1. AIT la partie émergée de
l’iceberg
Laura Demaeyer Etudiante en 6 ème année de
médecine§
Gaston Milandou Radiologue+
Jean Louis Bertrand Neuroradiologue °
Pierre Raynaud Anatomopathologiste°
Guy-André Pelouze Chirurgien Thoracique et
Cardiovasculaire°
§ ULB Belgique
+ Congo
° Hôpital Saint Jean Perpignan France
2. TABLE DES MATIERES
• I. Les accidents vasculaires cérébraux:
Rappel
• II. Histoire clinique
• III. Indication chirurgicale
• IV. Déroulement de la chirurgie
• V. Évolution post-opératoire
• VI. Conclusion
6. 1) Epidémiologie
• 3ème cause de mortalité
• 1ère cause de handicap acquis dans les pays
industrialisés
• Affection neurologique la plus fréquente
• Il s’agit d’une pathologie grave qui atteint
particulièrement les sujets âgés (3/4 des patients >
65ans) et dont la prise en charge rapide est d’une
extrême importance car il est existe des
traitements d’autant plus efficaces qu’ils sont
administrés précocément.
7. 2) Etiologies
• Athérosclérose des gros vaisseaux:
C’est l’étiologie la plus fréquente des accidents vasculaires
cérébraux (36% des cas).
Le plus souvent il s’agit d’un mécanisme thromboemboliqe
(fragmentation d’un thrombus sur plaque athéromateuse et
occlusion d’une artère distale).
Plus rarement l’origine peut être hémodynamique (sténose
serrée mal compensée par le polygone de Willis).
Ce phénomène prédomine au niveau des bifurcations
carotidiennes, du siphon carotidien, de l’ostium des artères
vertébrales ou du tronc basilaire.
8. • Les cardiopathies emboligènes:
Représente 24% des cas.
La fibrillation auriculaire en est la cause dans la moitié des
cas (mais aussi les prothèses valvulaires, les endocardites
infectieuses,…)
Dans les cardiopathies emboligènes le risque de récidive est
plus important et il s’agit généralement d’infarctus
cérébraux plus sévères et plus étendus.
• Occlusion des petits vaisseaux:
Sont responsables d’infarctus dit lacunaires.
Représentent 27% des cas.
Il s’agit de petits infarctus profonds par occlusion d’une
artériole profonde
9. • Autres causes:
- Dissection des vaisseaux cervicaux
- CADASIL(1) (cerebral autosomal dominant arteriopathy
with subcortical infarcts and leukoencephalopathy) retenu
pour désigner une maladie génétique se caractérisant par
l'association de migraines, et de lésions vasculaires
cérébrales aboutissant à une altération intellectuelle et
s'accompagnant de lésions de la substance blanche du
cerveau.
- Infectieuses, sanguines (polyglobulie par ex), artérielles.
• Il peut arriver cependant dans un pourcentage variable de
cas, qu’on ne trouve pas la cause de l’accident vasculaire
cérébral.
(1) www.thelancet.com/neurology Vol 7 October 2008
10.
11. 3) Facteurs de risque
• HTA • Alcoolisme
• Tabac • Contraception orale
• Traitement hormonal substitutif
• Age
• Obésité
• Sexe (le sexe masculin est un
FR mais du à leur espérance de
vie plus longue et l’importance
de l’âge dans la survenue des
AVC, plus de femme feront des
AVC dans leur vie)
• Hypercholestérolémie
• Diabète
13. II. Histoire clinique
1) Motif d’admission
2) Affection actuelle/ historique
3) Antécédents et traitement
4) Mode de vie
5) Examen physique
6) Examens complémentaires aux urgences
7) Imagerie
8) Conclusion
14. 1) Motif d’admission
Madame Syl… Caz…, née le 15/02/32, 80
ans est arrivée en ambulance aux urgences
le 3/07/12 à 14h suite à un épisode de
malaise et de déficit moteur du membre
supérieur gauche partiellement régressif.
15. 2) Historique
Le 3/07/12 au cours de la matinée la patiente se plaint de
difficulté motrice au niveau du membre supérieur gauche
(difficulté à prendre des objets) et de lourdeur dans ce bras
d’apparition brutale.
La patiente est droitière.
Elle dit avoir eu une voix caverneuse pendant 10 min et avoir
bavé.
Vers 14h, aux urgences, elle se plaint de fourmillements dans
le même bras mais dit se sentir mieux.
