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L’appropriation organisationnelle d’un projet
                               ´       ˆ
        intrapreneurial spontane : le role des
                    slackholders
                                             Pascale Bueno Merino ∗
                                               Samuel Grandval †
                                               S´bastien Ronteau ‡
                                                e
          Communication pr´sent´e aux 3`mes Journ´es Georges Doriot
                             e     e         e            e
            « L’Intrapreneuriat : Au-del` des discours, quelles pratiques ? »
                                        a
                           4 et 5 Mars 2010 - Caen - France


                                                    R´sum´
                                                     e   e
         Dans ce papier, nous insistons sur l’importance du slack organisationnel dans l’´mergence de pro-
                                                                                            e
     cessus intrapreneuriaux spontan´s, c’est-`-dire r´sultant d’initiatives individuelles de la part d’em-
                                       e        a       e
     ploy´s. Nous concentrons notre attention sur le rˆle des acteurs d´tenteurs d’un pouvoir sur l’uti-
          e                                               o                 e
     lisation des ressources et des comp´tences en exc´dent dans l’organisation. Ces acteurs, pr´sents `
                                          e               e                                           e      a
     diff´rents niveaux hi´rarchiques de l’entreprise, vont faciliter l’appropriation organisationnelle du nou-
         e                e
     veau projet intrapreneurial. A l’image des concepts de shareholder ou de stakeholder dans l’analyse
     de la cr´ation de valeur, nous retiendrons et proposons celui de « slackholder » afin de mettre en
              e
     exergue les enjeux li´s a l’existence au sein de l’organisation d’une coalition d’acteurs a l’origine de
                          e `                                                                    `
     la mise en œuvre et de l’appropriation par l’organisation d’un nouveau projet intrapreneurial.

  Mots Cl´s : Intrapreneuriat spontan´, Slack organisationnel, Slackholder, Appropriation organisation-
         e                           e
nelle

Introduction                                            sur l’identification et l’accompagnement d’entrepre-
                                                        neurs internes que sur leur capacit´ ` entretenir un
                                                                                           ea
    L’innovation tient une place importante dans slack organisationnel dans un souci de revitalisation
les pr´occupations strat´giques des dirigeants. Se- de l’entreprise (Penrose, 1959).
       e                   e
lon une ´tude du Boston Consulting Group1 (2007),
         e
66% des dirigeants d’entreprise interrog´s placent
                                             e
l’innovation parmi leurs trois principales priori-        Dans ce papier, nous insisterons sur l’importance
t´s strat´giques et 67% des r´pondants comptent du slack organisationnel dans l’´mergence de pro-
 e        e                       e                                                      e
accroˆıtre leurs investissements dans l’innovation. cessus intrapreneuriaux spontan´s. Nous concentre-
                                                                                         e
« Une innovation se traduit en nouveaux produits rons notre attention sur le rˆle des acteurs d´ten-
                                                                                      o                e
et services, ou en nouveaux mod`les de penser et teurs d’un pouvoir sur l’utilisation des ressources et
                                     e
d’agir, d’organiser, de g´rer ses relations et ses des comp´tences en exc´dent dans l’organisation.
                             e                                     e               e
modes d’appropriation » (Tabatoni, 2005, p.10). Ces acteurs, pr´sents ` diff´rents niveaux hi´rar-
                                                                         e       a    e                e
Les chercheurs en Sciences de Gestion se sont in- chiques de l’entreprise, vont faciliter l’appropriation
t´ress´s ` la mani`re dont les individus et les organisationnelle d’un nouveau projet intrapreneu-
 e     e a             e
groupes agissent pour produire des id´es nouvelles rial, que nous assimilons dans la pr´sente recherche
                                         e                                                  e
et les transformer en de nouveaux produits, de nou- ` l’int´gration progressive du projet dans l’activit´
                                                        a      e                                           e
veaux processus et de nouvelles formes organisa- courante de l’entreprise. A l’image des concepts de
tionnelles. Il ressort de ces travaux que les processus shareholder ou de stakeholder dans l’analyse de la
qui sous-tendent la production d’innovations sont cr´ation de valeur, nous retiendrons et proposons
                                                          e
multiformes et complexes. A ce titre, les enjeux celui de « slackholder » afin de mettre en exergue
qui incombent aux organisations reposent autant les enjeux li´s ` l’existence au sein de l’organisa-
                                                                      e a
  ∗ ESSCA   - pascale.buenomerino@essca.fr
  † ESSCA
  ‡ ESSCA




                                                        1
3`mes Journ´es Georges Doriot - L’Intrapreneuriat : Au-del` des discours, quelles pratiques ?
 e         e                                              a



tion d’une coalition d’acteurs ` l’origine de la mise
                                  a                         Ainsi, dans un souci de clart´ et d’exhaustivit´,
                                                                                              e                       e
en œuvre et l’appropriation par l’organisation d’un nous choisissons d’adopter une d´finition adapt´e
                                                                                                 e                   e
nouveau projet intrapreneurial.                          des travaux de Sharma et Chrisman, ` savoir que
                                                                                                      a
                                                         l’entrepreneuriat organisationnel - ou intrapreneu-
                                                         riat - s’entend comme « le processus par lequel un
Cadre th´orique  e                                       individu ou un groupe d’individus, au sein d’une en-
                                                         treprise existante ou en association avec elle, cr´ent  e
    En premier lieu, nous pr´senterons des ´l´-
                                   e                 ee
                                                         une nouvelle activit´ ou innovent pour renouveler
                                                                              e
ments de d´finition du processus intrapreneurial. En
             e
                                                         tout ou partie d’une activit´ existante » (adapt´ de
                                                                                        e                         e
deuxi`me lieu, nous soulignerons l’importance du
        e
                                                         Sharma et Chrisman, 1999, p. 17-20). Cette d´fi-           e
concept de slack organisationnel dans l’´mergence
                                               e
                                                         nition a pour avantage d’attraper une diversit´ de      e
d’un tel processus, notamment s’agissant d’initia-
                                                         situations dans lesquelles se cr´ent de nouvelles acti-
                                                                                           e
tives spontan´es de la part d’employ´s. En troisi`me
               e                         e          e
                                                         vit´s ou innovations au sein d’entreprises d´j` exis-
                                                             e                                               ea
lieu, nous mobiliserons les travaux de Burgelman
                                                         tantes. En effet, on s’aper¸oit, par la diversit´ des
                                                                                       c                        e
(1983b) qui ont le m´rite d’identifier les diff´rents
                         e                        e
                                                         travaux sous-tendant le corpus, que les auteurs mo-
acteurs ` l’œuvre dans le processus intrapreneurial.
           a
                                                         bilisent le concept pour rendre compte de ph´no-        e
                                                         m`nes bien diff´rents. N´anmoins, il est possible de
                                                            e            e          e
L’intrapreneuriat : une pluralit´ de distinguer plusieurs points d’accords repr´sentant
                                                 e                                                           e
concepts et d’approches                                  autant d’enjeux manag´riaux. Ces derniers vont
                                                                                    e
                                                         s’exprimer notamment ` travers le degr´ d’autono-
                                                                                   a                    e
    Les travaux relevant de l’entrepreneuriat organi-
                                                         mie de l’action entrepreneuriale.
sationnel sont caract´ris´s par un foisonnement de
                        e e
termes et de situations qui peuvent conduire ` l’in-
                                                  a
compr´hension de r´alit´s dans l’entreprise (Sharma
         e            e e                                   Pour des individus ou des groupes d’individus,
et Chrisman, 1999). De plus, ils emploient parfois l’autonomie concerne leur capacit´ ` s’approprier la
                                                                                                ea
des termes identiques pour parler de r´alit´s bien poursuite d’une opportunit´. Dans un contexte or-
                                              e e                                       e
diff´rentes. Comme le rappellent Zahra, Nielsen et ganisationnel, l’autonomie englobe l’ensemble des
    e
al. (1999), la litt´rature sur le Corporate Entrepre- actions autoris´es ou acceptables pour s’extraire
                   e                                                     e
neurship fait d´sormais partie int´grante de la litt´- de contraintes organisationnelles ´touffantes (Dess,
                 e                   e                 e                                        e
rature du management strat´gique. Nourris par les
                               e                         Lumpkin et McGee, 1999). L’autonomie, octroy´e              e
questions actuelles de revitalisation des entreprises,   et/ou conquise, va varier selon la nature et le degr´         e
les travaux se focalisent sur les manifestations, les    de formalisation de l’autorisation d’entreprendre
ant´c´dents et sur les effets des activit´s relevant de (Zahra, 1993). Celle-ci peut ˆtre formelle et in-
    e e                                    e                                                 e
l’entrepreneuriat d’entreprise.                          duite par le sommet strat´gique qui d´livre un man-
                                                                                     e             e
                                                         dat strat´gique ` des unit´s op´rationnelles, des in-
                                                                    e     a           e      e
   Aujourd’hui encore, ce courant de l’entrepre- dividus ou des groupes, pour œuvrer de mani`re                     e
neuriat organisationnel souffre d’une multitude de        autonome dans l’organisation (Burgelman, 1983b ;
concepts qui gravitent autour de faits et actions di- 1983a ; 1991). Ou ` l’inverse, elle peut ˆtre infor-
                                                                             a                            e
rectement observables. L’examen de la terminolo-         melle et conquise d`s lors qu’elle rel`ve d’activi-
                                                                               e                      e
gie employ´e nous montre ` quel point les d´fini- t´s non prescrites, non attendues et non autori-
             e                a                    e      e
tions ne font pas l’unanimit´ au sein d’un mˆme e
                                e                   e    s´es, dans lesquelles s’engagent des individus qui
corpus. Toutefois, malgr´ les divergences, la plu- se fraient un chemin ` eux, dans un contexte pe-
                            e                                                    a
part des auteurs s’accordent sur la d´finition pro-
                                           e             sant, parfois complice et souvent hostile, parce qu’ils
pos´e par Guth et Ginsberg (1990), ` savoir que croient ` une opportunit´ et veulent avancer. Cette
    e                                       a                     a                 e
« l’entrepreneuriat d’entreprise peut regrouper ` la a   seconde approche a ´t´ popularis´e par les travaux
                                                                               ee               e
fois la gen`se de nouvelles activit´s dans des acti-
             e                         e                 de Gifford Pinchot sous la terminologie d’intrapre-
vit´s pr´existantes et la transformation, ou la re- neuriat (Pinchot, 1985). Dans sa version la plus
   e       e
naissance, des organisations par un renouvellement informelle, l’action entrepreneuriale se d´roule en     e
des concepts-cœurs, sur lesquels elles se sont d´ve-e    l’absence de toutes contraintes de type planifica-
lopp´es2 » . N´anmoins, cette d´finition ne permet tion, contrˆle financier ou mˆme revue de produits
      e          e                  e                                 o                   e
pas d’appr´hender les diff´rentes logiques d’institu-
             e              e                            - ce qui est commun´ment appel´ « d´veloppement
                                                                               e               e    e
tionnalisation des id´es dans l’organisation (Van de
                       e                                 en perruque ». Cette question de la formalisation
Ven, 1986). C’est notamment le cas pour la ques- de l’autorisation d’entreprendre fait r´f´rence ` laee           a
tion de la mise en tension dans l’organisation entre     nature du soutien par le sommet strat´gique.e
les ambitions et les ressources. Les logiques d’insti-
tutionnalisation des id´es adoptent des dynamiques
                        e                                 L’autonomie peut ´galement r´sulter du design
                                                                            e           e
diff´rentes selon qu’elles prennent pied dans des en- organisationnel. Comme le rappelle Olivier Basso
    e
treprises d´j` existantes ou qu’elles rel`vent de l’en- qui reprend des travaux de Burgelman (1984), le
           ea                            e
trepreneuriat individuel.                               locus de l’action entrepreneuriale d´coule de la
                                                                                            e


Bueno Merino, Grandval et Ronteau                          2
3`mes Journ´es Georges Doriot - L’Intrapreneuriat : Au-del` des discours, quelles pratiques ?
 e         e                                              a



conjonction de deux dimensions que sont l’impor-               en 1997 de r´concilier ces deux interpr´tations di-
                                                                             e                          e
tance strat´gique associ´e ` la nouvelle activit´ et
            e                e a                  e            vergentes en soulignant l’existence d’une courbe en
la nature du lien op´rationnel qui la relie ` l’entre-
                       e                    a                  cloche dans la relation entre slack et innovation et
prise m`re. Du croisement de ces deux dimensions
        e                                                      par cons´quent l’existence d’un point d’inflexion au-
                                                                        e
d´coulent neuf options organisationnelles pour abri-
  e                                                            del` duquel le niveau de slack exercerait un impact
                                                                  a
ter l’entrepreneuriat organisationnel (Basso, 2004,            n´gatif sur l’innovation.
                                                                e
pp.44-47). Le degr´ d’autonomie de l’action entre-
                     e
preneuriale, et donc la nature de l’encastrement des               La litt´rature sur le slack organisationnel (Bour-
                                                                          e
actions entrepreneuriales dans des structures pr´-  e          geois, 1981 ; Singh, 1986 ; Sharfman et al., 1988 ;
existantes, d´pendent ` la fois de la n´cessit´ d’un
              e            a            e      e               Love et Nohria, 2005) distingue principalement
suivi, du degr´ d’apprentissage n´cessaire, de l’al-
                e                   e                          deux types de slack en se basant sur le caract`re   e
location sp´cifique de ressources et du traitement
            e                                                  plus ou moins red´ployable des ressources et comp´-
                                                                                   e                                 e
des antagonismes entre d´partements et/ou groupes
                              e                                tences en exc`s dans l’organisation : le slack « dis-
                                                                               e
d’individus (Stephen, 2000). Les formes de l’entre-            ponible » et le slack « absorb´ ». Le slack dispo-
                                                                                                  e
preneuriat interne sont multiples : essaimage, start-          nible est par nature flexible, facilement r´cup´rable
                                                                                                              e e
up interne, unit´s op´rationnelles ou structures de
                   e     e                                     ou red´ployable et peut ˆtre illustr´ par l’exemple
                                                                       e                   e            e
type « new venture division », etc. Autant de formes           des b´n´fices non distribu´s (Love et Nohria, 2005)
                                                                     e e                    e
qui d´pendent ` la fois du niveau d’apprentissage
      e           a                                            qui constituent des ressources exc´dentaires imm´-
                                                                                                      e              e
n´cessaire que de la prise de risque et de la protec-
  e                                                            diatement disponibles. Par opposition, le slack ab-
tion contre les « corporate antagonisms ».                     sorb´ correspond aux ressources et comp´tences ex-
                                                                    e                                        e
                                                               c´dentaires qui sont enracin´es dans des routines
                                                                 e                              e
   Beaucoup de travaux demeurent actuellement fo-              organisationnelles (Nelson et Winter, 1982 ; Han-
calis´s sur les manifestations de l’intrapreneuriat.
     e                                                         nan et Freeman, 1984). En d’autres termes, elles
Cette approche descriptive ne permet pas de rendre             sont enchˆss´es dans des r´flexes organisationnels
                                                                            a e               e
compte de la dynamique d’´mergence et d’appro-
                             e                                 ´labor´s au cours du temps et destin´s ` faciliter le
                                                               e       e                                  e a
priation organisationnelle du projet intrapreneurial.          traitement de l’incertitude dans un contexte parti-
Nous proposons en cons´quence de recourir aux tra-
                        e                                      culier. Ce type de ressources et comp´tences n’est
                                                                                                           e
vaux sur le slack organisationnel, afin de mieux ap-            donc pas par d´finition imm´diatement disponible.
                                                                                 e             e
pr´hender le processus d’´mergence et d’appropria-
   e                      e                                    A titre d’illustration peut ˆtre cit´ l’exemple du per-
                                                                                            e       e
tion organisationnelle du projet intrapreneurial.              sonnel en exc`s qui d´die une partie de son activit´
                                                                               e       e                              e
                                                               a
                                                               ` des routines et des tˆches sp´cifiques ou bien du
                                                                                         a        e
                                                               fonds de roulement dont la r´cup´ration va affecter
                                                                                               e     e
L’importance du slack organisationnel                          les relations avec les clients et les fournisseurs in-
dans l’´mergence de processus intra-
       e                                                       t´gr´s dans le cycle d’exploitation (Love et Nohria,
                                                                e e
preneuriaux                                                    2005).

