5. Ils étaient assis sur leurs skis, le dos appuyé contre un mélèze se retire le manteau blanc, reste cette
flamboyant et regardaient scintiller la neige qui s’exposait inscription profondément sculptée à
toute cristalline aux rayons fuyants du soleil d’automne. Ils même la roche: Merci.
avaient marché deux longues heures avant d’atteindre le som-
met de Tracouet puis avaient tracé sur les blancs alpages d’en- Merci à toutes celles et tous ceux qui
ivrantes courbes qui ressemblaient à d’éphémères signatures. aujourd’hui, comme hier, entreprennent
Heureux, ils savouraient maintenant ce moment de bonheur pour le bien de nos générations futures.
qu’ils auraient voulu éternel. Merci à vous, Michel Michelet et Georges Lathion, qui avez fé-
déré, il y a 50 ans déjà, ces hommes hors du commun, pion-
Dans leurs rêves les plus fous, ces passionnés de la première niers et visionnaires, profondément attachés aux valeurs de
heure ne pouvaient imaginer qu’un jour cette montagne, notre terre, celles qui font la fierté du montagnard. Avec eux,
jusque-là réservée à quelques téméraires skieurs, serait acces- vous avez ouvert la voie jusqu’au Mont-Fort, créé des emplois,
sible à tous. apporté confort et bien-être à toute la région, donné vie à
Télénendaz.
Et puis, il y a 50 ans… d’intrépides entrepreneurs s’élancèrent
avec audace et courage sur les pentes alors inexplorées du dé- Ce patrimoine vous nous l’avez transmis. A nous tous de le pré-
veloppement touristique pour offrir aux enfants de ce pays, server pour que demain, assis sur leurs skis, le dos appuyé
un espace de liberté et d’indépendance. contre ce mélèze ancestral, nos enfants puissent se prélasser
en regardant scintiller la neige sous les doux rayons d’un nou-
Depuis, des multitudes de flocons sont venus recouvrir leurs veau printemps.
traces pour laisser aux générations suivantes l’ivresse intacte Philippe Lathion,
d’écrire leur propre histoire. Mais à chaque printemps, lorsque président du conseil d’aministration
6.
7. Qui marche dans la neige ne peut
plus cacher son passage.
(proverbe chinois)
8.
9. Ainsi commencent, souvent, les légendes, les énigmes, Enthousiasmé – peut-être un peu incrédule aussi –
les contes d’Andersen à Perrault, de Grimm à Gougaud. on s’attela à l’ouvrage: négocier des servitudes, pour passer.
Déjà fallait-il amener jusque sur le replat de Prachalier
Il était une fois… donc, une envie. le courant électrique. Parce qu’il n’y en avait pas. Puis…
Une envie folle d’aller sur la montagne, léger;
pour descendre en la chevauchant, ivre de liberté. Il était une fois… C’était il y a 50 ans maintenant.
Alors on commença par… s’asseoir à table. Paraît-il. Je pourrais – j’y ai pensé – vous dire ce conte, qui tint
Pour discuter – eh oui! – pour étudier, pour calculer. davantage du commun des mortels que des fées.
Et puis, on a noté la date (le 7 du mois de juin de l’an 1958), Mais à quoi bon.
pour rédiger acte authentique d’une dénommée On l’a déjà fait. Oui oui… Retournez à vos bibliothèques.
«Télécabine Haute-Nendaz/Tracouet» dotée du capital On appela tout simplement « Nendaz » ce livre-là.
récolté par 79 souscripteurs. Et le signer. C’était en 1988 je crois.
On avait déjà couché le fantasme sur papier millimétré. Alors suivez-moi donc, en tournant et en retournant
L’objet du rêve aurait 13 pylônes pour soutien, les pages de cet album.
4,2 kilomètres de câbles pour porteur, et 23 cabines de Car le rêve vit toujours: monter léger et descendre
4 places, chacune, pour l’extase. Il pourrait, tenez-vous en liberté.
bien, remonter sur 800 mètres de dénivelé, 160 personnes En 2008? Oui, en 2008 !
– 160 heureux – par heure. Une merveille.
Mieux, un mirage… Venez? Vous verrez?
10.
11. En 2008 on va toujours léger jusqu’à Tracouet.
Mais on y va de même à Combatseline,
à Tortin, au Plan du Fou et même, c’est
incroyable, jusqu’au Mont-Fort, jusqu’au ciel.
Des câbles – des fils ténus – ouvrent des
voies irréelles. Comme si une alliance était
scellée maintenant entre Dieu, la montagne
et les hommes…
12.
13. … les hommes qui ont oeuvré pour rendre
le rêve possible. Ils ont bâti des vaisseaux
pour amarrer au sol nos machines à remonter.
