2. OBJECTIFS
1. Définir l’amylose rénale
2. Citer les différentes composantes de la substance amyloïde
3. Connaître les circonstances de découverte de l’amylose rénale
4. Savoir rechercher les signes extra rénaux de l’amylose
5. Réunir les éléments du diagnostic positif
6. Connaître les colorations spécifiques de l’amylose rénale
7. Citer les facteurs aggravant l’évolution vers l’IRC
8. Connaître les différentes étiologies de l’amylose rénale
9. Connaître les complications de l’amylose rénale et leurs moyens
de prévention
10. Citer les principes du traitement de l’amylose
3. DEFINITION - GENERALITES
L’amylose rénale est définie par la présence au niveau du rein de dépôts
extracellulaires d’une substance amorphe , anhiste , de nature protéique
de structure fibrillaire et d’aspect ß plissé en cristallographie aux rayons
lui conférant des caractéristiques tinctoriales particulières.
Cette substance peut s’accumuler dans tous les tissus expliquant les
différentes manifestations cliniques .
La localisation rénale de l’amylose est la plus fréquente .
Sa symptomatologie est la même quelque soit l’étiologie
Elle réalise un tableau de néphropathie glomérulaire
Son diagnostic est histologique
Elle représente 12% des NGC biopsiées .
C’est la principale cause des SN secondaires
4. La fréquence de l’atteinte rénale est variable selon le type de l’amylose ,
elle est plus fréquente au cours des amyloses AA qui sont en grande
partie secondaires à la tuberculose en Tunisie .
La localisation rénale conditionne le pronostic car elle évolue vers l’IRC .
Elle représentait la première cause de décès avant l’avènement des
techniques d’épuration extra rénale .
IL n’ ya pas à nos jours de traitement curatif de l’amylose , toutefois le
rôle préventif de la colchicine au cours de la FMF a fait sa preuve .
5. HISTORIQUE
1842 : ROKITANSKI : Présence dans le foie et la rate de patients
cachectiques d’un matériel amorphe
1854 : VIRCHOW lui donne le nom d’amylose ( ressemblance tinctoriale
avec l’amidon )
1859 : FREIDREICH –KEKULE démontrent l’absence d’hydrates de
carbone dans les masses amyloïdes
1922 : BENHOLD découvre l’affinité particulière et spécifique de cette
substance avec la coloration au Rouge Congo
1931: MAGNUS LEVY : Association fréquente entre l’amylose et la
protéinurie de Bence Jones au cours du myélome .
1969 : PRAS découvre la solubilité dans l‘eau distillé des dépôts
amyloïdes
1972 : BENDITT découvre que l’amylose secondaire est formée d’un
composant protéique différent appelé protéine amyloïde A
1980 : GLENNER décrit le type ultra structural commun à toutes les
amyloses et introduit le terme de « ß fibrilles »
6. LA SUBSTANCE AMYLOÏDE : ETUDE BIOCHIMIQUE
La substance amyloïde est formé d’un matériel pathologique
extracellulaire translucide , solide , élastique , de nature protéique
insoluble dans l’eau , soluble dans l’eau distillée , résistant aux enzymes
protéolytiques et ayant une structure fibrillaire.
Quelque soit son origine la substance amyloïde est constituée d’un
composant fibrillaire variable selon le type d’amylose et d’une petite
quantité d’un composant non fibrillaire constant .
1. LE COMPOSANT NON FIBRILLAIRE : COMPOSANT P
Constant . C’est une α globuline appelée P (pentagonale) , normalement
présente dans le sérum humain : SAP : Serum Amyloid Component
7. 2. LE COMPOSANT FIBRILLAIRE :
Varie d’une amylose à une autre
2.1. Protéine d’origine immunoglobulinique ( AL )
A : Amyloid L : Light chain
Amyloses primitives ++ et celles accompagnant les dysglobulinémies en
particulier le myélome
( composant fibrillaire : chaîne légère λ ou к )
2.2 Protéine d’origine non immunoglobulinique ( Protéine AA )
2 types
a - Amylose AA : PM 8000 daltons , 76 AA , précurseur sérique SAA ,
protéine de la phase aigue de l’inflammation
Origine hépatocytaire
Ce type de protéine se voit au cours des amyloses secondaires , de la
FMF et du sd de Muckle Wells
8. b- Autres protéines non immunoglobuliniques :
► Amylose à Transthyrétine (TTR) : responsable de la neuropathie familiale
type portugaise ou l’amylose sénile cardiaque et cérébrale
► La Gélsoline : Amylose finlandaise , l’atteinte rénale est exceptionnelle
► Des mutations portant sur l’Apolipoprotéine A , la chaîne α du fibrinogène
et le lysozyme sont responsables d’Amylose
► β2 micro globuline : Amylose des hémodialysés
9. PATHOGENIE
Inconnue
Elle résulte probablement de l’intervention de multiples facteurs
- Prédisposition génétique
- Excès de dépôts de fibrilles et/ou une diminution du relargage des
dépôts.