    Le slack organisationnel peut ˆtre d´fini comme
                                   e     e                        La notion de slack revˆt un caract`re fondamental
                                                                                         e           e
un exc´dent de ressources qui permet ` l’organisa-
        e                                a                     pour Penrose (1959) dans son analyse de la crois-
tion de s’adapter aux transformations de son envi-             sance de la firme. En effet, selon cet auteur, les ser-
ronnement et notamment ` des ´volutions dans le
                            a      e                           vices productifs inutilis´s sont une incitation ` l’in-
                                                                                        e                      a
cœur de m´tier. Les th´oriciens de l’organisation ont
            e           e                                      novation et ` la croissance en facilitant dans l’en-
                                                                            a
particuli`rement insist´ sur ses enjeux strat´giques
          e              e                    e                treprise l’introduction de nouvelles combinaisons
en termes d’innovation et de cr´ativit´ (Cyert et
                                   e      e                    de facteurs de production. Cette valorisation sup´-  e
March, 1963) puisqu’il favoriserait la prise de risque         rieure des ressources peut constituer la base d’un
en fournissant des ressources pour la recherche et             avantage concurrentiel durable. Ainsi pour Penrose
l’exp´rimentation de nouveaux projets innovants
      e                                                        (1959), la croissance de l’entreprise est rendue pos-
tels que la cr´ation de nouveaux produits. Il contri-
               e                                               sible par les exc´dents de capacit´s dont elle dis-
                                                                                 e                  e
buerait ainsi ` la flexibilit´ strat´gique de la firme
                a           e      e                           pose. Le slack organisationnel est le carburant de la
et faciliterait la mise en œuvre de comportements              strat´gie de d´veloppement de l’entreprise.
                                                                    e         e
entrepreneuriaux au sein de la firme.
                                                               L’appropriation                  organisationnelle
  Les th´oriciens de l’agence ont par opposition une d’un nouveau projet intrapreneurial :
         e
vision beaucoup plus n´gative de l’utilit´ du slack
                         e                 e
                                                      le rˆle des slackholders
                                                          o
organisationnel (Jensen et Meckling, 1976 ; Jensen,
1993). Selon ces auteurs, l’accumulation de slack r´-
                                                   e     Pour Burgelman (1983b ; 1983a ; 1986), l’en-
pond ` des pr´occupations individuelles et oppor- trepreneuriat organisationnel tient, au moins en
      a        e
tunistes des managers et doit ˆtre per¸ue comme grande partie, aux comportements autonomes des
                                 e       c
un signe d’inefficience. Nohria et Gulati tenteront individus ou groupes d’individus qu’il convient de


Bueno Merino, Grandval et Ronteau                          3
3`mes Journ´es Georges Doriot - L’Intrapreneuriat : Au-del` des discours, quelles pratiques ?
 e         e                                              a



relier aux consid´rations strat´giques de l’entreprise
                   e            e                              direction. Ces managers vont les aider ` construire
                                                                                                          a
pour en assurer une certaine viabilit´ strat´gique.
                                        e        e             une strat´gie et communiquer ` leurs sup´rieurs hi´-
                                                                         e                     a           e         e
Ce processus qu’il nomme Internal Corporate Ven-               rarchiques afin de chercher un relais par l’organisa-
turing (ICV) repose sur des acteurs cl´s du pro-
                                           e                   tion pour assurer l’industrialisation du concept et
cessus : les managers interm´diaires (Middle Ma-
                                e                              la poursuite l´gitime du projet, avec le cas ´ch´ant
                                                                              e                                e e
nagers). Ils sont les garants dans l’organisation de           des moyens d´di´s. Dans cette seconde phase ´merge
                                                                             e e                               e
la transaction des id´es (Van de Ven, 1986) entre
                       e                                       comme central le rˆle du manager interm´diaire - ou
                                                                                   o                       e
les « champions op´rationnels », qui jouent un rˆle
                     e                               o         « champion organisationnel ». C’est lui qui devient
de d´clencheurs, et le sommet strat´gique de l’orga-
     e                               e                         le promoteur du projet pour en assurer autant la vi-
nisation, qui doit canaliser les efforts au regard de           sibilit´ aupr`s de la direction de l’entreprise, seule `
                                                                      e     e                                         a
l’innovation pour garder une certaine consistance              mˆme de lib´rer des ressources compl´mentaires au
                                                                 e          e                           e
entre ses pratiques et ses ambitions (figure 1). Dans           projet (phase de coup de pouce par l’organisation),
cette approche largement reconnue par les auteurs              que pour assurer progressivement l’ancrage organi-
du champ, il apparaˆ que le succ`s du processus
                       ıt             e                        sationnel de l’activit´ en devenir.
                                                                                      e
intrapreneurial ne saurait ˆtre attribuable a un seul
                            e                 `
et unique acteur. En effet, on voit qu’explicitement
se dessinent des profils intrapreneuriaux qu’il serait              Progressivement le rˆle du « champion organisa-
                                                                                         o
difficile voire impossible de retrouver concentr´s ene           tionnel » se substitue au rˆle de « champion pro-
                                                                                             o
une seule et mˆme personne au sein d’une organi-
                 e                                             duit » dans la r´appropriation par l’organisation de
                                                                                e
sation pr´existante. Ainsi, comme le reprend notre
          e                                                    l’initiative locale intrapreneuriale. On voit en ef-
figure 1, Burgelman met en ´vidence dans le proces-
                              e                                fet qu’au fil du processus intrapreneurial le ou les
sus intrapreneurial un chemin critique assurant la             « champions produit » sont progressivement d´pos- e
p´rennit´ d’un projet intrapreneurial et la r´appro-
  e      e                                      e              s´d´s du projet au profit du manager interm´diaire
                                                                e e                                            e
priation par l’organisation de l’initiative ´mergeant
                                            e                  qui cherche progressivement ` d´fendre sa position
                                                                                               a e
du niveau op´rationnel. Et initiative intrapreneu-
               e                                               et sa promotion dans la structuration de l’activit´.  e
riale pour laquelle l’organisation doit construire un          Les processus d’ancrage organisationnel du projet
contexte de routinisation d`s lors que l’objet inno-
                              e                                intrapreneurial, phases de contextualisations stra-
vant est abouti.                                               t´gique et structurelle, laissent une place plus im-
                                                                e
                                                               portante au sommet strat´gique de l’organisation.
                                                                                            e
    Ce faisant, comme le montre Burgelman, le pre-             En effet, charge aux dirigeants de mener une r´-       e
mier profil intrapreneurial s’apparente ` un « cham-
                                         a                     flexion sur l’incidence que peut avoir le projet intra-
pion produit ». Cet individu ou groupe d’individus             preneurial sur le p´rim`tre strat´gique et structurel
                                                                                   e     e       e
ancr´s dans les processus op´rationnels sont ceux
     e                          e                              de l’organisation. Il ne convient pas ici de consid´rer
                                                                                                                   e
qui vont construire le fondement « innovant » du               la direction de l’entreprise comme un intrapreneur.
processus intrapreneurial. En effet, c’est ` ce niveau
                                           a                   N´anmoins, ils sont les garants de l’organisation et
                                                                  e
que se dessinent les pr´misses et les contours du pro-
                       e                                       les promoteurs de l’orientation entrepreneuriale de
jet dans la rencontre entre une technologie et des be-         la firme (Dess, Lumpkin et McGee, 1999). En ce
soins pour lesquels les « champions produit » vont             sens, mˆme s’ils n’apparaissent pas comme centraux
                                                                        e
d´finir un concept ` mˆme de r´pondre ` la pro-
  e                  a e            e         a                dans le processus de s´lection interne des initiatives
                                                                                       e
bl´matique qu’ils se sont construits (projets infor-
   e                                                           intrapreneuriales (traduction litt´rale que l’on pour-
                                                                                                  e
mels) ou pour lesquels ils ont ´t´ missionn´s (projets
                               ee           e                  rait faire de internal corporate venturing), ils jouent
formels). D`s lors que le concept gagne en consis-
             e                                                 un rˆle crucial tant sur la capacit´ des « champions
                                                                     o                             e
tance, les « champions produit » vont chercher un              produit » ` s’engager dans la valorisation d’oppor-
                                                                           a
relais aupr`s de leurs managers pour les accompa-
            e                                                  tunit´s que dans la capacit´ de l’organisation ` r´-
                                                                      e                      e                    a e
gner dans la promotion de leur concept aupr`s de la
                                                e              cup´rer ces initiatives (Ronteau et Durand, 2009).
                                                                    e




Bueno Merino, Grandval et Ronteau                          4
3`mes Journ´es Georges Doriot - L’Intrapreneuriat : Au-del` des discours, quelles pratiques ?
 e         e                                              a




Figure 1 – Activit´s cl´s et p´riph´riques dans le processus intrapreneurial (d’apr`s Burgelman, 1983b)
                  e e         e    e                                               e



    Bien que les travaux de Burgelman soient lar-              M´thodologie : l’extension th´orique
                                                                 e                          e
gement reconnus par la communaut´ scientifique, il
                                       e                       enracin´e dans les cas
                                                                      e
reste n´anmoins difficile d’identifier dans les faits
        e
qui est v´ritablement l’intrapreneur ou l’innovateur
          e                                                         Comme l’observe Burawoy (1991, 1998), p`re      e
dans un projet intrapreneurial. Ce simple constat              fondateur de l’extension th´orique enracin´e dans
                                                                                             e                e
repose essentiellement sur le partage de propri´t´  ee         les cas, « la g´n´ration de th´ories depuis des ter-
                                                                               e e             e
et de responsabilit´ quant au succ`s du processus
                    e                 e                        rains de recherche ´tait peut-ˆtre un imp´ratif au
                                                                                    e           e            e
intrapreneurial. Il convient en effet de reconnaˆ   ıtre        d´but de l’entreprise sociologique [y compris pour
                                                                 e
a
` une coalition d’acteurs, situ´s le long de la chaˆ
                               e                    ıne        les Sciences de Gestion]. Cependant, avec la prolif´-  e
hi´rarchique, leurs rˆles conjoints assurant autant
  e                   o                                        ration des th´ories, la reconstruction semble devenir
                                                                             e
le caract`re innovant que progressivement la r´ap-
          e                                       e            plus urgente encore. Ainsi, au lieu de prendre une
propriation du projet par l’organisation jusqu’` sa
                                                  a            posture de chercheur na¨ et de g´n´rer de nouvelles
                                                                                         ıf       e e
concr´tisation dans des activit´s routini`res exis-
      e                          e          e                  th´ories, nous devrions plutˆt consolider et d´velop-
                                                                  e                         o                  e
tantes voire dans l’´mergence de nouvelles activit´s.
                    e                                e         per ce que nous avons d´j` produit » (1991, p.26).
                                                                                          ea
Nous proposons en ce sens de compl´ter et d’ap-
                                         e                     L’ambition d’une telle posture de recherche consiste
profondir l’approche de Burgelman en recourant au              davantage ` combler les asp´rit´s entre th´ories
                                                                           a                    e e              e
concept de slackholder. Le slackholder sera appr´-    e        existantes par les ´tudes de cas sur lesquelles le cher-
                                                                                  e
hend´ dans la pr´sente recherche ` tout acteur d´-
     e            e                 a                 e        cheur s’appuie pour approfondir la compr´hension
                                                                                                             e
tenteur d’un pouvoir sur l’utilisation des ressources          d’un ph´nom`ne en ayant recours ` des conjectures
                                                                        e     e                     a
et des comp´tences en exc´dent dans l’organisation.
             e             e                                   th´oriques.
                                                                  e
Grˆce ` ce pouvoir, les slackholders sont en me-
   a a
sure d’influer sur l’appropriation organisationnelle
                                                                  La connaissance du ph´nom`ne de l’entrepreneu-
                                                                                         e     e
du projet intrapreneurial.
                                                               riat organisationnel fait l’objet de nombreuses in-
                                                               terpr´tations th´oriques qui s’entrechoquent. Par
                                                                     e          e
                                                               ailleurs, la question du slack organisationnel reste
                                                               souvent absente de ce champ, bien que les liens
                                                               paraissent l´gitimes avec le processus intrapreneu-
                                                                            e
M´thodologie de la recherche
 e                                                             rial. Aussi nous enrichissons la compr´hension du
                                                                                                       e
                                                               ph´nom`ne initial (l’entrepreneuriat organisation-
                                                                  e     e
                                                               nel) en croisant les discours th´oriques (processus
                                                                                                 e
    Nous justifierons dans un premier temps le re-              intrapreneurial et gestion du slack organisationnel)
cours ` l’« extension th´orique enracin´e dans les
       a                 e               e                     et en lui offrant un ancrage op´rationnel dans des
                                                                                                 e
cas » dans le cadre de notre recherche. Nous pr´sen-
                                                e              contextes locaux (notre ´tude de cas). Qui plus est,
                                                                                        e
terons dans un second temps le contexte de notre               nous enracinons dans ces contextes locaux les exten-
´tude de cas d´di´e ` l’analyse d’un projet intrapre-
e              e e a                                           sions th´oriques sur la th´orie principale (au tra-
                                                                        e                  e
neurial spontan´.
                e                                              vers de la proposition du concept de slackholder


