Présentation d’un état des lieux de la traduction pour le russe Interview : traducteur/interprète français/russe
1. Pauline Beauvillier
Etudiant Magistère Communication Interculturelle
Option médiation linguistique et culturelle
Aire culturelle de spécialité : Russie
ICL4B02B
Médiation linguistique et culturelle : Typologie d’activités, profils professionnels et champs
d’action
O.Porte : Traduction, édition et médias
Objectif : Présentation d’un état des lieux de la traduction pour le russe
Interview : traducteur/interprète français/russe
Ma démarche est interculturelle. Elle consiste à tenter de comprendre les aller- retour
entre le français et le russe, les difficultés de traduction, les idées reçues du public, ses
engouements ou réticences. Je cherche à comparer l'image de la France et de ses produits
culturels dans le pays de ma langue de spécialité.
Madame Gridneva Tatiana, est la personne que j’ai choisi d’interviewer pour ce
devoir. C’est une traductrice, interprète dans le domaine linguistique français/russe. Elle est
aussi enseignante de la langue française dans l’académie pédagogique de la région de la
Volga.
Cette femme est également une grande journaliste du journal Voljskaia Kommouna, Samara
(Russie). Elle a écrit différent articles sur des thèmes très variés, comme par exemple le
festival de Cannes, l’écologie « la révolution verte » et l’innovation « les transports
futuristes ».
Grâce à ces nombreuses activités, voyages et connaissances, il me semble que
Madame Gridneva correspond parfaitement au profil pour répondre à mes questions
concernant la langue française et russe. Je me permets de la remercier pour son aimable
participation.
2. Votre parcours
Quel a été votre parcours universitaire ?
J’ai fait ma scolarité dans une école spécialisé dans la langue française, durant 10 années.
Nous avions différentes matières comme la géographie, l’histoire et la civilisation enseignées
en français Ensuite j’ai étudié pendant 5ans à l’Université pédagogique des langues
étrangères de Samara. J’ai soutenu le travail du diplôme sur la traduction littéraire et fait un
stage en Algérie en tant qu’interprète. Enfin je suis allée à Moscou pendant une durée de six
mois pour assister à des cours de perfectionnement à l’Université des langues étrangères
Moris Thorez. J’ai également obtenu un diplôme de traduction anglais à l’institut international
du marché, situé à Samara.
Pourquoi avez-vous décidé d’étudier la langue française ?
J’ai toujours été passionnée de l’histoire et de la littérature russe j’ai donc voulu apprendre la
langue qui les a influencées le plus.
Comment et pourquoi avez-vous décidé de devenir traductrice/interprète ?
Je crois avoir un don pour l’écriture. Etant journaliste maintenant de métier, je reste dans des
domaines toujours assez proches. On dit souvent, il suffit de gratter bien un traducteur et tu
verras un écrivain.
Avez-vous grâce à votre métier eu l’occasion de voyager ? Le contexte historique de l’époque par
rapport à la langue française.
J’ai fait mon stage en Algérie étant encore étudiante et c’était bon début pour commencer à
vraiment parler français, car c’était dans les années de l’Union Soviétique et les voyages en
France étaient très rares. Je travaillais en tant qu’interprète dans le centre de formation
professionnelle pour algériens en matière de télévision et radio.
Pensez-vous que le métier de traducteur/interprète est un métier difficile ou facile? Pourquoi ?
Je crois que c’est un métier difficile, car un traducteur porte la responsabilité du contenu des
documents qu’il traduit. Il doit faire de son mieux pour réussir à le rendre compréhensible et
fidèle par rapport à la langue source et la langue cible. Le travail d’interprète est toujours une
bonne gymnastique pour esprit, car on doit réagir vite, retenir beaucoup de données et tenir
compte de la situation qui se crée entre les locuteurs.
Pensez-vous que c’est un métier d’avenir ?
Bien sûr, les liens entre les pays se multiplient, même s’il semble que l’on a trouvé une issue
avec l’anglais qui devient une sorte de langue internationale, le besoin de bonne traduction,
3. disons « traduction de qualité » et d’interprétariat dans d’ autres langues restera toujours très
utiles. La diversité des langues est toujours un sujet d’actualité.
Comment voyez-vous ce métier évoluer par rapport à la concurrence aujourd’hui ?
Aujourd’hui on demande partout des spécialistes connaissant des langues étrangères. Mais
cela ne peut être utile que dans les cas strictement professionnels car on apprend une langue
étrangère pour toute la vie. Pour devenir un véritable traducteur professionnel ce n’est pas
facile, du coup la concurrence n’est pas très rude.
Votre métier d’interprète et de traducteur
Selon vous, peut-on parler de langues dominantes et de langues dominées ? Si oui, qu’en est-il du
russe?
