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134 REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME , AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995
LE COURTIER D'ASSURANCES MARITIMES
Notre revue a décidé de consacrer, périodiquement, un numéro spécial à
une profession du secteur des transports. C'est le cas aujourd'hui du courtier
d'assurances maritimes. Un prochain numéro sera consacré à la profession de
transitaire.
Nos lecteurs trouveront dans ce numéro, un rappel de ce qu'a été le
courtier juré d'assurances maritimes, et une étude sur le courtier d'assurances
maritimes d'aujourd'hui. Une importante jurisprudence, inédite pour sa plus
grande part, illustre cette étude.
Alors que nous accueillons Gérald Duron parmi les principaux
collaborateurs de cette revue, il a bien voulu rédiger cette remarquable étude
consacrée au rôle et à la responsabilité du courtier d'assurances maritimes.
Après avoir rappelé l'origine du courtage, notamment à Marseille, et en
avoir retracé l'historique, l'auteur expose le rôle du courtier et nous donne la
vision d'un professionnel. Le courtier est un juriste, nous dit l'auteur, il nous le
prouve dans la deuxième partie de son étude consacrée à la responsabilité du
courtier. De très nombreux cas de jurisprudence y sont étudiés. Une troisième
partie est consacrée à l'étude des courtiers en Amérique du Nord et dans
l'Union Européenne.
Professionnel, juriste, Gérald Duron est aussi maritimiste ainsi que doit
l'être avant tout, le courtier d'assurances maritimes.
Même à Marseille, on ne pouvait bâtir ce numéro sans rendre hommage
aux anciens courtiers jurés : "Une survivance de l'ancien régime abolie en
l'année 1978". Tous nos remerciements à cet "ancien courtier juré" qui a su si
bien les faire revivre ... et qui par excès de modestie a préféré rester anonyme.
Le monde de l'assurance maritime pourra rester fondé sur la bonne foi si
demain comme aujourd'hui et hier, les courtiers qui en sont la clef de voûte
demeurent "des gens de bien" ...
REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME , AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995 135
Christian SCAPEL Jacques BONNAUD
136 REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME , AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995
DOCTRINE
LE COURTIER JURE : UNE SURVIVANCE
DE L'ANCIEN REGIME ABOLIE EN L'ANNEE 1978
"Sur l'ordonnance verbale de Monsieur le Président, la
main droite levée à Dieu, il a prêté le serment suivant :
Je jure de remplir avec honneur et probité les devoirs de
ma profession de courtier juré d'assurances maritimes".
Ces termes héraldiques ne relatent pas l'adoubement d'un chevalier. Ils sont extraits du
registre des actes de prestations de serment des officiers ministériels, tenu au greffe du
Tribunal de commerce, lequel précise que la cérémonie a lieu conformément à l'arrêté du 29
Germinal an IX. Et ceci se passait il y a 25 années.
Tous les privilèges n'ont pas été abolis dans la fameuse nuit du 4 août 1789. Il n'y a
guère, le privilège du courtier juré d'assurances subsistait encore, non sans avoir subi de
nombreuses vicissitudes. Il consistait dans un monopole conféré à ce professionnel par le Code
de Commerce pour la rédaction des polices d'assurances maritimes, monopole partagé
théoriquement avec les notaires. Mais ces derniers - hors le cas très particulier de la place de
Marseille - ne sont jamais intervenus, car ils étaient extérieurs au cercle assez fermé du monde
maritime et n'avaient pas la formation spécifique nécessaire .
Les charges de courtiers jurés étaient, pour chaque place concernée, en nombre limité,
le numerus clausus étant fixé par le Ministère des Transports. Elles bénéficiaient donc d'une
certaine protection contre une concurrence anarchique.
Le courtier juré, officier ministériel, ressentait confusément une certaine fierté de ses
origines historiques aux références prestigieuses : l'ordonnance de la Marine, oeuvre de
Colbert en 1681, et la loi du 28 Ventose an IX. La magie des mots évoque le charme désuet
des vieilles gravures, car le monde maritime a longtemps vécu dans l'exaltation d'un passé
légendaire qui ne s'efface pas totalement, et la nostalgie de la "marine en bois" subsiste dans
l'imaginaire. Même après la deuxième guerre mondiale, au cours de réunions corporatives, de
brillants conférenciers (à cheveux blancs, il est vrai) ont souvent évoqué le souvenir des forêts
de mats dans les ports aux parfums de vanille, et les voiles qui claquaient au vent.
Ce climat sentimental subconscient, parfois exprimé dans la décoration des locaux
professionnels, n'entraîne aucun archaïsme dans l'exercice des professions relevant de
l'Assurance Maritime. Mais il contribue à créer une sorte de lien et génère une communauté de
pensée dans le Monde de la Mer.
Le courtier juré était très pénétré de sa spécialisation maritime et se considérait comme
incorporé dans une sorte de club international prestigieux dont les réseaux enserraient tout le
globe par l'intermédiaire de divers corps administratifs : experts, commissaires d'avaries, P and
I clubs, etc...
Son cachet professionnel était celui de tous les officiers ministériels auxiliaires de Justice
et conférait à ses écrits le caractère d'actes authentiques ayant date certaine. On a pu dire qu'il
était "le notaire de l'assurance maritime". Effectivement, il rédigeait lui-même les contrats
d'assurances, où apparaissaient parfois, parsemées, quelques clauses d'un style traditionnel
dont le pittoresque désuet évoquait le tabellion. Mais son vocabulaire, souvent coloré
d'anglicismes, était bien celui d'un technicien contemporain de l'exploitation maritime moderne.
Et chaque paragraphe, chaque terme de ses rédactions étaient minutieusement pesés, de telle
sorte qu'aucune interprétation ne puisse être équivoque ou laissée au hasard.
Cette méticulosité, qui vient d'être soulignée, était inhérente à la particularité de son
statut juridique. Car le courtier juré était le mandataire légal de l'assuré, qualité qui résultait
d'une jurisprudence ancienne et constante, plutôt que de la loi. En conséquence, non
REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME , AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995 137
seulement il représentait son client pour défendre ses intérêts, mais il se substituait à lui pour
toutes les formalités et la gestion du contrat aux lieu et place de ce client et ceci, de plein droit
sans aucun mandat formel.
Sa responsabilité était donc très lourde, sa vigilance devait être constante et sa
conscience professionnelle méritait le slogan : "Rigueur et qualité du service".
Ce statut juridique apportait dans la pratique un avantage considérable pour la rapidité
des transactions. Le donneur d'ordres d'assurances était souvent très éloigné
géographiquement. Ses instructions parvenaient par courrier, téléphone ou fax. Le courtier juré
établissait aussitôt la police ou les avenants, présentait les documents à la signature des
assureurs, et les signait lui-même, à la place de l'assuré, en vertu de son mandat légal. Il faut
noter que l'importateur/exportateur titulaire d'une police d'abonnement fait couvrir des
expéditions presque quotidiennement. Point n'est besoin d'insister sur la simplification pratique
résultant du système. Après la modification du statut du courtier, il fallut trouver une solution
dont nous parlerons ultérieurement.
En vertu de la qualité d'officier ministériel du courtier juré, la police ou ses avenants,
actes authentiques étaient établis en un seul exemplaire original signé conservé dans la
charge. Il était délivré des copies, certifiées conformes si nécessaire, éventuellement aussi des
avenants documentaires destinés aux banques.
Quand on pense à la facilité, à la rapidité avec laquelle le fameux "privilège" a été aboli
en décembre 1978, on ne peut évoquer sans ironie les complications (voire les tribulations) à
affronter pour en arriver à la nomination de courtier juré.
Il faut d'abord rappeler que le libre établissement était interdit, le numerus clausus fixe
par le Ministère des Transports prohibait toute création de charge. Il était donc nécessaire de
racheter une charge existante, devenue vacante par démission, retraite ou décès du titulaire.
L'impétrant devait ensuite présenter une demande de nomination au secrétariat général
de la Marine Marchande auprès du Ministère des Transports. La nomenclature des documents
à fournir comprenait 16 postes, parmi ceux-ci des titres de compétence, et "un certificat
d'aptitude délivré par 4 notables commerçants"!
L'épais dossier devait être déposé à la Préfecture qui transmettait au Ministère. Le
déroulement des formalités durait environ 3 mois, avant qu'un arrêté du Ministre (publié au
J.O.) annonce la nomination, d'ailleurs subordonnée à la cérémonie de prestation de serment
devant le Tribunal de Commerce, la main droite levée à Dieu.
Mais tout n'était pas terminé!
Pour être accepté comme membre de la Chambre Syndicale, le nouveau venu devait, au
cours d'une Assemblée Générale, subir un examen de compétence devant ses confrères,
questionné par eux. Quoique le candidat ait eu largement le temps, pendant le purgatoire des
démarches, de réviser ses manuels de droit maritime et les commentaires sur les lois les plus
récentes, il savait n'être pas à l'abri d'une question insidieuse mettant à mal son amour-propre.
Mais la légère inquiétude de la veillée d'armes était compensée, en fin de séance, par la
convivialité d'un champagne.
Tout ce formalisme compliqué fut donc supprimé par la loi n° 1170 du 16 décembre 1978
qui modifiait le statut juridique des courtiers jurés d'assurances maritimes, et par voie de
conséquence mettait fin à leur monopole privilégié. La rumeur prétend que, lors du vote,
l'Assemblée Nationale était constituée par douze députés, la question ne passionnait guère
l'opinion publique. Le privilège des courtiers jurés avait vécu, ceux-ci devenaient des courtiers
ordinaires régis par le droit commun.
Il est vrai que la France devait se mettre en harmonie avec les autres pays de la CEE où
le courtage était libre.
Il est vrai aussi que les courtiers jurés se trouvaient quelque peu prisonniers de leur
statut d'officiers ministériels qui leur interdisait de se constituer en société, d'étendre leur
activité à d'autres secteurs et les obligeait à rester en nom propre. Ils ont donc eux-mêmes, par
l'intermédiaire de leur Chambre Syndicale Nationale, réclamé la modification de leur statut.
D'autre part, l'exemple des courtiers marseillais restait en filigrane dans les pensées.
Ceux-ci, vers la fin du siècle dernier avaient renoncé à leur privilège et reçu de l'État, en
contrepartie, une indemnité substantielle. Or, grâce à leur compétence spécifique, ils avaient
cependant réussi à conserver un monopole de fait, et à rester dans la légalité en prenant des
accords avec les notaires qui contresignaient les polices. Ces courtiers marseillais étaient
d'ailleurs rattachés à la Chambre Syndicale des courtiers jurés.
En considération de ce précèdent, lorsqu'il fut question de la modification du statut des
courtiers jurés, des négociations furent entreprises auprès du Ministère des finances, afin
d'obtenir une indemnisation pour la suppression du privilège, car les aléas découlant de la perte
138 REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME , AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995
du monopole étaient réels, même si l'on espérait en atténuer les effets. Hélas, ces négociations
n'ont pas abouti et le seul avantage obtenu fut l'exemption des droits fiscaux en cas de
transformation, dans un certain délai, de l'ex-charge en société.
Tous les courtiers ayant désormais accès à l'assurance maritime, on pouvait craindre un
éparpillement des affaires entraînant une perte pour les anciennes charges. Or, dans
l'ensemble, la chute de clientèle fut minime. Grâce à leur spécialisation, leur introduction dans
l'organisation du monde de l'assurance maritime (comités d'assureurs, réseaux d'experts,
commissaires d'avaries) les ex-courtiers jurés ont sensiblement maintenu leurs affaires, compte
tenu de la conjoncture économique difficile, de l'apparition de nouveaux intermédiaires et de
l'âpreté de la concurrence. On constate plutôt une réorganisation de la profession, une
tendance dans le sens de regroupements, de constitution de sociétés de courtages toutes
branches, avec un département maritime spécialisé. L'ensemble des courtiers a adhéré au
"Syndicat National des Courtiers d'Assurance et de Réassurance" (SNCAR), mais les
spécialistes de la branche maritime et transports ont constitué dans le sein de ce syndicat une
cellule de techniciens dénommée "Groupement Professionnel et Technique du Courtage
d'Assurance Maritime et Transport en France" (1
Ainsi le "Club" maritimiste s'est reconstitué et son étendard peut fièrement flotter au vent.
).
Il restait à résoudre le problème pratique de la rapidité des transactions, ci-dessus
évoqué. Certes, le courtier est le mandataire de son client dont il a reçu l'ordre d'assurance. Il a
le devoir de conseil, et de négocier au mieux des intérêts de ce client, mais il n'a pas le pouvoir
de se substituer à lui pour la signature des documents. Le courtier (ex-juré) a pallié la difficulté
en obtenant de ce client un mandat exprès, écrit, lui permettant non seulement de signer la
police en ses lieu et place, mais de gérer toutes les situations découlant du contrat
d'assurance... "et plus généralement faire le nécessaire".
L'acte authentique n'existe plus. La police d'assurance est devenue désormais un contrat
synallagmatique ordinaire, établi en deux exemplaires originaux.
Dans ce rapide exposé sur l'évolution du statut juridique du courtier juré, les rapports
commerciaux avec les assureurs n'ont pas été évoqués. C'est un domaine, en effet, où la
qualité d'officier ministériel n'intervient en aucune façon.
Les assureurs, représentant les intérêts des compagnies, ont toujours été des adver-
saires difficiles pour le courtier, juré ou non, soucieux de soutenir les intérêts de ses clients.
Selon une vieille tradition de la branche maritime, l'heure de la Bourse réunissait, et
rassemble encore en un même lieu les courtiers, et les assureurs qui viennent signer les
documents établis. On discute aussi, maintenant comme autrefois, les taux et conditions des
garanties proposées. On examine l'état des dossiers de sinistres en cours.
Placé entre les positions opposées de l'assureur et de l'assure, le courtier, qu'il soit ou
non jure, a toujours eu bien du souci pour défendre objectivement les intérêts de son client, ce
qui ne peut aboutir qu'en conciliant les parties (si faire se peut!).
L'assureur exprime son mécontentement lorsque le montant des sinistres excède celui
des primes (ce n'est pas tellement rare!) et le client proteste toujours contre toute revalorisation
éventuelle.
Or, personne n'est jamais d'accord sur la statistique, sujet de contestations sans fin.
Surgissent parfois aussi des litiges lors de la liquidation des sinistres : montant du
quantum, garanties non prévues par la police ou exclues par elle, désaccord sur les
conclusions de l'expertise, sur l'assiette de la franchise ... etc... Il faut alors un long combat pour
faire admettre aux deux parties une "transaction à titre commercial et sans créer de
précèdent..."
Ces remarques évoquent seulement quelques problèmes de base, parmi tant d'autres
qui exigent de nombreux va-et-vient entre les deux parties, et des entrevues parfois orageuses.
Au cours de ces relations technico-commerciales, la vie professionnelle du courtier
ressemble davantage à un torrent tumultueux qu'à un long fleuve tranquille, mais son statut
juridique n'intervient pas, n'a aucune incidence.
Dans l'intérêt même de son client, le courtier, aujourd'hui comme autrefois, doit
démontrer, à l'une comme à l'autre des parties, où se situe l'équité. Il doit savoir faire preuve
d'objectivité, et se conduire selon le précepte du Vieux Droit Romain si souvent méconnu :
"UT INTER BONOS OPPORTET AGERE"
(Comme il convient d'agir entre gens de bien)
(1) Souvent cité sous le sigle abrégé et phonétiquement malencontreux de GPT.
REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME , AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995 139
UN ANCIEN COURTIER JURE
140 REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME , AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995
LE COURTIER D’ASSURANCES MARITIMES
ET SES RESPONSABILITES
par
Gérald DURON
Quand un client utilise un courtier pour effectuer une assurance pour son compte, il est
fondé à compter sur l’exercice d’un soin et d’une compétence raisonnables, de la part du
courtier qui exécute ses instructions, et si ces instructions ne sont pas convenablement
appliquées, et qu’une perte survient qui, de ce fait, n’est pas recouvrable sous la police
d’assurances, alors, le courtier est responsable pour “breach of contract”.
On va même jusqu’à considérer qu’il n’y a pas d’obligation absolue du client, qui utilise
un courtier, d’examiner la police d’assurances quand il la reçoit, pour vérifier si ses instructions
ont été ou non suivies.
Ces principes rendent à coup sûr délicat l’exercice de la profession de courtier
d’assurances, mais justifient pleinement que sa fonction se perpétue, car il joue un rôle
économique évident. Il propose de la sécurité, apporte ses conseils, aide à la gestion,
participant ainsi, avec les autres vecteurs du commerce, au bon fonctionnement des échanges
internationaux.
Cela ressort de l’histoire des siècles passés qui fait apparaître le rôle du courtier,
souligne ses devoirs envers ses clients et les responsabilités qu’il encourt. On ne peut réfléchir
à cette activité essentielle dans le négoce sans l’insérer dans un contexte international.
UN PEU D'HISTOIRE :
Nous ne restons pas indifférents quand Cicéron vante le gouvernement de Marseille,
écrivant alors : "neminem illi civitati inimicum esse arbitror qui amicus sit huic civitati". (Selon
lui, il n'était pas possible qu'on puisse aimer Rome et être en même temps l'ennemi de
Marseille).
Avant lui, Démosthène fit l'éloge des Lois Nautiques de Marseille (1).
Tenant compte de l'importance de ce port, de son ancienneté, de ses traditions, il est
intéressant de noter l'évolution du corratier sorti au fil des siècles de sa chrysalide, pour devenir
un moderne courtier.
Rappelons que l’une des formes les plus anciennes du courtage s'est exercée en matière
matrimoniale. A Rome, les entremetteurs de mariage très nombreux étaient protégés par le
législateur qui voyait là un moyen d'accroitre le nombre de mariages (2). Ils bénéficiaient même
d'une action en paiement de leur salaire ("Proxenetica licito jure petuntur", dit Ulpien, dans le
Digeste!).
A) Origine du courtage et des courtiers à travers Marseille et son environnement
économico-politique :
On assigne généralement la date de 1257, au travail de compilation approuvé par le
Comte de Provence, qui constitue un véritable statut municipal de Marseille. La règle XL du
Titre premier est justement intitulée "de Corraterijs".
En l'année 1455, le grand Sénéchal de Provence, à l'effet d'empêcher que le choix des
corratiers (courtiers) ne soit livré à la cupidité des Viguiers, mande à ceux-ci (1) :
"...nul, si ce n'est un citoyen de Marseille, ne pourra être courtier, ni ne pourra s'immiscer dans
l'exercice du courtage, et le seul citoyen de Marseille le pourra, quand il aura prêté son
serment.. ."
"Et si un courtier agissait différemment, il serait puni par le recteur et, de plus, dépouillé de sa
charge, ce qu'on ferait connaitre à son de trompe dans la ville. Ils jureront de se comporter,
dans leur office, avec bonne foi, à l'égard de tous ceux qui se serviront de leur ministère, et de
ne pas recevoir au-delà de ce que veut la coutume..."
"Et si quelqu'un agissait contre les règles susdites, il serait contraint de rendre ce qu'il aurait
reçu et n'en serait pas moins puni par le recteur, d'une amende de xxv livres royales
REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME , AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995 141
couronnées, pour chaque manquement ; s'il ne pouvait acquitter cette amende, il serait fustigé
par toute la ville".
Antérieurement, nous trouvons une sentence rendue par le Viguier de Marseille le 16
Février 1350, à la requête des syndics, sur le point de savoir entre les mains de qui les
corratiers devaient prêter le serment annuel et fournir la caution d'usage (3).
En 1601, un règlement fixe à 36 les corratiers jurés de la ville de Marseille, dont 30 pour
les marchandises en général, le change et les assurances...
Suivant l'ouvrage de Valin édité en 1766, consacré au " Nouveau Commentaire sur
l'Ordonnance de la Marine de 1681" (4), furent créés en décembre 1657 deux offices de
notaires-greffiers en chacun des sièges de l'Amirauté du Royaume. Les notaires partageaient
alors avec les courtiers le privilège de recevoir et passer tous contrats maritimes et polices
d'assurances. Valin écrit à l'art. 2 du Titre VI de son ouvrage, le commentaire suivant :
"Beaucoup d'assurances se faisaient sans écrit et pour cette raison on les appelait assurances
"en confiance". Cette forme d'assurance donnait lieu à de tels abus qu'on l'a supprimée, et l'on
exigea que les assurances soient faites par écrit et par devant notaire ou par le ministère d'un
greffier des polices d'assurance". On peut y voir l'ébauche des courtiers jurés récemment
disparus!
Les Echevins de Marseille qui avaient remplacé les Consuls, secondés par la Chambre
de Commerce, d'institution toute récente, promulguèrent en 1670 un règlement spécial pour les
courtiers d'assurances.
Voici ce qu'écrit F.Timon-David (3) :
"cette catégorie d'agents n'était pas absolument irréprochable, à en croire les plaintes
nombreuses du commerce consignées dans une requête à la Chambre. L'habitude de faire
signer des polices en blanc avait notamment donné lieu à des abus regrettables".
"Pour être admis dans le corps, il fallait avoir l'âge compétent, vingt-cinq ans, justifier de sa
qualité de citadin ou, ce qui revenait au même, qu'on avait épousé une femme de la ville, enfin
être bien famé et morigéné, ce qui s'établissait à l'aide d'un certificat de BONNES MOEURS et
DEPORTEMENTS. Il fallait ensuite prêter serment entre les mains du Viguier, et jurer, la main
sur l'Evangile : "de bien et deubement exercer sa charge sans aulcung dol, fraude et
malversation, estre et demeurer toujours obéissant, fidèle, bien affectionné à sa Majesté et aux
dicts sieurs Eschevins, ne fere ny permettre estre faict ains (mais) empescher tous monopoles
et abus en leurs dictes charges et fere tout ce que le debvoir d'icelles les oblige".
Notons qu'un tiers avait alors le droit de s'opposer au serment d'un censal, en fournissant
justification et raison, et le candidat devait se défendre. Dans un procés-verbal de 1641 (3), on
lit ainsi :
"au contraire, s'est présenté Urbain Bonifay, du dit Marseille, lequel, comme intéressé dans le
bien public, a dit qu'il est opposant à la prestation de serment du dit Asquier, ne pouvant
exercer la dite charge, pour ne savoir ni lire ni écrire...Sur quoi le dit Asquier a dit que le dit
Bonifay s'oppose par animosité..."
On remarquera que le courtier ne nie pas ne savoir ni lire ni écrire! On peut imaginer qu'à
l'époque considérée, le volume des affaires était différent, les connaissances livresques moins
étendues, l'activité plus intuitive.
