Parcours de soins : notre point de vue dans le dernier numéro de Pharmaceutiques
1. Date : JANV 16
Pays : France
Périodicité : Mensuel
Page de l'article : p.14-16
Journaliste : Muriel Pulicani
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Politique de santé France
Parcours de soins
Des expérimentations
à éva uer et à diffuser
Si le parcours de soins est abordépar la loi Touraine, les modalités de sa mise en
œuvre et de son financement restentfloues. En attendant, sur le terrain, professionnels
de santé, laboratoires ou encore complémentaires inventent des solutions.
La loi de
moderni-
sation du
systeme de
sante prevoit
notamment
de creer des
communau-
tés profes
sionneiles
territoriales
de sante
L
a chromcisation des maladies (15
à 16 millions de person nes concer
nées aujourd'hui en france) et le
vieillissement de la population
rendent impérative la mise en place
d'une médecine de parcours Elle passe
notamment par une claire répartition
des tâches (entre professionnels, entre
ville et hôpital ..) et par l'échange
d informations entre tous les acteurs
(dossier médical partage. .) Si l'ana-
lyse fait l'unanimité, elle peine à être
suivie d'effets. « Lefrein principal estla
complexité, la fragmentation des soins,
le nombre d'acteurs à coordonner,
explique le Dr Marie-Hélène Kodde
Dunet, chef du service évaluation de
la pertinence des soins et améliora-
tion des pratiques et des parcours à
la Haute autorité de santé (MAS). Il
faut un système d'information partage
fluide et interopérable, un finance-
ment pour ces organisations nouvelles,
et du temps pour mettre en place un
projet », plaide-t-elle. Il est nécessaire
de « favoriser le développement tlu
travail plunprofessionnel — grâce aux
innovations technologiques et orga
msationnelles, la recherche en soins
primaires et de ville, la consolidation
du modèle economique des structures
de soins primaires —, faciliter la com-
munication entre les soins de premier
et de second recours et organiser les
territoires de soins autour de projets
reposant sur l'initiative cles profes
sionnels de sante et autour dc contrats
avec l'Etat et l'assurance maladie », a
détaille le Dr Michel Varroud-Vial,
conseiller médical soins primaires et
professions libérales à la Direction
générale de l'offre de soins (DG-OS),
lors du premier colloque national
des Interpros, le 17 decembre dernier
à Pans. « II convient d'inclure la popu-
lation dans l'élaboration des projets et
de projeter les réponses vers les lieux
de vie des patients », a prôné Chris-
tian Saout, secretaire general délegue
du Collectif interassociatif sur la sante
(Ciss). « S'agissant des ressources, tout
cst sur la table. Le problème est de les
mettre en coordination », estime le Di
Jean-François Thebaut, membre du
collège de la RAS.
L'importance du numérique
Pour le moment, le parcours de soins
en est globalement au stade dc l'expéri-
mentation, avec, au niveau financier les
ENMR (expérimentations de nouveaux
modes de rémunération) dans les mai-
sons de santé, et au niveau organisatton-
ncl, les programmes d'accompagnement
au letoui à domicile (Prado) au sortirde
l'hôpital ou dc la maternite et les pro-
grammes PAERPA (personnes âgées en
risque de perte d'autonomie) en ville
Les projets initiés par les professionnels
de terrain font flores, principalement au
sein des structures multidisciplinaires
Citons CardiAuvergne, dispositifde télé-
surveillance des insuffisants cardiaques,
ou la filiere de suivi du pied diabétique
mise en place par l'hôpital Saint Joseph
(Paris) avec les professionnels de ville,
s'appuvant sur des outils numériques
(ligne medicale directe, tri des appels
par un praticien) et comportant un volet
d'éducation thérapeutique. Dans le Val-
de-Marne, le centre hospitalier inter-
communal de Créteil permet aux méde-
cins traitants d'être informés en temps
réel de l'hospitalisation de leurs patients
via la plate forme internet Apicea. Une
première pour un etablissement public.