Chaque peuple a sa voie historique. A un moment donné, il devient porteur de culture qui joue
un grand rôle pour le monde entier, alors sa langue devient dominante, comme c’était le cas
avec l’arabe et nous employons les termes et les chiffres arabes en algèbre aujourd’hui. La
même chose avec le français, qui était la langue de la noblesse russe et qui reste la langue de
poste universelle, maintenant l’anglais devient dominant grâce aux découvertes techniques
effectuées par les anglais et les américains qui ont changé le visage du monde. Le russe reste
aussi une langue répandue et utilisée dans le monde grâce à la grande culture qu’il représente.
Mais qui sait, peut-être dans l’avenir la langue tatare ou yakoute sera aussi très répandue dans
le monde, tout dépend des gens qui le parlent. Cependant, il est vrai que toute propagation
artificielle d’une langue ou défense de parler une langue sont voués à l’échec.
Comment se déroule le processus de travail d’un traducteur en Russie (vous cherchez des entreprises,
comment se négocie le contrat, quel est le volume de travail…) ?
Il y a des traducteurs libres qui sont obligés de rechercher le travail eux-mêmes. En revanche,
il y a des traducteurs salariés qui travaillent auprès des sociétés. Enfin il y a aussi ceux qui
collaborent avec des bureaux de traduction qui leur fournissent le travail.
Quelles sont les principales difficultés de ce travail de traducteur/interprète (concurrence, charge de
travail…) ?
La difficulté essentielle est que les traducteurs sont le plus demandés dans des grandes villes
comme Moscou ou St. Petersbourg, alors que dans les autres villes il y a peu de travail pour les
traducteurs. Mais avec Internet la situation s’améliore, les traducteurs qualifiés peuvent plus
facilement correspondre avec des entreprises situées à Moscou ou St.Petersbourg et envoient par
internet les travaux.
Selon vous, quels sont les principaux défis de la traduction du russe?
4. La langue russe possède un vocabulaire deux fois plus grand que le français et il y a trop de nuances
dans l’appréciation et dans les attitudes qui sont difficiles à transposer dans d’autres langues comme
le français, par exemple. Je dirai que c’est le plus grand défi d’un traducteur du russe en français,
cette richesse du vocabulaire est très difficile à retranscrire.
Quels sont les problèmes liés à la traduction concernant la transmission d’informations entre des
mentalités différentes entre le français et le russe ?
Il existe le proverbe russe – ce qui est bon pour un Russe est mortel pour un étranger. Mais je
dirai vice et versa aussi. Il y a non seulement des mots tabous mais aussi des thèmes tabous
pour les russes, que les étrangers ignorent. Par exemple, on peut entendre le mot CON dans
une pièce de théâtre français, cela ne choque personne tandis que l’utilisation des mots pareils
dans un milieu culturel russe est scandaleux et donc intraduisible. Le russe traduira plutôt
« idiot » ou »imbécile ». Cela dit, paradoxalement, il existe une véritable langue des injures en
Russie – le mat.
Vraiment le problème des différences des mentalités existe, et il faut en tenir compte, en
traduisant surtout les thèmes comme l’humour ou la langage courant.
Quel est l’état de la traduction du russe en France à votre avis ?
Je crois que beaucoup d’œuvres de la littérature russe qui sont dignes d’être traduites ne le
sont pas. Surtout la poésie. Je trouve cela, très dommage que le public français ne puisse pas
accéder à cette abondante poésie russe.
Aujourd’hui, pensez- vous que la littérature russe est- elle suffisamment représentée en France ? Si
non, que manque-t-il ? Y a-t-il un genre de livre qui ne serait pas représenté ?
Je pense que non, malheureusement. J’ajouterai même plus que cela aussi concerne les films
et les pièces du théâtre russes qui sont presque inconnus en France. La même chose pour la
poésie – on a beaucoup de vers libres sans rimes quand on traduit du russe. Par exemple il n’y
a presque pas de traductions des vers de la grande poétesse russe Bella Akhmadoullina qui
vient de décéder.
Selon vous, existe-t-il encore en France des idées reçues sur votre pays ? Comment peut-on les
combattre ?
Bien sûr, il faut connaître mieux le pays pour combattre ses idées reçues à mon avis. Il est également
très important d’apprendre la langue et la culture contemporaine et non pas uniquement les
classiques.
Selon vous, quelles sont les chances pour un livre russe d’être traduit en français ?
5. Pas grande. Je dirai une sur dix. Je ne connais pas suffisamment le domaine de l’édition pour
répondre exactement à cette question. Mais je peux dire, en faisant référence avec mon
expérience que l’avenir d’un livre russe est très rarement un destin à l’international.