B) Création des courtiers royaux :
Au mois de Mai 1692, parut un Edit royal abolissant l'ancien régime des Censaux Jurés,
conservant toutefois dans leurs fonctions tous ceux qui en faisaient partie, moyennant l'acquit
d'une certaine taxe (fixée à 3.50O Livres par office), et les établissant en titre d'offices
héréditaires "aux mêmes droits et émoluments qu'ils avaient coutume de recevoir".
Dans cette évolution, la nécessité d'organiser la profession se fit sentir, aboutissant, par
exemple, le 13 juillet 1748, à ce que le premier Président et Intendant de Justice, homologue
une Délibération portant défense expresse de faire remise des courtages.
En voici quelques considérants :
"...cette faculté arbitraire, ainsi introduite, permettrait à chaque membre de faire la remise de
ses droits plus ou moins grande, selon son avidité ou ses vues malentendues, de sorte que les
affaires qui se traitent par le ministère des courtiers, seraient désormais au rabais et
passeraient par les mains de ceux qui feraient la remise de leurs droits la plus considérable, ce
qui serait un vrai brigandage...".
Selon l'analyse faite par F. Timon-David (3) :
"malgré bien des déceptions, la carrière du courtage tentait encore beaucoup d'ambitieux...
Mais en réalité les heureux n'étaient que l'exception".
L'Intendant de Provence écrivait alors en termes un peu crus :
142 REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME , AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995
"la fortune éclatante de quelques-uns de ces industrieux fait casser la tête à tous les autres.
J'en ai vu beaucoup réussir parce qu'ils ne craignaient pas le Diable".
Il citait alors cette Sentence de Juvénal : "probitas laudatur et alget" (on loue la probité
et on la laisse se morfondre).
Au cours de la période 1760-1770, éclata l'affaire dite des courtiers royaux de Marseille.
Les abus s'étant multipliés, de nombreuses faillites se succédèrent qui firent scandale,
conduisant le Roi, sous la pression de la Chambre de Commerce, à rendre l'Edit de Versailles
de Janvier 1777 : les Offices sont supprimés, leurs titulaires indemnisés, tandis que de
nouveaux courtiers seront élus pour 5 ans et prêteront serment devant les Officiers de
l'Amirauté de Marseille.
Le jurisconsulte italien Casaregis écrivait au XVIII° siècle que de son temps et dans son
pays, les fraudes étaient si fréquentes que les assureurs étaient plus dignes de pitié que les
assurés : "digni plus miseratione censeri debent assecuratores quam assecurati!"
Georges Sicard (4), fait mention de trois documents qui montrent la sollicitude du pouvoir
central à l'égard des Courtiers de Marseille. Il s'agit :
- d'un Règlement en forme de Lettres patentes sur la politique qui sera observée par les
nouveaux courtiers de Marseille dans l'exercice de leurs fonctions (Marly le 29 Mai I778).
- de Lettres patentes portant sur les salaires et émoluments des courtiers de Marseille.
(Versailles le 7 Novembre 1778).
- de Lettres patentes du Roi (Versailles le 6 Février 1779).
Ces textes contiennent des prescriptions diverses concernant les Assurances :
- il ne doit y avoir aucun blanc dans les polices,
- le courtier ne doit prendre aucun intérêt personnel dans le contrat, et ne se mêler en rien de
son exécution,
- tout courtier qui aurait contrevenu à ces règles ou prêté son nom pour ce faire, serait déchu
de tous droits résultant de la Police, et serait condamné à une amende, sans préjudice de sa
destitution,
- notons également cette prescription curieuse selon laquelle les courtiers ne doivent en aucun
cas "courir ni entreprendre les uns sur les autres". Cette philosophie contraire à toute idée de
concurrence, n'est guère favorable à l'intérêt du consommateur, et serait de nos jours prohibée,
notamment par les textes communautaires européens (entente illicite!),
- les "salaires" des courtiers sont fixes : ils ne peuvent recevoir davantage, sous peine de
concussion.
Les courtages perçus sur les montants assurés, sont fixés comme suit :
- demi pour mille lorsque la prime n'excèdera pas 3 pct,
- un pour mille pour une prime comprise entre 3 et 10 pct,
- deux pour mille pour une prime supèrieure à 10 pct.
On peut s'étonner des taux de prime envisagés : 3 à 10 pct., voire davantage, alors qu'à
l'époque considérée seuls les risques majeurs sont garantis. Il faut y voir le fruit des incertitudes
de la navigation! Il est difficile d' imaginer de nos jours des taux de primes identiques, même
pour les marchandises les plus fragiles : les professionnels de l'assurance auraient le souci de
combiner prime et franchise pour éviter une tarification trop importante.
C) Le courtage à travers la Révolution, l'Empire et la Restauration :
Par décrets des 21 avril et 8 mai 1791, l'Assemblée constituante supprime tous les
Offices de courtiers. Les fonctions exercées deviennent pratiquement libres : il suffit de prendre
patente et de se faire inscrire au Tribunal de Commerce.
Dès le 28 ventose an IX, soit le 19 mars 1801, les courtiers retrouvent leurs prérogatives.
Une série d'Arrêtés est prise instituant 59 Bourses de Commerce, et précisant le nombre de
courtiers comme les fonctions qu'ils peuvent exercer : 228 titulaires dans 9 villes pouvaient
pratiquer le courtage d'assurances.
L'art. 4 de l'Arrêté du 27 prairial an X interdit, alors, "l'exercice du courtage à tous ceux
qui ne sont pas pourvus du titre de Courtier Royal".
En 1807, le Code de Commerce dans ses articles 71 à 90, s'est efforcé de règlementer
la profession - définissant ainsi :
- art. 79 : "les courtiers d'assurances rédigent les contrats ou polices d'assurances,
concurremment avec les notaires ; ils en attestent la vérité par leur signature, certifient le taux
des primes pour tous les voyages de mer ou de rivière",
- art. 81 : "le même individu peut...cumuler les fonctions d'agent de change, de courtier de
marchandises ou d'assurances, de courtier interprête et conducteur de navires".
REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME , AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995 143
Les règles fondamentales de l'exercice de la profession de courtier d'assurances sont
par ailleurs rappelées :
- ils ne doivent pas avoir été en faillite,
- ils doivent tenir leurs livres sous certaines formes,
- ils ne peuvent faire aucune affaire pour leur propre compte.
A notre connaissance, la Compagnie des courtiers de commerce et des courtiers
d'assurances près la Bourse de Paris, a été la première à rédiger un Règlement de police
intèrieure et de discipline, fait et arrêté en assemblée générale le 23 Février 1844, et approuvé
par Ordonnance du Roi Louis-Philippe le 23 Décembre 1844.
Par ce Règlement, les courtiers se placent sous l'autorité disciplinaire d'une chambre
syndicale (art. 1), qui aura notamment à connaitre du "cours légal" des primes d'assurances (art
40)! Cela parait étrange, et pourtant en France, pendant de nombreuses années après la
dernière guerre mondiale, un Comité de tarification intervenait pour fixer les taux de primes,
tant pour les marchandises que pour les navires! Il y a peu d'années encore, une organisation
professionnelle réunissant les représentants des principales Compagnies d'Assurances :
l'A.F.A.T (Association Française de l'Assurance Transport), délibérait avant le renouvellement
des flottes de navires assurées sur le marché français, édictait les règles de renouvellement, et
jouait un rôle incitatif quant à la tarification applicable : la concurrence était largement bloquée!
Seuls, quelques courtiers habiles, aidés par des assureurs "franc-tireurs", échappaient au
système, à leur plus grand profit.
Le courtage d'assurances a été organisé, à Marseille, par plusieurs lois que nous allons
examiner briévement (6).
On se souviendra que l'arrêté du 13 messidor an IX établissait une Bourse de commerce
et fixait à 50 le nombre des courtiers de commerce, assurances...Le décret du 22 janvier 1813
modifia cet arrêté dans les termes suivants (art 8) :
"à l'avenir, les courtiers de commerce qui seront nommés et qui voudront exercer les fonctions
de courtiers d'assurances, subiront un examen devant un jury composé du Président du
Tribunal de Commerce, du Président de la Chambre de Commerce, de deux négociants
armateurs et de deux négociants assureurs".
Nous n'avons pas connaissance d'une obligation similaire sur les autres Places.
Une ordonnance du 26 août 1839 porta à 140 le nombre de courtiers près la Bourse de
Marseille. Parmi eux, 19 exerçaient l'activité de courtiers d'assurances lorsque la loi du 18 juillet
1866 abrogea le caractère privilégié des courtiers en marchandises. Etant donné qu'à
Marseille, les courtiers d'assurances maritimes se trouvaient en même temps courtiers en
marchandises, ce fut l'occasion pour les intéressés de renoncer simultanément à leur privilège
en matière d'assurance.
Les courtiers reçurent alors de l'état une indemnité de 100.000- francs. Ils conservaient
leur titre, mais perdaient leur privilège - la profession étant depuis lors réputée, à Marseille, de
libre établissement. Bien sûr, un nouveau formalisme s'imposa, puisque les courtiers prirent
soin de faire contresigner les polices par un Officier ministériel.
A Paris, notamment, les professionnels demeuraient des courtiers jurés, titulaires d'une
charge, tout au moins pour ce qui a trait à l'assurance maritime et fluviale qui constituait, à
l'époque considérée, l'essentiel sinon la globalité de cette activité. Au fil des décennies, en fait
jusqu'en 1978, ce particularisme de Marseille par rapport à Paris et aux autres places, allait se
perpétuer.
Le monopole des courtiers jurés n'était pas absolu, car les notaires avaient
théoriquement les mêmes pouvoirs. Seulement, ils avaient depuis longtemps renoncé à
s'occuper d'assurances maritimes, et se bornaient, là où le courtage était libre (à Marseille), à
signer et authentifier les polices que les courtiers leur apportaient.
D) Liberté du courtage :
Ainsi que le rappelle le Doyen Rodière (7) :
"la directive du Conseil des Communautés, destinée à faciliter l'exercice effectif de la liberté
d'établissement et de la liberté de prestation des services pour les activités de courtier
d'assurances, est entrée en vigueur le 30 juin 1978. Elle condamnait les courtiers jurés
d'assurances maritimes français et conduisait la France à s'aligner sur les autres pays de la
Communauté Economique Européenne qui ne connaissaient que le courtage libre".
"Aussi, à la demande même des courtiers d'assurances maritimes, et quoiqu'ils ne fussent pas
(directement) visés par la directive précitée puisqu'elle ne s'applique pas en principe aux
activités participant de l'autorité publique, le gouvernement a déposé un projet de loi qui devait
144 REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME , AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995
devenir la loi n° 78/1170 du 16 décembre 1978, portant modification du statut des courtiers
d'assurances maritimes".
Cette réforme, en harmonie avec les directives communautaires, répondait, au surplus, à
l'internationalisation de plus en plus prononcée d'une profession naturellement tournée vers les
grands espaces, et soumise de ce fait à une concurrence sans cesse accrue. Désormais, les
courtiers jurés de Paris, de Bordeaux, du Havre, de Rouen, de Bayonne, de Nantes, de
Dunkerque, de Caen, de Grandville et de Sète (ils étaient 25 au total, lors de l'adoption de la loi
de 1978), ne sont plus des officiers ministériels, titre flatteur mais encombrant : ils deviennent
des commerçants, tout comme leurs collègues du grand port phocéen.
En 1867, alors que la nouvelle loi était entrée en vigueur, il y avait toujours, à Marseille,
19 courtiers d'assurances : 11 exerçant uniquement cette profession tandis que 8 autres étaient
également pourvus du titre de courtiers conducteurs de navires.
Notons qu'au même moment, il y avait 8 courtiers d'assurances à Paris, 7 à Bordeaux, 4
au Havre et 2 à Rouen. L'importance économique de Marseille sur le plan de l'activité portuaire
était alors essentielle.
En 1995, le nombre des courtiers s'est amenuisé. Comme dans la plupart des activités, il
y a eu des concentrations. La disparition du privilège a favorisé, chez les courtiers terrestres les
plus importants, l'émergence de cellules qui se sont à leur tour spécialisées dans l'assurance
"transports" devenant souvent, du fait de leur poids économique, des concurrents sérieux pour
les firmes traditionnelles existantes. Des courtiers étrangers, essentiellement britanniques mais
aussi américains, ont passé des accords avec des sociétés françaises, ou les ont rachetées.
Ce monde évolue, mais à travers des structures diverses, au-delà de l'écume des mouvements
de surface, ce métier conserve des caractéristiques communes qui plongent leurs racines dans
un passé que l'on retrouve à travers la lecture du Guidon de la mer, au XVI° s., de
l'Ordonnance de la Marine, en 1681, et en visitant symboliquement la taverne d'un certain
Edward Lloyd, à la fin du XVII° s., à Londres.
PREMIERE PARTIE : LE ROLE DU COURTIER
Il doit conseiller le négociant comme l'industriel, les rendre attentifs aux risques
encourus, leur proposer les garanties nécessaires, les aider dans la gestion de leurs problèmes
d'assurances. Il joue également un rôle économique participant à une activité dont les principes
étaient déjà énoncés dans l'ordonnance de 1681 (8) : "permettons à tous nos Sujets d'assurer
et de faire assurer dans l'étendue de notre Royaume".
A) Le courtier est le mandataire de son client :
Le courtier, ce personnage hybride, a plusieurs caractéristiques : mandataire de son
client, il est à la fois commerçant, technicien et juriste.
Par un jugement du 2.12.1874 (8), le tribunal de Marseille a considéré que le courtier
étant le mandataire de l'assuré, il était inutile que la signature de l'assuré fût apposée au bas de
la police : "quand le mandataire a parlé, le mandant ne peut plus se dédire".
M° G. Denis Weil (8) écrit encore :
"En Angleterre, le courtier a un rôle encore plus prépondérant. Celui qui veut se faire assurer
remet un slip ou memorandum au courtier qui le soumet à la signature de l'assureur. La remise
au courtier et la signature créent un lien juridique entre les parties. L'assuré devient débiteur de
la prime envers le courtier qui l'en débite et en crédite l'assureur. D'un autre côté, l'assureur
devient en cas de sinistre débiteur envers lui de l'indemnité dont le courtier crédite le compte de
l'assuré".
Le doyen Georges Ripert insiste également sur ce rôle du courtier mandataire de l'assuré
citant dans ce sens l'arrêt rendu par la Cour de Cassation le 6 février 1865 (9).
Plus récemment, la Cour Suprême (Cass. civ. 15 mai 1990 - Semaine juridique 25.7.90),
a jugé que "le courtier...agit comme mandataire de l'assuré, dont il se borne à reproduire les
déclarations".
Mandataire de ses clients, le courtier est soumis à la concurrence qui l'oblige sans cesse
à se remettre en cause, en tentant d'améliorer ses prestations. Le courtier indépendant a pour
seul rôle de défendre les intérêts de ses clients, qui peuvent s'en séparer "ad nutum". Il a
l'expérience fondée sur la diversité de son portefeuille, et de ce fait, un poids commercial non
négligeable auprès des compagnies d'assurances.
Dans un environnement où les agressions sont fréquentes, le courtier apporte à
l'assureur et au client ce supplément d'imagination qui permet d'anticiper sur les besoins, de les
REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME , AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995 145
analyser, d'offrir tous les choix. L'assurance transports est un métier technique, et le courtier
doit être imaginatif mais sérieux, efficace car compétent. Il a bien une triple fonction :
- un rôle commercial (détection des affaires),
- un rôle technique (études et placements auprès des compagnies),
- un rôle de gestionnaire du risque, de support pour le client, d'intermédiaire suffisamment
indépendant pour savoir, dans la démarche auprès des compagnies distinguer, si nécessaire,
ce qui est dû par l'assureur du règlement sollicité à titre commercial. Sa philosophie pourrait
être : payer ce qui est dû, en respectant la lettre et l'esprit du contrat! Au-delà, chaque fois que
cela est possible, solliciter et faire le maximum pour obtenir des assureurs le paiement des
pertes et dommages en litige - sans omettre de souligner alors, auprès du client concerné, le
côté commercial d'une telle transaction. Un courtier a certainement ce devoir permanent de
responsabiliser sa clientèle, disons-le de l'éduquer. C'est d'ailleurs son intérêt objectif, puisqu'il
ne peut que tirer un crédit moral de la liquidation favorable pour son client d'une dossier
irrégulier. Faut-il encore que le client soit avisé de la position exacte de son dossier, et du fait
qu'un paiement intervient le cas échéant "ex-gratia"!
Tout est assurable - ou presque - sauf, bien sûr, la faute intentionnelle ou lourde et la
fraude de l'assuré, qui sont exclues par les art. L. 172-6 et L. 172.13 du Code des assurances,
auxquels il n'est pas possible de déroger.
Tout est question de capacité financière des Compagnies d'assurances, de conditions et
de taux. Si nécessaire, le courtier français consultera un autre marché (anglais, américain,
scandinave, allemand ou japonais), pour arbitrer les taux et conditions fixés par les compagnies
françaises sur tel ou tel risque, et faire tout simplement jouer la concurrence. Cela est possible
depuis que le développement de la construction européenne a contraint le législateur français à
autoriser cet élargissement. Auparavant, un client français devait être assuré sur le marché
français, sauf dérogation. En décembre I987, à Bruxelles, la décision de mettre en place la
liberté de prestations des services dans l'assurance a été décidée. Il s'agit là d'une décision
politique et économique de portée importante.
B) Fonction commerciale du courtier :
Dans l'assurance transports, le courtier pratique la protection rapprochée de son client,
lui apportant avis et conseils. La vie des affaires, leur développement, les obstacles rencontrés,
les solutions construites ensemble, sont le meilleur et le seul ferment qui génère la pérennité
des relations et l'apparition d'un nouveau substrat. On pourrait dire : hors de cette vision, point
de salut!
Des tentatives ont été faites, des expériences conduites par tel ou tel cabinet important
en vue de générer des affaires nouvelles par une sollicitation systématique de clients
potentiels : envoi de lettres sur des sociétés préalablement ciblées, publicité dans des revues
spécialisées, brochures luxueuses distribuées. Il s'avère que le résultat de telles initiatives a
toujours été très décevant.
En fait, un nouveau client se conquiert sur le terrain : un sinistre délicat, important, géré
avec sérieux et habileté, constitue un argument de poids, spécialement à l'égard d'un porteur
de documents ayant en mains un certificat d'assurances émis pour compte de son vendeur
Coût Assurance et Fret (CIF). Cet acheteur utilisera peut-être un jour les services de ce courtier
que les circonstances ont mis sur son chemin : l'avenir se construit au présent.
C) Fonction économique du courtier :
Par son chiffre d'affaires, le courtage français est le troisième au classement mondial,
après les Etats-Unis et la Grande-Bretagne.
D'après Bruno Clappier, Président du Groupement Professionnel du Courtage
d'Assurances Maritimes et Transports, les primes réalisées dans cette branche (incluant les
marchandises transportées, les navires ainsi que les responsabilités y afférentes, l'aviation et le
spatial), totalisent en 1993 : 12,54 milliards de francs (soit 2,32 pour cent des primes souscrites
par l'ensemble du marché de l'assurance, en France!).
Des conditions économiques défavorables participent actuellement à l'évolution de la
profession de courtier d'assurances transports. Un rythme de croissance réduit, non seulement
en France mais dans le monde entier, tend à diminuer la matière assurable elle-même :
- régression de la flotte mondiale,
- baisse du cours des matières premières,
- contraction des échanges économiques, fruit de la récession...
146 REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME , AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995
Les indicateurs sont progressivement en train de s'inverser : les navires, trop souvent
mal entretenus, devront être remplacés ; quelques mauvaises récoltes s'ajoutant à une reprise
modeste mais incontestable, poussent à la hausse bien des produits. Enfin, les résultats
techniques désastreux des marchés spécialisés de l'assurance, entrainent une augmentation
des taux de primes qu'une concurrence sauvage avait, d'année en année, abaissé à des
niveaux peu raisonnables! Cela est vrai pour l’assurance des navires tandis que la concurrence
acharnée des Compagnies sur le marché international empêche une remise en ordre sérieuse
des taux pratiqués pour l’assurance des marchandises.
REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME , AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995 147
D) Le Courtier est un technicien de l’assurance et un juriste :
L'Entreprise moderne doit avoir une politique d'assurance. En bénéficiant des conseils de
son courtier, elle aura le soin de gérer, mais aussi de prévoir, d'organiser, de chiffrer les coûts,
d'innover. L'assurance est le ciment indispensable qui garantit la solidité de l'édifice
commercial.
Le courtier doit conduire sans relâche, avec son mandant, une réflexion à 2 niveaux :
- quand assurer ?
- comment assurer ? c'est-à-dire à quelles conditions ?
A) Quand l'assurance doit-elle être soignée ?
On ne peut imaginer une politique commerciale sans une réflexion poussée sur la
responsabilité du vendeur (ou de l'acheteur). Voici trois principes intangibles :
1) L'assuré doit disposer d'une police flottante :
Elle lui permettra de bénéficier de la clause dite de "fidélité". En contrepartie de son
engagement, pendant la durée de la police flottante, de n'utiliser que le contrat ouvert à son
nom - cette société sera automatiquement garantie, alors même qu'elle aurait omis de déclarer
une expédition à ses assureurs, même si ce retard ou cette omission apparaissait après
sinistre.
Le fonctionnement du contrat est extrêmement simple : conditions et taux de primes sont
librement débattus entre les parties ; un certificat d'assurance est émis pour chaque expédition,
dans les termes prévus par le contrat commercial, en tenant compte, s'il y a lieu, des
obligations pouvant résulter de l'accréditif bancaire.
2) L'assuré doit connaitre ses risques :
Afin d'éviter les difficultés tenant à l'interprétation par les parties des contrats signés par
elles, la Chambre de Commerce Internationale (C.C.I.) a, dans les INCOTERMS, codifié,
contrat par contrat, les obligations réciproques de l'acheteur et du vendeur. Comme l'écrit
Laurent Amice (10) :
"Les Incoterms contribuent à rendre l'environnement des transactions commerciales
internationales moins incertain... parce que (ils) se présentent comme un langage commun au
service des opérateurs du commerce international".
Ayons toutefois la sagesse de considérer que l'internationalisation du langage maritime
des affaires n'est pas achevée, si l'on tient compte notamment du particularisme des Etats-Unis
d'Amérique, sans compter que les nouvelles techniques de transport (conteneurs, RO-RO...),
bousculent les habitudes, et ne répondent pas toujours aux anciennes définitions. C'est ce
qu'illustre Laurent Amice (10) lorsqu'il écrit :
"cette difficulté a été mise en évidence avec justesse par un jugement d'un tribunal anglais qui
avait conclu dans le règlement d'un litige :...seul l'avocat le plus zélé pourrait regarder avec
satisfaction le spectacle des responsabilités se déplaçant maladroitement, pendant que la
cargaison oscille au bout d'un mât de charge à travers une perpendiculaire imaginaire, élevée
depuis le bastingage du navire".