Autre exemple, le pôle de santé libéral
du pays de Mayenne, fondé en 2007,
qui réunit aujourd'hui 47 professionnels
de santé. « C'est un projet de santé ter-
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ntorial qui nous réunit, pas des murs »,
souligne le Dr I ue Duquesnel, président
de l'Union nationale des ommpraticicns
français (Unof-CSMF). Au menu, des
réunions une fois par semaine sur les cas
complexes et des actions de prévention
(éducation thérapeutique, vaccination,
protocoles AVR...). Cette organisation
s appuie sur une plate-forme numérique,
trois infirmières référents terrain, un
coordinateur et une secrétaire financés
par l'agence regionale de santé (ARS).
« lexercice coordonné va s'étendre à
l'échelle du département », annonce le
généraliste. « L'exercice coordonné re-
groupé est une boîte à outils, commente
le Dr Michel Serin, vice-président de la
Fédération franijaise des maisons et pôles
de santé (FFMPS). tii Bourgogne, nous
avons crée une cooperative pour favori-
ser la coordination administrative, avec
une centaine de coordinatnces, un lea-
der ayanr une vision de sante publique,
un technicien pour former l'équipé à
l'outil informatique, une infirmière et
un médiateur en sante publique pour
repérer les populations-cibles. Le système
d'information est l'élément moteur. » Par
ailleurs, la FFMPS a signé enjanvier une
« convention de revitalisation » avec Pfi-
zer. Ayant l'obligation de réinvestir dans
l'emploi aptes des licenciements collec-
tifs, le groupe pharmaceutique apportera
des fonds pour la création de cent postes
de coordonnateurs d'équipe ou de méde-
cins DIM (département d'information
médicale)
Des opportunités pour
la pharma
Car les industriels du médicament et
du dispositif medical entendent eux
aussi jouer un rôle dans le parcours
de soins. Ils ont initié une centaine de
programmes en France : programmes
d'apprentissage ou de bon usage, actions
d'accompagnement, télémédecine ou
plans de gestion des risques, selon une
étude de Jalma et Patientys présentée en
décembre dernier « Les laboratoires sont
très investis dans les programmes d'ap-
prentissage. Ce cadre juridique sécurisé
leur permet de centrer leurs actions sur
leurs propres produits, indique Daniel
Szeftel, associé du cabinet de conseil
Jalma. Ces programmes visent à accom-
pagner le patient dans l'acquisition des
gestes techniques nécessaires à l'utilisa-
tion de son traitement et concernent
principalement les injectables (diabète,
hormone de croissance.. ). Ils sont partie
Cyril Schiever, president de MSD France
« Nous allons travailler a asseoir scientifi
quement l'idée reconnue du patient parte-
naire, actif et expert »
Daniel Szeftel, associe du cabinet de
conseil Jalma « Les laboratoires sont très
investis dans les programmes d'appren
tissage Ce cadre juridique securise leur
permet de centrer leurs actions sur leurs
propres produits »
prenante de l'éducation thérapeutique. »
Plus récemment, les entreprises de santé
se sont également tournées vers les logi-
ciels compagnons, « diffusés et prescrits
par le médecin en même temps que le
traitement, et qui font l'objet d'une éva-
luation clinique parallèle. Le logiciel, à
statut de dispositif médical, permet au
patient de saisir des données et de rece-
voir des conseils, voire ouvre la porte à
la télémédecine avec la transmission
d'informations au praticien hospitalier
ouàl'infirmière». Roche PharmaFrance
s'est ainsi associé à l'éditeur de logiciels
Voluntis pour développer un service de
télémédecine en lien avec son traitement
du cancer du sein. Dcs objets connectes
permettront la saisie ou la collecte directe
d'informationssurlessymptômesressen-
tis par les patientes et l'envoi par l'équipe
soignante de recommandations person
nalisées. Enfin, les laboratoires peuvent
élaborer des programmes d'accompa-
gnement destinés à tous les patients, et
pas seulement à ceux qui recourent à
leurs produits. « Nous allons travailler à
asseoir scientifiquement l'idée reconnue
du patient partenaire, actif, expert, du
patient au cœur et acteur de son parcours
de soins », taitvaloir Cyril Schiever, prési-
dent de MSD France, qui, via son fonds
de soutien à la recherche MSDAvenir,
participe au financement de l'univei-
sité des patients de l'université Pierre-et-
Marie-Cune Par ailleurs, le groupe s'est
dote d'« une équipe d'une cinquantaine
de personnes dédiée à l'accompagne-
ment des professionnels de santé dans la
gestion du changement. Avec dcs struc-
tures plunprofessionnelles, nous faisons
un état des lieux de la santé et de la prise
en charge d'une population, puis nous
développons des solutions personnali
sees : plate forme collaborative, portail
d'information, applications mobiles .. »,
poursuit le dirigeant.