Bueno Merino, Grandval et Ronteau                          5
3`mes Journ´es Georges Doriot - L’Intrapreneuriat : Au-del` des discours, quelles pratiques ?
 e         e                                              a



comme concept m´diateur entre deux champs th´o-
                   e                              e            leurs concurrents. N´anmoins, ` grands coups de
                                                                                      e            a
riques a priori distincts). Dans cette recherche, le           campagnes publicitaires, Dynastar s’est appropri´      e
recours ` l’´tude de cas facilite l’analyse longitu-
         a e                                                   le succ`s du ski parabolique aupr`s du grand pu-
                                                                       e                              e
dinale de processus ancr´s dans des contextes or-
                          e                                    blic. Salomon, qui n’´tait arriv´e qu’en 1991 sur le
                                                                                      e           e
ganisationnels par d´finition complexes (diversit´
                       e                            e          march´ des skis, a dˆ faire face ` un vieillissement
                                                                      e               u             a
des slackholders et diversit´ des ´tapes de l’ap-
                              e      e                         pr´matur´ de sa gamme et a subi une chute de ses
                                                                  e      e
propriation organisationnelle du projet intrapreneu-           ventes cons´cutivement ` l’engouement du public
                                                                            e             a
rial). A cette fin, deux types de donn´es ont ´t´
                                          e       ee           pour les skis paraboliques. La baisse des volumes
collect´s : des donn´es primaires obtenues grˆce `
       e             e                          a a            de vente a ´t´ accentu´e par une d´ception de la di-
                                                                           ee           e             e
des entretiens semi-directifs et des donn´es secon-
                                            e                  rection et des salari´s, qui, apr`s s’ˆtre investis dans
                                                                                    e           e e
daires issues de la presse professionnelle et de do-           un projet long comme le ski monocoque (plus de 5
cuments internes ` l’entreprise. Dans cette commu-
                   a                                           ans), ne comprenaient pas comment les ´quipes en
                                                                                                            e
nication, nous concentrerons notre attention sur le            interne (pr`s de 300 personnes) avaient pu passer `
                                                                           e                                          a
cas SnowbladeTM , projet intrapreneurial qui a vu le           cˆt´ d’une tendance de march´ aussi lourde.
                                                                oe                              e
jour dans l’entreprise Salomon. Il s’agit d’une ´tude
                                                e
de cas issue d’une recherche doctorale aboutie (Ron-
teau 2007).                                                       Face ` ce raz de mar´e dans l’industrie des sports
                                                                         a                   e
                                                               d’hiver, d`s 1995 la r´ponse de Salomon a consist´
                                                                           e               e                               e
                                                               a
                                                               ` suivre la tendance pour ´viter de disparaˆ
                                                                                                  e                ıtre du
L’´tude
  e        de   cas    : le   Projet                           champ des fabricants de skis. L’entreprise a donc d´-      e
SnowbladeTM , un projet intrapreneu-                           cid´ d’investir le carving, mais sans disposer de r´els
                                                                   e                                                    e
rial spontan´ chez Salomon
            e                                                  moyens pour se d´marquer des concurrents. Pour-
                                                                                      e
                                                               tant, Salomon s’´tait jusqu’alors fait reconnaˆ sur
                                                                                   e                               ıtre
     L’histoire de l’entreprise Salomon est jalonn´ee          ses march´s par cette identit´ innovante. « Chez Sa-
                                                                           e                        e
d’innovations qui ont assis sa diversification concen-          lomon, l’innovation est un point d’orgue, dans le
trique sur pr`s de 60 ans. Ce sont ces innovations
                   e                                           sens o` elle permet ` l’entreprise de casser les r`gles
                                                                       u                 a                            e
r´guli`res qui ont consolid´ les comp´tences clefs de
 e      e                      e       e                       et de ne pas s’arrˆter sur l’existant. », d´clare Jean-
                                                                                    e                          e
cette entreprise que sont la m´canique, les mat´-
                                    e                e         Louis de Marchi, responsable Bureau d’Etudes In-
riaux composites et les chaussants. Salomon a su               line Skate au d´but des ann´es 2000. Il ´tait inconce-
                                                                                 e                e         e
exploiter ces comp´tences pour aborder des mar-
                          e                                    vable pour Salomon de s’afficher et de se pr´senter   e
ch´s avec toujours une envie d’y pr´senter des pro-
   e                                  e                        sur le march´ du ski avec une image de suiveur.
                                                                               e
duits qui r´volutionnaient la pratique. Le projet in-
               e                                               D`s lors, la direction de l’entreprise et les direc-
                                                                 e
trapreneurial que nous nous proposons ici de d´-     e         teurs de l’activit´ ski ont list´ un certain nombre
                                                                                     e                e
peindre prend ses racines au d´but des ann´es 1990.
                                  e           e                de solutions envisageables et ont d´cid´ de se lan-
                                                                                                          e e
`
A cette ´poque, Salomon est une entreprise diver-
            e                                                  cer dans un projet intrapreneurial formel : « le ski
sifi´e dans le domaine des sports de loisir de plein
    e                                                          3V », dont le cahier des charges se limitait ` cettea
air et sort d’un projet qui a mobilis´ toute l’entre-
                                       e                       description : « Proposer un ski parabolique mono-
prise sur pr`s de 6 ans (1985-1991) pour proposer
                 e                                             coque pouvant r´aliser trois virages l` o` un ski
                                                                                     e                        a u
un ski monocoque en rupture avec les canons in-                parabolique classique ne peut en r´aliser qu’un ».
                                                                                                          e
dustriels de l’´poque. Le contexte d’incrustation du
                   e                                           ` e
                                                               A l’´poque la direction d’activit´ ski ´tait organi-
                                                                                                        e    e
projet SnowbladeTM est essentiel pour saisir les op-           s´e en trois gammes. Il y avait un pˆle ou circuit
                                                                e                                           o
portunit´s qui ont vu le jour dans une p´riode de
            e                                e                 « course » ; un pˆle ou circuit « haut de gamme » ;
                                                                                    o
crise autant interne qu’externe pour l’entreprise. En          et un circuit « interm´diaire » davantage grand pu-
                                                                                           e
effet, au d´but des ann´es 1990, Salomon avait bous-
              e              e                                 blic. Les deux premiers pˆles avaient ´t´ sollicit´s
                                                                                                 o            ee          e
cul´ la hi´rarchie ´tablie entre les fabricants de ski
    e        e          e                                      par la direction de l’entreprise pour rechercher des
en pr´sentant un nouveau concept monocoque qui
       e                                                       solutions et s’engager sur le projet « ski 3V », le pˆle  o
r´volutionnait le mode de production industrielle.
 e                                                             « haut de gamme » ayant pour mission de d´cliner     e
Mais en 1995, de nouveaux skis sont venus boule-               une offre parabolique et d’accompagner le circuit
verser le paysage de l’industrie : les skis carving ou         course dans ce nouveau projet. Le circuit « interm´-       e
paraboliques. L’entreprise HEAD a sorti le premier             diaire » avait quant ` lui ´t´ davantage « laiss´ pour
                                                                                         a      ee                  e
mod`le polyvalent au salon 1995, le cyber, qui a
      e                                                        compte » au regard de ce projet majeur pour l’or-
connu un franc succ`s et qui ´tait l’un des premiers
                           e     e                             ganisation, charge pour son bureau d’´tudes (BE)
                                                                                                              e
skis paraboliques polyvalents. Avec l’arriv´e du ski
                                              e                de travailler ` l’am´lioration des gammes existantes.
                                                                             a         e
carving, les firmes autrichiennes ont commenc´ `    e a         La remobilisation des pˆles « haut-de-gamme » et
                                                                                               o
r´agir et se sont engouffr´es dans le carving. Sa-
 e                             e                               « course » a permis d’att´nuer la crise ´motion-
                                                                                                  e              e
lomon et Dynastar, qui dominaient l’industrie, ont             nelle li´e au statut de suiveur que la « vague para-
                                                                        e
dˆ r´agir face ` ce qui repr´sentait une v´ritable
  u e                a           e              e              bolique » semblait imposer comme comportement
lame de fond. D`s 1996, ces deux entreprises ont
                       e                                       strat´gique ` Salomon. Cependant, le circuit « in-
                                                                     e       a
propos´ des produits presque identiques ` ceux de
          e                                  a                 term´diaire » est rest´ en retrait avec un sentiment
                                                                     e                     e


Bueno Merino, Grandval et Ronteau                          6
3`mes Journ´es Georges Doriot - L’Intrapreneuriat : Au-del` des discours, quelles pratiques ?
 e         e                                              a



amer d’´chec.
       e                                                       ont travaill´ sur deux prototypes : l’un de 90 cm de
                                                                            e
                                                               long et l’autre de 140 cm. Tr`s rapidement l’´quipe
                                                                                              e                e
    C’est pr´cis´ment au sein du BE de la gamme
            e e                                                a r´ussi ` d´velopper des prototypes dont les per-
                                                                  e      a e
« interm´diaire » qu’est n´ en septembre 1995 le
          e                  e                                 formances supplantaient celles de l’existant. Sur les
projet qui allait donner le jour au SnowbladeTM .              bases de ces prototypes, l’´quipe a structur´ dans
                                                                                            e                 e
« Le projet SnowbladeTM s’est d´velopp´ dans une
                                   e       e                   son coin des plans et un prototype de », qui furent
p´riode de crise externe assez grave pour l’en-
  e                                                            soumis ` la direction de l’entreprise en esp´rant un
                                                                       a                                    e
semble des fabricants de ski, mais ´galement dans
                                      e                        coup de pouce pour prolonger le projet et b´n´ficier
                                                                                                             e e
un contexte de crise en interne, puisqu’il r´gnait ce
                                             e                 des ressources du reste de l’organisation. Le projet
sentiment g´n´ral d’ˆtre pass´ ` cˆt´ de la plaque
              e e      e        e a oe                         rentrait d`s lors dans une phase o` il ´tait n´ces-
                                                                          e                          u e         e
sur le carving. Tout cela nous donnait envie de tra-           saire de lui conf´rer une visibilit´ au regard de la
                                                                                 e                 e
vailler sur des concepts compl`tement diff´rents. »,
                                e            e                 direction d’activit´ et de la direction g´n´rale, et ce
                                                                                   e                    e e
nous a indiqu´ Pierre Desarmaux, directeur de l’ac-
               e                                               pour capter des ressources n´cessaires au prolonge-
                                                                                              e
tivit´ Gear Alpin au d´but des ann´es 2000 et an-
     e                   e             e                       ment de l’aventure.
cien responsable du projet SnowbladeTM . Membre
du BE sur le circuit « interm´diaire », Pierre De-
                                 e                                 C’est lors d’une journ´e de tests de produits dans
                                                                                              e
sarmaux faisait parti de ces personnes qui avaient             la vall´e de la Tarentaise courant d´cembre 1995
                                                                        e                                       e
´t´ « laiss´es pour compte » et qui n’avaient pas
ee          e                                                  que le « miniski » est pr´sent´ parmi d’autres pro-
                                                                                               e     e
´t´ mobilis´es sur le projet « 3V ». Reprenant les
ee           e                                                 totypes ` la direction. Jean-Fran¸ois Gautier, alors
                                                                          a                              c
jalons du ski « 3V » en travaillant sur des « skis             directeur g´n´ral de l’entreprise prend part aux es-
                                                                              e e
courts », il a ainsi pris la tˆte d’une petite ´quipe
                              e                e               sais avec les directeurs de l’activit´ ski, qui n’avaient
                                                                                                          e
de huit personnes issues de son BE, qui travaillait            jusque-l` d’yeux que pour le projet « 3V ». « On fai-
                                                                          a
sur des concepts qui existaient d´j`. Cette ´quipe
                                     ea        e               sait un peu image de fous avec dans le ski un gros
s’est structur´e sans ˆtre directement missionn´e
                e        e                          e          investissement consenti sur la course et l’entretien
par la direction, mais avec le souci de participer ` a         de teams (Franck Picard pour le « 3V ») et on ar-
la recherche de solutions « diff´renciantes » dans la
                                 e                             rivait avec un petit ski sans aucune caution. », a
tradition de l’identit´ Salomon. Ce faisant, ils s’en-
                       e                                       d´clar´ Pierre Desarmaux. Le projet n’a pas ` ce
                                                                 e     e                                                a
gageaient dans un projet intrapreneurial de nature             moment l` de l´gitimit´ interne. Jusqu’` cette jour-
                                                                            a     e         e                      a
informelle, de type « d´veloppement en perruque »,
                         e                                     n´e les ressources mobilis´es par l’´quipe projet ont
                                                                 e                              e          e
c’est-`-dire sans le consentement pr´alable de la di-
       a                              e                        ´t´ d´tourn´es par Pierre Desarmaux. C’est sur la
                                                               ee e            e
rection g´n´rale. En effet, dans cette version la plus
          e e                                                  phase de test et sous l’impulsion directe de Jean-
informelle de l’action intrapreneuriale, le projet se          Fran¸ois Gautier qu’il a ´t´ d´cid´ de donner une
                                                                     c                          ee e e
d´roule en l’absence de toutes contraintes de type
  e                                                            suite au projet SnowbladeTM . Durand (2003) rap-
planification, contrˆle financier ou mˆme revue de
                     o                   e                     porte comment la direction g´n´rale en est venue `
                                                                                                    e e                    a
produits.                                                      l´gitimer le projet : « Un matin de f´vrier 1996, le
                                                                e                                              e
                                                               pr´sident de Salomon, Jean-Fran¸ois Gautier, choi-
                                                                  e                                      c
    `
    A l’origine du projet, l’utilisateur des ressources        sit d’accompagner une ´quipe de d´veloppeurs pour
                                                                                            e               e
est Pierre Desarmaux qui, en tant que d´veloppeur
                                             e                 faire des tests d’´quipements de ski dans une sta-
                                                                                    e
du projet intrapreneurial, va ˆtre contraint de d´-
                                  e                  e         tion de la Tarentaise. [...] Ce matin-l`, ils sont 6 ou
                                                                                                               a
tourner des ressources exc´dentaires. En effet, il va
                             e                                 7 plus le pr´sident, la matin´e est harassante, ils
                                                                                e                    e
mobiliser une partie des ressources de son Bureau              font test sur test, virage sur virage... Ils regardent
d’Etudes, partie non occup´e ` plein temps, pour
                               e a                             si les prototypes r´pondent bien aux objectifs fix´s
                                                                                      e                                   e
les utiliser dans un projet pour lequel il n’est pas           par les directions marketing, techniques... La fin de
directement missionn´. Ainsi pour ce projet, Pierre
                       e                                       la matin´e arrive et ils s’apprˆtent ` aller d´jeu-
                                                                           e                           e        a      e
Desarmaux mobilise le slack organisationnel du Bu-             ner quand l’un des d´veloppeurs [Pierre Desarmaux]
                                                                                        e
reau d’Etudes du circuit « interm´diaire » - ` sa-
                                       e          a            ´voque l’un de ses prototypes. » Chacun souhaite
                                                               e
voir huit personnes non missionn´es pour le pro-
                                      e                        alors voir l’objet, pr´sent´ par Pierre Desarmaux
                                                                                          e       e
jet « 3V ». Il parvient d’autant mieux ` mobiliser
                                             a                 comme un jouet, un gadget... Ce n’est pas un ski, ce
ce slack que les membres de l’´quipe partagent un
                                   e                           n’est pas un patin, c’est la moiti´ d’un ski. Pendant
                                                                                                        e
sentiment de « mise de cˆt´ ». Ils ressentent en ef-
                           oe                                  une demi-heure le groupe teste le produit et y prend
fet le besoin de prouver en interne qu’ils peuvent             visiblement beaucoup de plaisir. L’apr`s-midi, dans
                                                                                                                 e
ˆtre innovateurs et qu’ils sont capables de prendre
e                                                              une arri`re-salle du restaurant o` ils ont d´jeun´, ils
                                                                          e                            u             e e
leur revanche quant ` l’empreinte n´gative qu’avait
                      a                 e                      ´tudient, tests apr`s tests, tous les ´quipements sur
                                                               e                      e                      e
laiss´ le projet monocoque dans les ´changes entre
      e                                   e                    lesquels ils ont travaill´ le matin mˆme. La fin de la
                                                                                           e                e
salari´s. Dans un premier temps, l’´quipe a ainsi
        e                                 e                    journ´e arrive et personne n’a reparl´ de ces demi-
                                                                      e                                        e
travaill´ « en perruque » sur des mod`les d´coulant
          e                                e   e               skis. Jean-Fran¸ois Gautier remet alors la question
                                                                                  c
directement des « big foot », sortes de miniskis qui           sur la table. Il demandera finalement ` ses collabo-
                                                                                                                 a
pˆchaient par un niveau de skiabilit´ ex´crable. Ils
  e                                      e e                   rateurs de d´broussailler cette piste, convaincu de
                                                                                e


