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Lʼinteractivité est-elle une technologie ou une idéologie ?
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Thibault Montaufray - Dispositifs Interactifs - Ecole dʼingénieur IMAC
Lʼinteractivité
est-elleune
technologie
ouune
idéologie?
La démocratisation des arts numériques
Dès le milieu de XXe siècle, de nombreux gouvernements investissent dans
dʼimportants centres de recherche en matière de technologies et de
communication informatiques. Portée par la théorie de la cybernétique,
lʼinformatique connaît un développement fulgurant et s'immisce dans
d'innombrables aspects de notre vie quotidienne. Lʼart et les pratiques artistiques
sont également touchés par cette diffusion tentaculaire de la technologie au sein
de la société. Le bouleversement est tel que le pixel a remplacé le point pictural
dans de nombreux aspects des processus créatifs contemporains.
Depuis plus de trente ans, les arts numériques se développent de façon
exponentielle et connaissent une véritable explosion depuis les 10 dernières
années. Lʼart numérique se développe essentiellement selon deux axes
principaux : la création de nouvelles formes dʼarts et le glissement de certains
arts vers les technologies numériques. En effet, des formes dʼarts jusquʼà lors
inédites apparaissent telles que lʼimage de synthèse, les dispositifs interactifs, les
dispositifs multimédia et hypermédia, le Net Art, la Réalité Virtuelle et
Augmentée, lʼArt Génératif.
Cependant, des arts plus matures tels que le cinéma, la photographie ou encore
les arts graphiques utilisent désormais un panel dʼoutils numériques et
pourraient, dans une certaine mesure, également être qualifiés dʼarts
numériques. La technologie actuelle permet la création, la modification, la
diffusion et le stockage des images. De sorte que, toute image est numérique à
un moment où à un autre de son existence. Pour la première fois, la création et
la diffusion des images dépendent des mêmes technologies. Elles ont amené les
outils permettant à cette nouvelle génération dʼartistes de créer une image
radicalement nouvelle.
L'historique des expositions consacrées aux arts numérique est important. De
nombreux festivals, expositions et événements peuvent être mentionnés , tels le
Festival Ars Electronica à Linz en Autriche, les événements de lʼISEA
International Symposiun of Electronic Arts, les expositions Images du Futur
organisées par la Cité des art et des nouvelles technologies de Montréal, ainsi
que les compétitions internationales d'animation par ordinateur Images du Futur,
de 1986 à 1997,les événements IMAGINA en France, les expositions du
Siggraph aux États-Unis, le Festival Elektra, etc.
Lʼart numérique, en tant quʼart nouveau, résulte du croisement de pratiques
artistiques hétérogènes et variées telles que lʼinformatique, le design, la musique,
lʼarchitecture, la politique et la littérature. Il sʼinscrit résolument dans le champs
Lʼinteractivité est-elle une technologie ou une idéologie ?
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de lʼart contemporain et se caractérise essentiellement par des productions
artistiques liées aux problématiques des nouveaux media (création, diffusion,
reproduction) et par un degré dʼinteractivité élevé entre lʼoeuvre et son
environnement. Lʼart numérique est avant tout spectaculaire.
Nous nous focaliserons sur lʼaspect interactif de ces nouveaux dispositifs en
abordant la démarche artistique et les problématiques techniques et artistiques
de ces nouveaux artistes. Enfin, nous tenterons de déterminer si une réelle
interactivité peut être atteinte et non seulement approchée, si elle correspond à
des réalités technologiques ou si elle reste une idéologie à atteindre.
L'âge de lʼinteraction
La démocratisation rapide de lʼinformatique et la multiplication des canaux de
communication, associées à la diversification des supports de transmissions,
nous permettent dʼavoir aujourdʼhui un accès privilégié à lʼinformation. Nos
sociétés occidentales ont été les premières à prendre le tournant numérique.
Lʼinformation nʼa jamais été aussi abondante et les moyens à notre disposition
pour communiquer nʼont jamais été aussi variés.
Actuellement, lʼinformation et la communication passent essentiellement par des
structures en réseaux . La technologie a engendré de nouveaux outils et surtout,
de nouveaux comportements. Notre époque est marquée par la technologisation
de lʼinformation et de la communication. Ce bouleversement technologique aux
conséquences sociales ne laisse pas les artistes insensibles.
En effet, les moyens technologiques déshumanisent inévitablement le processus
de communication et dʼinformation, ils se substituent souvent à une rencontre
physique. Les artistes numériques tentent de redonner sa place à lʼhumain en le
faisant interagir avec des systèmes informatiques complexes à vocation
artistique.
Leur réaction créative et critique prend de multiples formes. Les artistes
numériques contemporains recherchent avant tout à exprimer les tensions
environnementales auxquelles ils sont soumis et qui nourrissent la conception et
le sens des oeuvres, que lʼon qualifie, de numériques.
hypermédiatisation conceptualisation
génération performativité
expérimentation
mémorisation
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De plus, le développement de lʼinformatique dans nos sociétés contemporaines
modifie, comme nous lʼavons vu, les interactions entre humains, mais
lʼomniprésence et lʼamélioration des outils informatiques ont également modifié la
manière donc nous interagissons avec les machines. Pour beaucoup, interagir
avec un ordinateur se résume à taper sur un clavier, utiliser une souris ou utiliser
un joystick. Cependant, ce que le grand public connaît ne reflète pas lʼétat de la
science en matière dʼinteraction homme-machine.
Ainsi, depuis longtemps, les milieux industriels utilisent des outils très puissants
qui permettent une interaction homme-machine la plus naturelle possible. On
pourrait citer, par exemple, les gants informatisés qui permettent, une fois
programmer, de contrôler toute sorte dʼéquipements tels que des robots
dʼexploration, des outils de déminage. On pourrait également citer les casques
de visualisation 3D utilisées pour des simulations où lʼenvironnement réel est très
contraignait. Ces outils sont conçus pour que lʼinteraction homme-machine soit la
plus efficace et respectueuse de la mécanique humaine. Lʼexistence même de
tels systèmes prouve que depuis déjà des années, les ingénieurs cherchent à
intégrer au mieux le corps dans les taches que lʼhumain doit effectué face à un
système informatique. Ce type de technologie est très prisés des artistes
numériques car elles sont spectaculaires et car leur détournement dans un
univers artistico-ludique est très aisée et offrent de nombreuses possibilités
dʼinteraction.
La déshumanisation de nos rapports sociaux due à lʼinformatique et les progrès
technologiques en matière de gestion de lʼinteraction homme-machine
provoquent chez les artistes numériques de nombreux questionnements sur le
rapport entre lʼhomme et “les machines”.
Le facteur humain dans lʼoeuvre
La majorité de ces artistes mettent au coeur du processus créatif lʼinteractivité
entre humains et une “intelligence logicielle”. Dʼune manière générale, les
oeuvres numériques réservent une place de choix au facteur humain. Marc Le
Bot, affirmait en 1980 que “lʼordinateur ne pouvait être un instrument de création
artistique car il nʼimpliquait pas le corps”. Les technologies dʼaujourdʼhui nous le
permettent.
Le développement des interfaces homme-machine a, au contraire, prouvé que le
corps pouvait être impliqué dans de nombreux aspects de la création numérique.
