Formation échiquéenne jwhyCHESS, parallèle avec la planification de projet
Sfsic14 140604-proulx
1. LL’’injonction à participerinjonction à participer
à là l’’ère numériqueère numérique
Serge Proulx
Université du Québec à Montréal
Télécom ParisTech
http://www.sergeproulx.info
2. SommaireSommaire
Participer à l’ère numérique
◦ Deux mouvements contradictoires
◦ Constats – questions – orientations analytiques
Technologies, vecteur d’aliénation
◦ ‘Solutionnisme technologique’
◦ Du droit de ne pas être balisés par les technologies
Technologies, vecteur d’émancipation
◦ Des communs informationnels
◦ La forme contribution
Conclusion: une puissance d’agir fragile et
paradoxale
3. Participer à l’ère numériqueParticiper à l’ère numérique
Deux mouvements contradictoires
avec l’emprise actuelle d’Internet et des
technologies numériques:
◦ TOP-DOWN: Concentration du pouvoir et
domination de méga-groupes médiatiques
oligopolistiques et de Géants de l’Internet
(aliénation /société de contrôle/surveillance)
◦ BOTTOM-UP: Production coopérative de
communs informationnels et usages sociaux
de ceux-ci (Aigrain 2005) (émancipation/
culture de participation/économie du partage)
4. Participer à l’ère numériqueParticiper à l’ère numérique
CONSTATS:
◦ La promesse d’une société en réseaux s’est
muée en l’instauration d’une société de
contrôle
◦ La dissémination des technologies invisibles /
ubiquitaires nous oblige à reconsidérer la
problématique de l’appropriation des TIC
◦ Injonction à la participation: nous
apparaissons contraints de participer alors que
ces gestes ‘participatifs’ sont tracés/captés
par entreprises propriétaires (contraintes
techniques et logicielles des plateformes)
5. Participer à l’ère numériqueParticiper à l’ère numérique
CONSTATS:
◦ Injonction à la participation sur Internet:
Culture participative (Jenkins & al. 2009)
Crowdsourcing (Howe 2006)
Producteur-usager (produser : Bruns 2008)
Participation des amateurs (pro-am : Leadbeater
& Miller 2004)
Économie du partage (sharing : Aigrain 2012)
◦ Cette injonction est simultanément
BOTTOM-UP et TOP-DOWN (re: UGC)
◦ Cette injonction est partie prenante au
fonctionnement d’un capitalisme informationnel
6. Participer à l’ère numériqueParticiper à l’ère numérique
QUESTION:
◦ À quelles conditions peut-on prétendre
à la consolidation d’une «culture de
participation» qui soit réellement
émancipatrice dans cette « société de
contrôle » ?
7. Participer à l’ère numériqueParticiper à l’ère numérique
ORIENTATIONS ANALYTIQUES:
◦ Penser le phénomène technique contemporain
comme intriqué simultanément dans des processus
de domination (aliénation) et d’émancipation
◦ Défi épistémologique et politique: penser ensemble
les processus de domination et d’émancipation –
ils sont liés et participent d’une totalité – penser ce
qui est à la racine, au fondement de cette totalité
◦ Piste analytique retenue: situer ces processus comme
partie prenante du fonctionnement d’un capitalisme
informationnel – une tendance dans la
transformation du capitalisme contemporain – saisir
le rôle primordial des TIC dans cette totalité
8. TransformationsTransformations
du capitalisme contemporaindu capitalisme contemporain
• Pénétration massive des technologies numériques
dans l’organisation industrielle mondialisée
• Réaménagement en profondeur de l’organisation du
travail: entreprise en réseaux, flexibilité,
postfordisme
• Industries fondées sur la propriété du code
(logiciels; médias; pharmaceutiques; industries
culturelles) / code informatique devient
industriellement névralgique
• Mathématisation du monde: un monde organisé,
contrôlé sous l’emprise des algorithmes