- Conditions locales particulières
10. CARACTERISTIQUES TINCTORIALES ET HISTOLOGIQUES
1 .Macroscopie: Le rein amyloïde est habituellement volumineux ,
blanchâtre ,d’une consistance lardacée à la loupe qui montre une
corticale blanche ivoire caractéristique . L’atrophie rénale est rare.
2. Microscopie optique :
2.1 Colorations usuelles :
Eosine : rose pale
PAS : rose ( PAS : Periodic Acid Schiff )
Coloration argentique : Absence
2.2 Colorations spéciales :
Cristal violet : méthachromasie rouge pourpre sur fond bleu
Thioflavine T : fluorescence vert jaune en lumière ultraviolette
Rouge Congo++++ la plus spécifique en rapport avec la structure β
plissé : biréfringence dichroïque VJ en lumière polarisée
11. 2.3 Technique de Wright:
Test de Permanganate de K : technique d’oxydation appliquée avant le
RG ….. Dépôts persistent : AL - Dépôts disparaissent : AA
3. Immunofluorescence :
Sérums anti chaînes légères lambda ou kappa , sérum anti protéine A
4. Immuno histochimie :
Anti sérum anti P et anti autres composants fibrillaires
5. Microscopie électronique : structure fibrillaire , disposition au hasard ,
aspect en feuillet β plissé
12. SYMPTOMATOLOGIE
Atteinte rénale : expression la plus fréquente de l’amylose généralisée
Les lésions histologiques et le manifestations cliniques : identiques quelque
soit le type de l’amylose
Les dépôts touchent tous les composants du néphron mais l’atteinte rénale
est essentiellement glomérulaire .
1. CDD :
1.1 Oèdemes
1.2 Protéinurie
1.3. IRA notamment en post opératoire , associée aux oedèmes et à la
protéinurie
1.4 exceptionnellement Complications du Sd néphrotique
1.5 Signes extra rénaux
2. Terrain :
2.1 Age :30 à 40 ans , AL age > 65 ans
2.2 Sexe : H > F
2.3 Antcds familiaux
13. 3. Signes cliniques :
3.1 Oedèmes : de type rénal, intensité variable .......Anasarque
3.2 Pression artérielle : HTA rare , PA normale ou basse même au
stade d’IRC . Hypotension orthostatique ( diminution des résistances
vasculaires périphériques IIaire à une hyporéactivité vasculaire aux
substances vasoactives )
3.3 Examen des urines à la bandelette urinaire :
Protéinurie sans hématurie +++++
Glycosurie normo glycémique par atteinte tubulaire : 30 %
PH urinaire est parfois alcalin ( acidose tubulaire proximale )
3.4 Signes extra rénaux :
A - En rapport avec l’infiltration d’autres organes : HMG- SMG-
Gros nerfs- Macroglossie – Sd du canal carpien –Ecchymoses cutanées
Troubles RC
B – En rapport avec la maladie amyloidogène :
Dyspnée – Bronchorrhée – Cyanose des extrémités – Polyarthrite
déformante – Raideur rachidienne – Eruption urticarienne ....
14. 4. Signes biologiques :
4.1 Sd urinaire :
● Protéinurie : constante , svt abondante (SN) et non sélective
particularité : abondante même en cas d’IRC avancée
● Sédiment urinaire : normal ; hématurie =0 , Leucocyturie = 0
●
● Ionogramme urinaire : Na/K <1 ( hyperaldo IIaire)
● Signes d’atteinte tubulaire : Acidose tubulaire proximale – glycosurie –
hyposténurie (perte du pouvoir de concentration des urines avec parfois
diabète insipide )
15. 4.2 Dans le sang:
● Fonction rénale : normale puis s’altère progressivement vers l’IRCT
( 45 % de nos malades IRC au moment du diagnostic )
● EPP : Sd néphrotique – hyperα2 glob – hypoγ glob- pic monoclonal si
myélome
● Lipides : Hyperlipidémie ( hyper CT- hyper TG- VLDL –LDL ) mais ↑
modérée vu l’association d’un Isce hépatique associée .
● NFS : Polyglobulie – Thrombocytose
● Troubles de l’hémostase : SN ( hypercoagulabilité ) – déficit en anti T III
– déficit en facteur X
● VS ↑ - CRP ↑ .....