Dans le cadre des arts numériques, ce facteur humain est perçue par lʼoeuvre
grâce à des capteurs intégrés à lʼenvironnement de représentation. Différents
types de capteurs comme des capteurs de mouvement, de pression ou plus
simplement des micros permettent de fournir des signaux numériques traduisant
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des données de variations exploitables du facteur humain. Certaines actions ou
réactions du spectateur peuvent donc être captées, numérisées et utilisées
informatiquement par le programme de gestion de lʼoeuvre afin dʼen modifier la
forme. Char Davies, avec l'œuvre "Osmose" a renforcé cette nouvelle intégration
du spectateur et de ses capacités d'agir au sein du processus de création et de
régénération de l'œuvre. Relié à une combinaison de capteurs (data-suit) et à un
visio-casque stéréoscopique 3D, le spectateur fait apparaître un monde virtuel
tout autour de lui et où il pourra évoluer en fonction du rythme de sa respiration,
le corps du spectateur est ici indispensable à l'œuvre, il en est même lʼélément
central.
Le facteur humain est une variable essentielle à la génération des oeuvres dʼart
numérique et il est prit en compte très tôt dans la conceptualisation de lʼoeuvre.
Des oeuvres réactives
Lʼart numérique tente donc de dépasser la simple interaction et dʼatteindre
lʼinteractivité entre le spectateur et lʼoeuvre. Le spectateur est perçu comme une
variable qui influence lʼoeuvre. Les informations issues des capteurs permettent
donc de récupérer des données en provenance des utilisateurs et ainsi, modifier
lʼoeuvre selon des variables rarement identiques, créant ainsi les multiples
formes de lʼoeuvre. Lʼactualisation des formes de lʼoeuvre suit les même
variations que son environnement de représentation (volume ambiant, nombre
de personnes, agitation, marche, déplacement).
Lʼobjectif des oeuvres est donc de pouvoir capter les variations de certains
paramètres de leur environnement, afin de se générer elle-même. Ces variables
environnementales sont utilisées par le programme de gestion de lʼoeuvre pour
introduire des variations perceptibles dans la boucle générative. Dans les
nombreuses Images Génétiques de Karl Sims (Particle Dreams, Genetic Images,
Primordial Dance, Panspermia, etc.) ou dans lʼinstallation Mutation de Yichiro
Kawaguchi lʼutilisation de boucles génératives est omniprésente.
Le panel de technologies dont dispose lʼartiste lui permet également de placer le
spectateur dans une situation de forte immersion . Cette immersion cognitive et
spatiale est essentiellement rendue possible par la stimulation de nombreux
sens. Ces stimulis sensoriels attirent et sollicitent lʼattention du spectateur de
manière dynamique. Lʼart numérique invite à une expérimentation sensorielle. De
plus, lʼenvironnement des oeuvres peut également être considéré comme
immersif car il est souvent agencé autour du spectateur de manière à amplifier
son expérience sensorielle.
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Lʼoeuvre numérique se veut un reflet de son environnement : changeant et
imprévisible. Cependant cette volonté se heurte à la rationalisation informatique
des données. Ainsi, très souvent, les artistes ont recours à lʼaléatoire, pour
introduire des variations pouvant être perçues comme proches du réel. Ainsi,
certains événements se répètent en tant que motifs, mais chaque motif ou micro
événement est unique et toujours différent. Ils tentent ainsi de reproduire des
processus vitaux. Le cycle dʼune oeuvre numérique, comme celui de la vie,
évolue en fonction de notre environnement direct. Le même programme peut
générer des effets de surface spectaculaires qui sont en perpétuel changement.
Ces effets mélangent le texte, lʼimage, le son et la musique et permettent à
lʼutilisateur de vivre une expérience multimédia forte dans un environnement se
reconfigurant sans cesse. Ils peuvent être imaginaires, symboliques ou une
simulation d'événements réels Lʼoeuvre nʼest plus fixe, sa forme et son
interprétation sont ouvertes. Lʼoeuvre numérique est pensée en termes de
changement constant.
Il serait abusif de dire que lʼart numérique réalise des oeuvres sans matière. En
effet, la “matière” de lʼoeuvre se trouve stockée au sein de supports matériels
électroniques. Cette “matière” pour exister a besoin dʼun espace de
représentation, dʼun environnement lui permettant de sʼactualiser et de
sʼexprimer. La seule dématérialisation remarquable est que lʼoeuvre numérique
est pensée hors dʼun rapport à la matière en tant que telle, mais plutôt comme un
environnement dont la variable principale est lʼindividu, le spectateur.
La même oeuvre numérique peut avoir différentes formes. Ainsi, les écrans,
supports principaux des oeuvres peuvent être de différentes tailles, de différentes
formes. Le support informatique, permettant de dupliquer facilement lʼinformation,
le nombre dʼécrans peut également varier. Lʼartiste peut ainsi donner plusieurs
formes à son oeuvre et lui permettre de sʼadapter au mieux à son
environnement.
Lʼutilisation de salles immersives sphériques ou cubiques permettent lʼimmersion
du spectateur. Le plafond, le sol et les murs sont composés dʼécran de rétro-
projection ou de projection directe sur lesquels sont projetées des images
géométriquement cohérentes.
Grâce aux possibilités que nous offre le réseau Internet, une même oeuvre peut
également “vivre” a différents endroits du globe simultanément, selon les même
principes algorithmiques. Cette dimension permet la réalisation de happenings
mondiaux, de faire vivre la même expérience à des spectateurs sans que celle-ci
soit identique.
Ainsi, Maurice Benayoun inaugure en 1995 la première installation de "télé-
virtualité", connectant le Centre Pompidou et le Musée d'Art Contemporain de
Montréal. Le Tunnel sous l'Atlantique permet aux spectateurs, dans un espace se
régénérant en temps réel, de se rencontrer sur le thème de la mémoire collective
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des deux pays. La musique interactive spatialisée, l'analyse comportementale, le
profiling dynamique, la gestion dynamique de la base de données tri-
dimentionnelles et informationnelles, l'insertion de la vidéo en temps réel dans la
réalité virtuelle partagée font de cette installation de 1995 un objet expérimental
atypique.
Certains designers, comme ceux du groupe Electronic Shadow développent des
Réalités Augmentées, dont lʼexpérience du spectateur mélange des événements
appartenant au domaine du réel et dʼautres au domaine du virtuel. Dans "Ex-
Îles" (2004), ils mettent en relation les spectateurs présents dans l'environnement
réel interfacé et les internautes virtuellement connectés à l'espace d'exposition.
La lecture de lʼoeuvre
Création et lecture de lʼoeuvre tendent à sʼinterchanger, parfois à se confondre.
Le procédé de création est aussi important que lʼoeuvre finale. Lʼartiste
numérique tente donc, dʼune certaine façon de rationaliser le réel et de formaliser
des mondes numériques. Lʼoeuvre propose une expérience dont le sens peut
être complexe.
Les mises en scène de vies artificielles ou dʼéléments symboliques interactifs
permet de créer des œuvres qui évoluent et se modifient dʼelles-mêmes sans
autre intervention de leur créateur que la conception du modèle qui les régissent.
La forme est porteuse de sens autant que le modèle informatique qui la régit. Ce
modèle repensé à chaque nouvelle oeuvre est aussi important que la forme
finale quʼil crée. Ce modèle doit être pris en compte lors de toute analyse car il
est le coeur de lʼoeuvre et sʼaccompagne souvent de concepts forts.
En effet, au delà des problématiques techniques et des images souvent de
nature spectaculaires, on assiste ici à la démocratisation dʼun nouveau procédé
dʼécriture et de compréhension du sens de lʼoeuvre. La technologie permet à
lʼartiste de créer des environnements et des situations bien plus complexes
quʼauparavant. Il dispose donc dʼune large choix de procédés pour exprimer sa
vision, son engagement au sein dʼenvironnements conceptuels complexes. La
création dʼenvironnement immersifs permet à lʼartiste de créer chez le spectateur
de véritables questionnements. Le pouvoir d'agir, via une interface, sur un monde
virtuel renvoit également à notre pouvoir d'action sur le monde réel: nous
existons à travers les conséquences de nos actes.
