets de la commune. contact régulièrement.
(Gourcy, Olonne, Oupeye) s’est d’ailleurs Celle-ci n’a en effet pas les capacités de Oupeye gère donc depuis 2009 un budget
tenue en octobre 2009 à Olonne, lors du réaliser ce plan, qui fait partie - au sein global de coopération de 280 000 euros
20e anniversaire du jumelage. du Programme de CIC - de notre Logique (DRI et DGCD) sur quatre ans !
Cette commune française s’implique sur- d’Intervention Partenariat (LIP). Pour conclure cet article, j’attire l’atten-
tout au niveau humanitaire (éducation, tion sur le point suivant, qui me paraît
santé, accès à l’eau et assainissement). Elle fondamental : lors d’un premier parte-
a notamment soutenu ABMZ dans l’orga- nariat, une identification trop rapide et
nisation d’un service de ramassage des pas suffisamment participative risque
déchets privés et dans la création d’une d’occasionner des tensions entre les dif-
décharge communale. Actuellement, elle férents acteurs au début du projet. Un
se charge de l’étude et de l’installation des programme de coopération ne peut abou-
infrastructures d’approvisionnement en tir que s’il est bien ajusté aux besoins et
eau, faisant appel à cet égard à « Vendée- aux aspirations des populations. Il faut
Eau » 4. Depuis cette époque, nous plani- se rendre compte que gérer différents
fions ensemble les projets qui concernent partenariats demande du temps et de
l’approvisionnement en eau. l’énergie. Nous avons donc de la chance,
D’autre part, en 2009, une nette avan- à Oupeye, d’avoir pu bénéficier de points
cée au niveau de l’environnement s’est APE spécifiques à ce projet pour l’engage-
produite de par la présence, durant cinq ment d’une personne. Des membres du
LA GROSSE
mois, de deux stagiaires universitaires personnel communal, de la CSO et moi-
oupéyens à Gourcy (un biologiste et même, en tant qu’échevine, nous impli-
un géographe). Durant leur séjour, ces
DIFFICULTÉ RESTE
quons énormément et avec enthousiasme
stagiaires ont pris contact avec l’Office dans ces projets avec Gourcy. Il faut tenir
national des Eaux et de l’Assainissement compte du fait que, dans une commune,
(ONEA), qui met en place un plan stra-
tégique en matière d’eau potable et d’as- LA SENSIBILISATION les moyens humains tant au Sud qu’au
Nord sont souvent limités.
sainissement. Nous utiliserons son cadre
de concertation communale pour tout ce AU NORD J’avoue que la plus grosse difficulté reste
la sensibilisation au Nord, surtout dans
qui concerne l’assainissement. la conjoncture économique actuelle
A Oupeye, vous l’aurez constaté, nous qui pousse les personnes à se replier
travaillons dans une logique de parte- Il est à noter que des conventions ou pro- sur elles-mêmes. Ceci me renforce dans
nariat. Et quand, en 2009, le Centre éco- tocoles d’accord ont été signés avec cha- l’idée qu’une implication de la popula-
logique Albert Schweitzer (CEAS) 5 nous cun des partenaires, la Mairie de Gourcy tion est un atout indispensable au Nord
a contactés pour travailler de concert restant le maître d’œuvre. Une conférence- aussi bien qu’au Sud. Elle assure la dura-
sur la problématique des déchets, nous vidéo a par ailleurs été organisée entre bilité d’un partenariat, indépendant des
avons immédiatement accepté leur offre. Oupeye, le CEAS, ISF et Gourcy en vue de aléas inhérents à la politique institution-
Ce partenariat nous a permis d’appuyer finaliser nos accords de coopération. nelle : c’est sans doute la complémenta-
le programme de sensibilisation et de Lors de notre mission d’évaluation rité participative des uns (de la sphère
créer un centre de tri. en février 2011, j’ai rencontré, en tant politique) et des autres (de la sphère
En 2010, une étudiante en anthropologie qu’Echevine des Affaires humanitaires de citoyenne) qui donne tout son sens au
est partie un mois à Gourcy pour y faire la Commune d’Oupeye, les représentants mot « partenariat ».
