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Extrait du récit :
Sam Spiegel
L’Acteur
International
Récit
Copyright
Copyright / Droits d’auteur © Sam Spiegel 2009, 2012
All rights reserved
Tous droits réservés
Editions Rudolf, 2012
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intégrale ou partielle de cet ouvrage faite par quelque procédé que ce soit,
sans le consentement de l'Auteur ou de ses ayants cause est illicite et
constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L335-2 et suivants
du Code de la propriété intellectuelle. Les personnages et les situations de
ce récit étant purement fictifs, toute ressemblance avec des personnes ou
des situations existantes ne saurait être que fortuite
Résumé :
L’acteur international, un récit cinématographique de Sam Spiegel
A Londres et à Paris…
Il n’y a pas que Cannes et son tapis rouge ou le lustre de la
cérémonie des Oscars, tout n’est pas que glamour et strass...
Ce récit est l’histoire vraie d’un comédien parmi tant d’autres à la
poursuite de ce grand rôle qui lui apportera gloire et richesse et
reconnaissance du public.
En attendant cette consécration, de casting en audition, de petit
boulot en grande scène, d’un pays à l’autre, nous suivons cet acteur
international dans ses pérégrinations dans le milieu impitoyable du
show-business et de ses stars.
Avec lui, entre la France et l’Angleterre, nous sommes confrontés à
la froideur de Madonna lors du tournage de son clip.
La bonhomie de Jacques Villeret nous attendrit dans Le Furet sous
la direction volcanique de Jean-Pierre Mocky.
Le professionnalisme de Steven Spielberg et de Tom Hanks sur le
plateau de Il faut sauver le soldat Ryan nous impressionne.
L’humour de Michel Galabru au quotidien nous charme...
Et puis, à côté de tout cela, loin du cercle vicieux des médias et de la
lumière des projecteurs, il y aussi la vie de tous les jours...
Et si vous vous imaginez que travailler dans le cinéma et côtoyer les
plus grands vous procure piscine et terrain de tennis au fond de
votre jardin, vous n’êtes pas au bout de vos surprises !
Un récit autobiographique et cinématographique écrit par Sam
Spiegel à ne pas manquer !
Comment se procurer « L’Acteur International» au
complet
Disponibles aux formats
Kindle (eBook), Livre papier, PDF (eBook)
www.samspiegel.com/acteur
Cet ouvrage est dédié à
mes pairs…
L’Acteur International
7
Table des matières
Graine de star
Steven Spielberg & Tom Hanks
Madonna
Trois, pas plus !
Galabru
Un métier de P…
Jean-Pierre Mocky & Jacques Villeret
Trois petits tours et puis s’en vont
Un mot sur l’auteur…
Du même auteur, parus ou à paraître
L’Acteur International
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Graine de star
Dans chaque homme réside un enfant qui veut jouer.
Friedrich Nietzsche
En 1993, je suis un Français à Londres parmi tant
d’autres. Comme beaucoup de mes compatriotes émigrés,
j’occupe laborieusement mes journées. La trentaine, je vivote
grâce à des petits boulots aussi variés qu’inconsistants :
j’enseigne le français à des hommes d’affaires anglais, je fais
la plonge dans des restaurants, je place les spectateurs dans
des théâtres pour de maigres pourboires. Poor-boire, comme
le dit si bien mon ami John. Je me suis essayé à la peinture,
puis à la musique, sans réel succès. Je pensais rester en
Angleterre six mois, j’y végète depuis pratiquement dix ans.
C’est alors que le destin frappe à ma porte. Comme je
possède un peu de matériel d’enregistrement - une table de
mixage, un microphone – un ami comédien, Thierry, français
lui aussi, me demande de réaliser pour lui une démo
(cassette de démonstration). Il souhaite enregistrer divers
aspects de sa voix, interprétant des textes bilingues. Il
envisage ensuite de démarcher auprès des maisons de
L’Acteur International
9
production, sa bande sous le bras, dans le but de décrocher
des rôles à la radio ou de participer à des séances des
doublages.
J’accepte le challenge, et je me débrouille plutôt bien : je
parviens à produire une démo tout à fait honnête. Grisé par
mon exploit, je renouvèle cette expérience, pour moi cette
fois. J’écris quelques sketchs en français et en anglais, imite
quelques accents – allemand, africain, marseillais – et colle
le tout sur une cassette de huit minutes. J’en fais plusieurs
copies que j’envoie par la poste à différentes agences de
postsynchronisation trouvées dans un annuaire spécialisé.
C’est pourtant une amie actrice et auteur qui me met le
pied à l’étrier. Annie me présente au réalisateur d’une
méthode audiovisuelle pour apprendre le français pour
laquelle elle est engagée, lorsqu’un des comédiens se
désiste au dernier moment. Je fais un essai de voix par
téléphone et je suis engagé.
Ensuite, les choses vont plutôt vite. Quelques agences,
après avoir reçu ma cassette, me contactent. On m’engage
pour des pubs radio. Je transforme ma voix pour des jeux
vidéo, comme Driver II ou Dark Omen. Je colore d’accents
français régionaux les personnages de dessins animés, je
L’Acteur International
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prête ma voix à des comédiens anglais lors de séances de
doublage.
Sans trop de mal, je déniche un agent qui m’accepte au
sein de son écurie sans m’avoir vu joué. Et pour cause : je
n’ai encore jamais mis le nez devant une caméra ou posé le
pied sur les planches. Je dois avouer que, pour arriver à mes
fins, j’ai, sans aucune gêne, photocopié le CV d’un pote
comédien et imposé, avec son accord, mon nom à la place
du sien. Une méthode que je ne recommande pourtant pas :
il suffit que l’agent concerné se livre à de petites vérifications
ou soit ami avec l’un des réalisateurs cités, et vous voilà grillé
à jamais. Mais je n’avais pas le choix.
Quelques mois plus tard, le téléphone sonne, et ce n’est
plus pour une proposition de voice-over (voix-off en français)
cette fois. Il s’agit d’un casting pour interpréter un trafiquant
de drogues français, dans un long métrage intitulé A quiet
(Une journée tranquille). Je rencontre le réalisateur, Michael
Jaeffer, un Anglais d’une petite trentaine et, à ma grande
surprise et sans grandes difficultés, j’obtiens le rôle.
Ensuite, les auditions se succèdent ; j’en réussis
quelques-unes, mais j’en loupe lamentablement beaucoup
d’autres. Il fallait s’y attendre : je n’ai aucune formation.
L’Acteur International
11
Les comédiens rencontrés au hasard des tournages me
filent des adresses, me recommandent des classes d’art
dramatique. Je prends des cours de théâtre dans l’école
privée d’un Français immigré à Londres, The International
Theater School (l’école internationale de théâtre) de Philippe
Gaulier, un disciple de Jacques Lecoq. Sa technique est
originale : pour développer une complicité entre les
comédiens, les acteurs s’adonnent à des jeux semblables à
ceux pratiqués dans les cours des écoles primaires. C’est
une bonne base de travail, mais il me faut approfondir le
sujet, découvrir les motivations qui animent les comédiens.
Je fréquente l’Actor Center, le temple des acteurs
londoniens, où s’échangent castings, plans et combines. Des
producteurs, réalisateurs et artistes connus y organisent des
stages. J’en fais le plus possible. Là, je rencontre Tony
Greco, acteur et professeur de l’Actor Studio de New York,
coach de Dustin Hoffmann. Tony, qui prône la méthode
Stanislavski, est de passage à Londres et y crée une cellule
de travail semblable à celle de L.A., continuant ainsi l’œuvre
de Lee Strasberg, fondateur du mythique Actor Studio. Je
m’inscris au concours d’admission et je suis retenu.
L’enseignement de Greco est à l’opposé de celui reçu lors de
L’Acteur International
12
mon passage dans l’International Theater School : Philippe
Gaulier détestait Stanislavski et le rabâchait à qui voulait bien
l’écouter. C’est un bon exercice : il est bénéfique pour un
acteur, lors de sa formation, d’explorer différentes techniques
afin d’élargir son champ d’activité et de développer sa
personnalité, sa propre façon de jouer. Il lui appartiendra,
ensuite, de faire lui-même sa petite cuisine.
Mieux armé, j’obtiens de meilleurs résultats lors des
castings. Les emplois se succèdent et mon CV se remplit de
rôles qui remplacent petit à petit ceux empruntés à mon ami.
Un beau jour de juillet 1997, la BBC me sélectionne pour
incarner au petit écran le compositeur Franz Schubert pour
l’un de ses programmes les plus prestigieux, The BBC
Proms, diffusé en prime time. Mon nom apparaît pour la
première fois dans Radio Times (le Télérama anglais).
Grâce à ce rôle, je deviens membre de la British Actors’
Equity Association (association professionnelle d’acteurs,
comme l’Adami en France) et on m’accorde une carte
professionnelle.
L’aventure commence !
L’Acteur International
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Steven Spielberg & Tom Hanks
Faire un film, c’est inventer un monde
que les acteurs habitent le temps du tournage.
Benoît Jacquot
Jeudi, le 7 août 1997. Le casting pour la nouvelle publicité
Coca-Cola se déroule au premier étage d'un immeuble
ancien, dans le quartier chaud de Soho, près de Wardour
Street. Une agence m'a contacté ce matin à 10 heures pour
un rendez-vous à 11 heures.
- Soyez à l'heure Sam Spiegel, a-t-on précisé au
téléphone. Et surtout portez un costume et une cravate.
Je trouve dans ma garde-robe une veste grise en tweed,
achetée chez H&M, et une paire de pantalons assortis, de
Mark & Spencer. Ce n’est pas un costard, mais c’est ce que
je peux faire de mieux. Ma cravate bleue à pois blancs
m'étrangle, trop serrée sur une chemise blanche au coton
épais.
J'arrive sur les lieux à 10 heures 45. On entre dans le
bâtiment par une porte ouverte jour et nuit qui donne sur un
L’Acteur International
14
couloir mal éclairé. Une pancarte minable, écrite à la main,
nous signale la présence d'une young model on the first floor,
ce qui signifie qu'une prostituée plus ou moins jeune négocie
ses charmes dans un studio loué au premier étage. Cela ne
surprend personne : après tout, nous sommes à Soho.
Au second étage, une salle d’attente sans air conditionné
se remplit de comédiens endimanchés appâtés par les
sommes mirobolantes annoncées par leurs agents respectifs.
100 000 livres sterling (environ 150 000 euros, et c’était en
1997) pour le rachat des droits à l’image pour le cinéma, la
télévision et Internet dans le monde entier et pour une
période de cinq ans. C’est, il est vrai, un joli pactole.