• Ex. algorithme PageRank permet à Google de capter et
d’accumuler les pages des internautes, de diffuser des
hiérarchies de visibilité à la source d’une nouvelle valeur
économique sur Internet
9. Un « capitalisme informationnel » :Un « capitalisme informationnel » :
quatre sources de création de la valeurquatre sources de création de la valeur
A) Captation et monétisation du travail
informationnel d’internautes = producteurs de
contenus (UGC) + fournisseurs de données (data)
B) Création de valeur sur les marchés
financiers (lors de leur introduction en bourse)
Évaluation des entreprises Internet exagérée au
regard des bénéfices annuels attendus:
Zynga: 50 fois ses bénéfices attendus / Facebook: 40 fois /
Groupon: 27 fois / Google: 15 fois
C) Délocalisation des actifs immatériels
(brevets, licences) ds pays à impôt
faible(Irlande) + exige après coup redevances
des succursales
10. Un « capitalisme informationnel » :Un « capitalisme informationnel » :
quatre sources de création de la valeurquatre sources de création de la valeur
D) Nouvelle source de plus-value (à côté de la force
physique) dans l’organisation du travail en entreprises =>
travail immatériel (« production de soi » du travailleur
mis au service du capital) (‘capitalisme cognitif’)
• Appropriation capitaliste d’éléments de personnalité des
travailleurs incluant capacités cognitives, expressives, affectives
• Captation de la subjectivité des travailleurs
• « Subjectivité paradoxale » = adaptation vs subversion
• Articulation incertaine entre travail immatériel et
marchandise (Gorz 2003)
• Nouveaux clivages géopolitiques Nord / Sud:
capitalisme de l’invention (informationnel) vs capitalisme
de la reproduction (industriel) (Lazzarato 2004)
11. GLOSSAIREGLOSSAIRE
SOCIÉTÉ DE CONTRÔLE
La société de contrôle (Deleuze 1990) s’emboîte
dans la société disciplinaire (Foucault 1975)
Limites de la métaphore panoptique avec
prégnance des technologies ubiquitaires
(réseaux sans-fil, téléphonie mobile)
Ces technologies font basculer les frontières
travail/vie privée/ sphère publique
La société de contrôle s’instaure avec
technologies numériques (traçabilité/captation,
géolocalisation)
Coveillance (entre surveillés) / Sousveillance
(des surveillés à l’endroit des surveillants)
12. GLOSSAIREGLOSSAIRE
SOCIÉTÉ DE CONTRÔLE
Le système économique disperse les forces de
travail => requiert de nouvelles modalités de
surveillance et de contrôle ‘à l’air libre’(Deleuze)
Le contrôle continu devient moins visible
(technologies numériques invisibles / traçage-
captation-computation via bases de données)
La subjectivité: autant un îlot de résistance
qu’un élément de manipulation, voire une source
du contrôle (Leclercq et Isaac 2013)
Communication: passivité des individus jamais
sujet dans la communication (panoptique) VS
participation active dans les flux (Soc. Contrôle)
13. GLOSSAIREGLOSSAIRE
ALIÉNATION
◦ L’aliénation de l’ouvrier signifie que « son travail existe
en dehors de lui, indépendamment de lui, étranger à lui, et
devient une puissance autonome vis-à-vis de lui, que la
vie qu’il a prêtée à l’objet s’oppose à lui, hostile et
étrangère » (K. Marx, Manuscrits de 1844, p. 58)
◦ « Parler d’aliénation (…) c’est juger le présent ou l’actuel
dans l’éclairage axiologique d’un futur ou d’un possible
meilleur […] (cette) valeur c’est précisément l’idéal de
l’émancipation… » (Y. Quiniou, 2006, p. 86)
◦ La notion d’aliénation = mixte description et normativité
◦ Combattre l’aliénation suppose une maîtrise de soi qui ne
s’appuie surtout pas exclusivement sur la technologie (Rosa,
2010)
14. GLOSSAIREGLOSSAIRE
ÉMANCIPATION SOCIALE / POLITIQUE
◦ Comment briser le ‘cercle vicieux de la domination’?