Bueno Merino, Grandval et Ronteau                          7
3`mes Journ´es Georges Doriot - L’Intrapreneuriat : Au-del` des discours, quelles pratiques ?
 e         e                                              a



l’existence possible d’un march´ pour ce produit...
                                  e                                Le projet aura dur´ un peu plus d’un an, p´-
                                                                                        e                          e
Le projet ` ce moment l` va gagner en officialisation
           a              a                                     riode durant laquelle l’´quipe a lev´ progressive-
                                                                                           e         e
et en visibilit´, et ce en d´pit des investissements
                e             e                                 ment les contraintes de performance et celles li´es `
                                                                                                                e a
lourds qui ont ´t´ d´di´s au projet « 3V ». La pos-
                  ee e e                                        l’industrialisation. Le SnowbladeTM fut pr´sent´ en
                                                                                                           e     e
sibilit´ est laiss´e ` l’´quipe initiale de poursuivre
       e          e a e                                         f´vrier 1997 au Salon des fabricants. Le succ`s du
                                                                 e                                             e
le projet « miniskis » mais sans ressources d´di´es
                                                e e             SnowbladeTM a d´pass´ les attentes de la direction,
                                                                                   e    e
et donc l’affectation d’un budget propre. L’´quipe
                                               e                qui pr´voyait la vente de 25.000 paires sur la pre-
                                                                       e
initiale est cependant autoris´e ` r´cup´rer du slack
                                e a e     e                     mi`re ann´e. Elle a dˆ faire face ` l’engouement
                                                                    e      e            u          a
absorb´ dans les autres services de la direction ski
         e                                                      du public, puisqu’en quelques mois pr`s de 100.000
                                                                                                      e
(marketing et industrialisation).                               paires se sont vendues. En amont, le succ`s ´cono-
                                                                                                           e e
                                                                mique du projet tient dans les innovations de pro-
                                                                c´d´ qui ont ´t´ amen´es pour limiter l’investisse-
                                                                  e e          ee        e
   Ayant re¸u un « coup de pouce » de la direc-
              c                                                 ment dans un produit non budg´t´. En effet, compte
                                                                                               ee
tion apr`s 4 mois de d´veloppement en perruque,
           e              e                                     tenu du statut « bottom-up » du projet, l’´quipe
                                                                                                             e
le projet pouvait d`s lors rentrer dans une phase
                       e                                        a su d´velopper le produit pour un coˆt global de
                                                                       e                               u
de « contextualisation strat´gique » au cours de la-
                              e                                                      ˘
                                                                l’ordre de 100.000A, ce qui reste un coˆt bien en
                                                                                                         u
quelle l’´quipe projet pouvait se lancer dans des
           e                                                    de¸` du d´veloppement d’un nouveau ski.
                                                                   ca      e
it´rations de prototypes et rentrer dans une phase
  e
d’industrialisation. De mani`re concourante, la di-
                               e
rection ski allait pouvoir mobiliser les r´seaux de
                                              e
distribution pour convenir de leurs demandes au re-
                                                                Discussion
gard de ce nouveau produit. C’est dans cette phase
                                                                    Grˆce ` leur pouvoir sur l’utilisation des res-
                                                                      a a
que vont se dessiner les conditions du succ`s in-  e
                                                                sources et des comp´tences exc´dentaires, les slack-
                                                                                    e          e
dustriel et ´conomique du projet. Du fait du sta-
              e
                                                                holders sont en mesure d’influer sur l’appropriation
tut « semi-officiel » du projet, Pierre Desarmaux
                                                                organisationnelle du projet intrapreneurial. Le suc-
peut dor´navant mobiliser d’autres membres du bu-
           e
                                                                c`s de cette appropriation va d´pendre de leur pr´-
                                                                 e                              e                 e
reau d’´tudes pour travailler sur le SnowbladeTM ,
         e
                                                                sence ` diff´rents niveaux hi´rarchiques de l’organi-
                                                                      a    e                e
personnes qui travaillaient jusqu’` maintenant sur
                                    a
                                                                sation.
d’autres projets. L’´quipe peut ainsi r´gler les pro-
                       e                  e
bl`mes de faible r´sistance des prototypes en faisant
  e                  e
r´aliser des ´tudes sur la g´om´trie (solidit´, lignes
 e            e              e e                e               De l’intrapreneur au slackholder :
de cˆte) des SnowbladeTM et par l` mˆme am´lio-
      o                               a e            e          ´mergence d’un nouveau concept
                                                                e
rer leurs caract´ristiques de flexion (du 15/12/1995
                   e
au 15/04/1996). Le projet ne disposant pas d’un                     Le cas SnowbladeTM nous incite ` envisager deux
                                                                                                         a
budget propre et ne pouvant investir dans de nou-               cat´gories d’individus dans la mise en œuvre d’un
                                                                    e
velles infrastructures industrielles, il convenait de           projet intrapreneurial spontan´ : l’intrapreneur,
                                                                                                      e
ce point de vue de rechercher des solutions inno-               c’est-`-dire l’individu (ou le petit groupe d’indivi-
                                                                       a
vantes pour ´chapper aux investissements inh´rents
               e                                  e             dus) ` l’origine de l’id´e innovante, et le slackhol-
                                                                        a                    e
a
` l’industrialisation d’un nouveau ski (plus ou moins           der, c’est-`-dire l’individu qui va disposer d’un pou-
                                                                            a
          ˘
180.000A amortis sur 4 ou 5 tailles de skis). C’est             voir sur les ressources exc´dentaires lui permettant
                                                                                               e
pr´cis´ment sur ce point que s’est dessin´ le succ`s
   e e                                        e        e        de contribuer ` la mise en œuvre du projet intra-
                                                                                   a
´conomique du projet. En effet, le prototype final
e                                                               preneurial. Cette capacit´ ` r´cup´rer du slack ab-
                                                                                               ea e     e
du SnowbladeTM faisait 90 cm de long et les lignes              sorb´ facilite l’appropriation organisationnelle du
                                                                      e
de production ne pouvaient accepter des skis d’une              projet intrapreneurial, assimil´e dans la pr´sente
                                                                                                    e           e
longueur inf´rieure ` 110 cm. Aussi, l’´quipe pro-
               e        a                   e                   recherche ` l’int´gration progressive du projet `
                                                                             a       e                               a
jet a d´velopp´ une solution ing´nieuse (innovation
        e        e                e                             l’activit´ courante de l’entreprise. L’affectation de
                                                                          e
de proc´d´) pour pouvoir utiliser l’outil industriel
          e e                                                   ressources au projet intrapreneurial revˆt en effet
                                                                                                              e
existant : la « production en siamois ». L’´quipe a
                                                e               dans notre ´tude de cas un caract`re incr´men-
                                                                                e                          e    e
ainsi imagin´ de produire un corps de 190 cm de
               e                                                tal : des ressources exc´dentaires sont dans un pre-
                                                                                             e
long, puis de le couper en deux et de redresser les             mier temps d´tourn´es par l’intrapreneur (l’´quipe
                                                                                  e      e                      e
spatules sans pour autant compromettre les perfor-              de Desarmaux) puis r´cup´r´es officiellement par le
                                                                                           e    ee
mances et les contraintes g´om´triques du produit.
                             e e                                management interm´diaire suite au coup de pouce
                                                                                         e
Progressivement le projet gagne en l´gitimit´ et la
                                        e         e             de la direction g´n´rale. Le processus d’appropria-
                                                                                     e e
direction ski mobilise des ressources marketing pour            tion organisationnelle s’ach`vera au moment de l’in-
                                                                                                 e
commencer ` envisager les volumes de vente atten-
               a                                                t´gration d´finitive du projet intrapreneurial dans
                                                                 e            e
dus et la publicit´ de ce nouveau concept de glisse.
                     e                                          l’activit´ courante de l’entreprise. A ce stade, le
                                                                          e
On voit ainsi que progressivement du slack absorb´      e       projet se transforme en activit´ de l’entreprise avec
                                                                                                   e
d’autres activit´s se lib`re pour l’activit´ ` naˆ
                   e      e                   e a ıtre          affectation de ressources officielles d´di´es et donc
                                                                                                           e e
(notamment en marketing et en production).                      attribution d’un budget de fonctionnement. L’orga-


Bueno Merino, Grandval et Ronteau                           8
3`mes Journ´es Georges Doriot - L’Intrapreneuriat : Au-del` des discours, quelles pratiques ?
 e         e                                              a