D’après les potins, Coca-Cola recherche un personnage
atypique et maladroit, entre trente et quarante ans, look
agent d’assurance ou employé de bureau. Rien de bien
précis. C’est le coup classique : quand les clients ne savent
pas ce qu’ils veulent, ils auditionnent le plus de gens
possible, espérant que l’inspiration jaillira au détour d’un
visage inconnu.
Résultat des courses : tous les comédiens et mannequins
mâles de Londres dans cette tranche d'âge se disputent
L’Acteur International
15
quinze chaises disposées en cercle dans une chambre de dix
mètres carrés.
Dès mon arrivée, le ton est donné : il faut faire la queue et
s'inscrire auprès d'une hôtesse peroxydée et rebutante qui
mâchouille sans conviction : name, age, telephone number,
agent’s name (nom, âge, numéro de téléphone, nom de votre
agent). Ensuite, il convient d’ajouter son nom à la suite d'une
liste interminable et prendre son mal en patience.
J'attends depuis plus d'une demi-heure quand enfin une
place assise se libère. Quarante-cinq minutes plus tard, je
patiente encore et, à en juger le nombre de noms avant le
mien sur une liste qui s’allonge de minute en minute, je ne
suis pas prêt de serrer la main du directeur de casting. Je
maudis mon agent pour m’avoir fourré dans cette galère, et
je me demande s’il ne vaut pas mieux prendre la poudre
d’escampette avant la tombée de la nuit. Soyons réalistes,
quelles sont mes chances d’être choisi ?
Mon voisin, assis à ma droite, un rouquin aux yeux verts à
qui l’on donne facilement cinquante ans, fringué comme l’as
de pique, m’apprend que ce casting se déroule sur trois jours
et simultanément à Londres, Paris, Milan et New York. Et ils
n’ont besoin que d’une seule personne. Autant jouer au
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Loto ! Pourtant, je décide de tenter ma chance, aussi infime
soit-elle.
Vers midi trente, il ne reste plus que deux types avant moi.
Les séjours des candidats dans la salle de torture s’avèrent
de plus en plus courts. Bref, tout le monde en a marre, moi y
compris. La porte s’ouvre.
- Au suivant !
Un beau brun s’engouffre dans la pièce et en ressort cinq
minutes plus tard. Mon tour va venir. Et c’est à cet instant
que mon portable se manifeste. Je réponds.
- Oui ?
- Allô, c’est Sam ?
- Lui-même.
- Bonjour, c’est Alison.
Alison est une booker (personne qui vous envoie sur les
castings) dans une agence de comédiens pour laquelle il
m’arrive de cachetonner de temps à autre.
- Bonjour Alison.
- Sam, tu fais quoi aujourd’hui ?
- Je perds mon temps dans un casting de pub.
- Tu es libre cet après-midi ?
- Oui. Maintenant, ça a l’air d’aller plutôt vite.
L’Acteur International
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- Tant mieux ! Spielberg veut te voir.
- Qui ?
- Steven Spielberg. Il veut te rencontrer.
- Oui, bien sûr ! Pour le rôle du requin dans Les dents de
la mer 5 ?
Cette farce-là, le coup de Spielberg ou du directeur
américain célèbre, on ne me la fait plus. Je suis rodé : un ami
comédien, John, passe son temps à me téléphoner et
emprunte un accent américain dès qu’il me tient au bout du
fil.
- Je peux parler à Sam Spiegel ? demande John
invariablement.
Dupe, je réponds à chaque fois :
- Oui, c’est moi.
- C’est Francis Ford Coppola, continue-t-il, je tourne le
deuxième volet d’Apocalypse Now. Sam, pouvez-vous
reprendre le rôle de Marlon Brando ? Il faudra maigrir un peu,
par contre.
- Très drôle ! C’est toi, John ?
Un autre de ces favoris est Spielberg, justement.
- Sam Spiegel ? Allô, c’est Steven Spielberg à l’appareil.
En ce moment, je tourne E.T, le retour. J’ai pensé à vous
L’Acteur International
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pour le rôle de l’extraterrestre : on n’aura pas besoin d’utiliser
beaucoup de maquillage.
- Non, c’est sérieux Sam, insiste Alison. Spielberg a vu ta
photo, il souhaite te rencontrer le plus vite possible et te faire
tourner dès aujourd’hui si tu lui conviens… et si tu ne te
pointes pas trop tard.
Je n’en crois pas un traître mot.
- Ah oui ? Et mon avion pour Hollywood part à quelle
heure ?
- Next, please (Au suivant !)
Le directeur de casting ouvre la porte de son bureau et
réclame le postulant suivant. C’est moi. J’ai attendu si
longtemps, je ne peux pas laisser passer mon tour.
- Alison, je dois te laisser, c’est à moi.
- OK. Rappelle-moi aussi vite que possible. J’informe
l’assistant de Spielberg que tu es d’accord.
- Oui, oui, c’est ça. À plus !
- C’est moi, le suivant ! m’écrié-je, à la grande déception
de l’un de mes camarades, un grand écossais qui, n’ayant vu
personne se lever, se précipite déjà dans le bureau à ma
place, alors qu’il n’est que parmi les derniers arrivants.
L’Acteur International
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- Tu es sûr ? me lance-t-il d’un ton méfiant avec un accent
à couper au couteau.
- Certain. Tu n’as qu’à consulter la liste si tu ne me crois
pas.
- Ah ! Il y avait une liste ? Je ne savais pas. Personne ne
m’a rien dit. Mais je crois que j’étais là avant toi.
- Oh non ! Je t’ai vu entrer, et c’était bien après moi.
Heureusement, mon voisin, le rouquin, prend mon parti, et
confirme mes dires.
- Ah ? Bon, ben, vas-y, se résigne l’usurpateur.
Le milieu artistique est malheureusement rempli de gens
de la sorte.
- Bonjour, m’accueille un homme d’une quarantaine
d’années aux cheveux déjà gris.
Autour de lui s’agite une ribambelle d’individus : une
jeune femme qui gribouille sur son carnet, un barbu cravaté
qui ne fait strictement rien, une autre nana dont l’occupation
consiste probablement à faire bouillir l'eau pour le thé, et un
technicien derrière une caméra, les oreilles cachées sous un
casque énorme qui le fait ressembler à Mickey Mouse.
- Hi ! Je suis Paul, le réalisateur, se présente l’homme à la
chevelure grisonnante.
L’Acteur International
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Puis, après avoir consulté ses fiches :
- Hm ! Sam Spiegel ? C’est un nom célèbre, ça.
- Oui. Il n’y a que le nom qui le soit, malheureusement.
- Bah, ça viendra… ou pas. Bien, Sam, on vous a expliqué
le topo ?
- Pas vraiment.
- C’est une pub pour Coca-Cola, qui sera diffusée dans le
monde entier. Câble, satellite, cinéma, télévision, Internet.
D’où la forte rémunération. Bon, on y va tout de suite. Je vais
vous demander de vous placer au fond de la pièce, devant le
mur, bien en face de la caméra. Je vous dirai ce qu’il faut
faire au fur et à mesure, ce sera plus simple.
- Ok, ça marche.
- Bien ! Alors, toujours face à la caméra, vous allez nous
dire qui vous êtes en trois mots. Surtout ne mentionnez pas
votre âge. On y va ? Moteur ! Comment vous appelez-vous et
quelle est votre occupation ?
- Sam Spiegel, comédien.
Trois mots, pas un de plus, pas un de moins. Jusqu’ici,
tout va bien.
L’Acteur International
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- Avez-vous tourné dans une publicité pour des produits
similaires ou concurrentiels au cours de ces trois dernières
années ?
- Non.
C’est toujours bon.
- Êtes-vous libre mardi, mercredi et jeudi de la semaine
prochaine?
- Oui.
Décidément, ça gaze. Je vais avoir le rôle, je le sens.
- Bien ! Levez vos mains devant votre visage, doigts bien
écartés, toujours pour la caméra. Ok, vous pouvez les
baisser. Profil droit, maintenant. Bien ! Le gauche, à présent.
Ok ! De trois-quarts. C’est ça ! Tournez-vous. Bon ! Marchez
de long en large, dans le fond. Voilà ! Merci. On vous
rappellera.
- C’est tout ?
- Oui, c’est suffisant.
- Il n’y a pas de dialogue ?
- Si, mais je ne pense pas vous fassiez l’affaire de toute
façon. Vous n’êtes pas le type de personne que nous
recherchons. Excusez-nous de vous avoir dérangé pour rien.
L’Acteur International
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Inutile de préciser que je suis d’une humeur massacrante
quand je quitte le casting. Comme si je n’ai rien de plus
intéressant à faire que de glander dans des salles
surpeuplées en plein mois d’août ! Bon, ok, je n’ai rien de
mieux à faire. Mais ce n’est pas une raison.
Dans la rue, après avoir arraché la cravate qui garrotte
mon cou, je m’apprête à contacter l’agent qui m’a envoyé
dans ce traquenard, afin de lui révéler ma façon de penser.
C’est son boulot, merde, de s’assurer que je corresponds
bien au profil demandé ! Mon portable à peine rebranché, je
constate que j’ai manqué deux appels. On verra ça plus tard.
Avant que je ne puisse composer le numéro de l’agent, mon
Nokia vibre entre mes mains. Je prends l’appel.
- Allô, Sam ? C’est encore Alison.
Cette fois, je pense à vérifier le nom qui s’inscrit sur le
cadran du téléphone. Cette personne est bien Alison. C’est
étrange : une agence aussi réputée que la sienne n’a
pourtant pas le loisir de s’amuser à faire des blagues à ses
propres comédiens.
- Sam, je t’ai laissé deux messages. Tu es libre
maintenant ?
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- Alison, il faut que tu m’expliques : c’est quoi cette histoire
de Spielberg ?
- Steven Spielberg est en Angleterre, il tourne un long
métrage dont le thème est la seconde guerre mondiale et qui
s’intitule Saving Private Ryan .
- OK. Et alors?
- L’équipe de tournage s’est installée à Hatfield, dans le
Hertfordshire, où se trouve l’ancienne base aérienne
désaffectée de British Aerospace. C’est à quarante-cinq
minutes de Londres en voiture. Ils filment le bombardement
d’un village français et quelques scènes du débarquement de
Normandie. Spielberg veut des gars avec des tronches,
capables de jouer des soldats. On lui a déjà envoyé d’autres
comédiens, mais Spielberg les trouve trop jeunes. Ses
assistants ont consulté tous les books de toutes les agences
de Londres, et ils sont tombés sur ta photo. Maintenant,
Spielberg veut te voir en chair et en os. Si tu es sélectionné,
tu auras une ou deux journées de tournage, quelques lignes
de texte que tu apprendras une fois sur place.
- Ce n’est pas des conneries ?
- Sam, tu crois vraiment que j’ai le temps de faire des
canulars téléphoniques ?
