Dossier en 3 parties : la 1re partie confronte à la lumière du passé l’alimentation naturelle, biologique et l’alimentation industrielle. La deuxième cerne 8 tendances ou idées fortes d’aujourd’hui. Cette troisième et dernière section nous transporte en 2047 en quête du futur alimentaire de nos enfants et petits enfants.
1. ALIMENTATION
ACTUALITE
ACTUALITÉ Entreprises innovation…
Veille & 17
Alimentation naturelle :
les leçons du futur (3/3)
M. Sauveu
r Fernande
z
L a première partie confronte à la lumière du passé l’alimentation naturelle et l’alimentation industrielle
conventionnelle. La deuxième cerne 8 tendances ou idées fortes d’aujourd’hui. Cette troisième et dernière
section nous transporte en 2047 en quête du futur alimentaire de nos enfants et petits enfants.
1 – Introduction : 2047, un long tif-mondialisé, fortement encadrées par les états, les collectivités
fleuve tranquille ? locales et les ONG. Les PME ont appris à s’unir. La petite exploi-
L’ été caniculaire de 2003 devient la norme en France, et le sud du tation paysanne retrouve ses lettres de noblesse et intègre des
territoire vit à l’heure de l’Andalousie d’aujourd’hui. Le réchau e- activités de transformation et de vente directe. Le consommateur,
ment climatique, événement majeur de ce siècle imprègne dé- reconnecté à la réalité de production, s’implique de diverses ma-
sormais la société toute entière. Les hausses de températures et nières.
autres aléas climatiques marquent profondément l’agriculture Pour tous, les règles clés sont l’ancrage économique d’une société
planétaire. L’augmentation de la pollution et de la population à un territoire, la protection de l’environnement, la sécurisation
mondiale, les pénuries d’eau, le grignotage des terres par l’urba- des matières agricoles par la possession en propre de terres agri-
nisation, l’érosion et la consommation planétaire de viande (très coles et des élevages, et la n de la spécialisation des fonctions.
gourmande en surfaces cultivables) sont devenus des réalités vi- En clair, chaque acteur est à la fois producteur, transformateur et
sibles par tous et mobilisent les gouvernements du monde. Les distributeur dans un contexte « glocal ».
famines de pays pauvres font, hélas, l’actualité courante. Un exemple
Bref, les pays riches renouent avec les vieilles peurs alimentaires Une centaine de fermes individuelles de Bretagne possèdent 10
séculaires (peur de manquer, de manger du malsain), un temps micro usines écologiques de transformation alimentaires réparties
e acées au XIXe et XXe siècle : manger est redevenu une néces- sur le territoire national avec, pour les plus éloignées, obligation
sité vitale à défendre qui in ue profondément sur les habitudes d’utiliser des matières premières locales issues d’autres fermes,
alimentaires quotidiennes de 2047. pour un écobilan positif. Ces fermes solidaires sont a liées avec
des paysans européens sous marque commerciale commune
2 – Tempêtes agricoles au menu chinoise nancée par capital collectif du Japon, Brésil et Côte
L’élévation globale de la température est la note clé des mutations d’Ivoire (Les marques étrangères ont désormais obligation légale
profondes de l’agriculture de 2047. Il est cependant impossible de récolter et produire dans le pays et la région même de com-
aujourd’hui de prédire l’impact réel qui dépend de la hausse gé- mercialisation). Des milliers de consommateurs sont liés par une
nérale de température. Si celle-ci se maintient en moyenne à 2/3 vente directe ou des participations actionnariales solidaires. Cer-
degrés, l’agriculture mondiale s’adaptera plus ou moins bien sui- tains magasins distributeurs mutualisés intègrent des micro unités
vant les contrées. de fabrication qui transforment sur place les matières premières
L’Afrique, l’Australie, les pays andins et l’Asie du sud sou rent, la (Par exemple des micro-brasseries de qualité pour la bière comme
Chine veille jalousement sur son approvisionnement alimentaire. on en voit déjà aujourd’hui).