Votre métier d’enseignante du français
Pouvez-vous nous dire quelques mots sur la situation des professeurs des langues étrangères
d’université en général (salaire, conditions de travail, étudiants de langues françaises nombreux ou
peu nombreux, pourquoi ?)
A l’heure actuelle, le salaire des professeurs d’Université est pitoyable surtout dans les
Universités qui apprennent les sciences humaines. Les jeunes professeurs ne peuvent pas
nourri r leurs familles et n’ont pas intérêt à faire des recherches scientifiques car cela demande
beaucoup de dépenses et apporte peu. La quantité d’étudiants de français diminue très vite
avec la politique du Ministère de l’enseignement qui favorise et promeut l’étude de la langue
anglaise dans les écoles. Enfin, le nouveau système de tests pendant les examens de sortie
EGE (équivalent au Baccalauréat en France) est très difficile en français. peu de jeunes
choisissent le test de français qui dépasse le niveau de l’école et ne donne pas la possibilité de
choisir au cas échéant une autre spécialisation.
Observez-vous une évolution entre les étudiants d’aujourd’hui et ceux d’avant à l’université ? Qu’est
ce qui a changé ? (envie des étudiants, rareté, abandon du français pour l’anglais…)
Le nombre d’étudiants a largement diminué, la situation des professeurs d’Universités et
d’écoles ne les stimule pas non plus.
Mon analyse
Le parcours de Madame Tatiana Gridneva est très intéressant, on peut faire référence à
son voyage en Algérie durant la période soviétique. Elle m’a raconté de nombreuses
anecdotes durant son voyage, par exemple la tenue vestimentaire en Algérie était
complétement différente. Elle a découvert le « jean », des fruits exotiques et plein de choses
encore qui montrent le contraste entre cette époque soviétique et un autre pays. Son métier lui
a permis de rencontrer des personnes et d’être le trait d’union entre le français et le russe. Elle
a pu assister au festival de cannes l’année dernière en tant que journaliste, son article est
apparu dans le journal Voljskaia Kommouna de Samara.
Je dirai que Madame Gridneva illustre parfaitement les différentes opportunités d’un
traducteur/interprète. Elle a la chance de travailler à son rythme et de choisir ses contrats. On
observe, d’après son témoignage, qu’il faut avoir un moral « d’acier » pour supporter d’être
aussi flexible aussi dans son emploi du temps que dans son salaire parfois. Tatiana m’a
6. raconté en illustrant d’une situation vécue, les aléas du métier. Elle avait accepté un travail de
traduction pour une entreprise moscovite. Elle devait traduire des notices de 50 à100 pages
environ et le site internet de l’entreprise, puis renvoyer son travail dès qu’il était terminé. La
cadence était de plus en plus intense, il n’arrêtait pas de surveiller le travail, d’en donner
toujours plus. A un certain point, Madame Gridneva a préféré arrêter le contrat. Bien sûr,
l’entreprise a mis peu de temps à retrouver un autre traducteur. Par curiosité, nous avons
consulté le site, les traductions en français sont de très mauvaises qualités. Pour moi, cet
exemple reflète d’une part la concurrence qui existe mais reste approximative. En effet,
comme l’a souligné Tatiana les bons traducteurs spécialisés et de qualités sont quand même
assez rares. D’autre part, on observe dans ce cas, la pression et les conditions de travail d’un
traducteur rattaché à une entreprise qui se préoccupe de la cadence et non pas de la qualité des
documents traduits.
Pour faire ce métier, il faut être passionné des langues, des voyages et des rencontres.
Madame Gridneva durant sa carrière a su au bon moment créer les opportunités pour des
missions d’interprétariat comme celle effectuée cet été à St.Petersbourg pour une entreprise
française. Il est vrai que Tatiana a fait beaucoup de traduction spécialisé, cela dit je suis
d’accord avec elle sur le point qu’il est impossible de vivre correctement en ne faisant que des
traductions littéraires. Le marché est très mince dans ce domaine alors que la traduction
économique et spécialisé est en pleine expansion.
7. Annexe 1
Les statistiques trouvées sur le site de l’UNESCO.
http://www.unesco.org/xtrans/bsstatexp.aspx
Year of publication
1
1992 4632
1993 5177
1994 3920
1995 3534
1996 3214
1998 3
1999 3130
2000 1
2002 1
2006 6934
2007 10455
2008 20
Annexe 2
Articles de Madame Tatiana Gridneva sur le site du journal Voljskaia
Kommouna en russe
http://www.vkonline.ru/article/13523.html
Annexe 3
Article de 2010 sur une exposition organisée à Liège, écrit par Madame Gridneva