Dans Legible City, de lʼartiste australien Jeffrey Shaw, le visiteur se déplace dans
une ville virtuelle dont les bâtiments sont des mots, les immeubles des lettres, et
cela tout en pédalant sur une bicyclette. Le message est clair, lʼespace de
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représentation et l'illusion de la ville ne sont pas uniquement une vaine tentative
d'imiter le réel, mais un discours construit à interpréter.
Jeffrey Shaw met ensemble deux technologies. La première est physique,
mécanique : le vélo. La deuxième est numérique, virtuelle : lʼimage de synthèse.
Il met ensemble deux univers, deux stades de la science. La phase mécanique,
du corps : «  je suis celui qui active la machine » mais la machine est imaginaire,
langagière. Ces deux univers sont opposés, ils engendrent des enjeux différents.
Lʼinteractivité comme principe
On parlera de communication (et dʼinteraction) lorsque deux éléments distincts
sont capables dʼéchanger de lʼinformation. Cependant, on parlera dʼinteractivité
lorsque cette communication à pour objectif principal de faire en sorte que les
intervenants agissent en ajustant leur comportement. Cette communication
s'opposerait à une communication à sens unique, sans réaction du destinataire,
sans rétroaction. Dʼune manière plus générale, on peut dire que dès quʼil y a
rétroaction, il y a interactivité.
Les intervenants peuvent être de différentes natures : il peut sʼagir de systèmes
naturels ou artificiels. Ces systèmes peuvent sʼadapter de manière directe ou
indirecte grâce à la mise en place dʼinterfaces homme-machine et machine-
machine. Ces interfaces permettent de récupérer les variations
environnementales nécessaires à lʼadaptation de lʼoeuvre. Cette adaptation est
possible grâce aux traitements effectués sur lʼinformation reçue en retour. Une
fois cette information traitée, elle servira de base de décision pour modifier un
comportement.
Lʼinteractivité au sein dʼune oeuvre numérique est rendue possible grâce à
lʼutilisation dʼinterfaces. Ces interfaces peuvent être de différents types. Tout
dʼabord, on distinguera les interfaces sensorielles qui informent lʼutilisateur des
modifications du monde virtuel. Ainsi, les écrans, haut-parleurs, cellules
olfactives constituent des interfaces sensorielles qui informent les sens du
spectateur. Ensuite, viennent les interfaces motrices qui elles permettent un
transfert dʼinformation de lʼutilisateur vers lʼoeuvre. Les capteurs de mouvements,
micros, capteurs de pression constituent des interfaces motrices. Les interfaces
sensori-motrices informent quant à elles à la fois lʼutilisateur et lʼoeuvre. Elles
transmettent des stimulis vers l'utilisateur et celui-ci envoie des ordres moteurs
vers l'ordinateur. Les stimulis tactiles et d'effort sont créés par l'ordinateur en
retour à une action motrice de l'opérateur qui est au centre du système.
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Ces différentes interfaces complémentaires permettent la générativité de
lʼoeuvre, cʼest à dire la mise en place dʼune boucle rétroactive, dont lʼélément
central, permettant le feedback de lʼoeuvre, est le spectateur. Cette générativité
est un principe commun à de très nombreuses oeuvres numériques.
Lʼinteractivité implique une communication rapide entre les éléments du système.
Cette communication doit sʼeffectuer rapidement et si possible en temps réel.
On parlera de communication en temps réel dans une oeuvre numérique lorsque
celle-ci réagit avec un temps de réponse qui nʼest pas perceptible par lʼutilisateur.
Un système informatique étant capable de réagir extrêmement rapidement, dans
des délais qui ne peuvent être perçus par lʼutilisateur, cela permet à lʼoeuvre
dʼeffectuer de nombreuses opérations visant à modifier sa forme sans que
lʼutilisateur ne sʼaperçoive dʼun quelconque délai. Lʼinteraction en temps réel est
obtenue si lʼutilisateur ne perçoit pas de décalage temporel entre son action sur
lʼenvironnement virtuel et la réponse sensorielle de ce dernier. Lʼutilisateur a
donc le sentiment de modifier lʼoeuvre en temps réel puisque le contenu de
lʼoeuvre sʼactualise sous ces yeux.
Lʼinteractivité :
technologie ou idéologie ?
Dans Experiments in Arts and Technology, Robert Rauschenberg et Billy Kluver
expliquent que lʼart numérique associe technique et art comme jamais
auparavant. En effet, les éléments techniques tels que la gestion globale de
lʼoeuvre et les connectiques associées pour les machines esclaves, ou encore
les systèmes de projection, capteurs et systèmes de reconnaissance, sont au
service dʼune représentation artistique. Ainsi, au premier abord, lʼart numérique
est profondément marqué par la technique mais cette technique sʼinscrit dans
une démarche artistique forte.
Ces caractéristiques nouvelles comme lʼutilisation de lʼinformatique et de
lʼinteractivité dotent lʼimage numérique de qualités quʼaucune image nʼavait
possédée auparavant. Pour la première fois dans lʼhistoire de lʼart, la création
des images et leur diffusion, conservation, reproduction et plus largement leur
socialisation dépendent de la même technologie. La technologie est
omniprésente à toutes les étapes de création et il nʼest pas rare de qualifier les
arts numériques dʼarts techniques.
Dans Legible City de Jeffrew Shaw, la musique interactive spatialisée, l'analyse
comportementale, le profiling dynamique, la gestion dynamique de la base de
données tri-dimentionnelle et informationnelle, l'insertion de la vidéo temps réel
dans la réalité virtuelle partagée font de cette installation de 1995 un objet
Lʼinteractivité est-elle une technologie ou une idéologie ?
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expérimental atypique à forte composante technique.
Lors de la modélisation de lʼoeuvre, la schématisation des futurs flux
dʼinformation, des différents feedbacks et la nature des interactions homme-
oeuvre, les considérations techniques sont omniprésentes. De cette forme
formelle découlera lʼensemble des possibilités de lʼoeuvre face au spectateur et
son environnement. La mise en place de systèmes interactifs passe donc par la
conception dʼune structure technique pertinente dont lʼobjectif est de traiter
rapidement le vaste ensemble de données échangées entre les éléments de
lʼoeuvre.
La création des interfaces est extrêmement technique mais est cependant
marquée par une forte créativité. Il sʼagit, en effet, à partir des éléments
électroniques capables de fournir un retour dʼinformation, de créer un système
innovant permettant le feedback. Cette étape consiste en la mise en place dʼune
connectique capable de transmettre des signaux, souvent MIDI, des capteurs
vers le programme de gestion de lʼoeuvre. Ces signaux peuvent être tramsmis
par de la connectique filaire ou sans-fil. La créativité est omniprésente dans la
mesure ou elle consiste essentiellement à détourner lʼutilisation de différents
outils commerciaux afin de créer une oeuvre artistique.
Ces interfaces permettent alors au programme informatique où réside
lʼalgorithme de vie de lʼoeuvre de percevoir une partie son environnement. Une
fois ces signaux environnementaux récupérés, la création dʼune batterie de tests
simples permet au programme dʼinterpréter des modifications subies par
lʼenvironnement et de modifier sa boucle générative. La programmation de cette
boucle fait intervenir de connaissances techniques et scientifiques appartenant
au domaine de lʼalgorithmie et des langages de programmation.
Il apparaît donc clairement que dans le domaine numérique, lʼart devient
totalement technique. Le chercheur Canadien Pierre Lévy a montré que cette
technique par certains aspects de son approche programmatique, sʼapparente à
une démarche artistique.