Chez Boehringer Ingelheim, l'approche
est régionale, avec le lancement depuis
2010 de sept "PROFIL" (Programmes
régionaux d'organisation de filière). « Ils
sont systématiquement en cohérence
avec les priorités de santé et répondent
aux enjeux de Boehringer Ingelheim
Ce sont des actions non promotion-
nelles, qui portent sur des aires théia-
peutiques, pas sm des pioduits Elles
favorisent la mise en relation ville-hô-
pital ct la multidisciplinante », explique
le directeur des affaires institution-
nelles, Didier Caumette, à la tête d'une
équipe de cinq personnes. Ainsi, Profil
AVC vise à réduire les délais de prise en
charge dans 38 unités neuro-vasculaires,
Profil FA (fibnllation auriculaire), àsen-
sibiliser les généralistes de 24 villes sur
cette pathologie et à proposer un ques-
tionnaire pour orienter les patients à
risque vers un cardiologue. Profil Once
a attribué en novembre une bourse de
15 DOO euros à dix projets en région
Cancéropôle pour le traitement par
thérapie ciblée du cancer bronchique
non àpetites cellules. Profil PIB (fibrose
pulmonaire idiopathique), à partir d'un
questionnaire adressé aux patients, aux
professionnels de santé et aux institu-
tionnels, a proposé des mesures correc-
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trices pour le parcours de soins Enfin,
un site internet d'échange a eté créé
pour améliorer l'information des pa-
tients sous AVK Cependant, les projets
des laboratoires se heurtent à plusieurs
obstacles. Principalement à « un cadre
juridique relativement contraint » en
France, et dans une moindre mesure,
à « la difficulté de maintenir la motiva-
tion des medecins et des patients dans la
durée », signale Daniel Szeftel 0alma)
Maîs la situation semble évoluer favora-
blement. « Au début, nos propositions
étaient perçues bizarrement, surtout
par les institutionnels Maintenant,
certaines ARS font appel à nous », té-
moigne Didier Caumette (Boehringer
Ingelheim) Fn outre, « Paccord-cadre
entie le CEPS (Comité économique
des produits de santé) et le Leem (Les
Entreprises du Médicament) ouvre
la possibilité d'acheter des solutions
multi-technologiques . médicament,
test diagnostic compagnon, logiciel, ser-
vice associé... C'est de bon augure pour
la smte », salue Daniel Szeftel.