L’Acteur International
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- Non, bien sûr. Excuse-moi.
- Pas de mal. Ah ! Oui, j’oubliais : on te coupera les
cheveux là-bas.
- Non, ça ira : ils sont déjà courts.
- Pas assez, crois-moi. Et apprête-toi à être trempé
jusqu’aux os !
- Trempé ?
- Ben oui, c’est le débarquement.
- Euh… Bon ! Remarque, ça me rafraîchira, avec la
chaleur qu’il fait. C’est payé combien ?
- On n'a pas encore négocié l’affaire, ça dépendra. Alors,
tu es partant ?
- Oui, bien sûr. Bosser avec Spielberg, tu penses !
- Ok ! Tu as une voiture ?
- Non.
- Non ? Alors écoute-moi bien. Fonce jusqu’à la gare de
King’s Cross, saute dans le premier train en partance pour
Leeds. Ensuite, tu m’appelleras pour me faire savoir à quelle
heure tu arrives à Hatfield. C’est le premier arrêt. Je
contacterai la production pour qu’on t’envoie quelqu’un te
récupérer à la gare et te conduire jusqu’au plateau.
- OK ! C’est bon.
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- Vas-y, cours. Si tu arrives trop tard, tu ne tourneras plus
aujourd’hui et peut-être même pas du tout.
- Et si je n’étais pas pris ?
- Tu serais dédommagé, bien entendu, et on te paierait tes
heures passées dans le train et sur le plateau de tournage.
- Ok, je file et je te rappelle dès que j’ai les infos.
- Ok ! Break a leg ! (NDR : Casse-toi une jambe, ce qui
signifie bonne chance !)
Quelle histoire ! King’s Cross est trop éloigné du centre de
Londres pour m’y rendre à pied. Je saute dans le métro, qui,
à cette heure, ressemble à une boîte de sardines. Lorsque je
descends à King’s Cross, je suis en nage. Je dois retirer de
l’argent, car je n’ai pratiquement rien sur moi. C’est un
calvaire : impossible de trouver un distributeur de billets dans
l’enceinte de la gare. Je cours, haletant, jusqu’à la banque la
plus proche, pour découvrir qu’elle ne possède pas de
distributeur automatique. Tant pis, je réglerai mon titre de
transport avec ma carte bancaire.
- On n’accepte pas les cartes pour les achats de moins de
quinze Livres, m’informe un employé obtus de British
Railway, protégé, heureusement pour lui, derrière un écran
de plexiglas.
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Mais il n’est pas mauvais bougre, et, face à mon
insistance, m’indique l’adresse d’une banque Barclays, à cent
mètres de là. J’en rage car je perds du temps.
- De toute façon, il n’y a pas de train pour Leeds avant une
demi-heure, me rassure-t-il.
Trente-cinq minutes plus tard, affalé sur une banquette
inconfortable, j’ouvre toutes les fenêtres du compartiment
vide pour créer un courant d’air. Enfin seul, je peux retirer ma
veste et dégrafer ma chemise.
- Allô ! Alison ? C’est Sam. Je serai à la gare à 14 heures
15.
- OK ! Je préviens la production et je te rappelle.
Je ferme les yeux. Je suis déjà épuisé et je n’ai pas
encore commencé ma journée de travail. Mon téléphone
sonne cinq minutes plus tard.
- Sam, c’est Alison. Personne n’est disponible pour venir
te récupérer. Tu as du liquide sur toi ?
- Oui, grâce à l’entêtement d’un vendeur de billets.
- Pardon ?
- Oui, j’ai de l’argent sur moi.
- Bon ! Dès que tu descends du train, prends un cab (taxi)
et demande que l’on te conduise sur le lieu de tournage.
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Toute la petite ville ne parle plus que de ce film, le taxi saura
où aller. On te remboursera tes frais de transport.
- Ok.
Arrivé à Hatfield, je n’aperçois aucun taxi. Je me
renseigne auprès d’un employé des chemins de fers, qui
m’apprend que le bâtiment sur ma gauche héberge un
service de limousines avec chauffeurs. C’est un peu onéreux,
mais je n’ai pas le choix.
Je prends place dans une élégante Mercedes noire,
conduite par un gentleman d’une soixantaine d’années, un
black distingué aux cheveux blancs. Portant l’uniforme et la
casquette, il ressemble à Morgan Freeman dans le film
Driving Miss Daisy avec Jessica Tandy. Pas de problème,
Morgan connaît le chemin.
- Vous êtes déjà allé là-bas ? s’enquiert-il.
- Non, c’est la première fois. Et vous ?
- Man, des milliers de fois, quand cette base était en
service. Mais là, depuis que ces gens de cinéma occupent
les lieux, je ne veux plus y mettre les pieds. On se croirait de
retour au temps de la guerre. Je vous laisserai descendre un
peu avant, je n’ai pas envie de me chopper un obus sur le
capot. Vous devrez marcher un peu.
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Mister Freeman me laisse à quelques centaines de mètres
d’une énorme bâtisse rectangulaire au toit plat qui ne
ressemble à rien, si ce n’est à un amas de béton gris de
quatre-vingts mètres de long, percé de fenêtres alignées et
carrées. D’immenses hangars l’entourent.
Au-delà de ces gigantesques entrepôts, dans le ciel bleu
de la campagne anglaise, monte une fumée noire et épaisse.
Attiré par des bruits de foule, je m’approche d’un hangar
dont les monstrueuses portes coulissantes sont ouvertes. Je
suis accueilli par un jeune homme à l’accent américain et aux
cheveux longs, couvert de câbles et criant dans un walkie-
talkie.
- Attendez un instant ! hurle-t-il en me considérant. Ok, je
m’en occupe, affirme-t-il dans son émetteur. Je peux vous
aider ?
- Oui, je m’appelle Sam Spiegel et je suis comédien. Je
suis là pour un rôle de GI et…
- Votre nom, vous m’avez dit ?
- Sam…
- Sam ? répète-t-il, la bouche collée contre son appareil.
- Spiegel.
- Beagle ? Comme la race de chien ?
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- Non, Spiegel.
- Pardon, Spiegal.
Une voix incompréhensible s’évade de son récepteur.
- Ok ! On vous attend, suivez-moi ! m’invite-t-il. Hi Sam !
Il me tend la main.
- Je suis Howard, l’un des nombreux assistants. Welcome
to World War II, Sam (bienvenue dans la seconde guerre
mondiale, Sam !).
Nous traversons une cantine démesurée peuplée de
tables et de chaises. Au-dessus de nos têtes, un pont roulant
titanesque, probablement immobile depuis la fermeture
officielle de la base, attire mon regard. Nous ne sommes pas
dans une cafétéria géante, comme on pourrait le penser,
mais dans un hangar gigantesque capable d’abriter de
grands avions.
Tout autour de nous, s’affairent runners (hommes à tout
faire) , maquilleurs, stagiaires et secrétaires mêlés à des
soldats hagards et couverts de boue. Les GIs sont là par
centaines. Tous paraissent fatigués, sales ; certains sont
blessés, portant des bandages crasseux maculés de sang
autour de leurs crânes ou de leurs bras. J’ai beau savoir que
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nous sommes dans le monde de l’illusion, l’effet est
saisissant.
- Ok, Sam ! Direction : le coiffeur, ordonne Howard.
- On ne fait pas le casting d’abord ? Si je ne suis pas pris,
ça ne sert à rien de me faire couper les cheveux.
- Hm, malheureusement, ça ne marche pas comme ça. Ici,
c’est comme à l’armée.
Je souris, mais Howard garde son sérieux.
- On va te raser le crâne, et t’habiller. Ensuite, quand tu
seras dans la peau du personnage, on demandera l’avis du
patron.
Nous longeons un couloir éclairé par des néons. Des
messages inintelligibles fusent de la radio de mon guide.
Nous entrons dans une salle aux murs tapissés de miroirs.
De hauts tabourets tout en métal sont alignés en face d’un
comptoir jonché de peignes, ciseaux et tondeuses. Un grand
gaillard musclé, la clope au bec, T-shirt blanc et pantalons de
combat, m’invite à prendre place à côté d’une autre victime
venue elle-aussi se faire tondre.
- J’suis Nigel, l’coiffeur, baragouine le type à la cigarette.
Tu t’appelles ?
- Sam.
L’Acteur International
31
- Ok, Sam ! J’suis à toi dans cinq minutes, j’m’occupe
d’abord de c’t’autre gentleman.
Il ne lui faut que deux minutes pour décimer de sa
tondeuse la tête de mon voisin. Je ravale ma salive en
observant les mèches blondes tomber en touffes épaisses
sur le sol.
Sa besogne faite, le bourreau m’observe en souriant.
- J’ai deux nouvelles pour toi, Sam, une bonne et une
mauvaise. La bonne, c’est qu’tu porteras un casque pour
toute la durée du tournage, et qu’on ne verra pas la longueur
de tes tifs.
- Ouf !
- Et la mauvaise, c’est que je vais t’raser la caboche
quand même, s’esclaffe-t-il. Par souci de réalisme.
Trois minutes plus tard, je peux, à mon tour, admirer dans
la glace mon crâne plumé comme un poulet. Howard vient
me chercher. J’ai du mal à détacher mon regard de l’image
désolante que me renvoie le miroir.
- T’inquiète pas, ça repoussera, rigole Howard en se
passant ses doigts dans sa longue chevelure pour me
narguer. On va choisir les fringues maintenant. Ensuite, on
ira à l’armurerie.
L’Acteur International
32
Je traîne derrière l’assistant, désormais moins convaincu
de vouloir tourner dans ce film. Je frotte du revers de ma
main la peau rugueuse de mon crâne glabre. Nous croisons
dans les couloirs d’autres soldats et des techniciens de
plateau. Nous débarquons dans une salle rectangulaire, tout
en longueur, avec, sur le côté droit, un comptoir qui s’étale
sur plus de cinq mètres. Derrière celui-ci, un homme et une
femme vont et viennent, les bras chargés d’uniformes, de
casques et de chaussures.
L’homme m’interpelle :
- Taille, tour de tête et de poitrine.
Comme j’hésite, on me mesure rapidement. On me
demande de tendre les bras, et on dépose dans mes mains
T-shirt, chaussettes, caleçon, deux paires de pantalons,
veste, manteau, casque et bottes. On me passe autour du
cou une chaîne en métal avec, comme médaillon, une plaque
sur laquelle est gravé un matricule. On me fait signer un
registre. Où suis-je ? Sur un plateau de cinéma ou dans les
antichambres de la mort, un jour de juin de l’année 1944 ?
Comme un somnambule, ma pile de vêtements militaires
sur les bras, j’emboîte le pas à Howard jusque dans une
remise spacieuse. Là, bruyamment, une dizaine d’hommes
L’Acteur International
33
se dépouillent de leurs identités et habits civils. Je suis
convié à en faire de même.