Légère céphalée occipitale.
Pas de douleur thoracique.
16. 3) Antécédents et traitement
La patiente souffre d’hypertension artérielle
difficile à contrôler.
Elle prend comme traitement pour cela de la
lercanidipine (DCI) 10mg 1/j (inhibiteur
calcique).
Hormis cela, elle présente un très bon état
général pour son âge.
17. 4) Mode de vie
La patiente est retraitée, vit avec son fils et est
très autonome.
Elle ne fume pas, ne boit pas.
Pas d’allergie connue.
18. 5) Examen physique
Patiente très anxieuse et impatiente, bon état général. Poids 45 kg.
- Neuro:
glasgow 15/15; hémiparésie bras G; pas de trouble de la déglutition;
pas de nystagmus; pas de déficit de la coordination; pas de trouble
sensitif; augmentation de la base de sustentation.
- Cardio-respiratoire:
tachycardie régulière; TA bras D: 215/103; TA bras G 225/110; pouls
périphériques + et symétriques.
MV + et symétrique, pas de foyer, pas de douleur thoracique.
- Abdomen:
souple, dépressible, indolore, pas de défense
péristaltisme +
pas de plainte digestive spécifique
19. 6) Examens complémentaires aux
urgences
Biologie du 3/07:
CRP: 0.99mg/l; Créat: 76µmol/l; Urée: 5.6µmol/l
Glucose: 6.18mmol/l; Na+: 140; K+: 3.9
CPK: 142 U/l; Troponine: 9.92 ng/l
FO du 3/07:
Rétinopathie hypertensive stade 1
ECG du 3/07:
Rythme régulier, sinusal à 100bpm
Déviation axiale G du QRS
HVG (=>HTA)
BBG
20.
21. 7) Imagerie
TDM cérébral du 3/07:
- Absence de lésion
hémorragique intra ou péri-
cérébrale évidente ou
d’accident vasculaire
ischémique aigu constitué.
- Absence de dilatation du
système ventriculaire.
- Par ailleurs fracture de
l’arcade zygomatique G
légèrement déplacée
ancienne.
22. Echodoppler des troncs supra-aortiques du 4/07:
- Motif: recherche étiologique après AIT, déficit transitoire du membre
supérieur G.
- Épaississement pariétal diffus des troncs supra-aortiques.
- Renforcement de l’axe carotidien droit où on visualise à l’origine de la
carotide interne une volumineuse plaque partiellement calcifiée , de
surface irrégulière, qui provoque une accélération des VSM de l’ordre de
150cm/s, ce qui évoque une sténose intermédiaire évaluée entre 50 et 70%
de réduction de diamètre.
Carotide Commune D
24. - Sur l’axe carotidien G, simple épaississement pariétal diffus avec
quelques calcifications pariétales, sans athérome sténosant.
Carotide Commune G Carotide Interne G
25. - Frein hémodynamique sur la vertébrale droite avec vertébrale
gauche compensatoire.
Vertébrale D Vertébrale G
26. Résonance Magnétique du 4/07:
Indication: Déficit du
membre supérieur G régressif
chez une patiente connue pour
une sténose carotidienne D
L’IRM cérébrale:
L’examen confirme plusieurs
stigmates d’accident
ischémique transitoire récent,
en particulier au niveau de la
région pariétale et rolandique
D.
IRM de Diffusion
27. Quelques plaques de
démyélinisation à l’étage sus-
tentoriel, traduisant une
pathologie vasculo-
dégénérative encéphalique
associée (petits vaisseaux), sont
également visibles.
Pas de phénomène hémorragique et
pas de franchissement de la
barrière hémato-méningée.
Séquence Flair
28. L’angio-IRM:
Les images confirment la
présence d’une sténose
carotidienne interne bulbaire D,
dont l’estimation visuelle est de
52% en diamètre selon la
méthodologie NASCET.
29. Au niveau du polygone de Willis:
hypoplasie, voire agénésie du
segment A1 de la cérébrale
antérieure D, les deux
cérébrales antérieures étant
prise en charge par le système
carotidien interne G. On notera
également la prise en charge de
la cérébrale postérieure D par la
carotide interne D grâce à la
communicante postérieure D.
Ces éléments étant à prendre en
compte dans le cadre du bilan
pré-opératoire.
30. 7) Conclusion
Patiente admise aux urgences pour accident monoparétique
régressif du membre supérieur G.