En Europe, le Sud doit relever les plus grands dé s tandis que le
Nord se voit o rir des opportunités originales : la France n’est plus 4 – Distribution mutante
le seul pays européen producteur de vin de qualité, désormais ta- Des circuits longs… Le XX° siècle a vu l’apothéose du concept
lonnée par les anglais, scandinaves et polonais. Conséquence de de circuit long de distribution, une chaine linéaire ultra spéciali-
son moratoire sur les OGM des années 2000, l’Europe est cham- sée, non solidaire et énergétivore de production alimentaire où
pionne d’une agriculture à haute intensité environnementale une distribution omniprésente est l’intermédiaire incontournable
responsable de son territoire. Les grandes régions de production entre les producteurs, les transformateurs, et un consommateur «
perdurent (Beauce, Bretagne…). Une agriculture bio et raison- isolé » en bout de chaine.
née à exigence basse et saupoudrée de biotechnologie devient …Qui raccourcissent
la norme, avec des serres et bâtiments d’élevages « passif ». De 2047 voit l’élargissement à grande échelle du principe de circuits
grandes portions de territoires pratiquent une agriculture biody- courts économiques. Ce concept, apparu dans les années 2000
namique de haute qualité fondée sur des circuits courts de trans- dans le souci de connecter directement petits producteurs et
formation, vente directe et export à courte distance.
consommateurs s’est popularisé avec les AMAP et autres paniers
paysans. Réduit à l’origine à la seule relation paysan-consomma-
3 – Le nouvel âge agro-alimentaire
teur, il s’est a rmé en 2047 pour devenir une véritable chaine
Le temps de l’écologie industrielle
Le paysage agroalimentaire industriel de 2047 ne ressemble économique globale intégrant, outre le monde agricole, les trans-
guère à celui d’aujourd’hui. Sous la pression des grands dé s éco- formateurs et des formes nouvelles de distribution et fabrication.
logiques et économiques, et a n de satisfaire les nouveaux ima- Tout ce petit monde, interconnecté, gravite dorénavant autour
ginaires consuméristes (se sentir proche de la nature et du paysan, d’un élément « industriel » clé en n sorti de son simple rôle de
peur de manger du malsain), les con its sectoriels d’antan entre consommateur : le consom’acteur.
paysans, industriels, distributeurs, client, état et ONG font place Le nouveau consom’acteur
progressivement à un écosystème industrio-socio-économique Ce dernier trouve désormais naturel d’aller sur le lieu même de
sophistiqué, fortement imbriqué et interdépendant. récolte ou de transformation des fermes entreprises péri-urbaines
La n de l’hyperspécialisation chargées de nourrir les villes. Il s’approvisionne aussi dans les Jar-
Les multinationales et grands groupes agro-alimentaires devien- dins partagés, ouvriers, collectifs de banlieue, où il fait lui-même
nent progressivement des structures nouvelles de type coopéra- pousser quelques plants alimentaires.
Juillet / Août 2010
2. ALIMENTATION Veille & innovation… 19
Mais y'a même pas de télé Que veux-tu que je fasse dans 6 – Les aliments
dans cette piaule ! ce paradis écologique sans télé qui soignent ?
ni Internet ? Les alicaments de 2047 sont
d’abord dans l’assiette de tous les
jours, qui varie au rythme des sai-
sons. Cette règle de bon sens est
unanimement adoptée et a née
par les médecins de famille et les
coachs alimentaires qui élaborent
des régimes alimentaires adaptés
en fonction de sa personnalité, de
son âge, ses activités sportives,
son état de santé ou des besoins
spéci ques (cheveux, peau sen-
sible, etc.), adoptant ainsi les bons
vieux principes de la diététique
chinoise.
Les véritables compléments ali-
Où faire ses courses ? mentaires, enrichis en nano-biotechnologies « éthiques », et en
La grande distribution, transformée au l du temps en un conglo- savoirs anciens (Élixirs alchimiques minéraux chinois, rasayana de
mérat de producteurs agricoles et d’entreprises transformatrices, l’Ayurveda), sont désormais une classe légale sévèrement règle-
compose désormais avec le monde paysan redevenu in uent et mentés proche des véritables médicaments, prescrite par des mé-
les entreprises, forts tous deux de leurs clientèles en direct et de decins… et un marché noir parallèle fructueux pour les produits
leurs réserves agricoles acquises en propre. qui promettent l’immortalité.