- Hi ! Moi, c’est Peter, m’annonce joyeusement un petit
bonhomme replet debout devant moi en slip et en
chaussettes, alors que je m’apprête à retirer mes pantalons.
- Salut ! Je m’appelle Sam.
- Je ne t’ai pas vu hier, Sam.
- Non, c’est mon premier jour. Peter, c’est ça ton nom ? Je
peux te demander quelque chose ?
- Vas-y, ne te gêne pas.
- Vous êtes traités comme ça tout le temps ?
- Bah ! On n’a pas à se plaindre. Ceux qui souffrent le
plus, ce sont les acteurs principaux et les figurants. Nous, les
petits rôles, nous avons du bol.
- Ah bon ?
- Ben oui ! Spielberg, tu sais, c’est un perfectionniste. Tu
as vu le village ?
- Le village ? Non, pas encore.
- Quand tu le verras, tu pigeras. La semaine dernière,
toute l’équipe se trouvait en Irlande pour filmer le
débarquement d’Omaha Beach…
L’Acteur International
34
- En Irlande ? Omaha Beach est une plage de
Normandie…
- Les uns par-dessus les autres !
- Pardon ?
- Les falzars, tu dois les enfiler les uns par-dessus les
autres. Les pantalons imperméables couleur sable en
dernier.
- Ah ! Merci.
- Pas de quoi. Ouais, Omaha Beach est peut-être en
Normandie, comme tu dis, mais les plages du débarquement
sont des sites historiques, donc protégés. Spielberg n’a pas
obtenu l’autorisation de filmer là-bas. Ah, ça, ce sont des
têtus, les Français. Alors l’équipe de repérage nous a dégoté
une plage en Irlande en tout point identique à celle de
France.
- Ah ?
- C’est comme pour les chars amphibies : la production les
cherchait partout en Europe... Eh bien, ils les ont trouvés… tu
sais où ? En Californie ! Et ils ont dû faire construire des
nacelles assez grandes pour les transporter par voie
maritime jusqu’à Southampton. Ensuite, il fallait les transférer
dans d’autres bateaux pour les emmener jusqu’en Irlande.
L’Acteur International
35
Spielberg ne voulait pas entendre parler de reproductions :
tout devait être le plus réaliste possible. C’est pour ça que,
même si tu n’es à l’écran que quelques secondes, tu dois te
coltiner tout l’uniforme, du slibard jusqu’aux chaussettes ! se
marre-t-il en exhibant une paire de caleçons kaki.
- Tu ne crois pas que c’est un peu exagéré ?
- Exagéré ? On voit que tu ne sais pas ce que Spielberg a
fait subir à Vin Diesel, Adam Goldberg, Edward Burns et
toute la clique. Figure-toi qu’il a demandé à un ancien
marine, Captain Dale Dye, de préparer les comédiens
comme on prépare au combat de vrais GIs. Dye les a fait
courir avec tout leur barda et leur fusil sur le dos, plus de
vingt kilos, bouffer des rations militaires, ramper dans la
boue, patauger dans la flotte et dormir sous des tentes. Leur
entraînement a duré dix jours, et pendant tout ce temps, Dye
n’appelait les comédiens que par le nom de leur personnage
dans le film. Il leur a même appris à assembler leurs armes
les yeux bandés, pour pouvoir le refaire en pleine nuit. Tu
vois quand je te disais qu’on avait de la chance !
- Et aux figurants, qu’est-ce qu’on leur a fait ?
- Pour les scènes du débarquement, Spielberg voulait de
vrais soldats. L’armée de terre irlandaise lui a prêté sept cent
L’Acteur International
36
cinquante durs à cuire, des vrais de vrais. Et je te jure qu’ils
n’en menaient pas large, les bidasses, avec toutes ces
bombes qui éclataient tout autour d’eux. Spielberg a tourné
les mêmes scènes encore et encore, jusqu’à ce que les
types soient crevés. Il multipliait les explosions, ça sautait de
tous les côtés. On s’y croyait, et je t’assure qu’ils avaient les
foins, les buveurs de Guinness.
Tout cela n’est pas très rassurant, et je commence à me
demander si j’ai bien fait d’accepter ce rôle, Spielberg ou pas
Spielberg. Dans un vieux miroir taché, se tient en face de moi
un GI plus vrai que nature. J’ai du mal à reconnaître mon
propre reflet. Mes trois couches de vêtements me donnent
l’air beaucoup plus balaise que je ne le suis en réalité.
Ma transformation est cependant loin d’être terminée : il
me faut encore passer par une maquilleuse qui me barbouille
le visage et salit mes mains. Elle pousse le vice jusqu’à me
noircir sous les ongles.
Dans une autre salle, on m'équipe d’un fusil.
- Tu ne dois jamais te séparer de ton arme, me précise-t-
on.
C’est certainement ce genre de recommandation
auxquelles avaient droit les pauvres diables qui partaient au
L’Acteur International
37
casse-pipes. Et cette carabine qu’on vient de me refiler,
croyez-moi, n’est pas en plastique.
Ainsi affublé, je sors du hangar. Trois marches me
séparent d’une route de terre. Howard m’a prévenu qu’une
voiture passerait me prendre. J’espère que ce ne sera pas
trop long, car, avec ces habits et ce flingue qui pèsent une
tonne, je fonds littéralement sous le soleil.
Une jeep lancée à vive allure freine devant moi. Lorsque le
nuage de poussière se dissipe, j’aperçois, au volant, un
homme d’environ cinquante balais, coiffé d’un casque blanc
comme en portent les mineurs de fond ou les manœuvres
sur les chantiers. Derrière, sur la banquette, un GI, fringué
exactement comme moi, ouvre la portière arrière et m’invite
d’un geste à m’asseoir à côté de lui.
Les pneus de la jeep patinent, projetant une pluie de
gravillons, et nous voilà partis. Je m’informe auprès du
chauffeur :
- Où va-t-on ?
- Quoi ?
- Vous nous conduisez où ?
- Hein ?
L’Acteur International
38
C’est inutile : le moteur de la jeep fait un boucan d’enfer.
Je m’adresse à mon voisin.
- Tu sais, toi, où on va ?
- Parle plus fort. Tu disais ?
La jeep ralentit et on peut enfin s’entendre parler.
- Tu sais où on va ?
- Au village, répond-il évasivement.
- Ah ! Je vais enfin le voir, ce fameux décor dont tout le
monde parle.
- Tu ne l’as pas encore vu ? C’est assez extraordinaire. Tu
viens d’arriver ?
- C’est mon tout premier jour. Je ne sais même pas s’il y
en aura d’autres. J’ignore même si Spielberg va me garder
aujourd’hui.
- Ah bon ?
Je lui raconte brièvement mon histoire qu’il écoute d’une
oreille distraite. Il sourit.
- Eh oui ! C’est comme ça, dans le cinéma, conclut-il. On
ne sait jamais ce qu’on fera le lendemain.
- Ou, dans mon cas, le jour même. Je m’appelle Sam. Et
toi ?
L’Acteur International
39
Mon voisin considère ma main tendue ; il hésite en
regardant mes ongles crasseux.
- Oh ! Ne t’inquiète pas : ce n’est que du maquillage.
- Oui, j’en sais quelque chose, soupire-t-il.
Et il me présente ses doigts aussi bruns que les miens.
Nous éclatons de rire en nous serrant la paluche.
- Moi, c’est Tom, annonce-t-il enfin.
- Comme Tom Cruise ?
Ma plaisanterie semble l’amuser : il se marre.
- Oui, comme Tom Cruise.
- Tu es sur ce tournage depuis longtemps ?
- Depuis le début… et même avant.
- Tu as du bol, Tom. Tu dois avoir un rôle important.
- Oui, l’un des principaux.
- C’est quoi ton nom de famille ? Peut-être que je te
connais ?
- Hanks.
Je tousse. Je suis vraiment un imbécile. À cause de tout
son maquillage, je n’ai pas reconnu Tom Hanks. Personne
ne m’avait prévenu. Alison ne m’a pas parlé de lui, Howard
non plus. Ni même Peter, qui m’a pourtant cité toute une liste
de comédiens. J’essaie de rattraper le coup.
L’Acteur International
40
- Oh ! Je… J’aime beaucoup ce que vous faites, Mister
Hanks.
- Merci. Mais c’est Tom, s’il te plaît. Pas de Mister entre
nous : on fait le même boulot.
- OK, Mist… je veux dire :Tom.
Mon illustre voisin se penche vers le conducteur qui
ralentit encore pour entendre ce que Mister Hanks essaie de
lui dire.
- Je descends ici : je vais rejoindre mon peloton.
Tom désigne un groupe de soldats sur notre droite.
- Très bien, Mister Hanks.
La jeep freine, dérape, puis s’immobilise. Tom saute du
véhicule.
- Bye, Sam ! See you around (A bientôt !)
- Au revoir, Mist… Tom.
J’observe la star s’éloigner. Nous redémarrons...
Fin de l’extrait
L’Acteur International
41
Comment se procurer « L’Acteur International» au
complet
Disponibles aux formats
Kindle (eBook), Livre papier, PDF (eBook)
www.samspiegel.com/acteur
L’Acteur International
42
Un mot sur l’auteur…
Né à Metz, en Lorraine, d’une famille de professeurs et de
cultivateurs, Sam Hervé Spiegel poursuit des études
secondaires aux Beaux-arts de Metz. Après une courte
carrière dans l’enseignement, il part pour l’Angleterre. Là-
bas, il devient acteur.
Après avoir suivi des cours dramatiques à Londres et à Paris,
Sam apparaît dans de nombreuses séries télévisées outre-
manche, ainsi que dans des films internationaux.
De retour en France, à Paris cette fois, on le voit au théâtre
et aussi en tournée avec la pièce de Schiller, Marie Stuart.
Sam vit désormais dans une petite ville du Kent, baptisé le
jardin de l'Angleterre, entre Londres et Douvres...
Le point de départ de l’action de ces romans (jeunesse ou
autres) et récits se situe toujours dans des endroits et lieux
où l'auteur a vécu ou grandi, souvent en Angleterre, où il
puise son inspiration.
La plupart de ses personnages existent ou ont réellement
existé, seuls les noms ont été changés. La géographie des
lieux est toujours scrupuleusement respectée.
L’Acteur International
43
Il est aussi l’auteur de romans pour la jeunesse où il entraîne
ses lecteurs autour du monde et dans de profonds mystères
et aventures extraordinaires.