Ils ont érigé des sortes de tours, des sortes
de ponts, pour dire au ciel allégeance
et à la montagne appartenance.
14.
15. Depuis que la roue existe la mécanique n’a
plus eu de cesse de créer le mouvement;
le rendre souple, harmonieux. Et comme
le mouvement est lui-même créateur…
Chacun a, quelque part en lui, une mesure
de mécanique et une once de poésie. De cette
fusion-là naissent l’amour ou l’ivresse, l’écriture
ou la musique, l’arbre à cames ou la charpente…
16. Si j’avais osé leur dire, à ma
grand-mère, à mon grand-
père, qu’un jour viendrait où
les machines aplaniraient
leurs alpages, les rouleraient,
les bétonneraient? Qu’on y
alignerait les autos ?
Osé leur dire que leurs
descendants faucheraient
leurs prés pour… le ski?
Il aurait fallu, déjà, y songer
soi-même. C’eut été du rêve.
C’est une réalité.
17.
18.
19. Le bonheur simple d’une main qui tend le
sésame; d’un sourire, vœu de bonne journée.
On ne pense guère à l’administration, à la
finance, à la communication… Trop confinées?
Rôles secondaires ? Que l’on pressent pourtant
primordiaux. Comme ailleurs il y faut des
connaissances et du talent. Comme ailleurs
le quotidien est travail.
20.
21. … monter léger et descendre en liberté…
A pieds, à vélo, à mountainboard.
La montagne se vit maintenant dans l’autre
sens aussi. Encore lever les yeux bien sûr,
et remonter la pente; mais le télésiège est
magique qui renverse l’effort. Les beaux jours
au grand air on peut s’offrir seule la descente.
22. Un dard, un œil, une pointe, que dis-je, un cataclysme.
Un couteau tranche, sépare le ciel de la terre d’où jaillit un feu.
Pourpre brûlante. C’est l’astre, le soleil, sa majesté. Enchâssé
dans la tranche de l’atmosphère il se laisse regarder à l’œil nu,
boule de feu un instant inoffensive. Le temps de s’arrondir, de
dégager son disque précieux de la gangue. Car à peine le fil
ouateux dépassé il vire à l’éclatance, inonde l’univers de lumière
et brûle la pupille qui se détourne alors, vaincue.
23.
24.
25.
26.
27.
28.
29. Il neige. Au petit jour, trois flocons
– ou un grand vol de papillons blancs –
vous mettent la joie au cœur.
Et la turbine, là-haut, crache une neige
sélective qui supplée à celle, égalitaire,
des nuages.
Après il faudra façonner: rendre la pente
sûre, faire la piste lisse. Délices.
30.
31. Que reste-t-il des traces d’antan?
Dans la neige s’entend.
Un gros scarabée la fait: bien droite,
bien lisse, bien plate… Collective.
Mais oui! La machine maintenant fait bien
nos calculs, notre café; elle lave notre
chemise et sèche nos cheveux. Pourquoi ne
laisserait-elle, dans la neige, nos traces aussi?
32. Faire le point: la météo, le bulletin
d’enneigement, l’état du balisage...
Dans le calme des arrière-salles.
Car il faut orienter les foules, canaliser
les flots, assurer les cheminements.
Et puis décider. Et puis agir.
Et, peut-être, secourir. Il y faudra alors
des gestes justes et prompts.
33.
34. Prêt? Prêt!
Les hommes sont à leurs
postes. L’œil, l’oreille,
la main au service du plaisir.
Le «téléphérique» va devenir
télé féerique.
Tournez !
35.
36.
37. Un peu de neige vous change toute la
montagne. Parée ainsi elle peut assouvir
nos envies. Souvenez-vous :
…la chevaucher, descendre en liberté…?
Et la liberté, cela s’apprend vite.
Regardez les enfants ?
Salut les grands ! On descend.
38.
39. La glisse, apprise, repousse
les limites jusqu’aux confins
de l’ivresse. Entre ciel et
neige la terre s’est esquivée,
presque. On pourrait y lire
un morceau d’allégorie.
A l’enseigne du bonheur.
40.
41. Un sage m’a expliqué que la lune est le rêve
fait par le soleil.
Oh! le beau rêve, sombre et serein.
Lorsque le ski a rendez-vous avec la lune
le comble de la féerie n’est pas loin.
Et si le plaisir était… rond?
Saisissons-le, parce qu’au firmament nocturne
le cercle parfait ne dure qu’une nuit.
42.
43. Cuisiner c’est partager; servir c’est donner.
Il faut des mains habiles, des esprits
ouverts, des cœurs généreux. Et faire son
content d’être l’envers du décor.
A quoi serviraient la salle à manger,
la terrasse, s’il n’y avait la cuisine?