1. Travail - LibertéDernière minute
- Justice sociale
Au moment où le peuple tunisien s’attendait à ce qu’enfin la Troïka annonce son retrait du pouvoir conformément à la feuille de route
proposée par le Quartette, le premier ministre actuel ainsi que le président de la république provisoire font à nouveau preuve d’un cynisme
révoltant. Coïncidence (ou concordance) tragique, le jour même, l’assassinat d’agents des forces de l’ordre endeuille à nouveau la Tunisie,
déjà meurtrie par de nombreuses exactions terroristes. Al-Qotb France considère que les gouvernants actuels sont les premiers responsables
de cette situation dramatique. Tant que la feuille de route ne sera pas appliquée strictement et dans les délais impartis, il ne pourra y avoir
de « dialogue national ». Nous invitons tous les démocrates sincères à participer activement au sit-in de la Kasbah et à unir leurs forces pour
exiger la fin rapide de cette mascarade tragique qui a conduit notre pays au bord du gouffre.
Le bulletin d'Al-Qotb France
L
Editorial
e Front Populaire a un an. Que de chemin
parcouru en si peu de temps ! Comme nous l’avons
déclaré lors du meeting de St Denis avant l’été, Al-Qotb
est fier d’avoir contribué à cette dynamique unitaire qui
a vu la gauche tunisienne dans sa diversité unir ses
forces pour contrecarrer les agissements d’une Troïka
qui a failli. Le Front aura payé le prix fort : Chokri Belaïd
et Mohamed Brahmi, tous deux courageux dirigeants
ont été lâchement assassinés ! La lutte doit continuer
car loin d’abattre notre combat commun, leurs
assassins – qui tôt ou tard seront démasqués – ont
renforcé notre détermination !
Mais au-delà d’une opposition nécessaire et salutaire,
nous avons fait mieux : en étant à l’initiative d’un Front
du Salut National rejoint par nombre de partenaires
politiques et associatifs, nous avons réussi à mobiliser
en masse les citoyennes et citoyens exaspérés par
l’impasse dangereuse dans laquelle notre pays avait été
engagé. Cette mobilisation a mis Ennahdha et ses
acolytes dans l’obligation de négocier leur départ du
gouvernement. Les atermoiements continuent mais
désormais l’espoir d’un gouvernement neutre est réel. Il
s’agit d’abord d’assurer la pérennité des institutions,
mises à mal par des nominations partisanes ainsi qu'un
climat d’insécurité délétère, et de préparer des élections
transparentes. Mais pour que l’espoir suscité se
concrétise, il nous reste à parcourir un chemin encore
plus ardu : faire en sorte que le Front Populaire soit
perçu comme une alternative crédible pour qu’enfin les
objectifs de la Révolution puissent se réaliser. Nous y
travaillons avec beaucoup d’enthousiasme et de sérieux
car nous avons tous conscience que les prochaines
échéances seront cruciales pour l’avenir de notre pays.
A travers ce bulletin, Al-Qotb a fait des propositions en
termes d’éducation, de santé et dans ce numéro,
s’intéresse à l’état de délabrement dans lequel se trouve
la justice. Nous continuerons à faire en sorte de
promouvoir un modèle de société dont les repères
doivent être plus que jamais la solidarité et la liberté. En
rejoignant Al-Qotb et le Front Populaire, vous pouvez
nous y aider. Comme le dit justement notre Zoom :
envers et contre tout et en dépit des difficultés, le
moment est venu de s’engager !
Al-Qotb est membre du Front Populaire
N° 8 - Octobre 2013
L
Justice et injustices en Tunisie
e 28 mars 2012, un jeune tunisien,
Jabeur Mejri, est condamné par le
tribunal de Mahdia à sept ans et demi
de prison et 1200 DT d’amende pour la
publication sur sa page Facebook de
caricatures du prophète et de ses
femmes. Les chefs d’inculpation sont
sans appel : «Atteinte à l’ordre public et
aux bonnes mœurs ». Nous sommes à
des années-lumière des aspirations à la
liberté d’expression formulées par les
jeunes tunisiens lors de la Révolution
du 14 janvier 2010.