Pour plus d’information sur :
Sam Spiegel l’acteur :
www.samspiegel.com
Sam Spiegel et ses livres :
http://litterature.samspiegel.com
Les Éditions Rudolf :
www.editionsrudolf.com
L’Acteur International
44
Du même auteur
L’acteur international (récit)
Le medium de Londres (Série - romans – nouvelles)
Le Jazz du Diable
L’incroyable Miss Pilkinson (Série – romans jeunesse)
Panique à Oxford Street
Grande sècheresse à Venise
La Treizième Fée (roman jeunesse)
The Adventures of buying and selling Properties in Paris
and London (récit, en Anglais)

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L’acteur International, récit cinématographique de Sam Spiegel

  • 1.
  • 2. Extrait du récit : Sam Spiegel L’Acteur International Récit
  • 3. Copyright Copyright / Droits d’auteur © Sam Spiegel 2009, 2012 All rights reserved Tous droits réservés Editions Rudolf, 2012 This eBook is copyright material and must not be copied, reproduced, transferred, distributed, leased, licensed or publicly performed or used in any way except as specifically permitted in writing by the author, as allowed under the terms and conditions under which it was purchased or as strictly permitted by applicable copyright law. Any unauthorized reproduction or distribution of all or part of this text may be a direct infringement of the author’s rights and those responsible may be liable in law accordingly. This is a work of fiction. Any resemblance of characters to actual persons, living or dead is purely coincidental. Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle de cet ouvrage faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l'Auteur ou de ses ayants cause est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle. Les personnages et les situations de ce récit étant purement fictifs, toute ressemblance avec des personnes ou des situations existantes ne saurait être que fortuite
  • 4. Résumé : L’acteur international, un récit cinématographique de Sam Spiegel A Londres et à Paris… Il n’y a pas que Cannes et son tapis rouge ou le lustre de la cérémonie des Oscars, tout n’est pas que glamour et strass... Ce récit est l’histoire vraie d’un comédien parmi tant d’autres à la poursuite de ce grand rôle qui lui apportera gloire et richesse et reconnaissance du public. En attendant cette consécration, de casting en audition, de petit boulot en grande scène, d’un pays à l’autre, nous suivons cet acteur international dans ses pérégrinations dans le milieu impitoyable du show-business et de ses stars. Avec lui, entre la France et l’Angleterre, nous sommes confrontés à la froideur de Madonna lors du tournage de son clip. La bonhomie de Jacques Villeret nous attendrit dans Le Furet sous la direction volcanique de Jean-Pierre Mocky. Le professionnalisme de Steven Spielberg et de Tom Hanks sur le plateau de Il faut sauver le soldat Ryan nous impressionne. L’humour de Michel Galabru au quotidien nous charme... Et puis, à côté de tout cela, loin du cercle vicieux des médias et de la lumière des projecteurs, il y aussi la vie de tous les jours... Et si vous vous imaginez que travailler dans le cinéma et côtoyer les plus grands vous procure piscine et terrain de tennis au fond de votre jardin, vous n’êtes pas au bout de vos surprises ! Un récit autobiographique et cinématographique écrit par Sam Spiegel à ne pas manquer !
  • 5. Comment se procurer « L’Acteur International» au complet Disponibles aux formats Kindle (eBook), Livre papier, PDF (eBook) www.samspiegel.com/acteur
  • 6. Cet ouvrage est dédié à mes pairs…
  • 7. L’Acteur International 7 Table des matières Graine de star Steven Spielberg & Tom Hanks Madonna Trois, pas plus ! Galabru Un métier de P… Jean-Pierre Mocky & Jacques Villeret Trois petits tours et puis s’en vont Un mot sur l’auteur… Du même auteur, parus ou à paraître
  • 8. L’Acteur International 8 Graine de star Dans chaque homme réside un enfant qui veut jouer. Friedrich Nietzsche En 1993, je suis un Français à Londres parmi tant d’autres. Comme beaucoup de mes compatriotes émigrés, j’occupe laborieusement mes journées. La trentaine, je vivote grâce à des petits boulots aussi variés qu’inconsistants : j’enseigne le français à des hommes d’affaires anglais, je fais la plonge dans des restaurants, je place les spectateurs dans des théâtres pour de maigres pourboires. Poor-boire, comme le dit si bien mon ami John. Je me suis essayé à la peinture, puis à la musique, sans réel succès. Je pensais rester en Angleterre six mois, j’y végète depuis pratiquement dix ans. C’est alors que le destin frappe à ma porte. Comme je possède un peu de matériel d’enregistrement - une table de mixage, un microphone – un ami comédien, Thierry, français lui aussi, me demande de réaliser pour lui une démo (cassette de démonstration). Il souhaite enregistrer divers aspects de sa voix, interprétant des textes bilingues. Il envisage ensuite de démarcher auprès des maisons de
  • 9. L’Acteur International 9 production, sa bande sous le bras, dans le but de décrocher des rôles à la radio ou de participer à des séances des doublages. J’accepte le challenge, et je me débrouille plutôt bien : je parviens à produire une démo tout à fait honnête. Grisé par mon exploit, je renouvèle cette expérience, pour moi cette fois. J’écris quelques sketchs en français et en anglais, imite quelques accents – allemand, africain, marseillais – et colle le tout sur une cassette de huit minutes. J’en fais plusieurs copies que j’envoie par la poste à différentes agences de postsynchronisation trouvées dans un annuaire spécialisé. C’est pourtant une amie actrice et auteur qui me met le pied à l’étrier. Annie me présente au réalisateur d’une méthode audiovisuelle pour apprendre le français pour laquelle elle est engagée, lorsqu’un des comédiens se désiste au dernier moment. Je fais un essai de voix par téléphone et je suis engagé. Ensuite, les choses vont plutôt vite. Quelques agences, après avoir reçu ma cassette, me contactent. On m’engage pour des pubs radio. Je transforme ma voix pour des jeux vidéo, comme Driver II ou Dark Omen. Je colore d’accents français régionaux les personnages de dessins animés, je
  • 10. L’Acteur International 10 prête ma voix à des comédiens anglais lors de séances de doublage. Sans trop de mal, je déniche un agent qui m’accepte au sein de son écurie sans m’avoir vu joué. Et pour cause : je n’ai encore jamais mis le nez devant une caméra ou posé le pied sur les planches. Je dois avouer que, pour arriver à mes fins, j’ai, sans aucune gêne, photocopié le CV d’un pote comédien et imposé, avec son accord, mon nom à la place du sien. Une méthode que je ne recommande pourtant pas : il suffit que l’agent concerné se livre à de petites vérifications ou soit ami avec l’un des réalisateurs cités, et vous voilà grillé à jamais. Mais je n’avais pas le choix. Quelques mois plus tard, le téléphone sonne, et ce n’est plus pour une proposition de voice-over (voix-off en français) cette fois. Il s’agit d’un casting pour interpréter un trafiquant de drogues français, dans un long métrage intitulé A quiet (Une journée tranquille). Je rencontre le réalisateur, Michael Jaeffer, un Anglais d’une petite trentaine et, à ma grande surprise et sans grandes difficultés, j’obtiens le rôle. Ensuite, les auditions se succèdent ; j’en réussis quelques-unes, mais j’en loupe lamentablement beaucoup d’autres. Il fallait s’y attendre : je n’ai aucune formation.
  • 11. L’Acteur International 11 Les comédiens rencontrés au hasard des tournages me filent des adresses, me recommandent des classes d’art dramatique. Je prends des cours de théâtre dans l’école privée d’un Français immigré à Londres, The International Theater School (l’école internationale de théâtre) de Philippe Gaulier, un disciple de Jacques Lecoq. Sa technique est originale : pour développer une complicité entre les comédiens, les acteurs s’adonnent à des jeux semblables à ceux pratiqués dans les cours des écoles primaires. C’est une bonne base de travail, mais il me faut approfondir le sujet, découvrir les motivations qui animent les comédiens. Je fréquente l’Actor Center, le temple des acteurs londoniens, où s’échangent castings, plans et combines. Des producteurs, réalisateurs et artistes connus y organisent des stages. J’en fais le plus possible. Là, je rencontre Tony Greco, acteur et professeur de l’Actor Studio de New York, coach de Dustin Hoffmann. Tony, qui prône la méthode Stanislavski, est de passage à Londres et y crée une cellule de travail semblable à celle de L.A., continuant ainsi l’œuvre de Lee Strasberg, fondateur du mythique Actor Studio. Je m’inscris au concours d’admission et je suis retenu. L’enseignement de Greco est à l’opposé de celui reçu lors de
  • 12. L’Acteur International 12 mon passage dans l’International Theater School : Philippe Gaulier détestait Stanislavski et le rabâchait à qui voulait bien l’écouter. C’est un bon exercice : il est bénéfique pour un acteur, lors de sa formation, d’explorer différentes techniques afin d’élargir son champ d’activité et de développer sa personnalité, sa propre façon de jouer. Il lui appartiendra, ensuite, de faire lui-même sa petite cuisine. Mieux armé, j’obtiens de meilleurs résultats lors des castings. Les emplois se succèdent et mon CV se remplit de rôles qui remplacent petit à petit ceux empruntés à mon ami. Un beau jour de juillet 1997, la BBC me sélectionne pour incarner au petit écran le compositeur Franz Schubert pour l’un de ses programmes les plus prestigieux, The BBC Proms, diffusé en prime time. Mon nom apparaît pour la première fois dans Radio Times (le Télérama anglais). Grâce à ce rôle, je deviens membre de la British Actors’ Equity Association (association professionnelle d’acteurs, comme l’Adami en France) et on m’accorde une carte professionnelle. L’aventure commence !