5. Imagerie :
5.1 AUSP : Reins de taille normale – syndesmophytes –lacunes –
tassements vertébraux
5.2 Echographie : Reins de taille normale – explorer les autres organes
5.3 Thorax : pleurésie – séquelles de TBC – DDB
16. DIAGNOSTIC POSITIF
Devant un Sd néphrotique pur sans HTA ni hématurie et devant la taille
normale ou augmentée des reins , le diagnostic d’amylose doit être
évoqué notamment devant le terrain , les signes extra rénaux et
l’existence d’une maladie prédisposante .
Le diagnostic de certitude est histologique
Biopsie des glandes salivaires accessoires
Biopsie de la graisse sous cutanée abdominale
Biopsie rectale
Biopsie de la moelle
Précautions avant la PBR
Surveillance après la PBR
24. EVOLUTION
1. Eléments de surveillance :
Cliniques : Eléments de la pancarte – oedèmes – poids – PA- diurèse
Complications
Biologiques : FR – Pu – Iono sanguin et urinaire – EPP
Autres : ECG
2. Modalités évolutives :
2.1 Favorable :
Rémissions cliniques complètes et durables peuvent se voir après ttt
d’un foyer amylogène avec parfois régression des dépôts .
2.2 Défavorable :
Aggravation progressive .....IRC .....IRCT en qques années
Facteurs d’aggravation :
- corticothérapie
- intervention chirurgicale
- thromboses des veines rénales
- déshydratation aigue
25. 3. Complications :
3.1 En rapport avec le Sd néphrotique :
Toutes les complications du SN peuvent se voir
a - Infectieuses : Broncho-pneumopathies- Inf à germes spécifiques - IU..
b - Thrombo emboliques : Phlébite des MI - Thr veines rénales – EP ....
c - Dénutrition : Troubles trophiques carentiels ( fonte musculaire -
ongles cassants – cheveux secs ......)
d - Crise néphrotique : Urgence abdominochirurgicale – risque d’IRA
e - Complications liées au traitement diurétique : Hypokaliémie – IRA
3.2 Liées à la maladie amyloïde :
a - IRA : Favorisée par l’hypo volémie , la thrombose des VR et surtout
les interventions chirurgicales
Prudence pour les indications chirurgicales
Evoquer le diagnostic d’amylose devant une IRA post opératoire avec
protéinurie abondante
26. b – Complications en rapport avec l’infiltration progressive de tous les
organes cibles :
●Tube digestif : diarrhée
● Foie : cholestase hépatique anictérique
● Coeur : BDC assourdis – bas voltage – ICardiaque – Troubles de
la conduction AV- Mort subite .
L’échographie cardiaque montre un épaississement pariétal et septal
avec un aspect granité et brillant
L’atteinte cardiaque conditionne le pronostic vital
● Vaisseaux : Fragilité capillaire
● Thyroïde : Goitre
● Surrénales : Insuffisance surrénalienne
● Peau : Aspect « sclérodermie like » de la face et des extrémités .
27. FORMES CLINIQUES
1. Formes symptomatiques :
a - Forme sèche : sans oedèmes , en rapport avec une tubulopathie se
manifestant par une glycosurie , une acidose tub prox
b - Forme avec tableau d’anasarque :
c - Forme avec HTA : 10 à 20 % des cas , sa fréquence augmente avec
l’age et l’IRC
d - Forme avec hématurie : exceptionnelle , doit faire rechercher une
thrombose des VR , une infiltration des voies excrétrices ou de la vessie
par des dépôts amyloïdes.
e - Forme avec insuffisance rénale d’emblée : 45 % dans notre série
2. Formes selon le terrain : La forme de l’enfant
Rare , complique la FMF ou une ACJ
C’est la résistance aux corticoïdes du SN qui indique la PBR qui permet
le diagnostic d’amylose
28. 3. Formes étiologiques :
A - Amyloses secondaires ( non immunoglobuliniques) :
Atteinte rénale fréquente : 90 % des cas , révélatrice de l’amylose .
A1 - Infections et Suppurations chroniques :
TBC - DDB - BPCO - Lèpre – Ostéomyélite - SIDA ....
A2 - Maladies inflammatoires chroniques :
PR - SPA - ACJ - Maladie de Still - Rh psoriasique - RCH - Crohn
A3 - Néoplasies : Hodgkin , K Rein , KBP .........