Lʼensemble de ces étapes permettent de créer un environnement où lʼutilisateur
se retrouve en “immersion pseudo-naturelle” dans lʼenvironnement de lʼoeuvre.
Cette immersion bien que très perceptible, nʼest pas naturelle. En effet, nous
savons agir naturellement dans le monde réel mais les incohérences sensori-
motrices dʼun monde virtuel nous déstabilisent encore. Une immersion totale est
impossible à atteindre actuellement car notre corps est encore conscient de
lʼaspect virtuel de ces environnements. En effet, la vision stéréoscopique, par
exemple, ne dupe pas les yeux de lʼutilisateur. Il sait que ce quʼil voit en virtuel et
est conscient de porter des lunettes 3D munies de filtres. Les aberrations
Lʼinteractivité est-elle une technologie ou une idéologie ?
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géométriques sont fréquentes et les projections manquent de volume en raison
de la projection dʼespace 3D sur les plans 2D (écrans). Des techniques
holographiques permettront dans le futur de palier à ces problèmes
De plus, les données environnementales collectées par les dispositifs sont
rarement complètes. Elles ne concernent que certains aspects de
lʼenvironnement. Lʼoeuvre ne peut réagir à toutes les réactions des utilisateurs et
est donc limitée.
Afin de palier à ces problèmes, les artistes élaborent des modèles informatiques
de plus en plus complexes en y intégrant de lʼintelligence artificielle.
Cette intelligence artificielle joue également un rôle considérable dans la
perception quʼa lʼutilisateur de lʼoeuvre. Il a alors le sentiment que lʼoeuvre
répond de manière structurée et avec intelligence. Lʼexpérience du spectateur
est décuplée.
En dépit de tous ces efforts, lʼimmersion et lʼinteractivité ne sont pas totales. Les
performances techniques apportent à lʼutilisateur une expérience nouvelle, à
laquelle il se prête volontiers mais à laquelle il ne peut adhérer totalement. Il
sʼagit dʼun problème technologique qui se résoudra grâce ... à beaucoup de
technologie. Les avancées futures en matière de projections holographiques 3D
et de capteurs permettront sûrement dʼatteindre un nouveau niveau
dʼinteractivité, de capter plus de paramètres environnementaux et de simuler des
mondes en 3D dotés dʼune réelle profondeur. Lʼutilisateur pourra par exemple se
déplacer autour de ces objets.
Le terme idéologie (étymologiquement  : la science des idées) “désigne un
ensemble plus ou moins systématisé dʼidées, d'opinions, de croyances,
constituant une doctrine, qui influence le comportement individuel ou
collectif.” (Wikipedia).
Lʼinteractivité est une idéologie dans le sens ou cʼest un système qui intègre
lʼutilisateur et valorise sa présence dans son fonctionnement. Cʼest une sorte de
doctrine qui affirme que maintenant lʼutilisateur a un rôle à jouer dans les oeuvres
quʼon lui propose. Cʼest une avancée positive par rapport à une époque ou
lʼutilisateur était uniquement passif et se contentait de recevoir ce quʼon lui
proposait. Lʼinteractivité permet dʼintroduire un nouveau type de relation entre le
spectateur et lʼoeuvre.
Cette interactivité est une illusion puisque tout a été pensé à lʼavance par
quelquʼun dʼautre. Lʼoeuvre numérique doit pour vivre intégrer le spectateur.
Cependant, il sʼagit dʼun spectateur théorique. Ce spectateur est considéré
comme une des variables du programme de gestion de lʼoeuvre. En effet, le
spectateur interactif nʼest pas un élément externe à lʼoeuvre mais un élément du
modèle comme un autre. Le spectateur croit quʼil possède une maîtrise sur
Lʼinteractivité est-elle une technologie ou une idéologie ?
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lʼoeuvre mais cʼest seulement celle que le concepteur veut bien lui céder. Il nʼy a
pas de confusion des rôles  : le lecteur ne devient pas auteur et il nʼy a pas
conception collective de lʼœuvre. La valeur de lʼinteractivité est donc
différemment appréciée en fonction de lʼingéniosité des créateurs et lʼinventivité
technique et artistique. Il sʼagit de faire en sorte que le “mensonge” soit plausible
pour le spectateur, tout comme les “trucs” des prestidigitateurs.
Lʼinteractivité peut également transmettre de lʼidéologie dans le sens ou
lʼutilisateur nʼest pas libre, ces choix sont limités. En lui proposant des possibilités
dʼaction non-complètes, on réduit forcément ses choix, ses intentions et ses
actions. Nous existons à travers les conséquences de nos actes et les dispositifs
interactifs les forcent parfois. Il peut donc y avoir, dans une certaine mesure
manipulation et modification du comportement du spectateur.
Nous avons tenté de montrer dans les pages qui précèdent que lʼinteractivité est
une technologie, ou plutôt un ensemble de technologie. Cʼest en effet lʼaspect qui
peut être le plus facilement appréhendé à la fois par le spécialiste et par le
simple profane qui va lʼutiliser.
Toutefois, lʼinteractivité est aussi une idéologie même si lʼutilisateur nʼen a pas
forcément conscience et ne sʼinterroge pas systématiquement à ce sujet.
Les utilisateurs apprécient ses nouvelles images et lʼidée quʼils puissent modifier
un système interactif. Le niveau dʼinteractivité est aujourdʼhui élevé mais non-
total. Les technologies disponibles dans les prochaines années ou d' ores et déjà
disponibles - mais très onéreuses -permettront dʼaméliorer les projections et la
perception de lʼenvironnement direct de lʼoeuvre. Lʼart numérique tend donc
inévitablement à devenir encore plus technique. Cependant, cette escalade
technologique a évidement pour finalité de faire oublier la présence
technologique, de la rendre imperceptible afin de fournir une expérience pouvant
être perçue comme réelle. Le créateur proposera quoiquʼil arrive un univers qui
lui est propre mais le spectateur aura plus de contrôle sur lʼenvironnement dans
lequel il se trouve. Un niveau supérieur dʼinteractivité sera alors atteint, nous
nous rapprocherons alors de lʼidéologie dʼune interactivité totale dans un
environnement cohérent sensoriellement et complètement immersif.
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Sources :
http://www.ciren.org/ciren/colloques/131198/matos.html
http://www.multimedialab.be/cours/arts_numeriques/index.htm
http://fr.wikipedia.org/wiki/Interactivité
http://commposite.org/v1/2002.1/articles/julia.html
http://www.nuits-sonores.com/images_sonores/contribs/CChavalard.pdf
http://fr.wikipedia.org/wiki/E-toile
http://fr.wikipedia.org/wiki/Réalité_virtuelle
http://fr.wikipedia.org/wiki/Art_numérique
http://fr.wikipedia.org/wiki/Jeffrey_Shaw_%28artiste%29
http://fr.wikipedia.org/wiki/Maurice_Benayoun
http://transitoireobs.free.fr/to/article.php3?id_article=42
http://didatic.net/article.php3?id_article=116
http://www.er.uqam.ca/nobel/r33554/lexique/interactivite.html
http://mediamatch.derby.ac.uk/french/design/interact.htm
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L'interactivité

  • 1. Lʼinteractivité est-elle une technologie ou une idéologie ? ____________________________________________________________________________ Thibault Montaufray - Dispositifs Interactifs - Ecole dʼingénieur IMAC Lʼinteractivité est-elleune technologie ouune idéologie?
