Chapitre 10 et 11 de la " Lettre à tous les résignés et indignés qui veulent des solutions "
1. 10/ Le désordre de l’Education nationale :
remettre l’Education au cœur de tout et en avant de tout.
Les indignés qui occupent les écoles
défendent notre avenir commun
Lorsque j’entends que l’Education nationale coûte cher, je réponds : « Essayez l’ignorance et
vous verrez ce que cela coûte ! »
Pour moi l’Education nationale est un pilier de la République, avec la Sécurité sociale et la
sécurité. Ce pilier vacille aujourd’hui, parce que l’Education n’est plus une valeur essentielle
pour ceux qui nous gouvernent : non seulement ils ont infligé à ce grand service public le plus
grand plan social de toute l’histoire – plus de 65 000 suppressions d’emplois –, mais ils ont
accepté une montée des inégalités scolaires et une montée de la violence.
Je n’accepte pas qu’un enfant d’ouvrier, ou d’employé, ait seulement une chance sur quatre
d’obtenir un diplôme d’enseignement supérieur.
Je n’accepte pas qu’il y ait eu plus de 44 000 faits de violence grave à l’école au cours de la
seule année 2010. Personne ne peut enseigner ni apprendre dans la peur et la violence. Avec
la même détermination, je généraliserai le soutien scolaire gratuit, car je ne sépare pas la lutte
contre la violence et la lutte pour la réussite scolaire. Les étudiants auront, dans leur cursus
universitaire, une mission de soutien scolaire pour les collégiens et les lycéens qui leur
donnera des points supplémentaires. Et chaque fois que cela sera nécessaire, il y aura un
deuxième adulte dans la classe, par exemple un enseignant stagiaire car je rétablirai l’année de
formation. Aberration que cette suppression : comment l’un des métiers les plus importants
pour l’avenir de la nation peut-il se passer de formation ?
Très peu d’économies budgétaires ont été retirées car des heures supplémentaires ont dû
compenser l’absence d’enseignants.
Résoudre la crise profonde de l’institution scolaire suppose d’agir conjointement sur plusieurs
fronts. Il faut d’abord refonder, à tous les niveaux, le sens de l’école et dire clairement quel
bagage de savoirs la République veut donner à ses enfants, à tous ses enfants, durant le temps
de la scolarité obligatoire. Mobiliser ensuite tous les moyens qui ont fait leurs preuves, en
finir avec l’orientation par l’échec et établir l’égale dignité de toutes les filières. Ne pas
craindre aussi de corriger ce qui doit l’être et d’expérimenter des idées neuves. Arrêter les
réformes qui s’empilent sans jamais être évaluées. Libérer les initiatives. Apporter une
reconnaissance de l’Etat au plus haut niveau.
Pour attaquer l’échec scolaire à la racine, je mettrai en place un service public de la petite
enfance et la scolarisation obligatoire à trois ans, pour favoriser l’acquisition précoce des
bonnes attitudes d’apprentissage et assurer la maîtrise de la langue parlée à la maternelle. La
suppression des aides éducateurs a été, sur le terrain, une catastrophe. La logique purement
comptable qui inspire aujourd’hui les suppressions de postes d’enseignants est ravageuse.
Il faudra aussi regarder comment améliorer la transition entre le CM2 et la 6e, qui est souvent
un moment où les élèves perdent pied. J’attache aussi beaucoup de prix à la qualité du
dialogue avec les familles car les parents et l’école ont une responsabilité éducative partagée.
Avec les collectivités locales – les communes pour les écoles, le département pour les
collèges –, les internats de proximité seront développés. Pas uniquement destinés à des élèves
difficiles mais aussi à des élèves qui rencontrent des difficultés familiales et qui ne trouvent
pas chez eux les conditions matérielles ou psychologiques propices à leur réussite scolaire. A
ceux aussi qui veulent mettre un peu de distance, au profit de leurs études, avec la pression ou
les tentations du quartier. Ces internats permettraient également de soulager certaines familles
pendant la semaine, notamment les mères seules qui ont du mal à faire face à l’éducation des
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2. adolescents. Pour les élèves les plus perturbés et perturbateurs, je propose des internats et des
classes-relais, plus éloignés et avec un encadrement adapté, où les enfants peuvent être repris
en main pendant une période de transition avant de retourner dans le système scolaire
ordinaire. J’ai été pensionnaire et j’ai toujours estimé que ce cadre m’avait aidée à réussir mes
études. Je suis favorable à ce que, de nos jours, toutes les familles aient accès à des internats
bons à vivre pour les élèves et bénéfiques pour leur parcours scolaire. En arrivant dans la
région que je préside, nous avons trouvé certains internats dans un état calamiteux. Nous les
avons rénovés et équipés d’ordinateurs. J’ai affecté des animateurs culturels dans les lycées et
cela a entraîné une telle hausse des demandes qu’aujourd’hui nous manquons de places !
Preuve que la qualité des internats permet des conditions de travail efficaces et appréciées des
élèves et des familles.