54 MOUVEMENT COMMUNAL N°862 NOVEMBRE 2011
6. Bonnes pratiques
Entre Woluwe-Saint-Pierre et Musambira au Rwanda
Une coopération de plus de 40 ans
SERGE DE PATOUL, ECHEVIN EN CHARGE DES JUMELAGES ET DE LA COOPÉRATION INTERNATIONALE, WOLUWESAINTPIERRE
Un peu d’histoire… des Jumelages, Serge de Patoul. Le jume- Eddy Boutmans, programme depuis lors
Huit ans après l’indépendance du Rwanda, lage s’adapta à l’évolution administrative et baptisé Programme de Coopération interna-
la Commune de Woluwe-Saint-Pierre se s’élargit au district de Ruyumba, qui regrou- tionale communale (ou Programme de CIC).
jumelait avec la Commune rwandaise de pait l’ancienne Commune de Musambira En 2005, dans le cadre du même pro-
Musambira, village de l’Ambassadeur du et la Commune voisine de Mugina. Depuis, gramme, un approfondissement du travail
Rwanda de l’époque, située à 35 km de d’autres modifications administratives ont fut effectué. En parallèle à ces missions,
Kigali, sur la route reliant la capitale rwan- eu lieu, élargissant le territoire, le district un ensemble d’actions impliquant les
daise à Butare. A cette époque, en 1970, les de Ruyumba étant intégré au district de citoyens wolusampétrusiens fut mené,
deux communes vivaient une année d’élec- Kamonyi. Comme ce nouveau district pré- comme la récolte de lunettes en vue de
tions locales. La motivation d’alors de l’auto- sente un territoire de grande taille, il a été les distribuer à la suite d’un examen de la
rité wolusampétrusienne s’avéra être plus convenu entre les partenaires de maintenir vue pour « rendre la vue à des aveugles qui
électoraliste que sincère… le territoire de l’ancien district de Ruyumba s’ignorent » 7, l’envoi de livres pour jeunes
Mais un an plus tard, en 1971, l’histoire dans le cadre des liens de jumelage avec et de manuels scolaires, l’équipement de
d’amitié entre les Communes de Woluwe- Woluwe-Saint-Pierre. centres de santé…
Saint-Pierre et Musambira débuta vraiment,
avec l’arrivée d’un nouveau bourgmestre Une collaboration caractérisée par Woluwe-Saint-Pierre obtient
dans la commune bruxelloise, François le transfert de compétences un financement dans le cadre
Persoons. Durant la première dizaine Durant ces dix dernières années, les rela- d’un programme européen
d’années des relations entre les deux tions se sont basées sur une logique de L’Union européenne lance chaque année
communes, les projets réalisés furent transfert de compétences en matière de des appels à projets dans le domaine de la
essentiellement des investissements en gestion locale. C’est ainsi qu’en 2002, un coopération au développement, certains
infrastructures (réalisation d’adduction projet d’envergure - axé sur la bonne gou- de ces appels ciblant un Etat en particulier,
d’eau, construction d’un centre de santé, vernance par la mise en place et l’utilisation et accessibles aux pouvoirs locaux : qui
mise en œuvre d’une ferme-pilote…). de la micro-informatique - fut réalisé dans figurent parmi les candidats éligibles, avec
Une seconde période fut caractérisée par le le bâtiment administratif de Musambira. des taux de financement adaptés au niveau
soutien de la Commune de Woluwe-Saint- Comme Musambira n’était pas électrifiée, le local8. Dans le cadre de l’appel à projets
Pierre à une ONG active sur le territoire de projet équipa également les bâtiments com- auquel la Commune de Woluwe-Saint-
Musambira, menant des projets agricoles et munaux en panneaux solaires afin d’arriver Pierre répondit (Programme ANE-AL -
d’aide à des microcrédits, ainsi qu’à des « cré- à une autonomie énergétique. Il s’agissait là Acteurs non étatiques - Autorités locales),
dits-chèvres ». Cette période fut secouée par d’un projet totalement novateur, qui put être le projet devait être déposé avec au moins
le génocide de 1994, qui ralentit les relations. réalisé grâce au Programme de Coopération un partenaire du Sud. La contribution
Mais au début des années 2000, les relations entre institutions locales initié par le Secré- européenne s’élevait dans ce cas à 75 % du
furent relancées par l’Echevin en charge taire d’Etat à la Coopération de l’époque, coût du projet si le gestionnaire de projet
NOVEMBRE 2011 N°862 MOUVEMENT COMMUNAL 55
7. Bonnes pratiques
était une institution du Nord, et à 90 % si le un mécanisme d’intervention de l’école de Kamonyi. Il avait été décidé que, pour
gestionnaire était une institution du Sud9. dès qu’apparaissent des indices sérieux le début de l’année scolaire 2011 (l’année
La Commune de Woluwe-Saint-Pierre d’abandon scolaire d’un enfant. scolaire s’étale sur une année civile), les
répondit à l’appel à projets lancé en 2008 classes de rattrapage devraient être réha-
ainsi qu’en 2009. Si le projet déposé en 2008 bilitées, la structure organisationnelle du
ne fut pas retenu, cette expérience permit
d’acquérir une certaine information concer-
LA COMMUNE A projet mise sur pied et le coordinateur en
charge de la gestion des associations de
nant les attentes du bailleur de fonds. Quant
au projet déposé en 2009, il fut quant à lui LA CAPACITÉ D’ÊTRE parents engagé et son travail entamé.