  • 2. La démocratisation des arts numériques Dès le milieu de XXe siècle, de nombreux gouvernements investissent dans dʼimportants centres de recherche en matière de technologies et de communication informatiques. Portée par la théorie de la cybernétique, lʼinformatique connaît un développement fulgurant et s'immisce dans d'innombrables aspects de notre vie quotidienne. Lʼart et les pratiques artistiques sont également touchés par cette diffusion tentaculaire de la technologie au sein de la société. Le bouleversement est tel que le pixel a remplacé le point pictural dans de nombreux aspects des processus créatifs contemporains. Depuis plus de trente ans, les arts numériques se développent de façon exponentielle et connaissent une véritable explosion depuis les 10 dernières années. Lʼart numérique se développe essentiellement selon deux axes principaux : la création de nouvelles formes dʼarts et le glissement de certains arts vers les technologies numériques. En effet, des formes dʼarts jusquʼà lors inédites apparaissent telles que lʼimage de synthèse, les dispositifs interactifs, les dispositifs multimédia et hypermédia, le Net Art, la Réalité Virtuelle et Augmentée, lʼArt Génératif. Cependant, des arts plus matures tels que le cinéma, la photographie ou encore les arts graphiques utilisent désormais un panel dʼoutils numériques et pourraient, dans une certaine mesure, également être qualifiés dʼarts numériques. La technologie actuelle permet la création, la modification, la diffusion et le stockage des images. De sorte que, toute image est numérique à un moment où à un autre de son existence. Pour la première fois, la création et la diffusion des images dépendent des mêmes technologies. Elles ont amené les outils permettant à cette nouvelle génération dʼartistes de créer une image radicalement nouvelle. L'historique des expositions consacrées aux arts numérique est important. De nombreux festivals, expositions et événements peuvent être mentionnés , tels le Festival Ars Electronica à Linz en Autriche, les événements de lʼISEA International Symposiun of Electronic Arts, les expositions Images du Futur organisées par la Cité des art et des nouvelles technologies de Montréal, ainsi que les compétitions internationales d'animation par ordinateur Images du Futur, de 1986 à 1997,les événements IMAGINA en France, les expositions du Siggraph aux États-Unis, le Festival Elektra, etc. Lʼart numérique, en tant quʼart nouveau, résulte du croisement de pratiques artistiques hétérogènes et variées telles que lʼinformatique, le design, la musique, lʼarchitecture, la politique et la littérature. Il sʼinscrit résolument dans le champs Lʼinteractivité est-elle une technologie ou une idéologie ? ____________________________________________________________________________ Thibault Montaufray - Dispositifs Interactifs - Ecole dʼingénieur IMAC
  • 3. de lʼart contemporain et se caractérise essentiellement par des productions artistiques liées aux problématiques des nouveaux media (création, diffusion, reproduction) et par un degré dʼinteractivité élevé entre lʼoeuvre et son environnement. Lʼart numérique est avant tout spectaculaire. Nous nous focaliserons sur lʼaspect interactif de ces nouveaux dispositifs en abordant la démarche artistique et les problématiques techniques et artistiques de ces nouveaux artistes. Enfin, nous tenterons de déterminer si une réelle interactivité peut être atteinte et non seulement approchée, si elle correspond à des réalités technologiques ou si elle reste une idéologie à atteindre. L'âge de lʼinteraction La démocratisation rapide de lʼinformatique et la multiplication des canaux de communication, associées à la diversification des supports de transmissions, nous permettent dʼavoir aujourdʼhui un accès privilégié à lʼinformation. Nos sociétés occidentales ont été les premières à prendre le tournant numérique. Lʼinformation nʼa jamais été aussi abondante et les moyens à notre disposition pour communiquer nʼont jamais été aussi variés. Actuellement, lʼinformation et la communication passent essentiellement par des structures en réseaux . La technologie a engendré de nouveaux outils et surtout, de nouveaux comportements. Notre époque est marquée par la technologisation de lʼinformation et de la communication. Ce bouleversement technologique aux conséquences sociales ne laisse pas les artistes insensibles. En effet, les moyens technologiques déshumanisent inévitablement le processus de communication et dʼinformation, ils se substituent souvent à une rencontre physique. Les artistes numériques tentent de redonner sa place à lʼhumain en le faisant interagir avec des systèmes informatiques complexes à vocation artistique. Leur réaction créative et critique prend de multiples formes. Les artistes numériques contemporains recherchent avant tout à exprimer les tensions environnementales auxquelles ils sont soumis et qui nourrissent la conception et le sens des oeuvres, que lʼon qualifie, de numériques. hypermédiatisation conceptualisation génération performativité expérimentation mémorisation Lʼinteractivité est-elle une technologie ou une idéologie ? ____________________________________________________________________________ Thibault Montaufray - Dispositifs Interactifs - Ecole dʼingénieur IMAC
  • 4. De plus, le développement de lʼinformatique dans nos sociétés contemporaines modifie, comme nous lʼavons vu, les interactions entre humains, mais lʼomniprésence et lʼamélioration des outils informatiques ont également modifié la manière donc nous interagissons avec les machines. Pour beaucoup, interagir avec un ordinateur se résume à taper sur un clavier, utiliser une souris ou utiliser un joystick. Cependant, ce que le grand public connaît ne reflète pas lʼétat de la science en matière dʼinteraction homme-machine. Ainsi, depuis longtemps, les milieux industriels utilisent des outils très puissants qui permettent une interaction homme-machine la plus naturelle possible. On pourrait citer, par exemple, les gants informatisés qui permettent, une fois programmer, de contrôler toute sorte dʼéquipements tels que des robots dʼexploration, des outils de déminage. On pourrait également citer les casques de visualisation 3D utilisées pour des simulations où lʼenvironnement réel est très contraignait. Ces outils sont conçus pour que lʼinteraction homme-machine soit la plus efficace et respectueuse de la mécanique humaine. Lʼexistence même de tels systèmes prouve que depuis déjà des années, les ingénieurs cherchent à intégrer au mieux le corps dans les taches que lʼhumain doit effectué face à un système informatique. Ce type de technologie est très prisés des artistes numériques car elles sont spectaculaires et car leur détournement dans un univers artistico-ludique est très aisée et offrent de nombreuses possibilités dʼinteraction. La déshumanisation de nos rapports sociaux due à lʼinformatique et les progrès technologiques en matière de gestion de lʼinteraction homme-machine provoquent chez les artistes numériques de nombreux questionnements sur le rapport entre lʼhomme et “les machines”. Le facteur humain dans lʼoeuvre La majorité de ces artistes mettent au coeur du processus créatif lʼinteractivité entre humains et une “intelligence logicielle”. Dʼune manière générale, les oeuvres numériques réservent une place de choix au facteur humain. Marc Le Bot, affirmait en 1980 que “lʼordinateur ne pouvait être un instrument de création artistique car il nʼimpliquait pas le corps”. Les technologies dʼaujourdʼhui nous le permettent. Le développement des interfaces homme-machine a, au contraire, prouvé que le corps pouvait être impliqué dans de nombreux aspects de la création numérique. Dans le cadre des arts numériques, ce facteur humain est perçue par lʼoeuvre grâce à des capteurs intégrés à lʼenvironnement de représentation. Différents types de capteurs comme des capteurs de mouvement, de pression ou plus simplement des micros permettent de fournir des signaux numériques traduisant Lʼinteractivité est-elle une technologie ou une idéologie ? ____________________________________________________________________________ Thibault Montaufray - Dispositifs Interactifs - Ecole dʼingénieur IMAC