Complémentaires : du bien-être
à la prévention secondaire
A côté ou avec les laboratoires, les com-
plémentaires santé agissent elles, aussi,
proposant à leurs assurés des informa
rions sur les parcours (tarifs, offres réfé-
rencées) et développant des léseaux de
soins ou des services dédiés. Axa France
vient d'inaugurer un service de télécon
sultation accessible en continu et animé
pai une vingtaine de médecins. « Lac-
cueil se fait par une infirmière qui véri-
fie qu'il ne s'agit pas d'une urgence ou
d'une situation grave, vérifie les droits
de I assuré puis transfère l'appel à un
médecin, qui fournir des solutions de
court terme visant à soulager. Le prati-
cien petit envoyer le compte-rendu au
médecin traitant et peut faire une ordon-
nance qui est faxée au pharmacien »,
Didier Caumette/ directeur des affaires
institutionnelles de Boehringer Ingelheim
France « Nos Programmes regionaux
d'organisation de filiere sont des actions
non promotionnelles qui portent sur des
aires thérapeutiques, pas sur des produits »
explique le Dr Philippe Presles, directeur
R&D d'Axa France Des services qui
permettent aux complémentaires de se
différencier à l'heure où leurs offres sont
de plus en plus standardisées : panier de
soins à rembouiser défini par la loi, obli-
gation faite aux entreprises de proposer
des contrats collectifs. Dans ce cadre,
« dcs séances dc dépistage dcs facteurs
de iisque sont menées en entiepnse, puis
sont mis à disposition des salariés des
outils de e coaching, de e learning, des
plates-formes téléphoniques, des objets
connectés , rapporte Daniel Szeftel
(Jalma). Avant, on était dans une logique
de wellness (bien-être) et de prévention
primaire On est passé à la prévennon
secondaire, des risques cardiovasculaiies
par exemple ». Malakoff Médéric déve-
loppe ainsi l'offre "Entreprise territoire
de santé", « qui montre aux salariés
qu'ils peuvent agir individuellement et
collectivement en faveur de leur santé :
prise de mesure du risque en interne,
actions collectives (programmes de
nutrition, challenges sponifs, formation
aux risques du tabagisme ou des acci-
dents de la route. .) », décrit le directeur
santé, Laurent Borella « Vigisante cst
un coach personnalise électronique et
téléphonique, qui apprend à agir sur sa
santé (sommeil, activité physique ..). Ce
programme cxpcnmcntc en 2015 sera
généralisé en 2016 et fera l'objet d'une
évaluation pendant deux ans. Ces outils
"gamifiés", non normatifs, offrent une
vision ludique, positive et participative
de la sante La lirtérarure montie que
ce type de programme est très efficace,
plus que ceux lancés par les autorités
nationales, car le discours esr adapté à
chaque personne. » En entreprise tou-
jours, l'assureur a lancé une campagne
de vaccination contre la grippe avec des
Tarifs négociés auprès de Sanofi Par ail-
leurs, pour « promouvoir des parcours
de soins optimaux », Malakoff Médéric
conduit un projet pilote avec l'Institut
Curie dans le cancer du sem, visant à
évaluer pour chaque patiente l'utilité de
la chimiothérapie, initiative qui sera gé-
néralisée à d'autres hôpitaux et d'autres
types de canceis Le groupe mené égale-
ment une expérimentation en chirurgie
traumatologique pour une recupération
rapide apres l'intervention « C'est une
démarche d'amélioration de la qua-
lité, positive pour tous. Les hôpitaux
peuvent mieux s'organiser et ont moins
d'accidents, ça se passe mieux pour les
patientsetçagénèredeséconomies»,fait
valoirLaurentBorella Reste àfaciliterles
coordinations entre acteurs par un cadre
juridique plus souple er des moyens
financiers, et surtout à évaluer les expé-
rimentations pour déterminer lesquelles
peuvent ou doivent être généralisées. •
Muriel Pulicani
Parcours de soins : ce que prévoit la loi de santé
Le titre II de la loi de modernisation du système de santé, entérinée le 17 décembre 2015, s'intitule « Faciliter au
quotidien les parcours de santé ». En matière d'organisation de l'offre, il prévoit notamment de définir des équipes
de soins primaires autour du medecin généraliste et de creer des communautés professionnelles tenitoriales de
santé et des groupements hospitaliers de territoire à adhésion obligatoire ll instaure au sein des ARS des fonctions
d'appui aux professionnels pour la coordination et la prise en charge des parcours complexes. En cutie, il étend le
paicouts de soins coordonne aux patients de moins de 16 ans et lance pour cinq ans une expérimentation de projets
pilotes d'accompagnement des patients. En matière de partage d'information, il refonde le dossier médical personnel
(DMP) qui devient « partage », rend obligatoire la remise au patient d'une « lettre de liaison » à la sortie de l'hôpital
et permet l'accès des medecins en etablissement au dossier pharmaceutique