nisation s’approprie en effet le projet en lui fournis- des comptes ` rendre... » (p.154).
                                                                                  a
sant l´gitimit´ et ressources (Bouchard, 2009, p.15).
       e         e
                                                                    L’´tude du cas SnowbladeTM a facilit´ l’identifi-
                                                                      e                                            e
    L’intrapreneur « spontan´ » est n´cessairement cation de deux cat´gories de slackholders, reprises
                                    e          e                                         e
un slackholder, il n’a pas le choix. Ne disposant dans le tableau 1. D’une part, le « slackholder-
pas d’un budget pr´´tabli, sa capacit´ ` mobiliser intrapreneur » (l’´quipe de D´sarmaux) dispose de
                         ee                     e a                                   e              e
des ressources exc´dentaires est primordiale, afin deux comp´tences-cl´s : une capacit´ ` innover,
                        e                                                       e          e                     e a
d’assurer la mise en œuvre de son id´e et d’œu- c’est-`-dire ` proposer un nouveau produit sur le
                                                 e                      a        a
vrer pour son int´gration dans l’activit´ courante march´, et une capacit´ ` s’approprier temporaire-
                      e                            e                     e                    ea
de l’entreprise. On parlera dans ce cas de « mobi- ment et dans l’ombre du slack absorb´ (un personnel       e
lisation de ressources en perruque » ou encore de sous-utilis´ affect´ uniquement ` l’am´lioration des
                                                                              e       e                a        e
« management clandestin de l’innovation » (Basso, gammes existantes) afin d’assurer le d´veloppement            e
2004, p.20) afin d’insister sur le caract`re informel de son projet. C’est l’initiateur du projet intrapre-
                                                 e
du pouvoir dont dispose l’intrapreneur sur les res- neurial. D’autre part, le « slackholder-manager »
sources exc´dentaires. Pour d´velopper son projet, (la direction des skis) qui, suite au coup de pouce
              e                        e
l’intrapreneur doit d´tourner du slack organisation- donn´ par la direction g´n´rale au projet, doit par-
                          e                                            e                       e e
nel, autrement dit des ressources qui sont officiel- venir ` r´cup´rer du slack absorb´, afin de per-
                                                                         a e        e                       e
lement affect´es au fonctionnement normal de l’en- mettre ` l’intrapreneur de lever ses contraintes tech-
                e                                                         a
treprise. Sa r´ussite est donc subordonn´e ` sa ca- niques et industrielles en lui fournissant ressources
                 e                                 e a
pacit´ ` convaincre d’autres coll`gues ` le rejoindre et comp´tences compl´mentaires. Contrairement `
       ea                                e      a                          e                 e                                 a
dans le d´veloppement de son projet. L’intrapre- l’intrapreneur, le rˆle du slackholder-manager sem-
            e                                                                           o
neur doit disposer en cons´quence d’un savoir-faire blerait se limiter ` l’affectation de ressources man-
                                  e                                                   a
politique et relationnel et ˆtre capable de g´n´rer la quantes ` l’intrapreneur mais n´cessaires ` la mise
                                 e                     e e                  a                           e             a
confiance et l’adh´sion de ses collaborateurs. Dans en œuvre et ` l’appropriation organisationnelle du
                      e                                                           a
le cas du projet SnowbladeTM , l’intrapreneur (De- projet. Cette affectation suppl´mentaire de res-       e
sarmaux) a d´tourn´ des ressources dans son envi- sources peut contribuer ` donner lieu ` d’autres
                 e        e                                                                      a                  a
ronnement interne proche : le bureau d’´tude dans innovations (exemple de la production en siamois
                                                   e
lequel il travaillait avait en effet pour mission d’am´- pour laquelle la direction des skis a affect´ des res-
                                                               e                                                     e
liorer les gammes existantes. Par ailleurs, il a su sources compl´mentaires d’industrialisation ; cette
                                                                                    e
obtenir un coup de pouce de la part de sa direc- innovation de proc´d´ reste cependant ` l’initiative
                                                                                        e e                       a
tion g´n´rale. Le concept de slackholder permet ici de l’´quipe de D´sarmaux). N´anmoins, il s’agira
        e e                                                            e              e                e
d’insister sur la n´cessit´, pour l’intrapreneur, de surtout d’innovations d’adaptation destin´es ` faci-
                       e        e                                                                                    e a
d´velopper un comportement organisationnel sp´- liter la mise en œuvre du projet intrapreneurial. Par
  e                                                            e
cifique assimil´ par certains ` celui d’un « animal ailleurs, la prise de risque quant ` la r´cup´ration de
                   e                  a                                                                a      e      e
politique » (Basso, 2004, p.28). Selon Basso (2004), slack organisationnel semble plus importante dans
la capacit´ ` collecter des ressources hors des pro- le cas du slackholder-intrapreneur qui, pour assu-
            ea
c´dures budg´taires implique pour l’intrapreneur la rer le d´veloppement de son projet, doit dans un
  e              e                                                         e
pratique de jeux politiques pour influer sur l’or- premier temps agir dans l’ombre et d´tourner des               e
ganisation. D’Amboise et Verna (1993) ont ´gale- ressources de leur utilisation normale par l’organi-
                                                          e
ment soulign´ la capacit´ de l’entrepreneur interne sation. La capacit´ ` innover et ` s’appuyer sur
                e              e                                                        e a                a
a e e
` f´d´rer et ` s’approprier temporairement du slack un r´seau informel semble ˆtre le principal crit`re
               a                                                      e                            e                        e
organisationnel : « Sachant rassembler les ´nergies distinctif entre nos deux cat´gories de slackholders.
                                                        e                                          e
et les ressources et les combiner pour mettre en Dans notre ´tude de cas, l’intrapreneur est n´ces-
                                                                                 e                                        e
œuvre son projet, [l’entrepreneur interne] trouvera sairement un slackholder, de par sa capacit´ ` mo-                  ea
toujours, dans une grande organisation, des res- biliser des ressources exc´dentaires afin d’assurer la
                                                                                                e
sources non utilis´es et des personnes mal employ´es mise en œuvre et l’appropriation organisationnelle
                     e                                       e
et d´sireuses de participer ` une tˆche plus in- de son projet. Mais le slackholder n’est pas n´cessai-
      e                               a        a                                                                        e
t´ressante. Cet entrepreneur interne s’associera ` rement un intrapreneur... Toutefois, ces deux cat´-
 e                                                              a                                                             e
d’autres collaborateurs, organisera son ´quipe et gories d’acteurs se r´v`lent compl´mentaires dans
                                                     e                                     e e             e
se mettra ` l’œuvre. ». Bouchard (2009), quant ` le d´veloppement et l’appropriation organisation-
             a                                                  a     e
elle, met en avant l’importance du premier soutien nelle du projet, l’intrapreneur devant faire appel
officiel, que nous avons assimil´ ` un « coup de ` des ressources et des comp´tences en dehors de
                                         e a                      a                                  e
pouce » de la direction g´n´rale dans notre ´tude son contrˆle. L’intrapreneur a besoin du soutien
                                 e e                      e                   o
de cas : « Tˆt ou tard, cependant, tous les intrapre- d’autres slackholders pour assurer la poursuite de
              o
neurs sont confront´s aux limites de l’informalit´ et son projet. Comme l’ont montr´ certains auteurs
                        e                                   e                                            e
doivent se mettre en quˆte d’un appui officiel. Pour (Burgelman, 1983b ; Brunaker et Kurviner, 2006),
                              e
aller de l’avant, ils ont besoin de ressources mais le middle-management a donc un rˆle ` jouer dans       o a
´galement de l´gitimit´ : n’oublions pas que les in- le processus intrapreneurial, autrement dit dans le
e                  e        e
trapreneurs sont de simples employ´s et qu’ils ont processus de mise en œuvre de l’innovation.
                                             e

Bueno Merino, Grandval et Ronteau                              9
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IMPACTS SUR LES PROFESSIONNELS DU SPRO
 