3) L'assuré doit maitriser sa politique d'achat et de vente :
Il est souhaitable que les dirigeants d'entreprise choisissent de pousser aussi loin que
possible les ventes, et d'aller chercher aussi loin que possible les achats. Le vendeur peut
maitriser fret et assurance, et l'acheteur aussi. C'est un outil important dans leur politique
commerciale. Il s'agit au surplus d'une attitude éclairée qui leur permettra d'échapper à pas mal
de déboires. En effet, l'utilisation volontariste d'un contrat d'assurance permet d'obtenir taux et
conditions améliorés et d'échapper aux hiatus inévitables dans la chaine des propriétés
successives. Par ailleurs, tout le monde comprendra qu'il est en principe plus facile d'obtenir le
remboursement d'un préjudice de ses propres assureurs, à travers son courtier, plutôt que de
solliciter les assureurs de son vendeur.
Que dire enfin de la situation de l'expéditeur, vendeur ex usine (EXW), Franco-Bord
(FOB), ou Coût et Fret (CFR), qui n'a pas encaissé la totalité de sa facture (soit que le contrat
ait prévu, ce qui est assez fréquent : un "performance-bond" finalisé après bonne et loyale
148 REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME , AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995
exécution- soit, tout simplement, que l'acheteur ait, de facon autoritaire, déduit de la facture
impayée le montant total du sinistre qu'il a supporté).
REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME , AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995 149
B) Comment assurer ? c'est-à-dire à quelles conditions ?
Il faut tout d'abord se conformer aux obligations du contrat mais, dans le même temps,
réfléchir aux risques réels de l'entreprise.
1) L'exportateur :
Quatre cas de figure peuvent être considérés :
a) Obligations contractuelles du vendeur CIF :
Il devra s'y conformer en assurant par conséquent les risques définis dans le contrat de
vente, pendant la période prévue à cet effet :
- soit aux conditions restrictives : FAP sauf (*)
- soit à des conditions plus étendues : Tous Risques (**)
- soit encore selon des modalités spéciales souhaitées par le vendeur, mises au point par le
courtier avec les assureurs, et tenant compte de la spécificité d'un trafic déterminé.
(*) : FAP sauf signifie que seuls sont couverts les pertes et dommages résultant d'un
évènement majeur (incendie, abordage, échouement, perte totale, avaries communes....). Les
avaries particulières ne sont pas garanties, sauf si elles résultent de l'un des évènements
limitativement énumérés dans la police d'assurances. L'assuré doit prouver qu'il y a un lien de
causalité entre le dommage et l'évènement survenu.
(**) : Tous Risques : la marchandise est assurée contre tous les risques de transport. Alors, il
appartient le cas échéant à l'assureur de démontrer que les pertes et avaries sont la
conséquence d'un évènement exclu de sa garantie : vice propre de la chose, fraude, faute
lourde ou intentionnelle de l'assuré.
On peut dire que la plupart des contrats commerciaux prévoient, au surplus, la
couverture des risques de guerre, grèves et mouvements populaires aux conditions
"waterborne" (c'est-à-dire depuis que la marchandise quitte la terre au port d'embarquement,
jusqu'au moment où elle touche la terre à destination).
Notons que le marché français est le seul à offrir une assurance contre les risques
exceptionnels (guerre...etc.), suivant la formule dite "de bout en bout", incluant, pendant une
période déterminée, le séjour à terre au départ ainsi qu'à destination, et la mise en magasins.
Cette garantie réservée aux entreprises françaises, mais étendue par dérogation à quelques
sociétés étrangères clientes des assureurs français, est souscrite auprès de la Caisse Centrale
de Réassurance (C.C.R) - soit en direct, soit à travers les compagnies du marché, qui se
réassurent auprès de la C.C.R., avec des pourcentages de conservation plus ou moins
importants.
Il s'agit là d'un produit à promouvoir auprès des entreprises françaises, spécialement
dans la période troublée que nous connaissons.
Le respect strict des clauses d'assurance édictées par les contrats de vente est suffisant
sur le plan documentaire, mais ne couvre pas forcément la totalité des périls encourus par le
vendeur.
C'est ainsi que certains contrats utilisés pour le négoce international des huiles, graines
oléagineuses et produits dérivés (tels les contrats F.O.S.F.A : Federation of Oils, Seeds and
Fats Associations, ou G.A.F.T.A : the Grain And Feed Trade Association) - stipulent que le
vendeur CIF a la seule obligation d'assurer la marchandise à des conditions restrictives.
C'est le cas du contrat GAFTA 100 (Edit. 1990), utilisé pour la vente des tourteaux
(sous-produits des graines oléagineuses, après extraction de l'huile) - dont la clause
"Insurance" est ainsi rédigée :
"Sellers shall provide insurance on terms not less favourable than those set out hereunder...
Risks covered : Cargo Clauses (W.A.), with average payable, with 3 pct franchise or better
terms".
Le vendeur peut se contenter d'assurer sa marchandise aux strictes conditions anglaises
"W.A." (avec avarie et une franchise de 3 pour cent).
Cette garantie correspond, en fait, à celle des évènements majeurs : abordage,
échouement, incendie, perte totale... auxquels on peut ajouter les pertes ou dommages causés
par "entry of sea, lake or river water into vessel..." (entrée d'eau de mer, de lac ou de rivière
dans le navire).
On s'aperçoit ainsi que le vendeur en poids et qualité délivrés, en cas de manquants ou
de contamination ne résultant pas de l'un des évènements limitativement énumérés dans la
couverture d'assurance, supportera alors des risques de transport non assurés. Un tel vendeur
serait bien inspiré d'assurer ses exportations en "Tous Risques", en gardant à son profit la
150 REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME , AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995
différence de conditions. Il est aisé de constater que le courtier de cette firme a un rôle de
conseil à jouer.
b) Situation particulière du vendeur à la commission :
Il s'agit de celui qui expédie à destination d'un port déterminé des marchandises qui
seront confiées à un commissionnaire. Ce dernier, en fonction des ventes réalisées pour
compte de son mandant, le créditera du produit net obtenu.
Aucune obligation ne pèse sur ce vendeur puisque la marchandise qui lui appartient
voyage à ses risques et périls. Il a néanmoins le plus grand intérêt à couvrir sa cargaison aux
conditions les plus étendues. C'est une situation que l'on rencontre notamment dans le
commerce des fruits et légumes (par exemple les bananes du Caméroun et de Côte d'Ivoire).
Au fil des années, des sinistres considérables ont ainsi été réglés par les Assureurs (mauvais
fonctionnement des installations du froid dans les cales du navire, avaries de machines en
cours de voyage prolongeant sa durée, incendie, perte totale...).
c) Situation des bateaux dits "flottants" :
Les bateaux "flottants" sont l'une des caractéristiques du négoce du riz. Plusieurs
millions de tonnes de riz en vrac et en sacs, sont vendus chaque année par les Etats-Unis
d'Amérique, ainsi que par les pays asiatiques (tels la Chine, la Thailande, le Vietnam, le
Pakistan...), principalement aux pays africains, et sud-américains qui sont des consommateurs
importants. Au départ, il y a souvent une opération de "barter" (troc) qui permet au producteur
de riz, pauvre en devises (par exemple le Vietnam), d'acheter de la farine, du sucre ou des
biens industriels, et de payer au moyen de livraisons de riz. La firme de négoce international va
affréter un bateau pour transporter les 12.000 ou 15.000 T. de riz qui auront ainsi été mises à
sa disposition. Elle ne trouvera que rarement un acheteur immédiat. Le plus souvent, le navire
flottera pendant plusieurs semaines, se dirigeant, par exemple, vers l'Afrique de l'Ouest.
L'affréteur sera attentif à l'évolution du marché du riz, utilisant toutes ses relations pour finaliser
son contrat de vente. Pendant cette période, il est l'unique propriétaire de cette cargaison qu'il a
le devoir d'assurer, dans son propre intérêt et celui de la banque qui finance éventuellement
l'opération.
A cet égard, on s'aperçoit avec étonnement que les établissements financiers sont
généralement peu attentifs aux problèmes d'assurance, alors qu'il en va, en définitive, de la
sécurité finale de l'opération commerciale, et par conséquent de leur créance.
d) Ventes Franco Bord ou Coût et Fret : Que peut et que doit faire le
vendeur ?
La vente CFR est une vente au départ (Cass. com., 5 octobre 1982, n° 79.11.108, DMF
1983, p. 345) dans le cadre de laquelle le vendeur s'oblige à livrer la marchandise à bord du
navire au port d'embarquement. L'acheteur supporte tous les risques et frais que peut courir la
marchandise à partir du moment où elle a été chargée dans le navire au port d'embarquement,
le transfert de propriété s'opérant à ce stade (CA Bordeaux, 2° ch., 20 octobre 1982 ; CA
Versailles, 21 décembre 1983, DMF 1984 p. 544) - et, à partir de ce même moment c'est à lui
de prendre toutes initiatives utiles en vue de la défense de ses intérêts (Cass. com., 7 juillet
1992, n° 90-19.522 (11).
De même, sous l'empire des Incoterms FOB le transfert des risques intervient dès le
franchissement du bastingage du navire.
Bien sûr, le vendeur doit impérativement assurer sa marchandise jusqu'au transfert de
propriété. Est-ce suffisant ?
Il n'est pas inutile d'insister à nouveau sur l'intérêt que présente une lecture attentive du
contrat de vente, voire des contrats d'achat et de vente, dans une filière commerciale. Il faut se
méfier du faux "back to back", donnant la périlleuse illusion d'un transfert pur et simple des
droits acquis en amont, en obligations supportées par aval. A cet égard, voici deux situations
vécues qui incitent à la prudence :
d1) Une erreur d'analyse qui coûte cher :
L'exemple cité par René Périllier (12) : est singulier :
"le Français X... vend FOB Anvers à un acheteur vénézuélien, pour un prix de dix millions de
francs, un ensemble mécanique composé de plusieurs machine-outils fabriquées par lui (valeur
REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME , AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995 151
huit millions de francs), et d'un générateur d'énergie (valeur deux millions de francs) composant
un seul colis acheté préalablement en Autriche, aux conditions "FOB Anvers".
"Les risques de transport depuis Autriche jusqu'à FOB Anvers étant apparemment à la charge
du vendeur autrichien, le Français X... considère qu'il est protégé dès l'instant qu'il assure le
seul matériel fabriqué par lui jusqu'à FOB Anvers."
"Lors de la mise à bord du navire à Anvers du générateur d'énergie, l'élingue casse et le
générateur fait sur le quai une chute de plusieurs mètres, qui le met totalement hors d'usage."
"Or, à ce moment-là, il apparait que :
- le générateur n'est pas la propriété de l'acheteur vénézuélien, le contrat d'achat ayant été
stipulé "FOB Anvers Incoterms", c'est-à-dire avec transfert de propriété au moment seulement
où la marchandise passe le bastingage du navire,
- ce générateur n'est plus la propriété du vendeur autrichien, son contrat de vente ayant été
stipulé "FOB Anvers usage du port"- c'est-à-dire avec transfert de propriété lorsque la
marchandise est livrée sur le quai, contre le bord du navire transporteur."
"Monsieur X... doit, par conséquent, le prix à son vendeur autrichien (la vente a été accomplie,
la livraison a été faite). Il ne peut le récupérer sur son acheteur vénézuélien (la vente n'ayant
pas été réalisée). Il perd par conséquent deux millions de francs pour n'avoir pas prêté attention
à une différence jugée sans importance entre les clauses "FOB", et n'avoir pas assuré
l'opération de mise à bord du générateur".
On peut ajouter qu'une telle garantie lui aurait été facilement accordée moyennant une
prime comprise entre 0,025 et 0,05 pour cent!
De telles situations sont fréquentes, car rares sont les entreprises industrielles comme
les sociétés de négoce qui pratiquent de manière permanente le nécessaire dialogue avec leur
représentant auprès des assureurs : le courtier.
Toute une gamme de produits est ainsi offerte à l'exportateur comme à l'importateur
désireux d'appliquer une politique de sécurité pour leur entreprise, tant l'assurance est oeuvre
d'imagination et de prudence. Le vendeur (FOB ou CFR) qui ne maitrise pas l'assurance peut
ainsi couvrir ses intérêts de vendeur (contingency risks). Cette garantie, confidentielle à l'égard
de l'acheteur et des tiers, sortira à effet lorsque le vendeur n'étant pas payé, se produit un
évènement couvert par la police d'assurance, et qu'il y a carence vérifiée de l'acheteur et des
assureurs de l'acheteur. Après le délai contractuel, les assureurs du vendeur l'indemniseront,
se réservant le droit d'agir contre l'acheteur et l'assureur défaillants.
d2) Le vendeur FOB doit être attentif au contenu de l'ouverture de
crédit effectuée par son acheteur :
On peut à cet égard citer un cas exemplaire : le groupe I... vend FOB arrimé Anvers, à
l'organisme albanais AGROEKSPORT, 3900 T. de sucre en sacs, d'une valeur de 983.100- $.
Une lettre de crédit documentaire est ouverte par la State Bank of Albania et confirmée par la
société Générale à Paris.
Le chargement s'achève le 8 Février 1988 sur le navire DELFINOR, et la totalité de la
documentation est présentée à la société Générale, mais l'acquéreur refuse le paiement (au
motif que la lettre de crédit ne prévoyait pas la présentation de connaissements se référant à
une charte-partie, ce qui était le cas en l'espèce). Les banques se dérobent.
On aperçoit ici toute la malice des acheteurs FOB, à qui on pourrait appliquer l'adage
"nemo auditur propriam turpitudinem allegans!" En effet, il leur appartenait de désigner le
bateau, et par conséquent de choisir un navire de ligne régulière battant ou non pavillon
albanais. Pour des raisons d'économie, sans doute, ils affrètent un bateau quelconque (on en
verra les conséquences plus tard...), et remettent les connaissements à leur vendeur ou à leur
banque. Ensuite, ils tirent argument du fait que le titre de transport fait référence à l'existence
d'un contrat d'affrètement pour ne pas payer!
Le bateau flotte, le litige s'enlise. C'est alors que le courtier du vendeur, qui avait
conseillé à son client, avant l'embarquement, de souscrire une police "intérêts du vendeur",
apprend que le navire aurait coulé au large des côtes italiennes. Après enquête, cette
information est infirmée puisqu'il apparait qu'en fait le DELFINOR a été détourné par son
équipage, et que sa cargaison est vendue au Sud Liban - alors, en pleine insurrection.
AGROEKSPORT maintient sa position, et les banquiers s'abstiennent de payer le
vendeur, malgré les mises en demeure opérées. I... se retourne contre ses propres assureurs
qui, dans les deux mois du sinistre, consentent à dédommager leur client, puis engagent avec
lui une action commune contre AGROEKSPORT. Cette firme est condamnée (T.C. Paris, 24
juin 1988) au paiement de l'entière valeur de la marchandise- la livraison de celle-ci étant
152 REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME , AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995
intervenue, et le transfert de propriété opéré selon les règles d'usance et en plein respect des
conditions du contrat FOB.
A ce stade, trois réflexions peuvent intervenir :
- il est prudent, en raison du désordre actuel des marchés, et de l'évolution des mentalités,
qu'un vendeur FOB ou CFR, assure ses intérêts de vendeur,
- la garantie étant souscrite, faut-il encore que le client aidé de son courtier soit efficace et
convaincant lorsqu'il est confronté à des cas ressemblant à la présente espèce. Comme le
disait un commentateur malicieux des conditions des polices d'assurances :
"ce qui est important, c'est la rédaction du contrat! ce qui est essentiel, c'est la statistique du
contrat! mais ce qui est fondamental, c'est le talent additionné du client et de son courtier à
convaincre les assureurs!",
- il ne suffit pas de bien assurer et de bien gérer- même si ces deux critères sont les plus
importants : il faut encore prévoir la durée, organiser la pérennité de la police d'assurance.
Nous avons vu que le référé organisé devant le Tribunal de commerce de Paris avait permis
d'obtenir la condamnation de l'importateur albanais défaillant. Mais cette société étatique n'a
tenu aucun compte de cette contrainte.
Alors, invoquant la théorie de l'émanation, I... et ses Assureurs ont présenté requête au
Président du Tribunal de commerce de Sète le 2 septembre 1988 aux fins d'obtenir
l'autorisation de saisir un navire albanais se trouvant dans ce port. Ils ont obtenu satisfaction
par ordonnance du même jour.
Le litige s'est alors rapidement solutionné puisque, aussitôt que le navire TEUTA a été
bloqué, les documents litigieux ont été payés par les banquiers, et les assureurs ont récupéré
la totalité de leurs débours, soit, avec les frais et les intérêts, plus d'un million de $.
En résumé, cette aventure démontre quel rôle peut et doit jouer le courtier auprès de son
client : CONSEILLER, GESTIONNAIRE, et DEFENSEUR de ses droits tant à l'égard des
assureurs que des tiers.
Etant donné que des pays de plus en plus nombreux édictent des textes obligeant leurs
importateurs à s'assurer localement avec contrôle douanier - (66 pays sont actuellement
recensés, bénéficiant d'une législation protectrice) - l'assurance des intérêts du vendeur offre
aux exportateurs la nécessaire alternative.
2) L'importateur :
Frileux, ou contraint par les traditions du négoce, il sera acheteur CIF - (laissant le soin à
son vendeur de traiter l'assurance et le transport).
Désireux de participer à la transformation du contrat, de gérer les services
complémentaires, d'avoir un poids économique plus grand, de maitriser les fonctions
essentielles que sont le choix d'un navire et d'un contrat d'assurance- il se positionnera comme
acheteur FOB ou CFR.
Etudions les deux situations, les périls encourus, les solutions proposées, dans la
définition desquelles le courtier d'assurances, une nouvelle fois, a un rôle essentiel à jouer.
a) L'Acheteur Coût Assurance et Fret :
Il peut rencontrer des difficultés avec l'assureur de son vendeur. Des solutions sont
mises à sa disposition pour les résoudre :
a1) Difficultés :
L'acheteur CIF aura en mains un certificat d'assurance pouvant émaner d'une compagnie
qu'il ne connait pas, et sur laquelle il n'aura en toute hypothèse aucun moyen économique de
pression (puisqu'il ne travaille pas avec elle de façon régulière). Cet élément est primordial, tant
l'interprétation des clauses d'un contrat d'assurance est chose bien souvent délicate, et que
l'état d'esprit des parties peut influer, dans un sens ou dans l'autre, sur la décision qui sera
prise à l'occasion de tel ou tel règlement.
Il faut ajouter à ces considérations l'incertitude économique qui est telle que, certains
marchés de l'assurance parmi les plus réputés, ont des problèmes financiers graves. Au cours
des années 1992 et 1993, par exemple, les compagnies :
- Scan Re Insurance Company Limited,
- English and American,
- Andrew Weir Insurance Company Limited,
REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME , AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995 153
qui jouissaient d'une excellente réputation sur le marché anglais, ont brutalement arrêté leur
activité et cessé d'effectuer tous paiements.
Un problème identique s'est présenté en France, il y a quelques années, avec la
compagnie "Union Nationale" qui a éprouvé de graves difficultés financières. Toutefois, à notre
connaissance, il n'en est résulté aucune conséquence dommageable pour l'assuré français-
lequel, avec retard parfois, a été indemnisé. Cette situation privilégiée est, il faut le dire, le fruit
du contrôle étroit qu'assure l'administration, et notamment le Ministère des Finances, sur le
fonctionnement des compagnies d'assurances souscrivant sur le marché français (obligation de
réserves, supervision des résultats...). L’intégration européenne, si l’on n’y veille, risque
malheureusement de provoquer en France un “effritement” de cette sécurité, du fait de la
contagion avec la pratique plus laxiste de certains de ses partenaires.
Etant donné qu'il n'existe aucune solidarité entre les compagnies d'assurances sur un
contrat déterminé, il est donc également important d'être parfaitement renseigné sur la capacité
de telle ou telle compagnie impliquée dans un risque, de supporter les aléas d'un sinistre. Cela
entre encore dans la mission du courtier.
a2) Solutions :
Il existe des garanties originales mais utiles : consolidation et substitution :
L'acheteur Coût, Assurance et Fret peut obtenir, sur sa propre police flottante, une
garantie dite de "consolidation" qui, en cas de carence vérifiée de l'assureur d'origine, lui
permettra néanmoins d'être dédommagé (les assureurs "consolidation" se réservant la
possibilité, s'ils l'estiment possible et souhaitable, de poursuivre ensuite à leurs frais et risques
le recouvrement des dommages dont ils ont fait l'avance, auprès du premier groupe
d'assureurs).
Il existe un contrat encore plus "performant", puisque l'acheteur CIF peut se garantir en
optant pour une assurance de substitution. Alors, disparait le délai de carence (en général de
six mois) au-delà duquel l'assureur "consolidation" intervient. Le bénéficiaire de l'assurance
"substitution" est immédiatement indemnisé sur présentation d'un dossier complet et régulier.
b) L'acheteur FOB ou CFR :
Titulaire d'une police flottante, il sera donc assuré automatiquement à compter du
transfert de propriété qui s'opère au chargement, sur le navire de mer, suivant les
INCOTERMS.
En appliquant le principe selon lequel "le bénéfice de l'assurance suit la filière mais ne la
remonte pas" - l'acheteur FRANCO BORD ou COÛT et FRET, ne serait pas garanti contre les
dommages au cours du transport préliminaire, le stockage au port d'embarquement, le
chargement... alors même qu'il aurait été amené à payer l'intégralité de la valeur de la
marchandise (ce qui pourrait notamment se produire si le transporteur omettait de prendre des
réserves sur le connaissement).
Il sera donc prudent d'inclure dans la police ouverte une disposition selon laquelle
l'assuré sera garanti, nonobstant les dispositions de son contrat d'achat, pour les dommages
antèrieurs au transfert de propriété qu'il aurait à supporter. Bien sûr, les assureurs de l'acheteur
conservent la possibilité théorique d'exercer un recours contre le vendeur, son assureur, ou
autre tiers responsable.
3) L'affréteur :
L'affrètement maritime peut se définir comme le contrat par lequel "le fréteur s'engage,
moyennant rémunération, à mettre un navire à la disposition d'un affréteur" (L. n° 66-420, 18
juin I966, art. 1). Le contrat établi s'appelle une charte-partie.