En février 2011, une seconde mission a été
UN ACTEUR DE
sélectionné et eut pour thème l’« Éducation effectuée en vue de vérifier l’état d’avance-
comme droit et responsabilité de tous », ment du projet ainsi que des autres actions
COOPÉRATION
projet basé sur la bonne gouvernance, la menées dans le cadre du jumelage.
lutte contre la pauvreté et la mise en œuvre L’état d’avancement du projet
de mesures en vue de l’égalité des genres. Il Six classes ont été réhabilitées. Trois l’ont
fut déposé en partenariat avec l’ONG rwan-
daise Adenya10. Cette ONG bénéficie d’une
EFFICACE été au village de Musambira, dans les
locaux de l’ancienne ferme-pilote inoccu-
expérience dans ce domaine, élément indis- pée depuis plusieurs années, et trois autres
pensable pour montrer au bailleur de fonds Néanmoins, trop d’enfants abandonnent ont été réhabilitées dans l’école de Mpushi,
la capacité de mener à bien le projet soumis. leur cursus scolaire. Souvent, des raisons située dans le secteur de Musambira, à trois
Concernant le coût du projet, il s’éleva à financières en sont les causes malgré la heures de marche du village de Musam-
215 920 euros, dont près de 75 % furent gratuité de l’enseignement. Les besoins bira. Ces classes réhabilitées avaient été
financés par l’Europe. L’investissement matériels pour suivre l’enseignement visitées en octobre et nécessitaient effecti-
communal pour l’obtention du projet est, représentent en effet une charge pour le vement une rénovation substantielle pour
lui, estimé à l’équivalent de trois mois de budget des familles. De plus, il existe, pour en faire des locaux susceptibles d’accueillir
travail temps plein d’une personne11. la famille, un manque à gagner dû au fait les élèves dans une classe acceptable.
Il est à noter que, dans le cadre des pro- que l’enfant qui va à l’école n’est plus dis- L’organisation des classes suit la logique
grammes européens axés sur le Rwanda, ponible pour travailler, entre autres dans Chaque classe rassemble les élèves pour
Woluwe-Saint-Pierre est la seule entité les carrières locales ou dans la capitale deux années d’enseignement. La classe
publique de toute l’Europe à avoir obtenu du pays, Kigali. Dès lors, le second axe du de niveau 1 accueille les élèves suivant les
un financement. projet vise la création de classes de rattra- cours de 1ère et 2e années primaire ; la classe
page, en vue de permettre aux jeunes ayant de niveau 2 les élèves de 3e et 4e années pri-
Le projet européen abandonné les cours de réintégrer l’école. maire ; et la classe de niveau 3, les élèves de
« Éducation comme droit et Il faut savoir que l’enseignement au 5e et 6e années primaire, chaque site com-
responsabilité de tous » Rwanda est obligatoire jusqu’à la troi- prenant ces trois niveaux.
Contexte et objectifs du projet sième année du secondaire. Pourtant, lors Les élèves - qui suivent les cours le matin et
Le secteur de Musambira regroupe sept de notre visite en octobre 2010, il a été l’après-midi - sont placés dans les classes à
écoles, comprenant 6 000 élèves, et près constaté que, des enfants inscrits en 1ère la suite d’un test de connaissances. En fin
d’une centaine d’enseignants. primaire, seule la moitié de ceux-ci arri- d’année scolaire, les élèves en classe de
L’objectif global du projet consiste à aug- vent en 6e. Plusieurs explications sont pos- niveau 3 présenteront des examens natio-
menter la qualité et l’accessibilité de l’édu- sibles, comme le phénomène du redou- naux pour l’obtention de leur diplôme de
cation de base pour tous. Il s’inscrit dans blement ou la meilleure fréquentation de primaire.
la politique défendue et mise en œuvre par l’école en 1ère primaire. Les informations Les données des inscriptions des
l’Etat rwandais, à savoir assurer un ensei- statistiques récoltées, même quelque peu élèves pour les deux sites
gnement pour tous. imprécises, étaient suffisamment expli- Le tableau ci-après reprend la population
Le projet a deux axes. Le premier est cites que pour percevoir l’existence d’un totale par niveau et par âge :
d’associer les parents à la gestion des processus d’abandon scolaire substantiel.