  • 5. des données de variations exploitables du facteur humain. Certaines actions ou réactions du spectateur peuvent donc être captées, numérisées et utilisées informatiquement par le programme de gestion de lʼoeuvre afin dʼen modifier la forme. Char Davies, avec l'œuvre "Osmose" a renforcé cette nouvelle intégration du spectateur et de ses capacités d'agir au sein du processus de création et de régénération de l'œuvre. Relié à une combinaison de capteurs (data-suit) et à un visio-casque stéréoscopique 3D, le spectateur fait apparaître un monde virtuel tout autour de lui et où il pourra évoluer en fonction du rythme de sa respiration, le corps du spectateur est ici indispensable à l'œuvre, il en est même lʼélément central. Le facteur humain est une variable essentielle à la génération des oeuvres dʼart numérique et il est prit en compte très tôt dans la conceptualisation de lʼoeuvre. Des oeuvres réactives Lʼart numérique tente donc de dépasser la simple interaction et dʼatteindre lʼinteractivité entre le spectateur et lʼoeuvre. Le spectateur est perçu comme une variable qui influence lʼoeuvre. Les informations issues des capteurs permettent donc de récupérer des données en provenance des utilisateurs et ainsi, modifier lʼoeuvre selon des variables rarement identiques, créant ainsi les multiples formes de lʼoeuvre. Lʼactualisation des formes de lʼoeuvre suit les même variations que son environnement de représentation (volume ambiant, nombre de personnes, agitation, marche, déplacement). Lʼobjectif des oeuvres est donc de pouvoir capter les variations de certains paramètres de leur environnement, afin de se générer elle-même. Ces variables environnementales sont utilisées par le programme de gestion de lʼoeuvre pour introduire des variations perceptibles dans la boucle générative. Dans les nombreuses Images Génétiques de Karl Sims (Particle Dreams, Genetic Images, Primordial Dance, Panspermia, etc.) ou dans lʼinstallation Mutation de Yichiro Kawaguchi lʼutilisation de boucles génératives est omniprésente. Le panel de technologies dont dispose lʼartiste lui permet également de placer le spectateur dans une situation de forte immersion . Cette immersion cognitive et spatiale est essentiellement rendue possible par la stimulation de nombreux sens. Ces stimulis sensoriels attirent et sollicitent lʼattention du spectateur de manière dynamique. Lʼart numérique invite à une expérimentation sensorielle. De plus, lʼenvironnement des oeuvres peut également être considéré comme immersif car il est souvent agencé autour du spectateur de manière à amplifier son expérience sensorielle. Lʼinteractivité est-elle une technologie ou une idéologie ? ____________________________________________________________________________ Thibault Montaufray - Dispositifs Interactifs - Ecole dʼingénieur IMAC
  • 6. Lʼoeuvre numérique se veut un reflet de son environnement : changeant et imprévisible. Cependant cette volonté se heurte à la rationalisation informatique des données. Ainsi, très souvent, les artistes ont recours à lʼaléatoire, pour introduire des variations pouvant être perçues comme proches du réel. Ainsi, certains événements se répètent en tant que motifs, mais chaque motif ou micro événement est unique et toujours différent. Ils tentent ainsi de reproduire des processus vitaux. Le cycle dʼune oeuvre numérique, comme celui de la vie, évolue en fonction de notre environnement direct. Le même programme peut générer des effets de surface spectaculaires qui sont en perpétuel changement. Ces effets mélangent le texte, lʼimage, le son et la musique et permettent à lʼutilisateur de vivre une expérience multimédia forte dans un environnement se reconfigurant sans cesse. Ils peuvent être imaginaires, symboliques ou une simulation d'événements réels Lʼoeuvre nʼest plus fixe, sa forme et son interprétation sont ouvertes. Lʼoeuvre numérique est pensée en termes de changement constant. Il serait abusif de dire que lʼart numérique réalise des oeuvres sans matière. En effet, la “matière” de lʼoeuvre se trouve stockée au sein de supports matériels électroniques. Cette “matière” pour exister a besoin dʼun espace de représentation, dʼun environnement lui permettant de sʼactualiser et de sʼexprimer. La seule dématérialisation remarquable est que lʼoeuvre numérique est pensée hors dʼun rapport à la matière en tant que telle, mais plutôt comme un environnement dont la variable principale est lʼindividu, le spectateur. La même oeuvre numérique peut avoir différentes formes. Ainsi, les écrans, supports principaux des oeuvres peuvent être de différentes tailles, de différentes formes. Le support informatique, permettant de dupliquer facilement lʼinformation, le nombre dʼécrans peut également varier. Lʼartiste peut ainsi donner plusieurs formes à son oeuvre et lui permettre de sʼadapter au mieux à son environnement. Lʼutilisation de salles immersives sphériques ou cubiques permettent lʼimmersion du spectateur. Le plafond, le sol et les murs sont composés dʼécran de rétro- projection ou de projection directe sur lesquels sont projetées des images géométriquement cohérentes. Grâce aux possibilités que nous offre le réseau Internet, une même oeuvre peut également “vivre” a différents endroits du globe simultanément, selon les même principes algorithmiques. Cette dimension permet la réalisation de happenings mondiaux, de faire vivre la même expérience à des spectateurs sans que celle-ci soit identique. Ainsi, Maurice Benayoun inaugure en 1995 la première installation de "télé- virtualité", connectant le Centre Pompidou et le Musée d'Art Contemporain de Montréal. Le Tunnel sous l'Atlantique permet aux spectateurs, dans un espace se régénérant en temps réel, de se rencontrer sur le thème de la mémoire collective Lʼinteractivité est-elle une technologie ou une idéologie ? ____________________________________________________________________________ Thibault Montaufray - Dispositifs Interactifs - Ecole dʼingénieur IMAC
  • 7. des deux pays. La musique interactive spatialisée, l'analyse comportementale, le profiling dynamique, la gestion dynamique de la base de données tri- dimentionnelles et informationnelles, l'insertion de la vidéo en temps réel dans la réalité virtuelle partagée font de cette installation de 1995 un objet expérimental atypique. Certains designers, comme ceux du groupe Electronic Shadow développent des Réalités Augmentées, dont lʼexpérience du spectateur mélange des événements appartenant au domaine du réel et dʼautres au domaine du virtuel. Dans "Ex- Îles" (2004), ils mettent en relation les spectateurs présents dans l'environnement réel interfacé et les internautes virtuellement connectés à l'espace d'exposition. La lecture de lʼoeuvre Création et lecture de lʼoeuvre tendent à sʼinterchanger, parfois à se confondre. Le procédé de création est aussi important que lʼoeuvre finale. Lʼartiste numérique tente donc, dʼune certaine façon de rationaliser le réel et de formaliser des mondes numériques. Lʼoeuvre propose une expérience dont le sens peut être complexe. Les mises en scène de vies artificielles ou dʼéléments symboliques interactifs permet de créer des œuvres qui évoluent et se modifient dʼelles-mêmes sans autre intervention de leur créateur que la conception du modèle qui les régissent. La forme est porteuse de sens autant que le modèle informatique qui la régit. Ce modèle repensé à chaque nouvelle oeuvre est aussi important que la forme finale quʼil crée. Ce modèle doit être pris en compte lors de toute analyse car il est le coeur de lʼoeuvre et sʼaccompagne souvent de concepts forts. En effet, au delà des problématiques techniques et des images souvent de nature spectaculaires, on assiste ici à la démocratisation dʼun nouveau procédé dʼécriture et de compréhension du sens de lʼoeuvre. La technologie permet à lʼartiste de créer des environnements et des situations bien plus complexes quʼauparavant. Il dispose donc dʼune large choix de procédés pour exprimer sa vision, son engagement au sein dʼenvironnements conceptuels complexes. La création dʼenvironnement immersifs permet à lʼartiste de créer chez le spectateur de véritables questionnements. Le pouvoir d'agir, via une interface, sur un monde virtuel renvoit également à notre pouvoir d'action sur le monde réel: nous existons à travers les conséquences de nos actes. Dans Legible City, de lʼartiste australien Jeffrey Shaw, le visiteur se déplace dans une ville virtuelle dont les bâtiments sont des mots, les immeubles des lettres, et cela tout en pédalant sur une bicyclette. Le message est clair, lʼespace de Lʼinteractivité est-elle une technologie ou une idéologie ? ____________________________________________________________________________ Thibault Montaufray - Dispositifs Interactifs - Ecole dʼingénieur IMAC