L'appropriation organisationnelle d'un projet intrapreneurial

  • 1. L’appropriation organisationnelle d’un projet ´ ˆ intrapreneurial spontane : le role des slackholders Pascale Bueno Merino ∗ Samuel Grandval † S´bastien Ronteau ‡ e Communication pr´sent´e aux 3`mes Journ´es Georges Doriot e e e e « L’Intrapreneuriat : Au-del` des discours, quelles pratiques ? » a 4 et 5 Mars 2010 - Caen - France R´sum´ e e Dans ce papier, nous insistons sur l’importance du slack organisationnel dans l’´mergence de pro- e cessus intrapreneuriaux spontan´s, c’est-`-dire r´sultant d’initiatives individuelles de la part d’em- e a e ploy´s. Nous concentrons notre attention sur le rˆle des acteurs d´tenteurs d’un pouvoir sur l’uti- e o e lisation des ressources et des comp´tences en exc´dent dans l’organisation. Ces acteurs, pr´sents ` e e e a diff´rents niveaux hi´rarchiques de l’entreprise, vont faciliter l’appropriation organisationnelle du nou- e e veau projet intrapreneurial. A l’image des concepts de shareholder ou de stakeholder dans l’analyse de la cr´ation de valeur, nous retiendrons et proposons celui de « slackholder » afin de mettre en e exergue les enjeux li´s a l’existence au sein de l’organisation d’une coalition d’acteurs a l’origine de e ` ` la mise en œuvre et de l’appropriation par l’organisation d’un nouveau projet intrapreneurial. Mots Cl´s : Intrapreneuriat spontan´, Slack organisationnel, Slackholder, Appropriation organisation- e e nelle Introduction sur l’identification et l’accompagnement d’entrepre- neurs internes que sur leur capacit´ ` entretenir un ea L’innovation tient une place importante dans slack organisationnel dans un souci de revitalisation les pr´occupations strat´giques des dirigeants. Se- de l’entreprise (Penrose, 1959). e e lon une ´tude du Boston Consulting Group1 (2007), e 66% des dirigeants d’entreprise interrog´s placent e l’innovation parmi leurs trois principales priori- Dans ce papier, nous insisterons sur l’importance t´s strat´giques et 67% des r´pondants comptent du slack organisationnel dans l’´mergence de pro- e e e e accroˆıtre leurs investissements dans l’innovation. cessus intrapreneuriaux spontan´s. Nous concentre- e « Une innovation se traduit en nouveaux produits rons notre attention sur le rˆle des acteurs d´ten- o e et services, ou en nouveaux mod`les de penser et teurs d’un pouvoir sur l’utilisation des ressources et e d’agir, d’organiser, de g´rer ses relations et ses des comp´tences en exc´dent dans l’organisation. e e e modes d’appropriation » (Tabatoni, 2005, p.10). Ces acteurs, pr´sents ` diff´rents niveaux hi´rar- e a e e Les chercheurs en Sciences de Gestion se sont in- chiques de l’entreprise, vont faciliter l’appropriation t´ress´s ` la mani`re dont les individus et les organisationnelle d’un nouveau projet intrapreneu- e e a e groupes agissent pour produire des id´es nouvelles rial, que nous assimilons dans la pr´sente recherche e e et les transformer en de nouveaux produits, de nou- ` l’int´gration progressive du projet dans l’activit´ a e e veaux processus et de nouvelles formes organisa- courante de l’entreprise. A l’image des concepts de tionnelles. Il ressort de ces travaux que les processus shareholder ou de stakeholder dans l’analyse de la qui sous-tendent la production d’innovations sont cr´ation de valeur, nous retiendrons et proposons e multiformes et complexes. A ce titre, les enjeux celui de « slackholder » afin de mettre en exergue qui incombent aux organisations reposent autant les enjeux li´s ` l’existence au sein de l’organisa- e a ∗ ESSCA - pascale.buenomerino@essca.fr † ESSCA ‡ ESSCA 1
  • 2. 3`mes Journ´es Georges Doriot - L’Intrapreneuriat : Au-del` des discours, quelles pratiques ? e e a tion d’une coalition d’acteurs ` l’origine de la mise a Ainsi, dans un souci de clart´ et d’exhaustivit´, e e en œuvre et l’appropriation par l’organisation d’un nous choisissons d’adopter une d´finition adapt´e e e nouveau projet intrapreneurial. des travaux de Sharma et Chrisman, ` savoir que a l’entrepreneuriat organisationnel - ou intrapreneu- riat - s’entend comme « le processus par lequel un Cadre th´orique e individu ou un groupe d’individus, au sein d’une en- treprise existante ou en association avec elle, cr´ent e En premier lieu, nous pr´senterons des ´l´- e ee une nouvelle activit´ ou innovent pour renouveler e ments de d´finition du processus intrapreneurial. En e tout ou partie d’une activit´ existante » (adapt´ de e e deuxi`me lieu, nous soulignerons l’importance du e Sharma et Chrisman, 1999, p. 17-20). Cette d´fi- e concept de slack organisationnel dans l’´mergence e nition a pour avantage d’attraper une diversit´ de e d’un tel processus, notamment s’agissant d’initia- situations dans lesquelles se cr´ent de nouvelles acti- e tives spontan´es de la part d’employ´s. En troisi`me e e e vit´s ou innovations au sein d’entreprises d´j` exis- e ea lieu, nous mobiliserons les travaux de Burgelman tantes. En effet, on s’aper¸oit, par la diversit´ des c e (1983b) qui ont le m´rite d’identifier les diff´rents e e travaux sous-tendant le corpus, que les auteurs mo- acteurs ` l’œuvre dans le processus intrapreneurial. a bilisent le concept pour rendre compte de ph´no- e m`nes bien diff´rents. N´anmoins, il est possible de e e e L’intrapreneuriat : une pluralit´ de distinguer plusieurs points d’accords repr´sentant e e concepts et d’approches autant d’enjeux manag´riaux. Ces derniers vont e s’exprimer notamment ` travers le degr´ d’autono- a e Les travaux relevant de l’entrepreneuriat organi- mie de l’action entrepreneuriale. sationnel sont caract´ris´s par un foisonnement de e e termes et de situations qui peuvent conduire ` l’in- a compr´hension de r´alit´s dans l’entreprise (Sharma e e e Pour des individus ou des groupes d’individus, et Chrisman, 1999). De plus, ils emploient parfois l’autonomie concerne leur capacit´ ` s’approprier la ea des termes identiques pour parler de r´alit´s bien poursuite d’une opportunit´. Dans un contexte or- e e e diff´rentes. Comme le rappellent Zahra, Nielsen et ganisationnel, l’autonomie englobe l’ensemble des e al. (1999), la litt´rature sur le Corporate Entrepre- actions autoris´es ou acceptables pour s’extraire e e neurship fait d´sormais partie int´grante de la litt´- de contraintes organisationnelles ´touffantes (Dess, e e e e rature du management strat´gique. Nourris par les e Lumpkin et McGee, 1999). L’autonomie, octroy´e e questions actuelles de revitalisation des entreprises, et/ou conquise, va varier selon la nature et le degr´ e les travaux se focalisent sur les manifestations, les de formalisation de l’autorisation d’entreprendre ant´c´dents et sur les effets des activit´s relevant de (Zahra, 1993). Celle-ci peut ˆtre formelle et in- e e e e l’entrepreneuriat d’entreprise. duite par le sommet strat´gique qui d´livre un man- e e dat strat´gique ` des unit´s op´rationnelles, des in- e a e e Aujourd’hui encore, ce courant de l’entrepre- dividus ou des groupes, pour œuvrer de mani`re e neuriat organisationnel souffre d’une multitude de autonome dans l’organisation (Burgelman, 1983b ; concepts qui gravitent autour de faits et actions di- 1983a ; 1991). Ou ` l’inverse, elle peut ˆtre infor- a e rectement observables. L’examen de la terminolo- melle et conquise d`s lors qu’elle rel`ve d’activi- e e gie employ´e nous montre ` quel point les d´fini- t´s non prescrites, non attendues et non autori- e a e e tions ne font pas l’unanimit´ au sein d’un mˆme e e e s´es, dans lesquelles s’engagent des individus qui corpus. Toutefois, malgr´ les divergences, la plu- se fraient un chemin ` eux, dans un contexte pe- e a part des auteurs s’accordent sur la d´finition pro- e sant, parfois complice et souvent hostile, parce qu’ils pos´e par Guth et Ginsberg (1990), ` savoir que croient ` une opportunit´ et veulent avancer. Cette e a a e « l’entrepreneuriat d’entreprise peut regrouper ` la a seconde approche a ´t´ popularis´e par les travaux ee e fois la gen`se de nouvelles activit´s dans des acti- e e de Gifford Pinchot sous la terminologie d’intrapre- vit´s pr´existantes et la transformation, ou la re- neuriat (Pinchot, 1985). Dans sa version la plus e e naissance, des organisations par un renouvellement informelle, l’action entrepreneuriale se d´roule en e des concepts-cœurs, sur lesquels elles se sont d´ve-e l’absence de toutes contraintes de type planifica- lopp´es2 » . N´anmoins, cette d´finition ne permet tion, contrˆle financier ou mˆme revue de produits e e e o e pas d’appr´hender les diff´rentes logiques d’institu- e e - ce qui est commun´ment appel´ « d´veloppement e e e tionnalisation des id´es dans l’organisation (Van de e en perruque ». Cette question de la formalisation Ven, 1986). C’est notamment le cas pour la ques- de l’autorisation d’entreprendre fait r´f´rence ` laee a tion de la mise en tension dans l’organisation entre nature du soutien par le sommet strat´gique.e les ambitions et les ressources. Les logiques d’insti- tutionnalisation des id´es adoptent des dynamiques e L’autonomie peut ´galement r´sulter du design e e diff´rentes selon qu’elles prennent pied dans des en- organisationnel. Comme le rappelle Olivier Basso e treprises d´j` existantes ou qu’elles rel`vent de l’en- qui reprend des travaux de Burgelman (1984), le ea e trepreneuriat individuel. locus de l’action entrepreneuriale d´coule de la e Bueno Merino, Grandval et Ronteau 2
  • 3. 3`mes Journ´es Georges Doriot - L’Intrapreneuriat : Au-del` des discours, quelles pratiques ? e e a conjonction de deux dimensions que sont l’impor- en 1997 de r´concilier ces deux interpr´tations di- e e tance strat´gique associ´e ` la nouvelle activit´ et e e a e vergentes en soulignant l’existence d’une courbe en la nature du lien op´rationnel qui la relie ` l’entre- e a cloche dans la relation entre slack et innovation et prise m`re. Du croisement de ces deux dimensions e par cons´quent l’existence d’un point d’inflexion au- e d´coulent neuf options organisationnelles pour abri- e del` duquel le niveau de slack exercerait un impact a ter l’entrepreneuriat organisationnel (Basso, 2004, n´gatif sur l’innovation. e pp.44-47). Le degr´ d’autonomie de l’action entre- e preneuriale, et donc la nature de l’encastrement des La litt´rature sur le slack organisationnel (Bour- e actions entrepreneuriales dans des structures pr´- e geois, 1981 ; Singh, 1986 ; Sharfman et al., 1988 ; existantes, d´pendent ` la fois de la n´cessit´ d’un e a e e Love et Nohria, 2005) distingue principalement suivi, du degr´ d’apprentissage n´cessaire, de l’al- e e deux types de slack en se basant sur le caract`re e location sp´cifique de ressources et du traitement e plus ou moins red´ployable des ressources et comp´- e e des antagonismes entre d´partements et/ou groupes e tences en exc`s dans l’organisation : le slack « dis- e d’individus (Stephen, 2000). Les formes de l’entre- ponible » et le slack « absorb´ ». Le slack dispo- e preneuriat interne sont multiples : essaimage, start- nible est par nature flexible, facilement r´cup´rable e e up interne, unit´s op´rationnelles ou structures de e e ou red´ployable et peut ˆtre illustr´ par l’exemple e e e type « new venture division », etc. Autant de formes des b´n´fices non distribu´s (Love et Nohria, 2005) e e e qui d´pendent ` la fois du niveau d’apprentissage e a qui constituent des ressources exc´dentaires imm´- e e n´cessaire que de la prise de risque et de la protec- e diatement disponibles. Par opposition, le slack ab- tion contre les « corporate antagonisms ». sorb´ correspond aux ressources et comp´tences ex- e e c´dentaires qui sont enracin´es dans des routines e e Beaucoup de travaux demeurent actuellement fo- organisationnelles (Nelson et Winter, 1982 ; Han- calis´s sur les manifestations de l’intrapreneuriat. e nan et Freeman, 1984). En d’autres termes, elles Cette approche descriptive ne permet pas de rendre sont enchˆss´es dans des r´flexes organisationnels a e e compte de la dynamique d’´mergence et d’appro- e ´labor´s au cours du temps et destin´s ` faciliter le e e e a priation organisationnelle du projet intrapreneurial. traitement de l’incertitude dans un contexte parti- Nous proposons en cons´quence de recourir aux tra- e culier. Ce type de ressources et comp´tences n’est e vaux sur le slack organisationnel, afin de mieux ap- donc pas par d´finition imm´diatement disponible. e e pr´hender le processus d’´mergence et d’appropria- e e A titre d’illustration peut ˆtre cit´ l’exemple du per- e e tion organisationnelle du projet intrapreneurial. sonnel en exc`s qui d´die une partie de son activit´ e e e a ` des routines et des tˆches sp´cifiques ou bien du a e fonds de roulement dont la r´cup´ration va affecter e e L’importance du slack organisationnel les relations avec les clients et les fournisseurs in- dans l’´mergence de processus intra- e t´gr´s dans le cycle d’exploitation (Love et Nohria, e e preneuriaux 2005). Le slack organisationnel peut ˆtre d´fini comme e e La notion de slack revˆt un caract`re fondamental e e un exc´dent de ressources qui permet ` l’organisa- e a pour Penrose (1959) dans son analyse de la crois- tion de s’adapter aux transformations de son envi- sance de la firme. En effet, selon cet auteur, les ser- ronnement et notamment ` des ´volutions dans le a e vices productifs inutilis´s sont une incitation ` l’in- e a cœur de m´tier. Les th´oriciens de l’organisation ont e e novation et ` la croissance en facilitant dans l’en- a particuli`rement insist´ sur ses enjeux strat´giques e e e treprise l’introduction de nouvelles combinaisons en termes d’innovation et de cr´ativit´ (Cyert et e e de facteurs de production. Cette valorisation sup´- e March, 1963) puisqu’il favoriserait la prise de risque rieure des ressources peut constituer la base d’un en fournissant des ressources pour la recherche et avantage concurrentiel durable. Ainsi pour Penrose l’exp´rimentation de nouveaux projets innovants e (1959), la croissance de l’entreprise est rendue pos- tels que la cr´ation de nouveaux produits. Il contri- e sible par les exc´dents de capacit´s dont elle dis- e e buerait ainsi ` la flexibilit´ strat´gique de la firme a e e pose. Le slack organisationnel est le carburant de la et faciliterait la mise en œuvre de comportements strat´gie de d´veloppement de l’entreprise. e e entrepreneuriaux au sein de la firme. L’appropriation organisationnelle Les th´oriciens de l’agence ont par opposition une d’un nouveau projet intrapreneurial : e vision beaucoup plus n´gative de l’utilit´ du slack e e le rˆle des slackholders o organisationnel (Jensen et Meckling, 1976 ; Jensen, 1993). Selon ces auteurs, l’accumulation de slack r´- e Pour Burgelman (1983b ; 1983a ; 1986), l’en- pond ` des pr´occupations individuelles et oppor- trepreneuriat organisationnel tient, au moins en a e tunistes des managers et doit ˆtre per¸ue comme grande partie, aux comportements autonomes des e c un signe d’inefficience. Nohria et Gulati tenteront individus ou groupes d’individus qu’il convient de Bueno Merino, Grandval et Ronteau 3