Le 3 septembre 2012, trois agents de
police, en tournée nocturne,
surprennent une jeune femme et son
ami dans une voiture. Le couple est
interpellé et la jeune femme est violée
par d’eux d’entre eux. Le troisième
agent extorque de l’argent au petit ami
de la victime. L’affaire fait scandale et
pourtant le parquet tente, sans succès,
Jabeur Mejri, prisonnier de conscience depuis
de poursuivre la jeune victime pour
2012 est une figure emblématique des
atteinte à la pudeur. Ce qui provoque
dysfonctionnements de la justice en Tunisie
l’ire des associations féminines et de la
cinéaste et le cameraman sont lourds :
presse tunisienne et à l’étranger.
«conspiration et préméditation d’actes de
Le 20 mai 2013, Amina, la Femen tunisienne de
violence contre un fonctionnaire public,
19 ans, se rend à Kairouan pour manifester
diffamation, atteinte aux bonnes mœurs et
contre la tenue du 2ème congrès des salafistes.
outrage à autrui ». Le parquet annonce dans la
Elle se fait interpeller par la police alors qu’elle
foulée que le cameraman a avoué être complice
venait de taguer le nom des Femen sur un
de Nasreddine Shili dans un complot contre le
muret à proximité de la mosquée Okba Ibn
ministre de la culture. « Faux » crie le journaliste
Nafaâ. Elle est aussitôt jetée en prison pour y
Zied El Héni sur le plateau de Nessma TV. Ce
rester pendant plusieurs semaines.
chantre de la liberté d’expression accuse le
Le 21 août 2013, le réalisateur Nasreddine Shili
procureur de la république, Tarek Chkioua,
est incarcéré pour avoir jeté un œuf sur Mehdi
d’avoir fabriqué les aveux du caméraman qui
Mabrouk, ministre de la culture, lors d’une
clame son innocence, assurant n’avoir fait que
cérémonie à la mémoire d’un comédien décédé.
son travail en filmant la scène.
Outré par ce geste humiliant, le ministre décide
Un mandat de dépôt est émis contre le
de porter plainte. C’est là que la machine
journaliste militant qui est arrêté puis libéré in
judiciaire s’emballe et emporte dans son sillage
fine grâce au soutien plein et entier de la société
Mourad Mehrezi, le caméraman qui a filmé la
civile tunisienne (une caution de 2000 DT a été
scène. Les chefs d’inculpation retenus contre le
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2. Le bulletin d'Al-Qotb France
payée par les citoyens pour obtenir sa
libération) et au fort taux de participation à la
grève générale du 17 septembre 2013 décrétée
par le Syndicat national des journalistes
tunisiens (SNJT) pour dénoncer les pressions
incessantes du système judiciaire et du
gouvernement dirigé par le mouvement
Ennahdha, contre les journalistes. Ainsi un
simple jet d’œuf contre un ministre s’est mué en
quelques semaines en combat pour le respect
des libertés.
Dans chacune de ces affaires, comme d’autres
(rappeurs, manifestants pour la dignité), le code
pénal est utilisé pour attaquer la liberté
d’expression, la liberté de conscience ou la
liberté tout court. Les journalistes, les artistes, les
intellectuels, les femmes et les jeunes sont
devenus les cibles des autorités judiciaires
d’Ennahdha et le code pénal s’est transformé en
véritable «outil de répression» selon Human
Rights Watch.
Il y a quelques jours, le ministre de la justice,
Nadhir Ben Ammou, annonce la mutation de
deux magistrats de l’Instance provisoire de la
magistrature. Une décision qui n’est pas du goût
des magistrats qui dénoncent une nouvelle
tentative de main mise sur l’indépendance de la
justice. Kalthoum Kannou, présidente de
l’Association des magistrats tunisiens (AMT)
s’insurge et accuse l’exécutif de vouloir politiser
la magistrature. Elle appelle les magistrats à «
s’opposer aux décisions du ministre de la Justice
» et à refuser cette tentative de mise au pas de la
magistrature.
"Dans chacune de ces affaires,
comme d’autres (rappeurs,
manifestants pour la dignité), le
code pénal est utilisé pour attaquer
la liberté d’expression, la liberté de
conscience ou la liberté tout court."