  • 8. représentation et l'illusion de la ville ne sont pas uniquement une vaine tentative d'imiter le réel, mais un discours construit à interpréter. Jeffrey Shaw met ensemble deux technologies. La première est physique, mécanique : le vélo. La deuxième est numérique, virtuelle : lʼimage de synthèse. Il met ensemble deux univers, deux stades de la science. La phase mécanique, du corps : «  je suis celui qui active la machine » mais la machine est imaginaire, langagière. Ces deux univers sont opposés, ils engendrent des enjeux différents. Lʼinteractivité comme principe On parlera de communication (et dʼinteraction) lorsque deux éléments distincts sont capables dʼéchanger de lʼinformation. Cependant, on parlera dʼinteractivité lorsque cette communication à pour objectif principal de faire en sorte que les intervenants agissent en ajustant leur comportement. Cette communication s'opposerait à une communication à sens unique, sans réaction du destinataire, sans rétroaction. Dʼune manière plus générale, on peut dire que dès quʼil y a rétroaction, il y a interactivité. Les intervenants peuvent être de différentes natures : il peut sʼagir de systèmes naturels ou artificiels. Ces systèmes peuvent sʼadapter de manière directe ou indirecte grâce à la mise en place dʼinterfaces homme-machine et machine- machine. Ces interfaces permettent de récupérer les variations environnementales nécessaires à lʼadaptation de lʼoeuvre. Cette adaptation est possible grâce aux traitements effectués sur lʼinformation reçue en retour. Une fois cette information traitée, elle servira de base de décision pour modifier un comportement. Lʼinteractivité au sein dʼune oeuvre numérique est rendue possible grâce à lʼutilisation dʼinterfaces. Ces interfaces peuvent être de différents types. Tout dʼabord, on distinguera les interfaces sensorielles qui informent lʼutilisateur des modifications du monde virtuel. Ainsi, les écrans, haut-parleurs, cellules olfactives constituent des interfaces sensorielles qui informent les sens du spectateur. Ensuite, viennent les interfaces motrices qui elles permettent un transfert dʼinformation de lʼutilisateur vers lʼoeuvre. Les capteurs de mouvements, micros, capteurs de pression constituent des interfaces motrices. Les interfaces sensori-motrices informent quant à elles à la fois lʼutilisateur et lʼoeuvre. Elles transmettent des stimulis vers l'utilisateur et celui-ci envoie des ordres moteurs vers l'ordinateur. Les stimulis tactiles et d'effort sont créés par l'ordinateur en retour à une action motrice de l'opérateur qui est au centre du système. Lʼinteractivité est-elle une technologie ou une idéologie ? ____________________________________________________________________________ Thibault Montaufray - Dispositifs Interactifs - Ecole dʼingénieur IMAC
  • 9. Ces différentes interfaces complémentaires permettent la générativité de lʼoeuvre, cʼest à dire la mise en place dʼune boucle rétroactive, dont lʼélément central, permettant le feedback de lʼoeuvre, est le spectateur. Cette générativité est un principe commun à de très nombreuses oeuvres numériques. Lʼinteractivité implique une communication rapide entre les éléments du système. Cette communication doit sʼeffectuer rapidement et si possible en temps réel. On parlera de communication en temps réel dans une oeuvre numérique lorsque celle-ci réagit avec un temps de réponse qui nʼest pas perceptible par lʼutilisateur. Un système informatique étant capable de réagir extrêmement rapidement, dans des délais qui ne peuvent être perçus par lʼutilisateur, cela permet à lʼoeuvre dʼeffectuer de nombreuses opérations visant à modifier sa forme sans que lʼutilisateur ne sʼaperçoive dʼun quelconque délai. Lʼinteraction en temps réel est obtenue si lʼutilisateur ne perçoit pas de décalage temporel entre son action sur lʼenvironnement virtuel et la réponse sensorielle de ce dernier. Lʼutilisateur a donc le sentiment de modifier lʼoeuvre en temps réel puisque le contenu de lʼoeuvre sʼactualise sous ces yeux. Lʼinteractivité : technologie ou idéologie ? Dans Experiments in Arts and Technology, Robert Rauschenberg et Billy Kluver expliquent que lʼart numérique associe technique et art comme jamais auparavant. En effet, les éléments techniques tels que la gestion globale de lʼoeuvre et les connectiques associées pour les machines esclaves, ou encore les systèmes de projection, capteurs et systèmes de reconnaissance, sont au service dʼune représentation artistique. Ainsi, au premier abord, lʼart numérique est profondément marqué par la technique mais cette technique sʼinscrit dans une démarche artistique forte. Ces caractéristiques nouvelles comme lʼutilisation de lʼinformatique et de lʼinteractivité dotent lʼimage numérique de qualités quʼaucune image nʼavait possédée auparavant. Pour la première fois dans lʼhistoire de lʼart, la création des images et leur diffusion, conservation, reproduction et plus largement leur socialisation dépendent de la même technologie. La technologie est omniprésente à toutes les étapes de création et il nʼest pas rare de qualifier les arts numériques dʼarts techniques. Dans Legible City de Jeffrew Shaw, la musique interactive spatialisée, l'analyse comportementale, le profiling dynamique, la gestion dynamique de la base de données tri-dimentionnelle et informationnelle, l'insertion de la vidéo temps réel dans la réalité virtuelle partagée font de cette installation de 1995 un objet Lʼinteractivité est-elle une technologie ou une idéologie ? ____________________________________________________________________________ Thibault Montaufray - Dispositifs Interactifs - Ecole dʼingénieur IMAC
  • 10. expérimental atypique à forte composante technique. Lors de la modélisation de lʼoeuvre, la schématisation des futurs flux dʼinformation, des différents feedbacks et la nature des interactions homme- oeuvre, les considérations techniques sont omniprésentes. De cette forme formelle découlera lʼensemble des possibilités de lʼoeuvre face au spectateur et son environnement. La mise en place de systèmes interactifs passe donc par la conception dʼune structure technique pertinente dont lʼobjectif est de traiter rapidement le vaste ensemble de données échangées entre les éléments de lʼoeuvre. La création des interfaces est extrêmement technique mais est cependant marquée par une forte créativité. Il sʼagit, en effet, à partir des éléments électroniques capables de fournir un retour dʼinformation, de créer un système innovant permettant le feedback. Cette étape consiste en la mise en place dʼune connectique capable de transmettre des signaux, souvent MIDI, des capteurs vers le programme de gestion de lʼoeuvre. Ces signaux peuvent être tramsmis par de la connectique filaire ou sans-fil. La créativité est omniprésente dans la mesure ou elle consiste essentiellement à détourner lʼutilisation de différents outils commerciaux afin de créer une oeuvre artistique. Ces interfaces permettent alors au programme informatique où réside lʼalgorithme de vie de lʼoeuvre de percevoir une partie son environnement. Une