  • 4. 3`mes Journ´es Georges Doriot - L’Intrapreneuriat : Au-del` des discours, quelles pratiques ? e e a relier aux consid´rations strat´giques de l’entreprise e e direction. Ces managers vont les aider ` construire a pour en assurer une certaine viabilit´ strat´gique. e e une strat´gie et communiquer ` leurs sup´rieurs hi´- e a e e Ce processus qu’il nomme Internal Corporate Ven- rarchiques afin de chercher un relais par l’organisa- turing (ICV) repose sur des acteurs cl´s du pro- e tion pour assurer l’industrialisation du concept et cessus : les managers interm´diaires (Middle Ma- e la poursuite l´gitime du projet, avec le cas ´ch´ant e e e nagers). Ils sont les garants dans l’organisation de des moyens d´di´s. Dans cette seconde phase ´merge e e e la transaction des id´es (Van de Ven, 1986) entre e comme central le rˆle du manager interm´diaire - ou o e les « champions op´rationnels », qui jouent un rˆle e o « champion organisationnel ». C’est lui qui devient de d´clencheurs, et le sommet strat´gique de l’orga- e e le promoteur du projet pour en assurer autant la vi- nisation, qui doit canaliser les efforts au regard de sibilit´ aupr`s de la direction de l’entreprise, seule ` e e a l’innovation pour garder une certaine consistance mˆme de lib´rer des ressources compl´mentaires au e e e entre ses pratiques et ses ambitions (figure 1). Dans projet (phase de coup de pouce par l’organisation), cette approche largement reconnue par les auteurs que pour assurer progressivement l’ancrage organi- du champ, il apparaˆ que le succ`s du processus ıt e sationnel de l’activit´ en devenir. e intrapreneurial ne saurait ˆtre attribuable a un seul e ` et unique acteur. En effet, on voit qu’explicitement se dessinent des profils intrapreneuriaux qu’il serait Progressivement le rˆle du « champion organisa- o difficile voire impossible de retrouver concentr´s ene tionnel » se substitue au rˆle de « champion pro- o une seule et mˆme personne au sein d’une organi- e duit » dans la r´appropriation par l’organisation de e sation pr´existante. Ainsi, comme le reprend notre e l’initiative locale intrapreneuriale. On voit en ef- figure 1, Burgelman met en ´vidence dans le proces- e fet qu’au fil du processus intrapreneurial le ou les sus intrapreneurial un chemin critique assurant la « champions produit » sont progressivement d´pos- e p´rennit´ d’un projet intrapreneurial et la r´appro- e e e s´d´s du projet au profit du manager interm´diaire e e e priation par l’organisation de l’initiative ´mergeant e qui cherche progressivement ` d´fendre sa position a e du niveau op´rationnel. Et initiative intrapreneu- e et sa promotion dans la structuration de l’activit´. e riale pour laquelle l’organisation doit construire un Les processus d’ancrage organisationnel du projet contexte de routinisation d`s lors que l’objet inno- e intrapreneurial, phases de contextualisations stra- vant est abouti. t´gique et structurelle, laissent une place plus im- e portante au sommet strat´gique de l’organisation. e Ce faisant, comme le montre Burgelman, le pre- En effet, charge aux dirigeants de mener une r´- e mier profil intrapreneurial s’apparente ` un « cham- a flexion sur l’incidence que peut avoir le projet intra- pion produit ». Cet individu ou groupe d’individus preneurial sur le p´rim`tre strat´gique et structurel e e e ancr´s dans les processus op´rationnels sont ceux e e de l’organisation. Il ne convient pas ici de consid´rer e qui vont construire le fondement « innovant » du la direction de l’entreprise comme un intrapreneur. processus intrapreneurial. En effet, c’est ` ce niveau a N´anmoins, ils sont les garants de l’organisation et e que se dessinent les pr´misses et les contours du pro- e les promoteurs de l’orientation entrepreneuriale de jet dans la rencontre entre une technologie et des be- la firme (Dess, Lumpkin et McGee, 1999). En ce soins pour lesquels les « champions produit » vont sens, mˆme s’ils n’apparaissent pas comme centraux e d´finir un concept ` mˆme de r´pondre ` la pro- e a e e a dans le processus de s´lection interne des initiatives e bl´matique qu’ils se sont construits (projets infor- e intrapreneuriales (traduction litt´rale que l’on pour- e mels) ou pour lesquels ils ont ´t´ missionn´s (projets ee e rait faire de internal corporate venturing), ils jouent formels). D`s lors que le concept gagne en consis- e un rˆle crucial tant sur la capacit´ des « champions o e tance, les « champions produit » vont chercher un produit » ` s’engager dans la valorisation d’oppor- a relais aupr`s de leurs managers pour les accompa- e tunit´s que dans la capacit´ de l’organisation ` r´- e e a e gner dans la promotion de leur concept aupr`s de la e cup´rer ces initiatives (Ronteau et Durand, 2009). e Bueno Merino, Grandval et Ronteau 4
  • 5. 3`mes Journ´es Georges Doriot - L’Intrapreneuriat : Au-del` des discours, quelles pratiques ? e e a Figure 1 – Activit´s cl´s et p´riph´riques dans le processus intrapreneurial (d’apr`s Burgelman, 1983b) e e e e e Bien que les travaux de Burgelman soient lar- M´thodologie : l’extension th´orique e e gement reconnus par la communaut´ scientifique, il e enracin´e dans les cas e reste n´anmoins difficile d’identifier dans les faits e qui est v´ritablement l’intrapreneur ou l’innovateur e Comme l’observe Burawoy (1991, 1998), p`re e dans un projet intrapreneurial. Ce simple constat fondateur de l’extension th´orique enracin´e dans e e repose essentiellement sur le partage de propri´t´ ee les cas, « la g´n´ration de th´ories depuis des ter- e e e et de responsabilit´ quant au succ`s du processus e e rains de recherche ´tait peut-ˆtre un imp´ratif au e e e intrapreneurial. Il convient en effet de reconnaˆ ıtre d´but de l’entreprise sociologique [y compris pour e a ` une coalition d’acteurs, situ´s le long de la chaˆ e ıne les Sciences de Gestion]. Cependant, avec la prolif´- e hi´rarchique, leurs rˆles conjoints assurant autant e o ration des th´ories, la reconstruction semble devenir e le caract`re innovant que progressivement la r´ap- e e plus urgente encore. Ainsi, au lieu de prendre une propriation du projet par l’organisation jusqu’` sa a posture de chercheur na¨ et de g´n´rer de nouvelles ıf e e concr´tisation dans des activit´s routini`res exis- e e e th´ories, nous devrions plutˆt consolider et d´velop- e o e tantes voire dans l’´mergence de nouvelles activit´s. e e per ce que nous avons d´j` produit » (1991, p.26). ea Nous proposons en ce sens de compl´ter et d’ap- e L’ambition d’une telle posture de recherche consiste profondir l’approche de Burgelman en recourant au davantage ` combler les asp´rit´s entre th´ories a e e e concept de slackholder. Le slackholder sera appr´- e existantes par les ´tudes de cas sur lesquelles le cher- e hend´ dans la pr´sente recherche ` tout acteur d´- e e a e cheur s’appuie pour approfondir la compr´hension e tenteur d’un pouvoir sur l’utilisation des ressources d’un ph´nom`ne en ayant recours ` des conjectures e e a et des comp´tences en exc´dent dans l’organisation. e e th´oriques. e Grˆce ` ce pouvoir, les slackholders sont en me- a a sure d’influer sur l’appropriation organisationnelle La connaissance du ph´nom`ne de l’entrepreneu- e e du projet intrapreneurial. riat organisationnel fait l’objet de nombreuses in- terpr´tations th´oriques qui s’entrechoquent. Par e e ailleurs, la question du slack organisationnel reste souvent absente de ce champ, bien que les liens paraissent l´gitimes avec le processus intrapreneu- e M´thodologie de la recherche e rial. Aussi nous enrichissons la compr´hension du e ph´nom`ne initial (l’entrepreneuriat organisation- e e nel) en croisant les discours th´oriques (processus e Nous justifierons dans un premier temps le re- intrapreneurial et gestion du slack organisationnel) cours ` l’« extension th´orique enracin´e dans les a e e et en lui offrant un ancrage op´rationnel dans des e cas » dans le cadre de notre recherche. Nous pr´sen- e contextes locaux (notre ´tude de cas). Qui plus est, e terons dans un second temps le contexte de notre nous enracinons dans ces contextes locaux les exten- ´tude de cas d´di´e ` l’analyse d’un projet intrapre- e e e a sions th´oriques sur la th´orie principale (au tra- e e neurial spontan´. e vers de la proposition du concept de slackholder Bueno Merino, Grandval et Ronteau 5
  • 6. 3`mes Journ´es Georges Doriot - L’Intrapreneuriat : Au-del` des discours, quelles pratiques ? e e a comme concept m´diateur entre deux champs th´o- e e leurs concurrents. N´anmoins, ` grands coups de e a riques a priori distincts). Dans cette recherche, le campagnes publicitaires, Dynastar s’est appropri´ e recours ` l’´tude de cas facilite l’analyse longitu- a e le succ`s du ski parabolique aupr`s du grand pu- e e dinale de processus ancr´s dans des contextes or- e blic. Salomon, qui n’´tait arriv´e qu’en 1991 sur le e e ganisationnels par d´finition complexes (diversit´ e e march´ des skis, a dˆ faire face ` un vieillissement e u a des slackholders et diversit´ des ´tapes de l’ap- e e pr´matur´ de sa gamme et a subi une chute de ses e e propriation organisationnelle du projet intrapreneu- ventes cons´cutivement ` l’engouement du public e a rial). A cette fin, deux types de donn´es ont ´t´ e ee pour les skis paraboliques. La baisse des volumes collect´s : des donn´es primaires obtenues grˆce ` e e a a de vente a ´t´ accentu´e par une d´ception de la di- ee e e des entretiens semi-directifs et des donn´es secon- e rection et des salari´s, qui, apr`s s’ˆtre investis dans e e e daires issues de la presse professionnelle et de do- un projet long comme le ski monocoque (plus de 5 cuments internes ` l’entreprise. Dans cette commu- a ans), ne comprenaient pas comment les ´quipes en e nication, nous concentrerons notre attention sur le interne (pr`s de 300 personnes) avaient pu passer ` e a cas SnowbladeTM , projet intrapreneurial qui a vu le cˆt´ d’une tendance de march´ aussi lourde. oe e jour dans l’entreprise Salomon. Il s’agit d’une ´tude e de cas issue d’une recherche doctorale aboutie (Ron- teau 2007). Face ` ce raz de mar´e dans l’industrie des sports a e d’hiver, d`s 1995 la r´ponse de Salomon a consist´ e e e a ` suivre la tendance pour ´viter de disparaˆ e ıtre du L’´tude e de cas : le Projet champ des fabricants de skis. L’entreprise a donc d´- e SnowbladeTM , un projet intrapreneu- cid´ d’investir le carving, mais sans disposer de r´els e e rial spontan´ chez Salomon e moyens pour se d´marquer des concurrents. Pour- e tant, Salomon s’´tait jusqu’alors fait reconnaˆ sur e ıtre L’histoire de l’entreprise Salomon est jalonn´ee ses march´s par cette identit´ innovante. « Chez Sa- e e d’innovations qui ont assis sa diversification concen- lomon, l’innovation est un point d’orgue, dans le trique sur pr`s de 60 ans. Ce sont ces innovations e sens o` elle permet ` l’entreprise de casser les r`gles u a e r´guli`res qui ont consolid´ les comp´tences clefs de e e e e et de ne pas s’arrˆter sur l’existant. », d´clare Jean- e e cette entreprise que sont la m´canique, les mat´- e e Louis de Marchi, responsable Bureau d’Etudes In- riaux composites et les chaussants. Salomon a su line Skate au d´but des ann´es 2000. Il ´tait inconce- e e e exploiter ces comp´tences pour aborder des mar- e vable pour Salomon de s’afficher et de se pr´senter e ch´s avec toujours une envie d’y pr´senter des pro- e e sur le march´ du ski avec une image de suiveur. e duits qui r´volutionnaient la pratique. Le projet in- e D`s lors, la direction de l’entreprise et les direc- e trapreneurial que nous nous proposons ici de d´- e teurs de l’activit´ ski ont list´ un certain nombre e e peindre prend ses racines au d´but des ann´es 1990. e e de solutions envisageables et ont d´cid´ de se lan- e e ` A cette ´poque, Salomon est une entreprise diver- e cer dans un projet intrapreneurial formel : « le ski sifi´e dans le domaine des sports de loisir de plein e 3V », dont le cahier des charges se limitait ` cettea air et sort d’un projet qui a mobilis´ toute l’entre- e description : « Proposer un ski parabolique mono- prise sur pr`s de 6 ans (1985-1991) pour proposer e coque pouvant r´aliser trois virages l` o` un ski e a u un ski monocoque en rupture avec les canons in- parabolique classique ne peut en r´aliser qu’un ». e dustriels de l’´poque. Le contexte d’incrustation du e ` e A l’´poque la direction d’activit´ ski ´tait organi- e e projet SnowbladeTM est essentiel pour saisir les op- s´e en trois gammes. Il y avait un pˆle ou circuit e o portunit´s qui ont vu le jour dans une p´riode de e e « course » ; un pˆle ou circuit « haut de gamme » ; o crise autant interne qu’externe pour l’entreprise. En et un circuit « interm´diaire » davantage grand pu- e effet, au d´but des ann´es 1990, Salomon avait bous- e e blic. Les deux premiers pˆles avaient ´t´ sollicit´s o ee e cul´ la hi´rarchie ´tablie entre les fabricants de ski e e e par la direction de l’entreprise pour rechercher des en pr´sentant un nouveau concept monocoque qui e solutions et s’engager sur le projet « ski 3V », le pˆle o r´volutionnait le mode de production industrielle. e « haut de gamme » ayant pour mission de d´cliner e Mais en 1995, de nouveaux skis sont venus boule- une offre parabolique et d’accompagner le circuit verser le paysage de l’industrie : les skis carving ou course dans ce nouveau projet. Le circuit « interm´- e paraboliques. L’entreprise HEAD a sorti le premier diaire » avait quant ` lui ´t´ davantage « laiss´ pour a ee e mod`le polyvalent au salon 1995, le cyber, qui a e compte » au regard de ce projet majeur pour l’or- connu un franc succ`s et qui ´tait l’un des premiers e e ganisation, charge pour son bureau d’´tudes (BE) e skis paraboliques polyvalents. Avec l’arriv´e du ski e de travailler ` l’am´lioration des gammes existantes. a e carving, les firmes autrichiennes ont commenc´ ` e a La remobilisation des pˆles « haut-de-gamme » et o r´agir et se sont engouffr´es dans le carving. Sa- e e « course » a permis d’att´nuer la crise ´motion- e e lomon et Dynastar, qui dominaient l’industrie, ont nelle li´e au statut de suiveur que la « vague para- e dˆ r´agir face ` ce qui repr´sentait une v´ritable u e a e e bolique » semblait imposer comme comportement lame de fond. D`s 1996, ces deux entreprises ont e strat´gique ` Salomon. Cependant, le circuit « in- e a propos´ des produits presque identiques ` ceux de e a term´diaire » est rest´ en retrait avec un sentiment e e Bueno Merino, Grandval et Ronteau 6
  • 7. 3`mes Journ´es Georges Doriot - L’Intrapreneuriat : Au-del` des discours, quelles pratiques ? e e a amer d’´chec. e ont travaill´ sur deux prototypes : l’un de 90 cm de e long et l’autre de 140 cm. Tr`s rapidement l’´quipe e e C’est pr´cis´ment au sein du BE de la gamme e e a r´ussi ` d´velopper des prototypes dont les per- e a e « interm´diaire » qu’est n´ en septembre 1995 le e e formances supplantaient celles de l’existant. Sur les projet qui allait donner le jour au SnowbladeTM . bases de ces prototypes, l’´quipe a structur´ dans e e « Le projet SnowbladeTM s’est d´velopp´ dans une e e son coin des plans et un prototype de », qui furent p´riode de crise externe assez grave pour l’en- e soumis ` la direction de l’entreprise en esp´rant un a e semble des fabricants de ski, mais ´galement dans e coup de pouce pour prolonger le projet et b´n´ficier e e un contexte de crise en interne, puisqu’il r´gnait ce e des ressources du reste de l’organisation. Le projet sentiment g´n´ral d’ˆtre pass´ ` cˆt´ de la plaque e e e e a oe rentrait d`s lors dans une phase o` il ´tait n´ces- e u e e sur le carving. Tout cela nous donnait envie de tra- saire de lui conf´rer une visibilit´ au regard de la e e vailler sur des concepts compl`tement diff´rents. », e e direction d’activit´ et de la direction g´n´rale, et ce e e e nous a indiqu´ Pierre Desarmaux, directeur de l’ac- e pour capter des ressources n´cessaires au prolonge- e tivit´ Gear Alpin au d´but des ann´es 2000 et an- e e e ment de l’aventure. cien responsable du projet SnowbladeTM . Membre du BE sur le circuit « interm´diaire », Pierre De- e C’est lors d’une journ´e de tests de produits dans e sarmaux faisait parti de ces personnes qui avaient la vall´e de la Tarentaise courant d´cembre 1995 e e ´t´ « laiss´es pour compte » et qui n’avaient pas ee e que le « miniski » est pr´sent´ parmi d’autres pro- e e ´t´ mobilis´es sur le projet « 3V ». Reprenant les ee e totypes ` la direction. Jean-Fran¸ois Gautier, alors a c jalons du ski « 3V » en travaillant sur des « skis directeur g´n´ral de l’entreprise prend part aux es- e e courts », il a ainsi pris la tˆte d’une petite ´quipe e e sais avec les directeurs de l’activit´ ski, qui n’avaient e de huit personnes issues de son BE, qui travaillait jusque-l` d’yeux que pour le projet « 3V ». « On fai- a sur des concepts qui existaient d´j`. Cette ´quipe ea e sait un peu image de fous avec dans le ski un gros s’est structur´e sans ˆtre directement missionn´e e e e investissement consenti