Ainsi va le monde dans la Tunisie d’après la
Révolution, moins de deux ans après l’arrivée
des islamistes au pouvoir. Le tableau est très peu
reluisant ; les mêmes méthodes judiciaires que
celles de Ben Ali sont utilisées pour réprimer la
liberté d’expression. Les mêmes méthodes
fascistes sont également utilisées pour mettre au
pas des corps de métiers censés être
indépendants, tels que les médias ou la justice.
Mais sans beaucoup de succès à vrai dire ! A
nous société civile et partis politiques de
l’opposition de ne pas autoriser Ennahdha à
prendre ses rêves pour des réalités.
Al-Qotb estime qu'une profonde réforme de la
justice, incluant une refonte du code pénal, est
nécessaire. Celui-ci, issu de la dictature, est
profondément liberticide et ne répond
nullement aux aspirations de liberté et dignité.
Al-Qotb n’a d’ailleurs jamais manqué de
dénoncer explicitement les injustices faites à
Jabeur, Amina et tant d’autres...
Al-Qotb France, oui j'adhère !
1/ Parce que je veux une société moderne, démocratique et résolument
tournée vers l'avenir
2/ Parce que je défends un projet sociétal où femmes et hommes sont égaux,
où l'égalité des chances et la solidarité entre générations sont consacrées
3/ Parce que je veux une économie juste et solidaire qui n'exclut aucune région,
aucune catégorie
4/ Parce que je veux d'un parti politique qui croit en la jeunesse et qui valorise
son énergie créatrice et sa contribution dans la conquête démocratique
Pour toutes ces raisons, j'adhère à
Al-Qotb France
Pour cela, merci d'adresser un email à :
contact.france@al-qotb.com
en précisant votre type d'adhésion : normal (20 euros) / étudiant (10 euros) /
soutien
Al-Qotb est membre du Front Populaire
N° 8 - 0ctobre 2013
O
Zoom
n aurait pu croire suite à la Révolution que
l'engagement en politique aurait connu un
engouement significatif et durable. On ne peut
que constater, qu'exceptée la période des
élections du 23 octobre 2011, les partis politiques
-toutes tendances confondues- ont eu du mal à
affermir de façon notable leurs bases militantes.
Nous assistons tout au plus à des jeux de
recomposition entre partis, mais les troupes
peinent à grossir. Alors à qui la faute ? Il serait
trop facile de chercher à identifier une cause
unique, il est nécessaire de faire preuve d'un
jugement nuancé, mais sans concessions.
Les partis politiques eux-mêmes sont en grande
partie responsables de cet état de fait. Le mode
de fonctionnement interne laisse souvent à
désirer, s'appuyant le plus souvent sur des
rapports de force opaques et qui favorisent le
statu-quo. La place trop étroite faite à la jeunesse
du pays dans les instances décisionnelles et
exécutives ont probablement tempéré la
motivation de beaucoup. Les discours portés par
les partis se sont trop souvent perdus dans les
limbes de l'éternelle "recherche de consensus".
D'un autre côté, et dans un monde où
l'accomplissement individuel est en passe de
devenir la norme, il faut aussi constater que
certains ont du mal à laisser une part de leurs
certitudes pour s'engager efficacement dans un
travail collectif dans lequel nécessairement
l'individu brille moins.
L'enthousiasme d'autres (que certains peuvent
qualifier de bisounours) s'est heurté aux réalités
de l'engagement, l'action politique nécessitant
plus que des convictions, mais aussi de la
patience, de l'énergie et de l'abnégation, ainsi
qu'une bonne dose de modestie.
Alors s'en est-il fini de l'engagement politique en
Tunisie ? Non, résolument non ! Ce serait de
toutes façons suicidaire, le qualificatif d'apolitique
n'étant qu'une pirouette intellectuelle qui permet
trop souvent de faire avaler de grosses
couleuvres.
Aux partis en premier lieu de savoir se rendre
attractifs, de savoir faire preuve de courage
politique quand il le faut, et faire en sorte que
chacun puisse y trouver sa place. Et à tous ceux
qui se sentent impliqués dans le sort de leur pays
de tenter l'engagement, accepter les contraintes
du collectif, mais bousculer s'il le faut
l'immobilisme.
Tout cela n'est rien d'autre que "faire de la
politique autrement". C'est d'ailleurs le mot
d'ordre d'Al-Qotb, par ailleurs résolument ancré à
gauche au sein du Front Populaire.
contact.france@al-qotb.com
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