  • 13. L’Acteur International 13 Steven Spielberg & Tom Hanks Faire un film, c’est inventer un monde que les acteurs habitent le temps du tournage. Benoît Jacquot Jeudi, le 7 août 1997. Le casting pour la nouvelle publicité Coca-Cola se déroule au premier étage d'un immeuble ancien, dans le quartier chaud de Soho, près de Wardour Street. Une agence m'a contacté ce matin à 10 heures pour un rendez-vous à 11 heures. - Soyez à l'heure Sam Spiegel, a-t-on précisé au téléphone. Et surtout portez un costume et une cravate. Je trouve dans ma garde-robe une veste grise en tweed, achetée chez H&M, et une paire de pantalons assortis, de Mark & Spencer. Ce n’est pas un costard, mais c’est ce que je peux faire de mieux. Ma cravate bleue à pois blancs m'étrangle, trop serrée sur une chemise blanche au coton épais. J'arrive sur les lieux à 10 heures 45. On entre dans le bâtiment par une porte ouverte jour et nuit qui donne sur un
  • 14. L’Acteur International 14 couloir mal éclairé. Une pancarte minable, écrite à la main, nous signale la présence d'une young model on the first floor, ce qui signifie qu'une prostituée plus ou moins jeune négocie ses charmes dans un studio loué au premier étage. Cela ne surprend personne : après tout, nous sommes à Soho. Au second étage, une salle d’attente sans air conditionné se remplit de comédiens endimanchés appâtés par les sommes mirobolantes annoncées par leurs agents respectifs. 100 000 livres sterling (environ 150 000 euros, et c’était en 1997) pour le rachat des droits à l’image pour le cinéma, la télévision et Internet dans le monde entier et pour une période de cinq ans. C’est, il est vrai, un joli pactole. D’après les potins, Coca-Cola recherche un personnage atypique et maladroit, entre trente et quarante ans, look agent d’assurance ou employé de bureau. Rien de bien précis. C’est le coup classique : quand les clients ne savent pas ce qu’ils veulent, ils auditionnent le plus de gens possible, espérant que l’inspiration jaillira au détour d’un visage inconnu. Résultat des courses : tous les comédiens et mannequins mâles de Londres dans cette tranche d'âge se disputent
  • 15. L’Acteur International 15 quinze chaises disposées en cercle dans une chambre de dix mètres carrés. Dès mon arrivée, le ton est donné : il faut faire la queue et s'inscrire auprès d'une hôtesse peroxydée et rebutante qui mâchouille sans conviction : name, age, telephone number, agent’s name (nom, âge, numéro de téléphone, nom de votre agent). Ensuite, il convient d’ajouter son nom à la suite d'une liste interminable et prendre son mal en patience. J'attends depuis plus d'une demi-heure quand enfin une place assise se libère. Quarante-cinq minutes plus tard, je patiente encore et, à en juger le nombre de noms avant le mien sur une liste qui s’allonge de minute en minute, je ne suis pas prêt de serrer la main du directeur de casting. Je maudis mon agent pour m’avoir fourré dans cette galère, et je me demande s’il ne vaut pas mieux prendre la poudre d’escampette avant la tombée de la nuit. Soyons réalistes, quelles sont mes chances d’être choisi ? Mon voisin, assis à ma droite, un rouquin aux yeux verts à qui l’on donne facilement cinquante ans, fringué comme l’as de pique, m’apprend que ce casting se déroule sur trois jours et simultanément à Londres, Paris, Milan et New York. Et ils n’ont besoin que d’une seule personne. Autant jouer au
  • 16. L’Acteur International 16 Loto ! Pourtant, je décide de tenter ma chance, aussi infime soit-elle. Vers midi trente, il ne reste plus que deux types avant moi. Les séjours des candidats dans la salle de torture s’avèrent de plus en plus courts. Bref, tout le monde en a marre, moi y compris. La porte s’ouvre. - Au suivant ! Un beau brun s’engouffre dans la pièce et en ressort cinq minutes plus tard. Mon tour va venir. Et c’est à cet instant que mon portable se manifeste. Je réponds. - Oui ? - Allô, c’est Sam ? - Lui-même. - Bonjour, c’est Alison. Alison est une booker (personne qui vous envoie sur les castings) dans une agence de comédiens pour laquelle il m’arrive de cachetonner de temps à autre. - Bonjour Alison. - Sam, tu fais quoi aujourd’hui ? - Je perds mon temps dans un casting de pub. - Tu es libre cet après-midi ? - Oui. Maintenant, ça a l’air d’aller plutôt vite.
  • 17. L’Acteur International 17 - Tant mieux ! Spielberg veut te voir. - Qui ? - Steven Spielberg. Il veut te rencontrer. - Oui, bien sûr ! Pour le rôle du requin dans Les dents de la mer 5 ? Cette farce-là, le coup de Spielberg ou du directeur américain célèbre, on ne me la fait plus. Je suis rodé : un ami comédien, John, passe son temps à me téléphoner et emprunte un accent américain dès qu’il me tient au bout du fil. - Je peux parler à Sam Spiegel ? demande John invariablement. Dupe, je réponds à chaque fois : - Oui, c’est moi. - C’est Francis Ford Coppola, continue-t-il, je tourne le deuxième volet d’Apocalypse Now. Sam, pouvez-vous reprendre le rôle de Marlon Brando ? Il faudra maigrir un peu, par contre. - Très drôle ! C’est toi, John ? Un autre de ces favoris est Spielberg, justement. - Sam Spiegel ? Allô, c’est Steven Spielberg à l’appareil. En ce moment, je tourne E.T, le retour. J’ai pensé à vous
  • 18. L’Acteur International 18 pour le rôle de l’extraterrestre : on n’aura pas besoin d’utiliser beaucoup de maquillage. - Non, c’est sérieux Sam, insiste Alison. Spielberg a vu ta photo, il souhaite te rencontrer le plus vite possible et te faire tourner dès aujourd’hui si tu lui conviens… et si tu ne te pointes pas trop tard. Je n’en crois pas un traître mot. - Ah oui ? Et mon avion pour Hollywood part à quelle heure ? - Next, please (Au suivant !) Le directeur de casting ouvre la porte de son bureau et réclame le postulant suivant. C’est moi. J’ai attendu si longtemps, je ne peux pas laisser passer mon tour. - Alison, je dois te laisser, c’est à moi. - OK. Rappelle-moi aussi vite que possible. J’informe l’assistant de Spielberg que tu es d’accord. - Oui, oui, c’est ça. À plus ! - C’est moi, le suivant ! m’écrié-je, à la grande déception de l’un de mes camarades, un grand écossais qui, n’ayant vu personne se lever, se précipite déjà dans le bureau à ma place, alors qu’il n’est que parmi les derniers arrivants.
  • 19. L’Acteur International 19 - Tu es sûr ? me lance-t-il d’un ton méfiant avec un accent à couper au couteau. - Certain. Tu n’as qu’à consulter la liste si tu ne me crois pas. - Ah ! Il y avait une liste ? Je ne savais pas. Personne ne m’a rien dit. Mais je crois que j’étais là avant toi. - Oh non ! Je t’ai vu entrer, et c’était bien après moi. Heureusement, mon voisin, le rouquin, prend mon parti, et confirme mes dires. - Ah ? Bon, ben, vas-y, se résigne l’usurpateur. Le milieu artistique est malheureusement rempli de gens de la sorte. - Bonjour, m’accueille un homme d’une quarantaine d’années aux cheveux déjà gris. Autour de lui s’agite une ribambelle d’individus : une jeune femme qui gribouille sur son carnet, un barbu cravaté qui ne fait strictement rien, une autre nana dont l’occupation consiste probablement à faire bouillir l'eau pour le thé, et un technicien derrière une caméra, les oreilles cachées sous un casque énorme qui le fait ressembler à Mickey Mouse. - Hi ! Je suis Paul, le réalisateur, se présente l’homme à la chevelure grisonnante.
  • 20. L’Acteur International 20 Puis, après avoir consulté ses fiches : - Hm ! Sam Spiegel ? C’est un nom célèbre, ça. - Oui. Il n’y a que le nom qui le soit, malheureusement. - Bah, ça viendra… ou pas. Bien, Sam, on vous a expliqué le topo ? - Pas vraiment. - C’est une pub pour Coca-Cola, qui sera diffusée dans le monde entier. Câble, satellite, cinéma, télévision, Internet. D’où la forte rémunération. Bon, on y va tout de suite. Je vais vous demander de vous placer au fond de la pièce, devant le mur, bien en face de la caméra. Je vous dirai ce qu’il faut faire au fur et à mesure, ce sera plus simple. - Ok, ça marche. - Bien ! Alors, toujours face à la caméra, vous allez nous dire qui vous êtes en trois mots. Surtout ne mentionnez pas votre âge. On y va ? Moteur ! Comment vous appelez-vous et quelle est votre occupation ? - Sam Spiegel, comédien. Trois mots, pas un de plus, pas un de moins. Jusqu’ici, tout va bien.
  • 21. L’Acteur International 21 - Avez-vous tourné dans une publicité pour des produits similaires ou concurrentiels au cours de ces trois dernières années ? - Non. C’est toujours bon. - Êtes-vous libre mardi, mercredi et jeudi de la semaine prochaine? - Oui. Décidément, ça gaze. Je vais avoir le rôle, je le sens. - Bien ! Levez vos mains devant votre visage, doigts bien écartés, toujours pour la caméra. Ok, vous pouvez les baisser. Profil droit, maintenant. Bien ! Le gauche, à présent. Ok ! De trois-quarts. C’est ça ! Tournez-vous. Bon ! Marchez de long en large, dans le fond. Voilà ! Merci. On vous rappellera. - C’est tout ? - Oui, c’est suffisant. - Il n’y a pas de dialogue ? - Si, mais je ne pense pas vous fassiez l’affaire de toute façon. Vous n’êtes pas le type de personne que nous recherchons. Excusez-nous de vous avoir dérangé pour rien.
  • 22. L’Acteur International 22 Inutile de préciser que je suis d’une humeur massacrante quand je quitte le casting. Comme si je n’ai rien de plus intéressant à faire que de glander dans des salles surpeuplées en plein mois d’août ! Bon, ok, je n’ai rien de mieux à faire. Mais ce n’est pas une raison. Dans la rue, après avoir arraché la cravate qui garrotte mon cou, je m’apprête à contacter l’agent qui m’a envoyé dans ce traquenard, afin de lui révéler ma façon de penser. C’est son boulot, merde, de s’assurer que je corresponds bien au profil demandé ! Mon portable à peine rebranché, je constate que j’ai manqué deux appels. On verra ça plus tard. Avant que je ne puisse composer le numéro de l’agent, mon Nokia vibre entre mes mains. Je prends l’appel. - Allô, Sam ? C’est encore Alison. Cette fois, je pense à vérifier le nom qui s’inscrit sur le cadran du téléphone. Cette personne est bien Alison. C’est étrange : une agence aussi réputée que la sienne n’a pourtant pas le loisir de s’amuser à faire des blagues à ses propres comédiens. - Sam, je t’ai laissé deux messages. Tu es libre maintenant ?
  • 23. L’Acteur International 23 - Alison, il faut que tu m’expliques : c’est quoi cette histoire de Spielberg ? - Steven Spielberg est en Angleterre, il tourne un long métrage dont le thème est la seconde guerre mondiale et qui s’intitule Saving Private Ryan . - OK. Et alors? - L’équipe de tournage s’est installée à Hatfield, dans le Hertfordshire, où se trouve l’ancienne base aérienne désaffectée de British Aerospace. C’est à quarante-cinq minutes de Londres en voiture. Ils filment le bombardement d’un village français et quelques scènes du débarquement de Normandie. Spielberg veut des gars avec des tronches, capables de jouer des soldats. On lui a déjà envoyé d’autres comédiens, mais Spielberg les trouve trop jeunes. Ses assistants ont consulté tous les books de toutes les agences de Londres, et ils sont tombés sur ta photo. Maintenant, Spielberg veut te voir en chair et en os. Si tu es sélectionné, tu auras une ou deux journées de tournage, quelques lignes de texte que tu apprendras une fois sur place. - Ce n’est pas des conneries ? - Sam, tu crois vraiment que j’ai le temps de faire des canulars téléphoniques ?