J’irai plus loin sur l’autonomie des universités. Certaines facultés sont dans un état de
délabrement indigne de notre pays et le taux d’échec dans l’enseignement supérieur est un
gâchis humain inadmissible. On voit bien qu’il faut à l’Université plus de libertés, plus de
dynamisme. Mais l’autonomie n’est pas la concurrence, qui entraîne la paupérisation de
nombreuses universités. Je suis profondément convaincue que nous pouvons donner un
prestige nouveau à l’Université en France en la rapprochant des grandes écoles et des
laboratoires ainsi que des entreprises et en orientant correctement les étudiants.
L’Education, encore l’Education, toujours l’Education, c’est le cœur battant de la République.
11/ Le désordre de la valeur travail :
« on veut vivre et pas seulement survivre »
Aujourd’hui, 15 millions de Français bouclent leurs fins de mois à 50 euros près. Cela n’est
pas acceptable. La vie chère est devenue la préoccupation principale des Français. Les
produits de consommation courante ont augmenté parfois de 20 à 40 %. De même que les
produits pétroliers. Aujourd’hui, cette flambée des prix touche même les dépenses vitales des
Français. Pour beaucoup, cette angoisse devient quotidienne.
Aujourd’hui, les prix flambent et les salaires stagnent. Les comptes excédentaires en début de
mois ne sont pas rémunérés alors qu’en fin de mois, pour le moindre découvert, des pénalités
et des crédits revolving plongent des familles et les retraités dans la précarité. Je changerai
cela par la réforme des tarifications bancaires.
Il y a 200 accidents du travail graves chaque jour. Je ferai en sorte que cela change par
l’obligation d’intégrer les améliorations des conditions de travail en contrepartie des aides
publiques.
A l’âge de trente-cinq ans, un ouvrier a sept ans de moins d’espérance de vie qu’un cadre
supérieur. 30 % des salariés travaillent debout en permanence, 40 % sont exposés à
l’inhalation de produits chimiques sur leur lieu de travail mais cette pénibilité n’est pas prise
en compte dans le calcul du droit à la retraite.
Les victimes de l’amiante ne sont toujours pas indemnisées.
Un million et demi de personnes se trouvent en situation de surendettement et ce chiffre ne
cesse d’augmenter. Pour plus des trois quarts de ces foyers surendettés, cet endettement sert à
payer le loyer, le chauffage et les frais de santé alors que, dans le même temps, les patrons du
CAC 40 ont augmenté leurs rémunérations de 25 %.
Une sage-femme en début de carrière ne touche que 1 621 euros alors que son niveau d’études
est généralement de bac + 5 et que les actes qu’elle pratique n’ont pas été réévalués depuis
huit ans.
Dans certaines communes, les enfants de chômeurs sont privés de cantine.
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3. Des mères de famille isolées sont obligées d’aller à la banque alimentaire pour compléter leur
salaire alors qu’elles travaillent dans une entreprise qui fait des bénéfices.
C’est pour les personnes du grand âge que l’inquiétude est la plus lourde et ceux qui nous
gouvernent si mal viennent de renoncer à leurs promesses de créer une cinquième branche de
la Sécurité sociale.
La France, c’est vrai, fait aujourd’hui moins en ce domaine que d’autres pays européens.
Deux phénomènes m’inquiètent : le retard pris pour adapter nos structures à l’évolution de la
pyramide des âges et la réapparition d’une pauvreté des personnes âgées que l’on croyait
avoir éradiquée. Il faut intégrer cette question dans une réflexion plus globale sur la façon
dont notre pays entend prendre soin de nos concitoyens du troisième et du quatrième âge.
L’allongement de la vie est une réalité – un trimestre de plus tous les ans en moyenne –, mais
les conditions de cette vie ne sont pas les mêmes pour tous ceux qui sont usés par le travail ou
pour les autres.
D’ici à 2050, les plus de soixante ans seront deux fois plus nombreux. Il nous faut donc
accompagner cette mutation démographique. De nombreuses personnes restent longtemps en
bonne santé, et notre société peine à les associer à la vie collective, et à les solliciter alors
qu’elles sont riches de ressources professionnelles, associatives et sociétales. Pour les
personnes dépendantes et le grand âge, il faudra faire face à l’augmentation de la demande de
soins à domicile, dans les établissements hospitaliers ou dans les institutions médicalisées.
Chaque fois qu’il est possible, le maintien chez soi est évidemment préférable. Les services à
la personne vont donc se développer. Dans ce secteur, le potentiel de créations d’emplois est
considérable mais on ne peut se contenter de laisser au marché le soin de pourvoir aux besoins
croissants de personnes âgées qui sont et seront loin d’avoir toutes les moyens d’en assumer
seules le coût. La part du revenu national que la France est prête à y consacrer est un arbitrage
politique et même civilisationnel : quelle vie voulons-nous pour nos anciens ? Comment
financer la solidarité intergénérationnelle ? C’est une question dont les Français doivent
pouvoir débattre et qui concerne les retraites, l’assurance maladie, le minimum vieillesse. Les
régions sont par ailleurs responsables de la formation notamment des personnels infirmiers.
Elles sont un échelon de la puissance publique plus proche du terrain que l’Etat. Elles peuvent
favoriser une meilleure adéquation entre les besoins et les métiers nécessaires pour y faire
face, à condition que ce soit l’objectif que la nation se fixe et leur fixe. C’est ce que je ferai.
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