Il existe divers types d'affrètements : au voyage, à temps, coque-nu - et les contrats
s'adaptent à cette diversité, en tenant compte, au surplus, de la nature des produits transportés
(produits pétroliers, céréales, huile en vrac, marchandises diverses). Selon les chartes, les
responsabilités entre armateurs et affréteurs sont distribuées différemment.
Bien souvent, l'affréteur sera aussi le vendeur ou l'acheteur de la cargaison transportée.
L'expérience démontre que le négociant qui affrète un bateau, occasionnellement ou non, sera
rarement attentif à couvrir les responsabilités qu'il encourt tant à l'égard des armateurs que
vis-à-vis des tiers. La fourniture de soutes de mauvaise qualité, par exemple, peut entrainer de
graves désordres dans la gestion nautique du navire : elle concerne l'affréteur à temps. La
désignation d'un port "unsafe" (non-sûr), pourrait, le cas échéant, mettre en cause également la
154 REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME , AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995
responsabilité de l'affréteur au voyage (mais dans des circonstances exceptionnelles que nous
examinerons plus loin).
Dans un ouvrage consacré par M. le Clere à l'affrètement (13), il est écrit :
"notre opinion est donc qu'il est normal que, dans les chartes à temps, l'affréteur prenne les
risques d'avaries au navire soit dans le choix du port (entrée et sortie dans un safe port au point
de vue nautique et politique), soit à l'intèrieur du port (safe berth), parce que c'est lui qui est
maitre des choix. Au contraire, dans les chartes au voyage, l'armateur s'est chargé d'organiser
le transport : il n'ignore pas dans quel port on lui propose d'envoyer le navire ; il lui appartient
d'étudier les conditions d'accés et de séjour dans ce port, puis de choisir : ou prendre les
risques ou refuser la charte".
Le point de vue de René Périllier (12) n'est guère différent. D'après lui :
"dans un affrètement par charte-partie du type Gencon, par exemple, (charte au voyage),
l'affréteur n'aura ni la gestion nautique ni la gestion commerciale du navire. Dans ce document,
en effet, il est convenu que le navire affrété se rendra à...ou aussi près de là, qu'il pourra
parvenir en sécurité et demeurer toujours à flot, et là chargera une pleine et entière cargaison
de...que les affréteurs s'engagent à embarquer, et étant ainsi chargé se rendra à...et là y
débarquera la cargaison contre paiement du fret sur la quantité délivrée/embarquée...".
N'ayons pas peur de considérer que, selon la formule célèbre du Juge Donaldson : "les
clauses des charte-parties sont des animaux étranges".
Examinons successivement :
- la notion de port sûr,
- les garanties dont dispose l'affréteur auprès des assureurs,
- la responsabilité de l'affréteur à l'égard de la marchandise,
- la situation de l'affréteur victime d'un conflit auquel il est étranger,
- le rôle du courtier conseil et gestionnaire.
a) La notion de port sûr :
La responsabilité de l'affréteur pourra être recherchée en raison du choix d'un port non
sûr, sous réserve qu'il n'ait pas été connu du fréteur avant le départ du navire. Tel est souvent
le cas des cargaisons de riz vendues pendant que le navire est flottant ; alors, la charte-partie
indique simplement comme destination : 1, 2, ou 3 ports (par exemple de la Côte Ouest de
l'Afrique, avec ou sans exclusion). L'aléa de la désignation d'un port "unsafe" pèse alors
incontestablement sur l'affréteur.
Tout ce qui touche au contentieux des charte-parties, est délicat et subtil! Ainsi, ces
contrats contiennent-ils en général une disposition définissant la zone géographique à l'intèrieur
de laquelle l'affréteur peut utiliser le navire. Si celui-ci sort de cette zone (que les assureurs
anglais appellent : I.W.L.- ou Institute Warranty Limits) - l'affréteur a l'obligation préalable
d'obtenir l'accord de l'armateur, qui lui demandera le remboursement de la prime additionnelle
dûe aux assureurs du navire : soit pour les risques ordinaires de navigation, soit pour la
situation de guerre civile ou autre. On pourrait imaginer qu'à partir du moment où l'armateur
accepte cette situation, ainsi que ses assureurs, et qu'une surprime est payée à ces derniers
pour risques aggravés, l'affréteur n'a plus de soucis à se faire. Il n'en est rien! En effet, il
appartient également à l'affréteur de demander et d'obtenir des assureurs du navire leur
agrément pour être considéré comme "co-assuré"- à défaut de quoi, en dépit du paiement de la
surprime, l'affréteur peut être recherché pour dommages au bateau résultant d'un port non-sûr
(Beyrouth, pendant la période de guerre..., la zone des Grands Lacs, en certaine période de
l'année...).
C'est dans ce sens qu'a jugé la Chambre Commerciale de la "Queen's bench division", le
8 octobre 1979 (lloyd's law reports (1980) vol. 2, p. 95), dans l'affaire "Helen Miller" :
"The New York Produce form charter for the "Helen Miller" contained an additional clause
defining the trading limits as being "between safe ports within I.W.L. including St. Lawrence up
to and including Montreal, but excluding Cuba...Guinea, and all unsafe ports, but Charterers
have the liberty of breaking limits, they paying extra insurance, if any...".The charterers ordered
the ship to ports outside the I.W.L. and she suffered ice damage on voyages to these ports,
which were found to have been unsafe at the relevant time. Mustill J., held that the charterers
were liable for this damage. The owners had given general consent to trading outside the Limits
but this did not detract from the charterer's duty to select ports which were safe, and this was
not affected by the charterer's payment of extra insurance premium : "by paying the premium
the charterer does obtain a benefit- the benefit of being able to send the ship on a voyage
which the owner would not otherwise allow her to perform. But this is not at all the same as
saying that the charterer thereby obtains the right to send her on such a voyage risk-free".
REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME , AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995 155
L'exemple est édifiant, mais nous avons trouvé des décisions similaires à l'occasion de
litiges opposant, par exemple, un affréteur qui avait pourtant payé la surprime sollicitée par les
assureurs du navire pour maintenir leur couverture pour un voyage à destination de Beyrouth,
pendant la période de guerre civile. L'affréteur n'étant pas déclaré "co-assuré" dans la police,
s'est vu réclamer, avec succés, le remboursement de la valeur totale du bateau coulé à la suite
d'un attentat, et ce pour avoir choisi un port "unsafe"!
La responsabilité de l'affréteur pourra encore être recherchée au titre des dommages
causés au navire ou à des tiers (matériels et corporels) lors des opérations de chargement
et/ou arrimage et/ou déchargement, si celles-ci lui incombent aux termes de la charte (fret traité
FIOS - "free in and out and stowed").
Il existe heureusement pour l'affréteur des assurances qui le mettront à l'abri de déboires
certains.
b) Garanties dont dispose l'affréteur auprès des assureurs :
Il est possible de couvrir les responsabilités de l'affréteur à l'égard des armateurs et à
l'égard des tiers, tant sur le plan matériel que sur le plan corporel. Sont généralement exclues
les responsabilités de l'affréteur à l'égard de la marchandise, sauf garantie particulière. On peut
souligner que les primes requises sont très raisonnables. Pour citer un exemple, on pourrait
envisager de couvrir par navire et par voyage un capital de deux millions de $., moyennant une
prime de 0,45 $. par GT (tonneau de jauge brute), avec un minimum de 1.50O GT, et par
année de navigation (prorata temporis- minimum 3 mois). Cela signifie que, sous réserve
d'approuver les termes de la charte-partie, et le navire, les assureurs couvriront dans la limite
des capitaux indiqués ci-dessus, la responsabilité de l'affréteur du navire "X" dont le GT ressort
à 1.50O, pour une prime de : 675 $/an soit 168.75 $ pour trois mois.
Nous sommes dans le cadre d'un navire construit depuis moins de 20 ans. Cette prime
correspond à 12 mois de couverture. Elle sera ramenée à 169 $. pour une période n'excédant
pas trois mois de risques (un voyage).
Naturellement, il s'agit d'un contrat pour un client spécifique mais cela donne une idée de
la tarification appliquée, qui est modeste compte-tenu du caractère des risques garantis.
Ajoutons que les pénalités financières (surestaries, frais de détention du navire...), que
supporte l'affréteur, n'entrent pas dans l'assurance type que nous venons de décrire.
c) Responsabilité de l'affréteur à l'égard de la marchandise :
Demeure en suspens la question de la responsabilité de l'affréteur à l'égard des
marchandises transportées, qui lui appartiennent généralement, mais sont aussi destinées, la
plupart du temps, à être revendues. Si l'affréteur est vendeur CIF, il peut "maitriser" les
réactions de ses assureurs, et obtenir d'eux de renoncer à tous recours mettant justement en
cause sa responsabilité. Il n'en est pas de même du vendeur Coût et Fret, puisque les
marchandises seront alors couvertes par son acheteur, et que les assureurs de ce dernier
poursuivront le recours en toute circonstance.
En effet, l'affréteur aura négocié le connaissement sous l'empire duquel l'armateur se
verra réclamer des dommages dont il entendait éventuellement être exonéré suivant la
charte-partie signée. L'affréteur se verrait alors demander réparation par l'armateur, par voie
d'arbitrage, conformément à la clause compromissoire de la charte.
Les "Protecting and Indemnity Clubs", qui sont des mutuelles essentiellement
britanniques et scandinaves, couvrent les armateurs contre les recours de tiers, les problèmes
de pollution, de gestion (amendes en douane, clandestins voyageant à bord des navires...), et,
bien sûr, les réclamations pour dommages aux marchandises transportées.
Certains de ces Clubs acceptent de fournir une couverture appropriée aux affréteurs,
même si cela n'entre pas encore tout à fait dans leur culture!
d) Situation de l'affréteur victime d'un conflit auquel il est étranger :
Nous nous plaçons dans l'hypothèse où la marchandise qui lui appartient se trouve
embarquée sur un bateau qui est saisi en cours de voyage par suite d'un conflit entre l'armateur
et une autre partie (conflit auquel l'affréteur doit être étranger). Il est possible, dans une telle
hypothèse, de garantir les frais de déchargement, transit, rechargement et nouveau fret pour
acheminer la cargaison à destination finale.
Cette garantie est par exemple sortie à effet dans l'espèce suivante : une cargaison de
riz a été chargée au Vietnam suivant charte-partie de février I993, pour compte de la société
156 REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME , AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995
française X., qui avait affrété le navire R. (pavillon : Malte, registre : Lloyd's Register). Le navire
toucha son premier port : Pointe Noire en juillet I993, pour y débarquer partie de son
chargement. Avant la fin de cette opération, le R. est saisi par les autorités congolaises, en
application de la résolution 820 des Nations-Unies, visant les biens appartenant à des intérêts
yougoslaves. Il semble en effet que ce bateau, sous couvert d'un pavillon neutre qui lui servait
de "paravent", avait conservé des liens financiers avec son armateur antèrieur (la société
Prekooveanska Plovidba, de Bar, Yougoslavie).
Après de délicates et longues discussions, les autorités autorisent enfin le déchargement
du riz destiné à Pointe-Noire, puis le transfert des 6.000 T. destinées à deux autres ports
africains. Mais il est nécessaire d'organiser le transbordement, puis l'affrètement d'un nouveau
bateau - soit une dépense de plusieurs centaines de milliers de dollars. L'assurance des frais
spéciaux heureusement souscrite par l'affréteur - propriétaire de la marchandise - sur la vive
insistance de son courtier, permit à ce client d'être totalement indemnisé.
Néanmoins, il est bien préférable, plutôt que de souscrire de telles garanties d'ailleurs
difficiles à placer sur un marché spécial saturé, d'inviter l'affréteur à se montrer particulièrement
vigilant en ce qui concerne la qualité du navire qu'il affrète, de son armateur, et de son
opérateur.
De plus en plus, les assureurs sont attentifs à obtenir la certitude que tel navire qui est
affrété par l'un de leurs clients, bénéficie bien d'une couverture "club" en cours de validité. En
effet, en cas de litige, sauf à obtenir dès la fin du voyage une caution bancaire ou une garantie
du club - ce qui n'est pas toujours possible - les assureurs, qui doivent désormais renoncer à
l'idée d'engager une action directe contre le club (jurisprudence défavorable de la Chambre des
Lords dans les affaires FANTI et PADRE ISLAND), appréhendent de se trouver dans la
situation suivante :
- un armateur impécunieux,
- un club qui a retiré sa couverture pour non paiement des primes...
Mais il faut admettre qu'il est extrèmement difficile d'obtenir à cet égard une preuve
incontestable - étant entendu que des mentions du style : "...le navire "X" est inscrit au pandi
club "Y", et cette couverture sera maintenue pendant toute la durée de l'affrètement", figurant
dans la charte-partie, n'a strictement aucune valeur vis-à-vis du club visé, et peut être insérée
de manière tout à fait fantaisiste.
e) Rôle du courtier - conseil et gestionnaire :
Le risque de perte totale comme le danger d'avaries communes (suite à un incendie
nécessitant des mesures de sauvegarde dans l'intérêt général, ou à une avarie de machines
entrainant une assistance), augmentent évidemment avec la vétusté du bateau. L'entretien du
navire, et la qualité de sa gestion, sont également des éléments déterminants du risque. Il
existe des éléments aggravants complémentaires tels :
- le défaut de cote par un registre de classification reconnu,
- le fait de battre pavillon de complaisance (ce qui correspond, bien souvent, pour le personnel
navigant considéré, à une absence de couverture sociale, ainsi qu'à une moindre exigence en
matière de diplômes, par conséquent de compétence).
Voici une illustration de notre propos : le navire KORTANK battant pavillon grec, chargé
d'une cargaison de pétrole à destination de DAKAR (Sénégal), s'est échoué à la sortie du port
de Salonique, le 27 février 1989. Il a dû être assisté, sur la base d'un contrat "no cure no pay".
Ses armateurs l'ont déclaré en avaries communes. Les assureurs de la marchandise, assistés
de leur courtier, ont procédé à une enquête. Il est alors apparu que le capitaine, en fin de
carrière, avait une vue déficiente qui l'obligeait à porter des verres grossissants. Au surplus, ce
navire KORTANK avait un équipage d'une belle diversité : 5 langues y étaient en usage! Ainsi,
la conviction des experts fut-elle que le capitaine n'avait eu qu'une vision imparfaite de la
position du bateau, comme des mesures à prendre. Au surplus, ses ordres dans cette tour de
Babel arrivaient tardivement et déformés. A vrai dire, le KORTANK était "unseaworthy"-
c'est-à-dire : innavigable. Voici d'ailleurs quelques éléments de l'enquête à laquelle il fut
procédé :
"...the master was seriously short-sighted. He thought that the vessel's course was 200° when it
was in fact 230°...He was unable to command and/or navigate the vessel safely, properly or
correctly...
...the vessel's master, officers and/or crew were made up of individuals from several different
countries whose command of the english language was imperfect and/or inadequate...(they)
were unable adequately or at all to work together and/or communicate with each other for the
purposes of the safe navigation of the vessel...".
REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME , AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995 157
Une action volontariste menée par le courtier-gestionnaire, pour compte commun de la
cargaison et de ses assureurs, a permis d'obtenir l'abandon de la procédure d'avaries
communes, et le remboursement de l'essentiel des dépenses exposées (soit un gain pour les
Assureurs d'environ 500.000- $.).
Nous sommes loin du courtier traditionnel, qu'il soit courtier juré ou de libre
établissement. Cette situation nouvelle s'est forgée au fil des épreuves : tant dans la conception
que dans l'exécution des affaires. Ce mandataire ne peut vraiment pas se contenter d'être un
intermédiaire passif entre clients et assureurs, un apporteur d'affaires dont il ne s'occuperait
qu'une fois par an, au moment du renouvellement des contrats. Il doit s'impliquer, se remettre
en cause, si nécessaire, avec les risques techniques que cela comporte. Il est vrai que certains
courtiers spécialisés dans l'assurance maritime avaient déjà acquis cette philosophie, et
l'appliquaient naturellement dans leur activité. Tous devront suivre pour tenir compte des
mutations intervenues, et pour rester l'interface incontournable de ce personnage nouveau
apparue dans les entreprises modernes : le RISK-MANAGER.
Nous verrons dans la deuxième partie, l'attitude de la jurisprudence à l'égard de ce
professionnel que nous découvrons ensemble : le COURTIER.
DEUXIEME PARTIE : LA RESPONSABILITE DU COURTIER
Nous le savons, le courtier d'assurances maritimes est le mandataire de ses clients : les
assurés. Ainsi que l'écrit le doyen Rodière (7) :
"cette qualification tient à son rôle et commande à sa responsabilité. Pour l'assuré, il est
l'homme de confiance qui s'occupe de tout ce qui se rattache de près ou de loin à la police ;
c'est lui qui choisit, sauf exception, la ou les compagnies d'assurance qui vont couvrir, dans les
conditions que le courtier débattra pour lui, les risques prévus par la police à souscrire. Son rôle
est si important que, dans la pratique, les assurés tiennent volontiers le courtier pour leur
assureur, ce qu'il n'est pas".
"Sa responsabilité sera celle d'un mandataire, selon le droit commun de l'article 1992 du Code
civil".
Rappelons le contenu de cet article : "le mandataire répond non seulement du dol, mais
encore des fautes qu'il commet dans sa gestion...".
Bien sûr, la situation décrite ci-dessus tend à évoluer : les groupes industriels, les
compagnies de navigation, les firmes de négoce les plus importantes, ont des services chargés
des problèmes d'assurance, qui s'en acquittent souvent avec compétence. Certains lient même
leur sort à des compagnies d'assurance "captives", qui, par le jeu des réassurances, leur
permettent de récupérer une partie de leurs primes. D'autres préférent gérer leur portefeuille
dans le cadre d'un bureau de courtage "captif", avec la double volonté d'économiser une partie
de la commission de l'intermédiaire, et de tenter d'apporter un soin supplémentaire à leurs
propres affaires.
Il s'agit là, il faut le dire, de comportements marginaux, qui laissent un large domaine
d'intervention au courtier multi-cellulaire. Celui-ci est néanmoins soumis à des sollicitations
continuelles résultant au surplus :
- de la concurrence du courtage international - ce qui est légitime,
- de la pression aggravée de clients désireux d'obtenir, sans cesse, des taux plus bas, des
conditions plus étendues, et des prestations plus larges.
Dans le même temps, les résultats techniques des compagnies d'assurances,
spécialement dans la branche transports, sont hésitants, leurs plus-values boursières se sont
amenuisées, et la valeur des immeubles qui constituent une partie de leurs réserves a décru!
Dans cet environnement particulier, attachons nous, à travers la jurisprudence, à passer
en revue :
A) les attributions du courtier, mandataire de l'assuré,
B) son obligation de conseil,
C) les sanctions attachées à ses fautes de gestion,
D) la situation pouvant résulter pour le courtier d'une trop grande ambiguïté sur sa véritable
qualité.
A) Le courtier est le mandataire de l’assuré :
Nous avons retenu six procédures qui, dans leur diversité, constituent un échantillon
représentatif des conflits dans lesquels peut être impliqué le courtier :
158 REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME , AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995
1) Arrêt de la Cour d'Appel de Paris du 29 juin I982 (17) - s/ appel d'un
jugement du TC Paris du 15.12.1980 :
Suite à des avaries en cours de transport, la compagnie Assurantie Maatschappij NIEUW
ROTTERDAM, après paiement des dommages, assigne le transporteur le 10 janvier 1978. Le
Tribunal de commerce de Paris a déclaré cette demande irrecevable pour défaut de qualité
(absence de quittance subrogative au profit de la compagnie, et paiement effectué par le
courtier).
Même si, sur le fond de l'affaire, les assureurs ont perdu le procés - mais tel n'est pas
notre propos - leur demande a été reçue en cause d'appel avec la motivation suivante :
"...il y a lieu de relever que le courtier, en effectuant le paiement au réceptionnaire de la
marchandise, ne peut qu'avoir agi en exécution du contrat d'assurance et pour le compte et sur
instruction de l'assureur, c'est-à-dire la société N.R. ; qu'ainsi que le fait observer pertinemment
cette société, cette manière de procéder est conforme à l'usage suivi en matière d'assurance".
"Que, dans ce cas, c'est l'assureur qui supporte en définitive le paiement de l'indemnité, qui est
subrogé dans les droits de l'assuré, et non le courtier, celui-ci étant remboursé par l'assureur
avec lequel il est en relation suivie au moyen d'un compte courant....".
2) Jugement du Tribunal de commerce de Marseille du 2 décembre
1986 (revue Scapel 1987, p. 6) :
Suite à des avaries reconnues aux Etats-Unis sur 220 rouleaux de tôle laminée à froid,
en provenance de Yougoslavie, les vendeurs FOB SPLIT, bénéficiaires d'une cession de droits
de leurs acheteurs, ont assigné en paiement d'une somme de 596.681- $. : 14 compagnies
d'assurance ainsi que le “X”, par l'intermédiaire de qui le risque avait été souscrit.
La mise en cause du courtier- dans la mesure où aucune faute ne peut être retenue à
son encontre - est abusive. Ainsi, le Tribunal de commerce de Marseille a jugé :
"...il n'est pas contestable que la société “X” n'a jamais eu la qualité d'assureur, puisqu'elle est
intervenue uniquement en qualité de courtier, que dès l'instant où aucune faute n'est articulée
et encore moins prouvée à l'encontre du courtier... il y a lieu de le mettre hors de cause et de
condamner la société F. à payer à “X” la somme de 10.000 F. à titre de dommages intérêts
pour procédure abusive et celle de 5.000 F. à titre d'indemnité en vertu de l'article 700 du
N.C.P.C....".
3) Arrêt de la Cour d'Appel de Paris du 21 octobre 1987 (17) . Arrêt de la
Cour de Cassation du 28 juin I989 (pourvoi rejeté) :
Le 19 mars 1986, le courtier “Y”, a été prié de faire assurer le mobilier du Sieur R., de
Montauban-de-Bretagne à Paris, le transport par camion devant s'effectuer le 21 ou le 22 mars.
Un acompte de prime de 5.000 F. fut payé. Le vendredi 21 mars, en fin d'après-midi, R.
confirme que le transport a lieu le lendemain. Le samedi 22, le mobilier brûle en cours de
transport, mais le courtier n'a transmis la proposition d'assurance que le lundi 24 à l'assureur
qui refuse "de prendre en charge un sinistre qu'il ne s'était pas engagé à garantir".