En se donnant un ‘horizon d’émancipation’ (utopie)
◦ L’émancipation – personnelle et collective – est
anticipation de nouveaux mondes possibles
◦ Le défi de toute émancipation est de retourner une
faiblesse en force (Bensaid 2011)
◦ Affirmer sa puissance d’agir / Avoir confiance dans
sa capacité d’invention individuelle et collective
(empowerment) : résister / expérimenter / désobéir /
se solidariser
◦ Penser politiquement c’est penser historiquement
(Bensaid 2011)
16. « « Solutionnisme technologiqueSolutionnisme technologique » »
(E. Morozov,(E. Morozov, To Save Everything, Click Here,To Save Everything, Click Here, 2013)2013)
Le « Culte de l’Internet » (Breton 2000)
induirait un modèle de société dans lequel la
technologie semble pouvoir tout solutionner
Traduire tout problème humain complexe
par des équations logiques simples
(algorithmes) qui trouvent des « solutions
efficaces » au moyen d’applications
technologiques « facilement utilisables »
17. « « Solutionnisme technologiqueSolutionnisme technologique » »
Or, qu’en est-il des changements d’humeur,
des oublis, des incohérences, des ‘parti pris’
qui constituent les vies concrètes des sujets
humains?
Illusion d’une « vie lisse » complètement
rationnelle, cohérente où ‘des machines
intelligentes prolongent le cerveau et le corps
des individus’
Toute solution serait une affaire d’algorithmes
=> refus d’envisager les problèmes humains
dans leur profondeur psychologique,
institutionnelle ou philosophique
18. Du droit de ne pas être balisés par lesDu droit de ne pas être balisés par les
technologies intelligentestechnologies intelligentes
Or, l’existence est faite du droit à l’oubli, du
droit de ne pas savoir, du droit de pouvoir
changer d’avis, du droit de ne pas avoir en
permanence les mêmes désirs, les mêmes
envies
Nous devons avoir le droit d’être inconsistant
et même d’être incohérent (Kolakowski 1964)
Transformation de l’univers numérique:
◦ Dispositifs plus intelligents (ambiant intelligence)
◦ Pouvoir invisible des algorithmes ancrés
◦ Pénétration des technologies numériques invisibles
19. Du droit de ne pas être balisés par lesDu droit de ne pas être balisés par les
technologies intelligentestechnologies intelligentes
Danger d’enfermer notre imagination et
notre pouvoir de création dans les sentiers
déjà balisés par les technologies intelligentes
Les machines ne prennent pas nécessairement
les bonnes décisions / élimination du temps
humain de délibération et de réflexion
L’efficacité technique n’est pas toujours une
qualité
Danger d’une externalisation de nos
décisions morales / réduction responsabilité
Nos transactions dépendent tj davantage d’une
infrastructure de communications M2M
20. Aliénation à l’Aliénation à l’ère numérique:ère numérique:
perte du rapport à soi?perte du rapport à soi?
Prolifération des réseaux socionumériques =
culture du bavardage en ligne / emprise du banal
Obsession de la présentation de soi /
injonction à un « marketing de soi »
Audienciation de soi : narcissisme / réputation
/ reconnaissance
Surcharge informationnelle / cognitive =
perte de repères solides pour bien
cartographier l’information et « faire sens » de
tous ces messages
Fragmentation de l’information / valorisation
communication > transmission (Debray)
22. Des communs informationnelsDes communs informationnels
Commun: « Condition critique pour créer un
commun = décision d’une communauté de
s’engager dans des pratiques sociales visant à
gérer une ressource pour le bénéfice de tous »
(Bollier 2014)
Communs fonciers (terres, pâturages, forêts,
ressources hydrauliques) (Ostrom 1990)
Communs informationnels: la ressource est
de nature intangible – ex. bases de données
numériques à accès partagé constituées
d’informations scientifiques ou techniques –
encyclopédies en ligne (Wikipedia)(Coriat 2013)
23. Des communs informationnelsDes communs informationnels
Des ressources constituées de biens non rivaux et
(généralement) non exclusifs: la consommation d’une
information par un individu donné ne prive et n’exclut
aucun autre de cette consommation – plus elle est
partagée plus elle sera augmentée et enrichie
Les droits de propriété intellectuelle (droit d’auteur,
brevet) rendent nécessaire l’instauration d’un nouveau
type de droits: Ex. Copyleft – licence GPL-GNU –
Creative Commons