fois ces signaux environnementaux récupérés, la création dʼune batterie de tests simples permet au programme dʼinterpréter des modifications subies par lʼenvironnement et de modifier sa boucle générative. La programmation de cette boucle fait intervenir de connaissances techniques et scientifiques appartenant au domaine de lʼalgorithmie et des langages de programmation. Il apparaît donc clairement que dans le domaine numérique, lʼart devient totalement technique. Le chercheur Canadien Pierre Lévy a montré que cette technique par certains aspects de son approche programmatique, sʼapparente à une démarche artistique. Lʼensemble de ces étapes permettent de créer un environnement où lʼutilisateur se retrouve en “immersion pseudo-naturelle” dans lʼenvironnement de lʼoeuvre. Cette immersion bien que très perceptible, nʼest pas naturelle. En effet, nous savons agir naturellement dans le monde réel mais les incohérences sensori- motrices dʼun monde virtuel nous déstabilisent encore. Une immersion totale est impossible à atteindre actuellement car notre corps est encore conscient de lʼaspect virtuel de ces environnements. En effet, la vision stéréoscopique, par exemple, ne dupe pas les yeux de lʼutilisateur. Il sait que ce quʼil voit en virtuel et est conscient de porter des lunettes 3D munies de filtres. Les aberrations Lʼinteractivité est-elle une technologie ou une idéologie ? ____________________________________________________________________________ Thibault Montaufray - Dispositifs Interactifs - Ecole dʼingénieur IMAC
  • 11. géométriques sont fréquentes et les projections manquent de volume en raison de la projection dʼespace 3D sur les plans 2D (écrans). Des techniques holographiques permettront dans le futur de palier à ces problèmes De plus, les données environnementales collectées par les dispositifs sont rarement complètes. Elles ne concernent que certains aspects de lʼenvironnement. Lʼoeuvre ne peut réagir à toutes les réactions des utilisateurs et est donc limitée. Afin de palier à ces problèmes, les artistes élaborent des modèles informatiques de plus en plus complexes en y intégrant de lʼintelligence artificielle. Cette intelligence artificielle joue également un rôle considérable dans la perception quʼa lʼutilisateur de lʼoeuvre. Il a alors le sentiment que lʼoeuvre répond de manière structurée et avec intelligence. Lʼexpérience du spectateur est décuplée. En dépit de tous ces efforts, lʼimmersion et lʼinteractivité ne sont pas totales. Les performances techniques apportent à lʼutilisateur une expérience nouvelle, à laquelle il se prête volontiers mais à laquelle il ne peut adhérer totalement. Il sʼagit dʼun problème technologique qui se résoudra grâce ... à beaucoup de technologie. Les avancées futures en matière de projections holographiques 3D et de capteurs permettront sûrement dʼatteindre un nouveau niveau dʼinteractivité, de capter plus de paramètres environnementaux et de simuler des mondes en 3D dotés dʼune réelle profondeur. Lʼutilisateur pourra par exemple se déplacer autour de ces objets. Le terme idéologie (étymologiquement  : la science des idées) “désigne un ensemble plus ou moins systématisé dʼidées, d'opinions, de croyances, constituant une doctrine, qui influence le comportement individuel ou collectif.” (Wikipedia). Lʼinteractivité est une idéologie dans le sens ou cʼest un système qui intègre lʼutilisateur et valorise sa présence dans son fonctionnement. Cʼest une sorte de doctrine qui affirme que maintenant lʼutilisateur a un rôle à jouer dans les oeuvres quʼon lui propose. Cʼest une avancée positive par rapport à une époque ou lʼutilisateur était uniquement passif et se contentait de recevoir ce quʼon lui proposait. Lʼinteractivité permet dʼintroduire un nouveau type de relation entre le spectateur et lʼoeuvre. Cette interactivité est une illusion puisque tout a été pensé à lʼavance par quelquʼun dʼautre. Lʼoeuvre numérique doit pour vivre intégrer le spectateur. Cependant, il sʼagit dʼun spectateur théorique. Ce spectateur est considéré comme une des variables du programme de gestion de lʼoeuvre. En effet, le spectateur interactif nʼest pas un élément externe à lʼoeuvre mais un élément du modèle comme un autre. Le spectateur croit quʼil possède une maîtrise sur Lʼinteractivité est-elle une technologie ou une idéologie ? ____________________________________________________________________________ Thibault Montaufray - Dispositifs Interactifs - Ecole dʼingénieur IMAC
  • 12. lʼoeuvre mais cʼest seulement celle que le concepteur veut bien lui céder. Il nʼy a pas de confusion des rôles  : le lecteur ne devient pas auteur et il nʼy a pas conception collective de lʼœuvre. La valeur de lʼinteractivité est donc différemment appréciée en fonction de lʼingéniosité des créateurs et lʼinventivité technique et artistique. Il sʼagit de faire en sorte que le “mensonge” soit plausible pour le spectateur, tout comme les “trucs” des prestidigitateurs. Lʼinteractivité peut également transmettre de lʼidéologie dans le sens ou lʼutilisateur nʼest pas libre, ces choix sont limités. En lui proposant des possibilités dʼaction non-complètes, on réduit forcément ses choix, ses intentions et ses actions. Nous existons à travers les conséquences de nos actes et les dispositifs interactifs les forcent parfois. Il peut donc y avoir, dans une certaine mesure manipulation et modification du comportement du spectateur. Nous avons tenté de montrer dans les pages qui précèdent que lʼinteractivité est une technologie, ou plutôt un ensemble de technologie. Cʼest en effet lʼaspect qui peut être le plus facilement appréhendé à la fois par le spécialiste et par le simple profane qui va lʼutiliser. Toutefois, lʼinteractivité est aussi une idéologie même si lʼutilisateur nʼen a pas forcément conscience et ne sʼinterroge pas systématiquement à ce sujet. Les utilisateurs apprécient ses nouvelles images et lʼidée quʼils puissent modifier un système interactif. Le niveau dʼinteractivité est aujourdʼhui élevé mais non- total. Les technologies disponibles dans les prochaines années ou d' ores et déjà disponibles - mais très onéreuses -permettront dʼaméliorer les projections et la perception de lʼenvironnement direct de lʼoeuvre. Lʼart numérique tend donc inévitablement à devenir encore plus technique. Cependant, cette escalade technologique a évidement pour finalité de faire oublier la présence technologique, de la rendre imperceptible afin de fournir une expérience pouvant être perçue comme réelle. Le créateur proposera quoiquʼil arrive un univers qui lui est propre mais le spectateur aura plus de contrôle sur lʼenvironnement dans lequel il se trouve. Un niveau supérieur dʼinteractivité sera alors atteint, nous nous rapprocherons alors de lʼidéologie dʼune interactivité totale dans un environnement cohérent sensoriellement et complètement immersif. Lʼinteractivité est-elle une technologie ou une idéologie ? ____________________________________________________________________________ Thibault Montaufray - Dispositifs Interactifs - Ecole dʼingénieur IMAC
  • 13. Sources : http://www.ciren.org/ciren/colloques/131198/matos.html http://www.multimedialab.be/cours/arts_numeriques/index.htm http://fr.wikipedia.org/wiki/Interactivité http://commposite.org/v1/2002.1/articles/julia.html http://www.nuits-sonores.com/images_sonores/contribs/CChavalard.pdf http://fr.wikipedia.org/wiki/E-toile http://fr.wikipedia.org/wiki/Réalité_virtuelle http://fr.wikipedia.org/wiki/Art_numérique http://fr.wikipedia.org/wiki/Jeffrey_Shaw_%28artiste%29 http://fr.wikipedia.org/wiki/Maurice_Benayoun http://transitoireobs.free.fr/to/article.php3?id_article=42 http://didatic.net/article.php3?id_article=116 http://www.er.uqam.ca/nobel/r33554/lexique/interactivite.html http://mediamatch.derby.ac.uk/french/design/interact.htm Lʼinteractivité est-elle une technologie ou une idéologie ? ____________________________________________________________________________ Thibault Montaufray - Dispositifs Interactifs - Ecole dʼingénieur IMAC