  • 24. L’Acteur International 24 - Non, bien sûr. Excuse-moi. - Pas de mal. Ah ! Oui, j’oubliais : on te coupera les cheveux là-bas. - Non, ça ira : ils sont déjà courts. - Pas assez, crois-moi. Et apprête-toi à être trempé jusqu’aux os ! - Trempé ? - Ben oui, c’est le débarquement. - Euh… Bon ! Remarque, ça me rafraîchira, avec la chaleur qu’il fait. C’est payé combien ? - On n'a pas encore négocié l’affaire, ça dépendra. Alors, tu es partant ? - Oui, bien sûr. Bosser avec Spielberg, tu penses ! - Ok ! Tu as une voiture ? - Non. - Non ? Alors écoute-moi bien. Fonce jusqu’à la gare de King’s Cross, saute dans le premier train en partance pour Leeds. Ensuite, tu m’appelleras pour me faire savoir à quelle heure tu arrives à Hatfield. C’est le premier arrêt. Je contacterai la production pour qu’on t’envoie quelqu’un te récupérer à la gare et te conduire jusqu’au plateau. - OK ! C’est bon.
  • 25. L’Acteur International 25 - Vas-y, cours. Si tu arrives trop tard, tu ne tourneras plus aujourd’hui et peut-être même pas du tout. - Et si je n’étais pas pris ? - Tu serais dédommagé, bien entendu, et on te paierait tes heures passées dans le train et sur le plateau de tournage. - Ok, je file et je te rappelle dès que j’ai les infos. - Ok ! Break a leg ! (NDR : Casse-toi une jambe, ce qui signifie bonne chance !) Quelle histoire ! King’s Cross est trop éloigné du centre de Londres pour m’y rendre à pied. Je saute dans le métro, qui, à cette heure, ressemble à une boîte de sardines. Lorsque je descends à King’s Cross, je suis en nage. Je dois retirer de l’argent, car je n’ai pratiquement rien sur moi. C’est un calvaire : impossible de trouver un distributeur de billets dans l’enceinte de la gare. Je cours, haletant, jusqu’à la banque la plus proche, pour découvrir qu’elle ne possède pas de distributeur automatique. Tant pis, je réglerai mon titre de transport avec ma carte bancaire. - On n’accepte pas les cartes pour les achats de moins de quinze Livres, m’informe un employé obtus de British Railway, protégé, heureusement pour lui, derrière un écran de plexiglas.
  • 26. L’Acteur International 26 Mais il n’est pas mauvais bougre, et, face à mon insistance, m’indique l’adresse d’une banque Barclays, à cent mètres de là. J’en rage car je perds du temps. - De toute façon, il n’y a pas de train pour Leeds avant une demi-heure, me rassure-t-il. Trente-cinq minutes plus tard, affalé sur une banquette inconfortable, j’ouvre toutes les fenêtres du compartiment vide pour créer un courant d’air. Enfin seul, je peux retirer ma veste et dégrafer ma chemise. - Allô ! Alison ? C’est Sam. Je serai à la gare à 14 heures 15. - OK ! Je préviens la production et je te rappelle. Je ferme les yeux. Je suis déjà épuisé et je n’ai pas encore commencé ma journée de travail. Mon téléphone sonne cinq minutes plus tard. - Sam, c’est Alison. Personne n’est disponible pour venir te récupérer. Tu as du liquide sur toi ? - Oui, grâce à l’entêtement d’un vendeur de billets. - Pardon ? - Oui, j’ai de l’argent sur moi. - Bon ! Dès que tu descends du train, prends un cab (taxi) et demande que l’on te conduise sur le lieu de tournage.
  • 27. L’Acteur International 27 Toute la petite ville ne parle plus que de ce film, le taxi saura où aller. On te remboursera tes frais de transport. - Ok. Arrivé à Hatfield, je n’aperçois aucun taxi. Je me renseigne auprès d’un employé des chemins de fers, qui m’apprend que le bâtiment sur ma gauche héberge un service de limousines avec chauffeurs. C’est un peu onéreux, mais je n’ai pas le choix. Je prends place dans une élégante Mercedes noire, conduite par un gentleman d’une soixantaine d’années, un black distingué aux cheveux blancs. Portant l’uniforme et la casquette, il ressemble à Morgan Freeman dans le film Driving Miss Daisy avec Jessica Tandy. Pas de problème, Morgan connaît le chemin. - Vous êtes déjà allé là-bas ? s’enquiert-il. - Non, c’est la première fois. Et vous ? - Man, des milliers de fois, quand cette base était en service. Mais là, depuis que ces gens de cinéma occupent les lieux, je ne veux plus y mettre les pieds. On se croirait de retour au temps de la guerre. Je vous laisserai descendre un peu avant, je n’ai pas envie de me chopper un obus sur le capot. Vous devrez marcher un peu.
  • 28. L’Acteur International 28 Mister Freeman me laisse à quelques centaines de mètres d’une énorme bâtisse rectangulaire au toit plat qui ne ressemble à rien, si ce n’est à un amas de béton gris de quatre-vingts mètres de long, percé de fenêtres alignées et carrées. D’immenses hangars l’entourent. Au-delà de ces gigantesques entrepôts, dans le ciel bleu de la campagne anglaise, monte une fumée noire et épaisse. Attiré par des bruits de foule, je m’approche d’un hangar dont les monstrueuses portes coulissantes sont ouvertes. Je suis accueilli par un jeune homme à l’accent américain et aux cheveux longs, couvert de câbles et criant dans un walkie- talkie. - Attendez un instant ! hurle-t-il en me considérant. Ok, je m’en occupe, affirme-t-il dans son émetteur. Je peux vous aider ? - Oui, je m’appelle Sam Spiegel et je suis comédien. Je suis là pour un rôle de GI et… - Votre nom, vous m’avez dit ? - Sam… - Sam ? répète-t-il, la bouche collée contre son appareil. - Spiegel. - Beagle ? Comme la race de chien ?
  • 29. L’Acteur International 29 - Non, Spiegel. - Pardon, Spiegal. Une voix incompréhensible s’évade de son récepteur. - Ok ! On vous attend, suivez-moi ! m’invite-t-il. Hi Sam ! Il me tend la main. - Je suis Howard, l’un des nombreux assistants. Welcome to World War II, Sam (bienvenue dans la seconde guerre mondiale, Sam !). Nous traversons une cantine démesurée peuplée de tables et de chaises. Au-dessus de nos têtes, un pont roulant titanesque, probablement immobile depuis la fermeture officielle de la base, attire mon regard. Nous ne sommes pas dans une cafétéria géante, comme on pourrait le penser, mais dans un hangar gigantesque capable d’abriter de grands avions. Tout autour de nous, s’affairent runners (hommes à tout faire) , maquilleurs, stagiaires et secrétaires mêlés à des soldats hagards et couverts de boue. Les GIs sont là par centaines. Tous paraissent fatigués, sales ; certains sont blessés, portant des bandages crasseux maculés de sang autour de leurs crânes ou de leurs bras. J’ai beau savoir que
  • 30. L’Acteur International 30 nous sommes dans le monde de l’illusion, l’effet est saisissant. - Ok, Sam ! Direction : le coiffeur, ordonne Howard. - On ne fait pas le casting d’abord ? Si je ne suis pas pris, ça ne sert à rien de me faire couper les cheveux. - Hm, malheureusement, ça ne marche pas comme ça. Ici, c’est comme à l’armée. Je souris, mais Howard garde son sérieux. - On va te raser le crâne, et t’habiller. Ensuite, quand tu seras dans la peau du personnage, on demandera l’avis du patron. Nous longeons un couloir éclairé par des néons. Des messages inintelligibles fusent de la radio de mon guide. Nous entrons dans une salle aux murs tapissés de miroirs. De hauts tabourets tout en métal sont alignés en face d’un comptoir jonché de peignes, ciseaux et tondeuses. Un grand gaillard musclé, la clope au bec, T-shirt blanc et pantalons de combat, m’invite à prendre place à côté d’une autre victime venue elle-aussi se faire tondre. - J’suis Nigel, l’coiffeur, baragouine le type à la cigarette. Tu t’appelles ? - Sam.
  • 31. L’Acteur International 31 - Ok, Sam ! J’suis à toi dans cinq minutes, j’m’occupe d’abord de c’t’autre gentleman. Il ne lui faut que deux minutes pour décimer de sa tondeuse la tête de mon voisin. Je ravale ma salive en observant les mèches blondes tomber en touffes épaisses sur le sol. Sa besogne faite, le bourreau m’observe en souriant. - J’ai deux nouvelles pour toi, Sam, une bonne et une mauvaise. La bonne, c’est qu’tu porteras un casque pour toute la durée du tournage, et qu’on ne verra pas la longueur de tes tifs. - Ouf ! - Et la mauvaise, c’est que je vais t’raser la caboche quand même, s’esclaffe-t-il. Par souci de réalisme. Trois minutes plus tard, je peux, à mon tour, admirer dans la glace mon crâne plumé comme un poulet. Howard vient me chercher. J’ai du mal à détacher mon regard de l’image désolante que me renvoie le miroir. - T’inquiète pas, ça repoussera, rigole Howard en se passant ses doigts dans sa longue chevelure pour me narguer. On va choisir les fringues maintenant. Ensuite, on ira à l’armurerie.