La gouvernance des communs informationnels est
orientée d’abord vers leur enrichissement et leur
multiplication et non vers la conservation Ex. « règles
d’additionalité »: commun de logiciels libres – Wikipedia
(validation des ajouts) (Coriat 2013)
24. Des communs informationnelsDes communs informationnels
Le capitalisme informationnel contient potentiellement
une négation de la logique de marché / difficulté à faire
fonctionner la connaissance comme un capital (Gorz
2003)
La valeur des marchandises à fort contenu immatériel
est fixée par une création artificielle de rareté
(brevetage, branding, propriété intellectuelle)
Les créations cognitives, esthétiques a priori en
dehors de l’économie sont ici captées et monétisées
par les entreprises de l’Internet = Monétisation de
l’intelligence collective (Lazzarato 2004)
25. Des communs informationnelsDes communs informationnels
Tragédie des anti-communs: obstacles à la
libre circulation conduit à la réduction des
capacités d’innovation (Heller, Eisenberg 1990)
Résister à la transformation de l’information
en marchandise suscitée par les droits de
propriété intellectuelle (Aigrain 2005)
Open Publishing: rétablir les règles de l’open
science (contexte de brevetabilité élargie et
d’édition scientifique inéquitable pour auteurs)
Open Access: rétablir le caractère non rival de
l’information (Coriat 2013)
26. La forme contributionLa forme contribution
PREMIÈRE DÉFINITION:
« …(ensemble des) participations de
contributeurs librement investis dans
l’activité et qui acceptent de coopérer et
de diffuser leurs connaissances sans
attendre de contrepartie sous la forme
d’un équivalent monétaire. »
(Beraud et Cormerais, 2011, p. 164)
27. La forme contributionLa forme contribution
MOTIVATIONS DES CONTRIBUTEURS:
Motivations hors du champ de l’intérêt
économique (désintéressement)
Acquisition d’expertises et de compétences
Plaisir associé à la création d’un bien collectif
Plaisir lié à la qualité des interactions entre
participants / obligation vis-à-vis une
communauté devenue milieu intégrateur
Autocréation d’un « capital de réputation » /
reconnaissance par les pairs
Figures emblématiques: amateur, « pro-am »
28. La forme contributionLa forme contribution
EXEMPLES de pratiques contributives:
Logiciel libre: accès code informatique
Web social: création de contenus UGC,
partage de connaissances, d’expériences,
recommandations par les pairs
Wikipedia: encyclopédie collaborative
Tela Botanica: connaissances botaniques
coproduites par amateurs + pros
FabLabs / Hackerspaces / Coworking
29. La forme contributionLa forme contribution
Enjeux de ces espaces contributifs:
Lieux militants, institutionnels,
entrepreneuriaux
Ré-orientation des processus de production
(production par les pairs / communs)
Ré-articulation des relations entre producteurs
et consommateurs
Transformation des capacités d’apprentissage
(individuelles et collectives)
Nouveaux modèles de la propriété
intellectuelle et de l’échange et du partage
(Bottolier-Depois 2012)
30. Une puissance dUne puissance d’’agiragir
fragile et paradoxalefragile et paradoxale
Quelle puissance d’agir des citoyens à l’ère
du numérique?
Quelle force démocratique pour des ‘sujets
citoyens qui communiquent en réseau’?
Fragilité paradoxale des subjectivités dans
un capitalisme informationnel
Ce mode de production a besoin de capter et monétiser la
force expressive des contributeurs pour créer de la valeur
Simultanément, le déploiement de cette intelligence
expressive et collective constitue une potentialité
subversive
Contributions, partage, communs: des
expérimentations sociales concrètes vers un
monde non exclusivement marchand?
Notas do Editor
- Action de Facebook: 38$ (15 mai 2012) / 17,55$ (4 sept 2012) : Perte = - 54% / 24$ le 31 mai 2013 / 58.94$ le 17 avril 2014
Source: E. MOROZOV, To Save Everything, Click Here, PublicAffairs, 2013 / http://www.internetactu.net/2013/03/27/la-technologie-est-elle-toujours-la-solution-12-le-biais-de-linternet-centrisme/
- E. Benveniste, Problèmes de linguistique générale, 1966, Paris, Gallimard, p. 269 : Subjectivité = ‘capacité du locuteur à se poser comme sujet’ (Benveniste, 1966)
- Le capital fixe (actifs corporels ou incorporels) aujourd’hui = quantité toujours plus grande de connaissances (numérisables) facilement accessibles via les TIC