R. demande au Tribunal de condamner le courtier et l'assureur à lui payer in solidum
2.750.000 F. Il est débouté par jugement du TGI. de Paris du 29 avril 1987, ainsi que par la
Cour d'appel. Quant à la Cour de cassation, elle rejette le pourvoi comme suit :
"Attendu qu'il résulte des énonciations souveraines des juges du fond que R. a été informé par
“Y”, courtier d'assurances, que la proposition d'assurance qu'il avait souscrite auprès de celle-ci
ne pourrait être transmise à l'assureur qu'après fixation de la date du transport de la
marchandise assurée ; que, cette date ayant été fixée au samedi 22 mars 1986, R. l'a
communiquée au courtier par telex daté du vendredi 21 mars, 17 h 40, soit dans des conditions
de temps qui n'ont pas permis la transmission de la proposition ; qu'en aucune de ses
branches, le moyen ne peut donc être accueilli...".
Les Tribunaux se sont donc refusés à reconnaitre une faute personnelle du courtier dans
la gestion de cette affaire.
4) Arrêt de la Cour d'Appel de Paris du 19 septembre 1984 : (17)
La société R. donne en location à la société T.C., un véhicule semi-remorque qui n'a pu
être restitué, et demande à ce titre F. 29.920 ainsi que divers frais qui n'entrent pas dans le
cadre de notre réflexion.
Le Tribunal de commerce de Paris a, par jugement du 16 avril 1982 :
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  • 1. 134 REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME , AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995 LE COURTIER D'ASSURANCES MARITIMES Notre revue a décidé de consacrer, périodiquement, un numéro spécial à une profession du secteur des transports. C'est le cas aujourd'hui du courtier d'assurances maritimes. Un prochain numéro sera consacré à la profession de transitaire. Nos lecteurs trouveront dans ce numéro, un rappel de ce qu'a été le courtier juré d'assurances maritimes, et une étude sur le courtier d'assurances maritimes d'aujourd'hui. Une importante jurisprudence, inédite pour sa plus grande part, illustre cette étude. Alors que nous accueillons Gérald Duron parmi les principaux collaborateurs de cette revue, il a bien voulu rédiger cette remarquable étude consacrée au rôle et à la responsabilité du courtier d'assurances maritimes. Après avoir rappelé l'origine du courtage, notamment à Marseille, et en avoir retracé l'historique, l'auteur expose le rôle du courtier et nous donne la vision d'un professionnel. Le courtier est un juriste, nous dit l'auteur, il nous le prouve dans la deuxième partie de son étude consacrée à la responsabilité du courtier. De très nombreux cas de jurisprudence y sont étudiés. Une troisième partie est consacrée à l'étude des courtiers en Amérique du Nord et dans l'Union Européenne. Professionnel, juriste, Gérald Duron est aussi maritimiste ainsi que doit l'être avant tout, le courtier d'assurances maritimes. Même à Marseille, on ne pouvait bâtir ce numéro sans rendre hommage aux anciens courtiers jurés : "Une survivance de l'ancien régime abolie en l'année 1978". Tous nos remerciements à cet "ancien courtier juré" qui a su si bien les faire revivre ... et qui par excès de modestie a préféré rester anonyme. Le monde de l'assurance maritime pourra rester fondé sur la bonne foi si demain comme aujourd'hui et hier, les courtiers qui en sont la clef de voûte demeurent "des gens de bien" ...
  • 2. REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME , AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995 135 Christian SCAPEL Jacques BONNAUD
  • 3. 136 REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME , AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995 DOCTRINE LE COURTIER JURE : UNE SURVIVANCE DE L'ANCIEN REGIME ABOLIE EN L'ANNEE 1978 "Sur l'ordonnance verbale de Monsieur le Président, la main droite levée à Dieu, il a prêté le serment suivant : Je jure de remplir avec honneur et probité les devoirs de ma profession de courtier juré d'assurances maritimes". Ces termes héraldiques ne relatent pas l'adoubement d'un chevalier. Ils sont extraits du registre des actes de prestations de serment des officiers ministériels, tenu au greffe du Tribunal de commerce, lequel précise que la cérémonie a lieu conformément à l'arrêté du 29 Germinal an IX. Et ceci se passait il y a 25 années. Tous les privilèges n'ont pas été abolis dans la fameuse nuit du 4 août 1789. Il n'y a guère, le privilège du courtier juré d'assurances subsistait encore, non sans avoir subi de nombreuses vicissitudes. Il consistait dans un monopole conféré à ce professionnel par le Code de Commerce pour la rédaction des polices d'assurances maritimes, monopole partagé théoriquement avec les notaires. Mais ces derniers - hors le cas très particulier de la place de Marseille - ne sont jamais intervenus, car ils étaient extérieurs au cercle assez fermé du monde maritime et n'avaient pas la formation spécifique nécessaire . Les charges de courtiers jurés étaient, pour chaque place concernée, en nombre limité, le numerus clausus étant fixé par le Ministère des Transports. Elles bénéficiaient donc d'une certaine protection contre une concurrence anarchique. Le courtier juré, officier ministériel, ressentait confusément une certaine fierté de ses origines historiques aux références prestigieuses : l'ordonnance de la Marine, oeuvre de Colbert en 1681, et la loi du 28 Ventose an IX. La magie des mots évoque le charme désuet des vieilles gravures, car le monde maritime a longtemps vécu dans l'exaltation d'un passé légendaire qui ne s'efface pas totalement, et la nostalgie de la "marine en bois" subsiste dans l'imaginaire. Même après la deuxième guerre mondiale, au cours de réunions corporatives, de brillants conférenciers (à cheveux blancs, il est vrai) ont souvent évoqué le souvenir des forêts de mats dans les ports aux parfums de vanille, et les voiles qui claquaient au vent. Ce climat sentimental subconscient, parfois exprimé dans la décoration des locaux professionnels, n'entraîne aucun archaïsme dans l'exercice des professions relevant de l'Assurance Maritime. Mais il contribue à créer une sorte de lien et génère une communauté de pensée dans le Monde de la Mer. Le courtier juré était très pénétré de sa spécialisation maritime et se considérait comme incorporé dans une sorte de club international prestigieux dont les réseaux enserraient tout le globe par l'intermédiaire de divers corps administratifs : experts, commissaires d'avaries, P and I clubs, etc... Son cachet professionnel était celui de tous les officiers ministériels auxiliaires de Justice et conférait à ses écrits le caractère d'actes authentiques ayant date certaine. On a pu dire qu'il était "le notaire de l'assurance maritime". Effectivement, il rédigeait lui-même les contrats d'assurances, où apparaissaient parfois, parsemées, quelques clauses d'un style traditionnel dont le pittoresque désuet évoquait le tabellion. Mais son vocabulaire, souvent coloré d'anglicismes, était bien celui d'un technicien contemporain de l'exploitation maritime moderne. Et chaque paragraphe, chaque terme de ses rédactions étaient minutieusement pesés, de telle sorte qu'aucune interprétation ne puisse être équivoque ou laissée au hasard. Cette méticulosité, qui vient d'être soulignée, était inhérente à la particularité de son statut juridique. Car le courtier juré était le mandataire légal de l'assuré, qualité qui résultait d'une jurisprudence ancienne et constante, plutôt que de la loi. En conséquence, non
  • 4. REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME , AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995 137 seulement il représentait son client pour défendre ses intérêts, mais il se substituait à lui pour toutes les formalités et la gestion du contrat aux lieu et place de ce client et ceci, de plein droit sans aucun mandat formel. Sa responsabilité était donc très lourde, sa vigilance devait être constante et sa conscience professionnelle méritait le slogan : "Rigueur et qualité du service". Ce statut juridique apportait dans la pratique un avantage considérable pour la rapidité des transactions. Le donneur d'ordres d'assurances était souvent très éloigné géographiquement. Ses instructions parvenaient par courrier, téléphone ou fax. Le courtier juré établissait aussitôt la police ou les avenants, présentait les documents à la signature des assureurs, et les signait lui-même, à la place de l'assuré, en vertu de son mandat légal. Il faut noter que l'importateur/exportateur titulaire d'une police d'abonnement fait couvrir des expéditions presque quotidiennement. Point n'est besoin d'insister sur la simplification pratique résultant du système. Après la modification du statut du courtier, il fallut trouver une solution dont nous parlerons ultérieurement. En vertu de la qualité d'officier ministériel du courtier juré, la police ou ses avenants, actes authentiques étaient établis en un seul exemplaire original signé conservé dans la charge. Il était délivré des copies, certifiées conformes si nécessaire, éventuellement aussi des avenants documentaires destinés aux banques. Quand on pense à la facilité, à la rapidité avec laquelle le fameux "privilège" a été aboli en décembre 1978, on ne peut évoquer sans ironie les complications (voire les tribulations) à affronter pour en arriver à la nomination de courtier juré. Il faut d'abord rappeler que le libre établissement était interdit, le numerus clausus fixe par le Ministère des Transports prohibait toute création de charge. Il était donc nécessaire de racheter une charge existante, devenue vacante par démission, retraite ou décès du titulaire. L'impétrant devait ensuite présenter une demande de nomination au secrétariat général de la Marine Marchande auprès du Ministère des Transports. La nomenclature des documents à fournir comprenait 16 postes, parmi ceux-ci des titres de compétence, et "un certificat d'aptitude délivré par 4 notables commerçants"! L'épais dossier devait être déposé à la Préfecture qui transmettait au Ministère. Le déroulement des formalités durait environ 3 mois, avant qu'un arrêté du Ministre (publié au J.O.) annonce la nomination, d'ailleurs subordonnée à la cérémonie de prestation de serment devant le Tribunal de Commerce, la main droite levée à Dieu. Mais tout n'était pas terminé! Pour être accepté comme membre de la Chambre Syndicale, le nouveau venu devait, au cours d'une Assemblée Générale, subir un examen de compétence devant ses confrères, questionné par eux. Quoique le candidat ait eu largement le temps, pendant le purgatoire des démarches, de réviser ses manuels de droit maritime et les commentaires sur les lois les plus récentes, il savait n'être pas à l'abri d'une question insidieuse mettant à mal son amour-propre. Mais la légère inquiétude de la veillée d'armes était compensée, en fin de séance, par la convivialité d'un champagne. Tout ce formalisme compliqué fut donc supprimé par la loi n° 1170 du 16 décembre 1978 qui modifiait le statut juridique des courtiers jurés d'assurances maritimes, et par voie de conséquence mettait fin à leur monopole privilégié. La rumeur prétend que, lors du vote, l'Assemblée Nationale était constituée par douze députés, la question ne passionnait guère l'opinion publique. Le privilège des courtiers jurés avait vécu, ceux-ci devenaient des courtiers ordinaires régis par le droit commun. Il est vrai que la France devait se mettre en harmonie avec les autres pays de la CEE où le courtage était libre. Il est vrai aussi que les courtiers jurés se trouvaient quelque peu prisonniers de leur statut d'officiers ministériels qui leur interdisait de se constituer en société, d'étendre leur activité à d'autres secteurs et les obligeait à rester en nom propre. Ils ont donc eux-mêmes, par l'intermédiaire de leur Chambre Syndicale Nationale, réclamé la modification de leur statut. D'autre part, l'exemple des courtiers marseillais restait en filigrane dans les pensées. Ceux-ci, vers la fin du siècle dernier avaient renoncé à leur privilège et reçu de l'État, en contrepartie, une indemnité substantielle. Or, grâce à leur compétence spécifique, ils avaient cependant réussi à conserver un monopole de fait, et à rester dans la légalité en prenant des accords avec les notaires qui contresignaient les polices. Ces courtiers marseillais étaient d'ailleurs rattachés à la Chambre Syndicale des courtiers jurés. En considération de ce précèdent, lorsqu'il fut question de la modification du statut des courtiers jurés, des négociations furent entreprises auprès du Ministère des finances, afin d'obtenir une indemnisation pour la suppression du privilège, car les aléas découlant de la perte
  • 5. 138 REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME , AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995 du monopole étaient réels, même si l'on espérait en atténuer les effets. Hélas, ces négociations n'ont pas abouti et le seul avantage obtenu fut l'exemption des droits fiscaux en cas de transformation, dans un certain délai, de l'ex-charge en société. Tous les courtiers ayant désormais accès à l'assurance maritime, on pouvait craindre un éparpillement des affaires entraînant une perte pour les anciennes charges. Or, dans l'ensemble, la chute de clientèle fut minime. Grâce à leur spécialisation, leur introduction dans l'organisation du monde de l'assurance maritime (comités d'assureurs, réseaux d'experts, commissaires d'avaries) les ex-courtiers jurés ont sensiblement maintenu leurs affaires, compte tenu de la conjoncture économique difficile, de l'apparition de nouveaux intermédiaires et de l'âpreté de la concurrence. On constate plutôt une réorganisation de la profession, une tendance dans le sens de regroupements, de constitution de sociétés de courtages toutes branches, avec un département maritime spécialisé. L'ensemble des courtiers a adhéré au "Syndicat National des Courtiers d'Assurance et de Réassurance" (SNCAR), mais les spécialistes de la branche maritime et transports ont constitué dans le sein de ce syndicat une cellule de techniciens dénommée "Groupement Professionnel et Technique du Courtage d'Assurance Maritime et Transport en France" (1 Ainsi le "Club" maritimiste s'est reconstitué et son étendard peut fièrement flotter au vent. ). Il restait à résoudre le problème pratique de la rapidité des transactions, ci-dessus évoqué. Certes, le courtier est le mandataire de son client dont il a reçu l'ordre d'assurance. Il a le devoir de conseil, et de négocier au mieux des intérêts de ce client, mais il n'a pas le pouvoir de se substituer à lui pour la signature des documents. Le courtier (ex-juré) a pallié la difficulté en obtenant de ce client un mandat exprès, écrit, lui permettant non seulement de signer la police en ses lieu et place, mais de gérer toutes les situations découlant du contrat d'assurance... "et plus généralement faire le nécessaire". L'acte authentique n'existe plus. La police d'assurance est devenue désormais un contrat synallagmatique ordinaire, établi en deux exemplaires originaux. Dans ce rapide exposé sur l'évolution du statut juridique du courtier juré, les rapports commerciaux avec les assureurs n'ont pas été évoqués. C'est un domaine, en effet, où la qualité d'officier ministériel n'intervient en aucune façon. Les assureurs, représentant les intérêts des compagnies, ont toujours été des adver- saires difficiles pour le courtier, juré ou non, soucieux de soutenir les intérêts de ses clients. Selon une vieille tradition de la branche maritime, l'heure de la Bourse réunissait, et rassemble encore en un même lieu les courtiers, et les assureurs qui viennent signer les documents établis. On discute aussi, maintenant comme autrefois, les taux et conditions des garanties proposées. On examine l'état des dossiers de sinistres en cours. Placé entre les positions opposées de l'assureur et de l'assure, le courtier, qu'il soit ou non jure, a toujours eu bien du souci pour défendre objectivement les intérêts de son client, ce qui ne peut aboutir qu'en conciliant les parties (si faire se peut!). L'assureur exprime son mécontentement lorsque le montant des sinistres excède celui des primes (ce n'est pas tellement rare!) et le client proteste toujours contre toute revalorisation éventuelle. Or, personne n'est jamais d'accord sur la statistique, sujet de contestations sans fin. Surgissent parfois aussi des litiges lors de la liquidation des sinistres : montant du quantum, garanties non prévues par la police ou exclues par elle, désaccord sur les conclusions de l'expertise, sur l'assiette de la franchise ... etc... Il faut alors un long combat pour faire admettre aux deux parties une "transaction à titre commercial et sans créer de précèdent..." Ces remarques évoquent seulement quelques problèmes de base, parmi tant d'autres qui exigent de nombreux va-et-vient entre les deux parties, et des entrevues parfois orageuses. Au cours de ces relations technico-commerciales, la vie professionnelle du courtier ressemble davantage à un torrent tumultueux qu'à un long fleuve tranquille, mais son statut juridique n'intervient pas, n'a aucune incidence. Dans l'intérêt même de son client, le courtier, aujourd'hui comme autrefois, doit démontrer, à l'une comme à l'autre des parties, où se situe l'équité. Il doit savoir faire preuve d'objectivité, et se conduire selon le précepte du Vieux Droit Romain si souvent méconnu : "UT INTER BONOS OPPORTET AGERE" (Comme il convient d'agir entre gens de bien) (1) Souvent cité sous le sigle abrégé et phonétiquement malencontreux de GPT.
  • 6. REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME , AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995 139 UN ANCIEN COURTIER JURE
  • 7. 140 REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME , AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995 LE COURTIER D’ASSURANCES MARITIMES ET SES RESPONSABILITES par Gérald DURON Quand un client utilise un courtier pour effectuer une assurance pour son compte, il est fondé à compter sur l’exercice d’un soin et d’une compétence raisonnables, de la part du courtier qui exécute ses instructions, et si ces instructions ne sont pas convenablement appliquées, et qu’une perte survient qui, de ce fait, n’est pas recouvrable sous la police d’assurances, alors, le courtier est responsable pour “breach of contract”. On va même jusqu’à considérer qu’il n’y a pas d’obligation absolue du client, qui utilise un courtier, d’examiner la police d’assurances quand il la reçoit, pour vérifier si ses instructions ont été ou non suivies. Ces principes rendent à coup sûr délicat l’exercice de la profession de courtier d’assurances, mais justifient pleinement que sa fonction se perpétue, car il joue un rôle économique évident. Il propose de la sécurité, apporte ses conseils, aide à la gestion, participant ainsi, avec les autres vecteurs du commerce, au bon fonctionnement des échanges internationaux. Cela ressort de l’histoire des siècles passés qui fait apparaître le rôle du courtier, souligne ses devoirs envers ses clients et les responsabilités qu’il encourt. On ne peut réfléchir à cette activité essentielle dans le négoce sans l’insérer dans un contexte international. UN PEU D'HISTOIRE : Nous ne restons pas indifférents quand Cicéron vante le gouvernement de Marseille, écrivant alors : "neminem illi civitati inimicum esse arbitror qui amicus sit huic civitati". (Selon lui, il n'était pas possible qu'on puisse aimer Rome et être en même temps l'ennemi de Marseille). Avant lui, Démosthène fit l'éloge des Lois Nautiques de Marseille (1). Tenant compte de l'importance de ce port, de son ancienneté, de ses traditions, il est intéressant de noter l'évolution du corratier sorti au fil des siècles de sa chrysalide, pour devenir un moderne courtier. Rappelons que l’une des formes les plus anciennes du courtage s'est exercée en matière matrimoniale. A Rome, les entremetteurs de mariage très nombreux étaient protégés par le législateur qui voyait là un moyen d'accroitre le nombre de mariages (2). Ils bénéficiaient même d'une action en paiement de leur salaire ("Proxenetica licito jure petuntur", dit Ulpien, dans le Digeste!). A) Origine du courtage et des courtiers à travers Marseille et son environnement économico-politique : On assigne généralement la date de 1257, au travail de compilation approuvé par le Comte de Provence, qui constitue un véritable statut municipal de Marseille. La règle XL du Titre premier est justement intitulée "de Corraterijs". En l'année 1455, le grand Sénéchal de Provence, à l'effet d'empêcher que le choix des corratiers (courtiers) ne soit livré à la cupidité des Viguiers, mande à ceux-ci (1) : "...nul, si ce n'est un citoyen de Marseille, ne pourra être courtier, ni ne pourra s'immiscer dans l'exercice du courtage, et le seul citoyen de Marseille le pourra, quand il aura prêté son serment.. ." "Et si un courtier agissait différemment, il serait puni par le recteur et, de plus, dépouillé de sa charge, ce qu'on ferait connaitre à son de trompe dans la ville. Ils jureront de se comporter, dans leur office, avec bonne foi, à l'égard de tous ceux qui se serviront de leur ministère, et de ne pas recevoir au-delà de ce que veut la coutume..." "Et si quelqu'un agissait contre les règles susdites, il serait contraint de rendre ce qu'il aurait reçu et n'en serait pas moins puni par le recteur, d'une amende de xxv livres royales
  • 8. REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME , AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995 141 couronnées, pour chaque manquement ; s'il ne pouvait acquitter cette amende, il serait fustigé par toute la ville". Antérieurement, nous trouvons une sentence rendue par le Viguier de Marseille le 16 Février 1350, à la requête des syndics, sur le point de savoir entre les mains de qui les corratiers devaient prêter le serment annuel et fournir la caution d'usage (3). En 1601, un règlement fixe à 36 les corratiers jurés de la ville de Marseille, dont 30 pour les marchandises en général, le change et les assurances... Suivant l'ouvrage de Valin édité en 1766, consacré au " Nouveau Commentaire sur l'Ordonnance de la Marine de 1681" (4), furent créés en décembre 1657 deux offices de notaires-greffiers en chacun des sièges de l'Amirauté du Royaume. Les notaires partageaient alors avec les courtiers le privilège de recevoir et passer tous contrats maritimes et polices d'assurances. Valin écrit à l'art. 2 du Titre VI de son ouvrage, le commentaire suivant : "Beaucoup d'assurances se faisaient sans écrit et pour cette raison on les appelait assurances "en confiance". Cette forme d'assurance donnait lieu à de tels abus qu'on l'a supprimée, et l'on exigea que les assurances soient faites par écrit et par devant notaire ou par le ministère d'un greffier des polices d'assurance". On peut y voir l'ébauche des courtiers jurés récemment disparus! Les Echevins de Marseille qui avaient remplacé les Consuls, secondés par la Chambre de Commerce, d'institution toute récente, promulguèrent en 1670 un règlement spécial pour les courtiers d'assurances. Voici ce qu'écrit F.Timon-David (3) : "cette catégorie d'agents n'était pas absolument irréprochable, à en croire les plaintes nombreuses du commerce consignées dans une requête à la Chambre. L'habitude de faire signer des polices en blanc avait notamment donné lieu à des abus regrettables". "Pour être admis dans le corps, il fallait avoir l'âge compétent, vingt-cinq ans, justifier de sa qualité de citadin ou, ce qui revenait au même, qu'on avait épousé une femme de la ville, enfin être bien famé et morigéné, ce qui s'établissait à l'aide d'un certificat de BONNES MOEURS et DEPORTEMENTS. Il fallait ensuite prêter serment entre les mains du Viguier, et jurer, la main sur l'Evangile : "de bien et deubement exercer sa charge sans aulcung dol, fraude et malversation, estre et demeurer toujours obéissant, fidèle, bien affectionné à sa Majesté et aux dicts sieurs Eschevins, ne fere ny permettre estre faict ains (mais) empescher tous monopoles et abus en leurs dictes charges et fere tout ce que le debvoir d'icelles les oblige". Notons qu'un tiers avait alors le droit de s'opposer au serment d'un censal, en fournissant justification et raison, et le candidat devait se défendre. Dans un procés-verbal de 1641 (3), on lit ainsi : "au contraire, s'est présenté Urbain Bonifay, du dit Marseille, lequel, comme intéressé dans le bien public, a dit qu'il est opposant à la prestation de serment du dit Asquier, ne pouvant exercer la dite charge, pour ne savoir ni lire ni écrire...Sur quoi le dit Asquier a dit que le dit Bonifay s'oppose par animosité..." On remarquera que le courtier ne nie pas ne savoir ni lire ni écrire! On peut imaginer qu'à l'époque considérée, le volume des affaires était différent, les connaissances livresques moins étendues, l'activité plus intuitive. B) Création des courtiers royaux : Au mois de Mai 1692, parut un Edit royal abolissant l'ancien régime des Censaux Jurés, conservant toutefois dans leurs fonctions tous ceux qui en faisaient partie, moyennant l'acquit d'une certaine taxe (fixée à 3.50O Livres par office), et les établissant en titre d'offices héréditaires "aux mêmes droits et émoluments qu'ils avaient coutume de recevoir". Dans cette évolution, la nécessité d'organiser la profession se fit sentir, aboutissant, par exemple, le 13 juillet 1748, à ce que le premier Président et Intendant de Justice, homologue une Délibération portant défense expresse de faire remise des courtages. En voici quelques considérants : "...cette faculté arbitraire, ainsi introduite, permettrait à chaque membre de faire la remise de ses droits plus ou moins grande, selon son avidité ou ses vues malentendues, de sorte que les affaires qui se traitent par le ministère des courtiers, seraient désormais au rabais et passeraient par les mains de ceux qui feraient la remise de leurs droits la plus considérable, ce qui serait un vrai brigandage...". Selon l'analyse faite par F. Timon-David (3) : "malgré bien des déceptions, la carrière du courtage tentait encore beaucoup d'ambitieux... Mais en réalité les heureux n'étaient que l'exception". L'Intendant de Provence écrivait alors en termes un peu crus :
  • 9. 142 REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME , AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995 "la fortune éclatante de quelques-uns de ces industrieux fait casser la tête à tous les autres. J'en ai vu beaucoup réussir parce qu'ils ne craignaient pas le Diable". Il citait alors cette Sentence de Juvénal : "probitas laudatur et alget" (on loue la probité et on la laisse se morfondre). Au cours de la période 1760-1770, éclata l'affaire dite des courtiers royaux de Marseille. Les abus s'étant multipliés, de nombreuses faillites se succédèrent qui firent scandale, conduisant le Roi, sous la pression de la Chambre de Commerce, à rendre l'Edit de Versailles de Janvier 1777 : les Offices sont supprimés, leurs titulaires indemnisés, tandis que de nouveaux courtiers seront élus pour 5 ans et prêteront serment devant les Officiers de l'Amirauté de Marseille. Le jurisconsulte italien Casaregis écrivait au XVIII° siècle que de son temps et dans son pays, les fraudes étaient si fréquentes que les assureurs étaient plus dignes de pitié que les assurés : "digni plus miseratione censeri debent assecuratores quam assecurati!" Georges Sicard (4), fait mention de trois documents qui montrent la sollicitude du pouvoir central à l'égard des Courtiers de Marseille. Il s'agit : - d'un Règlement en forme de Lettres patentes sur la politique qui sera observée par les nouveaux courtiers de Marseille dans l'exercice de leurs fonctions (Marly le 29 Mai I778). - de Lettres patentes portant sur les salaires et émoluments des courtiers de Marseille. (Versailles le 7 Novembre 1778). - de Lettres patentes du Roi (Versailles le 6 Février 1779). Ces textes contiennent des prescriptions diverses concernant les Assurances : - il ne doit y avoir aucun blanc dans les polices, - le courtier ne doit prendre aucun intérêt personnel dans le contrat, et ne se mêler en rien de son exécution, - tout courtier qui aurait contrevenu à ces règles ou prêté son nom pour ce faire, serait déchu de tous droits résultant de la Police, et serait condamné à une amende, sans préjudice de sa destitution, - notons également cette prescription curieuse selon laquelle les courtiers ne doivent en aucun cas "courir ni entreprendre les uns sur les autres". Cette philosophie contraire à toute idée de concurrence, n'est guère favorable à l'intérêt du consommateur, et serait de nos jours prohibée, notamment par les textes communautaires européens (entente illicite!), - les "salaires" des courtiers sont fixes : ils ne peuvent recevoir davantage, sous peine de concussion. Les courtages perçus sur les montants assurés, sont fixés comme suit : - demi pour mille lorsque la prime n'excèdera pas 3 pct, - un pour mille pour une prime comprise entre 3 et 10 pct, - deux pour mille pour une prime supèrieure à 10 pct. On peut s'étonner des taux de prime envisagés : 3 à 10 pct., voire davantage, alors qu'à l'époque considérée seuls les risques majeurs sont garantis. Il faut y voir le fruit des incertitudes de la navigation! Il est difficile d' imaginer de nos jours des taux de primes identiques, même pour les marchandises les plus fragiles : les professionnels de l'assurance auraient le souci de combiner prime et franchise pour éviter une tarification trop importante. C) Le courtage à travers la Révolution, l'Empire et la Restauration : Par décrets des 21 avril et 8 mai 1791, l'Assemblée constituante supprime tous les Offices de courtiers. Les fonctions exercées deviennent pratiquement libres : il suffit de prendre patente et de se faire inscrire au Tribunal de Commerce. Dès le 28 ventose an IX, soit le 19 mars 1801, les courtiers retrouvent leurs prérogatives. Une série d'Arrêtés est prise instituant 59 Bourses de Commerce, et précisant le nombre de courtiers comme les fonctions qu'ils peuvent exercer : 228 titulaires dans 9 villes pouvaient pratiquer le courtage d'assurances. L'art. 4 de l'Arrêté du 27 prairial an X interdit, alors, "l'exercice du courtage à tous ceux qui ne sont pas pourvus du titre de Courtier Royal". En 1807, le Code de Commerce dans ses articles 71 à 90, s'est efforcé de règlementer la profession - définissant ainsi : - art. 79 : "les courtiers d'assurances rédigent les contrats ou polices d'assurances, concurremment avec les notaires ; ils en attestent la vérité par leur signature, certifient le taux des primes pour tous les voyages de mer ou de rivière", - art. 81 : "le même individu peut...cumuler les fonctions d'agent de change, de courtier de marchandises ou d'assurances, de courtier interprête et conducteur de navires".