Elle a bénéficié en urgence d’un échodoppler puis d’une
angio-IRM qui ont bien mis en évidence:
- que cette patiente avait fait plusieurs accidents emboliques dans
l’hémisphère droit.
- Qu’il existait une sténose carotidienne ulcérée très irrégulière de la
bifurcation carotidienne D.
La patiente a donc été par la suite admise dans le service de
chirurgie Thoracique et Vasculaire pour une
endartériectomie carotidienne droite programmée le
6/07/12.
32. 1) Bénéfice de l’endartériectomie
carotidienne
Avant 1990, l’endartériectomie était pratiquée sans véritable
preuve d’un réelle bénéfice.
Dans les années 80 deux études furent lancées dans ce but :
l’études NASCET (North American Symptomatic Carotid
Endarterectomy Trial) et l’étude ECST (European Carotid
Surgery Trial) (1)
Le but était de répondre à plusieurs questions:
- Existe-t-il un réelle bénéfice de la chirurgie comparé au traitement médical?
- Quels sont les patients cibles?
- Quels est le taux de complication acceptable?
- Quel est la durée du bénéfice?
- Quel est l’impact des facteurs de risque sur le bénéfice?
(1) The New England Journal of Medecine, nov 1998 vol 339 number 20, 1415-25
33. • Les patients avec une sténoses de la carotide
interne (déterminée par angiographie) associée à
un précédant AIT dans l’hémisphère ipsilatéral (ou
des symptômes de rétinopathie ischémique) furent
inclus dans les 2 études.
• Les 2 études démontrèrent rapidement un bénéfice
significatif de la chirurgie pour les sténoses de
haut grade (>70%); sans différence entre les 2
sexes dans les résultats.
34. • Pour les sténose de moyen et bas gras les résultats
furent moins évidents.
Parmi les patients dont la sténose était de 50 à 69%;
le taux d’AIT/AVC ipsilatéral fut de 15,7% pour
ceux traités chirurgicalement et de 22,2% pour
ceux traités médicalement.
Parmis ceux dont la sténose était de < de 50% le taux
de récidive chez les patients traités
chirurgicalement n’était pas significativement plus
élevé (14,9%) que ceux traités médicalement (18,
7%).
De plus, les bénéfices étaient plus important chez les
patients de sexe masculin.
35. 2) Méthode de calcul du degré de sténose
sur l'angiographie selon NASCET
méthode NASCET: B - A x100%
B
(Selon la méthode ECST: C-A x 100%)
C
36. 3) Conclusions
• Le traitement médical comporte: la réduction des facteurs de risque
vasculaire (traitement de l'hypertension artérielle, arrêt du tabac ),
l‘introduction d’un traitement anti-agrégant plaquettaire (aspirine,
ticlopidine) ; le diagnostic et le traitement d’une autre localisation de
la maladie athéromateuse.
• L'endartériectomie carotidienne est indiquée dans les sténoses
carotidiennes symptomatiques > à 70 % (ECST et NASCET) sous
réserve d'un taux cumulé de mortalité-morbidité péri-opératoire
de l'équipe chirurgicale inférieur à 5 %, et dans les sténoses
symptomatiques > 50% à condition que le TCMM soit inférieur à
3%.
Les résultats d'ACAS (Asymptomatic Carotid Atherosclerosis Study)
suggèrent le bénéfice de l'endartériectomie dans les sténoses
asymptomatiques > 75% chez l'homme, sous réserve d'un taux de
mortalité-morbidité péri-opératoire de l'équipe chirurgicale inférieur à
3 %, dans cette indication.
37. • L'endartériectomie carotidienne n'est pas indiquée dans
les sténoses symptomatiques < 50 % et asymptomatiques <
75 %
• S’agissant des sténoses athéromateuses asymptomatiques
le recours à la chirurgie est actuellement très discuté en
raison de l’efficacité des statines bien démontré par l’étude
SPARCL.
• Toutefois dans certains cas, des indications raisonnables
peuvent être proposées au cas par cas si le risque
d'infarctus ipsilatéral à la sténose dépasse notablement le
risque chirurgical prévisible notamment en cas de récidive
sous traitement médical bien conduit devant une lésion
jugée à risque mais < à 50%.
39. 1) Déroulement de la chirurgie
• Position du patient et surveillance par NIRS
(Near-infrared spectroscopy)(1)
Il s’agit d’un spectromètre qui utilise les infra-rouge pour mesurer
l’oxymétrie de manière non invasive, en plaçant 2 électrodes sur le
front de la patiente. Ce système permet d’assurer un suivi en temps
réel de la saturation en oxygène du cerveau de la patiente.