Niveau < 15ans < 18ans > 18ans Totaux
écoles par le renforcement des comités de Il est à noter qu’à la suite de la mission
parents, la volonté étant d’impliquer les effectuée en 2002, un système de parrai- 1 38 44 29 111
parents dans la formation de leurs enfants nage d’enfants a été organisé. C’est ainsi 2 16 72 40 128
et dans la gestion des écoles avec les direc- que plus de 500 enfants bénéficient d’une
3 16 55 19 90
tions. Les objectifs sont, d’une part, d’avoir bourse pour suivre leur enseignement.
TOTAL 70 171 88 329
une meilleure gouvernance des écoles Les missions dans le cadre du projet
et, d’autre part, de maintenir les enfants En septembre 2010, une mission a été Il faut noter qu’au niveau 1, 19 élèves (11
dans les écoles en mettant en évidence menée en vue de lancer le programme à Musambira et 8 à Mpushi) n’ont jamais
l’importance pour eux de suivre leur sco- « Education comme droit et responsabilité fréquenté l’école. Une rapide analyse des
larité. Il s’agit aussi d’établir une forme de de tous » avec l’ONG Adenya et les auto- données statistiques permet de dégager les
contrôle social en vue de mettre en place rités locales de Musambira et du district enseignements suivants :
56 MOUVEMENT COMMUNAL N°862 NOVEMBRE 2011
8. Bonnes pratiques
l’information, de s’assurer de la fiabilité
de celle-ci et d’associer les populations au
jumelage. A cette organisation sont associés
des partenaires occasionnels pour la réalisa-
tion de projets spécifiques.
Conclusion
Les relations de jumelage et la réalisation de
projets de coopération ne sont pas des mis-
sions de base d’une commune. Et pourtant,
ces actions intéressent et apportent une
ouverture riche qui contribue à la convi-
vialité locale et à la construction d’amitiés
internationales sincères et profondes.
Une commune a la capacité d’être un
acteur de coopération efficace dans le
cadre de microprojets dans le domaine de
ses compétences ou de celles de sa popu-
-le besoin de classes de rattrapage est (c’est-à-dire plus de 18 ans), il a été décidé lation. Ainsi, elle contribue à un dévelop-
évident ; de réorienter ceux-ci vers les centres d’al- pement durable du Sud, en renforçant les
-le site de Musambira étant plus accessible, phabétisation. Pour les classes de niveau 1, capacités de ses pouvoirs publics locaux.
il accueille plus d’élèves, 200 à Musambira cette logique sera suivie dès que les candi- Qu’on le dise pour que cela se sache et que
contre 129 à Mpushi ; dats-élèves ont plus de 15 ans. Etant donné cela soit une question du débat électoral
-les classes ont entre 38 à 78 élèves ; que ces jeunes ont fait la démarche de s’ins- de 2012.
-la population d’élèves adultes (plus de 18 crire pour se scolariser, il est proposé de les
ans) est de 88, dont 63 à Musambira ; encadrer en les accompagnant dans des 1
Association créée en 1995 avec le soutien d’Olonne S/Mer, une
-l’hétérogénéité des âges constitue une centres d’alphabétisation plutôt que dans commune française. Cette mini-entreprise locale lutte contre
difficulté supplémentaire, la majorité des des centres de rattrapage. l’insalubrité et la déforestation de la Commune de Gourcy.