  • 10. REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME , AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995 143 Les règles fondamentales de l'exercice de la profession de courtier d'assurances sont par ailleurs rappelées : - ils ne doivent pas avoir été en faillite, - ils doivent tenir leurs livres sous certaines formes, - ils ne peuvent faire aucune affaire pour leur propre compte. A notre connaissance, la Compagnie des courtiers de commerce et des courtiers d'assurances près la Bourse de Paris, a été la première à rédiger un Règlement de police intèrieure et de discipline, fait et arrêté en assemblée générale le 23 Février 1844, et approuvé par Ordonnance du Roi Louis-Philippe le 23 Décembre 1844. Par ce Règlement, les courtiers se placent sous l'autorité disciplinaire d'une chambre syndicale (art. 1), qui aura notamment à connaitre du "cours légal" des primes d'assurances (art 40)! Cela parait étrange, et pourtant en France, pendant de nombreuses années après la dernière guerre mondiale, un Comité de tarification intervenait pour fixer les taux de primes, tant pour les marchandises que pour les navires! Il y a peu d'années encore, une organisation professionnelle réunissant les représentants des principales Compagnies d'Assurances : l'A.F.A.T (Association Française de l'Assurance Transport), délibérait avant le renouvellement des flottes de navires assurées sur le marché français, édictait les règles de renouvellement, et jouait un rôle incitatif quant à la tarification applicable : la concurrence était largement bloquée! Seuls, quelques courtiers habiles, aidés par des assureurs "franc-tireurs", échappaient au système, à leur plus grand profit. Le courtage d'assurances a été organisé, à Marseille, par plusieurs lois que nous allons examiner briévement (6). On se souviendra que l'arrêté du 13 messidor an IX établissait une Bourse de commerce et fixait à 50 le nombre des courtiers de commerce, assurances...Le décret du 22 janvier 1813 modifia cet arrêté dans les termes suivants (art 8) : "à l'avenir, les courtiers de commerce qui seront nommés et qui voudront exercer les fonctions de courtiers d'assurances, subiront un examen devant un jury composé du Président du Tribunal de Commerce, du Président de la Chambre de Commerce, de deux négociants armateurs et de deux négociants assureurs". Nous n'avons pas connaissance d'une obligation similaire sur les autres Places. Une ordonnance du 26 août 1839 porta à 140 le nombre de courtiers près la Bourse de Marseille. Parmi eux, 19 exerçaient l'activité de courtiers d'assurances lorsque la loi du 18 juillet 1866 abrogea le caractère privilégié des courtiers en marchandises. Etant donné qu'à Marseille, les courtiers d'assurances maritimes se trouvaient en même temps courtiers en marchandises, ce fut l'occasion pour les intéressés de renoncer simultanément à leur privilège en matière d'assurance. Les courtiers reçurent alors de l'état une indemnité de 100.000- francs. Ils conservaient leur titre, mais perdaient leur privilège - la profession étant depuis lors réputée, à Marseille, de libre établissement. Bien sûr, un nouveau formalisme s'imposa, puisque les courtiers prirent soin de faire contresigner les polices par un Officier ministériel. A Paris, notamment, les professionnels demeuraient des courtiers jurés, titulaires d'une charge, tout au moins pour ce qui a trait à l'assurance maritime et fluviale qui constituait, à l'époque considérée, l'essentiel sinon la globalité de cette activité. Au fil des décennies, en fait jusqu'en 1978, ce particularisme de Marseille par rapport à Paris et aux autres places, allait se perpétuer. Le monopole des courtiers jurés n'était pas absolu, car les notaires avaient théoriquement les mêmes pouvoirs. Seulement, ils avaient depuis longtemps renoncé à s'occuper d'assurances maritimes, et se bornaient, là où le courtage était libre (à Marseille), à signer et authentifier les polices que les courtiers leur apportaient. D) Liberté du courtage : Ainsi que le rappelle le Doyen Rodière (7) : "la directive du Conseil des Communautés, destinée à faciliter l'exercice effectif de la liberté d'établissement et de la liberté de prestation des services pour les activités de courtier d'assurances, est entrée en vigueur le 30 juin 1978. Elle condamnait les courtiers jurés d'assurances maritimes français et conduisait la France à s'aligner sur les autres pays de la Communauté Economique Européenne qui ne connaissaient que le courtage libre". "Aussi, à la demande même des courtiers d'assurances maritimes, et quoiqu'ils ne fussent pas (directement) visés par la directive précitée puisqu'elle ne s'applique pas en principe aux activités participant de l'autorité publique, le gouvernement a déposé un projet de loi qui devait
  • 11. 144 REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME , AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995 devenir la loi n° 78/1170 du 16 décembre 1978, portant modification du statut des courtiers d'assurances maritimes". Cette réforme, en harmonie avec les directives communautaires, répondait, au surplus, à l'internationalisation de plus en plus prononcée d'une profession naturellement tournée vers les grands espaces, et soumise de ce fait à une concurrence sans cesse accrue. Désormais, les courtiers jurés de Paris, de Bordeaux, du Havre, de Rouen, de Bayonne, de Nantes, de Dunkerque, de Caen, de Grandville et de Sète (ils étaient 25 au total, lors de l'adoption de la loi de 1978), ne sont plus des officiers ministériels, titre flatteur mais encombrant : ils deviennent des commerçants, tout comme leurs collègues du grand port phocéen. En 1867, alors que la nouvelle loi était entrée en vigueur, il y avait toujours, à Marseille, 19 courtiers d'assurances : 11 exerçant uniquement cette profession tandis que 8 autres étaient également pourvus du titre de courtiers conducteurs de navires. Notons qu'au même moment, il y avait 8 courtiers d'assurances à Paris, 7 à Bordeaux, 4 au Havre et 2 à Rouen. L'importance économique de Marseille sur le plan de l'activité portuaire était alors essentielle. En 1995, le nombre des courtiers s'est amenuisé. Comme dans la plupart des activités, il y a eu des concentrations. La disparition du privilège a favorisé, chez les courtiers terrestres les plus importants, l'émergence de cellules qui se sont à leur tour spécialisées dans l'assurance "transports" devenant souvent, du fait de leur poids économique, des concurrents sérieux pour les firmes traditionnelles existantes. Des courtiers étrangers, essentiellement britanniques mais aussi américains, ont passé des accords avec des sociétés françaises, ou les ont rachetées. Ce monde évolue, mais à travers des structures diverses, au-delà de l'écume des mouvements de surface, ce métier conserve des caractéristiques communes qui plongent leurs racines dans un passé que l'on retrouve à travers la lecture du Guidon de la mer, au XVI° s., de l'Ordonnance de la Marine, en 1681, et en visitant symboliquement la taverne d'un certain Edward Lloyd, à la fin du XVII° s., à Londres. PREMIERE PARTIE : LE ROLE DU COURTIER Il doit conseiller le négociant comme l'industriel, les rendre attentifs aux risques encourus, leur proposer les garanties nécessaires, les aider dans la gestion de leurs problèmes d'assurances. Il joue également un rôle économique participant à une activité dont les principes étaient déjà énoncés dans l'ordonnance de 1681 (8) : "permettons à tous nos Sujets d'assurer et de faire assurer dans l'étendue de notre Royaume". A) Le courtier est le mandataire de son client : Le courtier, ce personnage hybride, a plusieurs caractéristiques : mandataire de son client, il est à la fois commerçant, technicien et juriste. Par un jugement du 2.12.1874 (8), le tribunal de Marseille a considéré que le courtier étant le mandataire de l'assuré, il était inutile que la signature de l'assuré fût apposée au bas de la police : "quand le mandataire a parlé, le mandant ne peut plus se dédire". M° G. Denis Weil (8) écrit encore : "En Angleterre, le courtier a un rôle encore plus prépondérant. Celui qui veut se faire assurer remet un slip ou memorandum au courtier qui le soumet à la signature de l'assureur. La remise au courtier et la signature créent un lien juridique entre les parties. L'assuré devient débiteur de la prime envers le courtier qui l'en débite et en crédite l'assureur. D'un autre côté, l'assureur devient en cas de sinistre débiteur envers lui de l'indemnité dont le courtier crédite le compte de l'assuré". Le doyen Georges Ripert insiste également sur ce rôle du courtier mandataire de l'assuré citant dans ce sens l'arrêt rendu par la Cour de Cassation le 6 février 1865 (9). Plus récemment, la Cour Suprême (Cass. civ. 15 mai 1990 - Semaine juridique 25.7.90), a jugé que "le courtier...agit comme mandataire de l'assuré, dont il se borne à reproduire les déclarations". Mandataire de ses clients, le courtier est soumis à la concurrence qui l'oblige sans cesse à se remettre en cause, en tentant d'améliorer ses prestations. Le courtier indépendant a pour seul rôle de défendre les intérêts de ses clients, qui peuvent s'en séparer "ad nutum". Il a l'expérience fondée sur la diversité de son portefeuille, et de ce fait, un poids commercial non négligeable auprès des compagnies d'assurances. Dans un environnement où les agressions sont fréquentes, le courtier apporte à l'assureur et au client ce supplément d'imagination qui permet d'anticiper sur les besoins, de les
  • 12. REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME , AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995 145 analyser, d'offrir tous les choix. L'assurance transports est un métier technique, et le courtier doit être imaginatif mais sérieux, efficace car compétent. Il a bien une triple fonction : - un rôle commercial (détection des affaires), - un rôle technique (études et placements auprès des compagnies), - un rôle de gestionnaire du risque, de support pour le client, d'intermédiaire suffisamment indépendant pour savoir, dans la démarche auprès des compagnies distinguer, si nécessaire, ce qui est dû par l'assureur du règlement sollicité à titre commercial. Sa philosophie pourrait être : payer ce qui est dû, en respectant la lettre et l'esprit du contrat! Au-delà, chaque fois que cela est possible, solliciter et faire le maximum pour obtenir des assureurs le paiement des pertes et dommages en litige - sans omettre de souligner alors, auprès du client concerné, le côté commercial d'une telle transaction. Un courtier a certainement ce devoir permanent de responsabiliser sa clientèle, disons-le de l'éduquer. C'est d'ailleurs son intérêt objectif, puisqu'il ne peut que tirer un crédit moral de la liquidation favorable pour son client d'une dossier irrégulier. Faut-il encore que le client soit avisé de la position exacte de son dossier, et du fait qu'un paiement intervient le cas échéant "ex-gratia"! Tout est assurable - ou presque - sauf, bien sûr, la faute intentionnelle ou lourde et la fraude de l'assuré, qui sont exclues par les art. L. 172-6 et L. 172.13 du Code des assurances, auxquels il n'est pas possible de déroger. Tout est question de capacité financière des Compagnies d'assurances, de conditions et de taux. Si nécessaire, le courtier français consultera un autre marché (anglais, américain, scandinave, allemand ou japonais), pour arbitrer les taux et conditions fixés par les compagnies françaises sur tel ou tel risque, et faire tout simplement jouer la concurrence. Cela est possible depuis que le développement de la construction européenne a contraint le législateur français à autoriser cet élargissement. Auparavant, un client français devait être assuré sur le marché français, sauf dérogation. En décembre I987, à Bruxelles, la décision de mettre en place la liberté de prestations des services dans l'assurance a été décidée. Il s'agit là d'une décision politique et économique de portée importante. B) Fonction commerciale du courtier : Dans l'assurance transports, le courtier pratique la protection rapprochée de son client, lui apportant avis et conseils. La vie des affaires, leur développement, les obstacles rencontrés, les solutions construites ensemble, sont le meilleur et le seul ferment qui génère la pérennité des relations et l'apparition d'un nouveau substrat. On pourrait dire : hors de cette vision, point de salut! Des tentatives ont été faites, des expériences conduites par tel ou tel cabinet important en vue de générer des affaires nouvelles par une sollicitation systématique de clients potentiels : envoi de lettres sur des sociétés préalablement ciblées, publicité dans des revues spécialisées, brochures luxueuses distribuées. Il s'avère que le résultat de telles initiatives a toujours été très décevant. En fait, un nouveau client se conquiert sur le terrain : un sinistre délicat, important, géré avec sérieux et habileté, constitue un argument de poids, spécialement à l'égard d'un porteur de documents ayant en mains un certificat d'assurances émis pour compte de son vendeur Coût Assurance et Fret (CIF). Cet acheteur utilisera peut-être un jour les services de ce courtier que les circonstances ont mis sur son chemin : l'avenir se construit au présent. C) Fonction économique du courtier : Par son chiffre d'affaires, le courtage français est le troisième au classement mondial, après les Etats-Unis et la Grande-Bretagne. D'après Bruno Clappier, Président du Groupement Professionnel du Courtage d'Assurances Maritimes et Transports, les primes réalisées dans cette branche (incluant les marchandises transportées, les navires ainsi que les responsabilités y afférentes, l'aviation et le spatial), totalisent en 1993 : 12,54 milliards de francs (soit 2,32 pour cent des primes souscrites par l'ensemble du marché de l'assurance, en France!). Des conditions économiques défavorables participent actuellement à l'évolution de la profession de courtier d'assurances transports. Un rythme de croissance réduit, non seulement en France mais dans le monde entier, tend à diminuer la matière assurable elle-même : - régression de la flotte mondiale, - baisse du cours des matières premières, - contraction des échanges économiques, fruit de la récession...
  • 13. 146 REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME , AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995 Les indicateurs sont progressivement en train de s'inverser : les navires, trop souvent mal entretenus, devront être remplacés ; quelques mauvaises récoltes s'ajoutant à une reprise modeste mais incontestable, poussent à la hausse bien des produits. Enfin, les résultats techniques désastreux des marchés spécialisés de l'assurance, entrainent une augmentation des taux de primes qu'une concurrence sauvage avait, d'année en année, abaissé à des niveaux peu raisonnables! Cela est vrai pour l’assurance des navires tandis que la concurrence acharnée des Compagnies sur le marché international empêche une remise en ordre sérieuse des taux pratiqués pour l’assurance des marchandises.
  • 14. REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME , AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995 147 D) Le Courtier est un technicien de l’assurance et un juriste : L'Entreprise moderne doit avoir une politique d'assurance. En bénéficiant des conseils de son courtier, elle aura le soin de gérer, mais aussi de prévoir, d'organiser, de chiffrer les coûts, d'innover. L'assurance est le ciment indispensable qui garantit la solidité de l'édifice commercial. Le courtier doit conduire sans relâche, avec son mandant, une réflexion à 2 niveaux : - quand assurer ? - comment assurer ? c'est-à-dire à quelles conditions ? A) Quand l'assurance doit-elle être soignée ? On ne peut imaginer une politique commerciale sans une réflexion poussée sur la responsabilité du vendeur (ou de l'acheteur). Voici trois principes intangibles : 1) L'assuré doit disposer d'une police flottante : Elle lui permettra de bénéficier de la clause dite de "fidélité". En contrepartie de son engagement, pendant la durée de la police flottante, de n'utiliser que le contrat ouvert à son nom - cette société sera automatiquement garantie, alors même qu'elle aurait omis de déclarer une expédition à ses assureurs, même si ce retard ou cette omission apparaissait après sinistre. Le fonctionnement du contrat est extrêmement simple : conditions et taux de primes sont librement débattus entre les parties ; un certificat d'assurance est émis pour chaque expédition, dans les termes prévus par le contrat commercial, en tenant compte, s'il y a lieu, des obligations pouvant résulter de l'accréditif bancaire. 2) L'assuré doit connaitre ses risques : Afin d'éviter les difficultés tenant à l'interprétation par les parties des contrats signés par elles, la Chambre de Commerce Internationale (C.C.I.) a, dans les INCOTERMS, codifié, contrat par contrat, les obligations réciproques de l'acheteur et du vendeur. Comme l'écrit Laurent Amice (10) : "Les Incoterms contribuent à rendre l'environnement des transactions commerciales internationales moins incertain... parce que (ils) se présentent comme un langage commun au service des opérateurs du commerce international". Ayons toutefois la sagesse de considérer que l'internationalisation du langage maritime des affaires n'est pas achevée, si l'on tient compte notamment du particularisme des Etats-Unis d'Amérique, sans compter que les nouvelles techniques de transport (conteneurs, RO-RO...), bousculent les habitudes, et ne répondent pas toujours aux anciennes définitions. C'est ce qu'illustre Laurent Amice (10) lorsqu'il écrit : "cette difficulté a été mise en évidence avec justesse par un jugement d'un tribunal anglais qui avait conclu dans le règlement d'un litige :...seul l'avocat le plus zélé pourrait regarder avec satisfaction le spectacle des responsabilités se déplaçant maladroitement, pendant que la cargaison oscille au bout d'un mât de charge à travers une perpendiculaire imaginaire, élevée depuis le bastingage du navire". 3) L'assuré doit maitriser sa politique d'achat et de vente : Il est souhaitable que les dirigeants d'entreprise choisissent de pousser aussi loin que possible les ventes, et d'aller chercher aussi loin que possible les achats. Le vendeur peut maitriser fret et assurance, et l'acheteur aussi. C'est un outil important dans leur politique commerciale. Il s'agit au surplus d'une attitude éclairée qui leur permettra d'échapper à pas mal de déboires. En effet, l'utilisation volontariste d'un contrat d'assurance permet d'obtenir taux et conditions améliorés et d'échapper aux hiatus inévitables dans la chaine des propriétés successives. Par ailleurs, tout le monde comprendra qu'il est en principe plus facile d'obtenir le remboursement d'un préjudice de ses propres assureurs, à travers son courtier, plutôt que de solliciter les assureurs de son vendeur. Que dire enfin de la situation de l'expéditeur, vendeur ex usine (EXW), Franco-Bord (FOB), ou Coût et Fret (CFR), qui n'a pas encaissé la totalité de sa facture (soit que le contrat ait prévu, ce qui est assez fréquent : un "performance-bond" finalisé après bonne et loyale
  • 15. 148 REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME , AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995 exécution- soit, tout simplement, que l'acheteur ait, de facon autoritaire, déduit de la facture impayée le montant total du sinistre qu'il a supporté).