  • 32. L’Acteur International 32 Je traîne derrière l’assistant, désormais moins convaincu de vouloir tourner dans ce film. Je frotte du revers de ma main la peau rugueuse de mon crâne glabre. Nous croisons dans les couloirs d’autres soldats et des techniciens de plateau. Nous débarquons dans une salle rectangulaire, tout en longueur, avec, sur le côté droit, un comptoir qui s’étale sur plus de cinq mètres. Derrière celui-ci, un homme et une femme vont et viennent, les bras chargés d’uniformes, de casques et de chaussures. L’homme m’interpelle : - Taille, tour de tête et de poitrine. Comme j’hésite, on me mesure rapidement. On me demande de tendre les bras, et on dépose dans mes mains T-shirt, chaussettes, caleçon, deux paires de pantalons, veste, manteau, casque et bottes. On me passe autour du cou une chaîne en métal avec, comme médaillon, une plaque sur laquelle est gravé un matricule. On me fait signer un registre. Où suis-je ? Sur un plateau de cinéma ou dans les antichambres de la mort, un jour de juin de l’année 1944 ? Comme un somnambule, ma pile de vêtements militaires sur les bras, j’emboîte le pas à Howard jusque dans une remise spacieuse. Là, bruyamment, une dizaine d’hommes
  • 33. L’Acteur International 33 se dépouillent de leurs identités et habits civils. Je suis convié à en faire de même. - Hi ! Moi, c’est Peter, m’annonce joyeusement un petit bonhomme replet debout devant moi en slip et en chaussettes, alors que je m’apprête à retirer mes pantalons. - Salut ! Je m’appelle Sam. - Je ne t’ai pas vu hier, Sam. - Non, c’est mon premier jour. Peter, c’est ça ton nom ? Je peux te demander quelque chose ? - Vas-y, ne te gêne pas. - Vous êtes traités comme ça tout le temps ? - Bah ! On n’a pas à se plaindre. Ceux qui souffrent le plus, ce sont les acteurs principaux et les figurants. Nous, les petits rôles, nous avons du bol. - Ah bon ? - Ben oui ! Spielberg, tu sais, c’est un perfectionniste. Tu as vu le village ? - Le village ? Non, pas encore. - Quand tu le verras, tu pigeras. La semaine dernière, toute l’équipe se trouvait en Irlande pour filmer le débarquement d’Omaha Beach…
  • 34. L’Acteur International 34 - En Irlande ? Omaha Beach est une plage de Normandie… - Les uns par-dessus les autres ! - Pardon ? - Les falzars, tu dois les enfiler les uns par-dessus les autres. Les pantalons imperméables couleur sable en dernier. - Ah ! Merci. - Pas de quoi. Ouais, Omaha Beach est peut-être en Normandie, comme tu dis, mais les plages du débarquement sont des sites historiques, donc protégés. Spielberg n’a pas obtenu l’autorisation de filmer là-bas. Ah, ça, ce sont des têtus, les Français. Alors l’équipe de repérage nous a dégoté une plage en Irlande en tout point identique à celle de France. - Ah ? - C’est comme pour les chars amphibies : la production les cherchait partout en Europe... Eh bien, ils les ont trouvés… tu sais où ? En Californie ! Et ils ont dû faire construire des nacelles assez grandes pour les transporter par voie maritime jusqu’à Southampton. Ensuite, il fallait les transférer dans d’autres bateaux pour les emmener jusqu’en Irlande.
  • 35. L’Acteur International 35 Spielberg ne voulait pas entendre parler de reproductions : tout devait être le plus réaliste possible. C’est pour ça que, même si tu n’es à l’écran que quelques secondes, tu dois te coltiner tout l’uniforme, du slibard jusqu’aux chaussettes ! se marre-t-il en exhibant une paire de caleçons kaki. - Tu ne crois pas que c’est un peu exagéré ? - Exagéré ? On voit que tu ne sais pas ce que Spielberg a fait subir à Vin Diesel, Adam Goldberg, Edward Burns et toute la clique. Figure-toi qu’il a demandé à un ancien marine, Captain Dale Dye, de préparer les comédiens comme on prépare au combat de vrais GIs. Dye les a fait courir avec tout leur barda et leur fusil sur le dos, plus de vingt kilos, bouffer des rations militaires, ramper dans la boue, patauger dans la flotte et dormir sous des tentes. Leur entraînement a duré dix jours, et pendant tout ce temps, Dye n’appelait les comédiens que par le nom de leur personnage dans le film. Il leur a même appris à assembler leurs armes les yeux bandés, pour pouvoir le refaire en pleine nuit. Tu vois quand je te disais qu’on avait de la chance ! - Et aux figurants, qu’est-ce qu’on leur a fait ? - Pour les scènes du débarquement, Spielberg voulait de vrais soldats. L’armée de terre irlandaise lui a prêté sept cent
  • 36. L’Acteur International 36 cinquante durs à cuire, des vrais de vrais. Et je te jure qu’ils n’en menaient pas large, les bidasses, avec toutes ces bombes qui éclataient tout autour d’eux. Spielberg a tourné les mêmes scènes encore et encore, jusqu’à ce que les types soient crevés. Il multipliait les explosions, ça sautait de tous les côtés. On s’y croyait, et je t’assure qu’ils avaient les foins, les buveurs de Guinness. Tout cela n’est pas très rassurant, et je commence à me demander si j’ai bien fait d’accepter ce rôle, Spielberg ou pas Spielberg. Dans un vieux miroir taché, se tient en face de moi un GI plus vrai que nature. J’ai du mal à reconnaître mon propre reflet. Mes trois couches de vêtements me donnent l’air beaucoup plus balaise que je ne le suis en réalité. Ma transformation est cependant loin d’être terminée : il me faut encore passer par une maquilleuse qui me barbouille le visage et salit mes mains. Elle pousse le vice jusqu’à me noircir sous les ongles. Dans une autre salle, on m'équipe d’un fusil. - Tu ne dois jamais te séparer de ton arme, me précise-t- on. C’est certainement ce genre de recommandation auxquelles avaient droit les pauvres diables qui partaient au
  • 37. L’Acteur International 37 casse-pipes. Et cette carabine qu’on vient de me refiler, croyez-moi, n’est pas en plastique. Ainsi affublé, je sors du hangar. Trois marches me séparent d’une route de terre. Howard m’a prévenu qu’une voiture passerait me prendre. J’espère que ce ne sera pas trop long, car, avec ces habits et ce flingue qui pèsent une tonne, je fonds littéralement sous le soleil. Une jeep lancée à vive allure freine devant moi. Lorsque le nuage de poussière se dissipe, j’aperçois, au volant, un homme d’environ cinquante balais, coiffé d’un casque blanc comme en portent les mineurs de fond ou les manœuvres sur les chantiers. Derrière, sur la banquette, un GI, fringué exactement comme moi, ouvre la portière arrière et m’invite d’un geste à m’asseoir à côté de lui. Les pneus de la jeep patinent, projetant une pluie de gravillons, et nous voilà partis. Je m’informe auprès du chauffeur : - Où va-t-on ? - Quoi ? - Vous nous conduisez où ? - Hein ?
  • 38. L’Acteur International 38 C’est inutile : le moteur de la jeep fait un boucan d’enfer. Je m’adresse à mon voisin. - Tu sais, toi, où on va ? - Parle plus fort. Tu disais ? La jeep ralentit et on peut enfin s’entendre parler. - Tu sais où on va ? - Au village, répond-il évasivement. - Ah ! Je vais enfin le voir, ce fameux décor dont tout le monde parle. - Tu ne l’as pas encore vu ? C’est assez extraordinaire. Tu viens d’arriver ? - C’est mon tout premier jour. Je ne sais même pas s’il y en aura d’autres. J’ignore même si Spielberg va me garder aujourd’hui. - Ah bon ? Je lui raconte brièvement mon histoire qu’il écoute d’une oreille distraite. Il sourit. - Eh oui ! C’est comme ça, dans le cinéma, conclut-il. On ne sait jamais ce qu’on fera le lendemain. - Ou, dans mon cas, le jour même. Je m’appelle Sam. Et toi ?
  • 39. L’Acteur International 39 Mon voisin considère ma main tendue ; il hésite en regardant mes ongles crasseux. - Oh ! Ne t’inquiète pas : ce n’est que du maquillage. - Oui, j’en sais quelque chose, soupire-t-il. Et il me présente ses doigts aussi bruns que les miens. Nous éclatons de rire en nous serrant la paluche. - Moi, c’est Tom, annonce-t-il enfin. - Comme Tom Cruise ? Ma plaisanterie semble l’amuser : il se marre. - Oui, comme Tom Cruise. - Tu es sur ce tournage depuis longtemps ? - Depuis le début… et même avant. - Tu as du bol, Tom. Tu dois avoir un rôle important. - Oui, l’un des principaux. - C’est quoi ton nom de famille ? Peut-être que je te connais ? - Hanks. Je tousse. Je suis vraiment un imbécile. À cause de tout son maquillage, je n’ai pas reconnu Tom Hanks. Personne ne m’avait prévenu. Alison ne m’a pas parlé de lui, Howard non plus. Ni même Peter, qui m’a pourtant cité toute une liste de comédiens. J’essaie de rattraper le coup.
  • 40. L’Acteur International 40 - Oh ! Je… J’aime beaucoup ce que vous faites, Mister Hanks. - Merci. Mais c’est Tom, s’il te plaît. Pas de Mister entre nous : on fait le même boulot. - OK, Mist… je veux dire :Tom. Mon illustre voisin se penche vers le conducteur qui ralentit encore pour entendre ce que Mister Hanks essaie de lui dire. - Je descends ici : je vais rejoindre mon peloton. Tom désigne un groupe de soldats sur notre droite. - Très bien, Mister Hanks. La jeep freine, dérape, puis s’immobilise. Tom saute du véhicule. - Bye, Sam ! See you around (A bientôt !) - Au revoir, Mist… Tom. J’observe la star s’éloigner. Nous redémarrons... Fin de l’extrait
  • 41. L’Acteur International 41 Comment se procurer « L’Acteur International» au complet Disponibles aux formats Kindle (eBook), Livre papier, PDF (eBook) www.samspiegel.com/acteur
  • 42. L’Acteur International 42 Un mot sur l’auteur… Né à Metz, en Lorraine, d’une famille de professeurs et de cultivateurs, Sam Hervé Spiegel poursuit des études secondaires aux Beaux-arts de Metz. Après une courte carrière dans l’enseignement, il part pour l’Angleterre. Là- bas, il devient acteur. Après avoir suivi des cours dramatiques à Londres et à Paris, Sam apparaît dans de nombreuses séries télévisées outre- manche, ainsi que dans des films internationaux. De retour en France, à Paris cette fois, on le voit au théâtre et aussi en tournée avec la pièce de Schiller, Marie Stuart. Sam vit désormais dans une petite ville du Kent, baptisé le jardin de l'Angleterre, entre Londres et Douvres... Le point de départ de l’action de ces romans (jeunesse ou autres) et récits se situe toujours dans des endroits et lieux où l'auteur a vécu ou grandi, souvent en Angleterre, où il puise son inspiration. La plupart de ses personnages existent ou ont réellement existé, seuls les noms ont été changés. La géographie des lieux est toujours scrupuleusement respectée.
  • 43. L’Acteur International 43 Il est aussi l’auteur de romans pour la jeunesse où il entraîne ses lecteurs autour du monde et dans de profonds mystères et aventures extraordinaires. Pour plus d’information sur : Sam Spiegel l’acteur : www.samspiegel.com Sam Spiegel et ses livres : http://litterature.samspiegel.com Les Éditions Rudolf : www.editionsrudolf.com
  • 44. L’Acteur International 44 Du même auteur L’acteur international (récit) Le medium de Londres (Série - romans – nouvelles) Le Jazz du Diable L’incroyable Miss Pilkinson (Série – romans jeunesse) Panique à Oxford Street Grande sècheresse à Venise La Treizième Fée (roman jeunesse) The Adventures of buying and selling Properties in Paris and London (récit, en Anglais)