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Inter-Mondes est une des premières associations belges à
élèves ayant entre 15 et 18 ans. L’objectif de ces différentes décisions est avoir été créée en 1996 par et pour des acteurs du Sud autant
Les perspectives d’éviter de placer des enseignants face à des que du Nord. Conçue au départ essentiellement pour faire
connaître en Europe la richesse des dynamiques populaires
Suite au lancement du projet, il apparaît classes surpeuplées, et en étant confrontés initiées au Sud, elle a progressivement redéployé ses activités
vers l’appui à toutes les formes d’interpellation et d’intercon-
nécessaire de prolonger les classes de rattra- à de trop lourdes difficultés pour les mener nexion au Nord comme au Sud.
page par l’organisation d’ateliers ou classes à l’obtention des diplômes d’enseignement 3
Le Laboratoire-citoyenneté est dirigé par Antoine Sawadogo,
de formation professionnalisants. Effective- primaire. ex-Ministre de l’Administration territoriale, qui participa à la
dynamique de décentralisation au Burkina Faso.
ment, au vu de l’âge des élèves, l’objectif à La courte expérience ne permet pas d’ap- 4
Société d’affermage qui gère l’eau en Vendée et qui est auto-
poursuivre pour les élèves plus âgés est l’ac- précier des questions liées à la discipline, risée à utiliser 1 % de son budget au financement d’actions
d’accès à l’eau potable.
quisition des capacités à lire, écrire, comp- à l’accroche de ces élèves à l’école et aux 5
Le CEAS est une ONG suisse, créée en 1980, qui lutte contre
ter, calculer et résoudre des problèmes en éventuelles illusions que les élèves inscrits la pauvreté en Afrique par des échanges de compétences
techniques.
vue de pouvoir suivre une formation profes- auraient sur l’école de rattrapage. Il ressort 6
ISF est une ONG belge, créée en 1985, dont l’objet est de réa-
sionnalisante, assurant une intégration dans l’absolue nécessité d’avoir un entretien avec liser ou d’appuyer des projets de coopération au développe-
ment à caractère technique.
la société et une source de revenus. les candidats-élèves préalablement à leur 7
Expression utilisée à l’époque par le maire du district de
Outre l’extension du projet actuel à d’autres inscription et en vue d’établir des dossiers Ruyumba, Fidèle Bukuba.
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Les budgets des projets susceptibles d’être financés sont de
secteurs, l’élargissement de l’action à des individuels évoqués ci-dessus. l’ordre de 30 000 à 100 000 € par an.
formations professionnalisantes constitue 9
Si le discours officiel est d’encourager le dépôt de projets par
des organismes (pouvoirs locaux ou ONG) du Sud, force est
une initiative susceptible de s’inscrire dans L’organisation du jumelage de constater qu’en pratique, l’Union européenne donne sa
le dépôt de nouveaux projets. Le jumelage se base sur une relation trian- confiance à des projets gérés par des organismes du Nord.
Cet état de fait résulte du constat des grandes difficultés que
A l’occasion de la dernière mission, plu- gulaire. La relation est, d’une part, celle des rencontrent les organismes du Sud à répondre aux exigences
sieurs questions ont été débattues en vue deux institutions publiques, la Commune 10
administratives de l’Union européenne.
L’ONG Adenya a été proposée par M. Fidèle Bukuba, ancien
d’assurer la bonne exécution du projet. Il de Woluwe-Saint-Pierre et l’ancien Dis- Maire de Ruyumba. Effectivement, les autorités du district de
s’agissait des problèmes liés à l’hétérogé- trict de Ruyumba, accompagnés par une Kamoniy ont préféré voir le projet être déposé en partenariat
avec l’ONG dans la mesure où le district ne présente aucune
néité des élèves en matière d’âge, la surpo- ONG rwandaise qui est « l’ambassade » expérience de coopération.
pulation des classes et la méconnaissance de Woluwe-Saint-Pierre. Cette ONG est 11
La complexité et les exigences liées à la formulation d’un
projet rendent ces appels à projets de l’Union européenne
des élèves. Il a dès lors été décidé d’établir, en lien très proche avec une ONG belge. A extrêmement rébarbatifs. Il est vrai qu’y répondre avec une
lors de l’inscription, un dossier pour chaque Ruyumba, il y a un comité de jumelage et, volonté d’aboutir nécessite un investissement « travail »
substantiel. Il est effectivement indispensable de bien
élève afin de pouvoir connaître son histoire à WoluweSaint-Pierre, une commission comprendre les attentes du bailleur de fonds, tant pour le
afin de répondre au mieux à ses besoins de consultative de la coopération au dévelop- contenu que pour la forme. Un pouvoir local inexpérimenté
a dès lors tout intérêt à rechercher une collaboration d’un
formation. Pour le public de jeunes adultes pement. Cette structure permet de croiser « écrivain-expert en rédaction de projets européens ».
NOVEMBRE 2011 N°862 MOUVEMENT COMMUNAL 57