  • 16. REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME , AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995 149 B) Comment assurer ? c'est-à-dire à quelles conditions ? Il faut tout d'abord se conformer aux obligations du contrat mais, dans le même temps, réfléchir aux risques réels de l'entreprise. 1) L'exportateur : Quatre cas de figure peuvent être considérés : a) Obligations contractuelles du vendeur CIF : Il devra s'y conformer en assurant par conséquent les risques définis dans le contrat de vente, pendant la période prévue à cet effet : - soit aux conditions restrictives : FAP sauf (*) - soit à des conditions plus étendues : Tous Risques (**) - soit encore selon des modalités spéciales souhaitées par le vendeur, mises au point par le courtier avec les assureurs, et tenant compte de la spécificité d'un trafic déterminé. (*) : FAP sauf signifie que seuls sont couverts les pertes et dommages résultant d'un évènement majeur (incendie, abordage, échouement, perte totale, avaries communes....). Les avaries particulières ne sont pas garanties, sauf si elles résultent de l'un des évènements limitativement énumérés dans la police d'assurances. L'assuré doit prouver qu'il y a un lien de causalité entre le dommage et l'évènement survenu. (**) : Tous Risques : la marchandise est assurée contre tous les risques de transport. Alors, il appartient le cas échéant à l'assureur de démontrer que les pertes et avaries sont la conséquence d'un évènement exclu de sa garantie : vice propre de la chose, fraude, faute lourde ou intentionnelle de l'assuré. On peut dire que la plupart des contrats commerciaux prévoient, au surplus, la couverture des risques de guerre, grèves et mouvements populaires aux conditions "waterborne" (c'est-à-dire depuis que la marchandise quitte la terre au port d'embarquement, jusqu'au moment où elle touche la terre à destination). Notons que le marché français est le seul à offrir une assurance contre les risques exceptionnels (guerre...etc.), suivant la formule dite "de bout en bout", incluant, pendant une période déterminée, le séjour à terre au départ ainsi qu'à destination, et la mise en magasins. Cette garantie réservée aux entreprises françaises, mais étendue par dérogation à quelques sociétés étrangères clientes des assureurs français, est souscrite auprès de la Caisse Centrale de Réassurance (C.C.R) - soit en direct, soit à travers les compagnies du marché, qui se réassurent auprès de la C.C.R., avec des pourcentages de conservation plus ou moins importants. Il s'agit là d'un produit à promouvoir auprès des entreprises françaises, spécialement dans la période troublée que nous connaissons. Le respect strict des clauses d'assurance édictées par les contrats de vente est suffisant sur le plan documentaire, mais ne couvre pas forcément la totalité des périls encourus par le vendeur. C'est ainsi que certains contrats utilisés pour le négoce international des huiles, graines oléagineuses et produits dérivés (tels les contrats F.O.S.F.A : Federation of Oils, Seeds and Fats Associations, ou G.A.F.T.A : the Grain And Feed Trade Association) - stipulent que le vendeur CIF a la seule obligation d'assurer la marchandise à des conditions restrictives. C'est le cas du contrat GAFTA 100 (Edit. 1990), utilisé pour la vente des tourteaux (sous-produits des graines oléagineuses, après extraction de l'huile) - dont la clause "Insurance" est ainsi rédigée : "Sellers shall provide insurance on terms not less favourable than those set out hereunder... Risks covered : Cargo Clauses (W.A.), with average payable, with 3 pct franchise or better terms". Le vendeur peut se contenter d'assurer sa marchandise aux strictes conditions anglaises "W.A." (avec avarie et une franchise de 3 pour cent). Cette garantie correspond, en fait, à celle des évènements majeurs : abordage, échouement, incendie, perte totale... auxquels on peut ajouter les pertes ou dommages causés par "entry of sea, lake or river water into vessel..." (entrée d'eau de mer, de lac ou de rivière dans le navire). On s'aperçoit ainsi que le vendeur en poids et qualité délivrés, en cas de manquants ou de contamination ne résultant pas de l'un des évènements limitativement énumérés dans la couverture d'assurance, supportera alors des risques de transport non assurés. Un tel vendeur serait bien inspiré d'assurer ses exportations en "Tous Risques", en gardant à son profit la
  • 17. 150 REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME , AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995 différence de conditions. Il est aisé de constater que le courtier de cette firme a un rôle de conseil à jouer. b) Situation particulière du vendeur à la commission : Il s'agit de celui qui expédie à destination d'un port déterminé des marchandises qui seront confiées à un commissionnaire. Ce dernier, en fonction des ventes réalisées pour compte de son mandant, le créditera du produit net obtenu. Aucune obligation ne pèse sur ce vendeur puisque la marchandise qui lui appartient voyage à ses risques et périls. Il a néanmoins le plus grand intérêt à couvrir sa cargaison aux conditions les plus étendues. C'est une situation que l'on rencontre notamment dans le commerce des fruits et légumes (par exemple les bananes du Caméroun et de Côte d'Ivoire). Au fil des années, des sinistres considérables ont ainsi été réglés par les Assureurs (mauvais fonctionnement des installations du froid dans les cales du navire, avaries de machines en cours de voyage prolongeant sa durée, incendie, perte totale...). c) Situation des bateaux dits "flottants" : Les bateaux "flottants" sont l'une des caractéristiques du négoce du riz. Plusieurs millions de tonnes de riz en vrac et en sacs, sont vendus chaque année par les Etats-Unis d'Amérique, ainsi que par les pays asiatiques (tels la Chine, la Thailande, le Vietnam, le Pakistan...), principalement aux pays africains, et sud-américains qui sont des consommateurs importants. Au départ, il y a souvent une opération de "barter" (troc) qui permet au producteur de riz, pauvre en devises (par exemple le Vietnam), d'acheter de la farine, du sucre ou des biens industriels, et de payer au moyen de livraisons de riz. La firme de négoce international va affréter un bateau pour transporter les 12.000 ou 15.000 T. de riz qui auront ainsi été mises à sa disposition. Elle ne trouvera que rarement un acheteur immédiat. Le plus souvent, le navire flottera pendant plusieurs semaines, se dirigeant, par exemple, vers l'Afrique de l'Ouest. L'affréteur sera attentif à l'évolution du marché du riz, utilisant toutes ses relations pour finaliser son contrat de vente. Pendant cette période, il est l'unique propriétaire de cette cargaison qu'il a le devoir d'assurer, dans son propre intérêt et celui de la banque qui finance éventuellement l'opération. A cet égard, on s'aperçoit avec étonnement que les établissements financiers sont généralement peu attentifs aux problèmes d'assurance, alors qu'il en va, en définitive, de la sécurité finale de l'opération commerciale, et par conséquent de leur créance. d) Ventes Franco Bord ou Coût et Fret : Que peut et que doit faire le vendeur ? La vente CFR est une vente au départ (Cass. com., 5 octobre 1982, n° 79.11.108, DMF 1983, p. 345) dans le cadre de laquelle le vendeur s'oblige à livrer la marchandise à bord du navire au port d'embarquement. L'acheteur supporte tous les risques et frais que peut courir la marchandise à partir du moment où elle a été chargée dans le navire au port d'embarquement, le transfert de propriété s'opérant à ce stade (CA Bordeaux, 2° ch., 20 octobre 1982 ; CA Versailles, 21 décembre 1983, DMF 1984 p. 544) - et, à partir de ce même moment c'est à lui de prendre toutes initiatives utiles en vue de la défense de ses intérêts (Cass. com., 7 juillet 1992, n° 90-19.522 (11). De même, sous l'empire des Incoterms FOB le transfert des risques intervient dès le franchissement du bastingage du navire. Bien sûr, le vendeur doit impérativement assurer sa marchandise jusqu'au transfert de propriété. Est-ce suffisant ? Il n'est pas inutile d'insister à nouveau sur l'intérêt que présente une lecture attentive du contrat de vente, voire des contrats d'achat et de vente, dans une filière commerciale. Il faut se méfier du faux "back to back", donnant la périlleuse illusion d'un transfert pur et simple des droits acquis en amont, en obligations supportées par aval. A cet égard, voici deux situations vécues qui incitent à la prudence : d1) Une erreur d'analyse qui coûte cher : L'exemple cité par René Périllier (12) : est singulier : "le Français X... vend FOB Anvers à un acheteur vénézuélien, pour un prix de dix millions de francs, un ensemble mécanique composé de plusieurs machine-outils fabriquées par lui (valeur
  • 18. REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME , AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995 151 huit millions de francs), et d'un générateur d'énergie (valeur deux millions de francs) composant un seul colis acheté préalablement en Autriche, aux conditions "FOB Anvers". "Les risques de transport depuis Autriche jusqu'à FOB Anvers étant apparemment à la charge du vendeur autrichien, le Français X... considère qu'il est protégé dès l'instant qu'il assure le seul matériel fabriqué par lui jusqu'à FOB Anvers." "Lors de la mise à bord du navire à Anvers du générateur d'énergie, l'élingue casse et le générateur fait sur le quai une chute de plusieurs mètres, qui le met totalement hors d'usage." "Or, à ce moment-là, il apparait que : - le générateur n'est pas la propriété de l'acheteur vénézuélien, le contrat d'achat ayant été stipulé "FOB Anvers Incoterms", c'est-à-dire avec transfert de propriété au moment seulement où la marchandise passe le bastingage du navire, - ce générateur n'est plus la propriété du vendeur autrichien, son contrat de vente ayant été stipulé "FOB Anvers usage du port"- c'est-à-dire avec transfert de propriété lorsque la marchandise est livrée sur le quai, contre le bord du navire transporteur." "Monsieur X... doit, par conséquent, le prix à son vendeur autrichien (la vente a été accomplie, la livraison a été faite). Il ne peut le récupérer sur son acheteur vénézuélien (la vente n'ayant pas été réalisée). Il perd par conséquent deux millions de francs pour n'avoir pas prêté attention à une différence jugée sans importance entre les clauses "FOB", et n'avoir pas assuré l'opération de mise à bord du générateur". On peut ajouter qu'une telle garantie lui aurait été facilement accordée moyennant une prime comprise entre 0,025 et 0,05 pour cent! De telles situations sont fréquentes, car rares sont les entreprises industrielles comme les sociétés de négoce qui pratiquent de manière permanente le nécessaire dialogue avec leur représentant auprès des assureurs : le courtier. Toute une gamme de produits est ainsi offerte à l'exportateur comme à l'importateur désireux d'appliquer une politique de sécurité pour leur entreprise, tant l'assurance est oeuvre d'imagination et de prudence. Le vendeur (FOB ou CFR) qui ne maitrise pas l'assurance peut ainsi couvrir ses intérêts de vendeur (contingency risks). Cette garantie, confidentielle à l'égard de l'acheteur et des tiers, sortira à effet lorsque le vendeur n'étant pas payé, se produit un évènement couvert par la police d'assurance, et qu'il y a carence vérifiée de l'acheteur et des assureurs de l'acheteur. Après le délai contractuel, les assureurs du vendeur l'indemniseront, se réservant le droit d'agir contre l'acheteur et l'assureur défaillants. d2) Le vendeur FOB doit être attentif au contenu de l'ouverture de crédit effectuée par son acheteur : On peut à cet égard citer un cas exemplaire : le groupe I... vend FOB arrimé Anvers, à l'organisme albanais AGROEKSPORT, 3900 T. de sucre en sacs, d'une valeur de 983.100- $. Une lettre de crédit documentaire est ouverte par la State Bank of Albania et confirmée par la société Générale à Paris. Le chargement s'achève le 8 Février 1988 sur le navire DELFINOR, et la totalité de la documentation est présentée à la société Générale, mais l'acquéreur refuse le paiement (au motif que la lettre de crédit ne prévoyait pas la présentation de connaissements se référant à une charte-partie, ce qui était le cas en l'espèce). Les banques se dérobent. On aperçoit ici toute la malice des acheteurs FOB, à qui on pourrait appliquer l'adage "nemo auditur propriam turpitudinem allegans!" En effet, il leur appartenait de désigner le bateau, et par conséquent de choisir un navire de ligne régulière battant ou non pavillon albanais. Pour des raisons d'économie, sans doute, ils affrètent un bateau quelconque (on en verra les conséquences plus tard...), et remettent les connaissements à leur vendeur ou à leur banque. Ensuite, ils tirent argument du fait que le titre de transport fait référence à l'existence d'un contrat d'affrètement pour ne pas payer! Le bateau flotte, le litige s'enlise. C'est alors que le courtier du vendeur, qui avait conseillé à son client, avant l'embarquement, de souscrire une police "intérêts du vendeur", apprend que le navire aurait coulé au large des côtes italiennes. Après enquête, cette information est infirmée puisqu'il apparait qu'en fait le DELFINOR a été détourné par son équipage, et que sa cargaison est vendue au Sud Liban - alors, en pleine insurrection. AGROEKSPORT maintient sa position, et les banquiers s'abstiennent de payer le vendeur, malgré les mises en demeure opérées. I... se retourne contre ses propres assureurs qui, dans les deux mois du sinistre, consentent à dédommager leur client, puis engagent avec lui une action commune contre AGROEKSPORT. Cette firme est condamnée (T.C. Paris, 24 juin 1988) au paiement de l'entière valeur de la marchandise- la livraison de celle-ci étant
  • 19. 152 REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME , AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995 intervenue, et le transfert de propriété opéré selon les règles d'usance et en plein respect des conditions du contrat FOB. A ce stade, trois réflexions peuvent intervenir : - il est prudent, en raison du désordre actuel des marchés, et de l'évolution des mentalités, qu'un vendeur FOB ou CFR, assure ses intérêts de vendeur, - la garantie étant souscrite, faut-il encore que le client aidé de son courtier soit efficace et convaincant lorsqu'il est confronté à des cas ressemblant à la présente espèce. Comme le disait un commentateur malicieux des conditions des polices d'assurances : "ce qui est important, c'est la rédaction du contrat! ce qui est essentiel, c'est la statistique du contrat! mais ce qui est fondamental, c'est le talent additionné du client et de son courtier à convaincre les assureurs!", - il ne suffit pas de bien assurer et de bien gérer- même si ces deux critères sont les plus importants : il faut encore prévoir la durée, organiser la pérennité de la police d'assurance. Nous avons vu que le référé organisé devant le Tribunal de commerce de Paris avait permis d'obtenir la condamnation de l'importateur albanais défaillant. Mais cette société étatique n'a tenu aucun compte de cette contrainte. Alors, invoquant la théorie de l'émanation, I... et ses Assureurs ont présenté requête au Président du Tribunal de commerce de Sète le 2 septembre 1988 aux fins d'obtenir l'autorisation de saisir un navire albanais se trouvant dans ce port. Ils ont obtenu satisfaction par ordonnance du même jour. Le litige s'est alors rapidement solutionné puisque, aussitôt que le navire TEUTA a été bloqué, les documents litigieux ont été payés par les banquiers, et les assureurs ont récupéré la totalité de leurs débours, soit, avec les frais et les intérêts, plus d'un million de $. En résumé, cette aventure démontre quel rôle peut et doit jouer le courtier auprès de son client : CONSEILLER, GESTIONNAIRE, et DEFENSEUR de ses droits tant à l'égard des assureurs que des tiers. Etant donné que des pays de plus en plus nombreux édictent des textes obligeant leurs importateurs à s'assurer localement avec contrôle douanier - (66 pays sont actuellement recensés, bénéficiant d'une législation protectrice) - l'assurance des intérêts du vendeur offre aux exportateurs la nécessaire alternative. 2) L'importateur : Frileux, ou contraint par les traditions du négoce, il sera acheteur CIF - (laissant le soin à son vendeur de traiter l'assurance et le transport). Désireux de participer à la transformation du contrat, de gérer les services complémentaires, d'avoir un poids économique plus grand, de maitriser les fonctions essentielles que sont le choix d'un navire et d'un contrat d'assurance- il se positionnera comme acheteur FOB ou CFR. Etudions les deux situations, les périls encourus, les solutions proposées, dans la définition desquelles le courtier d'assurances, une nouvelle fois, a un rôle essentiel à jouer. a) L'Acheteur Coût Assurance et Fret : Il peut rencontrer des difficultés avec l'assureur de son vendeur. Des solutions sont mises à sa disposition pour les résoudre : a1) Difficultés : L'acheteur CIF aura en mains un certificat d'assurance pouvant émaner d'une compagnie qu'il ne connait pas, et sur laquelle il n'aura en toute hypothèse aucun moyen économique de pression (puisqu'il ne travaille pas avec elle de façon régulière). Cet élément est primordial, tant l'interprétation des clauses d'un contrat d'assurance est chose bien souvent délicate, et que l'état d'esprit des parties peut influer, dans un sens ou dans l'autre, sur la décision qui sera prise à l'occasion de tel ou tel règlement. Il faut ajouter à ces considérations l'incertitude économique qui est telle que, certains marchés de l'assurance parmi les plus réputés, ont des problèmes financiers graves. Au cours des années 1992 et 1993, par exemple, les compagnies : - Scan Re Insurance Company Limited, - English and American, - Andrew Weir Insurance Company Limited,
  • 20. REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME , AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995 153 qui jouissaient d'une excellente réputation sur le marché anglais, ont brutalement arrêté leur activité et cessé d'effectuer tous paiements. Un problème identique s'est présenté en France, il y a quelques années, avec la compagnie "Union Nationale" qui a éprouvé de graves difficultés financières. Toutefois, à notre connaissance, il n'en est résulté aucune conséquence dommageable pour l'assuré français- lequel, avec retard parfois, a été indemnisé. Cette situation privilégiée est, il faut le dire, le fruit du contrôle étroit qu'assure l'administration, et notamment le Ministère des Finances, sur le fonctionnement des compagnies d'assurances souscrivant sur le marché français (obligation de réserves, supervision des résultats...). L’intégration européenne, si l’on n’y veille, risque malheureusement de provoquer en France un “effritement” de cette sécurité, du fait de la contagion avec la pratique plus laxiste de certains de ses partenaires. Etant donné qu'il n'existe aucune solidarité entre les compagnies d'assurances sur un contrat déterminé, il est donc également important d'être parfaitement renseigné sur la capacité de telle ou telle compagnie impliquée dans un risque, de supporter les aléas d'un sinistre. Cela entre encore dans la mission du courtier. a2) Solutions : Il existe des garanties originales mais utiles : consolidation et substitution : L'acheteur Coût, Assurance et Fret peut obtenir, sur sa propre police flottante, une garantie dite de "consolidation" qui, en cas de carence vérifiée de l'assureur d'origine, lui permettra néanmoins d'être dédommagé (les assureurs "consolidation" se réservant la possibilité, s'ils l'estiment possible et souhaitable, de poursuivre ensuite à leurs frais et risques le recouvrement des dommages dont ils ont fait l'avance, auprès du premier groupe d'assureurs). Il existe un contrat encore plus "performant", puisque l'acheteur CIF peut se garantir en optant pour une assurance de substitution. Alors, disparait le délai de carence (en général de six mois) au-delà duquel l'assureur "consolidation" intervient. Le bénéficiaire de l'assurance "substitution" est immédiatement indemnisé sur présentation d'un dossier complet et régulier. b) L'acheteur FOB ou CFR : Titulaire d'une police flottante, il sera donc assuré automatiquement à compter du transfert de propriété qui s'opère au chargement, sur le navire de mer, suivant les INCOTERMS. En appliquant le principe selon lequel "le bénéfice de l'assurance suit la filière mais ne la remonte pas" - l'acheteur FRANCO BORD ou COÛT et FRET, ne serait pas garanti contre les dommages au cours du transport préliminaire, le stockage au port d'embarquement, le chargement... alors même qu'il aurait été amené à payer l'intégralité de la valeur de la marchandise (ce qui pourrait notamment se produire si le transporteur omettait de prendre des réserves sur le connaissement). Il sera donc prudent d'inclure dans la police ouverte une disposition selon laquelle l'assuré sera garanti, nonobstant les dispositions de son contrat d'achat, pour les dommages antèrieurs au transfert de propriété qu'il aurait à supporter. Bien sûr, les assureurs de l'acheteur conservent la possibilité théorique d'exercer un recours contre le vendeur, son assureur, ou autre tiers responsable. 3) L'affréteur : L'affrètement maritime peut se définir comme le contrat par lequel "le fréteur s'engage, moyennant rémunération, à mettre un navire à la disposition d'un affréteur" (L. n° 66-420, 18 juin I966, art. 1). Le contrat établi s'appelle une charte-partie. Il existe divers types d'affrètements : au voyage, à temps, coque-nu - et les contrats s'adaptent à cette diversité, en tenant compte, au surplus, de la nature des produits transportés (produits pétroliers, céréales, huile en vrac, marchandises diverses). Selon les chartes, les responsabilités entre armateurs et affréteurs sont distribuées différemment. Bien souvent, l'affréteur sera aussi le vendeur ou l'acheteur de la cargaison transportée. L'expérience démontre que le négociant qui affrète un bateau, occasionnellement ou non, sera rarement attentif à couvrir les responsabilités qu'il encourt tant à l'égard des armateurs que vis-à-vis des tiers. La fourniture de soutes de mauvaise qualité, par exemple, peut entrainer de graves désordres dans la gestion nautique du navire : elle concerne l'affréteur à temps. La désignation d'un port "unsafe" (non-sûr), pourrait, le cas échéant, mettre en cause également la
  • 21. 154 REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME , AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995 responsabilité de l'affréteur au voyage (mais dans des circonstances exceptionnelles que nous examinerons plus loin). Dans un ouvrage consacré par M. le Clere à l'affrètement (13), il est écrit : "notre opinion est donc qu'il est normal que, dans les chartes à temps, l'affréteur prenne les risques d'avaries au navire soit dans le choix du port (entrée et sortie dans un safe port au point de vue nautique et politique), soit à l'intèrieur du port (safe berth), parce que c'est lui qui est maitre des choix. Au contraire, dans les chartes au voyage, l'armateur s'est chargé d'organiser le transport : il n'ignore pas dans quel port on lui propose d'envoyer le navire ; il lui appartient d'étudier les conditions d'accés et de séjour dans ce port, puis de choisir : ou prendre les risques ou refuser la charte". Le point de vue de René Périllier (12) n'est guère différent. D'après lui : "dans un affrètement par charte-partie du type Gencon, par exemple, (charte au voyage), l'affréteur n'aura ni la gestion nautique ni la gestion commerciale du navire. Dans ce document, en effet, il est convenu que le navire affrété se rendra à...ou aussi près de là, qu'il pourra parvenir en sécurité et demeurer toujours à flot, et là chargera une pleine et entière cargaison de...que les affréteurs s'engagent à embarquer, et étant ainsi chargé se rendra à...et là y débarquera la cargaison contre paiement du fret sur la quantité délivrée/embarquée...". N'ayons pas peur de considérer que, selon la formule célèbre du Juge Donaldson : "les clauses des charte-parties sont des animaux étranges". Examinons successivement : - la notion de port sûr, - les garanties dont dispose l'affréteur auprès des assureurs, - la responsabilité de l'affréteur à l'égard de la marchandise, - la situation de l'affréteur victime d'un conflit auquel il est étranger, - le rôle du courtier conseil et gestionnaire. a) La notion de port sûr : La responsabilité de l'affréteur pourra être recherchée en raison du choix d'un port non sûr, sous réserve qu'il n'ait pas été connu du fréteur avant le départ du navire. Tel est souvent le cas des cargaisons de riz vendues pendant que le navire est flottant ; alors, la charte-partie indique simplement comme destination : 1, 2, ou 3 ports (par exemple de la Côte Ouest de l'Afrique, avec ou sans exclusion). L'aléa de la désignation d'un port "unsafe" pèse alors incontestablement sur l'affréteur. Tout ce qui touche au contentieux des charte-parties, est délicat et subtil! Ainsi, ces contrats contiennent-ils en général une disposition définissant la zone géographique à l'intèrieur de laquelle l'affréteur peut utiliser le navire. Si celui-ci sort de cette zone (que les assureurs anglais appellent : I.W.L.- ou Institute Warranty Limits) - l'affréteur a l'obligation préalable d'obtenir l'accord de l'armateur, qui lui demandera le remboursement de la prime additionnelle dûe aux assureurs du navire : soit pour les risques ordinaires de navigation, soit pour la situation de guerre civile ou autre. On pourrait imaginer qu'à partir du moment où l'armateur accepte cette situation, ainsi que ses assureurs, et qu'une surprime est payée à ces derniers pour risques aggravés, l'affréteur n'a plus de soucis à se faire. Il n'en est rien! En effet, il appartient également à l'affréteur de demander et d'obtenir des assureurs du navire leur agrément pour être considéré comme "co-assuré"- à défaut de quoi, en dépit du paiement de la surprime, l'affréteur peut être recherché pour dommages au bateau résultant d'un port non-sûr (Beyrouth, pendant la période de guerre..., la zone des Grands Lacs, en certaine période de l'année...). C'est dans ce sens qu'a jugé la Chambre Commerciale de la "Queen's bench division", le 8 octobre 1979 (lloyd's law reports (1980) vol. 2, p. 95), dans l'affaire "Helen Miller" : "The New York Produce form charter for the "Helen Miller" contained an additional clause defining the trading limits as being "between safe ports within I.W.L. including St. Lawrence up to and including Montreal, but excluding Cuba...Guinea, and all unsafe ports, but Charterers have the liberty of breaking limits, they paying extra insurance, if any...".The charterers ordered the ship to ports outside the I.W.L. and she suffered ice damage on voyages to these ports, which were found to have been unsafe at the relevant time. Mustill J., held that the charterers were liable for this damage. The owners had given general consent to trading outside the Limits but this did not detract from the charterer's duty to select ports which were safe, and this was not affected by the charterer's payment of extra insurance premium : "by paying the premium the charterer does obtain a benefit- the benefit of being able to send the ship on a voyage which the owner would not otherwise allow her to perform. But this is not at all the same as saying that the charterer thereby obtains the right to send her on such a voyage risk-free".