L’utilité étant de pouvoir détecter une baisse de la saturation en oxygène
au niveau du cerveau, de manière à y remédier directement: en
augmentant la TA moyenne, le contenu en O2 du sang, et si
nécessaire en mettant en place un shunt.
(1) http://www.somanetics.com/invos-system/vascular
40.
41. • Anesthésie générale.
• Voie d’abord
cervicotomie
présternocléïdo
mastoïdienne si
possible a minima.
• Clampage après
héparinisation à 200
UI/kg.
42. • Résection en monobloc de la plaque.
• Fermeture de l’artériotomie, purges et déclampage.
• Neutralisation partielle de l’héparine par 100 UI /kg de protamine.
• Fermeture du cou sur redon aspiratif pour éviter qu’une hémorragie
postopératoire ne comprime les voies respiratoires.
• Réveil et examen neurologique sommaire: Pupilles, conscience,
motricité de la Face et des 4 Mbres, nerfs crâniens, parole.
43. 2) Évaluation anatomo-
pathologique du sequestre
• Macroscopie:
Dimension: longueur de la pièce 3cm, dont carotide commune de 0,7cm
Aspect externe de la parois épaisse et irrégulière
A l’ouverture plaque de 1,5cm de long et 0,5cm d’épaisseur, ulcération et
hémorragie intra-plaque présente.
• Microscopie:
Stade Athérome suivant Starry: V-pustule athéromateuse
Taille du noyau lipidique (% par rapport à l’épaiseur de la paroi) 80%.
• Conclusion:
Thrombose athéromateuse partielle (80%) avec rupture de plaque et
hémorragie intra-plaque.
46. 3) Traitement post-opératoire
• Surveillance de 24h à l’UNV (unité neuro-
vasculaire).
• Héparinothérapie de 48h, 150 UI/kg/j
• Aspirine 75 mg/j définitivement en l’état
actuel de nos connaissances
48. • La patiente a été opérée le 6/07 et ses suites ont été simples
sur le plan neurologique (pas de déficit) et cervical (pas
d’hématome)
• Retour de l’UNV(unité neuro-vasculaire) le 7/07, dans le
service de chirurgie thoracique et vasculaire.
• Phénomène intercurrent:
Infection urinaire développée le 8/07
Suite au prélévement cytobactériologique urinaire, ayant
démontré une infection à proteus mirabilis, la patiente est
mise sous Bactrim le 8/07
• Sortie le 9/07
• Echo-doppler de contrôle: programmée le20/08/12
50. 1) Ce cas clinique nous démontre clairement que
l’AIT, qui a amené la patiente aux urgences le
3/07, n’est que la partie émergée de l’iceberg.
En effet, l’imagerie a mis en évidence plusieurs
accidents vasculaires cérébraux récents et anciens,
qui sont passés inaperçus car ils étaient
cliniquement muets. La pathologie athéromateuse
causale était donc à un stade avancé lors du 1er
AIT symptomatique.
Ceci illustre l’importance de la prise en charge
urgente face à un AIT; autant du point de vue
symptomatique qu’étiologique.
51. 2) On remarque également l’inefficacité du scanner
en urgence pour diagnostiquer ce type de
pathologie. Celui-ci ne met en évidence que les
accidents hémorragique. Hors, comme dit
précédemment, les accidents ischémiques sont
beaucoup plus fréquents.
De plus, l’IRM, qui permet un diagnostic de
certitude, met en évidence les accidents
ischémiques et hémorragiques.
L’irradiation délivrée lors du scanner est
également un élément à prendre en compte dans le
choix de l’examen complémentaire (celle-ci étant
nulle en imagerie de résonance).
52. 3) La chirurgie carotidienne est actuellement le
meilleur moyen pour éviter les récidives
d’AIT/AVC.
Son TCMM (taux cumulé de morbi-mortalité)
post-opératoire est de <1%, c’est-à-dire moins de
la ½ de celui du TCMM post-opératoire de la mise
en place d’un stent carotidien, ici, à l’hôpital de
Perpignan.
La chirurgie doit bien sûr être accompagnée du
BMT (best medical treatment), à savoir: prise en
charge des facteurs de risque (statine, anti-
hypertenseur,…) + anti-agrégants.