B - Amyloses d’origine immunoglobulinique : de type AL
Atteinte rénale : 1/3 des cas
Siège : muscle lisse – peau – gaines tendineuses – nerfs périph
B1 – Myélome multiple :
6 à 20 % des cas , le plus souvent chaînes légères lambda
Diagnostic du myélome : hyper Ca – Radio- Plasmocytes ≥ 12 %
dystrophiques
Pronostic sombre
29. B2 - Autres dysglobulinémies :
Maladie de Waldenstrom
B3 - Gammapathies monoclonales sans dysglobulinémies
B4 – Maladie de Randall ( dépôts de chaînes lourdes )
4. Formes héréditaires :
A – Maladie périodique : FMF
Autosomique récessive , touche certaines ethnies : turc- juifs sépharades
Crises douloureuses abdominales paroxystiques - Fièvre – Arthralgies –
Eruption cutanée
Amylose AA
Atteinte rénale : 25 – 50 % , apparition précoce vers 20 ans
Colchicine : prévenir les accès douloureux et empêcher l’apparition de
l’amylose dans les familles exposées .
En l’absence de ttt : la maladie évolue vers l’IRC ....... 10 ans IRCT
30. B- Sd de Muckle Wells :
Transmission autosomique dominante
Surdité de perception – Fièvre – Eruption urticarienne – Arthralgies
Adolescence - Amylose AA
C - Amylose héréditaire de type Ostertag :
Transmission autosomique dominante
Atteinte rénale la maladie entre 20 et 50 ans
D- Amylose portugaise :
Transmission autosomique dominante
Amylose à Transthyrétine
Atteinte neurologique prédominante aux MI
Atteinte rénale : 16 à 30 %
E- Amylose Finlandaise :
Atteinte rénale exceptionnelle
31. DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL
1. Devant un Sd néphrotique :
Chez l’enfant : LGM ……………..PBR
Chez l’adulte : PBR obligatoire
2. Histologiquement :
Avant les colorations spécifiques , l’atteinte rénale peut évoquer :
- Une glomérulosclérose diabétique
- Une glomérulosclérose nodulaire : Randall ( mais chaîne légère Kappa)
- GN fibrillaires à dépôts RG négatif
- GNMP nodulaires
Les colorations spécifiques redressent le diagnostic
32. TRAITEMENT
1. Traitement préventif :
Ttt idéal – vaccination anti TBC – ttt adapté et précoce des infections
déclarées –
Colchicine en cas de maladie périodique
2. Traitement symptomatique :
A - SN : RSS – Diurétiques - Anti aldostérone si pas d’IR
Régime hyper protidique – Anticoagulant si alb < 20g/l
B- IRC :
B1 . Hémodialyse :
Fréquence des thromboses des voies d’abord
Hypo TA , parfois collapsus CV
Tr R Cardiaque
Dénutrition
La survie est plus courte que les autres néphropathies ( sauf diabète )
33. B2. Dialyse péritonéale :
Risque d’aggravation de la dénutrition
CI en cas d’entéropathie exsudative , de BPCO avec I Respiratoire ou
de Sd restrictif
B3. Transplantation rénale :
Ne peut être envisagée que si la maladie causale est guérie ou
stabilisée
En cas de FMF , la colchicine prévient la survenue des dépôts sur le
greffon rénal
3. Traitement de la maladie causale :
A – Amylose secondaire :
Traitement radical de la maladie causale surtout quand elle est d’origine
infectieuse …. Rémission clinique et une diminution des dépôts .
Indication chirurgicale : discutée vu le risque d’IR souvent irréversible
B – Amylose du Myélome :
Melphalan – Prednisone ou autres
Greffe de moelle
34. 4. Traitement spécifique :
A - Colchicine :
Traitement des crises et préventif de la survenue des dépôts au cours de
la FMF
Dose = 1 à 2 mg/j
Elle n’a pas d’effet sur l’amylose constituée
Permet en cas d’amylose rénale de prévenir les dépôts dans d’autres
organes
B- DMSO : Diméthyl sulfoxyde
Capable de scinder les fibrilles amyloïdes et de faire régresser les
dépôts expérimentalement
Odeur alliacée insupportable +++++
35. CONCLUSION
Amylose rénale : l’une des localisations les plus expressives et les plus
graves
Tableau de NG avec SN particulier par l’absence d’HTA , d’hématurie et
la persistance d’une protéinurie massive et des reins de taille normale
même au stade avancé de l’IRC
L’atteinte rénale conditionne le pronostic
Le diagnostic est toujours histologique
Les étiologies sont multiples dominées dans notre pays par les amyloses
secondaires ( tuberculose)
Le meilleur ttt est la PREVENTION , le traitement adapté et précoce des
infections , une bonne prise en charge des maladies inflammatoires
(FMF)