  • 22. REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME , AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995 155 L'exemple est édifiant, mais nous avons trouvé des décisions similaires à l'occasion de litiges opposant, par exemple, un affréteur qui avait pourtant payé la surprime sollicitée par les assureurs du navire pour maintenir leur couverture pour un voyage à destination de Beyrouth, pendant la période de guerre civile. L'affréteur n'étant pas déclaré "co-assuré" dans la police, s'est vu réclamer, avec succés, le remboursement de la valeur totale du bateau coulé à la suite d'un attentat, et ce pour avoir choisi un port "unsafe"! La responsabilité de l'affréteur pourra encore être recherchée au titre des dommages causés au navire ou à des tiers (matériels et corporels) lors des opérations de chargement et/ou arrimage et/ou déchargement, si celles-ci lui incombent aux termes de la charte (fret traité FIOS - "free in and out and stowed"). Il existe heureusement pour l'affréteur des assurances qui le mettront à l'abri de déboires certains. b) Garanties dont dispose l'affréteur auprès des assureurs : Il est possible de couvrir les responsabilités de l'affréteur à l'égard des armateurs et à l'égard des tiers, tant sur le plan matériel que sur le plan corporel. Sont généralement exclues les responsabilités de l'affréteur à l'égard de la marchandise, sauf garantie particulière. On peut souligner que les primes requises sont très raisonnables. Pour citer un exemple, on pourrait envisager de couvrir par navire et par voyage un capital de deux millions de $., moyennant une prime de 0,45 $. par GT (tonneau de jauge brute), avec un minimum de 1.50O GT, et par année de navigation (prorata temporis- minimum 3 mois). Cela signifie que, sous réserve d'approuver les termes de la charte-partie, et le navire, les assureurs couvriront dans la limite des capitaux indiqués ci-dessus, la responsabilité de l'affréteur du navire "X" dont le GT ressort à 1.50O, pour une prime de : 675 $/an soit 168.75 $ pour trois mois. Nous sommes dans le cadre d'un navire construit depuis moins de 20 ans. Cette prime correspond à 12 mois de couverture. Elle sera ramenée à 169 $. pour une période n'excédant pas trois mois de risques (un voyage). Naturellement, il s'agit d'un contrat pour un client spécifique mais cela donne une idée de la tarification appliquée, qui est modeste compte-tenu du caractère des risques garantis. Ajoutons que les pénalités financières (surestaries, frais de détention du navire...), que supporte l'affréteur, n'entrent pas dans l'assurance type que nous venons de décrire. c) Responsabilité de l'affréteur à l'égard de la marchandise : Demeure en suspens la question de la responsabilité de l'affréteur à l'égard des marchandises transportées, qui lui appartiennent généralement, mais sont aussi destinées, la plupart du temps, à être revendues. Si l'affréteur est vendeur CIF, il peut "maitriser" les réactions de ses assureurs, et obtenir d'eux de renoncer à tous recours mettant justement en cause sa responsabilité. Il n'en est pas de même du vendeur Coût et Fret, puisque les marchandises seront alors couvertes par son acheteur, et que les assureurs de ce dernier poursuivront le recours en toute circonstance. En effet, l'affréteur aura négocié le connaissement sous l'empire duquel l'armateur se verra réclamer des dommages dont il entendait éventuellement être exonéré suivant la charte-partie signée. L'affréteur se verrait alors demander réparation par l'armateur, par voie d'arbitrage, conformément à la clause compromissoire de la charte. Les "Protecting and Indemnity Clubs", qui sont des mutuelles essentiellement britanniques et scandinaves, couvrent les armateurs contre les recours de tiers, les problèmes de pollution, de gestion (amendes en douane, clandestins voyageant à bord des navires...), et, bien sûr, les réclamations pour dommages aux marchandises transportées. Certains de ces Clubs acceptent de fournir une couverture appropriée aux affréteurs, même si cela n'entre pas encore tout à fait dans leur culture! d) Situation de l'affréteur victime d'un conflit auquel il est étranger : Nous nous plaçons dans l'hypothèse où la marchandise qui lui appartient se trouve embarquée sur un bateau qui est saisi en cours de voyage par suite d'un conflit entre l'armateur et une autre partie (conflit auquel l'affréteur doit être étranger). Il est possible, dans une telle hypothèse, de garantir les frais de déchargement, transit, rechargement et nouveau fret pour acheminer la cargaison à destination finale. Cette garantie est par exemple sortie à effet dans l'espèce suivante : une cargaison de riz a été chargée au Vietnam suivant charte-partie de février I993, pour compte de la société
  • 23. 156 REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME , AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995 française X., qui avait affrété le navire R. (pavillon : Malte, registre : Lloyd's Register). Le navire toucha son premier port : Pointe Noire en juillet I993, pour y débarquer partie de son chargement. Avant la fin de cette opération, le R. est saisi par les autorités congolaises, en application de la résolution 820 des Nations-Unies, visant les biens appartenant à des intérêts yougoslaves. Il semble en effet que ce bateau, sous couvert d'un pavillon neutre qui lui servait de "paravent", avait conservé des liens financiers avec son armateur antèrieur (la société Prekooveanska Plovidba, de Bar, Yougoslavie). Après de délicates et longues discussions, les autorités autorisent enfin le déchargement du riz destiné à Pointe-Noire, puis le transfert des 6.000 T. destinées à deux autres ports africains. Mais il est nécessaire d'organiser le transbordement, puis l'affrètement d'un nouveau bateau - soit une dépense de plusieurs centaines de milliers de dollars. L'assurance des frais spéciaux heureusement souscrite par l'affréteur - propriétaire de la marchandise - sur la vive insistance de son courtier, permit à ce client d'être totalement indemnisé. Néanmoins, il est bien préférable, plutôt que de souscrire de telles garanties d'ailleurs difficiles à placer sur un marché spécial saturé, d'inviter l'affréteur à se montrer particulièrement vigilant en ce qui concerne la qualité du navire qu'il affrète, de son armateur, et de son opérateur. De plus en plus, les assureurs sont attentifs à obtenir la certitude que tel navire qui est affrété par l'un de leurs clients, bénéficie bien d'une couverture "club" en cours de validité. En effet, en cas de litige, sauf à obtenir dès la fin du voyage une caution bancaire ou une garantie du club - ce qui n'est pas toujours possible - les assureurs, qui doivent désormais renoncer à l'idée d'engager une action directe contre le club (jurisprudence défavorable de la Chambre des Lords dans les affaires FANTI et PADRE ISLAND), appréhendent de se trouver dans la situation suivante : - un armateur impécunieux, - un club qui a retiré sa couverture pour non paiement des primes... Mais il faut admettre qu'il est extrèmement difficile d'obtenir à cet égard une preuve incontestable - étant entendu que des mentions du style : "...le navire "X" est inscrit au pandi club "Y", et cette couverture sera maintenue pendant toute la durée de l'affrètement", figurant dans la charte-partie, n'a strictement aucune valeur vis-à-vis du club visé, et peut être insérée de manière tout à fait fantaisiste. e) Rôle du courtier - conseil et gestionnaire : Le risque de perte totale comme le danger d'avaries communes (suite à un incendie nécessitant des mesures de sauvegarde dans l'intérêt général, ou à une avarie de machines entrainant une assistance), augmentent évidemment avec la vétusté du bateau. L'entretien du navire, et la qualité de sa gestion, sont également des éléments déterminants du risque. Il existe des éléments aggravants complémentaires tels : - le défaut de cote par un registre de classification reconnu, - le fait de battre pavillon de complaisance (ce qui correspond, bien souvent, pour le personnel navigant considéré, à une absence de couverture sociale, ainsi qu'à une moindre exigence en matière de diplômes, par conséquent de compétence). Voici une illustration de notre propos : le navire KORTANK battant pavillon grec, chargé d'une cargaison de pétrole à destination de DAKAR (Sénégal), s'est échoué à la sortie du port de Salonique, le 27 février 1989. Il a dû être assisté, sur la base d'un contrat "no cure no pay". Ses armateurs l'ont déclaré en avaries communes. Les assureurs de la marchandise, assistés de leur courtier, ont procédé à une enquête. Il est alors apparu que le capitaine, en fin de carrière, avait une vue déficiente qui l'obligeait à porter des verres grossissants. Au surplus, ce navire KORTANK avait un équipage d'une belle diversité : 5 langues y étaient en usage! Ainsi, la conviction des experts fut-elle que le capitaine n'avait eu qu'une vision imparfaite de la position du bateau, comme des mesures à prendre. Au surplus, ses ordres dans cette tour de Babel arrivaient tardivement et déformés. A vrai dire, le KORTANK était "unseaworthy"- c'est-à-dire : innavigable. Voici d'ailleurs quelques éléments de l'enquête à laquelle il fut procédé : "...the master was seriously short-sighted. He thought that the vessel's course was 200° when it was in fact 230°...He was unable to command and/or navigate the vessel safely, properly or correctly... ...the vessel's master, officers and/or crew were made up of individuals from several different countries whose command of the english language was imperfect and/or inadequate...(they) were unable adequately or at all to work together and/or communicate with each other for the purposes of the safe navigation of the vessel...".
  • 24. REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME , AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995 157 Une action volontariste menée par le courtier-gestionnaire, pour compte commun de la cargaison et de ses assureurs, a permis d'obtenir l'abandon de la procédure d'avaries communes, et le remboursement de l'essentiel des dépenses exposées (soit un gain pour les Assureurs d'environ 500.000- $.). Nous sommes loin du courtier traditionnel, qu'il soit courtier juré ou de libre établissement. Cette situation nouvelle s'est forgée au fil des épreuves : tant dans la conception que dans l'exécution des affaires. Ce mandataire ne peut vraiment pas se contenter d'être un intermédiaire passif entre clients et assureurs, un apporteur d'affaires dont il ne s'occuperait qu'une fois par an, au moment du renouvellement des contrats. Il doit s'impliquer, se remettre en cause, si nécessaire, avec les risques techniques que cela comporte. Il est vrai que certains courtiers spécialisés dans l'assurance maritime avaient déjà acquis cette philosophie, et l'appliquaient naturellement dans leur activité. Tous devront suivre pour tenir compte des mutations intervenues, et pour rester l'interface incontournable de ce personnage nouveau apparue dans les entreprises modernes : le RISK-MANAGER. Nous verrons dans la deuxième partie, l'attitude de la jurisprudence à l'égard de ce professionnel que nous découvrons ensemble : le COURTIER. DEUXIEME PARTIE : LA RESPONSABILITE DU COURTIER Nous le savons, le courtier d'assurances maritimes est le mandataire de ses clients : les assurés. Ainsi que l'écrit le doyen Rodière (7) : "cette qualification tient à son rôle et commande à sa responsabilité. Pour l'assuré, il est l'homme de confiance qui s'occupe de tout ce qui se rattache de près ou de loin à la police ; c'est lui qui choisit, sauf exception, la ou les compagnies d'assurance qui vont couvrir, dans les conditions que le courtier débattra pour lui, les risques prévus par la police à souscrire. Son rôle est si important que, dans la pratique, les assurés tiennent volontiers le courtier pour leur assureur, ce qu'il n'est pas". "Sa responsabilité sera celle d'un mandataire, selon le droit commun de l'article 1992 du Code civil". Rappelons le contenu de cet article : "le mandataire répond non seulement du dol, mais encore des fautes qu'il commet dans sa gestion...". Bien sûr, la situation décrite ci-dessus tend à évoluer : les groupes industriels, les compagnies de navigation, les firmes de négoce les plus importantes, ont des services chargés des problèmes d'assurance, qui s'en acquittent souvent avec compétence. Certains lient même leur sort à des compagnies d'assurance "captives", qui, par le jeu des réassurances, leur permettent de récupérer une partie de leurs primes. D'autres préférent gérer leur portefeuille dans le cadre d'un bureau de courtage "captif", avec la double volonté d'économiser une partie de la commission de l'intermédiaire, et de tenter d'apporter un soin supplémentaire à leurs propres affaires. Il s'agit là, il faut le dire, de comportements marginaux, qui laissent un large domaine d'intervention au courtier multi-cellulaire. Celui-ci est néanmoins soumis à des sollicitations continuelles résultant au surplus : - de la concurrence du courtage international - ce qui est légitime, - de la pression aggravée de clients désireux d'obtenir, sans cesse, des taux plus bas, des conditions plus étendues, et des prestations plus larges. Dans le même temps, les résultats techniques des compagnies d'assurances, spécialement dans la branche transports, sont hésitants, leurs plus-values boursières se sont amenuisées, et la valeur des immeubles qui constituent une partie de leurs réserves a décru! Dans cet environnement particulier, attachons nous, à travers la jurisprudence, à passer en revue : A) les attributions du courtier, mandataire de l'assuré, B) son obligation de conseil, C) les sanctions attachées à ses fautes de gestion, D) la situation pouvant résulter pour le courtier d'une trop grande ambiguïté sur sa véritable qualité. A) Le courtier est le mandataire de l’assuré : Nous avons retenu six procédures qui, dans leur diversité, constituent un échantillon représentatif des conflits dans lesquels peut être impliqué le courtier :
  • 25. 158 REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME , AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995 1) Arrêt de la Cour d'Appel de Paris du 29 juin I982 (17) - s/ appel d'un jugement du TC Paris du 15.12.1980 : Suite à des avaries en cours de transport, la compagnie Assurantie Maatschappij NIEUW ROTTERDAM, après paiement des dommages, assigne le transporteur le 10 janvier 1978. Le Tribunal de commerce de Paris a déclaré cette demande irrecevable pour défaut de qualité (absence de quittance subrogative au profit de la compagnie, et paiement effectué par le courtier). Même si, sur le fond de l'affaire, les assureurs ont perdu le procés - mais tel n'est pas notre propos - leur demande a été reçue en cause d'appel avec la motivation suivante : "...il y a lieu de relever que le courtier, en effectuant le paiement au réceptionnaire de la marchandise, ne peut qu'avoir agi en exécution du contrat d'assurance et pour le compte et sur instruction de l'assureur, c'est-à-dire la société N.R. ; qu'ainsi que le fait observer pertinemment cette société, cette manière de procéder est conforme à l'usage suivi en matière d'assurance". "Que, dans ce cas, c'est l'assureur qui supporte en définitive le paiement de l'indemnité, qui est subrogé dans les droits de l'assuré, et non le courtier, celui-ci étant remboursé par l'assureur avec lequel il est en relation suivie au moyen d'un compte courant....". 2) Jugement du Tribunal de commerce de Marseille du 2 décembre 1986 (revue Scapel 1987, p. 6) : Suite à des avaries reconnues aux Etats-Unis sur 220 rouleaux de tôle laminée à froid, en provenance de Yougoslavie, les vendeurs FOB SPLIT, bénéficiaires d'une cession de droits de leurs acheteurs, ont assigné en paiement d'une somme de 596.681- $. : 14 compagnies d'assurance ainsi que le “X”, par l'intermédiaire de qui le risque avait été souscrit. La mise en cause du courtier- dans la mesure où aucune faute ne peut être retenue à son encontre - est abusive. Ainsi, le Tribunal de commerce de Marseille a jugé : "...il n'est pas contestable que la société “X” n'a jamais eu la qualité d'assureur, puisqu'elle est intervenue uniquement en qualité de courtier, que dès l'instant où aucune faute n'est articulée et encore moins prouvée à l'encontre du courtier... il y a lieu de le mettre hors de cause et de condamner la société F. à payer à “X” la somme de 10.000 F. à titre de dommages intérêts pour procédure abusive et celle de 5.000 F. à titre d'indemnité en vertu de l'article 700 du N.C.P.C....". 3) Arrêt de la Cour d'Appel de Paris du 21 octobre 1987 (17) . Arrêt de la Cour de Cassation du 28 juin I989 (pourvoi rejeté) : Le 19 mars 1986, le courtier “Y”, a été prié de faire assurer le mobilier du Sieur R., de Montauban-de-Bretagne à Paris, le transport par camion devant s'effectuer le 21 ou le 22 mars. Un acompte de prime de 5.000 F. fut payé. Le vendredi 21 mars, en fin d'après-midi, R. confirme que le transport a lieu le lendemain. Le samedi 22, le mobilier brûle en cours de transport, mais le courtier n'a transmis la proposition d'assurance que le lundi 24 à l'assureur qui refuse "de prendre en charge un sinistre qu'il ne s'était pas engagé à garantir". R. demande au Tribunal de condamner le courtier et l'assureur à lui payer in solidum 2.750.000 F. Il est débouté par jugement du TGI. de Paris du 29 avril 1987, ainsi que par la Cour d'appel. Quant à la Cour de cassation, elle rejette le pourvoi comme suit : "Attendu qu'il résulte des énonciations souveraines des juges du fond que R. a été informé par “Y”, courtier d'assurances, que la proposition d'assurance qu'il avait souscrite auprès de celle-ci ne pourrait être transmise à l'assureur qu'après fixation de la date du transport de la marchandise assurée ; que, cette date ayant été fixée au samedi 22 mars 1986, R. l'a communiquée au courtier par telex daté du vendredi 21 mars, 17 h 40, soit dans des conditions de temps qui n'ont pas permis la transmission de la proposition ; qu'en aucune de ses branches, le moyen ne peut donc être accueilli...". Les Tribunaux se sont donc refusés à reconnaitre une faute personnelle du courtier dans la gestion de cette affaire. 4) Arrêt de la Cour d'Appel de Paris du 19 septembre 1984 : (17) La société R. donne en location à la société T.C., un véhicule semi-remorque qui n'a pu être restitué, et demande à ce titre F. 29.920 ainsi que divers frais qui n'entrent pas dans le cadre de notre réflexion. Le Tribunal de commerce de Paris a, par jugement du 16 avril 1982 :