sur la course et l’entretien par la direction, mais avec le souci de participer ` a de teams (Franck Picard pour le « 3V ») et on ar- la recherche de solutions « diff´renciantes » dans la e rivait avec un petit ski sans aucune caution. », a tradition de l’identit´ Salomon. Ce faisant, ils s’en- e d´clar´ Pierre Desarmaux. Le projet n’a pas ` ce e e a gageaient dans un projet intrapreneurial de nature moment l` de l´gitimit´ interne. Jusqu’` cette jour- a e e a informelle, de type « d´veloppement en perruque », e n´e les ressources mobilis´es par l’´quipe projet ont e e e c’est-`-dire sans le consentement pr´alable de la di- a e ´t´ d´tourn´es par Pierre Desarmaux. C’est sur la ee e e rection g´n´rale. En effet, dans cette version la plus e e phase de test et sous l’impulsion directe de Jean- informelle de l’action intrapreneuriale, le projet se Fran¸ois Gautier qu’il a ´t´ d´cid´ de donner une c ee e e d´roule en l’absence de toutes contraintes de type e suite au projet SnowbladeTM . Durand (2003) rap- planification, contrˆle financier ou mˆme revue de o e porte comment la direction g´n´rale en est venue ` e e a produits. l´gitimer le projet : « Un matin de f´vrier 1996, le e e pr´sident de Salomon, Jean-Fran¸ois Gautier, choi- e c ` A l’origine du projet, l’utilisateur des ressources sit d’accompagner une ´quipe de d´veloppeurs pour e e est Pierre Desarmaux qui, en tant que d´veloppeur e faire des tests d’´quipements de ski dans une sta- e du projet intrapreneurial, va ˆtre contraint de d´- e e tion de la Tarentaise. [...] Ce matin-l`, ils sont 6 ou a tourner des ressources exc´dentaires. En effet, il va e 7 plus le pr´sident, la matin´e est harassante, ils e e mobiliser une partie des ressources de son Bureau font test sur test, virage sur virage... Ils regardent d’Etudes, partie non occup´e ` plein temps, pour e a si les prototypes r´pondent bien aux objectifs fix´s e e les utiliser dans un projet pour lequel il n’est pas par les directions marketing, techniques... La fin de directement missionn´. Ainsi pour ce projet, Pierre e la matin´e arrive et ils s’apprˆtent ` aller d´jeu- e e a e Desarmaux mobilise le slack organisationnel du Bu- ner quand l’un des d´veloppeurs [Pierre Desarmaux] e reau d’Etudes du circuit « interm´diaire » - ` sa- e a ´voque l’un de ses prototypes. » Chacun souhaite e voir huit personnes non missionn´es pour le pro- e alors voir l’objet, pr´sent´ par Pierre Desarmaux e e jet « 3V ». Il parvient d’autant mieux ` mobiliser a comme un jouet, un gadget... Ce n’est pas un ski, ce ce slack que les membres de l’´quipe partagent un e n’est pas un patin, c’est la moiti´ d’un ski. Pendant e sentiment de « mise de cˆt´ ». Ils ressentent en ef- oe une demi-heure le groupe teste le produit et y prend fet le besoin de prouver en interne qu’ils peuvent visiblement beaucoup de plaisir. L’apr`s-midi, dans e ˆtre innovateurs et qu’ils sont capables de prendre e une arri`re-salle du restaurant o` ils ont d´jeun´, ils e u e e leur revanche quant ` l’empreinte n´gative qu’avait a e ´tudient, tests apr`s tests, tous les ´quipements sur e e e laiss´ le projet monocoque dans les ´changes entre e e lesquels ils ont travaill´ le matin mˆme. La fin de la e e salari´s. Dans un premier temps, l’´quipe a ainsi e e journ´e arrive et personne n’a reparl´ de ces demi- e e travaill´ « en perruque » sur des mod`les d´coulant e e e skis. Jean-Fran¸ois Gautier remet alors la question c directement des « big foot », sortes de miniskis qui sur la table. Il demandera finalement ` ses collabo- a pˆchaient par un niveau de skiabilit´ ex´crable. Ils e e e rateurs de d´broussailler cette piste, convaincu de e Bueno Merino, Grandval et Ronteau 7
  • 8. 3`mes Journ´es Georges Doriot - L’Intrapreneuriat : Au-del` des discours, quelles pratiques ? e e a l’existence possible d’un march´ pour ce produit... e Le projet aura dur´ un peu plus d’un an, p´- e e Le projet ` ce moment l` va gagner en officialisation a a riode durant laquelle l’´quipe a lev´ progressive- e e et en visibilit´, et ce en d´pit des investissements e e ment les contraintes de performance et celles li´es ` e a lourds qui ont ´t´ d´di´s au projet « 3V ». La pos- ee e e l’industrialisation. Le SnowbladeTM fut pr´sent´ en e e sibilit´ est laiss´e ` l’´quipe initiale de poursuivre e e a e f´vrier 1997 au Salon des fabricants. Le succ`s du e e le projet « miniskis » mais sans ressources d´di´es e e SnowbladeTM a d´pass´ les attentes de la direction, e e et donc l’affectation d’un budget propre. L’´quipe e qui pr´voyait la vente de 25.000 paires sur la pre- e initiale est cependant autoris´e ` r´cup´rer du slack e a e e mi`re ann´e. Elle a dˆ faire face ` l’engouement e e u a absorb´ dans les autres services de la direction ski e du public, puisqu’en quelques mois pr`s de 100.000 e (marketing et industrialisation). paires se sont vendues. En amont, le succ`s ´cono- e e mique du projet tient dans les innovations de pro- c´d´ qui ont ´t´ amen´es pour limiter l’investisse- e e ee e Ayant re¸u un « coup de pouce » de la direc- c ment dans un produit non budg´t´. En effet, compte ee tion apr`s 4 mois de d´veloppement en perruque, e e tenu du statut « bottom-up » du projet, l’´quipe e le projet pouvait d`s lors rentrer dans une phase e a su d´velopper le produit pour un coˆt global de e u de « contextualisation strat´gique » au cours de la- e ˘ l’ordre de 100.000A, ce qui reste un coˆt bien en u quelle l’´quipe projet pouvait se lancer dans des e de¸` du d´veloppement d’un nouveau ski. ca e it´rations de prototypes et rentrer dans une phase e d’industrialisation. De mani`re concourante, la di- e rection ski allait pouvoir mobiliser les r´seaux de e distribution pour convenir de leurs demandes au re- Discussion gard de ce nouveau produit. C’est dans cette phase Grˆce ` leur pouvoir sur l’utilisation des res- a a que vont se dessiner les conditions du succ`s in- e sources et des comp´tences exc´dentaires, les slack- e e dustriel et ´conomique du projet. Du fait du sta- e holders sont en mesure d’influer sur l’appropriation tut « semi-officiel » du projet, Pierre Desarmaux organisationnelle du projet intrapreneurial. Le suc- peut dor´navant mobiliser d’autres membres du bu- e c`s de cette appropriation va d´pendre de leur pr´- e e e reau d’´tudes pour travailler sur le SnowbladeTM , e sence ` diff´rents niveaux hi´rarchiques de l’organi- a e e personnes qui travaillaient jusqu’` maintenant sur a sation. d’autres projets. L’´quipe peut ainsi r´gler les pro- e e bl`mes de faible r´sistance des prototypes en faisant e e r´aliser des ´tudes sur la g´om´trie (solidit´, lignes e e e e e De l’intrapreneur au slackholder : de cˆte) des SnowbladeTM et par l` mˆme am´lio- o a e e ´mergence d’un nouveau concept e rer leurs caract´ristiques de flexion (du 15/12/1995 e au 15/04/1996). Le projet ne disposant pas d’un Le cas SnowbladeTM nous incite ` envisager deux a budget propre et ne pouvant investir dans de nou- cat´gories d’individus dans la mise en œuvre d’un e velles infrastructures industrielles, il convenait de projet intrapreneurial spontan´ : l’intrapreneur, e ce point de vue de rechercher des solutions inno- c’est-`-dire l’individu (ou le petit groupe d’indivi- a vantes pour ´chapper aux investissements inh´rents e e dus) ` l’origine de l’id´e innovante, et le slackhol- a e a ` l’industrialisation d’un nouveau ski (plus ou moins der, c’est-`-dire l’individu qui va disposer d’un pou- a ˘ 180.000A amortis sur 4 ou 5 tailles de skis). C’est voir sur les ressources exc´dentaires lui permettant e pr´cis´ment sur ce point que s’est dessin´ le succ`s e e e e de contribuer ` la mise en œuvre du projet intra- a ´conomique du projet. En effet, le prototype final e preneurial. Cette capacit´ ` r´cup´rer du slack ab- ea e e du SnowbladeTM faisait 90 cm de long et les lignes sorb´ facilite l’appropriation organisationnelle du e de production ne pouvaient accepter des skis d’une projet intrapreneurial, assimil´e dans la pr´sente e e longueur inf´rieure ` 110 cm. Aussi, l’´quipe pro- e a e recherche ` l’int´gration progressive du projet ` a e a jet a d´velopp´ une solution ing´nieuse (innovation e e e l’activit´ courante de l’entreprise. L’affectation de e de proc´d´) pour pouvoir utiliser l’outil industriel e e ressources au projet intrapreneurial revˆt en effet e existant : la « production en siamois ». L’´quipe a e dans notre ´tude de cas un caract`re incr´men- e e e ainsi imagin´ de produire un corps de 190 cm de e tal : des ressources exc´dentaires sont dans un pre- e long, puis de le couper en deux et de redresser les mier temps d´tourn´es par l’intrapreneur (l’´quipe e e e spatules sans pour autant compromettre les perfor- de Desarmaux) puis r´cup´r´es officiellement par le e ee mances et les contraintes g´om´triques du produit. e e management interm´diaire suite au coup de pouce e Progressivement le projet gagne en l´gitimit´ et la e e de la direction g´n´rale. Le processus d’appropria- e e direction ski mobilise des ressources marketing pour tion organisationnelle s’ach`vera au moment de l’in- e commencer ` envisager les volumes de vente atten- a t´gration d´finitive du projet intrapreneurial dans e e dus et la publicit´ de ce nouveau concept de glisse. e l’activit´ courante de l’entreprise. A ce stade, le e On voit ainsi que progressivement du slack absorb´ e projet se transforme en activit´ de l’entreprise avec e d’autres activit´s se lib`re pour l’activit´ ` naˆ e e e a ıtre affectation de ressources officielles d´di´es et donc e e (notamment en marketing et en production). attribution d’un budget de fonctionnement. L’orga- Bueno Merino, Grandval et Ronteau 8
  • 9. 3`mes Journ´es Georges Doriot - L’Intrapreneuriat : Au-del` des discours, quelles pratiques ? e e a nisation s’approprie en effet le projet en lui fournis- des comptes ` rendre... » (p.154). a sant l´gitimit´ et ressources (Bouchard, 2009, p.15). e e L’´tude du cas SnowbladeTM a facilit´ l’identifi- e e L’intrapreneur « spontan´ » est n´cessairement cation de deux cat´gories de slackholders, reprises e e e un slackholder, il n’a pas le choix. Ne disposant dans le tableau 1. D’une part, le « slackholder- pas d’un budget pr´´tabli, sa capacit´ ` mobiliser intrapreneur » (l’´quipe de D´sarmaux) dispose de ee e a e e des ressources exc´dentaires est primordiale, afin deux comp´tences-cl´s : une capacit´ ` innover, e e e e a d’assurer la mise en œuvre de son id´e et d’œu- c’est-`-dire ` proposer un nouveau produit sur le e a a vrer pour son int´gration dans l’activit´ courante march´, et une capacit´ ` s’approprier temporaire- e e e ea de l’entreprise. On parlera dans ce cas de « mobi- ment et dans l’ombre du slack absorb´ (un personnel e lisation de ressources en perruque » ou encore de sous-utilis´ affect´ uniquement ` l’am´lioration des e e a e « management clandestin de l’innovation » (Basso, gammes existantes) afin d’assurer le d´veloppement e 2004, p.20) afin d’insister sur le caract`re informel de son projet. C’est l’initiateur du projet intrapre- e du pouvoir dont dispose l’intrapreneur sur les res- neurial. D’autre part, le « slackholder-manager » sources exc´dentaires. Pour d´velopper son projet, (la direction des skis) qui, suite au coup de pouce e e l’intrapreneur doit d´tourner du slack organisation- donn´ par la direction g´n´rale au projet, doit par- e e e e nel, autrement dit des ressources qui sont officiel- venir ` r´cup´rer du slack absorb´, afin de per- a e e e lement affect´es au fonctionnement normal de l’en- mettre ` l’intrapreneur de lever ses contraintes tech- e a treprise. Sa r´ussite est donc subordonn´e ` sa ca- niques et industrielles en lui fournissant ressources e e a pacit´ ` convaincre d’autres coll`gues ` le rejoindre et comp´tences compl´mentaires. Contrairement ` ea e a e e a dans le d´veloppement de son projet. L’intrapre- l’intrapreneur, le rˆle du slackholder-manager sem- e o neur doit disposer en cons´quence d’un savoir-faire blerait se limiter ` l’affectation de ressources man- e a politique et relationnel et ˆtre capable de g´n´rer la quantes ` l’intrapreneur mais n´cessaires ` la mise e e e a e a confiance et l’adh´sion de ses collaborateurs. Dans en œuvre et ` l’appropriation organisationnelle du e a le cas du projet SnowbladeTM , l’intrapreneur (De- projet. Cette affectation suppl´mentaire de res- e sarmaux) a d´tourn´ des ressources dans son envi- sources peut contribuer ` donner lieu ` d’autres e e a a ronnement interne proche : le bureau d’´tude dans innovations (exemple de la production en siamois e lequel il travaillait avait en effet pour mission d’am´- pour laquelle la direction des skis a affect´ des res- e e liorer les gammes existantes. Par ailleurs, il a su sources compl´mentaires d’industrialisation ; cette e obtenir un coup de pouce de la part de sa direc- innovation de proc´d´ reste cependant ` l’initiative e e a tion g´n´rale. Le concept de slackholder permet ici de l’´quipe de D´sarmaux). N´anmoins, il s’agira e e e e e d’insister sur la n´cessit´, pour l’intrapreneur, de surtout d’innovations d’adaptation destin´es ` faci- e e e a d´velopper un comportement organisationnel sp´- liter la mise en œuvre du projet intrapreneurial. Par e e cifique assimil´ par certains ` celui d’un « animal ailleurs, la prise de risque quant ` la r´cup´ration de e a a e e politique » (Basso, 2004, p.28). Selon Basso (2004), slack organisationnel semble plus importante dans la capacit´ ` collecter des ressources hors des pro- le cas du slackholder-intrapreneur qui, pour assu- ea c´dures budg´taires implique pour l’intrapreneur la rer le d´veloppement de son projet, doit dans un e e e pratique de jeux politiques pour influer sur l’or- premier temps agir dans l’ombre et d´tourner des e ganisation. D’Amboise et Verna (1993) ont ´gale- ressources de leur utilisation normale par l’organi- e ment soulign´ la capacit´ de l’entrepreneur interne sation. La capacit´ ` innover et ` s’appuyer sur e e e a a a e e ` f´d´rer et ` s’approprier temporairement du slack un r´seau informel semble ˆtre le principal crit`re a e e e organisationnel : « Sachant rassembler les ´nergies distinctif entre nos deux cat´gories de slackholders. e e et les ressources et les combiner pour mettre en Dans notre ´tude de cas, l’intrapreneur est n´ces- e e œuvre son projet, [l’entrepreneur interne] trouvera sairement un slackholder, de par sa capacit´ ` mo- ea toujours, dans une grande organisation, des res- biliser des ressources exc´dentaires afin d’assurer la e sources non utilis´es et des personnes mal employ´es mise en œuvre et l’appropriation organisationnelle e e et d´sireuses de participer ` une tˆche plus in- de son projet. Mais le slackholder n’est pas n´cessai- e a a e t´ressante. Cet entrepreneur interne s’associera ` rement un intrapreneur... Toutefois, ces deux cat´- e a e d’autres collaborateurs, organisera son ´quipe et gories d’acteurs se r´v`lent compl´mentaires dans e e e e se mettra ` l’œuvre. ». Bouchard (2009), quant ` le d´veloppement et l’appropriation organisation- a a e elle, met en avant l’importance du premier soutien nelle du projet, l’intrapreneur devant faire appel officiel, que nous avons assimil´ ` un « coup de ` des ressources et des comp´tences en dehors de e a a e pouce » de la direction g´n´rale dans notre ´tude son contrˆle. L’intrapreneur a besoin du soutien e e e o de cas : « Tˆt ou tard, cependant, tous les intrapre- d’autres slackholders pour assurer la poursuite de o neurs sont confront´s aux limites de l’informalit´ et son projet. Comme l’ont montr´ certains auteurs e e e doivent se mettre en quˆte d’un appui officiel. Pour (Burgelman, 1983b ; Brunaker et Kurviner, 2006), e aller de l’avant, ils ont besoin de ressources mais le middle-management a donc un rˆle ` jouer dans o a ´galement de l´gitimit´ : n’oublions pas que les in- le processus intrapreneurial, autrement dit dans le e e e trapreneurs sont de simples employ´s et qu’ils ont processus de mise en œuvre de l’innovation. e Bueno Merino, Grandval et Ronteau 9