Les magasins alimentaires ont repris place dans chaque quartier
des villes : devenus en quelque sorte une version postmoderne 7 – Biotechnologies avec conscience
de nos halles actuelles, ils abritent des linéaires proposant des L’ère des intrants pétrochimiques a sonné son glas, remplacée par
denrées issues d’autres pays ou régions, mais aussi des commer- les sciences nano-biotechnologiques, héritières sophistiquées
çants-transformateurs locaux établis en ilots, fabriquant sur place directes des OGM, clonages et autres cellules souches du début
et proposant des micro-marques régionales. du siècle. Utilisées principalement en agriculture conventionnelle
Ils sont concurrencés par une « économie de voisinage » compo- de masse, leur usage, encore con ictuel et ambigu, est cependant
sée de troc et d’échanges alimentaires entre voisins experts dans sorti de la main mise des grandes entreprises chimiques privées
l’art de proposer des plats maisons ou des pâtes ultra-fraîches. pour être en n encadré internationalement par le politique et de
grandes institutions éthiques qui relient science, religion, philoso-
5 – Futur’attitudes phie et traditions culturelles.
De nouvelles habitudes de vie liées aux peurs alimentaires et aux Issue de la conciliation des biotechnos et de savoirs millénaires,
risques sanitaires émergent. L’eau, la nourriture ne se gaspille plus notons aussi la reconnaissance originale de la notion de force
et se recycle. L’espace urbain s’est densi é pour préserver le foncier énergétique vitale des aliments (nommée prâna par les Hindous).
agricole. De nouvelles technologies de visualisation de ces forces vivantes
Après la mise en grâce des végétaux dans les années 2000, les subtiles - héritières de l’ancien procédé russe Kirlian et de la cristal-
légumineuses détrônent maintenant la viande, au moins dans lisation sensible – seront utilisées notamment pour valider l’inno-
les pays occidentaux, tandis que les nouveaux pays riches (Chine, cuité de nouvelles recherches génétiques de pointe.
Inde, brésil…) peinent à sortir du rêve alimentaire occidental du
carné à tous les repas, adopté à l’époque de leur ascension éco- 8 – Mon Internet participatif 10.0
nomique. Le web 2.0 des années 2000 a marqué l’ère de l’individu coopé-
Les hypercentres commerciaux du XX° siècle sont devenus des rant qui ne se satisfait plus d’une communication à sens unique.
villages ou l’on habite, travaille, et récolte sur les toits-jardins des L’individu ultra coopérant du web 10.0 va plus loin : il participe à la
bâtiments. En ville, les immeubles aux murs végétalisés dépol- conception du produit, suit la fabrication d’un alicament person-
luants recyclent en circuit fermé l’eau grise du ménage, l’eau de nalisé, et dispose d’une gigantesque base de données collectives
pluie, avec des systèmes de compostage ménagers intégrés, qui et open source qui le renseigne sur la valeur réelle du bien incrimi-
alimentent les jardins nourriciers proches. né, la structure économique et les actions environnementales et
Dans les cuisines, les robots ménagers créateurs de pâtes fraiche, sociales de l’entreprise fabricante, en donnant sa propre opinion.
pain bio et sauces tomates côtoient les micro-fermes de balcon
productrices d’alicaments naturels (graines germées…). La cui-
sine naturelle s’émancipe et devient multisensorielle, numérique,
culturelle, sensuelle, avec des procédés de transformation inno-
vants issus de la cuisine moléculaire (cryonisation, complexes bre-
vetés…).
Entre identité locale et nourriture ethnique : le bœuf bourguignon
a toujours la cote, avec des protéines végétales transformées qui M. Sauveur Fernandez est consultant expert en marketing
imitent la viande. On se nourrit encore cependant du désir de vert et innovation responsable. Fondateur de l’Éconovateur
l’autre sur des principes ultra-identitaires, au grè des modes : ré- en 2001, pionnier français des principes de la communication
gion spéci que du Sénégal, terroirs corses, avec un goût marqué responsable, il décrypte les tendances à venir, et aide les
pour la cuisine dite « historique » : cuisine maya, gauloise, romaine, entreprises à la création de produits et services éthiques.
Viking, japonaise d’avant l’ère Meiji…
4 rue de Chaffoy - 30 000 Nîmes
Les saisons sont marquées par le retour de grandes dates festives
Tél. : 06 11 40 19 91
régionales et internationales à connotation subtilement spiri-
Mail : fsauveur@econovateur.com
tuelles et païennes (fête des eurs bouddhiques, de la Saint-Jean,
www.econovateur.com
solstice d’hiver nordique…).
Juillet / Août 2010